Ce chapitre donne tout d’abord un aperçu général des recherches sur l’impact de l’immigration sur le marché du travail dans les dix pays partenaires du projet « L’évaluation de la contribution économique des migrations de travail dans les pays en développement comme pays de destination ». Il décrit certains résultats sur le marché du travail affectant la population née dans le pays. Afin d’analyser les effets des travailleurs nés à l’étranger sur la rémunération des travailleurs autochtones et leurs performances sur le marché du travail, il examine la relation simple entre le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger et le ratio emploi/population des travailleurs autochtones. Il propose ensuite une analyse plus détaillée tenant compte des différences entre les travailleurs sur les plans du niveau d’éducation, de l’expérience professionnelle et de la période. Il examine enfin les implications pour l’action publique et les pistes de recherche pour l’avenir.
Comment les immigrés contribuent à l'économie des pays en développement
Chapitre 4. Impact de l’immigration sur le marché du travail
Abstract
Quelle incidence la présence de travailleurs nés à l’étranger a-t-elle sur les possibilités d’emploi des travailleurs autochtones et leurs performances sur le marché du travail ? Cette question a été et reste le sujet d’intenses débats, tant politiques qu’académiques. Comme vu au Chapitre 3, les performances sur le marché du travail diffèrent entre les travailleurs nés à l’étranger et les autochtones. À l’échelle nationale, les travailleurs nés à l’étranger sont en général plus actifs sur le marché du travail et occupent plus souvent un emploi que ceux nés dans le pays. La prévalence de l’emploi salarié est en outre plus forte parmi les travailleurs nés à l’étranger, bien que souvent dans des professions peu qualifiées.
Il existe une multitude d’études sur les impacts de l’immigration de travail dans les économies à revenu élevé. Les effets qu’elles mettent au jour sur l’emploi et la rémunération des travailleurs nés dans le pays sont tant positifs que négatifs (Borjas, 2003 ; Card, 2001 ; Friedberg et Hunt, 1995 ; Hanson, 2008 ; Kerr et Kerr, 2011). Lorsque que ces effets sont bel et bien présents – qu’ils soient positifs ou négatifs –, ils sont en général limités. On constate toutefois souvent l’inégalité de la distribution des impacts des performances de l’immigration sur le marché du travail entre les travailleurs : ils tendent à être les plus prononcés dans les domaines, professions et secteurs où les travailleurs autochtones et ceux nés à l’étranger présentent les caractéristiques les plus similaires. Bien que relativement rares, les travaux de recherche sur ces impacts dans les pays à revenu faible ou intermédiaire semblent indiquer des effets du même ordre, voire encore plus limités (Böhme et Kups, 2017).
Afin d’examiner l’impact de l’immigration sur les travailleurs locaux dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, ce chapitre combine et compare les résultats des analyses menées pour chacun des dix pays partenaires du projet (l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Costa Rica, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Kirghizistan, le Népal, la République dominicaine, le Rwanda et la Thaïlande). Il tente de déterminer si la présence de travailleurs nés à l’étranger sur le marché du travail a une incidence négative sur les travailleurs nés dans le pays présentant des caractéristiques similaires (voir Becker, 1975 ; Mincer, 1974).
D’après les données de la plupart des dix pays partenaires du projet, les travailleurs nés à l’étranger ont un impact limité sur les performances de la population née dans le pays sur le marché du travail. À l’instar des conclusions des recherches menées dans les économies à revenu élevé, lorsque des effets sont mis au jour, ils sont variés et dépendent fortement du contexte. À l’échelle nationale, la présence de travailleurs nés à l’étranger peut réduire le ratio emploi/population des travailleurs autochtones, mais cet effet reste limité. À l’échelle régionale, les effets tendent à être légèrement plus positifs, ce qui semble indiquer que l’immigration de travail peut être considérablement plus forte ou plus faible dans les régions au sein des pays.
Les femmes nées dans le pays semblent particulièrement affectées par la présence de femmes nées à l’étranger. Ce constat pourrait laisser penser que de nombreuses femmes des dix pays partenaires du projet occupent le même type d’emplois que les travailleuses nées à l’étranger, avec qui elles se trouvent donc en concurrence pour ces emplois.
Enfin, l’impact des travailleurs nés à l’étranger arrivés le plus récemment tend à être bien plus marqué que celui de tous les travailleurs nés à l’étranger considérés dans leur ensemble. Ce constat semble indiquer qu’il existe des effets significatifs à court terme, susceptibles de se dissiper avec le temps, à mesure que ces travailleurs s’intègrent sur le marché du travail.
Écarts de taux d’emploi et de rémunération dans les pays partenaires du projet
L’intégration et les performances des travailleurs sur le marché du travail peuvent différer sensiblement selon qu’ils sont nés dans le pays ou à l’étranger. Dans six des dix pays partenaires du projet, les travailleurs nés à l’étranger présentent des taux de participation à la main-d’œuvre et des ratios emploi/population plus élevés. Toutefois, c’est la tendance inverse qui s’observe en Argentine, au Kirghizistan, au Népal et au Rwanda, comme le montre le Chapitre 3 (Graphique 3.1). Les travailleurs nés à l’étranger tendent en outre à être surreprésentés dans l’emploi salarié par rapport à ceux nés dans le pays.
Les différences de capital humain n’expliquent qu’en partie les écarts de rémunération entre les travailleurs immigrés et ceux nés dans le pays
Les différences de salaire ou de revenu du travail1 entre les travailleurs autochtones et ceux nés à l’étranger varient sensiblement entre les pays2 . Tandis qu’en Afrique du Sud et en Argentine, le salaire moyen des travailleurs nés à l’étranger est inférieur à celui de leurs homologues nés dans le pays, ce constat ne vaut pas pour les autres pays (Graphique 4.1). De fait, au Ghana, au Kirghizistan et au Rwanda, c’est la tendance inverse qui s’observe.
Il est possible que les travailleurs nés à l’étranger soient surreprésentés dans certains groupes professionnels, et que les différences salariales observées reflètent donc les écarts de rémunération moyenne entre les professions. Le contrôle de la profession dans les estimations entraîne en effet une réduction des écarts salariaux dans la plupart des pays, pas suffisante toutefois pour les faire disparaître totalement. Le Costa Rica fait figure d’exception : l’écart salarial de 5 % observé entre les travailleurs nés à l’étranger et ceux nés dans le pays se comble après contrôle de la profession. Ce constat semble indiquer que les écarts salariaux y résultent dans une certaine mesure de différences de répartition professionnelle entre ces deux groupes. Toutefois, en Côte d’Ivoire, au Népal et en République dominicaine, les salaires ne diffèrent pas de façon significative entre les travailleurs autochtones et ceux nés à l’étranger, même sans contrôle de la profession.
Malgré la persistance des écarts salariaux entre les travailleurs nés à l’étranger et ceux nés dans le pays, même après contrôle d’un certain nombre de caractéristiques individuelles, ils tendent à être faibles par rapport aux écarts résultant, par exemple, du niveau d’éducation. Dans la plupart des pays partenaires du projet, les individus ayant un niveau d’éducation secondaire ou tertiaire peuvent voir leur salaire respectivement doubler ou même tripler par rapport à ceux n’ayant pas achevé le primaire.
Les compétences linguistiques apparaissent comme un facteur déterminant de la rémunération. Au Rwanda, un travailleur né à l’étranger qui parle anglais gagne le même salaire moyen qu’un travailleur né dans le pays ayant un niveau de compétence similaire, tandis que, s’il ne parle pas anglais, il gagne significativement moins qu’un travailleur né dans le pays présentant des caractéristiques comparables et ne parlant pas anglais. De même, les compétences en russe pourraient expliquer en partie les écarts salariaux observés au Kirghizistan entre les travailleurs nés à l’étranger et ceux nés dans le pays3 . En revanche, en Argentine, où la plupart des travailleurs nés à l’étranger sont originaires d’autres pays hispanophones, le manque de compétences linguistiques formelles n’a probablement pas une incidence aussi forte sur les écarts salariaux que dans les autres pays.
La persistance des écarts salariaux après contrôle de différentes caractéristiques individuelles et professionnelles pourrait résulter d’autres caractéristiques individuelles non observées ou d’une certaine forme de discrimination. La connaissance des marchés et des débouchés locaux peut différer entre les travailleurs autochtones et ceux nés à l’étranger, avec une incidence sur les écarts salariaux. Les travailleurs nés à l’étranger peuvent percevoir une rémunération inférieure en raison de problèmes de discrimination ou de l’absence de reconnaissance des qualifications étrangères dans leur pays de destination. Enfin, les écarts salariaux peuvent résulter de la disposition des travailleurs nés à l’étranger à accepter des emplois moins bien rémunérés s’ils leur procurent d’autres avantages.
Le niveau d’éducation et l’expérience professionnelle servent d’indicateurs des compétences d’un individu
L’incidence de l’immigration sur l’emploi revêt un intérêt pour les décideurs politiques en raison de ses effets potentiels sur le bien-être de la population résidant dans le pays et sur les systèmes de protection sociale. Par incidence de l’immigration sur l’emploi, on entend la mesure dans laquelle la présence de travailleurs nés à l’étranger sur le marché du travail influe sur la probabilité pour les travailleurs autochtones de trouver un emploi ou de perdre celui qu’ils occupent. On accuse souvent les immigrés de faire baisser les salaires, d’affecter l’emploi local et d’avoir une incidence négative sur la répartition des compétences de la main-d’œuvre locale (tandis que, d’un autre côté, on se félicite que le sous-groupe des immigrés qualifiés stimule l’innovation et la croissance de certains secteurs) (Hanson, 2008). En outre, l’incidence des immigrés sur le marché du travail, notamment sur le taux de chômage, pourrait avoir des effets sur la fiscalité à l’échelle régionale et nationale, en plus de ceux sur les individus (Kerr et Kerr, 2011), aspect pouvant s’avérer particulièrement préoccupant dans les pays en développement.
Sur le plan de la protection sociale dans les pays de destination, l’un des problèmes les plus importants pour les travailleurs nés à l’étranger eux-mêmes est le manque de mécanismes d’inclusion et de portabilité entre les pays. L’impact éventuel des travailleurs nés à l’étranger sur les performances de la population née dans le pays en matière d’emploi risque de fragiliser encore davantage les systèmes déjà faibles de protection sociale des pays en développement. Il est donc essentiel d’étendre l’examen des impacts sur le marché du travail au-delà des seuls effets sur la rémunération.
L’examen de ces impacts s’effectue à l’aide de la méthode des groupes de compétence, qui consiste à répartir la population en âge de travailler d’un pays en différents groupes selon son niveau de compétence (ANNEXE 4.A1). La mesure directe de ces niveaux de compétence n’étant pas possible, la population en âge de travailler de chaque pays est répartie en différents groupes sur la base de 4 niveaux d’éducation et de 8 niveaux d’expérience professionnelle, permettant ainsi la formation d’un total de 32 groupes individuels de compétence (Tableau 4.1). Les résultats sur le marché du travail et le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger dans la population active sont comparés dans chaque groupe de compétence, partant de l’hypothèse qu’au sein d’un même groupe, les travailleurs nés à l’étranger et ceux nés dans le pays présentent des caractéristiques similaires et se trouvent donc principalement en concurrence entre eux sur le marché du travail (et non avec les travailleurs d’un autre groupe de compétence).
Tableau 4.1. Illustration des groupes de compétence à l’échelle nationale
Expérience professionnelle |
Aucune scolarisation ou primaire inachevé |
Primaire, ou secondaire inachevé |
Secondaire |
Tertiaire ou niveau supérieur |
---|---|---|---|---|
0-5 années |
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6-10 années |
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11-15 années |
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16-20 années |
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21-25 années |
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26-30 années |
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31-35 années |
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36-40 années |
Note : La répartition de la population active occupée selon le niveau d’éducation et le nombre d’années d’expérience professionnelle permet l’obtention de 32 groupes distincts de travailleurs au sein desquels le niveau de compétence est relativement homogène, conformément à la théorie du capital humain.
C’est parmi les travailleurs les moins instruits que les performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail varient le plus
Dans l’ensemble, les ratios emploi/population des travailleurs autochtones vont de 36.0 % en Afrique du Sud à 73.6 % en Thaïlande (voir le Graphique 3.1 au Chapitre 3). Les ratios emploi/population sont ici encore ventilés par niveau d’éducation et d’expérience professionnelle afin de donner un aperçu plus nuancé de l’emploi sur l’ensemble du spectre de compétence.
Dans la plupart des pays partenaires du projet, le ratio emploi/population des travailleurs autochtones tend à augmenter avec le niveau d’éducation, tandis qu’il diminue aux extrémités du spectre d’expérience professionnelle. Les travailleurs ayant peu ou au contraire de nombreuses années d’expérience professionnelle occupent en général moins souvent un emploi que ceux se situant au milieu du spectre (Graphique 4.2). Deux raisons peuvent expliquer ce constat : d’une part, les travailleurs qui débutent leur vie professionnelle sont susceptibles de se retrouver cycliquement sans emploi car ils sont à la recherche du travail adéquat ou poursuivent leurs études, en particulier dans les catégories plus instruites ; d’autre part, les travailleurs plus expérimentés peuvent commencer à partir à la retraite, parfois alors qu’ils appartiennent toujours à la population en âge de travailler (en particulier ceux ayant un niveau d’éducation plus élevé).
Parmi les travailleurs ayant un niveau d’éducation tertiaire ou supérieur, les ratios emploi/population tendent à être plus similaires entre les différents niveaux d’expérience professionnelle, alors que la dispersion est bien plus forte aux niveaux inférieurs d’éducation. Cette tendance reflète à la fois la variation des niveaux d’éducation entre les pays et le recours à l’emploi de travailleurs peu qualifiés. En Afrique du Sud et au Costa Rica, le ratio emploi/population des travailleurs ayant un niveau d’éducation inférieur au primaire est particulièrement faible4 .
Les taux de chômage des travailleurs nés dans le pays varient bien plus que les ratios emploi/population entre les pays partenaires du projet, de 1.6 % au Népal à 41.1 % en Afrique du Sud (voir le Graphique 3.3 au Chapitre 3). En Afrique du Sud, la différence de taux de chômage entre les groupes de compétence est particulièrement marquée, avec des taux allant de plus de 80 % pour un travailleur sans instruction ni expérience professionnelle, à environ 4 % pour un travailleur d’âge de forte activité ayant un niveau d’éducation tertiaire. Dans la quasi-totalité des pays partenaires du projet, les taux de chômage varient légèrement en fonction du niveau d’éducation. Ils diminuent toutefois le plus souvent avec le niveau d’expérience professionnelle (Graphique 4.3), comme c’est le cas en Afrique du Sud, au Costa Rica, en Côte d’Ivoire, en République dominicaine et, dans une moindre mesure, en Argentine. Ce constat semble indiquer, en particulier pour les travailleurs ayant un niveau d’éducation secondaire ou inférieur, que les employeurs de ces pays valorisent la formation en cours d’emploi et l’expérience professionnelle. Cette tendance mérite d’être soulignée au vu du possible déclassement des compétences des travailleurs nés à l’étranger par les employeurs qui valorisent moins l’expérience professionnelle de ces travailleurs dans leur pays d’origine que celle dans le pays de destination.
Le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger dans la population active des pays partenaires du projet varie également, à la fois en moyenne et sur le spectre de compétence. Il va de 1.6 % au Ghana à 12.5 % au Costa Rica. C’est parmi les travailleurs ayant un niveau d’éducation inférieur au primaire que les travailleurs nés à l’étranger sont les plus nombreux (Graphique 4.4). Ce constat vaut particulièrement pour le Costa Rica, la Côte d’Ivoire, la République dominicaine et la Thaïlande, tandis qu’au Costa Rica et au Rwanda, le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger ayant un niveau d’éducation tertiaire est également élevé. Dans la quasi-totalité des autres pays, le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger augmente légèrement parmi les travailleurs ayant le plus grand nombre d’années d’expérience professionnelle, tendance qui pourrait refléter la présence relativement importante de cohortes plus âgées de travailleurs nés à l’étranger. Le Costa Rica, la République dominicaine, la Thaïlande et, dans une moindre mesure, le Kirghizistan présentent un pourcentage important de travailleurs nés à l’étranger sans instruction, mais ayant 10 à 30 ans d’expérience professionnelle. Ce constat semble indiquer que dans ces pays, les travailleurs nés à l’étranger sont plus susceptibles de trouver un emploi peu qualifié.
Les travailleurs nés à l’étranger peuvent différer de ceux nés dans le pays par des aspects non observables influant sur la rémunération et d’autres performances sur le marché du travail. Parmi ces aspects, citons le fait d’avoir des compétences mieux rémunérées que les travailleurs locaux, de se trouver confrontés à différents obstacles par manque de compétences linguistiques, d’avoir des certifications ou des compétences non reconnues dans le pays de destination, ou simplement de se montrer plus motivés dans la recherche d’emploi ou sur le lieu de travail (étant donné qu’ils ont déjà fait preuve au départ de suffisamment de motivation pour émigrer) que les travailleurs nés dans le pays ayant des compétences similaires. Les travailleurs nés à l’étranger peuvent en outre avoir d’autres possibilités ou préférences que les travailleurs autochtones dans leur recherche d’emploi, dimension pouvant s’avérer difficile à mesurer avec précision. Il est tout aussi ardu de déterminer dans quelle mesure les facteurs qui influent sur la rémunération et d’autres performances sur le marché du travail des travailleurs nés à l’étranger ont également une incidence sur ceux des travailleurs autochtones. C’est à cette fin que l’on examine ici la relation entre le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger dans un groupe de compétence et un résultat spécifique sur le marché du travail.
Impacts de l’immigration sur le marché du travail
À l’échelle nationale, les effets de l’immigration sur les performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail sont en général limités
La relation entre le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger et le ratio emploi/population des travailleurs nés dans le pays varie sensiblement entre les pays. Toutefois, lorsqu’une corrélation statistiquement significative existe, les différences sont relativement limitées. Au Costa Rica, en République dominicaine et au Rwanda, on observe une relation inverse significative : le ratio emploi/population des travailleurs nés dans le pays diminue avec l’augmentation du pourcentage de travailleurs nés à l’étranger. En Côte d’Ivoire, au contraire, ce ratio augmente avec la présence de travailleurs nés à l’étranger (Graphique 4.5).
Toutefois, après contrôle des différences dans le temps, le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger dans un groupe de compétence explique entre 0.5 % et 17.5 % de la variation des ratios emploi/population des travailleurs autochtones à l’échelle nationale5 . Afin de tenir compte des différences imputables au niveau d’éducation, à l’expérience professionnelle et aux variations dans le temps, des analyses de régression ont été effectuées pour chaque pays, dont les résultats sont présentés aux Tableau 4.2 Tableau 4.4.
Dans nombre des pays partenaires du projet, il ne semble pas exister de relation étroite à l’échelle nationale entre le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger et les performances des travailleurs nés dans le pays sur le marché du travail. Au Costa Rica, au Ghana, en République dominicaine et au Rwanda, l’augmentation du pourcentage de travailleurs nés à l’étranger dans un groupe de compétence est associée à une diminution statistiquement significative du ratio emploi/population des travailleurs autochtones de ce même groupe (Tableau 4.2)6 . Cet effet sur le ratio emploi/population ne s’accompagne d’un recul du taux de chômage de la population née dans le pays qu’en République dominicaine.
Tableau 4.2. À l’échelle nationale, l’impact de l’immigration sur le marché du travail diffère sensiblement entre les pays
Synthèse des résultats à l’échelle nationale des régressions des performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail sur le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger, par pays
Note : Ce tableau indique le signe de la variable « pourcentage d’immigrés » à partir de régressions dans lesquelles la variable dépendante est la performance moyenne des travailleurs nés dans le pays sur le marché du travail pour un groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle à un moment donné. 0 = aucun effet significatif ; + = effet positif significatif ; - = effet négatif significatif.
Source : Calculs des auteurs basés sur les données des recensements de population du Minnesota Population Center (2017) ou des instituts nationaux de la statistique. Voir l’ANNEXE 4.A1.
Au Népal et en Thaïlande, la présence d’un plus grand nombre de travailleurs nés à l’étranger entraîne des changements de répartition quant à la situation dans la profession. Au Népal, face à la présence d’immigrés, les travailleurs nés dans le pays semblent passer de l’emploi rémunéré7 à l’emploi vulnérable8 . Cette tendance pourrait s’expliquer par le départ massif de travailleurs qualifiés nés au Népal, au détriment du niveau global de compétence des travailleurs autochtones restés dans le pays, qui sont en général plus exposés à l’emploi vulnérable, en particulier en présence de travailleurs nés à l’étranger (souvent) plus qualifiés. Ce constat vaut particulièrement pour les secteurs des industries manufacturières et du commerce (OCDE/OIT, à paraître c). C’est la tendance inverse qui s’observe en Thaïlande où, face à la présence d’un plus grand nombre de travailleurs nés à l’étranger, les travailleurs autochtones semblent passer de l’emploi vulnérable à l’emploi rémunéré.
Enfin, les salaires des travailleurs autochtones ne sont significativement plus élevés en présence de travailleurs nés à l’étranger qu’au Rwanda. Deux facteurs peuvent expliquer ce constat : d’une part, les travailleurs nés à l’étranger sont fortement surreprésentés dans les professions non vulnérables très rémunératrices ; d’autre part, probablement sous l’effet d’une orientation stratégique, ils viennent largement compléter les travailleurs nés dans le pays dans ces professions.
L’impact de l’immigration sur les performances des travailleurs nés dans le pays sur le marché du travail varie en fonction de la zone géographique
Des travaux de recherche antérieurs ont montré que les effets de l’immigration à l’échelle régionale peuvent être biaisés, sous l’effet notamment : i) du choix endogène des travailleurs autochtones de se s’établir dans une autre région face à la concurrence potentielle des travailleurs nés à l’étranger ; et ii) de la préférence des immigrés pour des lieux spécifiques (plus dynamiques sur le plan économique) (Hatton, 2014). Ces biais peuvent tous deux entraîner une sous-estimation de l’ampleur de l’effet, entraînant à son tour une sous-estimation de l’impact réel de l’immigration sur les performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail (ANNEXE 4.A1, et Bodvarsson et van den Berg, 2013). Néanmoins, l’importance des différences régionales rend nécessaire l’examen des effets potentiels à l’échelle régionale, en sus de ceux à l’échelle nationale. Ce constat vaut particulièrement pour les pays en développement, où la plupart des travailleurs nés à l’étranger et des emplois décents se concentrent dans une ou quelques agglomérations urbaines.
Les résultats issus de la méthode des groupes de compétence dépendent dans une large mesure des spécifications de l’échantillon et du modèle, comme en atteste le fait que les résultats observés à l’échelle régionale dans les pays partenaires du projet ne se prêtent pas facilement à une interprétation unique (qui concorde en particulier avec les résultats à l’échelle nationale ; voir l’ANNEXE 4.A1). Ainsi, au Rwanda, contrairement aux résultats observés à l’échelle nationale, l’augmentation du pourcentage de travailleurs nés à l’étranger à l’échelle régionale semble faire diminuer le taux de chômage des travailleurs autochtones, mais aussi leur rémunération. L’effet sur la rémunération est sans doute prévisible au vu du fort taux d’urbanisation au Rwanda ces dernières années et de la concentration des travailleurs nés à l’étranger dans quelques centres urbains. D’un autre côté, au Kirghizistan et au Népal, un nombre important de travailleurs autochtones font le choix de l’émigration et les travailleurs nés à l’étranger semblent bien occuper les postes ainsi laissés vacants9 .
Toutefois, au Kirghizistan, au Népal et en Thaïlande, les résultats régionaux semblent mettre au jour un impact global positif des travailleurs nés à l’étranger sur le ratio emploi/population des travailleurs autochtones. Au Népal, ce constat s’accompagne d’une hausse de l’emploi rémunéré et d’un recul de l’emploi vulnérable parmi les travailleurs autochtones. En Thaïlande, en revanche, l’effet sur l’emploi rémunéré disparaît après inclusion des régions, ce qui semble indiquer que l’emploi rémunéré varie entre les régions, mais ne diffère pas au sein de celles-ci entre les travailleurs autochtones et ceux nés à l’étranger.
Il existe par ailleurs des cas où la ventilation des effets par région met au jour des tendances négatives. En Afrique du Sud, l’impact sur l’emploi à l’échelle régionale devient ainsi significatif et négatif, ce qui semble indiquer que dans certaines régions, la présence de travailleurs nés à l’étranger va bel et bien de pair avec la diminution du taux d’emploi de la population née dans le pays, malgré l’absence d’un effet de ce type à l’échelle nationale. Les régions frontalières avec les pays voisins sont probablement plus fortement affectées par la présence de migrants que celles plus éloignées de la frontière. En Argentine et au Ghana, l’augmentation du pourcentage d’immigrés par région est associée à la hausse de la rémunération des travailleurs nés dans le pays, tandis que c’est la tendance inverse qui s’observe au Costa Rica. En Argentine et au Ghana, la plupart des migrants se concentrent dans les centres économiques et urbains du pays, où leur présence peut venir compléter celle des travailleurs nés dans le pays, entraînant ainsi une hausse de la rémunération de ces derniers, tandis qu’au Costa Rica, nombre d’immigrés sont susceptibles de se substituer aux travailleurs nés dans le pays pour les récoltes saisonnières le long de la frontière nord du pays (OCDE/OIT, à paraître a, b et c).
Lorsqu’ils existent, les effets régionaux sont en général légèrement moins négatifs que ceux observés à l’échelle nationale (Tableau 4.3)10 , résultat concordant avec d’autres études basées sur des analyses régionales (Borjas, Freeman et Katz, 1996). Toutefois, dans nombre de pays partenaires du projet, les travailleurs autochtones peuvent être moins susceptibles de s’établir ailleurs face à la présence de travailleurs nés à l’étranger que dans la plupart des pays développés (Fields, 2010). Au vu du nombre généralement limité de centres économiques dans les pays en développement, il est aussi possible que les travailleurs nés dans le pays n’aient gère le choix quant au lieu où trouver les emplois les plus stables et productifs. Toutefois, en l’absence d’une variable instrumentale solide pour tester la validité de cette hypothèse, la prudence est de mise lors de l’interprétation des résultats à l’échelle régionale.
Tableau 4.3. À l’échelle régionale, l’impact de l’immigration sur le marché du travail diffère sensiblement entre les pays
Synthèse des résultats à l’échelle régionale des régressions des performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail sur le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger, par pays
Note : Ce tableau indique le signe de la variable « pourcentage d’immigrés » à partir de régressions dans lesquelles la variable dépendante est la performance moyenne des travailleurs nés dans le pays sur le marché du travail pour un groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle à un moment donné. 0 = aucun effet significatif ; + = effet positif significatif ; - = effet négatif significatif. Pour la Côte d’Ivoire, les régressions n’ont pu être effectuées à l’échelle régionale.
Source : Calculs des auteurs basés sur les données des recensements de population du Minnesota Population Center (2017) ou des instituts nationaux de la statistique. Voir l’ANNEXE 4.A1.
L’impact des travailleurs nés à l’étranger varie en fonction du sexe et du moment de l’arrivée dans le pays de destination
Si les différences géographiques peuvent expliquer une partie des effets de l’immigration sur le marché du travail mis au jour par la méthode des groupes de compétence, les effets peuvent néanmoins aussi évoluer avec le temps. La méthode des groupes de compétence tient compte des évolutions dans le temps, mais ne permet pas de différencier clairement les effets à court terme de ceux à long terme, pas plus que de distinguer certaines réactions plus diverses du marché du travail face à une évolution du pourcentage de travailleurs nés à l’étranger, telles que le retrait temporaire des travailleurs autochtones du marché du travail pour y revenir ultérieurement ou l’intégration des travailleurs nés à l’étranger dans les communautés et les marchés du travail locaux, qui ne disparaîtront des données que progressivement, avec le temps.
Pour différencier les impacts à court terme sur le marché du travail de ceux à long terme, une méthode simple consiste à examiner les effets des travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment en tant que groupe distinct des autres travailleurs nés à l’étranger. D’après des études menées aux États-Unis et au sein de l’Union européenne, l’augmentation du temps passé par les immigrés dans leur pays de destination s’accompagne de la réduction de leur écart salarial et de l’amélioration de leur intégration sur le marché du travail (pour une analyse des revenus des immigrés et de leur assimilation sur le marché du travail, consulter Kerr et Kerr, 2011 ; pour un examen du rôle des compétences dans la langue locale dans l’intégration sur le marché du travail, consulter Dustmann et van Soest, 2002, et Chiswick et Miller, 2002).
Outre leur incidence sur les travailleurs autochtones du même groupe de compétence, les travailleurs nés à l’étranger peuvent aussi accroître l’offre de travail pour ceux des autres groupes de compétence. C’est notamment le cas lorsque des employés autochtones embauchent des travailleurs nés à l’étranger pour effectuer des tâches dont ils s’acquittaient auparavant eux-mêmes, telles que nombre de tâches domestiques et de garde d’enfants. Des chercheurs ont par exemple constaté une plus forte participation des femmes au marché du travail en présence de travailleurs nés à l’étranger peu qualifiés (Barone et Mocetti, 2011).
La réalisation de régressions distinctes pour les hommes et les femmes pourrait donc mettre au jour des effets plus positifs sur le ratio emploi/population des femmes nées dans le pays que sur ceux des hommes nés dans le pays. C’est toutefois la tendance inverse qui se dégage largement des résultats (voir le Tableau 4.A3.4 à l’ANNEXE 4.A3). La présence de femmes nées à l’étranger tend à faire diminuer le taux d’emploi des femmes nées dans le pays ayant un niveau de compétence similaire, constat qui ne vaut en revanche pas parmi les hommes (voir le Tableau 4.A3.4 à l’ANNEXE 4.A3). Cette tendance pourrait tenir au fait que les femmes sont surreprésentées dans les emplois de piètre qualité et/ou temporaires, et se trouvent donc plus souvent en concurrence avec les travailleurs nés à l’étranger peu qualifiés. L’Afrique du Sud, le Costa Rica et le Népal font toutefois figures d’exception. En Afrique du Sud, la rémunération des femmes nées dans le pays est considérablement plus élevée avec la présence de femmes nées à l’étranger. Au Costa Rica, le taux de chômage des hommes autochtones augmente avec la présence d’hommes nés à l’étranger. Et enfin, au Népal, la participation des femmes nées dans le pays à l’emploi rémunéré s’accroît avec la présence de femmes nées à l’étranger.
L’étude pays consacrée à l’Argentine examine plus avant la question de l’emploi des femmes. Elle montre en particulier que les femmes peu qualifiées nées dans le pays trouvent plus de possibilités d’emploi en présence d’un plus grand nombre de femmes nées à l’étranger originaires de pays présentant une forte concentration d’actives occupées dans les professions liées au secteur des soins. Ce constat semble indiquer que les femmes nées à l’étranger qui travaillent dans le secteur des soins donnent aux femmes argentines la possibilité de rechercher de meilleures opportunités d’emploi (OCDE/OIT, à paraître a).
Dans la plupart des pays partenaires du projet, les travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment sont plus susceptibles d’être actifs sur le marché du travail. L’âge moyen des travailleurs nés à l’étranger arrivés dans leur pays de destination au cours des dix dernières années est inférieur à celui de tous les travailleurs nés à l’étranger économiquement actifs considérés dans leur ensemble. L’impact de ces travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment sur les performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail (Tableau 4.4) est en général plus marqué que celui de tous les travailleurs nés à l’étranger considérés dans leur ensemble.
Une augmentation du pourcentage de travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment est associée à une diminution significative du ratio emploi/population au Népal et au Rwanda. Au Rwanda, cet effet négatif sur l’emploi s’accompagne d’une hausse du chômage. Plus précisément, une augmentation du pourcentage de travailleurs nés à l’étranger arrivés plus récemment entraîne parmi les travailleurs nés au Rwanda non seulement la baisse du nombre de ceux qui trouvent un emploi, mais aussi la hausse du pourcentage des sans-emploi.
Tableau 4.4. L’impact des travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment tend à être légèrement plus marqué que celui de tous les travailleurs nés à l’étranger considérés dans leur ensemble
Synthèse des résultats des régressions des performances sur le marché du travail des travailleurs résidents sur le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment, par pays
Note : Ce tableau indique le signe de la variable « pourcentage d’immigrés » à partir de régressions dans lesquelles la variable dépendante est le résultat moyen des travailleurs autochtones sur le marché du travail pour un groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle à un moment donné. 0 = aucun effet significatif ; + = effet positif significatif ; - = effet négatif significatif. Pour la Côte d’Ivoire, les régressions n’ont pu être réalisées à l’échelle régionale.
Source : Calculs des auteurs basés sur les données des recensements de population du Minnesota Population Center (2017) ou des instituts nationaux de la statistique. Voir l’ANNEXE 4.A1.
En raison de leur relative inexpérience et de leur manque d’intégration sur le marché du travail, les immigrés arrivés récemment peuvent, par rapport aux travailleurs autochtones et aux travailleurs nés à l’étranger mieux établis, être plus susceptibles de trouver des emplois aux conditions de travail peu favorables jusqu’à ce que leurs compétences s’améliorent. En Afrique du Sud, où aucun effet n’est observé à l’échelle nationale lorsque l’analyse porte sur tous les travailleurs nés à l’étranger considérés dans leur ensemble, un tout autre tableau se fait jour quand elle se concentre uniquement sur les immigrés arrivés le plus récemment. La présence de ces travailleurs entraîne non seulement une hausse de l’emploi et une baisse du chômage, mais aussi une réduction de l’emploi vulnérable et une augmentation de la rémunération des travailleurs autochtones. De même, en Thaïlande, l’effet des travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment sur le taux d’emploi rémunéré des travailleurs autochtones est bien plus prononcé que celui de tous les travailleurs nés à l’étranger considérés dans leur ensemble. Au Ghana, les travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment font baisser le taux d’emploi rémunéré parmi les travailleurs autochtones.
Au Népal et au Rwanda, les travailleurs nés à l’étranger ont en général un niveau d’éducation relativement élevé, en particulier ceux arrivés le plus récemment, tendance qui semble indiquer qu’ils pourraient en effet mieux réussir que les travailleurs autochtones. D’importants changements de répartition semblent en outre s’opérer sur le plan de la situation dans la profession en présence d’immigrés arrivés plus récemment. Ce constat montre encore une fois que les effets les plus importants de l’arrivée de travailleurs nés à l’étranger sur le marché du travail sont davantage susceptibles de concerner la situation dans la profession et la qualité de l’emploi que son nombre dans les pays de destination.
Dans l’ensemble, ces résultats semblent indiquer que, en particulier sur une période de dix ans, l’impact des travailleurs nés à l’étranger sur le marché du travail diminuera avec le temps. Par conséquent, l’intégration des immigrés et leurs effets sur la croissance à long terme, comme examiné au Chapitre 5, pourraient facilement éclipser les impacts à court terme sur l’emploi et la rémunération décrits ici. Le chapitre suivant examinera plus en détail les impacts économiques de l’immigration dans une perspective plus large, notamment certains effets dynamiques.
Conclusions et implications pour l’action publique
Domaine de recherche en pleine évolution, l’impact économique de l’immigration revêt un intérêt tout particulier dans le cadre du choix des orientations stratégiques. Les études empiriques existantes sur les impacts de l’immigration dans les pays en développement sont rares et peuvent s’avérer difficiles à mettre en œuvre dans un cadre transnational, compte tenu du manque de données comparables suffisamment détaillées et représentatives à l’échelle nationale (Ratha et Shaw, 2007). Le présent rapport constitue l’une des premières tentatives de comprendre ces impacts dans les pays en développement dans une perspective comparative. La prudence est de mise lors de l’examen des conclusions et des implications pour l’action publique tirées des résultats de ce chapitre, l’adéquation des réponses politiques dépendant fortement des contextes locaux et des circonstances.
Les impacts de l’immigration sur les performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail sont variés et largement liés au contexte. Lorsqu’ils existent, les effets sur l’emploi à l’échelle nationale sont négatifs : dans les pays concernés, l’augmentation du pourcentage de travailleurs nés à l’étranger s’accompagne de la diminution du taux d’emploi de la population née dans le pays. Ces effets ne sont toutefois pas universels et ne sont en outre pas nécessairement défavorables lorsqu’on les considère dans le contexte d’autres impacts, tout comme un impact positif n’est pas toujours exclusivement favorable. Ainsi, au Rwanda, l’impact négatif de l’immigration sur le ratio emploi/population des travailleurs nés dans le pays résulte probablement des politiques relatives aux migrations de travail et de la planification du développement à long terme. Ce constat semble indiquer que ce n’est pas le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger qui entraîne la baisse du taux d’emploi des travailleurs autochtones, mais plutôt l’inverse. Les politiques et planifications ont été conçues de manière à attirer des travailleurs nés à l’étranger très qualifiés dans des secteurs et des emplois manquant de travailleurs autochtones suffisamment qualifiés. À l’inverse, en Thaïlande, l’impact statistiquement positif de l’immigration sur le taux d’emploi rémunéré pourrait refléter les conditions de travail relativement défavorables des travailleurs nés à l’étranger, qui donnent aux travailleurs autochtones la possibilité de trouver de meilleurs emplois (rémunérés).
À l’exception de l’Afrique du Sud, les impacts de l’immigration sur le marché du travail sont moins négatifs, et lorsqu’ils existent, légèrement plus positifs dans l’analyse à l’échelle régionale que dans celle à l’échelle nationale. Les études régionales risquent toutefois de produire des effets biaisés en raison de la possible réinstallation des travailleurs autochtones dans une autre région que la leur (ANNEXE 4.A1). La divergence des résultats peut résulter des différences potentiellement marquées de répartition géographique des travailleurs nés à l’étranger et du développement économique au sein de nombreux pays en développement. La méthode des groupes de compétence part en effet de l’hypothèse que le marché du travail opère à l’échelle nationale et que les travailleurs sont parfaitement mobiles au sein d’un pays.
Les impacts de l’immigration peuvent de fait être bénéfiques aux performances des travailleurs nés dans le pays sur le marché du travail dans les régions où le pourcentage d’immigrés économiquement actifs est plus important. Dans les pays où la plus grande part de l’activité productive se concentre dans un seul ou quelques grands centres urbains, et où le niveau de pauvreté limite la mobilité interne, il se peut que les travailleurs autochtones n’aient guère la possibilité de s’établir ailleurs face à la présence d’un nombre croissant de travailleurs nés à l’étranger11 . Les résultats régionaux présentés ici sont donc probablement moins sensibles au biais méthodologique dont pâtissent les résultats relatifs aux pays plus industrialisés.
Le temps passé dans le pays d’accueil peut influer sur la façon dont les immigrés s’intègrent sur le marché du travail. Les personnes arrivées avec les vagues antérieures d’immigration peuvent être mieux intégrées que celles venues plus tardivement, grâce à l’amélioration de leurs compétences linguistiques ou d’autres compétences spécifiques au marché du travail local. Compte tenu de cette possible intégration avec le temps, il est probable que les travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment auront un impact différent sur le marché du travail par rapport à tous les travailleurs nés à l’étranger considérés dans leur ensemble.
L’analyse plus spécifique des travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment (voir le Tableau 4.3) tente ainsi d’estimer les impacts à plus court terme de l’immigration sur le marché du travail. Cette approche n’entend en aucun cas se substituer à un modèle incluant des effets plus dynamiques, tels que l’ajustement des salaires et/ou les comportements d’investissement à long terme. Toutefois, les travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment tendent à avoir des impacts plus marqués sur le marché du travail que ceux établis depuis plus longtemps dans le pays d’accueil, constat qui semble indiquer que les politiques relatives aux migrations de travail devraient encourager l’intégration sur le marché du travail, en particulier parmi les immigrés arrivés le plus récemment.
À l’avenir, les travaux de recherche doivent explorer des indicateurs plus explicites de la qualité de l’emploi, axe d’étude particulièrement pertinent au vu de la relative homogénéité des indicateurs du marché du travail sur tout le spectre national de niveaux d’éducation et d’expérience professionnelle, tels qu’un taux de chômage faible et uniforme. Ces indicateurs devraient inclure les changements de situation dans la profession et d’autres formes atypiques d’emploi. Comme exposé au Chapitre 3, les indicateurs du marché du travail existants peuvent ne pas suffire pour identifier les dimensions de vulnérabilité spécifiques auxquelles sont exposés les travailleurs nés à l’étranger. Par conséquent, ces mêmes indicateurs peuvent aussi ne pas fournir la variation de données nécessaire pour isoler les impacts potentiels de l’immigration sur le marché du travail. L’amélioration de la fiabilité des évaluations d’impact passe par la réalisation de collectes de données plus détaillées et régulières.
La prise en compte simultanée des effets potentiels de l’émigration pourrait en outre s’avérer utile pour les futurs travaux de recherche sur les impacts de l’immigration dans les pays en développement. Au Kirghizistan et au Népal, les taux d’émigration sont ainsi suffisamment importants pour avoir des répercussions considérables sur les travailleurs restés dans ces pays. Dans les cas de ce type, il est essentiel d’examiner les liens entre d’un côté, les flux d’émigration et de l’autre, les flux d’immigration et les performances sur le marché du travail des travailleurs nés et restés dans le pays. Les recherches pourraient notamment s’attacher à déterminer si les immigrés tendent à se tourner vers les professions et secteurs délaissés par les travailleurs partis du pays, ou s’ils occupent des emplois totalement différents.
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ANNEXE 4.A1. Estimer l’impact de l’immigration de travail : Méthodes conventionnelles et données empiriques
Bien qu’ils fassent l’objet d’une multitude d’études, les effets de l’immigration sur l’économie des pays de destination restent souvent mal compris. Les effets supposés sur la base de modèles de marché du travail traditionnels s’avèrent difficiles à isoler dans le cadre d’analyses empiriques. Par conséquent, toute une littérature empirique, aussi abondante que variée, s’est proposée d’expliquer et d’estimer les impacts des migrations, principalement dans les pays à revenu élevé. Cette annexe examine quelques-unes des méthodes les plus prisées et influentes, dans la droite ligne de Bodvarsson et van den Berg (2013).
L’une des méthodes les plus couramment utilisées est celle de la corrélation spatiale. Elle consiste à lier le pourcentage d’immigrés dans la population d’une zone géographique (région ou ville) aux résultats des individus nés dans le pays sur les plans de l’emploi et de la rémunération (voir par exemple Altonji et Card, 1991 ; Pischke et Velling, 1997). Les effets mis au jour à l’aide de cette méthode sont en général négligeables ou non significatifs. Steinhardt (2009) a émis l’hypothèse et Borjas (2006) démontré que cette approche ne tient pas suffisamment compte de différents problèmes d’endogénéité afférents aux processus d’ajustement du marché du travail et aux décisions des travailleurs autochtones concernant leur lieu d’installation ou de réinstallation. En fonction du niveau de mobilité interne prévalant dans un pays, la détection des effets de l’immigration peut donc s’avérer plus aisée à l’échelle nationale qu’à l’échelle régionale.
Parmi les méthodes examinant les effets à l’échelle nationale, citons celle de la fonction de production. On définit ici une fonction de production dans laquelle les travailleurs nés à l’étranger et ceux nés dans le pays constituent deux facteurs de production distincts. Des coefficients estimés sont utilisés pour calculer l’élasticité des prix des facteurs des travailleurs autochtones par rapport à ceux nés à l’étranger (voir par exemple Grossman, 1982). Avec cette méthode, les effets sur les performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail sont parfois positifs, mais presque toujours tout au plus modestes. Cette méthode tend à montrer que la substituabilité entre les travailleurs nés à l’étranger et ceux nés dans le pays est faible, probablement en raison des différences de compétences (Bodvarsson et van den Berg, 2013). Les différences de compétences et de rendement de ces dernières entre les travailleurs sont nécessaires pour estimer les élasticités de substitution et les effets directs de l’immigration sur les performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail.
La prise en compte de ces différences de compétence et des variations locales a amené les chercheurs à une troisième méthode couramment utilisée, connue sous le nom de méthode des groupes de compétence. Dans cette dernière, les travailleurs présentant un niveau comparable de compétence sont regroupés dans des groupes définis sur la base de deux dimensions : leur niveau d’éducation et leur niveau d’expérience professionnelle. Comme noté par Borjas (2003), il s’agit là de deux dimensions mises en avant dans la théorie du capital humain (Becker, 1975 ; Mincer, 1974). L’affectation d’un individu dans un groupe de compétence ne pouvant pas changer facilement, l’endogénéité de la réinstallation dans un autre lieu des travailleurs nés dans le pays n’est pas présente ici, permettant une évaluation moins biaisée de l’impact de l’immigration. Cette méthode se fonde sur trois hypothèses sous-jacentes : le marché du travail opère à l’échelle nationale ; les travailleurs sont parfaitement mobiles au sein du pays ; et les travailleurs nés à l’étranger et ceux nés dans le pays n’entrent en concurrence qu’avec ceux du même groupe de compétence.
De nombreux chercheurs considèrent la méthode des groupes de compétence comme l’une des plus fiables pour l’examen empirique des effets de l’immigration sur les marchés du travail. Borjas (2003) fut le premier à l’utiliser à partir de données de recensements des États-Unis, mettant ainsi au jour un effet négatif significatif sur les revenus et le temps de travail des hommes nés dans le pays. Il montre également qu’une augmentation de 10 % du pourcentage d’immigrés entraîne une baisse des revenus hebdomadaires et du temps de travail des travailleurs nés dans le pays de respectivement 4.0 % et 3.7 %.
Un certain nombre de biais, pour certains reconnus ouvertement, restent problématiques. Le « déclassement » des immigrés à leur arrivée peut ainsi entraîner des erreurs de mesure de leur niveau d’éducation ou d’expérience professionnelle, ou des deux (Dustmann, Schönberg et Stuhler, 2016). En outre, la substituabilité des travailleurs doit être parfaite au sein de chaque groupe, hypothèse qui peut être testée en calculant les élasticités intra-groupe.
Ottaviano et Peri (2012) montrent, à partir des mêmes données que Borjas, que les travailleurs nés à l’étranger et ceux nés dans le pays ne peuvent pas se substituer parfaitement les uns aux autres, même au sein d’un même groupe de compétence. Ils concluent que l’immigration a un impact positif sur la rémunération des travailleurs autochtones, en particulier parmi ceux ayant au moins un niveau d’éducation secondaire. Ce constat semble indiquer que les modèles posant l’hypothèse d’une parfaite substituabilité au sein des groupes de compétence tendent à surestimer les effets négatifs (ou à sous-estimer les effets positifs) de l’immigration sur les performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail.
Enfin, aucune de ces méthodes ne distingue les impacts à court terme de ceux à long terme, avec l’ajustement des marchés dans le temps. Par ailleurs, elles ne tiennent pas compte, ou uniquement de manière implicite, d’autres réactions à l’immigration également susceptibles d’avoir une incidence sur les performances des travailleurs nés dans le pays sur le marché du travail. Parmi ces dernières, citons le changement de la demande de main-d’œuvre, l’ajustement des investissements, le changement des technologies de production, ou la réaction des travailleurs nés dans le pays face à l’offre de travail. Malgré ces lacunes, la méthode des groupes de compétence reste la plus prisée pour l’étude des impacts de l’immigration, en raison de sa résistance aux biais résultant des changements dans les migrations régionales des travailleurs nés dans le pays.
Comme dans toute analyse de régression, les estimations basées sur la méthode des groupes de compétence montrent la corrélation, ou l’intensité de l’association linéaire, entre deux variables. En d’autres termes, la hausse ou la baisse de l’une entraîne la hausse ou la baisse de l’autre. La méthode des groupes de compétence n’examine toutefois pas la source, ou la cause, de cette association. Il est rare de pouvoir établir des inférences causales à partir de simples approches observationnelles comme celles employées dans ce chapitre ; sa lecture doit donc se faire en gardant cette réserve à l’esprit.
Tel qu’il est utilisé dans la méthode des groupes de compétence et dans ce chapitre, le terme « impact » se réfère à la corrélation entre la concentration de travailleurs nés à l’étranger économiquement actifs et un résultat des travailleurs autochtones sur le marché du travail, dans chacun des groupes de compétence. Ce terme n’implique pas l’existence par définition d’un lien de causalité entre ces deux variables.
ANNEXE 4.A2. Méthodologie et données
Le présent chapitre utilise la méthode dite des « groupes de compétence » pour examiner l’impact de l’immigration sur les performances des travailleurs nés dans le pays sur le marché du travail, comme décrit à l’ANNEXE 4.A1. L’estimation du niveau de compétence s’effectue en répartissant la population en âge de travailler de chaque pays en différents groupes, définis sur la base de quatre niveaux d’éducation et de huit niveaux d’expérience professionnelle, deux dimensions identifiées depuis longtemps comme indicatrices du niveau de compétence dans le théorie du capital humain (Becker, 1975 ; Mincer, 1974). Les différents niveaux d’éducation retenus sont : aucune scolarisation ou primaire inachevé ; primaire, ou secondaire inachevé ; secondaire ; et tertiaire ou niveau supérieur.
L’expérience professionnelle est quant à elle estimée en déduisant l’âge escompté du travailleur à la fin de ses études de son âge actuel. Les âges escomptés sont les suivants : 15 ans pour un niveau d’éducation inférieur au primaire ; 17 ans pour un niveau d’éducation primaire ; 21 ans pour un niveau d’éducation secondaire ; et 23 ans pour un niveau d’éducation tertiaire. L’expérience professionnelle est quant à elle divisée en huit intervalles de 5 ans, avec un niveau maximum fixé à 40 années (voir le Graphique 4.2).
L’échantillon est limité aux individus âgés de 15 à 64 ans qui participent activement au marché du travail (en d’autres termes, les actifs occupés ou les chômeurs). Les hommes et les femmes nés dans le pays sont inclus séparément dans un échantillon groupé. L’expérience professionnelle des femmes est diminuée de 4 années, sachant qu’elle est plus susceptible d’être affectée par des périodes de possible retrait du marché du travail pour s’occuper des enfants ou d’autres tâches domestiques (voir par exemple Blau et Kahn, 2013)12 .
On utilise la variation du pourcentage de travailleurs nés à l’étranger entre les groupes de compétence pour évaluer l’impact de l’immigration sur différents résultats sur le marché du travail, notamment le ratio emploi/population, les taux de chômage, d’emploi rémunéré et d’emploi vulnérable, et le logarithme naturel du salaire réel des travailleurs nés dans le pays.
Après contrôle des interactions entre les niveaux d’éducation et d’expérience professionnelle, et de l’évolution de ces variables dans le temps, l’équation principale à estimer devient :
(1)
où Yijt est le résultat sur le marché du travail d’un travailleur né dans le pays ayant un niveau d’éducation i (i = 1…4) et un niveau d’expérience professionnelle j (j = 1…8) dans l’année t. En outre :
(2)
où Mijt est le nombre de travailleurs nés à l’étranger ayant le niveau d’éducation i et le niveau d’expérience professionnelle j au moment t et Nijt est le nombre de travailleurs nés dans le pays ayant le niveau d’éducation i et le niveau d’expérience professionnelle j au moment t. Les autres variables explicatives sont un ensemble d’effets fixes qui visent à tenir compte du niveau d’éducation (ei), de l’expérience professionnelle (wj), de la période (ct) et de leurs interactions par paires.
Contrairement à des travaux de recherche antérieurs (voir Borjas, 2003 ; Facchini, Mayda et Mendola, 2013), les données incluent à la fois les hommes et les femmes. D’après Borjas (2003), dans le cas des États-Unis, le niveau d’expérience professionnelle ne peut pas être estimé correctement à la fois pour les hommes et les femmes en raison du taux plus faible de participation des femmes à la main-d’œuvre, en particulier dans les cohortes plus âgées. Si aux États-Unis, les différences de taux masculins et féminins de participation à la main-d’œuvre entre 1960 et 2000 sont susceptibles d’avoir une forte composante culturelle, il n’existe aucune raison manifeste pour qu’il en soit ainsi dans les pays partenaires du projet.
L’analyse peut en outre être ajustée pour tenir compte de la répartition régionale des travailleurs nés à l’étranger, en plus de leur répartition en fonction des compétences (voir Facchini, Mayda et Mendola, 2013). L’équation à estimer devient :
(3)
où d est un effet fixe permettant de tenir compte des divisions régionales au sein d’un pays (provinces, districts, etc.) k (k = 1…K). Les interactions par paires avec d’autres effets fixes sont également incluses.
Les données sont agrégées au niveau des groupes individuels de compétence par année, et les régressions sont pondérées par la taille de la population économiquement active par groupe compétence*année. L’analyse est alors répétée en limitant la population « immigrée » aux seuls travailleurs nés à l’étranger résidant dans la région depuis moins de dix ans.
Les données de recensements de population et d’enquêtes sur la population active utilisées dans le cadre de cette analyse proviennent du Minnesota Population Center (2017) ou des études pays. Pour la Thaïlande, les données sur la population active se basent uniquement sur les actifs occupés.
ANNEXE 4.A3. Résultats des régressions
Tableau 4.A3.1. Coefficients des régressions des performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail sur le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger par pays, à l’échelle nationale
Résultats sur le marché du travail |
Argentine |
Costa Rica |
Côte d’Ivoire |
République dominicaine |
Ghana |
Kirghizistan |
Népal |
Rwanda |
Afrique du Sud |
Thaïlande |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
(1) Ratio emploi/population des travailleurs nés dans le pays |
-0.442 |
-0.676 |
-1.597 |
1.828 |
0.440 |
0.424 |
||||
(0.984) |
(0.062) |
(0.415) |
(0.011) |
(0.836) |
(1.327) |
(1.103) |
(0.203) |
(0.469) |
(0.592) |
|
(2) Taux de chômage des travailleurs nés dans le pays |
-0.717 |
-0.024 |
0.335 |
0.141 |
0.0933 |
-0.262 |
-0.006 |
-0.257 |
||
(0.921) |
(0.043) |
(0.301) |
(0.068) |
(0.163) |
(1.044) |
(0.325) |
(0.138) |
(0.295) |
||
(3) Taux de d’emploi rémunéré des travailleurs nés dans le pays |
0.016 |
0.165 |
-0.092 |
-0.301 |
||||||
(0.641) |
(1.526) |
(0.547) |
(0.191) |
(0.280) |
(0.234) |
|||||
(4) Taux d’emploi vulnérable des travailleurs nés dans le pays |
0.036 |
0.132 |
0.172 |
0.310 |
-0.128 |
-0.082 |
||||
(0.085) |
(0.137) |
(0.571) |
(1.669) |
(0.611) |
(0.259) |
(0.400) |
(0.276) |
|||
(5) Salaire des travailleurs nés dans le pays |
-0.619 |
-0.165 |
84,371 |
0.170 |
1.533 |
-3.039 |
2.055 |
|||
(0.877) |
(0.181) |
(171,639) |
(0.221) |
(3.142) |
(1.968) |
(1.178) |
(1.604) |
|||
Observations |
96 |
604 |
55 |
637 |
128 |
224 |
96 |
191 |
96 |
96 |
Notes : Ce tableau indique le coefficient de la variable « pourcentage de travailleurs nés à l’étranger » à partir de régressions dans lesquelles la variable dépendante est le résultat moyen des travailleurs autochtones sur le marché du travail dans un groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle à un moment spécifique dans le temps. Les astérisques indiquent les seuils de signification statistique (*** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1). Les erreurs-types robustes sont signalées entre parenthèses. Toutes les régressions se basent sur les 32 mêmes observations par année et sont pondérées par la taille de l’échantillon du groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle*année, sauf en Côte d’Ivoire où les données sont limitées à des intervalles d’expérience de dix ans. Tous les modèles de régression incluent des effets fixes pour le niveau d’éducation, l’expérience professionnelle et la période. Elles incluent en outre les interactions entre les effets fixes : du niveau d’éducation et de l’expérience professionnelle ; du niveau d’éducation et de la période ; et de l’expérience professionnelle et de la période. Les régressions des salaires sont effectuées à l’aide du logarithme naturel du salaire moyen par groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle, sauf pour la Côte d’Ivoire où c’est le salaire absolu qui est utilisé.
Source : Calculs des auteurs basés sur les données des recensements de population et des enquêtes auprès des ménages du Minnesota Population Center (2017) ou des instituts nationaux de la statistique.
Tableau 4.A3.2. Coefficients des régressions des performances des travailleurs autochtones sur le marché du travail sur le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger par pays, à l’échelle régionale
Résultats sur le marché du travail |
Argentine |
Costa Rica |
République dominicaine |
Ghana |
Kirghizistan |
Népal |
Rwanda |
Afrique du Sud |
Thaïlande |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
(1) Ratio emploi/population parmi les travailleurs nés dans le pays |
-0.0525 |
-0.050 |
-0.057 |
||||||
(0.133) |
(0.031) |
(0.025) |
(0.525) |
(0.0845) |
(0.528) |
(0.138) |
(0.080) |
(0.161) |
|
(2) Taux de chômage des travailleurs nés dans le pays |
-0.0956 |
-0.017 |
-0.015 |
-0.050 |
-0.0319 |
0.102 |
|||
(0.0589) |
(0.017) |
(0.017) |
(0.061) |
(0.164) |
(0.086) |
(0.035) |
(0.076) |
||
(3) Taux de d’emploi rémunéré des travailleurs nés dans le pays |
-0.074 |
0.318 |
-0.009 |
0.071 |
-0.175 |
||||
(0.136) |
(0.210) |
(0.217) |
(0.171) |
(0.085) |
(0.143) |
||||
(4) Taux d’emploi vulnérable des travailleurs nés dans le pays |
0.007 |
-0.057 |
-0.088 |
-0.242 |
0.128 |
-0.123 |
0.093 |
||
(0.023) |
(0.038) |
(0.132) |
(0.182) |
(0.220) |
(0.161) |
(0.079) |
(0.140) |
||
(5) Salaire des travailleurs nés dans le pays |
-0.037 |
-0.105 |
-0.081 |
0.281 |
|||||
(0.0694) |
(0.054) |
(0.070) |
(0.981) |
(0.384) |
(3.824) |
(0.235) |
|||
Observations |
2 424 |
3 512 |
6 105 |
1 277 |
512 |
480 |
714 |
864 |
478 |
Notes : Ce tableau indique le coefficient de la variable « pourcentage de travailleurs nés à l’étranger » à partir de régressions dans lesquelles la variable dépendante est le résultat moyen des travailleurs autochtones sur le marché du travail dans un groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle à un moment spécifique dans le temps. Les astérisques indiquent les seuils de signification statistique (*** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1). Les erreurs-types robustes sont signalées entre parenthèses. Toutes les régressions se basent sur les 32 mêmes observations par région et par année, et sont pondérées par la taille de l’échantillon du groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle*région*année, sauf en Côte d’Ivoire où les données sont limitées à des intervalles d’expérience de dix ans. Tous les modèles de régression incluent des effets fixes pour le niveau d’éducation, l’expérience professionnelle, la région et la période. Elles incluent en outre les interactions entre les effets fixes : du niveau d’éducation et de l’expérience professionnelle ; du niveau d’éducation et de la période ; et de l’expérience professionnelle et de la période. Les régressions des salaires sont effectuées à l’aide du logarithme naturel du salaire moyen par groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle*région, sauf pour la Côte d’Ivoire où c’est le salaire absolu qui est utilisé.
Source : Calculs des auteurs basés sur les données des recensements de population et des enquêtes auprès des ménages du Minnesota Population Center (2017) ou des instituts nationaux de la statistique.
Tableau 4.A3.3. Coefficients des régressions des performances sur le marché du travail des travailleurs résidents sur le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger arrivés récemment, par pays
Résultats sur le marché du travail |
Argentine |
Ghana |
Népal |
Rwanda |
Afrique du Sud |
Thaïlande |
---|---|---|---|---|---|---|
(1) Ratio emploi/population parmi les travailleurs nés dans le pays |
5.292 |
0.512 |
0.774 |
|||
(5.529) |
(0.799) |
(0.166) |
(0.382) |
(0.360) |
(1.373) |
|
(2) Taux de chômage des travailleurs nés dans le pays |
5.435 |
-0.171 |
0.049 |
|||
(4.105) |
(0.388) |
(0.120) |
(0.327) |
(0.275) |
||
(3) Taux de d’emploi rémunéré des travailleurs nés dans le pays |
-0.183 |
0.404 |
0.117 |
|||
(1.025) |
(0.176) |
(0.272) |
(0.264) |
(0.457) |
||
(4) Taux d’emploi vulnérable des travailleurs nés dans le pays |
0.267 |
-0.491 |
||||
(0.941) |
(0.276) |
(0.344) |
(0.351) |
(0.531) |
||
(5) Salaire des travailleurs nés dans le pays |
-1.816 |
-5.780 |
1.294 |
|||
(4.593) |
(6.191) |
(1.791) |
(0.905) |
|||
Observations |
96 |
96 |
96 |
160 |
96 |
96 |
Notes : Ce tableau indique le coefficient de la variable « pourcentage de travailleurs nés à l’étranger » à partir de régressions dans lesquelles la variable dépendante est le résultat moyen des travailleurs autochtones sur le marché du travail dans un groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle à un moment spécifique dans le temps. Les astérisques indiquent les seuils de signification statistique (*** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1). Les erreurs-types robustes sont signalées entre parenthèses. Toutes les régressions se basent sur les 32 mêmes observations par année et sont pondérées par la taille de l’échantillon du groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle*année. Tous les modèles de régression incluent des effets fixes pour le niveau d’éducation, l’expérience professionnelle et la période. Elles incluent en outre les interactions entre les effets fixes : du niveau d’éducation et de l’expérience professionnelle ; du niveau d’éducation et de la période ; et de l’expérience professionnelle et de la période.
Source : Calculs des auteurs basés sur les données des recensements de population et des enquêtes auprès des ménages du Minnesota Population Center (2017) ou des instituts nationaux de la statistique.
Tableau 4.A3.4. Coefficients des régressions des performances sur le marché du travail des femmes et des hommes autochtones sur le pourcentage de femmes et d’hommes nés à l’étranger par pays, à l’échelle nationale
Résultats sur le marché du travail |
Argentine |
Costa Rica |
Côte d’Ivoire |
République dominicaine |
Ghana |
Kirghizistan |
Népal |
Rwanda |
Afrique du Sud |
Thaïlande |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
(1) Ratio emploi/population parmi les travailleurs nés dans le pays |
Hommes |
-0.340 |
-0.921 |
-1.508 |
-0.064 |
0.220 |
|||||
(0.349) |
(0.064) |
(0.342) |
(0.101) |
(0.873) |
(1.672) |
(0.418) |
(0.169) |
(0.415) |
(0.524) |
||
Femmes |
-1.230 |
0.707 |
-0.138 |
-1.280 |
-1.19 |
-0.280 |
0.043 |
0.485 |
0.333 |
||
(0.730) |
(0.052) |
(1.463) |
(0.115) |
(0.783) |
(0.230) |
(0.229) |
(0.367) |
(0.374) |
|||
(2) Taux de chômage des travailleurs nés dans le pays |
Hommes |
-0.846 |
0.022 |
0.0720 |
-0.084 |
0.014 |
-0.307 |
-0.276 |
-0.033 |
0.006 |
|
(0.721) |
(0.035) |
(0.175) |
(0.055) |
(0.176) |
(0.536) |
(0.239) |
(0.074) |
(0.221) |
|||
Femmes |
-0.614 |
-0.062 |
0.878 |
-0.181 |
-0.341 |
0.296 |
-0.026 |
-0.449 |
|||
(1.187) |
(0.045) |
(1.519) |
(0.161) |
(0.201) |
(0.228) |
(0.104) |
(0.385) |
||||
(3) Taux de d’emploi rémunéré des travailleurs nés dans le pays |
Hommes |
0.481 |
-0.347 |
-0.533 |
-0.335 |
-0.020 |
|||||
(0.540) |
(1.119) |
(0.485) |
(0.228) |
(0.250) |
(0.349) |
||||||
Femmes |
-0.135 |
0.063 |
-0.251 |
-0.093 |
|||||||
(0.648) |
(0.410) |
(0.235) |
(0.408) |
(0.160) |
|||||||
(4) Taux d’emploi vulnérable des travailleurs nés dans le pays |
Hommes |
-0.042 |
0.084 |
-0.474 |
-0.508 |
0.492 |
0.241 |
-0.020 |
|||
(0.075) |
(0.106) |
(0.476) |
(1.290) |
(0.564) |
(0.251) |
(0.303) |
(0.428) |
||||
Femmes |
0.085 |
0.115 |
1.183 |
-0.608 |
-0.155 |
-0.369 |
0.049 |
||||
(0.077) |
(0.118) |
(0.538) |
(0.390) |
(0.299) |
(0.432) |
(0.158) |
|||||
(5) Salaire des travailleurs nés dans le pays |
Hommes |
0.413 |
-110,148 |
-0.035 |
8.547 |
-2.539 |
0.464 |
||||
(0.359) |
(0.192) |
(567,253) |
(0.207) |
(6.222) |
(1.410) |
(3.748) |
(1.300) |
||||
Femmes |
0.475 |
0.082 |
-454,739 |
0.197 |
-4.298 |
2.154 |
0.950 |
||||
(0.371) |
(0.191) |
(471,771) |
(0.323) |
(10.207) |
(3.697) |
(2.271) |
|||||
Observations |
96 |
604 |
55 |
635 |
96 |
63 |
96 |
191 |
96 |
96 |
Notes : Ce tableau indique le coefficient de la variable « pourcentage de travailleurs nés à l’étranger » à partir de régressions dans lesquelles la variable dépendante est le résultat moyen des travailleurs autochtones sur le marché du travail dans un groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle à un moment spécifique dans le temps, pour les hommes et les femmes séparément. Les astérisques indiquent les seuils de signification statistique (*** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1). Les erreurs-types robustes sont signalées entre parenthèses. Toutes les régressions se basent sur les 32 mêmes observations par année et sont pondérées par la taille de l’échantillon du groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle*année, sauf en Côte d’Ivoire où les données sont limitées à des intervalles d’expérience de dix ans. Tous les modèles de régression incluent des effets fixes pour le niveau d’éducation, l’expérience professionnelle et la période. Elles incluent en outre les interactions entre les effets fixes : du niveau d’éducation et de l’expérience professionnelle ; du niveau d’éducation et de la période ; et de l’expérience professionnelle et de la période. Les régressions des salaires sont effectuées à l’aide du logarithme naturel du salaire moyen par groupe niveau d’éducation*expérience professionnelle, sauf pour la Côte d’Ivoire où c’est le salaire absolu qui est utilisé.
Source : Calculs des auteurs basés sur les données des recensements de population et des enquêtes auprès des ménages du Minnesota Population Center (2017) ou des instituts nationaux de la statistique.
Notes
← 1. Pour certains pays, l’analyse porte sur les revenus totaux (Afrique du Sud) ou ceux du travail (Argentine, Costa Rica et Kirghizistan), et non sur les salaires.
← 2. Pour tous les pays, l’estimation des écarts salariaux s’effectue à l’aide d’une fonction simple de gains dans laquelle on procède à la régression du logarithme naturel des salaires sur le lieu de naissance, après contrôle de l’âge, du niveau d’éducation, de la période et de la région. L’équation de Mincer est sans doute la fonction de gains la plus communément utilisée, sur la base des travaux de Jacob Mincer (1974). Ce dernier a modélisé le logarithme naturel des salaires comme une fonction du nombre d’années d’éducation et d’expérience potentielle sur le marché du travail. À l’aide d’une fonction de gains sur le modèle de celle de Mincer, le logarithme des salaires est ici modélisé comme la somme d’une fonction linéaire du niveau d’éducation et d’une fonction quadratique du nombre d’années d’expérience professionnelle potentielle :
,
où W est le salaire réel (w0 est le salaire d’un individu né dans le pays sans instruction ni expérience professionnelle), M est une variable binaire identifiant les travailleurs nés à l’étranger, E est une variable binaire identifiant le niveau d’éducation et X est le nombre d’années d’expérience potentielle sur le marché du travail (voir aussi Lemieux, 2003). Pour le Kirghizistan, l’estimation des écarts salariaux n’inclut pas de contrôle de la région.
← 3. Dans les données existantes, la taille des échantillons est trop limitée pour permettre de tester de façon empirique l’effet des compétences linguistiques sur les écarts salariaux au Kirghizistan.
← 4. Au Kirghizistan, la faiblesse du taux d’emploi des travailleurs n’ayant jamais été scolarisés reflète probablement le niveau d’éducation élevé dans ce pays : on n’y trouve quasiment aucun travailleur ayant un niveau d’éducation inférieur au primaire.
← 5. L’analyse de ce chapitre est de type corrélationnelle : elle décrit une relation entre plusieurs variables à des moments donnés et n’établit en aucun cas de façon empirique un lien de causalité entre le pourcentage d’immigrés et les résultats des travailleurs nés dans le pays sur le marché du travail.
← 6. Dans la plupart des cas, l’ampleur de l’effet est relativement faible en termes absolus. Elle est toutefois exceptionnellement importante au Ghana (voir le Tableau 4.A3.1 à l’ANNEXE 4.A3), probablement en raison de la très faible variation du taux d’emploi comme du pourcentage d’immigrés entre les différents groupes de compétence, comme en atteste l’importance systématique des erreurs-types dans d’autres modèles. On observe des erreurs-types de même ampleur en Argentine, au Népal et, dans une certaine mesure, en Thaïlande, où la variation du pourcentage d’immigrés entre les différents groupes de compétence est limitée.
← 7. Par « emplois rémunérés », on entend les emplois pour lesquels les travailleurs ont des contrats explicites ou implicites qui leur donnent droit à une rémunération de base qui n’est pas directement dépendante du revenu de l’unité pour laquelle ils travaillent. L’emploi rémunéré tend à être associé au travail décent ; de ce fait, un pourcentage élevé de travailleurs rémunérés et/ou salariés dans un pays peut dénoter un stade avancé de développement économique (OIT, 2016).
← 8. Tandis que les travailleurs rémunérés et salariés sont fortement associés au travail décent, les personnes travaillant pour leur propre compte et les travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise familiale sont moins susceptibles de bénéficier de modalités formelles d’emploi. Par « personnes travaillant pour leur propre compte », on entend les travailleurs exerçant un emploi à titre indépendant, dont la rémunération est directement dépendante des bénéfices provenant des biens ou services produits. Par « travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise familiale », on entend les personnes qui occupent un « emploi à titre indépendant » dans une entreprise exploitée par un parent vivant dans le même ménage. Compte tenu du manque de formalité de leurs modalités d’emploi, ces deux catégories sont plus susceptibles de ne pas bénéficier de conditions de travail décentes, telles que l’accès à la sécurité sociale ou à certaines formes de représentation politique. Combinés, ces deux types de situation dans la profession forment la catégorie de l’« emploi vulnérable » (OIT, 2015).
← 9. D’après certains auteurs, tout nouvel effet négatif de l’immigration dans le contexte de flux importants d’émigration pourrait ne pas être significatif (voir par exemple Facchini, Mayda et Mendola, 2013).
← 10. La limitation des données peut avoir une incidence sur l’interprétation des effets à l’échelle régionale. L’ampleur de l’effet tend à être plus importante à l’échelle régionale qu’à l’échelle nationale. Cette tendance pourrait s’expliquer par la plus forte variation régionale de la variable « pourcentage d’immigrés ». Les seuils de signification sont également plus élevés, vraisemblablement en raison de la plus grande puissance statistique résultant de la taille supérieure de l’échantillon (plus de groupes de compétence) par pays. Dans certains pays, toutefois, le nombre d’observations relatives aux travailleurs nés à l’étranger est si limité qu’une ventilation régionale par groupe de compétence ne permettrait pas de garantir un degré suffisant de fiabilité. C’est notamment le cas du Rwanda, où la ventilation régionale n’a pu être effectuée que pour quatre groupes de compétence.
← 11. En outre, dans certains pays à faible revenu, les caractéristiques qui attirent les travailleurs nés à l’étranger peuvent être tout aussi attractives pour les travailleurs nés dans le pays. Dans certains pays, les pressions de l’exode rural peuvent par conséquent être aussi, voire plus, fortes qu’un biais potentiel résultant de la réinstallation des travailleurs nés dans le pays dans un autre lieu face à la présence d’immigrés.
← 12. La réduction de quatre ans du nombre d’années d’expérience professionnelle des femmes est une mesure sommaire, mais l’insuffisance des données limite l’applicabilité d’autres méthodes dans la plupart des pays à l’étude. Il serait préférable d’appliquer une mesure qui tienne compte des différences d’expérience sur le marché du travail dues à l’âge et à la cohorte, telle que des pondérations établies sur la base de taux annuels de fécondité par âge qui constituent de manière cumulative un écart prédéterminé entre les âges de 15 et 49 ans (voir par exemple De Brauw et Russell, 2014). Dans le cas de l’Argentine, on a pu établir une mesure encore plus précise sur la base de micro-données, qui convertit les pourcentages d’hommes et de femmes d’un âge et d’un niveau d’éducation donnés occupant un emploi dans une année donnée en nombre d’années d’expérience.