Ce chapitre examine l’impact des immigrés sur la croissance économique dans le cadre du projet « L’évaluation de la contribution économique des migrations de travail dans les pays en développement comme pays de destination ». Il analyse tout d’abord la contribution des immigrés à la valeur ajoutée et au revenu par habitant, étudie ensuite la façon dont l’immigration contribue à différents secteurs économiques, notamment ses effets potentiels sur la productivité, et explore enfin le lien entre immigration et entrepreneuriat.
Comment les immigrés contribuent à l'économie des pays en développement
Chapitre 5. Immigration et croissance économique
Abstract
L’effet de l’immigration sur la croissance économique constitue l’un des principaux facteurs déterminant sa contribution au bien-être de la société d’accueil. Si le taux de croissance du revenu par habitant augmente grâce aux immigrés, le niveau de vie de l’ensemble de la population peut aussi s’en trouver amélioré. Ce chapitre s’attache à l’examen de cette question à l’appui d’éléments concrets et des résultats des chapitres précédents.
Les études existantes sur les effets de l’immigration sur la croissance par habitant sont bien moins nombreuses que celles sur ses impacts sur le marché du travail et la fiscalité. La plupart des études réalisées dans ce domaine se fondent sur des données transnationales et tendent à mettre au jour des effets positifs (Aleksynska et Tritah, 2015 ; Alesina, Harnoss et Rapoport, 2016 ; Boubtane, Dumont et Rault, 2016 ; Felbermayr, Hiller et Sala, 2010 ; Jaumotte, Koloskova et Saxena, 2016). Les études réalisées à l’échelle des pays individuels concluent également à l’existence d’effets positifs (consulter Muysken et Ziesemer [2011] sur les Pays-Bas, et Boubtane, Coulibaly et D’Albis [2015] sur la France). Parmi les études suggérant l’existence d’impacts négatifs, citons Borgy et al. (2010) en termes de produit intérieur brut (PIB) par travailleur, et Dolado, Gloria et Ichino (1994). Enfin, selon d’autres études, l’impact de l’immigration sur la croissance économique dépend du type d’immigrés ou du pays de destination (Kang et Kim, 2012 ; Orefice, 2010). L’hétérogénéité des méthodologies, des échantillons de pays et des périodes utilisés dans le cadre des analyses existantes rend difficile la comparaison directe de leurs résultats.
Sans répliquer les méthodologies des études susmentionnées, ce chapitre s’attache plutôt à l’analyse de données de sources multiples dans une perspective élargie. Les analyses transnationales ne peuvent être reproduites en raison de la limitation à dix du nombre de pays partenaires du projet. Les analyses réalisées à l’échelle des pays individuels ne peuvent quant à elles s’appliquer en raison de l’insuffisance des données sur les stocks d’immigrés. La première partie de ce chapitre s’attachera donc plutôt à l’examen de la contribution actuelle des immigrés à la valeur ajoutée et au revenu par habitant ; la deuxième partie, à l’analyse de la façon dont l’immigration contribue à différents secteurs économiques, notamment à ses effets potentiels sur la productivité ; et enfin la troisième partie, à l’exploration du lien entre immigration et entrepreneuriat.
Immigration et revenu par habitant
Tandis que la croissance de la main-d’œuvre entraîne presque systématiquement une hausse du niveau total de production d’un pays (Borjas, 1999), cette section s’attache à déterminer – éléments probants à l’appui – si les travailleurs nés à l’étranger influent également sur le niveau et le taux de croissance du revenu par habitant de l’ensemble de la population. Lorsque les conditions s’y prêtent, l’immigration peut être associée à la croissance de la productivité, comme examiné dans la section suivante.
On n’a pu établir avec certitude si l’immigration a un effet négatif, positif ou inexistant sur le PIB par habitant. En théorie, selon certaines hypothèses, une augmentation de l’offre de travail sous l’effet de l’immigration entraînerait une baisse des salaires et une hausse du niveau total de l’emploi et de la production. Ce serait le cas dans une économie : i) qui n’a pas d’échanges commerciaux avec d’autres pays ; ii) où le stock de capital est fixe ; iii) où les biens et services sont produits par un seul type de travailleurs ; et iv) dont l’efficience de la production ne varie pas avec l’évolution des quantités produites1 . Le revenu global augmenterait, mais les bénéfices en reviendraient aux détenteurs du capital, au détriment des travailleurs (Bodvarsson et Van den Berg, 2013). Dans les faits, les économies sont toutefois plus complexes et les effets moins nets. Ainsi, si les immigrés encouragent les entreprises à augmenter leurs investissements ou investissent eux-mêmes, ou encore s’ils contribuent au développement de nouveaux produits, technologies de production ou marchés d’exportation, leur impact peut différer considérablement du modèle simple susmentionné.
Sur le plan empirique, l’examen des deux composantes suivantes permet d’évaluer l’impact de l’immigration sur le PIB par habitant :
le pourcentage d’actifs occupés dans la population totale
le PIB par actif occupé (soit la productivité du travail)2 .
Il en résulte que l’augmentation du pourcentage d’actifs occupés dans la population totale ou de la productivité du travail, parallèlement au maintien ou à l’élévation de l’autre variable, entraînerait une hausse du revenu par habitant. Toutefois, le revenu par habitant de la population autochtone n’augmenterait pas nécessairement.
L’immigration tend à accroître le pourcentage d’actifs occupés dans la population
L’immigration peut accroître le pourcentage d’actifs occupés dans la population totale. Ce constat vaut pour huit des dix pays partenaires du projet, où le pourcentage d’actifs occupés est plus élevé dans la population née à l’étranger que parmi les autochtones (Graphique 5.1). Le Kirghizistan et le Népal font toutefois figures d’exception.
Toutes choses égales par ailleurs, la présence d’immigrés devrait entraîner une hausse du revenu par habitant. Ce constat s’explique principalement par un pourcentage d’individus en âge de travailler (soit ceux âgés de 15 ans et plus) plus élevé dans la population immigrée que parmi les autochtones, et dans une moindre mesure, par un taux d’emploi supérieur parmi les immigrés en âge de travailler. Dans tous les pays partenaires du projet, le pourcentage d’individus en âge de travailler est plus élevé dans la population née à l’étranger que parmi les autochtones (Graphique 5.1). L’effet sur le pourcentage global va de 0.2 point de pourcentage au Ghana à 2.4 points de pourcentage en Côte d’Ivoire, avec une moyenne s’établissant à 1 point de pourcentage. L’augmentation potentielle du PIB par habitant sous l’effet d’une hausse du pourcentage de la population en âge de travailler peut être significative. D’après les estimations d’un rapport de la Banque mondiale, une augmentation de 1 point de pourcentage de la population en âge de travailler entraîne une hausse de 1 à 2 points de pourcentage de la croissance du PIB par habitant (Banque mondiale, 2016).
Dans six des dix pays partenaires du projet, le taux d’emploi est plus élevé dans la population immigrée que parmi les autochtones. C’est en revanche la tendance inverse qui s’observe au Ghana, au Kirghizistan, au Népal et au Rwanda (Graphique 5.1). Toutefois, les immigrés étant plus susceptibles d’être en âge de travailler, ce taux d’emploi plus faible n’entraîne pas de baisse significative du pourcentage d’actifs occupés dans la population totale. De fait, au Ghana et au Rwanda, le pourcentage plus élevé d’individus en âge de travailler dans la population immigrée fait plus que compenser le taux d’emploi inférieur de cette dernière, et entraîne une hausse du pourcentage global d’actifs occupés dans la population totale.
La plus forte concentration des immigrés dans la population en âge de travailler observée dans les pays partenaires du projet n’a rien d’atypique : à travers le monde, quelque 80 % des immigrés sont âgés de 15 ans ou plus, contre environ 58 % seulement de la population totale (Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, 2016). Le taux de participation à la main-d’œuvre est également plus élevé dans la population immigrée que parmi les autochtones ; ce constat vaut pour tous les groupes de pays, à l’exception de ceux à faible revenu (OIT, 2015a). Si un taux supérieur de participation à la main-d’œuvre pourrait en théorie être neutralisé par un taux supérieur de chômage, il est néanmoins probable que dans les pays à revenu intermédiaire ou élevé, le ratio emploi/population des immigrés soit aussi supérieur à celui des autochtones.
Un effet haussier de l’immigration sur le pourcentage d’actifs occupés dans la population et, de ce fait, sur le revenu par habitant, pourrait se trouver réduit, voire inversé, si les travailleurs nés à l’étranger prennent les emplois de ceux nés dans le pays. Le Tableau 5.1 synthétise les résultats de l’étude d’impact sur le marché du travail réalisée au Chapitre 4. Un impact négatif sur le taux d’emploi de la population autochtone est mis au jour au Costa Rica, au Ghana, en République dominicaine et au Rwanda, bien que l’impact sur le taux d’emploi rémunéré soit négligeable (colonne 3). Il est possible que l’impact du taux d’emploi rémunéré sur le PIB par habitant soit plus prononcé que celui de l’emploi global, les niveaux de productivité étant probablement plus élevés parmi les travailleurs occupant un emploi rémunéré (catégorie qui exclut, par exemple, les individus travaillant dans l’agriculture vivrière). Un impact négatif de l’immigration sur le taux d’emploi rémunéré des travailleurs autochtones n’est mis au jour qu’au Népal, peut-être en raison des départs massifs de travailleurs qualifiés nés au Népal (voir aussi le Chapitre 4).
Tableau 5.1. Dans la plupart des pays partenaires du projet, l’immigration n’a pas d’impact négatif sur l’emploi de la population autochtone
Emploi global |
Emploi rémunéré |
|
---|---|---|
(1) |
(2) |
(3) |
Argentine (2015) |
Aucun impact |
Aucun impact |
Costa Rica (2011) |
Impact négatif |
Aucun impact |
Côte d’Ivoire (2008) |
Aucun impact |
.. |
République dominicaine (2010) |
Impact négatif |
Aucun impact |
Afrique du Sud (2011) |
Aucun impact |
Aucun impact |
Ghana (2010) |
Impact négatif |
Aucun impact |
Kirghizistan (2009) |
Aucun impact |
Aucun impact |
Népal (2011) |
Aucun impact |
Impact négatif |
Rwanda (2012) |
Impact négatif |
Aucun impact |
Thaïlande (2010) |
Aucun impact |
Impact positif |
Note : Les résultats relatifs à l’impact de l’immigration sur l’emploi de la population autochtone se fondent sur des régressions à l’échelle nationale regroupant hommes et femmes, comme examiné en détail au Chapitre 4.
Source : Calculs des auteurs basés sur les données des recensements de population du Minnesota Population Center (2017) ou des instituts nationaux de la statistique ; les données d’enquêtes auprès des ménages sont utilisées pour l’Argentine et la Côte d’Ivoire.
D’après les données recueillies à ce jour, dans les pays partenaires du projet, l’immigration entraîne en général une augmentation du pourcentage d’actifs occupés dans la population et, par conséquent, une croissance de la main-d’œuvre. Une augmentation du pourcentage d’actifs occupés suscite une hausse mécanique du revenu par habitant, mais peut l’influer encore davantage. La croissance de la population sous l’effet de l’immigration peut entraîner des augmentations supplémentaires du revenu par habitant dans les modèles où l’efficience de certains secteurs de l’économie s’améliore avec la hausse des niveaux de production. En d’autres termes, l’augmentation du volume de production entraîne la diminution des facteurs nécessaires par produit, bien que cette tendance puisse dépendre de certaines conditions préalables et des qualifications des immigrés (Bretschger, 2001 ; Reichlin et Rustichini, 1998). De même, si la croissance de la main-d’œuvre permet la spécialisation des travailleurs (Peri, 2012a) ou si les immigrés comblent des pénuries dans des professions capitales pour l’économie, le revenu par habitant peut encore augmenter. Il est toutefois possible qu’il diminue, notamment si les employeurs réduisent leurs investissements dans les technologies (Ortega et Peri, 2009).
Il est difficile d’estimer le PIB par travailleur né à l’étranger
L’évolution du PIB par actif occupé – c’est-à-dire de la productivité du travail – détermine également la façon dont l’immigration influe sur le revenu par habitant. L’examen de l’évolution des variables suivantes permet d’analyser ces effets :
le ratio capital/travail
le capital humain moyen par travailleur
la productivité globale des facteurs3 .
On ne dispose d’aucune donnée systématique sur la façon dont l’immigration influe sur le ratio capital/travail. En théorie, ce ratio commence par diminuer avec l’augmentation de la main-d’œuvre. Au fil du temps, les entreprises réalisent des investissements qui rétablissent le ratio à un niveau plus élevé. Toutefois, les immigrés qui investissent ou favorisent les investissements directs étrangers dans l’économie peuvent neutraliser d’emblée la baisse du ratio capital/travail. Compte tenu de ces considérations théoriques et du fait que dans nombre de pays, les entrées et les sorties des autochtones ont une incidence bien plus forte sur le taux de croissance de la population active que les arrivées d’immigrés (voir le Chapitre 2), l’examen de l’évolution des deux autres variables revêt plus d’intérêt.
Par capital humain, on entend le stock de compétences et de connaissances dont un individu dispose et qu’il peut mettre au service de sa productivité (Acemoglu et Autor, non daté). L’éducation et la formation dans le cadre institutionnel constituent des investissements essentiels dans le capital humain (Becker, 1994). L’apprentissage informel – dans le cadre professionnel ou ailleurs – a également une incidence positive sur le capital humain. Si à niveau égal d’éducation, deux individus peuvent avoir des niveaux différents de capital humain, le niveau d’éducation rend néanmoins compte d’une grande partie de ce capital. Le nombre d’années d’éducation se prête facilement à une comparaison entre les pays, ainsi qu’entre les individus nés à l’étranger et les autochtones ; on l’utilise donc comme indicateur du capital humain.
Dans les pays partenaires du projet, le capital humain moyen – tel que mesuré par le nombre d’années d’éducation – des travailleurs nés à l’étranger n’est pas uniformément supérieur ou inférieur à celui des travailleurs autochtones. En Afrique du Sud, au Népal et au Rwanda, il est plus élevé parmi les travailleurs nés à l’étranger que parmi leurs homologues autochtones, dans une mesure allant de 0.6 année supplémentaire d’éducation au Népal à 4.3 années au Rwanda (Graphique 5.2). En revanche, dans sept pays partenaires du projet, le nombre d’années d’éducation est plus élevé parmi les travailleurs autochtones que parmi ceux nés à l’étranger. Dans ces pays, l’immigration est par conséquent associée à une diminution modérée du capital humain moyen par travailleur. Toutefois, au Costa Rica, où les travailleurs nés à l’étranger ont en moyenne 1.5 année d’éducation de moins que les travailleurs autochtones, le pourcentage de diplômés de l’enseignement tertiaire est plus élevé parmi les immigrés que dans la population autochtone. Dans les pays de l’OCDE où le capital humain relatif des immigrés est plus élevé, il fait augmenter le PIB par habitant (Boubtane, Dumont et Rault, 2016).
La dernière variable – l’évolution de la productivité globale des facteurs – est la plus difficile à appréhender. Si ce rapport n’en donne aucune mesure concrète comparable, la deuxième section de ce chapitre présente néanmoins certains éléments sur la base de différentes méthodes de recherche quantitatives et qualitatives. En outre, les analyses de modélisation semblent indiquer que les travailleurs nés à l’étranger pourraient faire augmenter la productivité globale des facteurs en raison des gains d’efficience résultant de la spécialisation accrue de la main-d’œuvre. Cela semble être le cas en Afrique du Sud et en Thaïlande (OCDE/OIT, à paraître d ; OCDE/OIT, 2017b).
La contribution des immigrés à la valeur ajoutée est souvent supérieure à leur pourcentage dans la population
Il est difficile de déterminer avec certitude la contribution des travailleurs nés à l’étranger au PIB, en raison du manque de données comparables sur leur productivité relative et de leurs effets sur la productivité globale de leur pays d’accueil. Si la productivité des travailleurs nés à l’étranger et de leurs homologues autochtones était la même, on pourrait en général supposer que leur contribution au PIB serait égale à leur pourcentage dans la population active ; toutefois, cette hypothèse est peu susceptible de se vérifier.
La prise en compte de deux facteurs permet d’effectuer une estimation plus précise : d’une part, la répartition sectorielle des actifs occupés nés à l’étranger et de leurs homologues autochtones (étant donné la forte variation de la productivité du travail entre les secteurs) ; d’autre part, le ratio nombre d’années d’éducation des travailleurs nés à l’étranger/nombre d’années d’éducation des travailleurs autochtones (voir par exemple Martin, 2007 ; OIT/OCDE/Banque mondiale, 2015) comme variable indicative des différences de capital humain et donc, indirectement, de la productivité. La valeur ajoutée de chaque secteur est multipliée par le pourcentage de travailleurs nés à l’étranger dans ce secteur et le ratio nombre d’années d’éducation des travailleurs nés à l’étranger/nombre d’années d’éducation des travailleurs autochtones. Les estimations de la contribution des immigrés à la valeur ajoutée de chaque secteur sont ensuite additionnées pour obtenir une estimation de leur contribution à la valeur ajoutée globale.
Sur la base de ces calculs, la contribution des travailleurs nés à l’étranger va d’environ 1 % au Ghana à près de 19 % en Côte d’Ivoire (Graphique 5.3). Dans la plupart des pays partenaires du projet, ces estimations sont assez proches du pourcentage de travailleurs nés à l’étranger dans la population active occupée : si l’on déduit le pourcentage d’actifs occupés nés à l’étranger de la contribution estimée des immigrés, on obtient ainsi un résultat proche de zéro. D’importantes différences s’observent toutefois en Côte d’Ivoire (2.6 points de pourcentage) et au Rwanda (8 points de pourcentage). En Côte d’ivoire, elles s’expliquent par la concentration des immigrés dans certains secteurs à plus forte productivité, tels que les activités minières, et au Rwanda, par le niveau élevé d’éducation des travailleurs nés à l’étranger.
Dans l’ensemble, étant donné les différences importantes de pourcentage d’actifs occupés entre la population née à l’étranger et les autochtones, il semble peu probable que les travailleurs nés à l’étranger fassent baisser le revenu par habitant. Cela ne pourrait se produire que si les niveaux de productivité étaient suffisamment faibles pour éliminer l’avantage résultant de pourcentages relativement élevés d’actifs occupés, et s’il n’existait pas d’autres effets positifs (tels que ceux découlant du renforcement de la spécialisation).
Des modèles économétriques illustrent la contribution des travailleurs nés à l’étranger au PIB en Afrique du Sud et en Thaïlande
Il est possible d’illustrer les effets des travailleurs immigrés sur le PIB à l’aide de modèles économétriques. Ceux-ci rendent non seulement compte de la contribution immédiate des travailleurs immigrés, mais aussi d’effets indirects sur la consommation et l’investissement, et de leur incidence ultérieure sur le PIB. Des exercices de modélisation de ce type ont été réalisés pour l’Afrique du Sud et la Thaïlande, en raison de la disponibilité pour ces pays de modèles utilisés à l’échelle internationale qui semblaient adéquats. Pour la Thaïlande, un modèle d’équilibre général calculable (EGC) a été appliqué. Il se fonde sur le modèle standard à un seul pays défini par le Partenariat en politiques économiques (Partnership for Economic Policy [PEP])4 . Pour l’Afrique du Sud, on a utilisé un modèle macroéconométrique multisectoriel, basé sur les modèles Inforum développés par l’Université du Maryland (Conningarth Economists, 2017)5 . Pour ces deux pays, les modèles s’appuient largement sur des données d’entrées-sorties, d’autres données économiques et sociales, et les recensements de population pour les données sur les immigrés. Comme tous les modèles, ils proposent des représentations stylisées de l’économie, reposant nécessairement sur un certain nombre d’hypothèses simplificatrices.
Pour la Thaïlande, le modèle d’EGC, fondé sur des données de 2001 à 2004, inclut des groupes de ménages différenciés par leur niveau de revenu, tandis que la production de chaque secteur économique est déterminée par une fonction incluant le travail et le capital. Les travailleurs autochtones comme ceux nés à l’étranger peuvent être peu ou très qualifiés, et la fonction de production part de l’hypothèse de la complémentarité de leurs facteurs de production. Ce modèle permet la simulation des principales composantes du PIB avec un degré élevé de précision (Puttanapong, Limskul et Bowonthumrongchai, 2017).
Le modèle d’EGC met en évidence l’étroite connexion entre la main-d’œuvre immigrée et la production dans l’économie thaïlandaise. Le degré de complémentarité entre les travailleurs autochtones et ceux nés à l’étranger détermine l’ampleur de l’impact de ces derniers sur l’économie. Ainsi, plus cette complémentarité est forte, plus la diminution du pourcentage d’actifs occupés nés à l’étranger est préjudiciable à l’économie (OCDE/OIT, 2017b). Les simulations de ce modèle réalisées sur une période allant jusqu’à 2030 montrent par exemple que si une hausse de la productivité des travailleurs très qualifiés peut au départ s’avérer plus bénéfique qu’une hausse de la productivité des travailleurs peu qualifiés, au fil du temps, c’est néanmoins la tendance inverse qui s’observe (Graphique 5.4). Ces différences s’expliquent par le rôle central de l’investissement dans la définition de la trajectoire de croissance de l’économie, et par la taille relativement limitée du groupe des travailleurs très qualifiés (OCDE/OIT, 2017b).
Une caractéristique importante du modèle macroéconométrique multisectoriel utilisé pour l’Afrique du Sud est son approche ascendante. Les agrégats macroéconomiques sont établis à partir d’activités détaillées à l’échelle du secteur ou du produit, et non estimés d’après des fonctions de production. Ce modèle inclut un bloc de production, dans lequel la somme des demandes intermédiaire et finale est égale à la demande totale, formant la base de la production à l’échelle sectorielle. La demande finale inclut la consommation et l’investissement, tandis que la demande intermédiaire est calculée pour chaque secteur à l’aide d’une matrice de coefficients d’entrées-sorties.
Pour l’Afrique du Sud, le modèle simule le développement économique avec ou sans travailleurs nés à l’étranger pour la période 2001-11. Il distingue les travailleurs peu qualifiés de ceux très qualifiés, et tient compte d’informations sur les revenus liés au travail de ces deux groupes6 . L’infériorité des revenus moyens des travailleurs nés à l’étranger contribue à expliquer l’estimation d’un impact favorable sur le PIB. En moyenne, les travailleurs nés à l’étranger très qualifiés et leurs homologues peu qualifiés font augmenter le PIB par habitant de respectivement 2.2 % et 2.8 %. Les travailleurs nés à l’étranger créent en outre des emplois supplémentaires pour les travailleurs autochtones. Ces résultats concordent avec ceux présentés plus haut (Graphique 5.1), qui montrent le pourcentage relativement élevé de travailleurs nés à l’étranger occupant un emploi en Afrique du Sud ; l’existence d’un effet positif des travailleurs nés à l’étranger sur le PIB par habitant semble donc probable. À l’échelle nationale, on n’observe aucun impact mesurable de la présence de travailleurs nés à l’étranger sur l’emploi de la population autochtone (voir le Chapitre 4). Toutefois, d’après les estimations du rapport pays consacré à l’Afrique du Sud, les immigrés arrivés récemment pourraient avoir un effet positif sur les niveaux d’emploi de la population autochtone (OCDE/OIT, à paraître d).
Immigration et productivité
L’immigration peut influer sur la productivité d’un pays à travers différents canaux, notamment les transferts de connaissances et de technologies, susceptibles de modifier le niveau d’innovation (Akcigit, Grigsby et Nicholas, 2017 ; Böhme et Kups, 2017). Les effets peuvent être positifs ou négatifs.
Les résultats des études empiriques sur l’impact global de l’immigration sur la productivité sont mitigés. Certaines études mettent au jour des effets positifs de la taille ou de la diversité du groupe d’immigrés dans la région locale ou l’entreprise (Mitaritonna, Orefice et Peri, 2017 ; Peri, 2012b ; Trax, Brunow et Suedekum, 2015), tandis que d’autres n’en observent aucun (Ortega et Peri, 2009) ou trouvent même des effets négatifs (Ortega et Peri, 2014). Ces effets peuvent en outre différer en fonction des secteurs (Paserman, 2013).
On estime normalement la productivité en examinant le rapport entre la production totale et les facteurs de production. Pour tout stock donné de facteurs de production, une hausse de la production implique une hausse de la productivité (Daude et Fernández-Arias, 2010). L’analyse de la relation entre immigration et productivité au sein d’un pays peut s’effectuer à l’échelle de l’économie dans son ensemble, des secteurs ou des entreprises. Compte tenu de la rareté des données d’entrées-sorties à ces niveaux, au lieu d’estimer l’impact exact de l’immigration sur la productivité, on effectue ici une analyse moins formelle de cette relation.
Cette section du chapitre s’articule en particulier autour des points suivants : la première sous-section synthétise les résultats d’études sectorielles qualitatives ciblant l’intégration des immigrés dans les entreprises et la main-d’œuvre de différents secteurs clés en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kirghizistan et au Népal ; la deuxième sous-section examine ce que la structure des échanges commerciaux peut révéler de la façon dont les immigrés contribuent à la productivité sectorielle ; et enfin, la troisième sous-section explore la relation entre la présence de travailleurs immigrés à l’échelle des entreprises et les caractéristiques de ces dernières, à partir des données d’enquêtes menées auprès des entreprises en Côte d’Ivoire, au Népal et au Rwanda.
Les études sectorielles contribuent à une meilleure compréhension du rôle des immigrés dans les secteurs économiques clés
Les études sectorielles qualitatives réalisées en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kirghizistan et au Népal visent à analyser la façon dont les travailleurs nés à l’étranger contribuent à certains secteurs spécifiques. Elles explorent les raisons pour lesquelles cette contribution peut différer de celle des travailleurs autochtones, et les modalités d’interaction entre ces deux groupes. Dans la plupart des pays partenaires du projet, la présence de travailleurs immigrés n’a, à l’échelle nationale, pas d’effet mesurable sur l’emploi des travailleurs autochtones (Tableau 5.1). Ces résultats nationaux ne valent toutefois pas nécessairement pour chaque secteur économique. Les études qualitatives examinées dans cette sous-section illustrent ces effets, ainsi que d’autres plus étendus sur la génération des connaissances et, à terme, sur la productivité. Elles viennent donc compléter les analyses quantitatives du présent chapitre et des autres de ce rapport.
Portée et méthodologie
Les études sectorielles ciblent deux secteurs économiques dans chacun des quatre pays où elles ont été menées par l’équipe du projet (Tableau 5.2). Deux critères ont présidé à la sélection de ces secteurs : les immigrés y sont surreprésentés ; et ils produisent un part importante du PIB.
Tableau 5.2. Le commerce figure dans toutes les études sectorielles
Secteurs retenus par pays
Agriculture |
Activités minières |
Industries manufacturières |
Commerce |
|
---|---|---|---|---|
Côte d’Ivoire |
X |
X |
||
Ghana |
X |
X |
||
Kirghizistan |
X |
X |
||
Népal |
X |
X |
La structure des études sectorielles est similaire entre les pays. Elle s’articule autour : i) d’entretiens auprès d’acteurs clés ; ii) d’entretiens auprès d’entreprises ; et iii) de groupes de discussion parmi les travailleurs immigrés et leurs homologues autochtones. L’équipe du projet a organisé des ateliers de formation pour la réalisation des travaux de terrain, et une équipe d’un institut de recherche de chaque pays s’est chargée de la réalisation de l’étude. Le Tableau 5.A1.1 à l’ANNEXE 5.A1 récapitule les instituts de recherche impliqués et le nombre d’entretiens réalisés.
Les critères de sélection des participants à l’étude dépendent de leur catégorie (acteurs clés, entreprises ou travailleurs). Les acteurs clés interrogés correspondent aux principales institutions impliquées dans le processus migratoire, notamment les ministères de l’Intérieur et du Travail, d’autres services gouvernementaux, ainsi que des organisations nationales et sectorielles d’employeurs et de syndicats. Les entreprises, en particulier celles de grande taille, sont considérées comme les représentantes de l’économie formelle et sélectionnées en consultation avec les organisations (sectorielles) pertinentes. Les groupes de discussion sont à la fois composés de travailleurs nés à l’étranger et de travailleurs autochtones afin d’évaluer les effets de l’immigration pour les travailleurs, y compris ceux du secteur informel. La couverture géographique est définie en consultation avec les organismes concernés.
Dans la plupart des pays, les études sont conçues pour inclure au moins 20 entretiens auprès d’acteurs clés, 50 entretiens auprès de représentants d’entreprises et 10 groupes de discussion. Ces cibles ne sont toutefois pas toujours atteintes en raison de différentes contraintes. Au Ghana, par exemple, il n’a pas été possible d’obtenir des entretiens avec les représentants de nombreuses entreprises, en particulier dans le secteur minier. Si la réalisation d’entretiens auprès d’informateurs clés a en partie permis de pallier cette difficulté, une lacune subsiste néanmoins par rapport au nombre initialement prévu d’entretiens.
Chaque groupe de discussion se compose de 5 à 12 participants, permettant ainsi de réels échanges. La nécessité d’une représentation équilibrée des caractéristiques socio-démographiques des populations préside en général à la composition des groupes. Les entretiens sont réalisés dans les langues nationales et locales, le cas échéant.
Communautés immigrées et nombreux facteurs associés à l’immigration
Les flux migratoires sont soumis à l’influence de facteurs d’attraction comme de répulsion (Baum, 2012). Si les contraintes et les opportunités économiques figurent parmi les principaux moteurs des migrations (Chapitre 2), les caractéristiques individuelles, telles que le revenu et l’éducation (Chapitre 3), ainsi que l’accès à l’information et aux réseaux, constituent aussi des éléments essentiels pour expliquer les choix migratoires (Flahaux et De Haas, 2016). Les opportunités économiques, la stabilité du contexte politique, le sentiment d’hospitalité, l’accès aux infrastructures de base, ou encore une plus grande compétitivité dans le pays d’origine, sont autant de motifs fréquemment invoqués à ce sujet dans les pays partenaires du projet. Parmi les commerçants nigérians installés au Ghana, le sentiment est par exemple largement répandu que les marges bénéficiaires sont plus élevées dans ce pays, également considéré comme plus calme que le Nigéria. Le Kirghizistan est quant à lui perçu comme offrant un cadre plus tolérant et libéral que les autres États d’Asie centrale ou la Russie. L’éducation constitue par ailleurs un autre motif de migration : certains travailleurs immigrés sont initialement venus dans leur pays de destination pour y poursuivre leurs études et ont fini par y rester. Enfin, le chômage et l’extrême pauvreté touchant les États indiens voisins du Népal sont considérés comme les principaux motifs d’émigration des Indiens vers ce pays.
Les réseaux peuvent jouer un rôle important en influant à la fois sur les flux migratoires et l’intégration des immigrés dans l’économie :
Les études sectorielles confirment le rôle de facilitation – déjà largement reconnu dans la littérature existante (Anjos et Campos, 2010) – joué par les réseaux dans le processus migratoire. Une fois établis, les réseaux migratoires entre la Chine et les pays africains continuent par exemple d’entraîner davantage de migrations (Mohan et Kale, 2007). Ce type de réseau peut s’amorcer par la migration d’un seul membre d’une famille, suivi ensuite par d’autres membres de cette famille, voire par d’autres membres de la communauté.
Les études sectorielles donnent aussi des exemples du rôle des réseaux de migrants dans l’investissement et le développement commercial transfrontaliers, déjà mis en avant par la littérature (Docquier et Lodigiani, 2010). En Côte d’Ivoire, les immigrés s’intègrent par exemple souvent dans le secteur informel par le biais de réseaux d’immigrés qui aident les nouveaux venus à trouver du travail ou peuvent même leur proposer un crédit pour leur permettre de s’établir à leur compte. De même, les réseaux sociaux jouent un rôle déterminant dans le processus migratoire et sont étroitement liés aux activités économiques des commerçants au Ghana.
Les traités internationaux ou les relations bilatérales entre les pays peuvent encourager ou renforcer les réseaux d’immigrés. Depuis 2000, le Ghana a ainsi participé à plusieurs réunions dans le cadre du Forum sur la coopération sino-africaine (Forum on China-Africa Cooperation [FOCAC]) et par la suite conclu différents accords avec la Chine dans plusieurs domaines, dont l’agriculture, le commerce et les infrastructures. En conséquence, la Chine figure depuis de nombreuses années parmi les dix principaux pays investisseurs au Ghana, où l’immigration en provenance de ce pays est en partie liée à ces accords7 .
Toutefois, les accords internationaux peuvent aussi avoir des effets moins positifs sur les réseaux d’immigrés et leur contribution économique à leur pays de destination. D’aucuns ont par exemple pu affirmer que l’adhésion du Kirghizistan à l’Union économique eurasiatique a entraîné une baisse des réexportations de biens chinois et turcs à travers les marchés kirghizes.
La perception de la contribution des travailleurs immigrés aux grandes entreprises est souvent positive
La nécessité de pallier les déficits de compétences constitue l’un des motifs d’embauche de travailleurs immigrés, en particulier dans les grandes entreprises. Nombre de ces travailleurs semblent concentrés aux postes de spécialistes ou de responsables dans les secteurs à l’étude dans les pays partenaires du projet8 . Au Népal, les travailleurs immigrés se concentrent dans les professions techniques, les travailleurs autochtones n’étant pas formés à l’utilisation des technologies nouvellement importées. Au Kirghizistan, les représentants d’entreprises indiquent que certaines compétences – notamment en ingénierie, en maintenance électrique et mécanique, et dans les fonctions financières et de supervision – ne sont purement et simplement pas disponibles sur le marché du travail. De même, au Ghana, des spécialistes sont recrutés en nombre limité par les secteurs minier et commercial afin de pallier des déficits de compétences à la fois techniques et économiques (par exemple en ingénierie, en comptabilité et en marketing). Certains employeurs considèrent en outre les immigrés comme des recrues attrayantes en raison de leur attitude à l’égard du travail. Cet argument est notamment invoqué en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Népal.
Lors de leurs démarches pour obtenir des permis de travail, les employeurs peuvent se trouver confrontés à différents obstacles administratifs, une contrainte souvent perçue comme pesante dans certains pays. Au Kirghizistan, les permis de travail ne sont ainsi parfois délivrés que pour une courte durée, et la nécessité de les renouveler fréquemment représente une lourde charge administrative pour les entreprises. La corruption constitue un autre problème : certains travailleurs immigrés et employeurs indiquent ainsi avoir dû payer des pots-de-vin pour obtenir leurs permis. La corruption n’est toutefois pas un phénomène généralisé, certains permis étant aussi délivrés conformément aux procédures légales au Kirghizistan. Au Ghana, ce processus implique également différentes formalités administratives, mais semble moins sujet aux abus.
Au Népal, où la très grande majorité des travailleurs immigrés sont originaires d’États indiens voisins pauvres, la délivrance de permis de travail est moins courante. La liberté réciproque de circulation et d’accès au marché du travail, entérinée par le traité de 1950 entre l’Inde et le Népal, contribue de façon indirecte à l’emploi informel de travailleurs immigrés vulnérables et à leurs conditions de travail abusives. Au Népal, les employeurs du secteur manufacturier formel montrent ainsi parfois une préférence pour les travailleurs indiens, notamment en raison de leur absence de papiers et de leur disposition à travailler dans de mauvaises conditions. L’absence de papiers combinée à l’utilisation de sous-traitants semble aggraver encore davantage les conditions générales de travail, les travailleurs immigrés sans papiers ne payant pas d’impôts et ne percevant aucune prestation sociale.
Dans un pays comme le Népal, qui connaît des flux d’émigration très importants, le manque de travailleurs autochtones intéressés par un emploi dans le pays est un autre motif couramment invoqué pour justifier l’embauche de travailleurs immigrés. Selon plusieurs employeurs népalais, l’idée généralement répandue selon laquelle les salaires seraient plus élevés dans les autres pays – principalement au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est – qu’au Népal, rend ainsi difficile de retenir les travailleurs népalais, même lorsqu’ils ont des possibilités d’emploi.
Dans les activités économiques à petite échelle, l’emploi indépendant et l’économie informelle, la perception des travailleurs immigrés est mitigée
En dehors des grandes entreprises, la perception des travailleurs immigrés semble plus mitigée. Parmi les personnes interrogées, certaines font part de leurs avis positifs sur la contribution des travailleurs immigrés en termes de compétences et même de création d’emplois. Toutefois, d’autres expriment aussi leurs craintes face à l’augmentation de la concurrence sur les marchés des produits et du travail. En outre, certains problèmes, notamment environnementaux, sont mis au compte des activités des immigrés.
Certaines idées sur la concurrence en matière d’emploi sont liées au rôle limité de l’économie formelle. Dans la plupart des pays partenaires du projet, l’économie informelle occupe une place importante, voire croissante. Dans nombre d’économies africaines, le manque de possibilités d’emplois dans le secteur formel constitue ainsi l’un des principaux vecteurs de la croissance de l’économie informelle (OIT, 2015b). Au Kirghizistan, deux tiers environ des travailleurs sont employés dans le secteur informel. L’importance de la charge fiscale, la complexité des formalités administratives et le manque de confiance dans les pouvoirs publics sont considérés comme autant de facteurs de l’informalisation de l’économie kirghize.
Dans les pays partenaires du projet inclus dans l’étude, on perçoit souvent les immigrés comme dominant certains sous-secteurs du commerce. En Côte d’Ivoire, certains estiment que cette domination résulte du manque habituel d’intérêt des travailleurs autochtones pour certains emplois. Si une part importante des immigrés exerçant dans le secteur commercial travaillent pour leur propre compte, certains emploient néanmoins aussi des travailleurs – nés à l’étranger comme autochtones. En Côte d’ivoire et au Kirghizistan, certaines personnes interrogées laissent toutefois entendre que les employeurs immigrés offrent des conditions d’emploi moins favorables aux travailleurs autochtones qu’à ceux nés à l’étranger.
Au Népal, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans les secteurs commercial et manufacturier alimente aussi l’immigration de travailleurs indiens. L’importance du rôle des immigrés indiens dans ces secteurs, comme dans celui des services, est manifeste : lorsqu’ils ont quitté le pays suite au tremblement de terre de 2015, nombre de services et commerces – dont les barbiers, cordonniers et vendeurs ambulants de légumes – ont cessé leurs activités, ce qui n’a pas été sans affecter la population de Katmandou.
Même lorsque les travailleurs immigrés et autochtones exercent dans les mêmes sous-secteurs, ils peuvent occuper des segments différents. Au Kirghizistan, les commerçants autochtones font ainsi part de leur sentiment que nombre de commerçants nés à l’étranger vendent à bas prix des marchandises de mauvaise qualité, contrairement à eux, qui proposent des produits de bonne qualité à des prix plus élevés.
La perception de l’attrait de certains types d’emplois peut jouer un rôle dans l’apparition de segments réservés aux migrants. Au Népal, les travailleurs autochtones considèrent en général comme non attractives nombre des professions dans lesquelles les immigrés sont désormais surreprésentés, qu’elles soit peu qualifiées ou très spécialisées (comme la fabrication et la vente de confiseries traditionnelles indiennes). Cette situation résulterait d’idées et de craintes profondément ancrées de stigmatisation sociale de la part de la famille ou de la communauté. Il est intéressant de noter que les travailleurs autochtones ne sont pas les seuls concernés et que nombre d’immigrés sont aussi dans ce cas : ils viennent ainsi souvent au Népal à la recherche d’emplois peu qualifiés qui leur vaudraient un jugement négatif de la part de leur propre communauté.
Dans plusieurs pays, d’aucuns ont aussi le sentiment que dans le secteur commercial, les entrepreneurs immigrés prennent la place de certains travailleurs autochtones. Parmi les explications avancées figure le moindre coût de l’importation de produits de consommation pour les immigrés chinois en particulier. En général, les immigrés originaires de pays industrialisés ont davantage de liens avec les fabricants de leur pays d’origine et peuvent donc importer plus facilement des produits de consommation. D’un autre côté, les immigrés peuvent aussi transmettre à la population autochtone leurs connaissances sur la chaîne logistique. En Côte d’Ivoire, un commerçant immigré indique ainsi avoir donné à des amis ivoiriens lui demandant conseil des informations sur les bons grossistes.
Les efforts politiques visant à prévenir les substitutions peuvent ne pas toujours avoir l’effet escompté. Au Ghana, la loi n° 478 de 1994 portant création du Centre de promotion des investissements, et sa révision de 2013 (loi n° 865), réservent certains types d’activités et d’entreprises aux ressortissants ghanéens – dont la vente de marchandises sur les marchés et les stands en plein air –, avec entre autres pour objectif de remédier au sentiment de « concurrence déloyale ». Les entretiens semblent toutefois indiquer que les entrepreneurs nés à l’étranger contournent cette législation en faisant appel à des relations ghanéennes. Cette pratique de « prête-nom » entraîne la propriété conjointe d’entreprises et peut profiter autant aux immigrés qu’au Ghanéens (Adjavon, 2013). D’après certaines personnes interrogées, les prête-noms ghanéens exploitent en général les étrangers, tandis que ces derniers se soustraient à l’impôt et vendent leurs marchandises à plus bas prix, au détriment d’autres commerçants ghanéens. Si ce processus signifie la perte de recettes fiscales pour l’État, les Ghanéens y voient néanmoins, entre autres possibilités, celle d’obtenir un emploi une fois l’affaire formalisée. Le syndicat le plus important du secteur commercial – le Ghana Union of Traders Association (GUTA) – attire souvent l’attention du gouvernement sur les activités de vente au détail des immigrés.
Transfert de compétences et effets à long terme des immigrés
D’autres formes de réciprocité existent dans la relation entre les immigrés et les petits entrepreneurs et ceux du secteur informel. Au Ghana, il semble courant de faire appel à l’aide des Nigérians pour créer une affaire. Les Ghanéens profitent des compétences et du capital des Nigérians, tandis que ces derniers obtiennent une part de l’entreprise.
Au Kirghizistan, plusieurs travailleurs autochtones ont indiqué, à l’occasion des groupes de discussion, avoir acquis de nouvelles compétences en travaillant avec des immigrés. Ces derniers introduisent de nouvelles technologies, tout en apportant de solides compétences en marketing.
Ce transfert de compétences peut se faire de façon informelle ou s’inscrire dans une démarche plus explicite. Cette seconde option est probablement plus répandue dans les grandes entreprises, à l’instar du secteur minier au Ghana, comme susmentionné. Dans le cadre d’un transfert informel, travailleurs nés à l’étranger et autochtones peuvent apprendre les uns des autres en se côtoyant dans le cadre du travail. Dans certains cas, la barrière de la langue constitue toutefois un obstacle à cet apprentissage mutuel.
La langue joue un rôle déterminant dans la réussite de l’intégration des immigrés dans la main-d’œuvre. Au Kirghizistan, les participants des groupes de discussion évoquent la facilité d’intégration en l’absence de barrière linguistique. À l’inverse, dans ce même pays, les travailleurs locaux du secteur commercial notent que parfois, certains groupes d’immigrés, tels que les Chinois, ne cherchent pas à communiquer avec les commerçants autochtones, préférant plutôt rester entre eux. De même, au Ghana, certains participants des groupes de discussion signalent que l’utilisation de langues différentes peut constituer un obstacle à l’intégration.
Au Kirghizistan, certains font remarquer que l’augmentation de la concurrence peut aussi avoir des conséquences positives à long terme. Un représentant d’une association commerciale propose ainsi une solution pour permettre aux commerçants kirghizes de faire face à cette concurrence accrue : en travaillant avec les concepteurs chinois, ils pourraient développer leur activité et vendre ensuite de nouveaux produits – ce qui semble d’ailleurs être parfois déjà le cas. D’après un autre représentant, le renforcement de la concurrence de la part des entrepreneurs nés à l’étranger pourrait pousser les entreprises kirghizes à innover, et donc stimuler la croissance.
Encadré 5.1. L’activité minière dans les zones rurales au Ghana
Les activités minières – qu’elles soient opérées par des entreprises formelles de grande taille ou par de petits entrepreneurs – ont des répercussions sur les communautés rurales au Ghana. Les entrepreneurs ghanéens créent des activités auxiliaires afin d’offrir leurs services aux sociétés minières, majoritairement sous contrôle étranger ou sous contrôle conjoint avec les Ghanéens. Outre l’hébergement et les services à la personne, la hausse de la production résultant de la présence d’immigrés dans le secteur des petites exploitations a encouragé la création d’usines de lavage de l’or et créé des possibilités d’emplois techniques, notamment dans le soudage. D’un autre côté, certains Ghanéens ont le sentiment que les immigrés travaillant comme intermédiaires entre les petites exploitations minières locales et les gros acheteurs d’or pour l’export prennent la place des travailleurs autochtones.
D’après les personnes interrogées, en créant de petites exploitations minières dans les zones rurales du Ghana et en embauchant des locaux, les entrepreneurs chinois font augmenter les revenus de ces zones et favorisent leur développement. L’activité minière chinoise donne en outre aux locaux la possibilité de bénéficier de l’extraction de ressources naturelles, contrairement aux grandes sociétés minières qui s’acquittent en général de redevances aux pouvoirs publics et aux chefs traditionnels de haut rang qui eux ne vivent pas dans les communautés où les ressources sont extraites.
Toutefois, l’implication des entrepreneurs et des travailleurs immigrés dans les petites exploitations minières est aussi associée à certains effets moins positifs. D’après une étude d’Amonoo (2014), la pratique du « prête-nom » pose problème, comme dans le secteur commercial (en vertu de la législation ghanéenne, les étrangers ne sont pas autorisés dans le secteur des petites exploitations minières). En outre, malgré l’existence de petites exploitations minières au Ghana depuis la période pré-coloniale, les entrepreneurs chinois utilisent des machines sophistiquées telles que des centrales électriques, des usines de lavage ou des excavateurs, alors que les Ghanéens se servent en général d’outils manuels. Les partenariats entre Ghanéens et Chinois sont principalement motivés par l’accès de ces derniers à ces machines. Malheureusement, les petites exploitations minières – qu’elles soient opérées par des Chinois, d’autres immigrés ou des Ghanéens – se situent en général près de plans d’eau dans lesquels leurs déchets sont ensuite déversés. Or la pollution générée par les petites exploitations minières utilisant des machines est bien plus forte que celle produite par les méthodes traditionnelles ghanéennes.
Les études menées en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kirghizistan et au Népal permettent de mieux comprendre la diversité des canaux à travers lesquels les travailleurs immigrés interagissent avec leurs homologues autochtones et influent sur la productivité de ces deux groupes. La sous-section suivante s’attache à la quantification de ces effets – notamment sur la productivité – à l’échelle des entreprises.
D’après les données commerciales, les immigrés ne semblent pas avoir d’effet manifeste sur la productivité d’un secteur
Les différentes études sectorielles mettent au jour les canaux à travers lesquels l’immigration peut influer sur les niveaux de productivité des entreprises ou d’un secteur global, sans quantifier toutefois ces effets sur la productivité. Les pages suivantes s’essaient à cette quantification à partir de données agrégées sur les exportations et d’enquêtes auprès des entreprises.
Pour l’analyse des exportations, la croissance des exportations d’un secteur est utilisée comme variable indicative de sa productivité, une approche déjà suggérée dans des travaux de recherche existants (Bahar et Rapoport, à paraître). L’hypothèse sous-jacente est alors la suivante : un pays ne peut exporter de nouveaux biens que si les secteurs qui les produisent sont devenus plus productifs par rapport au reste du monde.
Le calcul de la valeur ajoutée – examiné dans la première section de ce chapitre – fait aussi appel à une approche sectorielle ; elle diffère toutefois à différents égards de l’approche axée sur les échanges commerciaux explorée ci-après. Le calcul de la valeur ajoutée combine le pourcentage d’immigrés par secteur à la contribution de ce secteur au PIB. La productivité est ajustée en fonction de la répartition des immigrés entre les niveaux d’éducation par rapport à celle des autochtones. L’approche sectorielle rend ainsi compte des différences de productivité sur la base de caractéristiques observables des immigrés. Elle ne tient cependant pas compte de l’impact potentiel des immigrés sur la productivité résultant d’effets d’entraînement, tels que le progrès ou le recul de l’innovation à l’échelle des entreprises ou des secteurs. Lorsque les immigrés font évoluer la productivité d’un secteur par le biais de ces effets indirects, leur incidence sur la productivité va au-delà de leur pourcentage dans ce secteur.
Deux approches différentes sont utilisées pour l’étude de la relation entre l’immigration et la croissance des exportations comme variable indicative de la croissance de la productivité. Les deux comparent le pourcentage d’immigrés pour une année de référence à la croissance des exportations d’un secteur. La première répartit les secteurs en deux groupes, en fonction de la sur- ou de la sous-représentation des immigrés qui y sont employés par rapport à leur pourcentage global dans la population active9 . Parmi les secteurs où les immigrés sont surreprésentés figurent l’agriculture, le commerce, et certains sous-secteurs des industries manufacturières et des activités minières. La seconde compare quant à elle la corrélation entre le pourcentage relatif d’immigrés et la croissance des exportations dans chaque secteur.
Pour ces deux approches, l’hypothèse sous-jacente est la suivante : si l’immigration influe sur la productivité d’un secteur et donc sur la croissance de ses exportations, cette incidence doit être plus marquée dans les secteurs où les immigrés représentent un pourcentage relativement important de la main-d’œuvre. Ainsi, si les immigrés entraînent une hausse de la productivité, les exportations des secteurs où ils sont surreprésentés sont censées augmenter par rapport à celles des secteurs où ils sont sous-représentés. Le calcul de la croissance des exportations s’effectue sur la base de la part de chaque secteur dans la valeur totale des exportations du pays, conformément à la Base de données Comtrade des Nations Unies (Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, non daté). Les pourcentages d’immigrés pour l’année de référence proviennent des données de recensements de l’année la plus proche de 2000, tirées de la base de données Integrated Public Use Microdata Series (Minnesota Population Center, 2017). Des informations détaillées sur les secteurs employant des immigrés sont disponibles pour le Costa Rica, le Ghana, le Kirghizistan, la République dominicaine et le Rwanda. L’analyse présentée dans cette sous-section se limite donc à ces pays.
L’utilisation des exportations comme variable indicative de la productivité comporte plusieurs limites importantes. Tout d’abord, le pourcentage d’immigrés par secteur se base sur un moment précis dans le temps et ne tient donc pas compte des évolutions possibles au fil des années. Ensuite, le niveau d’agrégation peut masquer des effets intervenant à plus petite échelle. Les gains de productivité d’un secteur peuvent ainsi influer sur la productivité des secteurs connexes en raison des flux de facteurs intermédiaires entre les secteurs (OCDE, 2001), rendant plus difficile l’identification des différences de productivité à l’échelle sectorielle. Enfin, la fluctuation des prix peut avoir une incidence sur la valeur des exportations.
Aucune tendance nette n’indique une plus forte contribution des secteurs où les immigrés sont surreprésentés à la croissance des exportations par rapport aux secteurs où ils sont sous-représentés. Dans certains des pays à l’étude, la part des secteurs où les immigrés sont surreprésentés dans la valeur totale des exportations est en recul (Graphique 5.5). Au Costa Rica, cette part est passée de 28 % en 2000 à 16 % en 2013, avant de remonter pour s’établir à 21 % en 2014, enregistrant ainsi une baisse moyenne de 0.5 point de pourcentage par an. Au Ghana, la croissance relative moyenne s’établit à -1.2 point de pourcentage par an, avec une part allant de 88 % en 2000 à 70 % en 2014. Ce taux de croissance relative négatif n’implique pas pour autant une baisse des exportations, le taux de croissance des exportations étant élevé dans les pays à l’étude, en particulier au Ghana (Tableau 5.3). Au Kirghizistan, en République dominicaine et au Rwanda, la part des secteurs où les immigrés sont surreprésentés dans la valeur totale des exportations est en hausse, de respectivement 0.5, 1.8 et 0.5 point de pourcentage par an, en moyenne. En conclusion, malgré l’absence d’une tendance nette entre les pays, la fluctuation annuelle des parts semble toutefois une caractéristique commune.
Tableau 5.3. Malgré la variation de la part des exportations dans le PIB entre les pays partenaires à l’étude, la plupart enregistrent des taux de croissance élevés
Pays |
Part des exportations dans le PIB (%, 2014) |
Taux de croissance moyen des exportations (%, 2009-14) |
Part des secteurs à forte concentration d’immigrés dans les exportations (%, 2014) |
---|---|---|---|
Costa Rica |
32.2 |
4.0 |
20.6 |
République dominicaine |
25.6 |
14.6 |
27.6 |
Ghana |
39.5 |
20.5 |
70.4 |
Kirghizistan |
37.4 |
3.4 |
77.7 |
Rwanda |
14.8 |
16.7 |
20.7 |
Note : Les secteurs à forte concentration d’immigrés sont sélectionnés à partir de la classification à deux chiffres de la CITI-3 et correspondent aux secteurs où les immigrés sont surreprésentés par rapport à leur pourcentage dans la population active occupée totale du pays.
Source : Calculs des auteurs basés sur les données de la Base de données Comtrade des Nations Unies (Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, non daté) et du Minnesota Population Center (2017).
L’utilisation du pourcentage relatif d’immigrés au lieu de la simple surreprésentation ne fait, là encore, apparaître aucune relation. L’analyse de la croissance des exportations – qu’elle couvre des périodes de deux, cinq ou dix ans – ne met au jour aucune corrélation significative avec l’immigration.
Ces résultats semblent indiquer que la performance des secteurs où les immigrés sont surreprésentés n’est ni supérieure ni inférieure à celle des secteurs employant moins d’immigrés. Au Costa Rica et au Ghana, le recul de la part dans la valeur totale des exportations pourrait signaler une baisse relative de la productivité des secteurs où les immigrés sont surreprésentés par rapport à ceux où ils ne le sont pas. C’est la tendance inverse qui s’observe au Kirghizistan, en République dominicaine et au Rwanda. L’observation de fluctuations annuelles relativement fortes réduit toutefois le degré de fiabilité de cette interprétation.
Les immigrés peuvent influer sur la productivité à l’échelle de l’entreprise
Au vu des difficultés d’identification des effets sur la productivité à l’aide de variables indicatives à l’échelle sectorielle, cette sous-section s’attache à l’examen de la corrélation entre immigration et productivité à l’échelle de l’entreprise. Cette analyse se fonde sur des enquêtes ou des recensements auprès des entreprises en Côte d’Ivoire, au Népal et au Rwanda10 .
Les types d’entreprises représentés varient entre les pays :
Côte d’Ivoire : L’enquête 2016 auprès des entreprises du secteur informel (deuxième phase de l’Enquête nationale sur la situation de l’emploi et le secteur informel [ENSESI]) couvre les entreprises informelles non agricoles (Institut national de la statistique [INS] de la Côte d’Ivoire, 2016).
Rwanda : Le recensement des entreprises de 2014 inclut les entreprises des secteurs formel et informel (Institut national de la statistique [INS] du Rwanda, 2014a).
Népal : Le Recensement national des établissements manufacturiers 2011-2012 se limite aux entreprises du secteur manufacturier employant au moins dix travailleurs (Bureau central de la statistique [BCS] du Népal, 2013).
Comme le montrent les études sectorielles, les immigrés peuvent jouer différents rôles dans les entreprises des secteurs formel et informel, qui déterminent vraisemblablement aussi leurs effets sur la productivité. Toutefois, la différence de couverture des secteurs a également une incidence sur l’analyse. Pour la Côte d’Ivoire, la nature informelle des entreprises échantillonnées complique l’analyse de la productivité en raison de l’absence de documents comptables officiels. Au lieu de registres écrits, l’information se base sur la remémoration des entrepreneurs, et les questions sur les recettes et les dépenses ne portent donc que sur le mois précédant l’enquête. De même, au Rwanda, l’enquête inclut des informations sur le chiffre d’affaires total, mais pas sur les coûts des facteurs de production.
Il a fallu adapter la définition du terme « immigré » pour l’analyse de certains des recensements d’entreprises. Au Népal et au Rwanda, ces recensements n’incluent en particulier que des informations sur la nationalité des travailleurs, et non sur leur pays de naissance. Si dans la plupart des pays, les populations immigrée et non ressortissante (étrangère) se recoupent largement, le Rwanda fait néanmoins figure d’exception : d’après l’enquête auprès des ménages de 2013, seuls 7 % des individus nés à l’étranger n’y étaient pas ressortissants nationaux (parmi les individus nés dans le pays, le pourcentage d’étrangers était quant à lui inférieur à 0.1 %) (INS du Rwanda, 2014b)11 . En Côte d’Ivoire, la coopération entre l’Institut national de la statistique et l’équipe du projet a permis l’inclusion de questions complémentaires dans l’enquête auprès des entreprises informelles, notamment sur le lieu de naissance des travailleurs. Par conséquent, en Côte d’Ivoire, un immigré reste défini comme toute personne née à l’étranger, tandis qu’au Népal et au Rwanda, c’est la nationalité qui sert de variable indicative.
Les entreprises présentent en général des caractéristiques différentes selon qu’elles emploient ou non des immigrés
La taille des entreprises employant des immigrés tend à être supérieure à celle des entreprises n’en employant pas. Ce constat ne signifie pas pour autant que l’emploi d’immigrés favorise la réussite des entreprises ; la probabilité est simplement plus forte de trouver au moins un travailleur immigré dans les entreprises ayant plus d’employés que dans celles qui en ont moins. En Côte d’Ivoire, où l’enquête inclut également les personnes travaillant pour leur propre compte, la différence est minime : les entreprises employant au moins un immigré (dans le cas des travailleurs à leur compte, il peut s’agir du seul travailleur qui n’est autre que l’entrepreneur lui-même) comptent en moyenne 1.4 travailleur, contre 1.3 pour celles n’employant pas d’immigrés. Au Rwanda, la différence de taille est plus marquée en raison de l’inclusion des entreprises du secteur formel. Ces dernières y emploient en moyenne 15.6 travailleurs, contre 1.5 dans les entreprises du secteur informel. Les entreprises employant des immigrés comptent en moyenne 44 travailleurs, contre 3 pour celles n’en employant pas. Enfin, au Népal, le nombre moyen de travailleurs s’établit à 110 dans les entreprises employant des immigrés, contre 38 dans celles n’en employant pas.
Étant donné que dans nombre de pays, les immigrés tendent à s’installer dans les zones urbaines, il est plus probable de trouver des entreprises employant des immigrés dans les villes (Graphique 5.6). Au Rwanda, 54 % des entreprises employant des immigrés se trouvent ainsi à Kigali, la capitale. Au Népal, la situation est légèrement différente, la majorité des entreprises manufacturières – qu’elles emploient ou non des immigrés – se trouvant à proximité de la frontière avec l’Inde. L’emplacement de l’entreprise n’est pas anodin : d’après des travaux de recherche antérieurs, les petits entrepreneurs du Rwanda sont ainsi plus susceptibles d’exercer d’autres activités en sus de la gestion de leur affaire lorsqu’ils sont implantés en zone rurale (Abott, Murenzi et Musana, 2012). En Côte d’Ivoire, les immigrés travaillant pour leur propre compte sont moins susceptibles que les entrepreneurs autochtones d’exercer une autre activité en plus de la gestion de leur affaire. Leur concentration dans les zones urbaines peut en partie expliquer ce constat.
La répartition relative des entreprises entre les secteurs selon qu’elles emploient ou non des immigrés varie entre la Côte d’Ivoire et le Rwanda. Dans ces deux pays, les entreprises employant des immigrés sont moins représentées dans le secteur de l’hébergement et de la restauration (Graphique 5.7). En Côte d’Ivoire, leur pourcentage dans ce secteur s’établit ainsi à 21 %, contre 25 % pour les entreprises n’employant pas d’immigrés. Au Rwanda, la différence est encore plus marquée, avec des pourcentages de respectivement 8 % et 29 %. Toutefois, bien que dans ces deux pays, la majorité des entreprises à l’étude opèrent dans le secteur du commerce, des différences de répartition s’observent selon l’emploi ou non d’immigrés. En Côte d’Ivoire, le pourcentage d’entreprises opérant dans ce secteur est ainsi plus élevé parmi celles employant des immigrés (58 % contre 51 %), tandis que c’est la tendance inverse qui s’observe au Rwanda (21 % contre 51 %).
L’incidence des immigrés sur la productivité peut aller au-delà de leur effet sur le capital humain
Comme susmentionné, le ratio capital/travail constitue un facteur déterminant de la productivité du travail. Or ce ratio peut différer entre les entreprises selon qu’elles emploient ou non des immigrés. Le capital peut-être remplacé par le recours à une main-d’œuvre immigrée, et le capital apporté par les entrepreneurs immigrés peut être plus ou moins important que celui des entrepreneurs autochtones. En Côte d’Ivoire, le montant du capital utilisé est significativement plus élevé parmi les entreprises employant des immigrés que parmi celles n’en employant pas, s’établissant respectivement à 156 USD et 112 USD. Toutefois, les effectifs des entreprises employant des immigrés sont aussi plus nombreux, et le capital moyen par travailleur ne diffère pas de manière significative.
La situation est similaire au Népal et au Rwanda. Les entreprises employant des étrangers utilisent davantage de capital physique que celles n’en employant pas, sans que cela signifie pour autant que ces entreprises soient plus capitalistiques, puisqu’elles emploient aussi davantage de travailleurs12 . Au Népal, le capital moyen par travailleur est inférieur dans les entreprises employant des travailleurs non népalais. Une analyse de régression confirme cette association négative entre l’emploi de ce type de travailleurs et le capital par travailleur, après contrôle de la taille de l’entreprise et du sous-secteur. Au Rwanda, les entreprises employant des étrangers présentent en moyenne un niveau de capital supérieur, mais cette différence disparaît après contrôle du nombre de travailleurs.
Outre le capital physique, la productivité du travail est aussi fonction du capital humain. L’élévation du niveau de capital humain entraîne une hausse de la productivité et de la rémunération des travailleurs. Par conséquent, si les immigrés font augmenter le niveau de capital humain d’une entreprise, il est probable d’observer aussi une hausse des salaires. Toutefois, l’augmentation de l’offre de travail peut aussi signifier le renforcement de la concurrence, entraînant une baisse des salaires, en particulier si les immigrés acceptent une rémunération plus faible en contrepartie de leur travail.
Le Chapitre 4 montre qu’en Côte d’Ivoire et au Népal, aucun écart significatif ne s’observe entre le salaire des immigrés et celui des autochtones après contrôle du capital humain et de la profession. En Côte d’Ivoire, sans ces variables de contrôle, les immigrés gagnent en moyenne légèrement plus que les autochtones. D’après les données de l’ENSESI, en Côte d’Ivoire, dans le secteur informel, les entreprises employant des immigrés supportent des coûts salariaux plus élevés que celles n’en employant pas. Les données ne permettent toutefois pas de déterminer qui des immigrés, des autochtones, ou de ces deux groupes à la fois, bénéficie de ces salaires plus élevés. Les résultats du Chapitre 4 semblent cependant indiquer que la différence de coûts salariaux pourrait résulter de différences de capital humain ou de profession entre les travailleurs. Ce constat implique que le niveau moyen de capital humain est supérieur dans les entreprises employant des immigrés. Au Népal, dans les entreprises manufacturières, le salaire moyen par travailleur népalais est similaire que ces entreprises emploient ou non des immigrés. Une analyse de régression contrôlant le capital et le travail confirme que la présence de travailleurs non népalais dans une entreprise n’entraîne pas de variation du salaire des travailleurs népalais. Les coûts salariaux ne sont pas inclus dans le recensement des entreprises du Rwanda, mais le Chapitre 4 montre que le salaire moyen des étrangers y est supérieur à celui des ressortissants rwandais, même après contrôle du niveau d’éducation et de la profession.
L’impact des immigrés sur la productivité des entreprises – au-delà de leur effet sur le capital physique et humain – peut être positif ou négatif, ces deux thèses bénéficiant toutes deux d’arguments théoriques. Pour permettre une estimation empirique de cet impact, l’expérience idéale consisterait à procéder à une répartition aléatoire des immigrés entre les entreprises et à mesurer l’évolution de leur productivité dans le temps. Dans les faits, cette répartition n’a toutefois rien d’aléatoire. Le contrôle d’autres facteurs influant sur la productivité, tels que la situation géographique ou le capital, peut en partie compenser le caractère non aléatoire de cette répartition. La prudence est toutefois de mise lors de l’interprétation des résultats. La répartition reste en particulier non aléatoire même après contrôle de ces autres variables, et l’immigration peut aussi influer sur la productivité à travers ses effets sur le capital physique et humain.
En Côte d’Ivoire et au Rwanda, l’emploi d’immigrés ne semble pas influer sur l’efficience des entreprises dans la transformation de leurs facteurs de production en produits, bien que ce résultat dépende de la taille des entreprises. En Côte d’Ivoire, la productivité moyenne des entreprises (telle que mesurée par le chiffre d’affaires moyen par travailleur) ne diffère pas de façon significative selon qu’elles emploient ou non des immigrés. Des analyses de régression – permettant le contrôle du capital, des apports de matières premières, du secteur, de la situation géographique et du nombre de travailleurs – confirment que l’emploi ou non de travailleurs immigrés n’a pas d’incidence sur la productivité de l’entreprise. Toutefois, parmi les entreprises comptant au moins deux travailleurs, le chiffre d’affaires moyen par travailleur est significativement plus élevé dans celles qui emploient des immigrés, même après contrôle d’autres variables explicatives. Au Rwanda, où les secteurs formel et informel sont inclus, le chiffre d’affaires des entreprises employant des immigrés est plus élevé. Toutefois, les analyses de régression montrent que ce résultat est principalement fonction de caractéristiques des entreprises telles que la taille, le niveau de formalité, le capital utilisé, le secteur et la situation géographique. Une fois ces variables de contrôle prises en compte, l’emploi de travailleurs nés à l’étranger n’a pas d’incidence sur le chiffre d’affaires des entreprises.
Au Népal, en revanche, les entreprises manufacturières qui emploient des étrangers semblent plus productives. La productivité du travail (telle que mesurée par la valeur ajoutée par travailleur) des entreprises où les immigrés représentent moins de 5 % mais plus de 0 % des effectifs est supérieure de 25 % à celle des entreprises n’employant pas d’étrangers. Lorsque le pourcentage de travailleurs étrangers est supérieur à 5 %, le gain de productivité s’établit à 20 % par rapport aux entreprises n’employant pas d’immigrés. Toutefois, la taille des entreprises employant jusqu’à 5 % d’immigrés est en général supérieure à celle des entreprises n’employant pas d’immigrés ou en employant plus de 5 %. Lorsque la comparaison porte uniquement sur les entreprises de plus grande taille (soit celles comptant plus de 20 travailleurs), le gain de productivité résultant de l’emploi d’immigrés disparaît. Cependant, l’emploi de travailleurs immigrés très qualifiés reste associé à une hausse des niveaux de productivité.
En conclusion, les éléments mis au jour sur l’effet stimulant de l’immigration sur la croissance sont modestes. La croissance de la productivité des secteurs où les immigrés sont surreprésentés n’est pas supérieure à la moyenne. Toutefois, les entreprises ivoiriennes et népalaises – mais pas rwandaises – qui emploient des immigrés semblent plus productives que celles n’en employant pas (à condition que les entreprises unipersonnelles soient exclues). Les études sectorielles mettent en lumière les mécanismes susceptibles de stimuler la productivité, tels que l’apprentissage mutuel entre les travailleurs autochtones et ceux nés à l’étranger, et la bonne éthique de travail de ces derniers. En Côte d’Ivoire, peu d’entreprises informelles font toutefois part de tels effets.
En revenant à la fonction de production introduite au début de ce chapitre, la première section et la présente ont documenté la façon dont l’immigration influe d’un côté sur le travail augmenté du capital humain et le capital, et de l’autre, sur la productivité. L’entrepreneuriat peut avoir une incidence sur l’utilisation du capital et du travail, ainsi que sur la productivité. La dernière section de ce chapitre explore donc la relation entre immigration et entrepreneuriat.
Immigration et entrepreneuriat
L’entrepreneuriat peut se définir comme l’exploitation d’opportunités commerciales, que ce soit dans le cadre d’une entreprise existante ou de la création d’une nouvelle entreprise (voir Ahmad et Seymour, 2008). L’emploi à titre indépendant, souvent utilisé comme variable de substitution dans ce contexte, n’est donc qu’un indicateur incomplet de l’entrepreneuriat. D’une part, il exclut les activités entrepreneuriales des salariés et d’autre part, il peut comprendre des activités de travail indépendant ne s’inscrivant pas dans une démarche d’entrepreneuriat (parfois désignées sous le terme d’« entrepreneuriat de nécessité »).
Quand les entrepreneurs s’attachent à développer de nouveaux produits ou modes de production, ou à créer de nouveaux marchés, il est facile de comprendre comment l’entrepreneuriat pourrait faire augmenter la productivité ou l’emploi. En termes de productivité, on peut observer soit une hausse de la valeur de la production pour un niveau donné de facteurs de production, soit une baisse des niveaux requis de facteurs de production ou de leurs coûts pour un niveau donné de production. L’exploitation d’opportunités commerciales n’entraîne toutefois pas nécessairement une hausse de la productivité globale (Baumol, 1990). Tandis qu’une étude met au jour une incidence positive de l’entrepreneuriat sur la productivité (Erken, Donselaar et Thurik, 2016), une autre signale toutefois des effets négatifs sur la croissance économique (et donc vraisemblablement sur la productivité) dans les pays en développement. Cette étude mesure l’entrepreneuriat comme le pourcentage de la population adulte qui est soit en phase de création d’entreprise, soit déjà propriétaire ou gestionnaire d’une affaire créée depuis moins de 42 mois (Van Stel, Carree et Thurik, 2005).
L’incidence de l’immigration sur l’activité entrepreneuriale – entendue ici comme le pourcentage d’employeurs (taux de propriété d’entreprises) – peut prendre deux formes. Tout d’abord, en cas de différence de taux de propriété d’entreprises entre les immigrés et les autochtones, le ratio global de propriétaires d’entreprises dans la population peut se trouver modifié. Outre les différences de pourcentage de la population en âge de travailler et de taux de participation à la main-d’œuvre, ce cas de figure peut se présenter lorsque le taux de propriété d’entreprises diffère entre les actifs immigrés et leurs homologues autochtones. Un écart de ce type pourrait résulter d’un taux de propriété d’entreprises différent dans le pays d’origine des immigrés, de leur incapacité à trouver un autre type d’emploi, ou encore de leur accès à des opportunités commerciales différentes de celles s’offrant aux autochtones (Zhou, 2006). S’il est possible que les taux soient différents dans la population immigrée, l’incidence sur le taux global sera néanmoins probablement limitée, les immigrés ne représentant qu’une petite part de la population.
En second lieu, les immigrés peuvent influer (à la hausse ou à la baisse) sur la probabilité pour les autochtones d’exercer une activité entrepreneuriale (Duleep, Jaeger et Regets, 2012 ; Fairlie et Meyer, 2003). Ainsi, l’intensification de la concurrence résultant des entrepreneurs immigrés pourrait dissuader certains autochtones de créer leur entreprise ou en obliger d’autres à cesser leur activité entrepreneuriale. Sur un plan plus positif, les autochtones peuvent se sentir plus en confiance à l’idée de démarrer une activité entrepreneuriale ou de la poursuivre si la présence d’immigrés leur permet de trouver plus facilement des employés ayant les compétences recherchées, ou d’accéder à de nouveaux fournisseurs ou clients.
Aucune tendance générale ne se dégage entre les pays de la comparaison des taux d’entrepreneuriat dans la population autochtone et dans celle née à l’étranger. Dans les pays de l’OCDE, le taux moyen d’emploi à titre indépendant est légèrement supérieur dans la population née à l’étranger que parmi les autochtones (OCDE, 2011). Néanmoins, la tendance inverse s’observe aussi, même dans nombre de pays de l’OCDE (OCDE, 2001). L’analyse des start-ups dans un échantillon de 69 pays met au jour leur prévalence plus élevée dans la population née à l’étranger que dans la population autochtone dans la plupart des régions du monde, mais à peu près égale en Europe de l’Est et en Russie, et inférieure en Amérique du Sud et en Amérique centrale (Vorderwülbecke, 2012).
Les deux sous-sections suivantes examinent l’effet de l’immigration sur l’entrepreneuriat dans les pays partenaires du projet. La première compare la propension à être employeur entre des travailleurs autochtones et nés à l’étranger présentant par ailleurs des caractéristiques similaires. La seconde étudie l’incidence du pourcentage d’immigrés dans une localité sur la probabilité pour les autochtones de cette même localité d’avoir une entreprise.
Aucune tendance nette ne se dégage de la comparaison de la propriété d’entreprises entre les immigrés et les autochtones
Dans les pays partenaires du projet, le pourcentage d’employeurs n’est pas systématiquement plus élevé parmi les actifs occupés nés à l’étranger que parmi leurs homologues autochtones. Le pourcentage global est plus faible parmi les travailleurs nés à l’étranger que parmi leurs homologues autochtones au Népal et en République dominicaine, mais plus élevé en Afrique du Sud, en Argentine et au Ghana (Graphique 5.8). Aucune différence de pourcentage statistiquement significative ne s’observe entre ces deux groupes au Costa Rica, en Côte d’Ivoire, au Kirghizistan, au Rwanda et en Thaïlande. Si la comparaison porte uniquement sur les hommes, le pourcentage d’employeurs est plus faible parmi les travailleurs nés à l’étranger que parmi leurs homologues autochtones au Costa Rica et en République dominicaine, tandis que c’est l’inverse qui s’observe en Argentine, au Ghana et au Népal. Si elle porte uniquement sur les femmes, le pourcentage d’employeuses est plus élevé parmi les travailleuses immigrées que parmi leurs homologues autochtones en Afrique du Sud, en Argentine, en République dominicaine et au Rwanda.
Si aucune tendance nette ne se dégage de la différence de pourcentage d’employeurs entre les travailleurs nés à l’étranger et leurs homologues autochtones, on observe néanmoins que dans la plupart des pays partenaires du projet, les immigrés sont soit aussi, soit plus enclins à l’entrepreneuriat que les autochtones (Tableau 5.4). Après contrôle des principales caractéristiques démographiques et éducatives, ainsi que de la région de résidence, les immigrés sont plus susceptibles d’être employeurs que les autochtones présentant des caractéristiques similaires en Afrique du Sud, en Argentine, au Costa Rica, au Kirghizistan, au Rwanda et en Thaïlande. En Côte d’Ivoire et au Ghana, les travailleurs immigrés ne sont ni plus, ni moins susceptibles d’être employeurs, tandis qu’ils le sont moins au Népal et en République dominicaine.
Tableau 5.4. Dans la plupart des pays partenaires du projet, les travailleurs nés à l’étranger sont aussi susceptibles d’être employeurs que leurs homologues autochtones, voire davantage
Effet marginal du statut d’immigré, dans l’hypothèse où les caractéristiques démographiques, éducatives et régionales sont maintenues constantes
Note : Les variables de contrôle sont l’âge, l’âge au carré, le sexe, le plus haut niveau d’éducation atteint et la région. ***/**/* indiquent respectivement que l’effet marginal est statistiquement significatif à un niveau de 1/5/10 %.
Source : Calculs des auteurs basés sur l’enquête 2010-13 Life in Kyrgyzstan Study (IZA, 2016), l’Encuesta Permanente de Hogares 2003-15 (INDEC, 2003), le Recensement de 2010 de la République dominicaine (Bureau national de la statistique de la République dominicaine, 2012), l’Encuesta Nacional de Hogares 2010-14 (INEC, 2010-14), l’Enquête sur le niveau de vie des ménages de 2008 (INS de la Côte d’Ivoire, 2008), la Community Survey 2007 (STATS SA, 2007), l’Integrated Household Living Conditions Survey (Institut national de la statistique du Rwanda, 2014a), et des échantillons des recensements de 2001 et 2010 du Népal (Bureau central de la statistique du Népal, 2001 et 2010), de 2002 et 2010 du Ghana (GSS, 2002 et 2010), de 2001 et 2011 de l’Afrique du Sud (STATS SA, 2001 et 2011) et du Recensement de la population et de l’habitat 2010 de la Thaïlande (Bureau national de la statistique de la Thaïlande, 2010).
Dans deux des quatre pays partenaires échantillonnés, la taille des entreprises des employeurs nés à l’étranger n’est pas disproportionnellement plus grande ou plus petite. En République dominicaine et au Rwanda, le pourcentage d’employeurs immigrés est plus faible dans les mircoentreprises, mais plus élevé dans les petites, moyennes et grandes entreprises. En Argentine et au Costa Rica, le pourcentage d’employeurs nés à l’étranger est plus élevé parmi les propriétaires de microentreprises (2 à 9 employés), mais plus faible parmi ceux de petites entreprises (11 à 49 employés). Cette relation persiste après contrôle de l’âge, du sexe et du niveau d’éducation des employeurs13 . Dans les autres pays, les différences de pourcentage sont en partie statistiquement significatives, mais aucune relation ne peut être établie après contrôle de l’âge, du sexe et du niveau d’éducation des immigrés.
Les immigrés peuvent avoir une incidence sur les activités entrepreneuriales des autochtones
Les immigrés peuvent entraîner une hausse du taux moyen de propriété d’entreprises en facilitant l’entrepreneuriat parmi les autochtones, et ce pour différentes raisons : les travailleurs autochtones peuvent ainsi trouver plus facile d’embaucher des travailleurs ayant les compétences adéquates pour leur entreprise ou pour la prise en charge de certaines activités non rémunérées (telles que la garde d’enfants) qui les empêchaient jusque-là de devenir employeurs ; ils peuvent en outre voir dans la présence d’immigrés de nouvelles opportunités commerciales, ces derniers pouvant être autant de consommateurs, ou de fournisseurs/acheteurs de facteurs intermédiaires ; enfin, l’impulsion globale donnée par l’immigration à la croissance économique peut aussi faciliter la création de nouvelles entreprises. Toutefois, il est également possible – comme le suggèrent certaines personnes interrogées dans le cadre des études sectorielles – que la présence de nombreux entrepreneurs nés à l’étranger dans une localité dissuade les travailleurs autochtones de cette même localité de créer des entreprises.
Cet effet indirect peut aussi être analysé. On a en particulier examiné si les autochtones âgés de 15 ans ou plus vivant dans des zones à plus forte concentration d’immigrés sont plus susceptibles d’avoir une entreprise que d’autres autochtones présentant des caractéristiques similaires en termes de sexe, d’âge et de niveau d’éducation, mais vivant dans des zones à plus faible concentration d’immigrés14 . L’analyse se base sur des données de recensements de l’année la plus récente. Compte tenu de la répartition non aléatoire des immigrés au sein du pays, on a procédé à une analyse complémentaire à l’aide d’un instrument lorsque les données étaient disponibles. Le pourcentage d’immigrés des années antérieures a ainsi servi d’« instrument » pour le pourcentage d’immigrés dans le recensement le plus récent (consulter Sousa, Sanchez et Baez [2017] pour l’application d’une approche similaire en République dominicaine). Cette approche à variable instrumentale se fonde sur le fait que les immigrés s’installent souvent dans des zones où vivent déjà d’autres immigrés de leur pays d’origine.
L’analyse met au jour une corrélation positive entre la concentration d’immigrés et l’activité entrepreneuriale parmi les travailleurs autochtones dans la plupart des pays partenaires du projet. Échappe à ce constat l’Argentine, où la plus forte concentration d’immigrés dans une zone est associée à une probabilité plus faible pour les autochtones d’avoir une entreprise (Tableau 5.5). En Afrique du Sud, au Costa Rica et en République dominicaine, les autochtones sont plus susceptibles d’avoir une entreprise s’ils vivent dans une zone à plus forte concentration d’immigrés. Dans les régressions probit de la population autochtone âgée de 15 ans ou plus – dans lesquelles la variable dépendante est la propriété d’entreprises, et les variables de contrôle sont le sexe, l’âge, le niveau d’éducation, la région et le statut rural –, l’effet marginal du pourcentage d’immigrés s’établit à 0.0002 pour l’Afrique du Sud, -0.0017 pour l’Argentine, 0.0007 pour le Costa Rica et 0.0057 pour la République dominicaine. Cela peut sembler un effet limité sur le taux de propriété d’entreprises, mais au vu de la faiblesse du pourcentage d’individus ayant une entreprise, il s’agit en réalité d’un impact conséquent. Une augmentation de 10 points de pourcentage de la concentration d’immigrés dans une zone est associée à une variation de la probabilité d’avoir une entreprise allant de -65 % en Argentine à 35 % en Afrique du Sud15 . Dans la régression à variable instrumentale, les effets marginaux sont similaires en Argentine et en République dominicaine, mais non statistiquement significatifs en Afrique du Sud et au Costa Rica.
Tableau 5.5. L’impact des immigrés sur l’entrepreneuriat parmi les autochtones diffère entre les pays
Effet marginal du pourcentage d’immigrés dans une localité sur la probabilité d’être employeur parmi les autochtones
Argentine |
Costa Rica |
République dominicaine |
Afrique du Sud |
|
---|---|---|---|---|
Effet marginal (sans instrument) |
- |
+ |
+ |
+ |
Effet marginal (avec instrument) |
- |
o |
+ |
o |
Note : La régression se limite à la population âgée de 15 ans ou plus. + indique un effet marginal positif, - un effet marginal négatif et o un effet marginal estimé non statistiquement significatif à un niveau de 10 %.
Source : Calculs des auteurs basés sur des échantillons de recensements du Minnesota Population Center (2017).
Malgré les nombreux avantages potentiels d’une augmentation de l’activité entrepreneuriale, toute nouvelle entreprise n’est pas nécessairement vectrice de création d’emploi ou d’innovation. Une corrélation positive entre le pourcentage d’immigrés dans une localité et le taux d’activité entrepreneuriale des autochtones n’entraîne pas toujours une augmentation de la croissance. Les pouvoirs publics doivent donc revoir leurs politiques afin de s’assurer que les incitations ciblent bien les nouvelles entreprises ayant un fort potentiel de réussite (Shane, 2009). Deux questions méritent en outre un examen plus approfondi : la création d’entreprises par des autochtones dans des zones à forte concentration d’immigrés résulte-t-elle de nouvelles opportunités ou d’un choix de dernier recours ? Et ces entreprises ont-elles le potentiel d’accroître la productivité globale de l’économie ?
Conclusions et implications pour l’action publique
Dans les pays partenaires du projet, il est peu probable que l’immigration entraîne une baisse du PIB par habitant. Ce dernier peut se subdiviser en pourcentage d’actifs occupés dans la population totale et en PIB par actif occupé. La composition de la main-d’œuvre immigrée et les effets des immigrés sur l’emploi déterminent le premier facteur, tandis que la productivité relative des travailleurs nés à l’étranger par rapport à celle de leurs homologues autochtones et l’effet de l’immigration sur les niveaux globaux de productivité déterminent le second.
Ce chapitre montre, éléments probants à l’appui, que l’immigration est en général associée à une augmentation du pourcentage d’actifs occupés dans la population totale. Dans tous les pays partenaires du projet à l’exception du Kirghizistan et du Népal, le pourcentage d’actifs occupés est plus élevé dans la population née à l’étranger que dans la population autochtone, avec dans certains cas des écarts considérables. Par ailleurs, dans la plupart des pays partenaires du projet, les immigrés ne semblent pas avoir d’effet négatif sur l’emploi des travailleurs autochtones.
Si la productivité relative des travailleurs nés à l’étranger d’un secteur par rapport à leurs homologues autochtones est égale au ratio de leur nombre d’années d’éducation, la contribution directe estimée des immigrés à la valeur ajoutée est supérieure à leur pourcentage dans la population active occupée dans la moitié des pays partenaires du projet. Cette estimation ne reflète toutefois pas les autres effets potentiels que les immigrés sont susceptibles d’avoir sur la productivité.
Les résultats concernant l’effet de l’immigration sur la productivité sont moins nets. Différentes méthodes de recherche ont été utilisées en fonction de la disponibilité des données :
D’après les exercices de modélisation réalisés pour l’Afrique du Sud et la Thaïlande, la complémentarité entre les travailleurs nés à l’étranger et leurs homologues autochtones constituerait un facteur déterminant des effets de l’immigration sur la croissance. Il en ressort également qu’en Afrique du Sud, les travailleurs immigrés peu qualifiés, et dans une moindre mesure ceux très qualifiés, font augmenter le PIB par habitant et les possibilités d’emploi pour les travailleurs autochtones.
Les études sectorielles qualitatives menées en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kirghizistan et au Népal soulignent les possibilités d’apprentissage mutuel, ainsi que les effets positifs et négatifs d’un renforcement potentiel de la concurrence sur les travailleurs et les employeurs autochtones. Elles suggèrent que l’immigration qualifiée et l’entrepreneuriat immigré peuvent faire augmenter la productivité des entreprises encore en place. Dans certains cas, ils peuvent toutefois rendre plus difficile l’entrée sur le marché ou la subsistance des entreprises des autochtones.
Les données commerciales ne permettent pas de démontrer clairement l’existence de gains de productivité induits par l’immigration à l’échelle sectorielle dans cinq des pays partenaires du projet.
D’après les données de l’enquête auprès des entreprises en Côte d’Ivoire, la productivité des entreprises informelles employant des immigrés pourrait être plus élevée que celle des entreprises n’en employant pas. Des résultats similaires ne sont toutefois pas mis au jour pour les entreprises des secteurs formel et informel au Rwanda, et du secteur formel au Népal.
Dans certains pays – notamment en République dominicaine –, l’immigration peut stimuler l’activité entrepreneuriale globale, tendance qui pourrait avoir des effets positifs sur la productivité à moyen et long termes.
Compte tenu de la limitation des données pour l’étude de la productivité, notamment en lien avec l’immigration dans les pays en développement, la prudence est de mise lors de l’interprétation des résultats présentés dans ce chapitre. Au vu de ces difficultés, la formulation d’implications précises pour l’action publique s’avère une entreprise délicate. Néanmoins, nombreuses sont les mesures qui pourraient contribuer à améliorer l’effet de l’immigration sur le PIB par habitant, notamment en stimulant la participation des immigrés à la main-d’œuvre, en favorisant leur intégration sur le marché du travail, en renforçant le degré de complémentarité entre les travailleurs nés à l’étranger et leurs homologues autochtones, ainsi qu’en identifiant et en supprimant les obstacles généraux à la croissance de la productivité. Pour y parvenir, les mesures à mettre en œuvre seraient nécessairement spécifiques à chaque pays :
L’augmentation de la participation des immigrés à la main-d’œuvre peut s’avérer un objectif difficile à atteindre dans certains pays où la concentration des immigrés dans la population en âge de travailler et leur ratio emploi/population sont déjà élevés.
L’offre de cours de langue aux immigrés pourrait les aider à mieux utiliser leurs compétences et donc à s’intégrer sur le marché du travail. Cette mesure vaut particulièrement pour les pays où les immigrés sont nombreux à ne pas parler la ou les langues locales. Comme le suggère l’étude sectorielle, l’amélioration des compétences linguistiques ne serait pas uniquement bénéfique aux immigrés eux-mêmes, mais renforcerait également les possibilités d’apprentissage mutuel entre les travailleurs nés à l’étranger et leurs homologues autochtones, et stimulerait donc potentiellement la productivité.
La mise en œuvre de politiques visant à attirer les immigrés vers les professions connaissant des pénuries de compétences pourrait renforcer la complémentarité entre les travailleurs nés à l’étranger et leurs homologues autochtones. Les pays rencontrent toutefois encore des difficultés pour la planification et l’application de ce type de mesures.
Par conséquent, les politiques ne ciblant pas l’immigration en particulier, mais visant à réduire les obstacles généraux à la croissance de la productivité pourraient s’avérer les plus fructueuses. Néanmoins, la facilitation de l’immigration des investisseurs peut contribuer à la réalisation de cet objectif. Les contraintes de crédit pesant sur les entrepreneurs rendent souvent difficile la création ou l’expansion de leur entreprise, ce qui peut limiter la croissance de la productivité. À cet égard, il pourrait s’avérer utile de permettre aux immigrés de créer leur propre entreprise, seuls ou en collaboration avec des travailleurs autochtones.
Enfin, l’effet de l’immigration sur la croissance économique mériterait de faire l’objet de recherches plus approfondies. La collecte et l’analyse de données supplémentaires dans le cadre d’enquêtes auprès des entreprises pourraient en particulier améliorer la compréhension qu’ont les pouvoirs publics non seulement de l’impact de l’immigration sur la productivité et l’entrepreneuriat, mais aussi plus globalement des dynamiques et des obstacles à l’œuvre dans ce domaine. La collecte longitudinale de données sur le même échantillon d’entreprises permettrait d’en apprendre encore davantage.
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ANNEXE 5.A1. Entretiens et groupes de discussion menés dans le cadre des études sectorielles
Tableau 5.A1.1. Entretiens et groupes de discussion menés dans le cadre des études sectorielles
Instituts de recherche |
Entretiens auprès d’informateurs clés |
Entretiens auprès de représentants d’entreprises |
Groupes de discussion |
|
---|---|---|---|---|
Côte d’Ivoire |
Laboratoire de sociologie économique et d’anthropologie des appartenances symboliques de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan |
28 |
22 |
20 |
Ghana |
Centre pour l’étude des migrations, Université du Ghana |
37 |
23 |
19 |
Kirghizistan |
DialectICON |
19 |
60 |
10 |
Népal |
Centre pour l’étude du travail et de la mobilité |
54 |
29 |
24 |
Source : OCDE/OIT (2017a et à paraître a, b et c).
Notes
← 1. En termes techniques, il s’agit d’une économie fermée présentant un stock de capital fixe, une main-d’œuvre homogène et des rendements d’échelle constants.
← 2. Le PIB par habitant peut être décomposé comme suit :
où POP est la population, WAPOP est la population en âge de travailler et EMP est l’emploi. Il convient de noter que l’étude du marché du travail (par exemple au Chapitre 3) se concentre en général sur EMP/WAPOP (le ratio emploi/population ou taux d’emploi), qui se distingue de la variable EMP/POP.
← 3. Cette variable peut être déterminée sur la base d’une fonction de production standard de Cobb-Douglas (Aleksynska et Tritah, 2015 ; Jaumotte, Koloskova et Saxena, 2016) :
où HCdt est le capital humain par travailleur, est le ratio capital/travail, Adt est la productivité globale des facteurs et est la part du travail.
← 4. Le programme « Modélisation et analyse d’impacts des politiques » du PEP est conçu pour aider les chercheurs des pays en développement à modéliser leurs économies nationales. Ces modèles sont utilisés pour simuler l’impact des chocs économiques et des politiques. Pour de plus amples informations, consulter www.pep-net.org/pep-1-t-single-country-recursive-dynamic-version.
← 5. Le groupe Inforum est un satellite de l’International Input-Output Association. Différents types de modèles Inforum sont utilisés pour simuler l’impact des chocs économiques et des politiques dans de nombreux pays. Pour de plus amples informations, consulter www.inforum.umd.edu/.
← 6. En Afrique du Sud, les données sur les revenus liés au travail des travailleurs autochtones et de ceux nés à l’étranger sont tirées de l’enquête trimestrielle sur la population active (Quarterly Labour Force Survey), 2012, 3e trimestre.
← 7. Consulter les rapports trimestriels du Centre ghanéen de promotion des investissements sur www.gipcghana.com/press-and-media/downloads/reports.html.
← 8. Cette tendance n’est toutefois pas systématique, un grand nombre de travailleurs immigrés peu qualifiés étant par exemple toujours recrutés dans le secteur minier en Afrique du Sud.
← 9. Des définitions plus strictes de la surreprésentation – n’incluant que les secteurs employant 50 % à 100 % plus d’immigrés que ne laisserait escompter le pourcentage global d’immigrés dans la population active – présentent des résultats similaires.
← 10. Pour la République dominicaine, les données n’ont pas été disponibles à temps et ne sont donc pas incluses dans cette analyse.
← 11. Au Népal, les enquêtes récentes auprès des ménages n’incluent aucune question portant à la fois sur le pays de naissance et la nationalité.
← 12. Dans l’enquête auprès des entreprises au Rwanda, la question sur le capital prévoit les différentes catégories suivantes : 1) inférieur à 500 000 ; 2) 500 000-15 000 000 ; 3) supérieur à 15 millions-74 millions ; et 4) supérieur à 74 millions. Le capital par travailleur (obtenu à partir du point médian de chaque catégorie) est utilisé dans les calculs. Pour la 4e catégorie, l’augmentation des trois premières catégories est extrapolée.
← 13. La méthode d’analyse est une régression logistique ordonnée.
← 14. La concentration d’immigrés est calculée pour la deuxième division infranationale, soit le département en Argentine, le canton au Costa Rica et la municipalité en République dominicaine. Pour l’Afrique du Sud, l’analyse se base quant à elle sur le district magistral, unité locale de classification des zones géographiques incluse dans les données des recensements de 1996 et 2001.
← 15. En Afrique du Sud, le recensement le plus récent n’établit pas de distinction entre travailleurs indépendants et employeurs. L’analyse se base donc sur le recensement de 2001, le pourcentage d’immigrés se fondant sur le recensement de 1996/1984 comme instrument.