Ce chapitre souligne que l’éducation des contribuables n’est pas l’apanage des seules administrations fiscales. Il examine le rôle des organisations de la société civile et des entreprises, et se concentre sur les domaines dans lesquels elles sont parfois mieux placées que les administrations fiscales pour mettre en œuvre des initiatives d'éducation des contribuables.
Édifier une culture fiscale, civique et citoyenne
6. Rôle des acteurs non gouvernementaux dans l’éducation des contribuables
Abstract
L’enquête portait exclusivement sur le rôle des administrations fiscales en matière d’éducation des contribuables, mais ces dernières ne sont pas les seules à s’engager dans de telles initiatives. Les administrations fiscales ne sont pas l’unique source d’informations pour les contribuables, et de nombreux acteurs sont susceptibles de jouer un rôle en matière d’éducation des contribuables. Il s’agit notamment des médias, des organisations représentatives de la société civile, des universitaires, de groupes de réflexion, d’entreprises et d’associations professionnelles.
L’enquête a montré que dans de nombreux pays, les autorités ont conscience du potentiel des acteurs non gouvernementaux, et elles collaborent activement avec eux dans le cadre de programmes d’éducation des contribuables. L’enquête présente 57 initiatives qui ont fait l’objet de partenariats noués avec des acteurs non gouvernementaux. Les chapitres précédents du présent ouvrage ont montré tout l’intérêt de ces partenariats, en ceci qu’ils permettent à ces initiatives d’atteindre les publics visés, auprès desquels les acteurs non gouvernementaux peuvent inspirer une plus grande confiance, et avec lesquels les contacts sont aussi plus faciles.
Les acteurs non gouvernementaux jouent un rôle important en matière d’éducation des contribuables qui déborde le cadre de cet ouvrage. Ce dernier vise principalement à mieux appréhender le rôle que les administrations fiscales peuvent jouer en matière d’éducation des contribuables, et il n’entre pas dans le champ du présent ouvrage de dresser une cartographie complète de l’apport des acteurs non gouvernementaux. Il s’ensuit que la typologie proposée ne reflète peut-être pas pleinement tous les types d’initiatives mises en œuvre par les organisations non gouvernementales en matière d’éducation des contribuables.
Ce chapitre n’a donc pas pour objet de fournir une description exhaustive du rôle que jouent les acteurs non gouvernementaux. Il vient simplement en complément des autres chapitres, et invite à approfondir l’analyse quant au rôle et à la fonction des acteurs non gouvernementaux en matière d’éducation des contribuables. Relativement peu de travaux de recherche ont été réalisés sur le rôle des acteurs non gouvernementaux, autres que les acteurs de la société civile en particulier. Mais il pourrait s’avérer utile de mener des travaux complémentaires, notamment afin de comprendre quel est l’apport des acteurs non gouvernementaux en matière d’éducation des contribuables.
6.1. Organisations de la société civile
De nombreuses organisations de la société civile (OSC) participent activement à des projets d’éducation des contribuables, mais elles pourraient en faire davantage. Les OSC sont des entités non gouvernementales, généralement sans but lucratif, qui ne représentent pas des intérêts commerciaux, mais qui œuvrent plutôt au nom de l’intérêt général. Bien qu’il n’existe aucune analyse exhaustive du rôle des OSC en matière d’éducation des contribuables, deux études ont été conduites ces dernières années. Elles mettent en lumière le rôle actif que joue un certain nombre d’OSC dans des programmes d’éducation des contribuables, quoique sur l’ensemble de leurs activités dans le domaine de la fiscalité, l’éducation des contribuables semble la moins fréquente. Cela tend à montrer qu’il existe peut-être un potentiel inexploité. L’Encadré 6.1 fait la synthèse de ces deux études.
Encadré 6.1. Synthèse des études récentes concernant les activités des OSC dans le domaine de la fiscalité
L’Overseas Development Institute (ODI) (Sharp, Sweet et Rocha Menocal, 2019[1]) et l’International Budget Partnership (IBP) (Mohiuddin et de Renzio, 2020[2]) ont mené des travaux de recherche sur les activités des OSC dans le domaine de la fiscalité, en mettant l’accent en particulier sur les pays en développement. L’étude de l’ODI porte sur huit pays (Brésil, El Salvador, États-Unis, Kenya, Nigéria, Philippines, Ouganda, et Zambie). Celle réalisée par l’IBP a permis de rassembler des données sur 171 OSC dans 66 pays, et d’obtenir des informations complémentaires sur 38 d’entre elles dans le cadre d’une enquête en ligne. Ces deux études classent les différentes activités des OSC dans le domaine de la fiscalité en plusieurs catégories, et notent la fréquence à laquelle elles les mettent en œuvre. Le tableau 6.1 ci-dessous résume les conclusions :
Tableau 6.1. Activités des OCS dans le domaine de la fiscalité
Activités identifiées par l’Overseas Development Institute |
Niveau de participation |
Activités répertoriées par l’International Budget Partnership |
% d’OSC concernées |
---|---|---|---|
Analyse de la politique fiscale |
Élevé |
Travaux de recherche |
69 |
Action en faveur/défaveur des politiques proposées |
Élevé |
Transparence et responsabilité |
58 |
Sensibilisation aux droits et obligations en matière fiscale |
Faible |
Engagement et participation |
56 |
Campagne de communication |
53 |
||
Information/Sensibilisation |
49 |
Source : auteurs, adapté de (Sharp, Sweet et Rocha Menocal, 2019[1]) et (Mohiuddin et de Renzio, 2020[2]).
Ces études montrent que les activités qui se rapprochent le plus de l’éducation des contribuables sont celles liées à la sensibilisation à la fiscalité, et à l’information/sensibilisation. Elles concluent cependant que ces activités sont les moins courantes, bien que le rapport de l’IBP constate que près de la moitié des OSC mettent en œuvre certaines activités dans ce domaine, et fait également observer que l’enquête de l’ODI « sous-estime probablement leur ampleur » (Mohiuddin et de Renzio, 2020[2]). Le point intéressant qui ressort de l’étude de l’ODI n’est pas tant le faible niveau des activités de sensibilisation, mais le fait que les OSC sont déjà engagées dans de telles activités, et qu’il a été mis en évidence qu’elles devraient en faire davantage, malgré les contraintes de financement auxquelles elles se heurtent. L’étude de l’ODI montre également que dans les pays à faible revenu, cette activité se situe souvent au niveau infranational.
Les données compilées par l’IBP font apparaître que toutes les OSC qui mettent en œuvre des activités d’information et de sensibilisation exercent également au moins une autre activité, ce qui souligne le fait que les activités d’éducation des contribuables exercées par les OSC sont susceptibles d’être liées à d’autres priorités (par exemple, fournir aux citoyens des connaissances et une compréhension suffisantes qui leur permettent de participer à des actions de sensibilisation/campagnes de communication, ou d’agir efficacement pour demander des comptes aux pouvoirs publics). En outre, la plupart des OSC actives dans le domaine de la fiscalité travaillent aussi sur la manière dont les pouvoirs publics dépensent leurs ressources (89 % de celles interrogées dans le cadre de l’étude de l’IBP).
Les deux rapports notent que de nombreuses OSC accordent une grande importance aux questions de fiscalité internationale et/ou d’impôt sur les bénéfices, des domaines qui se prêtent moins au développement de programmes d’éducation des contribuables. La priorité des OSC sur ces questions est en effet généralement de mobiliser les pouvoirs publics et/ou le grand public plutôt que les contribuables (des entreprises multinationales en règle générale).
Les deux rapports soulignent aussi que dans les pays en développement en particulier, la mobilisation de la société civile sur les questions de fiscalité est relativement récente, et continue d’évoluer, notamment en ce qui concerne l’éducation des contribuables. L’étude de l’ODI note que de nombreuses OSC disposent à l’heure actuelle de capacités techniques limitées en matière fiscale, et que cela peut limiter le rôle qu’elles peuvent jouer en matière d’éducation des contribuables, mais laisse entrevoir une marge de progression à mesure que les capacités se développeront. L’étude conclut qu’il est possible « d’encourager la collaboration entre la société civile et les pouvoirs publics afin d’améliorer le respect des obligations fiscales, tout en reliant plus étroitement les exigences en matière d’imposition, de dépenses et de transparence ». Les travaux de recherche menés par l’organisation de défense des droits de l’enfant Save the Children complètent ces conclusions (Wainer, 2019[3]) ; ils fournissent plusieurs exemples concrets de contributions positives d’OSC dans des pays en développement, et mettent en évidence les possibilités d’expansion. Ils montent aussi que, en ce qui concerne les questions de fiscalité intérieure, c’est à l’échelon infranational que l’action des OCS s’avère la plus efficace, compte tenu des liens plus étroits et plus directs que celles-ci entretiennent avec les responsables et les décideurs politiques, et aussi parce qu’elles ont une meilleure connaissance des conditions d’accès aux services. Ces activités infranationales permettent également une collaboration accrue avec les autorités, par comparaison avec les activités nationales qui sont plus susceptibles d’engendrer des situations conflictuelles.
Source : auteurs, adapté de (Sharp, Sweet et Rocha Menocal, 2019[1]), (Mohiuddin et de Renzio, 2020[2]) et (Wainer, 2019[3]).
Les organisations de la société civile peuvent poursuivre des objectifs différents de ceux des administrations fiscales en matière d’éducation des contribuables. Si l’objectif premier de la plupart des initiatives portées par les pouvoirs publics est de promouvoir un meilleur respect volontaire des obligations fiscales, ce n’est pas forcément le cas en ce qui concerne les OSC. Les activités des OSC dans le domaine de l’éducation des contribuables sont généralement plus en rapport avec des objectifs de politique fiscale, ou bien visent à améliorer la transparence des pouvoirs publics, et à développer auprès des citoyens une compréhension suffisante des questions de fiscalité leur permettant de participer à des discussions sur des sujets de politique fiscale, ou de demander aux pouvoirs publics de rendre des comptes sur le fonctionnement du système fiscal en posant des questions pertinentes. Bien que ces objectifs différents entre les administrations fiscales et les OSC puissent donner lieu à un chevauchement concernant la nature des activités d’éducation des contribuables nécessaires, ouvrant ainsi des possibilités de partenariats ainsi que le révèle notre enquête, cela n’est pas toujours le cas.
Fournir aux citoyens les outils leur permettant de demander aux pouvoirs publics de rendre des comptes sur le fonctionnement du système fiscal est une composante importante du contrat social, et les OSC sont particulièrement bien placées pour remplir ce rôle. Si les activités de sensibilisation que mettent en œuvre de nombreuses OSC sortent du cadre de l’éducation des contribuables, il est important d’aider les citoyens à être mieux informés pour qu’ils puissent faire entendre leurs voix auprès des pouvoirs publics, et à se servir des données pour demander aux autorités de rendre des comptes, car cela peut contribuer à renforcer la confiance dans le système fiscal à long terme. L’organisation ougandaise SEATINI donne une illustration de cette approche avec son projet « Une journée dans la vie d’un contribuable ougandais », qui vise à recenser les différents canaux par lesquels un citoyen ougandais entre en contact avec le système fiscal au cours d’une journée donnée, et l’encourage à réfléchir aux services qu’il obtient en retour (Graphique 6.1). Les OSC sont bien placées pour remplir ce rôle, en ceci qu’elles sont indépendantes des pouvoirs publics, et qu’elles ont en règle générale une bonne connaissance des communautés qu’elles représentent, et sont donc en mesure d’adapter leurs initiatives aux besoins de ces dernières. Elles peuvent faire de bons partenaires dans le cadre d’initiatives d’éducation des contribuables visant à accroître la transparence du système fiscal (voir à ce sujet le chapitre 4), même s’il est particulièrement important dans ce cas de s’assurer qu’elles puissent conserver leur indépendance, faute de quoi la confiance pourrait s’éroder au lieu de se renforcer.
Les OSC qui s’emploient à obtenir des pouvoirs publics qu’ils rendent des comptes sur leur action s’intéressent souvent au système fiscal dans son ensemble, et examinent les décisions relatives aux dépenses ainsi que les politiques en matière de recouvrement de l’impôt et de son administration. Il s’agit d’une mission bien plus ambitieuse que celle que les autorités fiscales pourraient accepter d’entreprendre, d’autant qu’il peut s’avérer difficile de mettre en place une collaboration intergouvernementale permettant aux pouvoirs publics de mener des initiatives portant sur le même éventail de sujets que ceux que les OSC peuvent traiter. Celles-ci peuvent jouer un rôle essentiel dans ces domaines. Dans certains cas, elles peuvent nouer des partenariats avec les pouvoirs publics, et travailler de manière indépendante dans d’autres. Les réseaux de défense des droits de l’enfant (Child Rights Networks) au Kenya, qui bénéficient du soutien de Save the Children, sont un exemple de la manière dont les OSC peuvent favoriser la transparence (voir Encadré 6.2).
Encadré 6.2. L’éducation des contribuables au Kenya : l’exemple des réseaux de défense des droits des enfants
Save the Children soutient la mobilisation des ressources intérieures à Bungoma et Wajir, au Kenya, depuis 2018. L’organisation facilite l’action des réseaux d’associations représentatives de la société civile, qui fournissent des services de santé et d’autres services sociaux aux enfants ainsi qu’à leurs familles, par l’intermédiaire des réseaux de défense des droits des enfants. Ces réseaux travaillent en lien avec les communautés afin de mobiliser des ressources dans les processus budgétaires et fiscaux.
Parmi les activités proposées par les réseaux figurent des émissions de radio ou encore la distribution de dépliants auprès des citoyens afin de les informer sur les questions de fiscalité, en mettant l’accent sur l’importance pour chacun de contribuer à sa juste part, et sur les moyens de participer aux processus de politique fiscale.
À Bungoma, les réseaux de défense des droits des enfants ont aidé les citoyens à analyser le fonctionnement de la législation fiscale en vigueur relative aux permis d’exploitation et aux redevances, ce qui a permis de soumettre des propositions à l’assemblée locale du comté, laquelle les a adoptées. Ces réformes semblent avoir donné des résultats, en partie grâce à la mobilisation des contribuables. Ceux-ci se sentant partie prenante des politiques, ils sont plus enclins à respecter la réglementation.
L’initiative a également permis d’améliorer la relation avec les pouvoirs publics. Auparavant, la relation était conflictuelle, car les réseaux se contentaient de militer pour obtenir que des décisions soient prises en matière de dépenses, sans tenir compte des défis posés par des budgets contraints. Les réseaux appréhendent désormais la situation dans sa globalité et prennent en compte les aspects liés à la fois à la fiscalité et aux dépenses. La relation s’est améliorée dans un esprit de communauté d’objectifs avec les pouvoirs publics. On voit donc que le fait d’améliorer le niveau de connaissances fiscales des contribuables pour qu’ils soient en mesure d’obtenir que les pouvoirs publics rendent des comptes sur leur action ne s’inscrit pas nécessairement dans une dynamique conflictuelle.
Source : Save the Children
Les organisations de la société civile peuvent disposer de ressources plus diversifiées, d’une plus grande flexibilité, et d’un accès à des compétences plus créatives, ce qui peut les aider à concevoir des initiatives intéressantes en matière d’éducation des contribuables. Si les chapitres précédents de cet ouvrage ont montré que de nombreux gouvernements ont fait montre d’innovation et de créativité quant à leurs approches en matière d’éducation des contribuables, une telle approche peut se révéler difficile à promouvoir au sein des structures administratives. De nombreux participants à l’enquête ont indiqué que l’obtention de ressources suffisantes, tant humaines que financières, représente une contrainte pour un grand nombre d’initiatives publiques, sans compter que les procédures bureaucratiques peuvent aussi constituer un frein à la créativité des initiatives. Les OSC sont elles aussi confrontées à des contraintes de ressources, financières en particulier, mais celles qui mettent en œuvre des initiatives en matière d’éducation des contribuables peuvent accorder à ces initiatives une priorité plus grande et leur affecter des ressources plus importantes, tout en étant mieux à même de travailler selon des modalités flexibles, et de s’appuyer sur des compétences créatives pour mobiliser les citoyens au sein de l’organisation.
6.2. Entreprises
Les entreprises et les associations professionnelles peuvent jouer un rôle précieux en matière d’éducation des contribuables, notamment auprès des PME. Si les grandes entreprises disposent en règle générale des compétences nécessaires en interne (ou sont en mesure de s’assurer les services d’un acteur extérieur), les PME, en particulier les nouvelles entreprises (ou celles qui viennent de sortir du cadre informel) préféreront peut-être s’informer sur les règles concernant la conformité fiscale auprès de leurs pairs, plutôt que des autorités. Cela peut s’avérer particulièrement important lorsque le contribuable a une confiance et/ou une expérience limitées quant à ses interactions avec l’administration, et s’il craint que le fait de solliciter de l’aide ne déclenche une enquête ou un contrôle. Dans plusieurs pays, les pouvoirs publics ont mis ce rôle en évidence, et expliqué l’importance de nouer des partenariats avec les associations professionnelles pour la mise en œuvre de certaines initiatives. Quatorze initiatives présentées dans l’enquête ont été réalisées en partenariat avec des associations professionnelles.
Proposer des programmes d’éducation des contribuables aux entreprises de la chaîne d’approvisionnement est une formule qui semble sous-utilisée, mais qui offre des perspectives intéressantes. Une enquête de l’OCDE consacrée à la perception du comportement des contribuables par les agents de l’administration fiscale (OCDE, à paraître) montre que toutes régions confondues, les entreprises multinationales (EMN) sont considérées comme plus respectueuses des règles que les entreprises locales. Bien qu’une telle conclusion puisse tenir en partie au fait que leurs ressources sont plus importantes, et notamment qu’elles bénéficient d’un accès plus aisé à des compétences et des services fiscaux professionnels, cela suggère qu’elles pourraient aider les entreprises locales faisant partie de leur chaîne d’approvisionnement à mieux observer leurs obligations fiscales. Safaricom est l’une des entreprises qui s’inscrit dans une telle démarche au Kenya. L’Encadré 6.3 ci-dessous montre que l’obligation qu’elle impose à ses fournisseurs de prouver qu’ils se conforment à leurs obligations fiscales l’a conduit à mettre en place des programmes d’éducation des contribuables.
Encadré 6.3. L’éducation des contribuables dans la chaîne d’approvisionnement – l’exemple de Safaricom
Safaricom est le plus gros contribuable du Kenya. Avec 19 autres entreprises, le groupe s’est engagé à respecter un ensemble de principes en matière de responsabilité fiscale (les « B Team Responsible Tax Principles ») qui visent à améliorer la manière dont les entreprises appréhendent la fiscalité et la transparence.
Conformément à cet engagement, Safaricom va au-delà de ses propres activités en ce qui concerne l’observation des règles fiscales. L’entreprise veille au respect de la réglementation fiscale en général, en exigeant de ses fournisseurs - actuels et potentiels - qu’ils se conforment à la législation en vigueur. Concrètement, une vérification préalable du respect des obligations fiscales est requise avant toute entrée en relation avec un fournisseur.
Consciente que les fournisseurs peuvent avoir besoin d’aide, Safaricom ne se contente pas de formuler des exigences – elle les accompagne afin qu’ils puissent s’y conformer. Ainsi, s’il s’avère qu’un fournisseur n’est pas en mesure de respecter ses obligations fiscales, Safaricom s’engage à ses côtés afin de l’aider à résoudre le problème. L’entreprise organise également des forums à l’intention des fournisseurs et des agents partenaires, tels que ses partenaires de paiement mobile, au cours desquels elle communique sur ses politiques fiscales, et les encourage à respecter la discipline fiscale.
Source : Adapté de « The B Team Responsible Tax Principles in Action: Safaricom’s efforts to promote tax compliance in Kenya ».
Les entreprises sociales peuvent apporter des réponses innovantes aux besoins de groupes spécifiques. L’enquête concernant les initiatives portées par les pouvoirs publics a mis en évidence le fait qu’en matière d’éducation des contribuables, certains groupes peuvent avoir des besoins particuliers, et qu’il peut être difficile pour les pouvoirs publics de concevoir des initiatives à même de répondre aux attentes de ces groupes. Les pouvoirs publics déclarent souvent s’associer à des acteurs non gouvernementaux dans de tels cas, mais ceux-ci peuvent aussi mettre en œuvre leurs propres initiatives sans la participation des autorités. Les entreprises sociales peuvent être particulièrement bien placées pour mener de telles activités, car leur objet principal consiste en la réalisation d’objectifs sociaux spécifiques. Elles sont donc en mesure de concilier stratégies commerciales efficaces et objectif d’utilité sociale. CabDost, en Inde, est un exemple d’entreprise sociale créée pour venir en aide au segment spécifique des chauffeurs de taxi. Elle propose un éventail de méthodes innovantes, et inscrit son action en matière d’éducation des contribuables dans le cadre d’une mission plus générale de régularisation de l’activité non déclarée et d’accès aux financements (voir (OECD, 2019[4]) encadré 2.1).
6.3. L’avenir des acteurs non gouvernementaux
Les acteurs non gouvernementaux peuvent jouer plusieurs rôles en matière d’éducation des contribuables, mais ils n’exploitent pas encore tout leur potentiel. Il existe plusieurs exemples intéressants d’OSC et d’entreprises engagées dans des initiatives d’éducation des contribuables, mais ils sont relativement peu nombreux. Les quelques travaux de recherche menés dans ce domaine montrent que les acteurs non gouvernementaux recèlent un potentiel inexploité (à moins que toutes leurs activités ne soient pas recensées), et qu’ils pourraient par conséquent s’impliquer davantage dans des initiatives d’éducation des contribuables. Tel est vraisemblablement le cas aussi d’autres acteurs non gouvernementaux qui ne sont pas étudiés dans ce chapitre (les médias, les universitaires, par exemple).
Les OSC ont sans doute un rôle essentiel à jouer dans la mise en place d’un système fiscal réactif et responsable, mais elles peuvent avoir besoin pour cela du soutien de donateurs et/ou des administrations fiscales. Les OSC possèdent des compétences et s’appuient sur des méthodes que les pouvoirs publics ont du mal à reproduire, notamment pour toucher des groupes de populations donnés, et favoriser la transparence du système fiscal. Souvent, les administrations fiscales considèrent qu’il est plus efficace de s’associer à des OSC que d’essayer de prendre en charge elles-mêmes ces activités. Les OSC disposent de moyens limités, notamment des compétences techniques en matière fiscale limitées, ce qui peut restreindre leur capacité à exploiter leur potentiel. Il est donc probable qu’elles aient besoin d’un soutien plus important. Le rapport de l’ODI encourage les donateurs à aider les acteurs de la société civile et à contribuer au renforcement des capacités des pouvoirs publics, afin de promouvoir la mise en place d’un « écosystème fiscal » (Sharp, Sweet et Rocha Menocal, 2019[1]), et souligne aussi les avantages d’un financement flexible et à long terme pour les projets financés par les donateurs. Il semble qu’il soit possible d’accroître le financement des initiatives mises en œuvre par les OSC en matière de fiscalité, étant donné que 0.3 % seulement de l’aide publique au développement (APD) consacrée à la mobilisation des ressources intérieures leur est destinée à l’heure actuelle1.
Les entreprises devraient être davantage encouragées à partager et à promouvoir les meilleures pratiques. L’apprentissage entre pairs est une technique qui peut s’avérer très efficace, et certaines entreprises sont sans doute les mieux placées pour sensibiliser d’autres entreprises. Les entreprises qui se conforment aux obligations ont tout intérêt à diffuser leurs meilleures pratiques en matière de discipline fiscale, afin de garantir une concurrence équitable, bien qu’il existe un risque évident de conflits d’intérêts si elles ne gèrent pas correctement la situation. Faire appel à des associations professionnelles peut permettre de réduire ces risques. Les pouvoirs publics pourraient envisager d’inciter les contribuables reconnus dans le cadre d’initiatives telles que le « contribuable de l’année » à participer activement à la diffusion des meilleures pratiques auprès de leurs pairs. Les entreprises, investisseurs et d’autres parties prenantes peuvent continuer à promouvoir les principes volontaires, et s’engager à aider les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement à respecter ces principes en formulant des exigences.
Le rôle des acteurs non gouvernementaux dans l’éducation des contribuables devrait faire l’objet de recherches plus approfondies. Les travaux de recherche sur le rôle des acteurs non gouvernementaux dans le domaine de la fiscalité en général, et de l’éducation des contribuables en particulier, sont peu nombreux. Il est par conséquent difficile d’avoir une vue d’ensemble de la situation actuelle, et notamment des difficultés rencontrées (et des solutions adoptées) par les acteurs non gouvernementaux engagés dans des initiatives d’éducation des contribuables. Il est donc nécessaire d’approfondir les recherches afin de mieux appréhender la situation, et d’aider les administrations fiscales à déterminer la meilleure façon de collaborer avec les acteurs non gouvernementaux, et de les soutenir, dans la poursuite d’objectifs communs en matière d’éducation des contribuables.
Références
[2] Mohiuddin, F. et P. de Renzio (2020), « Of citizens and taxes: A global scan of civil society work on taxation », International Budget Partnership.
[4] OECD (2019), Tax Morale : What Drives People and Businesses to Pay Tax?, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/f3d8ea10-en.
[1] Sharp, S., S. Sweet et R. Rocha Menocal (2019), « Civil society engagement in tax reform », Overseas Development Institute.
[3] Wainer, A. (2019), « Taxation With Representation: Citizens As Drivers of Accountable Tax Policy », Save the Children Voices From the Field Blog.
Note
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