Rachel Scott
États de fragilité 2018
Chapitre 8. Examen des apports financiers à travers un prisme multidimensionnel
Abstract
Le chapitre 8 analyse les apports financiers extérieurs à destination des contextes fragiles et non fragiles pouvant prétendre à l’aide publique au développement (APD), en se fondant sur le prisme de la fragilité multidimensionnelle présenté au chapitre 2. Il s’ouvre sur un aperçu des apports d’aide en direction des contextes extrêmement fragiles, fragiles et non fragiles dans les cinq dimensions du Cadre sur la fragilité. Il démontre ensuite comment une technique d’analyse de groupes de contextes permet d’obtenir un tableau plus détaillé du déploiement de l’APD, de l’investissement direct étranger (IDE) et des envois de fonds dans les dimensions économique, environnementale, politique, sociétale et en lien avec la sécurité. Il accorde une attention particulière à la question de savoir si ces apports internationaux sont suffisamment adaptés aux besoins spécifiques des contextes fragiles et à leurs différents degrés de fragilité.
Le Cadre de l’OCDE sur la fragilité se fonde sur une technique d’analyse de groupes de contextes, décrite au chapitre 2 et dans l’annexe méthodologique. Cette technique est employée pour évaluer le degré de fragilité dans chaque dimension en regroupant les contextes qui obtiennent des scores similaires au regard de certains indicateurs. Les résultats de l’analyse par méthode mixte (quantitative et qualitative) sont appliqués aux résultats de l’exercice de regroupement, ce qui permet d’établir un classement sur une échelle à six niveaux, où 1 correspond à une fragilité extrême, 2 à une fragilité élevée, 3 à une fragilité modérée, 4 à une fragilité faible, 5 à une fragilité minime et 6 à une absence de fragilité.
Cette technique d’analyse de groupes de contextes a été appliquée à tous les contextes qui ont atteint le seuil de données retenu pour l’inclusion dans le présent rapport, soit 172 contextes. Le thème principal du présent chapitre étant le financement du développement, notamment l’aide publique au développement (APD), les résultats inclus dans l’analyse ont été limités aux 125 contextes éligibles à l’APD. Ces derniers ont par la suite été divisés en deux catégories : contextes fragiles et contextes non fragiles.
Ce chapitre présente une description succincte et illustrée des apports d’APD en direction des contextes extrêmement fragiles, fragiles et non fragiles dans les cinq dimensions du Cadre de l’OCDE sur la fragilité multidimensionnelle. Il décompose ensuite chacune des cinq dimensions afin d’étudier plus en détail les principaux apports financiers internationaux – APD, investissement direct étranger (IDE) et envois de fonds par les travailleurs émigrés – au sein de chacune d’entre elles. L’examen de chaque dimension débute par une carte illustrant les contextes inclus dans les groupes pour cette dimension, en fonction de leur niveau de fragilité ; la proportion des différents apports financiers en fonction du niveau de fragilité de chaque groupe ; et la ventilation des dotations d’APD sur la base des cinq dimensions dans l’ensemble des groupes de fragilité.
8.1. Le prisme de la fragilité multidimensionnelle et l’aide publique au développement
Les sections suivantes analysent les apports financiers externes en direction de 125 contextes fragiles et non fragiles dans les cinq dimensions du Cadre sur la fragilité. L’analyse s’ouvre sur le Graphique 8.1, qui présente une synthèse de la ventilation et de l’importance relative des apports d’APD entre les 15 contextes extrêmement fragiles, les 43 contextes fragiles et les 67 contextes non fragiles. Elle tient compte des mises en garde énoncées au chapitre 5 relatives à la nécessité de veiller à établir une correspondance entre les codes du Système de notification des pays créanciers de l’OCDE et les cinq dimensions.1
Les dotations d’APD diffèrent sensiblement entre les contextes de fragilité extrême et les autres contextes, une situation qu’examine plus avant le chapitre 4. Dans les contextes extrêmement fragiles, près de la moitié de l’APD totale (46 %) prend la forme d’un financement humanitaire et n’est par conséquent pas directement ciblée sur les facteurs structurels de la fragilité. Toutefois, la majorité de l’APD restante (48 %) allouée à ces contextes extrêmement fragiles est ciblée soit sur la réduction des risques dans l’une des cinq dimensions de la fragilité, soit sur le renforcement des capacités nécessaires pour y faire face. C’est la dimension économique de la fragilité qui reçoit la plus grande partie de cette APD ciblée sur la fragilité (6.4 milliards USD, soit 20 %, en 2016), suivie par la dimension environnementale (2.9 milliards USD, soit 9 %), la dimension politique (2.8 milliards USD, soit 9 %) et la dimension sociétale (2.6 milliards USD, soit 8 %). La dimension de la fragilité en matière de sécurité perçoit les plus faibles montants. Seuls 2 % de l’APD totale affectée aux contextes d’extrême fragilité, soit 512 millions USD, ont été alloués aux risques et aux capacités d’y faire face dans la dimension liée à la sécurité en 2016. Cela est surprenant, si l’on considère que 9 des 15 contextes extrêmement fragiles sont confrontés à une forme ou une autre de conflit violent, et que tous les 15 affichent une fragilité extrême ou élevée dans la dimension liée à la sécurité.
Le fait que nombre des dépenses liées à la sécurité ne sont pas comptabilisables dans l’APD peut expliquer en partie cette situation. Les activités qui peuvent y être comptabilisées sont celles qui entraînent des retombées positives explicites en matière de développement dans le pays partenaire. L’impact des activités de sécurité qui ne sont pas comptabilisables dans l’APD n’est pas clair ; elles peuvent tout aussi bien avoir des répercussions positives en diminuant la fragilité que, dans le pire des cas, l’exacerber.
Il n’y a que peu de différences entre les contextes fragiles et les autres pays en développement non fragiles pour ce qui est des dotations d’APD aux diverses dimensions de la fragilité. Les seules différences minimes ont trait au fait que l’APD allouée à la dimension sociétale est plus importante dans les contextes fragiles que dans les contextes non fragiles (respectivement 13 % et 7 %) et que la dimension économique des contextes fragiles bénéficie de moins d’APD que celle des contextes non fragiles (41 % contre 52 %). En outre, pour ce qui est du volume des apports d’aide, les contextes fragiles ont perçu considérablement moins d’APD (17.5 milliards USD) en 2016 que les pays non fragiles (26.4 milliards USD).
Les montants proportionnellement élevés d’APD que perçoivent l’ensemble des contextes fragiles doivent être considérés comme une indication supplémentaire que l’aide à elle seule – même lorsqu’elle est allouée dans les cinq dimensions – ne peut venir à bout de la fragilité. Les chapitres 9 et 10 poursuivent l’examen de cette question.
8.2. Fragilité économique
Le Graphique 8.2 illustre la ventilation régionale des pays éligibles à l’APD en fonction de leurs différents niveaux de fragilité économique.
Le Graphique 8.3 illustre l’éventail des apports financiers en direction des contextes fragiles et non fragiles en fonction de leur niveau de fragilité économique.
Le panachage d’IDE, d’APD et d’envois de fonds dans les contextes économiquement fragiles est régi par deux facteurs principaux : le niveau individuel de fragilité économique et la classification globale du contexte en fragile ou non fragile.
Dans un contexte plus fragile sur le plan économique, le climat de l’investissement est logiquement plus complexe et plus risqué et est, de fait, moins propice à l’IDE. Ce constat s’applique dans une plus ou moins grande mesure aux contextes figurant dans le Cadre 2018 sur la fragilité. L’IDE en direction des contextes extrêmement fragiles sur le plan économique ne représentait qu’un faible pourcentage de la totalité des apports internationaux de ressources financières pour le développement en 2016 – à savoir, 14 % pour les contextes globalement fragiles et 19 % pour les contextes considérés comme globalement non fragiles. Les contextes classés dans la catégorie, moins extrême, de la fragilité économique élevée ont perçu des niveaux supérieurs d’IDE, soit 35 % des apports totaux dans les contextes considérés comme globalement fragiles, et 45 % des apports totaux dans les contextes globalement non fragiles. L’IDE devient ensuite un apport majoritaire, soit 62 % du total, dans les contextes non fragiles présentant une fragilité économique modérée.
Le niveau de fragilité économique n’est toutefois pas le seul facteur influant sur la panoplie des apports internationaux de ressources à l’appui du développement. Ainsi, l’APD représente 40 % de ces apports dans les contextes extrêmement fragiles sur le plan économique et également considérés comme globalement fragiles, un groupe dans lequel figurent la Somalie et le Soudan du Sud. Un tableau bien différent se dégage des contextes extrêmement fragiles sur le plan économique et considérés comme globalement non fragiles en raison des meilleures performances qu’ils affichent dans d’autres dimensions, comme la Namibie et le Sénégal. Dans ce groupe, l’APD représente en effet seulement 27 % de la panoplie des apports. Cette différence démontre que l’APD est une source de financement importante des contextes fragiles qui se classent au bas de l’échelle de la fragilité économique.
Si la fragilité économique peut influer sur certains aspects des envois de fonds par les travailleurs émigrés – par exemple, si le contrôle des changes rend les envois de fonds difficiles – il ne semble y avoir aucune corrélation globale entre les envois de fonds et le niveau de fragilité économique.
Le Graphique 8.4 illustre la ventilation de l’APD par niveau de fragilité économique dans les cinq dimensions du Cadre sur la fragilité.
Le niveau d’APD ciblant les risques et les capacités permettant d’y faire face, qui, ensemble, influent sur la fragilité économique, est élevé dans toutes les catégories de niveau de fragilité économique à l’exception, ce qui est surprenant, des contextes présentant une fragilité économique extrême. Dans les contextes confrontés à une fragilité économique élevée, modérée, faible ou minime, l’APD ciblée sur les déterminants de cette fragilité atteint entre 23 % et 53 % des dépenses d’aide totales. Toutefois, dans les contextes extrêmement fragiles sur le plan économique, et dont la fragilité globale justifie leur inclusion dans le Cadre sur la fragilité – à savoir, les contextes dans lesquels on peut faire valoir que la nécessité de s’attaquer aux moteurs économiques de la fragilité est la plus impérieuse – l’APD ciblée sur ces moteurs ne représentait que 23 % des versements totaux d’APD. Une proportion beaucoup plus élevée d’APD, soit 38 %, était allouée à l’aide humanitaire dans les contextes présentant une fragilité économique extrême. Autre tendance notable, les contextes non fragiles reçoivent systématiquement des proportions plus élevées d’APD ciblée sur les facteurs de fragilité économique que les contextes fragiles. Cette situation semble illogique mais révèle peut-être qu’un pays doit atteindre un certain niveau de stabilité globale pour attirer les investissements dans des facteurs en lien avec la croissance économique.
8.3. Fragilité environnementale
Le Graphique 8.5 illustre la ventilation régionale des pays éligibles à l’APD en fonction de leurs différents niveaux de fragilité environnementale.
Comme le montre le Graphique 8.6, l’APD est l’apport financier international le plus important en direction des contextes fragiles affichant une fragilité environnementale élevée.
À titre d’exemple, l’APD représente 61.7 % de tous les apports internationaux en direction des contextes fragiles présentant une fragilité environnementale extrême, et 43.5 % de ceux alloués aux pays confrontés à une fragilité environnementale élevée. Dans les contextes de fragilité environnementale modérée, faible et minime – quel que soit leur statut au regard de la fragilité globale –, l’IDE joue un rôle beaucoup plus important, comme on peut le constater dans les 40 pays en développement non fragiles qui affichent une faible fragilité environnementale et où l’IDE constitue le premier apport (69.1 %).
L’APD joue par conséquent un rôle de premier plan dans la lutte contre la fragilité environnementale. Il s’agit là d’une caractéristique importante car les contextes fragiles peinent à attirer les mécanismes de financement climatique, lesquels ont un seuil de tolérance au risque moins élevé (chapitre 9).
Le Graphique 8.7 illustre la répartition de l’APD par niveau de fragilité environnementale dans les cinq dimensions du Cadre sur la fragilité.
Dans les contextes présentant un risque environnemental élevé, les montants d’APD affectés aux vecteurs de la fragilité économique sont plus élevés que ceux alloués aux enjeux environnementaux. Il serait par conséquence utile d’analyser les investissements dans les facteurs économiques afin de déterminer s’ils sont mis en œuvre de manière écologique et durable, ou si, à l’inverse, ils créent de nouveaux risques. Les dotations d’APD semblent augmenter à mesure que la fragilité environnementale s’accroît. Dans les contextes fragiles qui ne présentent qu’une fragilité environnementale modérée, par exemple, 8.3 % de l’APD était ciblée sur les facteurs environnementaux en 2016 ; dans les contextes hautement fragiles, ce pourcentage s’élevait à 16.2% ; et il atteignait 21.4 % dans les contextes de fragilité environnementale extrême. Il convient de remarquer que ce sont les deux contextes qui ne présentent pas de fragilité globale et ne sont confrontés qu’à une fragilité environnementale minime (Maurice et Uruguay) qui ont perçu la proportion la plus élevée d’APD ciblée sur les déterminants de cette dimension de la fragilité.
8.4. Fragilité politique
Le Graphique 8.8 illustre la répartition régionale des pays pouvant prétendre à l’APD en fonction de leurs différents niveaux de fragilité politique.
Le Graphique 8.9 illustre la panoplie des apports financiers en direction des contextes fragiles et non fragiles en fonction de leur niveau de fragilité politique.
On estime généralement qu’un certain niveau de stabilité politique est nécessaire pour gagner la confiance des investisseurs. Certaines recherches montrent également que des facteurs tels que l’efficacité des pouvoirs publics, les niveaux de corruption, la redevabilité et l’État de droit sont importants pour accroître la capacité des États à attirer l’IDE (Rodríguez-Pose et Cols, 2017[5]). En 2016, une fragilité politique plus extrême était en effet associée à des niveaux d’IDE plus faibles dans les contextes fragiles. Ainsi, dans les contextes souffrant de fragilité politique extrême, l’IDE représentait 25 % de la totalité des apports financiers internationaux ; dans les contextes affichant une fragilité politique élevée, ce pourcentage atteignait 27.7 %, et il s’élevait à 28.5 % dans les contextes modérément fragiles sur le plan politique.
L’IDE en direction des contextes non fragiles dans cette dimension n’affichait toutefois pas les mêmes tendances. Il représentait 61.1 % des apports internationaux à l’appui du développement dans les contextes non fragiles affichant une fragilité politique extrême, ce qui tend à démontrer que les autres facteurs compensaient ces niveaux extrêmes de fragilité politique et parvenaient à attirer l’investissement.
Comme pour les autres dimensions, l’APD a constitué, en 2016, la source principale (51.2 %) de financement international du développement dans les contextes fragiles présentant une fragilité politique extrême, ce qui met en lumière le rôle clé que les donneurs doivent jouer pour combattre les facteurs sous-jacents de ce type de fragilité (chapitre 5). Les envois de fonds ont été un autre apport important dans tous les contextes fragiles sur le plan politique, ce qui indique qu’il pourrait être possible d’associer les diasporas aux initiatives visant à remédier à certains aspects de l’instabilité politique.
Le Graphique 8.10 illustre la répartition de l’APD en fonction des différents niveaux de fragilité politique dans les cinq dimensions du Cadre sur la fragilité.
Comme examiné au chapitre 5, les dotations d’APD ciblant les déterminants de la fragilité politique étaient faibles dans tous les contextes, que leur fragilité politique soit qualifiée de minime, faible, modérée, élevée ou extrême. Cela signifie que même dans les contextes extrêmement fragiles sur le plan politique, on n’observe aucune augmentation de l’aide destinée à réduire les risques liés à cette fragilité ou à renforcer les capacités nécessaires pour y faire face.
Le panachage des autres investissements d’APD dans ces contextes extrêmement fragiles sur le plan politique, ainsi que les activités qu’ils ciblent, méritent d’être observés. Les contextes de cette catégorie considérés comme globalement non fragiles ont perçu des niveaux d’APD ciblée sur les facteurs économiques proportionnellement élevés, à savoir 57.4 % de l’aide totale, contre 15.7 % pour l’APD ciblée sur l’environnement et 11.9 % pour l’aide humanitaire. Un tableau très différent se dégage toutefois dans les contextes extrêmement fragiles sur le plan politique et présentant également une fragilité globale. L’APD en direction de ces contextes était essentiellement constituée d’aide humanitaire (43 %) et, dans une bien moindre mesure, d’aide ciblée sur les facteurs économiques (22.9 %). Cette répartition appuie l’hypothèse selon laquelle la stabilité politique est une condition indispensable à la croissance économique et aux investissements des donneurs dans ce domaine. Il serait intéressant de calculer – un exercice qui n’a pas encore été mené à bien – la proportion de l’aide humanitaire allouée à des contextes extrêmement fragiles sur le plan politique qui aurait pu être économisée si des investissements correspondants avaient été consentis dans la stabilité politique.
8.5. Fragilité sociétale
Le Graphique 8.11 illustre la répartition géographique des pays pouvant prétendre à l’APD en fonction de leurs différents niveaux de fragilité sociétale.
Il ne semble pas y avoir de corrélation étroite entre les envois de fonds et la fragilité sociétale, que ce soit dans les contextes fragiles ou non fragiles, comme le montre le Graphique 8.12.
Les envois de fonds sont les premiers apports internationaux de ressources à l’appui du développement dans les contextes confrontés à une fragilité sociétale élevée. Ce constat s’applique à la fois aux contextes fragiles, où les envois de fonds représentent 50.9 % des apports totaux, et aux contextes non fragiles, où ils s’élèvent à 53.8 % du total. À mesure que la fragilité sociétale s’accroît, toutefois, la proportion des envois de fonds dans la totalité des apports de financement diminue. Ces apports représentent seulement 27 % des apports en direction des contextes extrêmement fragiles dans la dimension sociétale et présentant une fragilité globale, et seulement 24.9 % en direction de ces contextes qui sont globalement non fragiles. On observe la même tendance à mesure que la fragilité sociétale décroît : dans les contextes qui présentent une fragilité sociétale modérée, les envois de fonds représentent 33.7 % (contextes fragiles) et 27.4 % (contextes non fragiles) de tous les apports financiers internationaux.
Le manque de corrélation entre la fragilité sociétale et les envois de fonds est intéressant, car les communautés de la diaspora font également bénéficier leur pays d’origine de ce que l’on appelle des « transferts non financiers ». Ils prennent la forme de transferts de compétences et de connaissances ou d’un rapprochement culturel entre les deux communautés, et aident à lutter contre les stéréotypes culturels en favorisant par exemple l’inclusion financière des femmes. On estime que ces transferts permettent de faire évoluer ou de remettre en cause les valeurs en vigueur dans les pays d’origine (ONU, 2017, p. 2[6]).
S’agissant des autres types d’apports, l’APD est le plus important (48.8 %) dans les contextes fragiles présentant une fragilité sociétale extrême. Dans les contextes non fragiles affichant ce niveau de fragilité sociétale, l’IDE représente une proportion beaucoup plus élevée, soit 72.8 %, des apports internationaux de ressources financières à l’appui du développement. Cela laisse à penser que des niveaux de fragilité sociétale élevée ne dissuadent pas particulièrement l’IDE.
Le Graphique 8.13 illustre la répartition de l’APD selon les différents niveaux de fragilité sociétale, dans les cinq dimensions du Cadre sur la fragilité.
Comme dans le cas de la dimension politique de la fragilité examinée précédemment, les investissements dans la lutte contre les risques ou le renforcement des capacités nécessaires pour faire face à la fragilité sociétale sont faibles, et ce, même dans les contextes présentant une fragilité sociétale extrême. Dans ces contextes, la proportion des dotations d’APD allouées aux facteurs sociaux s’élève à 5 % dans les contextes non fragiles, et à 9.7 % dans les contextes fragiles. On observe la même tendance dans le groupe des contextes hautement fragiles, où les dotations d’APD ciblant la fragilité sociétale représentent 7.4 % de l’aide dans les contextes non fragiles et 13 % dans les contextes fragiles. Dans les contextes présentant une fragilité sociétale extrême et également considérés comme globalement fragiles, l’aide humanitaire représentait 33 % de l’APD, soit un pourcentage bien supérieur à celui des investissements consacrés aux facteurs sociaux. Ces investissements semblent en outre relativement peu fluctuer en fonction du niveau de fragilité sociétale, le pourcentage de cette catégorie d’aide ne variant guère entre les différents niveaux. Les dotations d’APD ne semblent ainsi pas cibler la diminution de la fragilité sociétale.
8.6. Fragilité en matière de sécurité
Le Graphique 8.14 illustre la répartition géographique des pays pouvant prétendre à l’APD en fonction de leurs différents niveaux de fragilité en matière de sécurité.
Le Graphique 8.15 illustre la répartition des apports internationaux de financement du développement en direction des contextes présentant une fragilité en matière de sécurité.
Dans les huit contextes présentant une fragilité extrême au regard de la dimension sécurité, l’APD est le principal apport international de ressources financières à l’appui du développement, dont elle représente 72.2 %. Elle demeure un apport significatif (38.1 %) dans les contextes fragiles confrontés à une fragilité élevée en matière de sécurité et dans ceux affichant une fragilité modérée dans ce domaine (24.8 %). La dépendance à l’égard des donneurs internationaux est toutefois encore plus forte que ne le montrent les chiffres relatifs à cette dimension de la fragilité, car plusieurs des contextes affichant une fragilité élevée en matière de sécurité bénéficient d’opérations de maintien de la paix. Ces missions constituent un apport financier en direction des contextes fragiles, mais ne sont pas représentées dans leur intégralité dans le Graphique 8.15. Dans ces contextes, il sera important de réfléchir au moyen de compenser la perte de cet apport financier – pour l’économie mais également pour les moyens de subsistance des communautés et des familles – à l’issue du retrait de ces missions.
Dans les contextes non fragiles, l’APD ne forme qu’une portion minime de la totalité des apports internationaux de financement du développement, quel que soit le niveau de fragilité en matière de sécurité. C’est l’IDE qui est l’apport principal, avec 43.9 % de la totalité des apports dans les contextes hautement fragiles sur le plan de la sécurité, et 73.8 % dans les contextes affichant une fragilité modérée dans ce domaine. Cette situation peut donner aux investisseurs étrangers la possibilité de jouer un rôle dans la lutte contre la fragilité en matière de sécurité dans les contextes non fragiles.
Le Graphique 8.16 illustre la répartition de l’APD en fonction des différents niveaux de fragilité en matière de sécurité, dans les cinq dimensions du Cadre sur la fragilité.
Comme le montre le Graphique 8.1 figurant au début du présent chapitre, seuls 2 % de l’APD est ciblée sur la dimension liée à la sécurité dans les contextes extrêmement fragiles, et 1 % dans les autres contextes fragiles. Il n’est toutefois pas surprenant que la part d’APD allouée à la sécurité globale soit négligeable quel que soit le niveau de fragilité en matière de sécurité dans les différents contextes. Comme on pourrait s’y attendre, c’est l’aide humanitaire qui représente la plus grande partie de l’APD (60 %) en direction des contextes présentant une fragilité extrême en matière de sécurité. Dans les autres contextes où la fragilité sur le plan de la sécurité est considérée comme minime, faible, modérée ou élevée, la majorité de l’APD est ciblée sur les déterminants de la fragilité économique et, dans une moindre mesure, sur ceux de la fragilité environnementale. En comparaison, les montants d’APD alloués aux facteurs économiques dans les pays présentant une fragilité extrême dans la dimension sécurité sont relativement peu élevés, ce qui n’est guère surprenant. Mais dans ces contextes extrêmement fragiles, les investissements destinés à réduire la fragilité politique sont plus élevés que dans toutes les autres groupes, ce qui pourrait témoigner de la reconnaissance d’un lien entre la fragilité politique et la fragilité en matière de sécurité. Il sera intéressant d’examiner comment la réorientation sur les initiatives en faveur de la prévention des conflits modifiera à l’avenir la composition des investissements d’APD, et de définir l’assortiment optimal d’investissements à l’appui de la prévention, en particulier pour ce qui est de la fragilité en matière de sécurité et de la fragilité politique et sociétale.
Références
[2] Banque mondiale (2018), « Investissements étrangers directs, entrées nettes (BDP, $ US courants) », Indicateurs du développement dans le monde (base de données), http://data.worldbank.org/indicators. (consulté le 14 mai 2018)
[3] Banque mondiale (2018), « Transferts personnels et rémunération des employés ($ US courants) », Indicateurs du développement dans le monde (base de données), https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/BX.TRF.PWKR.CD.DT. (consulté le 16 mai 2018)
[4] OCDE (2018), « Statistiques globales du CAD – Tableau 2a : APD aide publique au développement : versements 2016 », International Development Statistics, OCDE, https://stats.oecd.org/qwids/ (consulté le 23 mai 2018).
[1] OCDE (2018), « Système de notification des pays créanciers : Activités d’aide », International Development Statistics (base de données), https://stats.oecd.org/index.aspx?DataSetCode=CRS1. (consulté le 15 mai 2018)
[6] ONU (2017), « Contributions of migrants and diasporas to all dimensions of sustainable development, including remittances and portability of earned benefits », Issue Brief , no. 4, Organisation des Nations Unies, https://refugeesmigrants.un.org/sites/default/files/ts4_issuebrief.pdf.
[5] Rodríguez-Pose, A. et G. Cols (2017), « The determinants of foreign direct investment in sub-Saharan Africa: What role for governance? », Regional Science Policy and Practice, vol. 9/2, https://doi.org/10.1111/rsp3.12093.
Note
← 1. Afin d’éviter les doubles comptabilisations, l’APD humanitaire illustrée dans la présente section ne tient pas compte des apports d’aide dépensés au titre de la catégorie du Système de notification des pays créanciers correspondant à la prévention des catastrophes et à la préparation à leur survenue. Ces dépenses sont incluses dans la dimension environnementale.