Au cours des dernières décennies, l’Irlande a accompli des progrès impressionnants en matière de développement économique et de hausse du niveau de vie. Ces avancées ont permis à l’économie de surmonter la pandémie de COVID-19 et de gérer efficacement les répercussions de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. L’économie s’est redressée, mais des tensions inflationnistes se sont fait jour et même si les perspectives sont favorables, les risques qui les entourent sont orientés de manière prédominante à la baisse. Le secteur financer semble avoir résisté aux chocs récents, mais il est confronté à des problèmes structurels, notamment de volumineux arriérés de crédit hypothécaire hérités du passé. Les autorités budgétaires disposaient de marges de manœuvre suffisantes pour réagir énergiquement aux crises et éviter que les ménages et les entreprises n’en subissent le choc de plein fouet. Un certain nombre de facteurs pèseront sur la politique budgétaire à court terme et sa viabilité à long terme, notamment le vieillissement démographique, la nécessité de garantir une offre adéquate de logements abordables, et la lutte contre le changement climatique. Le taux d’activité des personnes ayant un faible niveau d’études reste bas et la hausse des prix des logements crée des problèmes d’accessibilité financière. Le gouvernement a lancé une ambitieuse initiative baptisée « Un logement pour tous » (Housing for All) pour étoffer le parc immobilier d’habitation, ce qui passera par des mesures destinées à permettre une réaction plus vigoureuse de l’offre. L’Irlande n’a pas atteint son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2020. L’établissement de budgets carbone et de plafonds d’émission sectoriels constitue un élément essentiel de la politique de réduction des émissions. Le secteur agricole soulève des difficultés spécifiques en matière d’atténuation des émissions.
Études économiques de l'OCDE : Irlande 2022 (version abrégée)
1. Principaux éclairages sur l’action publique
Abstract
1.1. Après avoir surmonté le choc lié au COVID-19, l’économie est confrontée à d’autres difficultés
Au cours des dernières décennies, l’Irlande a accompli des progrès impressionnants en matière de développement économique et de hausse du niveau de vie. Elle affiche aujourd’hui une des espérances de vie à la naissance les plus élevées de la zone OCDE, alors qu’elle était relativement faible dans les années 1990, et elle arrivait en tête des pays de l’Union européenne (UE) à l’aune de l’état de santé autodéclaré de la population en 2019. Grâce à un système d’impôts et de transferts très redistributif, les inégalités de revenu disponible sont limitées. L’écart entre les plus hauts et les plus bas revenus disponibles ainsi que les mesures du taux de pauvreté figurent parmi les plus faibles de la zone OCDE. En outre, le système d’enseignement est de haute qualité, et la situation socioéconomique des élèves a une influence limitée sur leurs résultats scolaires. La population relativement jeune et bien formée de l’Irlande a constitué un facteur d’incitation essentiel dans sa stratégie d’attraction de l’investissement direct étranger (IDE) couronnée de succès, de même qu’un environnement favorable pour les entreprises.
L’économie a surmonté la pandémie de COVID-19 et gère efficacement les répercussions de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. Le confinement instauré en Irlande a été l’un des plus stricts de la zone OCDE, et son taux de vaccination figure aujourd’hui parmi les plus élevés de la zone. Grâce aux marges de manœuvre budgétaires dont il bénéficiait, le gouvernement a réagi vigoureusement pour soutenir les entreprises et les ménages et préserver les liens des travailleurs avec leurs entreprises. Les exportations du secteur multinational de l’économie ont bénéficié de la forte demande de biens et de services médicaux et liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC). En conséquence, la croissance tendancielle du PIB aux prix du marché est restée vigoureuse, tandis que la demande intérieure ajustée – un indicateur national qui exclut les investissements liés à la mondialisation réalisés dans des avions destinés à la location et des actifs de propriété intellectuelle relocalisés (Encadré 1.1) – a diminué de 4.8 % en 2020, avant de retrouver son niveau d’avant la pandémie au troisième trimestre de 2021 (Graphique 1.1, partie A). La reprise des activités économiques suspendues s’est accompagnée d’un fort rebond de l’activité, et le taux de chômage a rapidement reculé (partie B). La guerre en Ukraine s’est répercutée sur l’économie irlandaise via le ralentissement de la demande mondiale, en particulier chez ses principaux partenaires commerciaux européens, et l’envolée des prix de l’énergie et des produits alimentaires, mais le gouvernement a annoncé un large éventail de mesures d’aide aux ménages et aux entreprises.
L’Irlande devra surmonter diverses difficultés pour pouvoir entretenir sa croissance et améliorer le bien-être de sa population à long terme. Cela vaut notamment au regard des ambitions des pouvoirs publics, qui entendent remettre à plat le système de santé pour améliorer la qualité des soins et assurer l’optimisation des ressources, garantir l’accessibilité financière du logement, et assurer une transition climatique juste. Dans chacun de ces domaines, les besoins potentiels de dépenses publiques sont considérables, et il faudra veiller à leur efficience. L’Irlande se caractérise aujourd’hui par une situation budgétaire saine, et des recettes dynamiques, mais des risques se profilent à l’horizon et un impératif d’efficience économique s’imposera aux pouvoirs publics.
Encadré 1.1. Les différentes mesures destinées à cerner la dynamique sous-jacente de l’activité économique intérieure en Irlande
Pour que puisse être mieux appréhendée la dynamique sous-jacente de l’activité économique irlandaise, l’Office central des statistiques (CSO, Central Statistics Office) publie des indicateurs spécifiques, tels que la demande intérieure ajustée et le revenu national brut ajusté (RNB*). Le premier indicateur mesure la demande intérieure en excluant les composantes volatiles des dépenses d’investissement des entreprises multinationales, à savoir les actifs de propriété intellectuelle relocalisés et les investissements consacrés à des avions destinés à la location, qui n’ont qu’un effet très modeste sur l’activité économique intérieure. Pour calculer le RNB*, le CSO va plus loin, en tenant compte du contenu en importations des dépenses intérieures et de la contribution à la croissance du solde commercial imputable à l’activité économique intérieure (c’est-à-dire abstraction faite des échanges dominés par les entreprises multinationales), ce qui permet une évaluation globale de l’évolution de la productivité. Par rapport au RNB classique, le RNB*, exclut en particulier les revenus des facteurs des entreprises ayant relocalisé leur siège en Irlande, ainsi que l’amortissement lié aux actifs de propriété intellectuelle relocalisés, aux importations de services de recherche-développement (R-D) et aux aéronefs appartenant à des sociétés de location d’avions. Un autre indicateur spécifique connexe est le solde ajusté des paiements courants, que l’on calcule de manière à corriger diverses distorsions liées à la mondialisation, notamment aux échanges d’actifs de propriété intellectuelle et d’aéronefs liés à des activités de location d’avions, ainsi qu’à leur amortissement, et aux bénéfices d’entreprises relocalisées en Irlande. Le tableau 1.1 présente en pourcentage du RNB* certaines des principales variables figurant dans le tableau des Statistiques de base qui se trouve au début de cette Étude.
Tableau 1.1. Sélection de variables présentées en pourcentage du RNB* et du PIB
2021 |
% du RNB* |
% du PIB |
---|---|---|
Dépenses des administrations publiques |
45.2 |
24.8 |
Recettes des administrations publiques |
42.2 |
23.2 |
Engagements financiers bruts des administrations publiques |
120.0 |
65.9 |
Engagements financiers nets des administrations publiques |
74.4 |
40.9 |
Exportations de biens et services |
244.7 |
134.4 |
Importations de biens et services |
172.9 |
95.0 |
Solde ajusté des paiements courants |
11.1 |
6.1 |
Dépenses intérieures brutes de R-D |
2.3 |
1.2 |
Dépenses publiques et privées de santé |
12.3 |
6.7 |
Dépenses publiques et privées de retraite |
7.0 |
3.8 |
Dépenses publiques et privées d’éducation (% du RNB) |
5.9 |
4.2 |
Source : OCDE, base de données des comptes nationaux ; Office central des statistiques (CSO, Central Statistics Office) ; Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde ; OCDE, « Dépenses de santé et financement », Statistiques de l’OCDE sur la santé (base de données) ; OCDE, base de données sur les dépenses sociales (SOCX) ; ministère irlandais des Finances (2021), Forecasting GNI* - Detailing the Department of Finance Approach, Dublin ; CSO, Modified GNI ; et ministère irlandais des Finances (2019), The Balance of Payments in Ireland : Two Decades in EMU, Dublin.
La réforme de la santé est une initiative politique majeure. Les mesures des résultats du secteur de la santé sont globalement bonnes et le système de soins a mieux résisté à la pandémie de COVID-19 que ce que l’on craignait au départ, mais les prestations de soins sont relativement chères et les tensions sur les dépenses vont s’accentuer, compte tenu de l’amorce d’un vieillissement démographique rapide. La réforme Sláintecare offre la possibilité de remettre à plat un système de santé complexe et de fournir des soins plus intégrés et économiquement efficients. Par ailleurs, le gouvernement est confronté aux séquelles du sous-investissement passé dans ce secteur ainsi qu’aux longues listes d’attente qui se sont constituées, et devra y remédier au fil du temps.
Des tensions sur les dépenses se sont également fait jour dans le secteur du logement. Une période prolongée de sous-investissement, conjuguée à un système législatif et réglementaire qui entrave l’offre, se traduit par un parc immobilier résidentiel relativement ancien, des pénuries de logements (en particulier sur le marché locatif) et une offre de biens immobiliers d’habitation faible. Cela a fait monter les prix et les loyers des logements et amené le gouvernement à adopter en 2021 le train de réformes baptisé « Un logement pour tous » (Housing for All). La résolution de ce problème exigera des efforts soutenus et va se heurter à des difficultés de mise en œuvre, notamment aux pénuries de main-d’œuvre observées dans le secteur de la construction. Or, la mobilité des travailleurs est elle-même entravée par le manque de biens immobiliers d’habitation et les coûts de logement.
La lutte contre le changement climatique constitue une troisième contrainte majeure qui s’exerce sur l’action publique. Après avoir manqué l’objectif d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) fixé pour 2020, le gouvernement a adopté un objectif de réduction à zéro des émissions nettes de GES à l’horizon 2050, ainsi qu’un objectif intermédiaire pour 2030, et a commencé à élaborer diverses mesures pour les atteindre, en conjuguant instruments économiques et dispositions réglementaires. Des réformes importantes seront nécessaires pour réaliser ces objectifs de manière économiquement efficiente. En outre, les investissements nécessaires dans les transports et dans l’amélioration de l’efficacité énergétique du parc de logements anciens vont renforcer la demande de main-d’œuvre dans le secteur de la construction, et il faudrait prendre des mesures en conséquence de toute urgence. Il sera difficile de parvenir à une diminution des émissions imputables à l’agriculture sans réduire sensiblement la taille de ce secteur, si bien qu’il pourrait être nécessaire de redoubler d’efforts dans d’autres domaines. En outre, les obstacles législatifs et réglementaires auxquels se heurtent des investissements majeurs peuvent aussi entraver la maximisation du potentiel des énergies renouvelables.
Malgré l’ouverture aux nouvelles technologies, les effets d’entraînement exercés par le secteur des multinationales sur les entreprises irlandaises ont été limités, ce qui s’est traduit par une croissance modeste de la productivité (OECD, 2020a). En outre, certains groupes ont du mal à préserver leurs liens avec le marché du travail et sont exposés à un risque accru de pauvreté. Des mesures favorisant l’acquisition de compétences dans le numérique et la construction écologique et renforçant l’accès des PME innovantes aux financements rehausseraient probablement le taux d’activité et la productivité dans les secteurs économiques axés sur le marché intérieur.
Dans ce contexte, les principaux messages de cette Étude sont les suivants :
Le dynamisme des recettes courantes a permis à l’Irlande de surmonter la pandémie de COVID-19 et les répercussions de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, mais il faudra prendre des mesures pour consolider l’assise des finances publiques compte tenu des tensions budgétaires prévisibles liées au vieillissement démographique, notamment en remédiant à la procyclicité des dépenses et en adoptant sans tarder les dispositions nécessaires pour faire face aux difficultés qui se profilent à long terme.
Le sous-investissement passé dans le logement et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre appellent des investissements majeurs. Le gouvernement renforce l’investissement dans ces domaines, mais des mesures s’imposent également pour réduire les obstacles législatifs et réglementaires, afin de faire diminuer l’insécurité juridique et des coûts de transaction élevés, susceptibles d’entraver les progrès pouvant être réalisés sur ces deux fronts.
Le gouvernement a lancé une réforme majeure du secteur de la santé, baptisée Sláintecare. Le secteur est complexe, relativement coûteux et caractérisé par des problèmes hérités du passé, tels que de longues listes d’attente, qu’il sera difficile de résoudre rapidement. La mise en place d’un système plus intégré de soins primaires, de soins de proximité et de soins hospitaliers offre des solutions à cet égard. Il importera de chercher à réaliser des gains d’efficience et d’éviter d’accroître les dépenses pour gérer les tensions observées à court terme.
1.2. La montée des incertitudes freinera la reprise
Pendant la pandémie, l’Irlande a connu plusieurs vagues d’infections par le COVID-19 et mis en œuvre des mesures strictes d’endiguement, qui ont notamment pris la forme de confinements assortis de couvre-feux et de suspensions d’activités non essentielles. Ces mesures ont été lourdes de conséquences sur les secteurs économiques axés sur le marché intérieur, la consommation privée reculant de 12 % environ en 2020. Dans le même temps, la forte demande étrangère de produits pharmaceutiques, de fournitures médicales et d’autres biens et services liés à la pandémie – notamment dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) – a gonflé les bénéfices dans les secteurs dominés par les entreprises multinationales et permis à l’économie irlandaise considérée dans son ensemble d’éviter une récession, à la différence de la quasi-totalité des autres économies de l’OCDE. Une campagne de vaccination énergique ayant suscité une adhésion massive a favorisé une reprise progressive des activités précédemment suspendues à la mi-2021, la situation sanitaire s’améliorant quelque peu, et a contribué à limiter l’impact du variant Omicron sur le système de santé irlandais (Graphique 1.2).
L’activité économique intérieure a enregistré une forte croissance au premier semestre de 2022, l’effet positif de la levée complète des mesures d’endiguement ayant compensé en partie l’augmentation de l’inflation et l’accentuation de l’incertitude provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. La hausse des salaires et l’excès d’épargne des ménages, qui sont toujours nettement supérieurs à leur niveau d’avant la pandémie, ont soutenu les dépenses de consommation, sur fond de reprise des activités économiques qui avaient été suspendues. Néanmoins, compte tenu de la dégradation marquée de la confiance des consommateurs (Graphique 1.3, partie A) et de la forte inflation, la consommation privée s’est modérée au troisième trimestre de 2022. Le recul de la confiance a été moins prononcé parmi les entreprises, qui ont dans une large mesure répercuté leurs augmentations de coûts sur les consommateurs (partie B). Néanmoins, la forte incertitude, la diminution du revenu disponible réel des ménages et le durcissement des conditions financières pèsent sur les perspectives d’activité des entreprises irlandaises.
Le marché du travail s’est vivement redressé à la suite de la pandémie. Le démantèlement simultané de deux dispositifs d’urgence, l’allocation de chômage liée à la pandémie de COVID-19 (PUP, COVID-19 Pandemic Unemployment Payment) et le dispositif de subvention salariale pour l’emploi (EWSS, Employment Wage Subsidy Scheme), a entraîné un rebond de l’emploi. Cela dit, le taux d’emplois vacants reste élevé, à 1.5 % (contre 0.8 % au premier trimestre de 2020), mais il est inférieur à la moyenne de l’UE, qui s’établissait à 2.9 % au troisième trimestre de 2022. La pandémie a également influé sur les transitions sur le marché de l’emploi. À la fin de 2021, 45 % des personnes ayant repris le travail avaient changé d’employeur, 31 % étaient restées dans le même secteur, et 14 % avaient changé de branche d’activité (Department of Social Protection, 2022).
Les hausses des prix à la consommation, quoique toujours alimentées par le renchérissement de l’énergie, sont devenues plus généralisées (Graphique 1.4). L’inflation globale s’est établie à 9 % en novembre, un taux élevé mais encore inférieur à la moyenne de la zone euro de 10 %, et les prix de l’énergie se sont inscrits en hausse de 43 %. Le raffermissement des tarifs des services de transport, d’hébergement et de restauration ainsi que des services récréatifs, à la suite de la reprise de l’ensemble des activités économiques qui avaient été suspendues, a contribué à l’accélération de l’inflation sous-jacente, qui s’est établie à 4.7 % en octobre. La part des biens dont le prix a augmenté de plus de 5 % s’est hissée à près de 60 %. L’envolée des prix de l’énergie et d’autres produits essentiels touche de manière disproportionnée les ménages pauvres (CSO, 2022) – en particulier les personnes âgées, les jeunes et les parents isolés (ESRI, 2022), ce qui peut accentuer encore les inégalités mesurées avant impôts et transferts. Le niveau élevé des coûts des intrants, conjugué à la réduction de la demande, menace les PME tributaires des dépenses discrétionnaires des ménages.
L’ampleur des aides publiques destinées à limiter les effets négatifs de l’envolée des factures énergétiques est considérable. La première série de mesures (représentant 0.6 % du PIB de 2021 et 1.1 % du RNB*) incluait des allocations de chauffage sous conditions de ressources et des versements forfaitaires complémentaires accordés aux bénéficiaires, des chèques électricité, des réductions temporaires des droits d’accise sur les carburants et des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliqués à l’électricité et au gaz, et une réduction de 20 % des tarifs des transports publics. Le train ponctuel de mesures temporaires liées au coût de la vie annoncé dans le cadre du budget 2023 (représentant 2.7 milliards EUR de dépenses et 1.7 milliard EUR de mesures fiscales) s’inscrit dans le prolongement de ces dispositions initiales. Il prévoit également des transferts sociaux complémentaires versés à tous les bénéficiaires de prestations sociales, un complément d’allocation pour enfant à charge, des aides aux étudiants remplissant certaines conditions, des crédits budgétaires supplémentaires destinés à soutenir les services publics et les organismes associatifs (300 millions EUR) et un nouveau dispositif d’aide énergétique aux entreprises (1.2 milliard EUR). La proportion de mesures ciblées est passée de 11 % dans le premier train de mesures à 40 % dans le nouveau (Central Bank of Ireland, 2022a), ce qui est bienvenu (voir ci-après).
Les risques macroéconomiques directs découlant de la guerre menée par la Russie en Ukraine sont limités, les échanges de biens de l’Irlande avec la Russie, l’Ukraine et le Bélarus étant modestes (Encadré 1.2). Néanmoins, des chocs spécifiques pourraient toucher l’agriculture et certains secteurs tributaires d’intrants énergétiques spéciaux. S’agissant des échanges de services, le secteur de la location d’avions pourrait être affecté, mais l’effet induit sur les secteurs économiques axés sur le marché intérieur serait négligeable. Le gouvernement a pris l’engagement de ne pas plafonner les arrivées de réfugiés ukrainiens, et l’Irlande en avait accueilli environ 62 000 au début du mois de novembre (soit l’équivalent de 1.2 % de sa population), les deux tiers d’entre eux étant hébergés par l’État. Par ailleurs, les aides financières accordées par l’Irlande aux ressortissants ukrainiens bénéficiant d’une protection temporaire pour satisfaire leurs besoins élémentaires figurent parmi les plus généreuses de l’UE (OECD, 2022a). Dans le budget 2023, 2 milliards EUR sont prévus pour prêter assistance aux réfugiés. Parmi les mesures actuellement envisagées pour satisfaire leurs besoins d’hébergement, dans un contexte déjà marqué par de graves déséquilibres sur le marché de l’immobilier d’habitation, figurent la construction de logements modulaires sur des sites bénéficiant de services publics, la reconversion de bâtiments vides ou inutilisés, et le versement d’allocations mensuelles aux ménages irlandais qui accueillent des réfugiés.
Le démantèlement des aides liées à la pandémie de COVID-19 et les effets du regain de tensions inflationnistes sont susceptibles d’entraîner une multiplication des cas d’insolvabilité parmi les entreprises. Comme dans la plupart des autres pays de l’OCDE, le nombre de cas d’insolvabilité n’a pas augmenté, même après le démantèlement progressif des mesures d’aide d’urgence (PWC, 2022a). Néanmoins, ce nombre a enregistré une hausse de 49 % en glissement annuel au troisième trimestre de 2022, tout en demeurant inférieur au niveau observé avant la pandémie (PWC, 2022b). Environ 4 % des entreprises irlandaises en activité pourraient devoir faire l’objet d’une restructuration, d’une liquidation ou d’une forme ou une autre de dissolution (McCann and McGeever, 2022). Dans ce contexte, la procédure de redressement administratif des petites entreprises (SCARP, Small Companies Administrative Rescue Process), créée en 2021, est un dispositif bienvenu. Au regard de la procédure plus formelle de redressement judiciaire (examinership), la procédure d’insolvabilité simplifiée que constitue la SCARP pourrait accélérer de fait la restructuration de la dette des PME insolvables mais encore viables, et la sortie du marché des entreprises zombies. Néanmoins, compte tenu de la possibilité laissée aux créanciers de contester en justice les propositions formulées et des difficultés que pourraient avoir les très petites entreprises à financer les honoraires, même modestes, des professionnels mobilisés en cas de restructuration, il sera crucial d’assurer un suivi effectif de l’application de la SCARP.
Encadré 1.2. Les répercussions de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine
Les liens commerciaux de l’Irlande avec la Russie, l’Ukraine et le Bélarus sont modestes, si bien que les risques macroéconomiques directs auxquels elle est exposée du fait du conflit sont limités. Néanmoins, des chocs spécifiques pourraient toucher l’agriculture et certains secteurs tributaires d’engrais et d’intrants énergétiques spéciaux. Les exportations totales à destination et les importations totales en provenance de la Russie s’établissaient respectivement à 3.7 milliards EUR et 0.65 milliard EUR en 2020, représentant environ 1 % des exportations totales et 0.2 % des importations totales.
Les principaux postes d’exportation à destination de la Russie sont les services informatiques (50 %), la location d’avions (25 %) et les produits pharmaceutiques (5 %). L’Irlande est devenue une plateforme internationale pour les structures ad hoc spécialisées dans la location d’avions. La guerre sera lourde de conséquences pour le secteur irlandais de la location d’avions, qui gère aujourd’hui plus de 100 milliards EUR d’actifs. Environ 150 avions sont loués à des compagnies aériennes russes, et une incertitude considérable entoure la possibilité pour les sociétés irlandaises propriétaires de ces appareils de les récupérer, sachant que la Russie a récemment adopté de nouvelles dispositions législatives autorisant l’enregistrement dans le pays des avions étrangers. Un retournement de l’activité dans le secteur de la location d’avions provoquera vraisemblablement des fluctuations du PIB dans l’avenir, liées aux variations des flux d’investissement et des importations.
Les importations de biens en provenance de Russie représentent environ un demi pour cent des échanges totaux de biens et se composent essentiellement de produits énergétiques et d’engrais. La part des importations de pétrole de l’Irlande provenant de fournisseurs russes n’était que de 6 % en 2021, et elle n’importait pas du tout de gaz russe. Cela dit, la part de la Russie dans les importations irlandaises de houilles, de cokes et de briquettes oscillait entre 65 % et 70 %, mais cela ne représentait que 140 millions EUR environ, soit 0.13 % des importations totales. Plus de 25 % des importations d’engrais de l’Irlande provenaient de producteurs russes. Les services aux entreprises représentent approximativement la moitié des importations totales en provenance de Russie.
Environ 70 entreprises liées à la Russie et dotées de 62 milliards EUR d’actifs au total sont impliquées dans des activités de fonds de placement relevant du Centre international de services financiers (IFSC, International Financial Services Centre) irlandais. Néanmoins, ces sociétés ont une incidence relativement limitée sur l’activité économique intérieure en termes de fiscalité des entreprises et de frais administratifs acquittés. Des problèmes de liquidité et de solvabilité concernant ces sociétés peuvent représenter un risque de réputation pour le secteur financier irlandais, mais ces actifs n’appartiennent ni aux ménages ni aux entreprises irlandais.
Les effets secondaires découlant de l’évolution des prix de l’énergie et de la demande des autres économies européennes sont plus prononcés. Le renchérissement de l’énergie et des engrais exerce des tensions à la hausse sur les coûts de chauffage des logements, les tarifs des transports et les prix des produits alimentaires, qui figurent parmi les principaux postes de dépenses des ménages. Le ralentissement de l’activité chez les principaux partenaires commerciaux de l’Irlande réduit la demande d’exportations, même si leur composition leur a permis de bien résister en dépit du fléchissement de la demande.
Le secteur multinational de l’économie a vu ses exportations augmenter de manière spectaculaire pendant la pandémie (Graphique 1.5, partie A), grâce à leur concentration dans des biens et des services très demandés, en particulier les produits pharmaceutiques, les dispositifs médicaux et les services liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC), et à la diversité géographique des marchés de destination (Graphique 1.6). Les nouvelles relations commerciales avec le Royaume-Uni ne se caractérisent pas encore par des restrictions aux exportations irlandaises de biens à destination de la Grande-Bretagne, et ne semblent donc pas avoir nui aux exportations de l’Irlande, tandis que la hausse des prix de l’énergie fait gonfler la valeur des importations en provenance du Royaume-Uni (Graphique 1.5, partie B). Néanmoins, des risques subsistent concernant l’avenir du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord et des relations commerciales avec le Royaume-Uni. Celui-ci n’a pas encore pleinement mis en œuvre l’Accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui prévoit des contrôles à l’importation susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur les exportations irlandaises. Les échanges du pays avec le reste de l’Europe ont été affectés. La perte de possibilités de cabotage sur le « pont terrestre » britannique a conduit à un report sur l’acheminement direct des marchandises en Europe, principalement en France. Le port de Dublin est devenu une plaque tournante importante pour le commerce européen et a réussi à réorienter les activités de transport maritime pour faire davantage de place au transport de marchandises non accompagnées, mais la poursuite de cette expansion pourrait passer par un développement plus poussé d’autres ports, comme celui de Rosslare.
La croissance du PIB et celle de la demande intérieure ajustée devraient s’établir respectivement à 10.1 % et 8 % en 2022, compte tenu du rebond de l’activité qui a fait suite à la pandémie au premier semestre de cette année. Dans les temps à venir, le recul des revenus réels dû à l’inflation freinera les dépenses de consommation jusqu’en 2023, malgré la progression sensible des salaires. Le niveau élevé des coûts et la faiblesse de la confiance réduiront les incitations des entreprises à investir. Le soutien apporté à l’investissement public par le Plan de développement national compensera en partie le fléchissement de l’investissement privé et de l’investissement en logements, le budget 2023 prévoyant 11.7 milliards EUR de dépenses en capital en 2023. La croissance de la demande intérieure ajustée ne sera donc que de 0.9 % l’année prochaine, avant de rebondir à 3.1 % en 2024. Dans la mesure où les exportations des secteurs dominés par les multinationales resteront dynamiques, malgré une certaine modération, le PIB devrait augmenter de 3.8 % en 2023 et de 3.3 % en 2024 (Tableau 1.2). L’inflation devrait refluer progressivement en 2023, même si l’inflation sous-jacente devrait rester relativement élevée.
Si les coûts de financement devaient augmenter plus rapidement qu’on ne l’anticipe, certaines entreprises irlandaises pourraient réduire leurs activités ou abandonner leurs projets d’investissement. En outre, les incertitudes prolongées concernant la pleine application des accords liés au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (« Brexit ») risquent d’affaiblir la compétitivité des entreprises. Une forte hausse persistante des prix des intrants pèserait sur la rentabilité des entreprises, mais pourrait également compromettre la viabilité budgétaire de l’ambitieux programme du gouvernement, qui vise à subventionner la construction et la rénovation de logements, dans le but d’accroître l’offre de biens immobiliers d’habitation et d’atténuer les tensions provoquées par le niveau élevé des prix et des loyers des logements. Ceux-ci pourraient néanmoins continuer d’augmenter, compte tenu de la demande supplémentaire de biens immobiliers d’habitation alimentée par le nombre croissant de réfugiés ukrainiens. En outre, des perturbations des approvisionnements énergétiques au cours de l’hiver 2023-24 pourraient affecter la croissance, notamment via un fléchissement de la demande extérieure. À l’inverse, la croissance du PIB pourrait s’avérer plus forte que prévu, car les exportations de produits pharmaceutiques et médicaux, dominées par des entreprises multinationales, pourraient mieux résister qu’on ne l’anticipe au ralentissement de l’activité observé chez les principaux partenaires commerciaux de l’Irlande. En outre, d’autres événements peu probables menaçant les perspectives pourraient faire dérailler la reprise (Tableau 1.3).
Tableau 1.2. La croissance devrait ralentir
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
---|---|---|---|---|---|---|
Prix courants (milliards EUR) |
Variation en pourcentage, en volume (prix de 2020) |
|||||
PIB au prix du marché |
355.7 |
5.6 |
13.4 |
10.1 |
3.8 |
3.3 |
Consommation privée |
104.2 |
-11.9 |
4.5 |
5.7 |
1.3 |
3.1 |
Consommation publique |
42.8 |
10.4 |
6.1 |
2.5 |
-0.3 |
-0.8 |
Formation brute de capital fixe |
193.5 |
-17.0 |
-39.1 |
2.7 |
4.1 |
3.1 |
Demande intérieure finale |
340.6 |
-12.4 |
-18.0 |
4.9 |
2.1 |
2.3 |
Variation des stocks1 |
4.3 |
0.5 |
0.4 |
0.3 |
-0.6 |
0.0 |
Demande intérieure totale |
344.9 |
-12.1 |
-18.0 |
4.1 |
1.0 |
2.4 |
Exportations de biens et services |
455.7 |
11.1 |
14.0 |
12.5 |
5.4 |
4.0 |
Importations de biens et services |
444.8 |
-2.2 |
-8.3 |
9.4 |
4.7 |
3.8 |
Solde extérieur1 |
10.9 |
16.9 |
27.9 |
7.9 |
3.0 |
1.9 |
Pour mémoire : |
|
|
|
|
|
|
Demande intérieure totale ajustée2, en volume |
_ |
- 4.8 |
5.9 |
8.0 |
0.9 |
3.1 |
RNB*3 |
_ |
-4.6 |
15.4 |
|||
Déflateur du PIB |
_ |
-0.5 |
0.4 |
6.1 |
4.1 |
1.9 |
Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) |
_ |
-0.5 |
2.4 |
8.4 |
7.2 |
2.9 |
IPCH sous-jacent4 |
_ |
-0.1 |
1.7 |
4.8 |
4.6 |
3.0 |
Taux de chômage (% de la population active) |
_ |
5.8 |
6.2 |
4.7 |
5.3 |
5.1 |
Taux d’épargne net des ménages (% du revenu disponible) |
_ |
21.6 |
20.2 |
16.8 |
14.6 |
12.4 |
Solde financier des administrations publiques5 (% du PIB) |
_ |
-5.0 |
-1.7 |
0.2 |
1.1 |
1.7 |
Solde financier des administrations publiques5 (% du RNB*) |
_ |
-9.4 |
-3.0 |
|
|
|
Dette brute des administrations publiques (% du PIB) |
_ |
72.1 |
65.9 |
59.8 |
56.2 |
52.9 |
Dette brute des administrations publiques (% du RNB*) |
_ |
134.9 |
120.0 |
|
|
|
Dette des administrations publiques, au sens de Maastricht6 (% du PIB) |
_ |
58.2 |
55.4 |
49.4 |
45.7 |
42.5 |
Dette des administrations publiques, au sens de Maastricht6 (% du RNB*) |
_ |
108.9 |
100.9 |
|
|
|
Solde des paiements courants (% du PIB) |
_ |
-6.8 |
14.2 |
16.4 |
18.9 |
18.7 |
Solde ajusté des paiements courants7 (% du RNB*) |
_ |
6.6 |
11.1 |
|
|
|
Note : Données rétrospectives relatives à 2020 et 2021 tirées des comptes nationaux annuels actualisés et prévisions relatives à la période 2022-24 tirées du n° 112 des Perspectives économiques de l’OCDE, qui ne tiennent pas compte des données trimestrielles publiées le 2 décembre 2022 pour les trois premiers trimestres de 2022.
1. Contributions aux variations du PIB réel, montant effectif dans la première colonne.
2. Hors transactions importantes réalisées par des entreprises étrangères et n’ayant pas d’effet sensible sur l’activité économique intérieure.
3. Le RNB* exclut les revenus des facteurs des entreprises ayant relocalisé leur siège en Irlande, ainsi que l’amortissement lié aux actifs de propriété intellectuelle relocalisés, aux importations de services de recherche-développement (R-D) et aux aéronefs appartenant à des sociétés de location d’avions.
4. Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) hors produits alimentaires, énergie, alcool et tabac.
5. Intègre l’effet ponctuel des recapitalisations dans le secteur bancaire.
6. La dette des administrations publiques au sens de Maastricht recouvre uniquement les prêts, les titres de créance ainsi que le numéraire et les dépôts, et la dette est comptabilisée à sa valeur faciale, et non à sa valeur de marché.
7. On calcule le solde ajusté des paiements courants de manière à corriger diverses distorsions liées à la mondialisation, notamment aux échanges d’actifs de propriété intellectuelle et d’aéronefs liés à des activités de location d’avions, ainsi qu’à leur amortissement, et aux bénéfices d’entreprises relocalisées en Irlande.
Source : OCDE, base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 112 ; et Office central des statistiques (CSO, Central Statistics Office).
Tableau 1.3. Événements peu probables qui pourraient modifier sensiblement les perspectives
Choc |
Effet probable |
Mesures envisageables par les pouvoirs publics |
---|---|---|
Montée des tensions commerciales. |
Certains exportateurs pourraient éprouver des difficultés à accéder à des marchés essentiels. |
Aider les entreprises vulnérables à identifier de nouveaux débouchés. |
Apparition d’un nouveau variant du COVID-19 résistant aux vaccins. |
De nouvelles vagues d’infections par un variant résistant aux vaccins pourraient donner lieu à de nouvelles mesures de confinement, ce qui dégraderait encore la confiance et affaiblirait la consommation intérieure. |
Suivre de près l’évolution de la situation sanitaire et continuer de promouvoir la vaccination, notamment les injections de rappel. Conserver des plans d’urgence pour le passage au télétravail dans tous les cas où il est possible, ainsi que des stocks d’équipements de protection individuelle, même si les taux d’infection diminuent. |
Des cyberattaques pourraient entraîner une suspension d’activités dans le secteur financier ou pour des infrastructures clés. |
Une interruption de l’accès à des services essentiels pourrait perturber l’activité économique. |
S’employer à identifier les faiblesses potentielles et à garantir la continuité de service et la sécurité des données. |
1.3. Le secteur financier est confronté à des difficultés héritées du passé et à de nouveaux problèmes
Le secteur financier a surmonté la pandémie de COVID-19. Les banques de détail ont renoué avec la rentabilité après avoir enregistré des pertes la première année de la pandémie. La croissance du crédit s’est redressée après avoir atteint des points bas pendant les confinements, en grande partie grâce aux emprunts du secteur des sociétés non financières. Les établissements financiers non bancaires gagnent en importance (Graphique 1.7, partie A). Les encours de prêts non performants inscrits aux bilans des banques diminuent régulièrement, tant pour les entreprises que pour les ménages, en partie du fait des cessions de prêts à d’autres composantes du système financier. En outre, les crédits hypothécaires au logement ne représentent plus la majorité des prêts non performants, ce qui marque la réalisation de nouveaux progrès dans le traitement des problèmes hérités de l’éclatement en 2008 de la bulle qui s’était formée sur le marché immobilier résidentiel. Enfin, la pandémie de COVID-19 a favorisé une poursuite de la transformation numérique, qui s’est traduite par une forte progression de l’utilisation des moyens de paiement numériques et sans contact (partie B).
Cela dit, divers problèmes structurels subsistent, certains découlant des séquelles de la crise financière mondiale de 2008. Les arriérés de crédit hypothécaire restent relativement importants et l’encours de prêts non performants dans le secteur des prêts aux entreprises est également supérieur à son niveau normal avant la pandémie. Les coûts d’emprunt sont relativement élevés et le rendement des fonds propres des banques de détail est légèrement plus faible que dans le reste de l’Union européenne (UE). Cela tient en partie aux coûts de restructuration que les établissements ont dû assumer pour réduire leurs charges d’exploitation et diversifier leurs sources de recettes. Néanmoins, leurs ratios de fonds propres sont supérieurs à la moyenne de l’UE (Graphique 1.8) et le contexte d’inflation plus élevée pourrait offrir des possibilités d’accroissement des bénéfices.
Les banques de détail représentent environ 60 % des crédits accordés par le secteur bancaire, et le retrait annoncé de deux des cinq banques de détail va renforcer la concentration du secteur, étant donné que leurs activités devraient être reprises en grande partie par les trois établissements restants (IMF, 2022a). Dans une certaine mesure, l’importance grandissante des établissements financiers non bancaires va atténuer la réduction de la concurrence qui pourrait en résulter. De nouveaux services sont proposés par les acteurs entrés récemment sur le marché, tels que des services de paiement numériques, et les consommateurs irlandais semblent être relativement réceptifs à ces innovations. Néanmoins, ces établissements financiers non bancaires ne proposent pas une gamme complète de services bancaires et bénéficient potentiellement de conditions de concurrence inéquitables, étant donné qu’elles ne sont pas soumises aux mêmes exigences réglementaires. Les autorités de surveillance prudentielle doivent suivre avec vigilance l’évolution de la situation, tant pour protéger les consommateurs que pour empêcher l’accumulation de risques financiers dans le secteur non bancaire. La Banque centrale d’Irlande (CBI, Central Bank of Ireland) a pris des mesures pour garantir la protection des consommateurs. En 2022, elle a infligé des amendes à deux des grandes banques, d’un montant de 100 millions EUR environ pour chacune d’elles, pour avoir refusé d’accorder des prêts hypothécaires à taux indexé sur un taux de référence, ou pour avoir omis de répercuter la baisse des taux d’intérêt de marché sur des emprunteurs ayant contractés de tels prêts. En octobre 2022, la CBI a lancé un examen du code de protection des consommateurs, ce qui est bienvenu.
Les outils macroprudentiels ont permis de soutenir le secteur financier au cours des crises récentes. Pendant la pandémie, la CBI a fixé à zéro le volant de fonds propres contracyclique. Les volants de fonds propres spécifiques aux différents établissements s’établissent dans une fourchette de 0.5 % à 1.5 % pour les établissements d’importance systémique. La CBI a annoncé en juin 2022 un relèvement du taux du volant de fonds propres contracyclique à 0.5 % (qui prendra effet en juin 2023) et indiqué que, suivant l’évolution de la situation macrofinancière, un taux de 1.5 % devrait être annoncé pour ce volant de fonds propres d’ici à la mi-2023. Ce durcissement attendu du volant de fonds propres contracyclique devrait se poursuivre, compte tenu de l’exposition de l’économie aux chocs extérieurs.
1.3.1. Traiter le problème des arriérés de crédit hypothécaire
Au premier trimestre de 2022, le ratio de prêts hypothécaires non performants s’établissait à 3.6 %, soit au-dessus de la moyenne de l’UE de 1.7 %. Malgré leur diminution régulière ces dernières années, les arriérés de paiement sur prêt hypothécaire mesurés en proportion des encours de crédits hypothécaires s’établissaient encore aux alentours de 6.4 % en juin 2022, et concernaient environ 46 000 résidences principales (Graphique 1.9, partie A). Dans 62 % des cas, ces crédits présentant des arriérés de paiement n’avaient donné lieu à aucune mise en demeure ouvrant la voie à une procédure judiciaire, et 1.4 % de ces prêts avaient été restructurés (partie B). L’apurement des arriérés de prêt hypothécaire reste un problème de taille. Les prêteurs sont tenus d’adhérer au Code de conduite relatif aux arriérés de prêt hypothécaire de la Banque centrale d’Irlande (CBI, Central Bank of Ireland) et de suivre une procédure d’apurement des arriérés de prêt hypothécaire. Environ 21 000 résidences principales se caractérisent par des retards de paiement sur emprunt hypothécaire d’une durée supérieure à deux ans. Dans la moitié des cas environ, soit ils ont été restructurés, soit l’emprunteur coopère avec le détenteur de la créance hypothécaire. En ce qui concerne les autres dossiers, caractérisés par le fait que l’emprunteur ne coopère pas et perd en conséquence le bénéfice de la protection offerte par la procédure d’apurement des arriérés de prêt hypothécaire, le créancier avait engagé une procédure judiciaire dans la moitié des cas environ. La capacité des banques à réaliser les garanties est faible, et les démarches à accomplir à cet effet sont chronophages. Le nombre de logements d’emprunteurs défaillants saisis par les banques reste très limité. Au deuxième trimestre de 2022, 11 résidences principales et deux logements locatifs seulement ont été saisis sur décision de justice. S’agissant des résidences principales, il faut y ajouter 5 641 procédures judiciaires conclues au cours de la même période dans lesquelles subsiste un encours d’arriérés. En outre, 5 908 autres procédures judiciaires étaient en cours au deuxième trimestre de 2022, dont environ un tiers se caractérisaient par une durée de plus de cinq ans depuis la tenue de la première audience (Central Bank of Ireland, 2022b), ce qui s’expliquait en partie par les fréquents ajournements des procédures concernant les arriérés de crédit hypothécaire engagées devant les tribunaux.
Pour régler ces problèmes hérités du passé, il faudra adopter des mesures souples et innovantes, compte tenu de la capacité de remboursement relativement limitée d’un grand nombre de débiteurs (Kelly et al., 2021). Dans l’Étude économique de 2020 consacrée à l’Irlande, il était recommandé d’accorder aux créanciers le droit de saisir à une date ultérieure les biens fournis en garantie, afin d’accélérer l’apurement des prêts non performants. Un recours accru aux ordonnances de saisie « avec sursis », comme au Royaume-Uni, pourrait inciter davantage l’emprunteur et le prêteur à s’entendre, dans la mesure où l’ordonnance assortie d’un sursis donnerait au prêteur le droit de saisir à une date ultérieure le bien fourni en garantie, le sursis à exécution étant subordonné au respect par l’emprunteur de conditions clairement définies. Ainsi, les ordonnances de saisie avec sursis rendues au Royaume-Uni permettent aux emprunteurs de rester dans leur logement tout en continuant à régler leurs arriérés. Si les conditions prévues ne sont pas respectées par les emprunteurs, les créanciers peuvent demander aux tribunaux de rendre une ordonnance d’expulsion. Il faudrait cependant prendre garde à éviter des conséquences non désirées, comme celle d’inciter les emprunteurs à réduire la valeur des biens fournis en garantie.
Outre le fait qu’il constitue une source de vulnérabilité, le taux limité d’apurement des arriérés de prêt hypothécaire pourrait contribuer à la faiblesse du volume de crédits distribués par les banques aux ménages ordinaires et aux petites entreprises de construction, les banques privilégiant l’octroi de prêts aux sociétés d’investissement immobilier. Au moins la moitié des ménages qui louent leur logement à une collectivité locale ou sur le marché privé ne peut accéder au crédit nécessaire pour acquérir un bien au prix médian des logements à Dublin, compte tenu du niveau actuel du ratio prêt/revenu appliqué pour l’octroi des prêts hypothécaires (Government of Ireland, 2021a). Après avoir réexaminé son cadre macroprudentiel de 2015 relatif au crédit hypothécaire, la CBI a assoupli ses normes d’octroi de prêts en octobre, en portant le ratio minimum prêt/revenu de 3.5 fois à 4 fois le revenu annuel brut pour les primo-acquéreurs et en le rehaussant de 80 % à 90 % pour les autres acheteurs de biens immobiliers d’habitation. Ces modifications peuvent contribuer à améliorer l’accessibilité financière du logement dans un contexte de montée des taux d’intérêt et des coûts, mais ils sont aussi susceptibles de faire augmenter la demande de biens immobiliers d’habitation et leurs prix et d’accentuer les risques pesant sur la stabilité financière. Ils devraient donc faire l’objet d’une surveillance étroite.
La part des nouveaux crédits hypothécaires octroyés par des prêteurs non bancaires s’est hissée de moins de 3 % en 2018 à 13 % en 2021 (Gaffney, Hennessy and McCann, 2022). Les établissements non bancaires représentent maintenant près d’un tiers des nouveaux crédits sur les segments du marché constitués par le refinancement et l’investissement locatif. Les établissements non bancaires ont réduit leurs taux d’intérêt plus rapidement que les banques depuis 2018, et appliquaient aux primo-acquéreurs un taux moyen plus faible que celui appliqué par les banques de détail en 2021 (Central Bank of Ireland, 2022c). Certains de ces prêteurs ont réagi au durcissement des conditions financières mondiales en relevant leurs taux d’intérêt pour les nouveaux emprunteurs hypothécaires depuis l’été 2022. Des mesures doivent être prises au regard de la montée des risques potentiels pesant sur la stabilité financière liée au crédit non bancaire. Il faudrait également élargir la surveillance des prêteurs non bancaires, en ne la limitant pas aux établissements présents sur le segment du crédit hypothécaire (IMF, 2022b).
Les établissements non bancaires jouent également un rôle actif sur le marché de l’immobilier commercial, les fonds de placement immobilier représentant près de 44 % de ce marché (Central Bank of Ireland, 2021a). Compte tenu de la taille de ce secteur, des ventes forcées généralisées effectuées par les fonds de placement immobilier irlandais sur le marché de l’immobilier commercial pourraient être lourdes de conséquences sur la stabilité financière et macroéconomique. La CBI a adopté des mesures macroprudentielles dans le secteur non bancaire, axées sur les fonds de placement domiciliés en Irlande qui détiennent plus de la moitié de leurs actifs sur le marché immobilier irlandais et qui sont donc particulièrement exposés aux chocs immobiliers intérieurs. Ces nouvelles dispositions fixent des orientations concernant le délai de liquidation (délai maximal entre le moment où un investisseur peut demander le remboursement de ses parts et celui où le fonds de placement immobilier doit l’effectuer) et un plafond d’endettement spécifiquement adapté à ces fonds de placement, en vue de préserver la résilience de cette forme d’intermédiation financière en plein essor (Central Bank of Ireland, 2022d). Ce renforcement des mesures macroprudentielles axées sur les établissements non bancaires peut contribuer à remédier aux vulnérabilités liées aux fonds de placement immobilier caractérisés par des niveaux élevés d’endettement et d’asymétrie de liquidité. Elles peuvent aussi concourir à égaliser les conditions de concurrence avec les banques.
1.3.2. L’innovation dans le secteur financier
Le secteur des technologies financières (FinTech) est relativement développé en Irlande (Ziegler et al., 2021), et son expansion devrait se poursuivre compte tenu des nouvelles avancées technologiques et de l’augmentation de la demande consécutive à la pandémie. S’agissant des petites et moyennes entreprises (PME), les prêteurs non bancaires représentent une proportion estimée à 37 % de la valeur totale des nouveaux crédits (Heffernan et al., 2021). De telles formes de financement peuvent à la fois renforcer la concurrence dans le secteur bancaire traditionnel et offrir un accès aux financements à des entités ayant des difficultés à obtenir des crédits auprès des banques traditionnelles. De fait, les financements bancaires sont relativement coûteux, en particulier pour les PME, en Irlande (National Competitiveness and Productivity Council, 2021a). Dans le contexte de la stratégie du gouvernement pour le secteur des services financiers internationaux (Ireland for Finance), le ministère des Finances a mis sur pied le Groupe de pilotage sur les FinTech, et les technologies financières et la finance numérique constituent un thème prioritaire dans la version actualisée de 2022 de cette stratégie (Update to Ireland for Finance). L’agence de développement des entreprises irlandaises, Enterprise Ireland (EI), a lancé le portail « Start in Ireland », conçu pour aider les entrepreneurs (y compris dans le secteur des FinTech) à différents stades de développement en fournissant des informations destinées aux jeunes pousses (start-ups) potentielles, nouvelles et existantes (Government of Ireland, 2022a).
Bien qu’il soit nécessaire de veiller à ce que l’innovation permette d’améliorer l’accès aux services financiers numériques, il est également crucial de garantir la résilience du secteur et de gérer les risques liés aux FinTech. Dans la mesure où nombre de ces prêteurs s’appuient sur des financements de marché plutôt que des dépôts assurés, cette offre de financements pourrait s’avérer moins résiliente en cas de retournement de la conjoncture ou de hausse des taux d’intérêt, et soulever des problèmes juridiques et administratifs en matière de redressement et de résolution des défaillances. Depuis 2018, le pôle d’innovation de la Banque centrale d’Irlande (CBI, Central Bank of Ireland) permet un dialogue informel avec ces prêteurs concernant la réglementation. La CBI a récemment renforcé sa surveillance des établissements réglementés de FinTech, dont le nombre est passé de quelques-uns à 40 au cours des quatre dernières années. Dans une lettre exposant ses attentes prudentielles, diffusée en décembre 2021, notamment en matière de présentation régulière de rapports et d’élaboration de cadres de gestion des risques ainsi que de stratégies de sortie, la CBI a demandé aux établissements concernés de réaliser un examen de conformité. Néanmoins, de nombreux prestataires de services financiers sont toujours non réglementés. Par conséquent, il est également crucial de veiller à ce que les autorités de régulation aient le pouvoir d’obtenir les informations voulues de ces prestataires, comme cela avait été recommandé dans l’Étude économique de 2020 consacrée à l’Irlande.
Tableau 1.4. Recommandations antérieures de l’OCDE concernant la stabilité financière et mesures prises
Recommandations des Études antérieures |
Mesures prises depuis 2020 |
---|---|
Envisager d’accorder aux prêteurs le droit de saisir à une date ultérieure les biens fournis en garantie. Renforcer les exigences de provisionnement relatives aux prêts non performants, notamment en appliquant les nouvelles règles de l’Union européenne en matière de provisionnement. |
Aucune mesure prise. Le règlement (UE) 2019/630 concernant la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes a été transposé dans le droit irlandais. |
Instaurer un volant de fonds propres applicable au risque systémique pour renforcer la capitalisation des banques et préserver davantage la stabilité financière. |
En 2020, la Banque centrale d’Irlande (CBI, Central Bank of Ireland) a été habilitée à fixer le volant de fonds propres applicable au risque systémique et à déterminer les expositions et les catégories d’établissements qui y sont assujetties. |
Veiller à ce que les autorités de régulation aient le pouvoir d’obtenir les informations voulues des prestataires de services financiers non réglementés. |
Aucune mesure prise. |
1.4. Il est essentiel d’assurer la viabilité des finances publiques
1.4.1. La situation budgétaire est favorable à l’heure actuelle
Le rebond de l’économie contribue à l’assainissement des finances publiques. Les mesures énergiques adoptées face à la pandémie ont fait augmenter de manière spectaculaire les dépenses publiques, entraînant un gonflement du déficit budgétaire et de la dette, qui est cependant resté plus limité que dans l’ensemble de la zone OCDE en moyenne (Graphique 1.10). Par ailleurs, les recettes sont montées en flèche, en particulier les rentrées d’impôt sur le revenu des personnes physiques et d’impôt sur les sociétés. Le déficit budgétaire a diminué en 2021, le démantèlement de l’allocation de chômage liée à la pandémie de COVID-19 (PUP, COVID-19 Pandemic Unemployment Payment) et du dispositif de subvention salariale ayant réduit les dépenses exceptionnelles correspondantes. Le solde budgétaire devrait redevenir équilibré en 2022, grâce au niveau exceptionnellement élevé des recettes d’impôt sur les sociétés. Une règle de dépenses, qui limite la croissance des dépenses primaires nominales à 5 % par an (ce qui correspond peu ou prou à la somme de la croissance tendancielle d’une mesure de l’activité économique sous-jacente, pour laquelle est retenu comme hypothèse 3 %, et de l’objectif d’inflation de 2 %) à moyen terme, a été récemment adoptée, ce qui améliore le cadre budgétaire (Encadré 1.3).
Encadré 1.3. Le cadre budgétaire national de l’Irlande
En tant que membre de l’Union européenne (UE), l’Irlande doit respecter les dispositions du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) en matière de finances publiques. Le cadre budgétaire de l’UE vise à garantir des finances publiques saines au sein de l’Union, à éviter des déficits et/ou des niveaux d’endettement excessifs, et à favoriser des politiques budgétaires contracycliques appropriées. Le PSC est un cadre fondé sur des règles, dans lequel s’inscrivent les décisions budgétaires adoptées par les États membres. Le cadre budgétaire national de l’Irlande a été défini par la loi sur la responsabilité budgétaire de 2012 (Fiscal Responsibility Act 2012) et reflète le cadre européen. La même année a été institué le Conseil consultatif budgétaire irlandais (IFAC, Irish Fiscal Advisory Council), qui évalue les prévisions du gouvernement, la conformité aux règles budgétaires et l’orientation de la politique budgétaire. En 2013, un cadre de dépenses à moyen terme a instauré des plafonds triennaux de dépenses publiques et de dépenses par ministère.
Compte tenu des difficultés liées à la mesure de la taille ainsi qu’à l’évaluation de la situation conjoncturelle de l’économie irlandaise, le gouvernement a décidé de renforcer le cadre budgétaire et adopté une règle nationale de dépenses en 2021, suivant laquelle les dépenses primaires nominales peuvent augmenter de 5 % par an (ce qui correspond peu ou prou à la somme de la croissance tendancielle d’une mesure de l’activité économique sous-jacente, pour laquelle est retenu comme hypothèse 3 %, et de l’objectif d’inflation de 2 %) à moyen terme (Department of Finance, 2021). Cette règle est axée sur double objectif : étoffer les services publics tout en maintenant les finances publiques sur une trajectoire viable.
Afin de réduire au minimum le risque de s’appuyer sur des recettes fluctuantes et imprévisibles pour financer des augmentations pérennes de dépenses, le gouvernement a également publié un nouvel indicateur, le solde sous-jacent des administrations publiques, qui exclut le montant estimé du « surplus » de recettes d’impôt sur les sociétés (IS), celui-ci pouvant être transitoire. Le ministère des Finances s’appuie sur une analyse de scénarios pour quantifier le niveau des recettes « exceptionnelles », c’est-à-dire le montant ne pouvant être expliqué par des facteurs sous-jacents (Department of Finance, 2022). Cela implique, entre autres, de comparer : i) le niveau actuel des rentrées d’IS avec leur niveau moyen sur longue période (entre 2000 et 2021) mesuré en proportion des recettes fiscales totales et en proportion du revenu national brut ajusté (RNB*) ; ii) les recettes effectives d’IS avec leur niveau dans un scénario où elles auraient augmenté au même rythme que le RNB* depuis 2014 (cette année a été retenue parce qu’elle précède le changement de niveau des recettes d’IS intervenu en 2015 et, de manière générale, les nets changements observés ces dernières années en matière de relocalisation d’actifs de propriété intellectuelle) ; et iii) les recettes d’IS avec leur niveau dans un scénario où les versements d’IS des entreprises multinationales étrangères auraient augmenté au même rythme que les salaires dans le secteur sous contrôle étranger depuis 2014. La règle de dépenses vise à garantir un découplage entre les mesures de dépenses et les recettes fiscales exceptionnelles, et en particulier le « surplus » de recettes d’impôt sur les sociétés, au cours des années à venir.
Source : Ministère des Finances (2019), Addressing Fiscal Vulnerabilities, Dublin ; ministère des Finances (2022), De-Risking the Public Finances – Assessing Corporation Tax Receipts ; et ministère des Finances (2021), 2021 Summer Economic Statement, Dublin.
En septembre, le gouvernement a annoncé un train de mesures ponctuelles (représentant 4.4 milliards EUR) destiné à atténuer les effets de la forte inflation sur les ménages et les entreprises, ainsi que des mesures budgétaires pour 2023 (6.9 milliards EUR). Le budget 2023 est marqué par une augmentation du taux de croissance des dépenses de base (dépenses des administrations publiques hors mesures temporaires) de 8.1 % à 9.1 % en 2022, et de 5 % à 6.3 % en 2023, par rapport au programme de stabilité d’avril (Government of Ireland, 2022b). L’orientation globale annoncée de la politique budgétaire, qui reflète la volonté du gouvernement de soutenir l’économie tout en évitant de renforcer l’inflation, est dans l’ensemble appropriée.
Environ la moitié des mesures temporaires annoncées sont ciblées (Irish Fiscal Advisory Council, 2022a), tandis que certaines (chèques électricité, doublement de l’allocation pour enfant à charge, prolongation des réductions de TVA et de droits d’accise sur les carburants, le gaz et l’électricité) demeurent d’application générale, comme dans de nombreux autres pays de l’OCDE. Étant donné que la flambée des prix de l’énergie constitue un choc sur les termes de l’échange, qui sera vraisemblablement durable compte tenu de la trajectoire anticipée pour les prix des combustibles fossiles, les agents économiques devront in fine s’y ajuster. Dans ce contexte, les mesures prises pour amortir le choc ne doivent pas faire obstacle à ce processus d’ajustement, sachant qu’elles pourraient peser sur la politique budgétaire si elles finissaient par s’inscrire dans la durée. En outre, pour améliorer la viabilité budgétaire et la durabilité environnementale, les autorités devraient supprimer à terme ces dispositifs ou les démanteler progressivement, et éviter de prendre des mesures supplémentaires de stimulation de la demande dans le contexte actuel de forte inflation. Toute nouvelle mesure budgétaire, si elle s’avérait nécessaire, devrait être temporaire et mieux ciblée sur les ménages les plus pauvres, notamment en cas de renchérissement sensible des produits alimentaires, et elle devrait être conçue de manière à ne pas fausser les signaux de prix, afin que les incitations aux économies d’énergie soient préservées, et à garantir que l’effet induit sur l’activité économique intérieure reste globalement neutre.
Parallèlement à l’accentuation des tensions sur les dépenses, les recettes sont restées extraordinairement dynamiques. Les recettes d’impôt sur le revenu des personnes physiques et d’impôt sur les sociétés sont montées en flèche sur fond d’envolée des bénéfices et de forte croissance de l’emploi et des salaires, et les recettes de taxes sur la consommation ont également vivement augmenté. En 2021, les recettes fiscales totales ont enregistré une hausse de 20 % par rapport à 2020 (représentant plus de 11 milliards EUR). Les rentrées d’impôt sur les sociétés s’établissaient à 21.1 milliards EUR à la fin de novembre 2022, en hausse de 7.6 milliards EUR sur un an. Elles pèsent lourdement dans les recettes fiscales des administrations publiques, puisque ces rentrées d’impôt sur les sociétés représentaient plus d’un cinquième du total en 2021 et se sont hissées à un quart au premier semestre de 2022. Les résultats à l’exportation extrêmement bons des grandes multinationales présentes dans les secteurs des produits pharmaceutiques, des produits médicaux et des technologies de l’information et de la communication (TIC) expliquent en partie ce dynamisme. Cela constitue cependant une source de vulnérabilité en cas de dégradation de ces résultats à l’exportation dans l’avenir, et de reconfiguration de la localisation d’activités de production et d’actifs de propriété intellectuelle à la suite de modifications de l’environnement fiscal international. Dix entreprises représentent à elles seules environ la moitié de l’ensemble des recettes d’impôt sur les sociétés.
D’après différentes estimations, 6 à 9 milliards EUR de recettes sont potentiellement transitoires et pourraient quitter l’Irlande (Irish Fiscal Advisory Council, 2022b ; Department of Finance, 2022a). En l’absence de ce surplus de recettes (considérées comme exceptionnelles), le solde budgétaire serait déficitaire à hauteur de 8 milliards EUR (-3.1 % du RNB*), après un excédent 1 milliard EUR (0.4 % du RNB*) enregistré en 2022 (Government of Ireland, 2022b). Dans ce contexte, il faudrait conserver les plus-values de recettes dans le Fonds national de réserve (National Reserve Fund) – qualifié initialement de fonds de réserve de stabilisation (Rainy Day Fund), il a été créé en 2019 mais liquidé en raison de la pandémie – en vue de réduire le recours à des formes potentiellement transitoires de recettes, tout en préparant le pays à faire face aux difficultés budgétaires à long terme, au lieu de favoriser une augmentation rampante des dépenses. Le fonds a été conçu de telle sorte que les contributions annuelles qui l’alimentent et son montant global sont plafonnés respectivement à 500 millions EUR et 8 milliards EUR. En septembre, le gouvernement a annoncé que ce fonds allait être renfloué de 2 milliards EUR en 2022 et de 4 milliards EUR en 2023, ce qui a été approuvé par la chambre basse du Parlement dans une résolution. Il faudrait relever ces plafonds pour renforcer l’efficacité du fonds, rendre plus automatiques les contributions qui l’alimentent, et continuer d’y verser les recettes fiscales exceptionnelles.
Par le passé, la politique budgétaire a été procyclique (Cronin and Mcquinn, 2017). Dans le contexte de la crise financière mondiale de 2008, en particulier, le gonflement des dépenses qui l’a précédée et leur compression ultérieure ont été marqués. Comme souvent, ce sont les dépenses d’investissement qui se sont contractées le plus fortement (Graphique 1.11). Cette procyclicité a non seulement pour effet d’amplifier les chocs, mais elle a aussi des répercussions à long terme, dans la mesure où elle limite les dépenses ayant un horizon plus éloigné, en particulier les investissements. Certains des problèmes auxquels sont confrontés aujourd’hui les décideurs publics, tels que ceux liés au logement et aux soins de santé, découlent de la nécessité de réduire les dépenses trop rapidement pendant la crise financière mondiale. De ce point de vue, même si les recettes sont exceptionnellement vigoureuses, il ne faut pas laisser les dépenses ordinaires dériver à la hausse.
Créé en 2012, le Conseil consultatif budgétaire irlandais (IFAC, Irish Fiscal Advisory Council) a contribué à encadrer la conduite de la politique budgétaire et formulé des mises en garde contre la croissance excessive des dépenses pendant la phase d’expansion économique (Bach, 2020 ; Jonung, Begg and Tutty, 2016). Les estimations du solde structurel fondées sur l’écart de production sont trop incertaines dans une petite économie à l’activité très fluctuante, comme l’Irlande, pour fournir un point d’ancrage utile à la politique budgétaire. En conséquence, l’adoption récente d’une règle de dépenses spécifique au pays est une approche pragmatique permettant de renforcer la prévisibilité de la politique budgétaire. L’augmentation des dépenses prévue pour protéger les ménages contre la forte inflation (voir ci-avant) les fera passer temporairement au-dessus du niveau correspondant à l’application de la nouvelle règle des 5 % de croissance. Dans les temps à venir, il importera de revenir dans le cadre défini par cette nouvelle règle dès que possible, afin de ramener la politique budgétaire sur une trajectoire d’évolution des dépenses plus prévisible et stable et d’en récolter pleinement les fruits, notamment en termes de résilience accrue face aux futurs chocs.
On pourrait améliorer encore le cadre budgétaire en prenant les mesures nécessaires pour tenir compte de l’effet des mesures fiscales, inscrire ce cadre dans la législation, appréhender tout l’éventail des dépenses des administrations publiques et lier ce cadre à des objectifs d’endettement (Irish Fiscal Advisory Council, 2022b). Il faudrait étudier la possibilité d’inscrire ce cadre dans la loi, car cela exigerait que la règle de dépenses soit plus clairement énoncée, et l’on pourrait en renforcer l’efficacité en la liant à une obligation de « se conformer ou s’expliquer ». Il importerait de veiller à ce que ces changements soient compatibles avec les modifications à venir des règles budgétaires de l’UE. Publier des plafonds de dépenses par ministère permettrait aussi d’améliorer la transparence de la règle de dépenses (Irish Fiscal Advisory Council, 2021). Par ailleurs, il faudrait préparer des budgets à moyen terme ayant un horizon plus éloigné. Enfin, il est essentiel d’actualiser régulièrement et de rendre public le coût des principaux engagements pris par le gouvernement à moyen terme évoqués ci-après (tels que la réalisation des objectifs climatiques, ou la mise en œuvre de la réforme de la santé, Sláintecare, et de la réforme des retraites).
1.4.2. Des tensions budgétaires apparaîtront à plus long terme
La conjonction d’un certain nombre de tensions sous-jacentes et d’évolutions récentes de l’action publique risque de compromettre la viabilité des finances publiques à long terme. Les dépenses liées au logement, au vieillissement de la population, à la santé et à la transition énergétique devraient augmenter considérablement. De plus, les modifications apportées à la fiscalité internationale à la suite de l’accord conclu en octobre 2021 par les membres du Cadre inclusif du G20 et de l’OCDE relatif au projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) pourraient avoir des répercussions sur les recettes fiscales de l’Irlande, dans la mesure où cet accord prévoit l’application d’un taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés plus élevé aux grandes entreprises immatriculées en Irlande.
Viabilité du régime de retraite
Alors que la population commence à vieillir plus rapidement, les dépenses de pensions publiques devraient augmenter et passer de 3.8 % du RNB* en 2019 à 7.9 % en 2050, puis à 9.2 % en 2070 (Pensions Commission, 2021). Si l’on tient compte des pensions de retraite du secteur public, les dépenses de retraite passeraient de 7.4 % du RNB* en 2019 à 12.1 % en 2050 (Department of Finance, 2021). L’augmentation de la longévité devrait entraîner un déficit annuel de cotisations de sécurité sociale d’environ 2.4 milliards EUR en 2030, qui augmentera régulièrement pour atteindre 13 milliards EUR en 2050 (Pensions Commission, 2021).
Il était prévu que l’âge d’admission au bénéfice d’une pension publique soit relevé d’un an et porté à 67 ans au début de 2021, puis à 68 ans en 2028, afin de garantir la viabilité future du système, mais cette mesure a été abrogée. En outre, les autorités ont ouvert une voie d’accès anticipé à la retraite en modifiant les règles d’accès à la prestation de chômage (JB, Jobseeker’s Benefit) pour les personnes tenues de prendre leur retraite à 65 ans en vertu de leur contrat de travail, par la mise en place, en 2021, d’une nouvelle prestation destinée aux personnes de 65 ans (soit un an avant l’âge d’ouverture des droits à une pension publique, sous la forme d’un versement correspondant au montant des allocations de chômage, mais sans obligation de recherche d’emploi). Le rapport de 2021 de la Commission des retraites (Pensions Commission) expose un train de réformes à privilégier (train de réformes 4), qui comprend un relèvement progressif de l’âge d’admission au bénéfice d’une pension publique à compter de 2028, une hausse des cotisations de sécurité sociale des salariés, des employeurs et des travailleurs indépendants, ainsi que d’autres sources de financement non précisées (très probablement de nouvelles hausses d’impôts ou des réductions d’autres postes de dépenses) (Graphique 1.12).
La réforme des retraites annoncée en septembre fait peser la charge des ajustements sur les cotisations d’assurance sociale liée à la rémunération (PRSI, Pay-related Social Insurance) plutôt que sur l’âge d’ouverture des droits à une pension publique, qui est maintenu à 66 ans. Cette réforme prévoit des incitations à travailler au-delà de 66 ans en contrepartie d’une pension plus élevée à compter de 2024, une transition vers une approche fondée sur les cotisations totales afin de lier le niveau des pensions au nombre d’années de travail et de cotisations versées (transition progressive sur dix ans à compter de 2024), ainsi qu’une révision et un ajustement du niveau et du rythme d’augmentation des taux des cotisations d’assurance sociale tous les cinq ans. Un certain nombre de mesures visent en outre à améliorer l’équité : l’accès à une pension publique sera étendu aux aidants de longue durée à compter de 2024 et le gouvernement s’engage à étudier la conception d’un dispositif qui permettrait de verser des prestations aux personnes qui, après une longue vie active (40 ans ou plus), ne sont plus en mesure de continuer à travailler au début de la soixantaine. Seront également instaurées dans le cadre de cette réforme des mesures qui permettent à un salarié de continuer à travailler jusqu’à l’âge d’ouverture des droits à une pension publique, sans toutefois l’y contraindre, alors que la Commission des retraites avait recommandé d’éviter de fixer dans les contrats de travail un âge de la retraite inférieur à celui d’ouverture des droits à une pension publique, ce qui pourrait contribuer à combler l’écart entre l’âge effectif de la retraite (63.6 ans) et l’âge d’ouverture des droits à une pension publique (66 ans).
Certaines mesures sont conformes aux recommandations de la Commission des retraites, mais deux préoccupations majeures et des incertitudes subsistent. Premièrement, bien que certaines mesures, dont la transition vers une approche fondée sur les cotisations totales, les incitations à travailler jusqu’à 70 ans et l’alourdissement éventuel de la charge fiscale personnes âgées, contribuent à renforcer la viabilité du système de retraite, l’impact budgétaire de la réforme n’a pas été calculé. Ainsi, une majoration de la pension en contrepartie d’un report du départ à la retraite à 70 ans pourrait ne pas avoir d’incidence sur les coûts, selon la manière dont la réforme est conçue (Pensions Commission, 2021). Deuxièmement, le rapport de la Commission des retraites indique que l’action publique devrait s’articuler autour d’un ensemble de mesures, dont le relèvement progressif de l’âge d’ouverture des droits à une pension publique à 67 ans entre 2028 et 2031 et à 68 ans en 2039, car l’utilisation isolée d’un quelconque instrument d’action pour combler les déficits anticipés exigerait un ajustement si extrême qu’il serait presque impossible de le mettre en œuvre. Le maintien de l’âge d’ouverture des droits à pension à 66 ans accentue les pressions sur le système fiscal et entraînera une augmentation des coûts de main d’œuvre. Pour un salarié type ayant une rémunération d’environ 35 000 EUR, un surcroît de prélèvement de l’ordre de 1 800 EUR par an serait nécessaire au cours des décennies à venir (IFAC, 2022b). Par conséquent, le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à pension devrait faire partie du train de réformes.
À moyen terme, un changement plus ambitieux visant à pérenniser les réformes, afin qu’il ne soit plus nécessaire de mener constamment des négociations politiques pour trouver des solutions à court terme, consisterait à instaurer un mécanisme d’ajustement automatique, comme l’ont fait certains pays de l’UE (le Danemark, la Finlande et les Pays-Bas, par exemple), en vue de réduire les incertitudes pesant sur la viabilité financière du système. À titre d’exemple, l’indexation automatique de l’âge de la retraite sur l’espérance de vie se traduirait en Irlande par une diminution des dépenses de pensions d’un point de PIB en 2070 (European Commission, 2021a).
Santé
Outre les dépenses de pensions, le secteur de la santé contribue beaucoup aux dépenses publiques à long terme. En raison du vieillissement démographique, les dépenses de santé et de soins de longue durée devraient se hisser d’environ 8.5 % du RNB* en 2019 à pas moins de 13.2 % en 2050 (Irish Fiscal Advisory Council, 2020). À court terme, les finances publiques sont grevées par le coût de la mise en œuvre de la réforme du secteur de la santé (Sláintecare), qui vise à passer d’un système essentiellement axé sur les soins en milieu hospitalier à un système permettant une meilleure intégration des soins primaires, des soins de proximité et des soins de longue durée, en réduisant les listes d’attente et en remédiant au sous-investissement passé (voir le chapitre 2).
Changement climatique, logement et infrastructures
Le gouvernement s’est engagé à réaliser un objectif de réduction à zéro des émissions nettes de GES à l’horizon 2050, ainsi qu’un objectif intermédiaire à l’horizon 2030. Des possibilités d’investissement vert (efficacité énergétique des bâtiments et mobilité durable, par exemple) ont été recensées dans le Plan national de développement, et environ la moitié des fonds du plan pour la reprise et la résilience sont affectés à la transition écologique (voir plus bas). Étant donné que les pouvoirs publics n’ont pas fini d’élaborer les mesures qui permettront d’atteindre ces objectifs, il n’est pas encore possible de quantifier tous les effets qu’elles auront sur le budget. Toutefois, ces mesures consisteront probablement en une intensification des investissements publics verts et en une série d’incitations visant à encourager les ménages et les entreprises à agir en faveur de l’environnement. Le Plan d’action pour le climat de 2021 (Climate Action Plan 2021) indique que les investissements nécessaires, de l’ordre de 2 % du RNB* par an, ne seraient pas rentables, si bien qu’il faudrait prévoir des aides publiques ou des dispositions réglementaires (Government of Ireland, 2021b). D’autres estimations montrent que le coût de la réalisation des objectifs fixés à l’horizon 2030 pourrait être plus élevé si les secteurs dans lesquels il est difficile de réduire les émissions dans une perspective de court à moyen terme, comme l’agriculture, ne sont pas tenus de consentir le même effort de réduction. Dans ces conditions, les dépenses publiques nécessaires pour parvenir à une réduction beaucoup plus importante des émissions liées à l’énergie pourraient doubler (Fitzgerald, 2021).
La stratégie « Un logement pour tous » (Housing for All) prévoit une enveloppe de 20 milliards EUR, sur les cinq prochaines années, pour remédier à la pénurie de logements en améliorant le zonage et en accroissant la disponibilité des ressources foncières ainsi que l’offre de logements sociaux et de biens immobiliers d’habitations abordables (voir ci-après pour plus de détails). Des dépenses publiques considérables s’imposeront en outre pour financer les dépenses d’infrastructures nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agira notamment de mettre en place les infrastructures qui permettront d’exploiter le potentiel des énergies renouvelables et d’accroître l’électrification des transports ainsi que des bâtiments résidentiels et tertiaires. Dans le cadre du Plan national de développement, le gouvernement prévoit de porter les dépenses en capital à 5.4 % du RNB* et de les maintenir à ce niveau pour répondre à certains des besoins essentiels en infrastructures. Cette hausse d’environ un point de pourcentage par rapport à 2020 pourrait, si elle est maintenue, contribuer à limiter la procyclicité des dépenses d’investissement. Cela pourrait entraîner un accroissement de la production compris entre 0.7 % et 0.9 % d’ici à 2030 (Conroy, Casey and Jordan-Doak, 2021). Toutefois, le nombre d’ouvriers du bâtiment est limité et les besoins concurrents d’augmentation de l’offre de logements et d’atténuation du changement climatique pourraient faire augmenter les prix dans le secteur en l’absence d’initiatives visant à étoffer l’offre.
Fiscalité des entreprises multinationales
En octobre 2021, l’Irlande a adhéré au Cadre inclusif du projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Son adhésion se traduira par un changement radical, le pays étant désormais tenu de relever le taux de son impôt sur les sociétés de 12.5 % à 15 %. Le taux actuel de l’impôt sur les sociétés en Irlande a été progressivement mis en place à partir de 1996 (il existait à l’époque un taux spécial de 10 % applicable aux entreprises du secteur manufacturier et avant cela, un allègement fiscal au titre des bénéfices réalisés à l’exportation, qui ramenait le taux effectif à 0 %). L’accord international sur la fiscalité devrait être mis en œuvre en 2023 au plus tôt. Ses conséquences en termes de recettes sont incertaines, mais les autorités estiment qu’une fois ses piliers 1 et 2 pleinement mis en œuvre, le manque à gagner sera de l’ordre de 2 milliards EUR par rapport à un scénario de statu quo.
Analyse de viabilité de la dette
Le niveau de la dette est déjà important, s’élevant à 100.8 % du RNB* en 2021 (contre une moyenne de 75.1 % du PIB dans l’UE). Rapporté au nombre d’habitants, ce taux est relativement élevé par rapport à celui observé dans d’autres pays de l’UE (Graphique 1.13), ce qui laisse à penser que l’Irlande dispose d’une marge de manœuvre limitée pour s’endetter davantage sans accentuer les risques pesant sur la résilience budgétaire. À court terme, les perspectives budgétaires sont relativement favorables et les niveaux d’endettement devraient diminuer, mais à un horizon plus lointain, le tableau devient plus préoccupant à mesure que les diverses tensions sur les dépenses et les recettes commencent à se concrétiser. Selon les projections de l’OCDE, la dette publique de l’Irlande ne se stabilisera pas d’ici 2050 si des réformes majeures ne sont pas mises en œuvre (Graphique 1.14).
Tableau 1.5. Recommandations antérieures de l’OCDE concernant la politique budgétaire et les retraites et mesures prises
Recommandations des Études antérieures |
Mesures prises depuis 2020 |
---|---|
Utiliser les recettes exceptionnelles d’impôt sur les sociétés pour rembourser la dette des administrations publiques ou alimenter le fonds de réserve de stabilisation (Rainy Day Fund). |
Comme indiqué dans le Programme pour le gouvernement (Programme for Government), les recettes exceptionnelles, telles que le surplus de rentrées d’impôt sur les sociétés, l’excédent enregistré par l’Agence nationale de gestion d’actifs (NAMA, National Asset Management Agency) et les prélèvements effectués sur le fonds de réserve de stabilisation ont servi à réduire le besoin de financement du Trésor. En septembre 2022, l’administration a annoncé que le fonds de réserve de stabilisation, rebaptisé Fonds national de réserve (National Reserve Fund), serait renfloué de 2 milliards EUR en 2022 et de 4 milliards EUR en 2023. |
Découpler les primes de Noël versées aux bénéficiaires de prestations sociales des recettes budgétaires effectives, et intégrer systématiquement les montants correspondants dans les plans budgétaires du gouvernement. |
Aucune mesure n’a été prise. |
Élaborer des règles budgétaires internes fondées sur la mesure du revenu national brut (RNB*) ajusté et sur une estimation de la croissance de la production potentielle qui soit adaptée au contexte irlandais. Continuer de fixer des objectifs à moyen terme de dette publique en pourcentage du RNB* et de rendre compte des progrès réalisés au regard de ces derniers. |
En 2021, l’Irlande a adopté une règle de dépenses, en vertu de laquelle les dépenses permanentes peuvent augmenter au même rythme que le taux de croissance tendanciel estimé de l’économie. Les recettes fiscales pourront fluctuer au gré du cycle économique sans que le plafond soit modifié. Seule la dette publique en pourcentage du RNB* a été communiquée dans les récentes déclarations budgétaires et les derniers points sur la situation économique présentés à l’été. |
Simplifier le régime de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en ramenant le nombre de taux de cinq à trois. |
Plusieurs options de simplification du régime de TVA, notamment la réduction du nombre de taux, sont actuellement examinées dans le cadre des documents du Groupe de stratégie fiscale (Tax Strategy Group). |
Réévaluer, de façon plus régulière, la valeur des biens immobiliers aux fins du calcul de l’impôt foncier local. En parallèle, assurer une protection aux ménages modestes qui seraient pénalisés par cette mesure. |
En vertu de la loi de 2021 portant modification de la loi sur l’impôt foncier local (Finance (Local Property Tax) (Amendment) Act 2021), la valeur des biens immobiliers sera réévaluée tous les quatre ans, le seuil de revenu déterminant l’admissibilité à un report d’imposition sera relevé et le taux d’intérêt applicable en cas de report de paiement de l’impôt sera réduit. |
Mettre en œuvre les principales propositions du rapport Sláintecare, en mettant en place un service de santé unifié assurant un accès universel aux soins de santé primaires. |
Parmi les progrès accomplis en 2021, on peut citer l’augmentation du nombre de lits et d’établissements de soins primaires, la mise en place d’un accès direct à un dispositif de diagnostic pour les médecins généralistes, l’augmentation des financements de l’aide à domicile, la réduction des listes d’attente et la création de 49 réseaux de santé de proximité (Community Healthcare Networks), de 15 équipes de spécialistes de la prise en charge des personnes âgées et de deux équipes de gestion des maladies chroniques. |
Veiller à ce que toutes les exigences législatives relatives au Plan national de services soient respectées par l’administration des services de santé (HSE, Health Service Executive). |
Un nouveau bulletin d’information hebdomadaire présente une estimation en temps quasi réel du montant cumulé des dépenses consacrées à chaque mesure liée au COVID-19, et l’administration des services de santé publie tous les mois, à l’intention du ministère de la Santé, un rapport sur le fonds de roulement. |
Indexer les futures hausses de la pension publique sur l’inflation. Appliquer le relèvement prévu de l’âge d’admission au bénéfice de la pension publique à 68 ans d’ici à 2027, et lier ensuite son évolution à celle de l’espérance de vie. |
En septembre 2020, le gouvernement a annoncé qu’une méthode des « rémunérations lissées », utilisée pour calculer le montant des pensions publiques en conjuguant application d’un niveau de référence et indexation, serait incluse dans la procédure budgétaire annuelle à compter de 2023. Les dispositions législatives visant à relever l’âge d’ouverture des droits à une pension publique ont été abrogées dans la loi de 2020 sur la protection sociale (Social Welfare Act) et ne font pas partie de la réforme des retraites annoncée en septembre 2022. |
1.5. Des marchés des produits et du travail répondant aux besoins de l’économie
Le plan national pour la reprise et la résilience (Encadré 1.4) prévoit un certain nombre d’initiatives susceptibles d’améliorer le taux d’emploi (renforcement des compétences numériques et amélioration des politiques actives du marché du travail pour les demandeurs d’emploi) et la croissance de la productivité des entreprises nationales (soutien à leur transformation numérique et réduction des obstacles à l’investissement, tels que les obstacles réglementaires à l’entrepreneuriat, l’accessibilité financière du logement et les pénuries de compétences). D’après les calculs de la Commission européenne, qui ne tiennent pas compte de l’effet des réformes structurelles, ce plan pourrait rehausser le PIB de l’Irlande de 0.3-0.5 % d’ici à 2026 et créer 6 200 emplois supplémentaires (European Commission, 2021b). L’Irlande a également publié en 2021 un plan de relance économique qui vise, entre autres, à créer 50 000 places de formation supplémentaires d’ici à 2025 pour renforcer l’emploi (Government of Ireland, 2021c). L’Encadré 1.5 chiffre l’effet potentiel de certaines réformes structurelles examinées dans la présente Étude.
Encadré 1.4. Le plan pour la reprise et la résilience de l’Irlande
Le plan irlandais pour la reprise et la résilience (doté d’une enveloppe de 989 millions EUR sous forme de subventions, soit 0.3 % du PIB de 2019) comprend 25 mesures (16 investissements et 9 réformes) et s’articule autour de trois volets :
1. Transition écologique (52.4 %) : inciter à délaisser la voiture particulière au profit du transport ferroviaire, promouvoir l’efficacité énergétique dans les bâtiments résidentiels et publics et dans les entreprises, et soutenir la biodiversité (travaux de restauration et réhabilitation des tourbières visant à faire passer l’utilisation des sols de l’extraction de la tourbe à la séquestration du carbone).
2. Transformation numérique (29.4 %) : favoriser la transformation numérique du secteur public, en particulier du système de santé, ainsi que des PME, et promouvoir les compétences numériques (notamment en fournissant une connectivité aux écoles et des équipements TIC aux élèves défavorisés).
3. Reprise économique et sociale et création d’emplois : favoriser l’accès au marché du travail et la montée en compétences des actifs en mettant l’accent sur les compétences vertes et numériques, améliorer la qualité de l’enseignement supérieur (en mettant en place de nouveaux programmes d’enseignement et de formation dans les universités technologiques et en créant de pôles régionaux d’innovation, par exemple) et de l’apprentissage tout au long de la vie, accroître l’offre de logements sociaux et abordables et renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux.
Source : autorités nationales (Government of Ireland, 2021d).
1.5.1. Renforcer l’emploi et la mobilité de la main-d’œuvre
Le taux d’activité, qui avoisine 80 % (des personnes âgées de 25 à 64 ans), est supérieur à la moyenne de l’OCDE et dépasse de loin les niveaux observés dans les années 1990. À la suite de la pandémie, les taux d’activité de nombreux groupes, comme les femmes, les jeunes et seniors, ont augmenté, probablement sous l’effet de facteurs conjoncturels, de la situation tendue du marché du travail et du télétravail, mais ils restent bas pour les personnes ayant un faible niveau d’études. Par ailleurs, le taux d’emplois vacants demeure élevé, à 1.5 %, mais il est inférieur à la moyenne de l’UE, qui s’établit à 2.9 %. D’après une enquête réalisée en octobre 2021, le nombre de postes vacants difficiles à pourvoir était élevé dans les domaines des sciences de la vie, des technologies de l’information, de la construction, de la santé et des activités financières (SOLAS, 2021). Cela tient non seulement à l’inadéquation des compétences, mais aussi aux contre-incitations inhérentes au système de prélèvements et de prestations et, dans certains cas, aux obstacles à la mobilité géographique, même si l’essor du télétravail est susceptible de favoriser celle-ci (SOLAS, 2022). En remédiant à ces problèmes, il serait possible d’accroître le taux d’activité et, dans certaines catégories, de réduire l’incidence de la pauvreté.
L’évolution de la structure de l’économie après la pandémie pourrait compliquer la question des liens avec le marché du travail, dans la mesure où la taille de secteurs qui servent souvent de points d’entrée dans l’emploi, comme celui de l’hébergement et de la restauration, pourrait diminuer. La contribution future des migrations internationales à la croissance de la population active fait partie des autres incertitudes. Une bonne intégration des réfugiés ukrainiens au marché du travail irlandais peut permettre d’atténuer certaines pénuries de main-d’œuvre. Environ 64 % d’entre eux sont en âge de travailler (ils ont entre 20 et 64 ans) et 68 % de ces personnes d’âge actif sont des femmes. L’Irlande leur a accordé des droits au travail, donné un accès au logement et aux soins de santé, et fourni des prestations sociales lorsqu’il y avait lieu, ainsi qu’une formation professionnelle et une aide à la recherche d’emploi pour accélérer leur intégration (OECD, 2022a). Le taux d’emploi des réfugiés reste toutefois faible pour l’instant, à 14.8 %, la langue constituant pour eux le principal obstacle à l’entrée sur le marché du travail.
Encadré 1.5. Effet potentiel des réformes sur la croissance et le solde budgétaire
Le Tableau 1.6 offre une estimation indicative de l’effet sur la croissance et le budget de certaines des réformes structurelles essentielles proposées dans cette Étude. Les effets budgétaires indiqués dans le Tableau 1.7 ne tiennent pas compte de certains effets indirects comme ceux induits par l’impact positif des réformes sur la croissance et les recettes publiques, et l’effet budgétaire de certaines recommandations ne peut pas être quantifié.
Tableau 1.6. Effet potentiel de certaines des réformes proposées sur le PIB par habitant
Mesure |
Effet à 10 ans |
|
---|---|---|
Améliorer l’environnement des entreprises (section 1.5.2) |
Amélioration de l’indicateur de réglementation des marchés de produits (RMP) de l’OCDE de 0.2 % le portant au niveau de la moyenne du quartile des pays caractérisés par les cadres réglementaires les plus propices au jeu de la concurrence. |
1.5 % |
Remédier aux lacunes qui subsistent en matière de lutte contre la corruption (section 1.5.2) |
Amélioration de la qualité des conditions-cadre institutionnelles (état de droit) de 0.1 % la portant au niveau de la moyenne de l’OCDE. |
1.4 % |
Renforcer la formation et l’emploi (section 1.5.2) |
Augmentation de 0.6 % des dépenses consacrées aux politiques actives du marché du travail (PAMT) par chômeur, mesurées en pourcentage du PIB par habitant, les portant au niveau de la moyenne de l’OCDE. |
0.9 % |
Total |
3.8 % |
Note : Ces estimations sont fournies à titre indicatif. L’effet induit sur le niveau du PIB par habitant est estimé à partir des relations observées par le passé entre réformes et taux de croissance dans les pays de l’OCDE. Le modèle ne tient pas compte des changements induits par l’action publique concernant des préférences profondément ancrées, comme l’aversion au risque, ni de leurs effets ultérieurs sur les variables économiques. Ces chiffres sont similaires à ceux qui figuraient dans l’Étude économique de 2020 consacrée à l’Irlande.
Source : Calculs de l’OCDE fondés sur Égert et Gal (2017).
Tableau 1.7. Estimation indicative de l’effet budgétaire direct de certaines des réformes recommandées
Réforme |
Effet budgétaire à moyen terme [économies (+)/coûts (-)] (en % du PIB) |
---|---|
Améliorer l’efficience des dépenses de santé (chapitre 2) |
+1 % |
Soutenir la mise en place de nouveaux programmes de formation (section 1.5.2) |
-0.6 % |
Note : Les mesures visent : i) à combler la moitié de l’écart entre les dépenses de santé courantes de l’Irlande en pourcentage du RNB* et le niveau moyen des dépenses de santé des pays de l’OCDE en pourcentage du PIB ; et ii) à accroître les dépenses consacrées aux PAMT par chômeur, mesurées en pourcentage du PIB par habitant, de 0.6 % pour les porter au niveau de la moyenne de l’OCDE.
Source : Calculs de l’OCDE.
Fournir les compétences nécessaires
La stratégie décennale irlandaise pour les compétences à l’horizon 2025 (Ireland’s National Skills Strategy 2025), qui vise à créer une main-d’œuvre qualifiée et bien formée à même de répondre aux besoins de l’économie, touche bientôt à sa fin. Un projet mené dans le cadre de la Stratégie de l’OCDE sur les compétences s’intéresse actuellement aux modifications qu’il pourrait être nécessaire d’apporter à cette stratégie pour s’assurer qu’elle reste adaptée à son objectif (OECD, forthcoming). Ces dernières années, l’évolution de l’économie s’est caractérisée par une hausse de la demande dans certains secteurs, en particulier dans celui de la construction récemment, mais aussi dans les activités de haute technologie. Compte tenu des répercussions du Plan d’action pour le climat (Climate Action Plan), certains secteurs de l’économie perdront de leur importance et des travailleurs devront changer d’emploi, ce qui souligne l’importance d’aider les actifs à acquérir de nouvelles compétences et à trouver de nouvelles possibilités d’emploi. Il est par conséquent heureux que le plan de relance soit axé sur le renforcement de l’accès à la formation, surtout aux compétences numériques.
Les services publics de l’emploi se sont vu allouer davantage de ressources et ont été réorganisés de manière à pouvoir aider plus efficacement les travailleurs à trouver un emploi. Le recours accru au numérique pendant la pandémie a favorisé les interactions en ligne, méthode qu’une majorité de demandeurs d’emploi préfèrent et qui permet d’adapter les programmes aux besoins de chacun. Les réunions virtuelles ont également facilité les échanges avec un plus large éventail d’employeurs potentiels. Dans le cadre de la riposte d’urgence menée face à la pandémie de COVID-19, les conditions d’admissibilité aux programmes de formation continue en ligne (tels que la plateforme de formation en ligne « eCollege ») ont été assouplies. Dans le secteur de la construction, des actions de formation menées en collaboration avec les employeurs ciblent les compétences qui font l’objet d’une faible demande et visent à favoriser l’innovation dans le secteur. Depuis 2016, 41 nouveaux programmes d’apprentissage, dont un dans le secteur de la santé, ont été ajoutés aux 25 apprentissages plus traditionnels qui existaient déjà et pour lesquels un soutien accru est prévu dans la loi de finances 2023. Alors que, par le passé, les postes d’apprentissage étaient essentiellement occupés par hommes, la participation des hommes et des femmes est aujourd’hui plus équilibrée. Les progrès réalisés dans les domaines de la recherche d’emploi et de la formation sont louables et devraient être évalués au fil du temps pour s’assurer qu’ils contribuent effectivement à améliorer la situation au regard de l’emploi et à optimiser l’utilisation des fonds publics. Une telle évaluation pourrait étayer l’élaboration de la prochaine stratégie nationale pour les compétences. Il importe toutefois de veiller à ce que les programmes de formation innovants ne deviennent pas des obstacles à l’entrée en créant des professions à accès réglementé, par exemple.
Rehausser le taux d’activité des femmes
L’Irlande a accompli de nets progrès en termes de renforcement du taux d’activité des femmes après la pandémie, mais il est possible d’aller encore plus loin. Le taux d’activité féminine a dépassé son niveau d’avant la pandémie (56 %), atteignant un sommet historique de 60 % au dernier trimestre de 2021, mais il a légèrement diminué pour s’établir à 59.1 % au troisième trimestre de 2022. Cette amélioration a été particulièrement marquée dans les secteurs les moins affectés par le COVID-19, peut-être sous l’effet du recours au télétravail, dans la mesure où les femmes sont plus susceptibles de travailler à domicile. Par conséquent, favoriser les modes flexibles d’organisation du travail et accroître les possibilités de télétravail, notamment en investissant dans l’infrastructure numérique, pourraient permettre de réaliser de nouveaux progrès. Les diverses mesures prises ces dernières années pour renforcer l’offre de services d’accueil des jeunes enfants de qualité et abordables ont également joué un rôle à cet égard. Le dispositif national pour l’accueil des jeunes enfants (NCS, National Childcare Scheme) a été renforcé : le nombre d’heures de prise en charge subventionnées a été revu à la hausse, les conditions d’octroi des aides ont été assouplies et elles peuvent désormais être utilisées pour les services d’accueil périscolaire. En 2022, l’Irlande a mis en place un nouveau dispositif de financement de base, doté de 221 millions EUR, pour l’éducation et l’accueil des jeunes enfants, ainsi que pour l’accueil des enfants d’âge scolaire. La loi de finances 2023 prévoit de porter la subvention horaire universelle au titre du NCS de 0.50 EUR à 1.40 EUR. Il est crucial de continuer d’accorder des aides financières publiques suffisantes au titre des services d’accueil des jeunes enfants, tout en prenant des mesures pour étoffer les capacités d’accueil.
Réduire les contre-incitations au travail
Le système de prélèvements et de prestations peut dissuader les individus de participer au marché du travail ou d’y participer plus pleinement. Les taux marginaux d’imposition effectifs tendent à être assez élevés à différents niveaux de revenu. Le système irlandais de prélèvements et de prestations crée des « effets de falaise » qui se traduisent par une augmentation des impôts à payer ou une diminution soudaine des droits à prestations lorsque le revenu dépasse certains niveaux, ce qui dissuade fortement les actifs d’augmenter leur revenu au-delà de ces niveaux (Browne et al., 2018). Ainsi, ces effets de falaise et de seuil se produisent lorsque les revenus dépassent le seuil d’exonération des cotisations d’assurance sociale liée à la rémunération (PRSI, Pay-Related Social Insurance), qui est de 352 EUR par semaine, et celui de la charge sociale universelle (USC, Universal Social Charge), qui s’établit à 13 000 EUR par an, et lorsqu’un individu perçoit une faible rémunération en travaillant plus de trois jours par semaine, ce qui le prive du bénéfice du versement partiel d’une allocation de demandeur d’emploi (JB, Jobseeker’s Allowance) (Commission on Taxation and Welfare, 2022). Compte tenu du coût élevé du logement, le seuil de revenu à partir duquel un individu peut prétendre à un logement social est aussi susceptible de limiter le taux d’activité ou le nombre d’heures travaillées. De plus, la carte de prestations médicales (Medical Card), qui exonère les familles du paiement des soins médicaux, est retirée à ces dernières lorsque leur revenu dépasse un certain montant (OECD, 2020a).
Toute réforme du système de prélèvements et de prestations doit néanmoins tenir compte de ses effets en termes d’équité. L’effet redistributif du système de prélèvements et de prestations est relativement important (Graphique 1.15). Cela étant, la base d’imposition est très étroite, sachant que près d’un travailleur sur trois payait peu ou pas d’impôt sur le revenu en 2021, et que la moitié inférieure de la distribution des contribuables ne représente que 4 % du total des recettes d’impôt sur le revenu (Department of Finance, 2022b and 2022c). Si les recettes d’impôt sur les sociétés diminuent, il deviendra de plus en plus important de revoir l’assiette de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Il conviendrait de réexaminer l’exclusion d’un grand nombre de personnes du champ d’application de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, afin d’élargir les bases d’imposition et de supprimer les effets de falaise (Commission on Taxation and Welfare, 2022). L’administration s’est engagée à élaborer une feuille de route à moyen terme en vue de réformer l’impôt sur le revenu des personnes physiques d’ici à l’été 2023. Le Conseil consultatif budgétaire irlandais (IFAC, Irish Fiscal Advisory Council) a souligné la nécessité d’améliorer les données permettant de quantifier les propositions de la Commission, en indiquant que d’après ses calculs, fondés sur les propositions dont l’IFAC avait pu estimer les effets, les recettes fiscales mesurées en pourcentage du RNB* pourraient augmenter de 5.3 points de pourcentage (Casey, 2022; IFAC, 2022c). Dans ce contexte, une augmentation du nombre de tranches et de taux d’imposition permettrait de lisser la progressivité de cet impôt pour les bas revenus et d’éviter les effets de seuil qui créent des contre-incitations au travail. De telles mesures devraient s’accompagner de transferts monétaires accordés sous condition de ressources aux ménages à faible revenu afin d’éviter tout effet indésirable lié à une répartition plus large de la charge fiscale.
Favoriser la mobilité
Les politiques du logement peuvent entraver la mobilité géographique des travailleurs. Le taux de mobilité résidentielle au sein d’un pays, défini comme le pourcentage d’individus ayant changé de résidence au cours des cinq dernières années, s’établit à environ 20 % en Irlande, soit un niveau légèrement supérieur à la moyenne de l’OCDE, mais nettement inférieur aux taux observés en Australie et dans les pays nordiques, qui atteignent 30-40 % (Causa and Pichelmann, 2020). Le taux d’accession à la propriété s’établit aux alentours de 70 % en Irlande, soit un niveau proche de la moyenne de l’OCDE de 71.5 %. Le coût d’un déménagement est souvent plus élevé pour les propriétaires occupants que pour les locataires. Le manque de logements locatifs disponibles dans les grandes villes complique le recrutement de travailleurs, notamment parmi le personnel infirmier fraîchement diplômé. Les locataires de logements sociaux sont en outre moins susceptibles de déménager que les locataires du secteur privé. Les données recueillies dans les pays de l’OCDE laissent à penser que les allocations de logement en espèces tendent à atténuer en partie l’effet des aides au logement sur la mobilité (Causa and Pichelmann, 2020). Il convient toutefois de mettre cet effet en balance avec celui des transferts en espèces/bons de logement sur les prix lorsque l’offre n’est pas suffisante. La stratégie « Un logement pour tous » (Housing for All), qui vise à favoriser l’accession à la propriété grâce à un dispositif d’aide à l’acquisition d’un logement neuf en propriété partagée (voir ci-après), est susceptible d’accentuer les problèmes de mobilité de la main-d’œuvre. Les pouvoirs publics pourraient favoriser cette mobilité en réduisant les obstacles à l’augmentation de l’offre de logements liés à l’action publique, notamment en réformant les politiques d’occupation des sols et d’urbanisme mal conçues (voir ci-après).
1.5.2. Améliorer l’environnement des entreprises
Accroître la productivité des PME
La dynamique des entreprises et le taux de création d’entreprises sont relativement faibles en Irlande. En 2020, le taux de création d’entreprises s’y établissait à 6.7 %, soit en deçà de la moyenne européenne, qui était de 8.9 %. En outre, d’après de nouveaux travaux de recherche menés au niveau des entreprises, la convergence du niveau de productivité des nouveaux entrants vers celui des entreprises en place est davantage déterminée par la sortie des entrants ayant la productivité la plus faible que par un phénomène généralisé de rattrapage observé pour l’ensemble des entreprises entrantes survivantes (Lawless and Rehill, 2022). Après avoir chuté de 30.4 % au deuxième trimestre de 2020, les immatriculations de nouvelles entreprises se sont rapidement redressées (National Competitiveness and Productivity Council, 2021b). Les PME irlandaises sont innovantes, mais peu actives sur les marchés internationaux (OECD, 2019). D’après les indicateurs de réglementation des marchés de produits de l’OCDE de 2018, la charge réglementaire pesant sur les marchés de produits irlandais est proche de la moyenne de l’OCDE, mais les charges administratives sur la création d’entreprises sont relativement lourdes, principalement du fait de la complexité des procédures réglementaires ainsi que du système d’autorisations et de permis. Le plan de relance de l’Irlande prévoit la mise en place du test PME, qui consiste à inviter les responsables de l’action publique à évaluer la charge que toute nouvelle proposition de réglementation ou de législation pourrait faire peser sur les PME ; cette mesure devrait contribuer à réduire les obstacles réglementaires à la croissance des PME. Il serait également utile de relier d’autres portails d’autorisations au Service intégré de traitement des autorisations (ILAS, Integrated Licence Application Service) et d’exiger la participation des autorités de délivrance d’autorisations qui sont dépourvues de procédures en ligne. Il est en outre indiqué dans le plan de relance que la création d’un portail unique pour les PME, destiné à réduire leur charge administrative, est envisagée. Cette initiative est bienvenue et devrait être mise en œuvre dès que possible.
L’écart de productivité entre les entreprises et les secteurs étrangers et nationaux demeure important (Graphique 1.16). La productivité du travail des entreprises nationales a augmenté en moyenne de 0.7 % par an entre 2011 et 2020, soit une progression nettement inférieure à celle enregistrée par les multinationales (9.4 %). L’évolution divergente des trajectoires pendant la pandémie laisse penser que l’écart s’est encore creusé. Favoriser le resserrement des liens économiques entre les entreprises à capitaux étrangers et les PME, au sein des différents secteurs et entre eux, via les relations commerciales, la mobilité de la main-d’œuvre et la coopération en matière d’innovation, peut permettre de relever les niveaux de productivité des PME. Celles-ci affichent en outre un retard en matière numérique, notamment pour ce qui est de l’utilisation de progiciels de gestion intégrés et de logiciels de gestion de la relation client, outils appelés à devenir de plus en plus importants à l’ère numérique. Le plan de relance comprend des mesures destinées à appuyer la transformation numérique des PME, notamment la création de pôles européens d’innovation numérique en Irlande. La création de pôles d’activité pourrait aussi contribuer à combler l’écart de productivité susmentionné.
Lutter contre la corruption
Les indicateurs de perception du risque de corruption dans le secteur public montrent que l’Irlande se situe vers le milieu de la fourchette des pays de l’OCDE (Graphique 1.17, partie A), bien qu’elle soit mieux classée au regard de la maîtrise de la corruption (parties B-D). Le pays affiche toutefois des résultats relativement médiocres par rapport à ceux des pays nordiques européens ou d’autres petites économies ouvertes de l’OCDE, comme la Nouvelle-Zélande et la Suisse. Selon une enquête de la Commission européenne, 59 % des citoyens irlandais estiment que la corruption est très répandue dans leur pays, contre 68 % en moyenne dans l’UE (European Commission, 2022a). Par ailleurs, 60 % des citoyens irlandais pensent que la corruption fait partie de la culture d’entreprise du pays, soit un niveau proche de la moyenne de l’UE, tandis que seuls 42 % ne sauraient pas à qui signaler un fait de corruption s’ils devaient en faire l’expérience ou en être témoins, contre 46 % des citoyens de l’UE.
L’Irlande est en train de réformer son cadre législatif pénal pour lutter plus efficacement contre la corruption. À la suite de la consolidation de la législation sur la corruption en 2018, dans le cadre de laquelle le fait de ne pas signaler les infractions aux autorités a été érigé en infraction pénale, une évaluation en profondeur de la répression pénale de la corruption et de la fraude a été lancée (European Commission, 2021 c). Achevée à la fin de 2020, cette évaluation a abouti à une série de recommandations qui ont ensuite été intégrées dans un plan de mise en œuvre axé principalement sur des mesures législatives, structurelles et de dotation en ressources. Parmi les recommandations retenues figuraient la création d’un conseil consultatif intersectoriel chargé d’appuyer la prise de décisions stratégiques et de mesures de politique publique en matière de corruption et de délinquance économique, ainsi que la mise en place d’un forum officiel réunissant de hauts représentants des organismes concernés, afin d’améliorer la coordination et le partage d’informations entre les différentes institutions (Department of Justice, 2020). Ce forum se réunit régulièrement depuis juin 2021 et le conseil consultatif a été créé en mai 2022. L’introduction d’une incrimination des soumissions concertées et le renforcement des pouvoirs d’enquête de la Commission de la concurrence et de la protection des consommateurs (CCPC, Competition and Consumer Protection Commission), deux mesures qui étaient recommandées dans l’évaluation susmentionnée, mais qui n’ont pas été encore mises en œuvre, devraient permettre de renforcer encore la politique de lutte contre la corruption.
Les ressources consacrées aux enquêtes et aux poursuites en matière de délinquance économique et de corruption n’ont augmenté que progressivement. L’efficacité des enquêtes en a pâti, du fait du nombre croissant d’affaires détectées et traitées. Plus précisément, le manque d’accès à des technologies adéquates permettant l’examen de larges volumes de données électroniques provenant de multiples sources a retardé les enquêtes de l’Unité anticorruption de la police nationale (Garda Síochána), récemment créée au sein du Bureau national de la criminalité économique de la Garda (Garda National Economic Crime Bureau) (European Commission, 2021 c). Par ailleurs, diverses initiatives ont été lancées afin d’éliminer les obstacles à l’accès à la justice, notamment par une intensification des efforts visant à remédier aux frais de justice élevés et à la longueur des procédures judiciaires, et de favoriser la transformation numérique du système judiciaire (European Commission, 2022a).
Le cadre réglementaire régissant la déontologie du secteur public en Irlande est complexe et fragmenté. Les projets de réforme législative à venir devraient permettre de consolider les différentes règles nationales et locales qui régissent la déclaration des intérêts, du patrimoine et des dons, ainsi que l’imposition de sanctions, sachant que la diversité des règles accentuait les incertitudes quant à leur application effective, d’où un manque perçu de sanctions envers les fonctionnaires enfreignant les règles déontologiques (Department of Public Expenditure and Reform, 2021). Cette consolidation doit s’accompagner d’une refonte des structures de contrôle et d’une simplification des procédures de déclaration. L’attribution de ressources et de pouvoirs plus importants à la Commission des normes de la fonction publique (Standards in Public Office Commission) lui permettrait de veiller au respect des codes de conduite et de contrôler les irrégularités de manière plus efficace.
La modification de la loi de 2014 sur la protection des divulgations d’informations (Protected Disclosures Act), adoptée en juillet 2022, pourrait permettre d’accroître l’efficacité de la lutte contre la corruption. Les nouvelles dispositions (transposant une directive de l’UE de 2019) devraient étendre la protection des lanceurs d’alerte à des personnes autres que les travailleurs typiques, c’est-à-dire aux bénévoles, aux stagiaires non rémunérés, aux candidats à un poste, ainsi qu’aux actionnaires et administrateurs. Les entités privées composées d’au moins 50 salariés seront en outre tenues de mettre en place des procédures de protection des divulgations d’informations et des retours d’information y afférent, tandis que les entités de plus petite taille seront temporairement dispensées de respecter cette règle compte tenu des coûts de conformité relativement élevés (Department of Public Expenditure and Reform, 2022a). Par ailleurs, en érigeant en infractions pénales la divulgation non autorisée de l’identité d’un lanceur d’alerte, ainsi que toute forme de représailles ou toute tentative visant à empêcher une personne de signaler des faits, la nouvelle loi améliorera la protection des lanceurs d’alerte vis-à-vis des employeurs, renforçant les incitations à signaler les faits de corruption.
La mise en œuvre de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption a progressé, mais certaines questions restent en suspens, notamment la responsabilité des personnes morales et le périmètre de la définition d’« agent public étranger » (Department of Justice, 2020). L’Irlande devrait continuer de s’efforcer d’étendre l’entraide judiciaire à des pays non membres de l’UE en les désignant dans sa législation ou en application de traités.
Tableau 1.8. Recommandations antérieures de l’OCDE sur les marchés du travail et la productivité et mesures prises
Recommandations des Études antérieures |
Mesures prises depuis 2020 |
---|---|
Évaluer les obligations imposées aux entreprises en matière d’autorisations et les dispositifs qui facilitent l’acquittement de ces obligations, et lier davantage de procédures d’autorisation au Service intégré de traitement des autorisations (ILAS, Integrated Licence Application Service). |
Aucune mesure n’a été prise. |
Mettre en place et promouvoir plus activement des programmes de formation à distance. |
Dans le contexte de la pandémie, l’accès aux programmes de formation en ligne (tels que la plateforme « eCollege ») a été étendu au grand public ; ceux-ci n’étaient auparavant accessibles qu’aux personnes inscrites au registre du chômage qui étaient orientées vers ses services. |
Accorder des aides financières publiques suffisantes pour les services d’accueil des jeunes enfants, assorties de mesures destinées à étoffer les capacités d’accueil. |
Le dispositif national pour l’accueil des jeunes enfants (NCS, National Childcare Scheme) a été renforcé : le nombre d’heures de prise en charge subventionnées a été revu à la hausse, les conditions d’octroi des aides ont été assouplies et elles peuvent désormais être utilisées pour les services d’accueil périscolaire. En 2022, l’Irlande a mis en place un nouveau dispositif de financement de base, doté de 221 millions EUR, pour l’éducation et l’accueil des jeunes enfants, ainsi que pour l’accueil des enfants d’âge scolaire. La loi de finances 2023 prévoit de porter la subvention horaire universelle au titre du NCS de 0.50 EUR à 1.40 EUR. |
Imposer aux travailleurs indépendants des plateformes qui sont de fait des salariés de verser des cotisations d’assurance sociale liée à la rémunération (PRSI, Pay-Related Social Insurance) équivalentes à celles acquittées par les salariés, et instaurer une cotisation patronale. |
Aucune mesure n’a été prise. |
À titre prioritaire, transposer dans le droit national la directive (UE) 2019/1152 pour élargir la portée des normes minimales relatives aux travailleurs et de la formation gratuite à toutes les formes d’emploi salarié. |
Des travaux de transposition de la directive sont en cours, mais ont été reportés au-delà de la date limite qui était fixée en août 2022. |
Doter la Commission de la concurrence et de la protection des consommateurs (CCPC, Competition and Consumer Protection Commission) de pouvoirs d’exécution suffisants pour lutter contre les comportements anticoncurrentiels, notamment en lui permettant d’imposer des sanctions en cas d’infraction au droit de la concurrence qui soient suffisantes pour avoir un effet dissuasif. |
La loi de 2022 modifiant la loi sur la concurrence (Competition (Amendment) Act 2022) renforce les pouvoirs de la CCPC en lui permettant d’imposer des amendes aux entreprises qui enfreignent le droit de la concurrence et d’inciter à dénoncer les ententes. |
Mettre en place le système de « boîte aux lettres numérique » et élaborer de nouveaux services administratifs numériques qui améliorent les interactions des citoyens avec l’administration publique. |
La phase pilote du projet de boîte aux lettres numérique a démarré et de premiers utilisateurs y ont accès. |
1.6. L’accessibilité financière du logement est un enjeu majeur
1.6.1. La hausse des prix des logements crée des problèmes d’accessibilité financière
Sous l’effet de plus d’une décennie de sous-investissement ayant fait suite à l’effondrement du marché immobilier de 2008, le parc de logements par habitant a diminué. De 2009 à 2017, le parc immobilier résidentiel total de l’Irlande n’a augmenté, selon les estimations, que de 35 000 unités, alors que la croissance démographique du pays a été de 263 000 habitants. Le nombre de logements pour 1000 habitants est descendu de 436 en 2011 à 416 en 2019, contre une progression moyenne de 444 à 468 dans les pays de l’OCDE (Graphique 1.18, partie A). En outre, du fait de sa composition, le parc immobilier résidentiel est insuffisant pour satisfaire la demande croissante d’appartements à louer. Après avoir connu une hausse de 40 % par an de 2017 à 2019, le nombre annuel de logements neufs livrés a été limité en 2020-2021 par les confinements liés à la pandémie (partie B). L’activité du secteur de la construction s’est redressée après la reprise des activités économiques qui avaient été suspendues. Le nombre de mises en chantier de logements s’est nettement accru et 20 807 logements neufs ont été livrés au cours des trois premiers trimestres de 2022, mais l’écart entre l’offre et la demande reste considérable. En termes nets, le gouvernement estime aux alentours de 33 000 par an le besoin de logements supplémentaires d’ici à 2030, dont environ 14 000 dans la région du Grand Dublin.
Les prix réels des biens immobiliers d’habitation et le ratio prix des logements/revenu ont augmenté (Graphique 1.18, parties C et D). Les prix réels des logements ont enregistré une hausse de 4 % en glissement annuel au troisième trimestre de 2022. Le problème de l’accessibilité financière du logement se pose de longue date, les dépenses liées au logement étant relativement élevées puisqu’elles représentent 25.6 % des dépenses totales des ménages, contre 22.6 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. En outre, une proportion relativement forte de la population consacre plus de 40 % de son revenu disponible au paiement d’un loyer sur le marché locatif privé (Graphique 1.19). En raison de la persistance des pénuries de logements, la progression des prix de l’immobilier d’habitation a été plus rapide que celle du revenu des ménages, dégradant l’accessibilité financière du logement, en particulier pour les locataires et les acquéreurs à faible revenu dans les environs de Dublin. En 2021, le nombre d’années de revenu brut disponible nécessaire pour qu’un ménage irlandais moyen puisse acheter un logement de 100 mètres carrés était de 16.3, soit un des plus élevés de l’UE (European Commission, 2022b). Le budget 2023 prévoit 6.2 milliards EUR pour soutenir l’offre de logements et leur accessibilité financière, affectés notamment à des mesures ciblant les locations (comme le crédit d’impôt sur le revenu de 500 EUR en faveur des locataires) et le logement social.
1.6.2. La stratégie baptisée « Un logement pour tous » (Housing for All) est ambitieuse, mais ses effets à court terme pourraient être limités
L’examen des dépenses liées aux politiques du logement mené en 2021 a fait ressortir un certain nombre de tendances et d’enjeux (Government of Ireland, 2021a). En font partie la hausse des prix des logements, alimentée par des coûts de construction élevés, une rétention des terrains à visée spéculative par les propriétaires fonciers et les promoteurs immobiliers qui restreint l’offre de terrains à bâtir (et se traduit par une faible accessibilité financière), et la procyclicité des aides publiques au logement, liée au fait que le ralentissement de la construction de logements sociaux en période de récession réduit l’offre de ce type d’habitations lorsqu’elle est la plus nécessaire ainsi que sur le long terme. En outre, en raison de l’urbanisation et de l’évolution de la formation des ménages (dont la taille a décru), la demande s’est réorientée vers des logements locatifs moins grands. Cette situation a stimulé la croissance des investisseurs institutionnels privés sur le marché locatif, mais l’offre y reste faible.
Le caractère dispersé des réformes du logement mises en œuvre par le passé n’a pas permis d’apporter une réponse à la hauteur de ces problèmes structurels. L’ambitieuse stratégie « Un logement pour tous » (Housing for All) (Encadré 1.6), qui a notamment pour but d’améliorer le zonage, les procédures d’urbanisme, la disponibilité des ressources foncières et l’offre de logements sociaux, vise un objectif global de 300 000 logements neufs (proposés à l’achat ou à la location) d’ici à 2030, dont 54 000 logements abordables. Cette stratégie tient compte des conséquences économiques et sociales d’une orientation systémique de l’action publique impliquant l’administration dans son ensemble, ce qui est une bonne chose, mais il faudra du temps pour obtenir des résultats notables. Il importera de donner la priorité aux mesures axées sur l’offre, car des dispositions visant à stimuler encore la demande pourraient accentuer les tensions sur les prix à court terme, étant donné le déséquilibre qui prévaut entre l’offre et la demande.
Encadré 1.6. Un logement pour tous
En septembre 2021, le gouvernement a présenté une stratégie intitulée « Un logement pour tous » (Housing for All), dotée d’environ 20 milliards EUR sur les cinq prochaines années, visant quatre grands objectifs : i) favoriser l’accession à la propriété et rendre le logement plus abordable ; ii) éradiquer le sans-abrisme, accroître les livraisons de logements sociaux et favoriser l’inclusion sociale ; iii) renforcer l’offre de logements neufs ; et iv) remédier au problème des logements vacants en utilisant avec efficience le parc existant.
Outre l’engagement de permettre la construction de plus de 300 000 logements neufs d’ici à 2030, ce plan comprend des mesures destinées à accroître les livraisons de logements abordables proposés à l’achat ou à la location à des prix subventionnés, à offrir davantage de logements sociaux, à simplifier les règles d’urbanisme, à augmenter les financements destinés à l’acquisition de terrains et aux dépenses d’infrastructures des collectivités locales, à renforcer les mécanismes de partage de la valeur foncière, à mettre en place des zones d’aménagement urbain, et à instaurer une nouvelle taxe visant à favoriser la conversion du foncier vacant en logements. Il institue en outre le dispositif national « Premier logement » (First Home) d’aide à l’acquisition d’un logement en propriété partagée, permettant l’achat d’habitations neuves construites par des promoteurs privés (8 000 maximum d’ici à 2026), un dispositif d’aide à l’acquisition d’un logement piloté par les collectivités locales (28 000 habitations d’ici à 2030), ainsi qu’une nouvelle forme de logements locatifs, dont les loyers sont inférieurs d’au moins 25 % au prix du marché, qualifiés de logements locatifs à prix coûtant (Cost Rental), dans la mesure où le loyer ne couvre que les coûts de construction, de financement, de gestion et d’entretien (objectif de 18 000 d’ici à 2030).
Source : autorités nationales (Government of Ireland, 2021e).
Dans le cadre de la stratégie « Un logement pour tous » (Housing for All), le dispositif national « Premier logement » (First Home) d’aide à l’acquisition d’un logement neuf en propriété partagée vient s’ajouter aux dispositifs préexistants d’aide à l’accession à la propriété : le mécanisme d’incitation « Aide à l’achat » (Help-to-Buy), qui permet de bénéficier d’un remboursement d’impôt pouvant aller jusqu’à 10 % du prix d’achat sous certaines conditions, et le dispositif de prêt au logement des collectivités locales (Local Authority Home Loan), dans le cadre duquel les primo-accédants qui ne peuvent financer leur achat sur le marché du crédit peuvent bénéficier de prêts hypothécaires à moindre coût. Le dispositif « Premier logement », financé conjointement par l’État et par les prêteurs hypothécaires participants, vise à combler l’écart entre l’apport des primo-accédants et l’emprunt hypothécaire qu’ils peuvent contracter, d’une part, et le prix du logement neuf qu'ils souhaitent acquérir, d’autre part. Dans le cadre de ce dispositif, la part du logement acquise en propriété partagée par l’État peut atteindre 30 % de sa valeur (20 % au maximum si les acquéreurs recourent aussi au mécanisme d’« Aide à l’achat »), et sera assimilée à une créance de second rang par rapport au prêt hypothécaire octroyé par l’établissement de crédit participant (autrement dit, elle permettra, le cas échéant, d’absorber les pertes avant la mise en jeu de l’hypothèque en cas de défaut de l’emprunteur). Le dispositif repose sur l’application d’un seuil de revenu propre à chaque ménage (qui est déterminé en fonction du prêt hypothécaire maximum auquel peut prétendre le ménage demandeur quand ce crédit ne lui permet pas d’acquérir le logement considéré), ainsi que de plafonds de prix des logements définis par région (allant de 250 000 à 500 000 EUR). Si la Banque centrale d’Irlande (CBI, Central Bank of Ireland) a modifié les mesures relatives aux prêts hypothécaires afin de préciser les modalités de participation des banques de détail au dispositif d’aide à l’achat d’un logement en propriété partagée, elle n’en recommande pas moins un examen régulier de ce mécanisme et son ajustement, si nécessaire (De Búrca, Kelly and O’Brien, 2021).
Les effets de ce plan sur l’offre mettront du temps à se matérialiser sous la forme de logements neufs livrés et à se répercuter sur les prix, mais les différents mécanismes mis en place pour aider les primo-accédants pourraient accentuer les tensions sur les prix à court terme sur un marché où l’offre est limitée. Un dispositif d’aide à l’achat mis en œuvre au Royaume-Uni a ainsi montré ses limites, puisque en dépit de ses retombées positives dans certaines régions (Encadré 1.7), il n’a pas été efficace dans celles où l’offre était limitée. Selon une évaluation récente, le mécanisme d’aide à l’achat ( Help-to-Buy) irlandais est mal ciblé (Department of Finance, 2022d), mais il a été prolongé de deux ans dans le budget 2023 étant donné la situation économique actuelle, ce qui tend à indiquer qu’il est difficile de mettre fin à ce type de dispositif une fois qu’il a été mis en place. Il convient donc de peser avec soin l’opportunité de mesures destinées à stimuler encore la demande dans un contexte de déséquilibre entre l’offre et la demande. Le dispositif « Premier logement » devrait donc rester étroitement ciblé et d’une taille limitée. Il est essentiel d’instaurer des mécanismes de remontée d’information et des procédures d’évaluation pour évaluer l’impact de la chronologie du déploiement des mesures axées sur l’offre et sur la demande.
Encadré 1.7. Le dispositif d’aide à l’achat mis en place en Angleterre
Le dispositif d’aide à l’achat (Help-to-Buy), instauré en 2013, permet d’obtenir un prêt garanti par la valeur du logement acquis, pouvant représenter jusqu’à 20 % du prix d’achat (40 % à Londres). Ce dispositif est entièrement financé par l’État et les prêts octroyés dans ce cadre sont remboursables dans un délai de 25 ans maximum ou à la vente du bien. La part des biens achetés dans ce cadre dans le nombre total de transactions de logements est passée de 4 % en 2015 à 6.5 % en 2020, et a atteint 8 % à Londres.
Selon plusieurs évaluations, les prêts ainsi accordés se sont substitués à ceux proposés sur les marchés du crédit hypothécaire, au lieu de les compléter (Benetton et al., 2019). Une étude réalisée en 2020 montre que si ce mécanisme a permis une hausse du taux d’accession à la propriété et de la construction de logements, trois cinquièmes des acheteurs environ auraient pu acquérir un bien en se passant de l’aide dont ils ont ainsi bénéficié (National Audit Office, 2019). Dans certains endroits, ce dispositif a stimulé la construction sans avoir d’incidence sur les prix mais dans d’autres, comme Londres, où l’offre est depuis longtemps très limitée, il a provoqué une hausse des prix de l’immobilier d’habitation tout en n’ayant guère d’impact sur les volumes de construction et sur le niveau global des crédits hypothécaires (Carozzi, Hilber and Yu, 2020).
1.6.3. Il est essentiel de remédier aux tensions sur l’offre
Le niveau élevé des coûts de construction, les pénuries de main-d’œuvre et de compétences, la complexité de la réglementation, les reports de projets de construction dus à la pesanteur des procédures de recours en cassation, la sous-utilisation des terrains publics aux fins de construction résidentielle, ainsi que la complexité et la restrictivité de la législation relative à la location, qui limite l’offre sur le marché locatif, sont autant de facteurs restreignant l’offre de biens immobiliers d’habitation.
L’augmentation des coûts de construction pourrait dégrader l’efficience économique de la hausse programmée des dépenses consacrées au logement et retarder l’exécution des programmes immobiliers correspondants (Graphique 1.20). Les coûts de construction et des matériaux de construction, dont l’augmentation se limitait à 1.2 % par an en moyenne depuis 2016, ont bondi de 21 % en glissement annuel en juillet 2022, cette augmentation atteignant même 47 % pour l’acier et les métaux de renfort. Le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (« Brexit ») – compte tenu de la dépendance de l’Irlande vis-à-vis du Royaume-Uni pour certains matériaux – et la guerre en Ukraine, qui aggrave les difficultés d’approvisionnement, tirent encore plus les coûts de construction vers le haut cette année. Une ordonnance sur l’emploi dans le secteur de la construction, entrée en vigueur en février 2022, fixe des normes relativement exigeantes en termes de salaire minimum légal et de conditions de travail. Ce texte pourrait avoir pour effet de stimuler l’offre de main-d’œuvre, mais aussi de majorer les coûts. Une étude en cours sur les coûts de la construction résidentielle et le registre légal des entreprises du bâtiment, créé en 2022, pourrait aider à aller de l’avant. En revanche, la taxe de 5 % sur certains produits en béton, adoptée dans le budget 2023, pourrait être répercutée sur les futurs occupants de logements neufs, ce qui risque d’avoir un effet sur l’accessibilité financière du logement.
La productivité relativement faible du secteur de la construction en termes de comparaison internationale contribue au niveau élevé des coûts de construction (Russell et al., 2021; Department of Public Expenditure and Reform, 2020). La stratégie « Un logement pour tous » (Housing for All) vise à améliorer l’innovation et la productivité dans le secteur de la construction résidentielle. Un groupe de pilotage et d’intégration des méthodes modernes de construction a été mis sur pied en vue de rassembler différentes parties prenantes, et un certain nombre d’initiatives visant à favoriser la diffusion de ces méthodes dans le secteur de la construction résidentielle sont en cours, comme l’initiative « Construit pour innover » (Built to Innovate), qui élargit aux entreprises de construction axées sur le marché intérieur la portée des dispositifs d’Entreprise Ireland (EI) relatifs à l’innovation et à la productivité, ou encore un parc de démonstration des méthodes modernes de construction. Un centre des technologies de la construction destiné à intensifier la coopération entre les entreprises et les milieux universitaires a été créé, et IDA Ireland, l’agence de promotion de l’investissement direct étranger (IDE), s’emploie à attirer un plus grand nombre d’entreprises de construction multinationales, afin de renforcer les capacités dans ce domaine. Le Groupe du secteur de la construction (Construction Sector Group) facilite un dialogue ouvert régulier entre les pouvoirs publics et cette branche d’activité, destiné à favoriser la réalisation de gains d’efficience et l’adoption des technologies numériques. Ces efforts devraient être poursuivis et concentrés en début de période, étant donné la contrainte supplémentaire que constituent les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur. La productivité de celui-ci pourrait par ailleurs être améliorée à l’aide de mesures incitant ses acteurs à utiliser des processus de planification rigoureux et des solutions modulaires et préfabriquées, ainsi que grâce à des investissements dans les technologies numériques et l’automatisation avancée rendus possibles par le recours aux marchés publics (McKinsey, 2017).
La disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée est l’obstacle à l’investissement le plus souvent cité dans le secteur de la construction, suivi par la réglementation (European Investment Bank, 2021), et le nombre d’emplois à pourvoir dans ce secteur et celui de l’immobilier augmente depuis 2016. Cette évolution tient en partie au fait que certains des travailleurs non nationaux employés dans la construction (dont le nombre avait atteint un point haut de 40 700 en 2007) ont quitté le pays, et que le nombre d’élèves et d’apprentis suivant les cursus des métiers du bâtiment est faible depuis l’éclatement de la bulle immobilière (Tedin and Faubert, 2020), même s’il a augmenté en 2021. Les objectifs visés par le programme « Un logement pour tous » (Housing for All) signifient que la demande totale de main-d’œuvre du secteur de la construction de logements passera de 40 000 travailleurs en équivalent temps plein aujourd'hui à 65 000 au milieu de la décennie, pour culminer juste au-dessus de 80 000 à la fin des années 2020 (Expert Group on Future Skill Needs, 2021). Pour remédier à ces pénuries, un projet destiné à favoriser l’acquisition de compétences numériques (Build Digital), de nouvelles possibilités d’apprentissage et une campagne ciblée sur les élèves décrocheurs visant à renforcer les capacités du secteur sont envisagés, mais leurs résultats ne seront pas immédiats. En 2022 a été lancée l’initiative « Construire l’avenir » (Future Building), destinée à faciliter l’appariement entre les postes à pourvoir et les demandeurs d’emploi, qu’il convient de saluer.
Afin de rendre le logement plus abordable, des terrains publics pourraient être mobilisés pour la construction résidentielle. L’État est souvent un des principaux propriétaires de terrains non bâtis. Selon certaines estimations, en 2018, la superficie de ces terrains aurait permis d’y construire plus de 50 000 logements, notamment sociaux ou abordables (NESC, 2018). Dans le cadre du programme « Un logement pour tous » (Housing for All), l’Agence d’aménagement foncier (LDA, Land Development Agency) a été chargée d’aménager et de remettre en état les terrains publics qui s’y prêtent pour y construire des habitations, qui seront dans une large mesure des logements abordables ou sociaux. Une partie de ces projets devrait accroître l’offre d’appartements, en lieu et place des traditionnelles maisons, d’une surface plus importante.
La mobilisation de terrains publics en vue de renforcer l’offre d’appartements peut être complémentaire du dispositif Croí Cónaithe, un fonds créé pour financer la construction d’appartements destinés à la vente dans les grandes villes (avec un objectif de 5 000 appartements d’ici à 2025). En Irlande, environ 12 % des logements sont des appartements, contre la moitié approximativement dans l’Union, européenne, alors même que plus de 50 % des ménages irlandais ne sont composés que d’une ou deux personnes. En 2021, un cinquième seulement environ des appartements pour lesquels un permis de construire avait été délivré ont été achevés, contre près de la totalité des maisons dans le même cas. Pour satisfaire la demande et faire en sorte que les entreprises présentes dans les villes soient en mesure d’attirer une main-d’œuvre qualifiée en provenance d’Irlande ou d’autres pays, il importe de construire des logements d’une taille appropriée au bon endroit.
Les projets de construction de logements pâtissent en outre de la lenteur des procédures d’urbanisme et de délivrance de permis, et font souvent l’objet de recours en justice. Selon une enquête menée auprès des promoteurs immobiliers résidentiels, 40 % d’entre eux prévoient une attente de 11 à 15 mois pour l’obtention d’un permis et 42 % d’au moins 16 mois, et ils sont 61 % à tabler sur 12 mois d’attente supplémentaires en raison de recours en appel ou en cassation (National Competitiveness and Productivity Council, 2022). La loi de 2021 sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire (projets résidentiels de grande ampleur) (Planning and Development (Large Scale Residential Development) Act) a instauré des délais obligatoires à respecter afin d’accélérer ce processus pour les grands projets de construction (100 logements ou plus et logements universitaires comprenant au moins 200 lits). La rationalisation des procédures d’urbanisme et de recours en cassation devrait être une priorité. Le Procureur général pilote actuellement un réexamen du code de l’urbanisme, en vue d’offrir davantage de clarté et de visibilité à long terme concernant l’issue des procédures d’urbanisme. Au terme de cet examen, il devrait proposer la création d’une nouvelle chambre chargée des questions d’urbanisme et d’environnement au sein de la Haute Cour, ainsi que des réformes plus vastes destinées à réduire le nombre de recours en cassation, ce qui serait une bonne chose.
Dans le nouveau système, les collectivités locales redeviennent la première instance de décision, tandis que l’organisme national indépendant chargé de l’urbanisme, An Bord Pleanála, est chargé des appels. Le but est de renforcer la transparence et la participation du public et de réduire le nombre de recours en cassation. Néanmoins, des données internationales laissent à penser qu’une forte décentralisation peut déboucher sur des politiques plus restrictives en matière d’occupation des sols (OECD, 2021a). Un certain nombre d’études menées en 2021 et 2022 ont fait ressortir l’insuffisance des ressources des services d’urbanisme des collectivités locales (National Competitiveness and Productivity Council, 2022). Il importera donc de veiller à ce que les services d’urbanisme locaux soient suffisamment dotés en main-d’œuvre et en compétences pour que les processus d’approbation concernant le logement et d’autres infrastructures sociales et matérielles indispensables ne prennent pas de retard.
Certains craignent par ailleurs que la priorité donnée au logement par rapport à d’autres infrastructures sociales et matérielles (en matière de santé, d’éducation, d’eau, d’électricité, etc.) ne puisse retarder la délivrance des permis de construire dans ces domaines (National Competitiveness and Productivity Council, 2021a). Or, de tels déficits d’infrastructure peuvent avoir un effet indirect sur le logement. Ainsi, la livraison de près de 25 000 logements a dû être suspendue à Dublin au dernier trimestre de 2021 faute de raccordement au réseau d’eau (Government of Ireland, 2022c), ce qui était attribuable en grande partie à la complexité des procédures d’urbanisme. L’entrée en vigueur prévue d’une taxe sur les terrains viabilisés et d’un mécanisme de partage de la valeur foncière destiné à renforcer les liens entre les investissements en logements et la construction des infrastructures complémentaires peut faire avancer les choses.
Une taxe sur le foncier vacant a été instaurée pour accroître la disponibilité des ressources foncières et freiner la hausse des prix des terrains. Depuis 2019, cette taxe a été portée à 7 % de la valeur vénale des terrains (contre 3 % en 2018) et elle est collectée annuellement par les collectivités locales. Son impact sur l’aménagement foncier a été limité. En avril 2019, 360 sites vacants ont été recensés, dont 162 à Dublin. Beaucoup de collectivités locales expliquent cette situation par le fait qu’elles peinent à appliquer cette taxe, d’une part, parce qu’elles ont du mal à interpréter la loi, à repérer les sites vacants et à en identifier les propriétaires et, d’autre part, parce qu’elles ne disposent pas de ressources suffisantes pour l’administrer. En conséquence, 8 des 31 collectivités locales ne disposaient toujours pas d’un registre tenu à jour à cette fin au troisième trimestre de 2020, et entre janvier et octobre 2020, environ 1.2 million EUR de recettes ont été collectées au total, principalement à Dublin. Ces difficultés ont mis en évidence la nécessité d’adopter une approche plus centralisée et de clarifier la situation, afin de réduire au minimum les coûts administratifs.
Le budget 2023 a modifié les modalités d’application de la taxe sur les terrains à usage d’habitation (RZLT, Residential Zoned Land Tax), prélevée au taux de 3 %, qui avait été annoncée dans le budget 2022 et doit remplacer la taxe sur le foncier vacant, comme cela avait été recommandé dans les Études économiques de 2018 et 2020 consacrées par l’OCDE à l’Irlande, et préconisé par la Commission sur la fiscalité et le bien-être (CoTW, Commission on Taxation and Welfare). Cette taxe sera administrée par la Direction des impôts, ce qui devrait en réduire les coûts administratifs pour les collectivités locales. Elle devrait avoir une portée plus large que la taxe en vigueur sur le foncier vacant, car elle s’appliquera à l’ensemble des terrains à usage d’habitation viabilisés pour la construction de logements qui sont cartographiés et satisfont aux critères fixés. Néanmoins, son taux n’est que de 3 %, au lieu de 7 % pour la précédente taxe sur le foncier vacant, ce qui pourrait limiter son efficacité. Le gouvernement s’est engagé à évaluer la pertinence de ce taux et à l’ajuster le cas échéant, et il devrait respecter cet engagement. Le remplacement de la taxe sur le foncier vacant par la RZLT s’étalera sur une période de deux (trois) ans pour les terrains dont le zonage a eu lieu avant (après) janvier 2022, compte tenu de la nécessité de réaliser un exercice de cartographie à grande échelle, qui est en cours, sachant que les projets de cartes ont été rendus publics en novembre.
1.6.4. Les mesures destinées à accroître l’offre de logements locatifs et à stabiliser les loyers pourraient avoir des conséquences imprévues
Les mesures macroprudentielles adoptées ont contribué à limiter la hausse des prix des logements occupés par leur propriétaire depuis 2018, mais les prix ont continué d’augmenter sur le marché locatif, pour atteindre des niveaux bien supérieurs à ceux d’avant la crise de 2008. Les loyers appliqués au premier trimestre de 2022 lors d’un changement de locataire étaient supérieurs de 9.2 % à leur niveau un an auparavant (Residential Tenancies Board, 2022a), les hausses les plus fortes ayant été observées en dehors de Dublin. L’offre locative a atteint des niveaux historiquement bas, ce qui s’explique en partie par la généralisation du télétravail. Le nombre de nouveaux contrats de location enregistrés a reculé de 32 % en glissement annuel au premier trimestre de 2022. La part des préavis de résiliation pour cause de vente du bien a plus que triplé au second trimestre de 2022 par rapport au dernier trimestre de 2019 (RTB, 2022b), et le nombre de bailleurs privés, qui sont dans une large mesure des petits propriétaires, a baissé sur le marché locatif privé, de nombreux biens étant désormais occupés par leur propriétaire (Central Bank of Ireland, 2021b).
Il est possible qu’un certain nombre de mesures prises au cours des dix dernières années aient eu des conséquences imprévues en termes de limitation de l’offre locative. L’interdiction de la location de chambre en logement partagé (une pièce avec couchage et accès à un espace de cuisine commun), entrée en vigueur en 2013, visait à empêcher les propriétaires de louer des logements inadaptés au regard des caractéristiques d’une habitation moderne en termes de chauffage ou de sanitaires. Elle a eu cependant des retombées négatives pour certains locataires à faible revenu qui résidaient en centre-ville, aggravant le sans-abrisme et engendrant un surcroît de demande, donc des tensions sur les prix sur les autres segments du marché. Les abattements d’impôt applicables aux locations résidentielles, comme l’« allègement au titre de l’article 23 », qui permet aux investisseurs de déduire de leurs revenus locatifs les dépenses liées au bien loué, minorées de la valeur du terrain, avaient contribué à la formation d’une offre de logements excédentaire dans les zones rurales pendant le boum de la construction, tout en améliorant l’offre dans les villes. La suppression de ces abattements en 2008 a certes permis d’assainir les finances publiques et de mettre fin aux externalités négatives connexes (Government of Ireland, 2022c), mais il est également possible qu’elle ait limité l’offre à court terme. Un des effets secondaires de ces abattements d’impôt tenait au fait que les investisseurs institutionnels, qui jouent un rôle central dans l’offre de logements locatifs dans le reste de l’Europe, se trouvaient de fait évincés pour des raisons de coût du marché locatif irlandais, dans la mesure où ils n’étaient pas admissibles au bénéfice de ces allègements (Lyons, 2021).
En vue de limiter la hausse des loyers, les autorités ont pris des mesures d’encadrement des prix en décembre 2016, plafonnant à 4 % par an le taux d’augmentation des prix à la location dans les « zones de tensions locatives », taux qui a été ramené à 2 % par an par la loi de 2021 portant modification de la loi sur les baux d’habitation (Residential Tenancies (Amendment) Act 2021). Selon une évaluation réalisée en 2019, le taux d’augmentation des loyers dans l’ensemble de ces zones a reflué d’un peu plus de 9 % pendant les sept trimestres ayant précédé l’encadrement à un peu moins de 6.4 % pendant les sept trimestres suivants, alors qu’aucun recul n’était observé en dehors des zones de tensions locatives (Ahrens, Martinez-Cillero and O’Toole, 2019). Toutefois, les effets constatés à Cork et à Dublin et dans les environs ont été moindres. Le plafonnement des loyers peut modifier la dynamique de l’investissement ainsi que le comportement des acheteurs et des vendeurs. Si elles permettent aux locataires occupants de bénéficier à court terme d’un ralentissement des hausses de loyers, ces mesures d’encadrement ont aussi pour effet de rigidifier les prix, ce qui peut avoir des incidences négatives sur la qualité et la quantité de l’offre dans une perspective de moyen à long terme (OECD, 2020b). Conjugués au niveau élevé des prix de vente, l’encadrement des loyers dans les zones de tensions locatives et la complexité accrue du cadre réglementaire pourraient expliquer le recul du nombre de locations enregistrées, à mesure que les petits propriétaires, principalement, se retirent du marché locatif (European Commission, 2022b). Parmi les autres mesures d’aide aux locataires en place figurent le dispositif de prêt au logement locatif à prix coûtant (CREL, Cost Rental Equity Loan), qui doit permettre la livraison de 750 logements locatifs en 2023, et le crédit d’impôt pour location d’un montant de 500 EUR par locataire et par an, dont devraient bénéficier 400 000 occupants de logements locatifs.
Réduire la complexité et la restrictivité de la législation relative aux locations pourrait accroître le nombre de biens mis sur le marché en vue d’un investissement locatif. Selon une récente enquête, les principaux facteurs influant sur la mise sur le marché locatif de ce type de biens sont la législation relative aux locations, la sortie du marché des propriétaires se retrouvant avec un patrimoine négatif et la rentabilité des investissements locatifs (SCSI, 2021). L’intérêt croissant des investisseurs institutionnels pour l’investissement locatif a permis de limiter la réduction du parc de logements en location. Les capitaux d’investisseurs institutionnels internationaux sont devenus une source essentielle de financement des projets de promotion immobilière résidentielle, puisqu’ils ont représenté 80 % de l’investissement annuel en logements entre 2017 et 2019 (Lyons, 2021).
1.7. Réduction des émissions de gaz à effet de serre
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Irlande sont relativement élevées, et s’établissaient en 2020 légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE (respectivement 11.6 et 10.6 tonnes d’équivalent CO2 par habitant). Elles ont atteint un pic au début des années 2000 (Graphique 1.21) et quoiqu’elles aient en règle générale diminué depuis lors, elles sont récemment reparties à la hausse, augmentant de 4.7 % en 2021 par rapport à 2020 et s’établissant 1.1 % au-dessus de leur niveau de 2019 (EPA, 2022). Au niveau sectoriel, les émissions imputables aux industries énergétiques et aux procédés industriels ont sensiblement diminué depuis le milieu des années 2000. La limitation des émissions des secteurs de l’agriculture et des transports (qui représentaient respectivement 36 % et 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre en 2020) constitue toujours un défi.
Si les émissions de gaz à effet de serre ont été découplées de la croissance économique et l’intensité énergétique a diminué (Graphique 1.22, parties A et B), la forte croissance démographique et économique, conjuguée aux réductions limitées des émissions dans les secteurs de l’agriculture et des transports, a entravé la réalisation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Environ un quart des émissions de l’Irlande est couvert par le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne (SEQE-UE). L’objectif de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre qui ne sont pas couvertes par le SEQE-UE, fixé dans la Décision de l’UE relative au partage de l’effort, n’a pas été atteint, et l’État devra acheter des crédits d’émissions pour se mettre en conformité avec les dispositions de cette décision. En outre, les projections d’émissions de gaz à effet de serre laissent à penser que si des mesures supplémentaires ne sont pas adoptées, l’Irlande ne parviendra pas non plus à atteindre ses objectifs pour 2030 au titre du Règlement sur la répartition de l’effort.
Dans ce contexte, le gouvernement prépare le cadre législatif nécessaire au renforcement de sa politique de lutte contre le changement climatique. La loi de 2021 sur l’action climatique et le développement bas carbone (2021 Climate Action and Low Carbon Development Act) prévoit que la neutralité en gaz à effet de serre sera atteinte à l’horizon 2050. Pour affermir cet engagement, le Parlement a inscrit dans la loi un objectif intermédiaire contraignant de réduction de 51 % des émissions d’ici à 2030, par rapport à leur niveau de 2018. Pour que cet objectif intermédiaire soit atteint, les émissions doivent diminuer de 7 % par an en moyenne d’ici à 2030, ce qui témoigne de la nature ambitieuse des objectifs climatiques les plus récents, étant donné que des réductions comparables n’ont eu lieu que lors de ralentissements économiques majeurs. Comme indiqué précédemment, la réalisation de ces objectifs exigera des investissements importants que les prix élevés de l’énergie rendent encore plus rentables. Le Conseil consultatif sur l’action climatique (Climate Action Advisory Council) estime que le report de la réduction des émissions entraînera une hausse du coût de ces réductions et que l’achat de crédits pourrait entraîner un verrouillage des technologies utilisées aujourd’hui (Climate Change Advisory Council, 2021).
La réalisation des objectifs de réduction des émissions pour 2030 et 2050 va constituer un défi (Graphique 1.23). La fiscalité liée à l’environnement est relativement peu élevée (Graphique 1.22, parties C et D). La taxe sur le carbone a augmenté. Malgré les pressions inflationnistes, le budget 2023 prévoit une augmentation de 7.5 EUR de cette taxe et de la porter à 48.5 EUR, par ailleurs le taux d’imposition augmentera chaque année pour atteindre 100 EUR d’ici 2030. L’augmentation progressive de la taxe sur le carbone devrait avoir pour effet un recul des émissions et du PIB. Pour compenser certaines des conséquences redistributives négatives, il faudra prévoir des moyens de réorienter ces recettes vers les ménages vulnérables. Les données recueillies dans un certain nombre de pays de l’OCDE indiquent que l’adoption de ce type de mesures est nécessaire pour que les ménages soutiennent la réduction des émissions (Dechezleprêtre et al., 2022). Il est donc opportun que le gouvernement se soit engagé à ce que l’ensemble des budgets prévoie l’utilisation de ces recettes pour financer la rénovation de bâtiments, le versement de prestations sociales aux ménages vulnérables et des initiatives en faveur de l’agriculture verte (Department of Public Expenditure and Reform, 2022b).
L’établissement de budgets carbone et de plafonds d’émission applicables à chacun des différents secteurs de l’économie constitue un élément essentiel de la politique de réduction des émissions. Le Parlement a adopté en avril 2022 son premier programme de budget carbone, qui est étayé par des plans d’action pour le climat régionaux et sectoriels. Les budgets carbone établissent, sur des périodes de cinq ans, la trajectoire que les réductions de GES doivent suivre pour que les objectifs de réduction des émissions soient atteints. Ces budgets carbone sont ensuite répartis dans les différents secteurs de l’économie et tiennent compte des possibilités estimées de réduction de chacun de ces secteurs. Les plafonds sectoriels ont été fixés en juillet 2022 et prévoient des réductions d’émissions ciblées à l’horizon 2030 allant de 75 % pour l’électricité à 25 % pour l’agriculture (Government of Ireland, 2022d). Ces plafonds dépendent des coûts de réduction potentiels, de sorte que les secteurs dans lesquels il est difficile de réduire les émissions à court terme sont soumis à des objectifs moins exigeants que les autres. De cette manière, l’effort est réparti entre les secteurs. Toutefois, cette approche pourrait avoir le défaut de ne pas harmoniser les coûts marginaux de réduction et d’entraîner une hausse des coûts globaux de la réduction des émissions. Le Conseil consultatif sur l’action climatique a fait savoir qu’il était indispensable de renforcer la cohérence des plafonds sectoriels avec les budgets carbone et d’inclure dès que possible le secteur de l’utilisation des terres (Climate Action Advisory Council, 2022).
1.7.1. Renforcer l’apport des énergies renouvelables
Il est essentiel de réduire les émissions dans le secteur de la production d’électricité pour parvenir à une réduction globale des émissions et renforcer la sécurité énergétique, étant donné l’incertitude croissante qui règne actuellement autour de l’approvisionnement en énergie. La part des énergies renouvelables dans la production d’électricité a augmenté et celle des formes de production d’électricité à plus forte intensité de carbone a diminué (Graphique 1.24). Les énergies renouvelables représentaient 13.5 % de l’énergie consommée en 2020, une valeur inférieure à l’objectif de 16 % fixé par l’UE au titre de la Directive sur l’énergie renouvelable, et 40 % de la production totale d’électricité. Un des objectifs du Plan d’action pour le climat (Climate Action Plan) est d’augmenter considérablement la part de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable pour la porter aux alentours de 70-80 % en 2030, de manière à réduire de 60-80 % les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’électricité par rapport à leur niveau de 2018. La réalisation de cet objectif exigera de nouveaux investissements substantiels dans les capacités de production (éoliennes terrestres et maritimes) et dans les infrastructures connexes.
Il est complexe d’investir dans des capacités nouvelles. L’intégration de sources intermittentes nécessite la réalisation d’investissements complémentaires pour assurer la sécurité et la pérennité de l’approvisionnement en énergie. Cela passe par des capacités de transport de l’électricité suffisantes et la possibilité d’équilibrer l’offre et la demande sur l’ensemble du réseau. Les investissements dans ces installations de réseau et dans les éoliennes elles-mêmes peuvent se caractériser par des délais de réalisation potentiellement longs et incertains, liés à l’obtention des permis nécessaires puis aux procédures de recours en cassation. S’agissant des projets de grande envergure, il faut compter trois à quatre ans pour les procédures de planification et de délivrance des permis nécessaires puis de recours en cassation, avant que les travaux de construction ne commencent. Dans le cadre de planification actuel, l’installation en temps utile des capacités de réseau nécessaires pour atteindre l’objectif intermédiaire de réduction des émissions de 2030 représente donc un défi. Selon toute vraisemblance, des mesures visant à accélérer le processus et à empêcher que des obstacles indus ne fassent dérailler les projets d’investissement devront être adoptées pour garantir que des capacités suffisantes seront installées à temps. Le programme de réforme du système de planification, qui doit être finalisé à la fin de l’année 2022, devrait être mis en œuvre de toute urgence pour contribuer à rationaliser et à simplifier les procédures de planification et de recours en cassation.
1.7.2. Verdir les transports
Les transports sont responsables d’environ un cinquième des émissions de gaz à effet de serre, lesquelles ont augmenté depuis le début des années 1990. Le Plan d’action pour le climat de 2021 (Climate Action Plan 2021) a pour objectif un remplacement massif de véhicules thermiques par des véhicules électriques (voitures particulières et utilitaires légers), dont le nombre devrait s’établir aux alentours d’un million en 2030. En 2021, on dénombrait environ 20 000 voitures particulières électriques immatriculées (véhicules électriques à batterie et hybrides rechargeables). Les dispositifs actuels de subventionnement d’achat de véhicules électriques sont coûteux et leur utilisation est restée limitée, bien qu’elle ait récemment augmenté. Ils ont tendu à avoir un effet régressif dans la mesure où généralement, ce sont les ménages les plus aisés qui ont fait l’acquisition de véhicules électriques neufs éligibles à la subvention accordée par l’Autorité irlandaise de l’énergie renouvelable (Sustainable Energy Authority of Ireland). En réaction à cet état de fait, les dispositifs de subventionnement ont récemment été plafonnés et réservés aux modèles de véhicules meilleur marché. La persistance de la dépendance à l’égard des voitures particulières présente des inconvénients supplémentaires, la congestion routière autour des grandes zones urbaines constituant un problème majeur. Les villes des pays de l’OCDE ont adopté une série de mesures et ont notamment mis en place des péages de décongestion, augmenté le prix du stationnement ou réduit le nombre de places disponibles, et modifié certaines routes pour qu’elles soient adaptées à d’autres types d’usages. En Irlande, les péages de décongestion pourraient contribuer à réduire les coûts sociaux connexes, notamment sur la santé.
La priorité devrait être donnée à la réduction de la dépendance à l’égard des voitures particulières à usage privé et à la mise à disposition de modes de transport alternatifs. Il convient à cette fin de mettre en place les infrastructures nécessaires à des transports à faibles émissions de GES ou neutres en GES. La politique nationale de mobilité durable 2022, qui court jusqu’en 2030, vise à promouvoir des transports plus écologiques et mieux intégrés et à mettre à la disposition des personnes diverses possibilités de mobilité (notamment la marche, le vélo, le micro-transport, le transport partagé à la demande et à haut taux d’occupation et les transports publics). Ces objectifs doivent constituer une priorité et orienter la redéfinition de la stratégie d’électrification de l’Irlande (OECD, 2022b). Pour verdir les transports de la manière décrite ci-avant, des travaux devront être effectués dans plusieurs domaines, il sera notamment nécessaire de reconfigurer la voirie, de réaménager l’espace dans un souci d’accroître la proximité, et de promouvoir la mobilité partagée (OECD, 2021b). Il est également fondamental d’informer les personnes des avantages des systèmes de transport durables. Les effets combinés de l’incitation à renoncer aux véhicules thermiques, notamment par la prise en compte des coûts sociaux et environnementaux, et de la mise à disposition de modes de transport alternatifs durables à faibles émissions de GES ou neutres en GES, contribueront à la réalisation des ambitieux objectifs de réduction des émissions dans le secteur des transports.
1.7.3. Réduire les émissions de gaz à effet de serre des entreprises et des ménages
Les réductions d’émissions de GES prévues dans le secteur des entreprises sont plus modestes : d’ici à 2030, elles devraient être inférieures de 35 % à leur niveau de 2018. Le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne couvre 71 % des émissions du secteur. Au sein du secteur (dans l’industrie du ciment, par exemple), il est vraisemblable que les possibilités de réduire davantage les émissions de GES soient limitées (Encadré 1.8). D’autres entreprises seront assujetties à la taxe sur le carbone, qui va augmenter progressivement jusqu’en 2030. Pour les entreprises, la redevance au titre de l’obligation de service public, qui est imposée à tous les consommateurs d’électricité, est fixe et non basée sur l’utilisation, ce qui dans des conditions normales (c’est-à-dire avant la hausse actuelle des prix de l’énergie) réduit les incitations à minimiser la consommation d’électricité. La redevance imposée aux ménages est moins élevée.
Encadré 1.8. Production de ciment au Danemark et difficultés rencontrées dans la réduction des émissions de GES
Dans l’industrie du ciment, la réduction des émissions constitue un défi. L’omniprésence du ciment dans la construction et l’absence de matériaux de substitution, conjuguées à l’énergie consommée et aux réactions chimiques qui se produisent lors de sa production, en fait une source importante d’émissions de GES (Miller et al., 2021). À l’échelle mondiale, le ciment représente 7 % de l’ensemble des émissions anthropiques. Faute d’avancée technologique, les politiques qui visent à réduire les émissions liées à la production de ciment dans un pays risquent de provoquer des fuites de carbone lorsque le ciment est importé.
D’autres pays de l’OCDE s’efforcent eux aussi de trouver des moyens de réduire les émissions dans l’industrie du ciment. Au Danemark, l’industrie du ciment compte un seul producteur, Aalbord Portland, qui est le principal exportateur mondial de ciment blanc. Aalborg Portland est le plus grand émetteur de CO2 au Danemark, étant responsable de plus de 4 % des émissions nationales en 2018 (2.2 millions de tonnes). Les émissions imputables aux procédés industriels liés à la production de ciment sont soumises à une tarification au titre du SEQE-UE. Le gouvernement danois a conclu un accord de coopération avec Aalbord Portland, qui garantit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 0.5 million de tonnes d’équivalent CO₂ d’ici à 2030. L’accord met l’accent sur le remplacement des combustibles fossiles, sur l’utilisation de l’argile plutôt que de la craie pour réduire les émissions générées par les procédés industriels, et sur l’utilisation de la chaleur excédentaire pour le chauffage urbain des habitations d’Aalborg, plutôt que sur la réduction de la production. Des technologies plus onéreuses, telles que les technologies de captage du carbone, pourraient s’avérer nécessaires pour réduire encore davantage les émissions de GES (OECD, 2021 c).
Les émissions imputables au parc des logements et à l’immobilier commercial ont quelque peu diminué, notamment grâce à la réduction de l’utilisation de charbon dans les foyers ouverts et à l’amélioration de l’efficacité thermique. Toutefois, les progrès réalisés en matière de réduction des émissions de GES ont marqué le pas depuis 2014. Une grande partie des logements sont aujourd’hui chauffés au fioul et à l’eau. En 2020, les produits pétroliers représentaient environ deux cinquièmes de la consommation finale d’énergie résidentielle (Ó Cléirigh, 2020). En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel sont élevées par rapport à celles d’autres économies de l’OCDE.
Pour réduire davantage les émissions, il sera nécessaire de ne plus recourir au chauffage au fioul, d’utiliser davantage les énergies renouvelables, notamment en installant des pompes à chaleur, et de rénover le parc immobilier existant avec des matériaux économes en énergie. La réduction de la dépendance des ménages irlandais à l’égard du chauffage au fioul les protégerait des éventuels chocs pétroliers à venir. Le gouvernement s’est engagé à soutenir les ménages, en consacrant 8 EUR milliards jusqu’en 2030 à l'amélioration de l’efficacité énergétique de 500 000 logements ; le budget 2023 prévoit le financement de la rénovation de 37 000 logements. On estime que cela permettrait de réduire les émissions du secteur d’au moins un tiers. Les ménages les plus à risque en matière de pauvreté énergétique peuvent bénéficier de rénovations gratuites. Toutefois, certains ménages dont les ressources financières sont limitées pourraient se trouver dans l’incapacité d’investir s’ils ne bénéficient pas d’un soutien supplémentaire. La mise aux normes d’un logement énergivore peut coûter plus de 50 000 EUR, un montant dont les subventions peuvent couvrir jusqu’à la moitié. Quand bien même la consommation d’énergie serait considérablement réduite, les coûts d’investissement ne seront pas récupérés avant plusieurs décennies (Fitzgerald, 2021). Les ménages qui ne souhaitent pas s’endetter davantage pourraient bénéficier de subventions plus élevées, mais les investissements réalisés se limiteraient à l’isolation thermique. La disponibilité des ouvriers du bâtiment peut constituer une entrave au bon avancement des travaux de rénovation, en raison des demandes concurrentes liées à la construction de logements et aux projets d’infrastructure. Des retards se sont déjà accumulés. Dans ce contexte, il est essentiel d’œuvrer à l’accroissement de l’offre en augmentant l’afflux de travailleurs.
1.7.4. Réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’agriculture
Contrairement à ce que l’on observe dans la plupart des autres pays de l’OCDE, la part de l’agriculture dans les émissions de GES est importante, puisqu’elle représente environ 36 % du total (Graphique 1.25). La Nouvelle-Zélande est le seul pays dans lequel cette part est plus élevée. L’agriculture est le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre, les émissions qu’elle génère étant imputables au bétail, à l’utilisation d’engrais, à la gestion des effluents d’élevage et aux pâturages. En outre, le cheptel laitier a augmenté en nombre. Les émissions de gaz à effet de serre sont principalement imputables au méthane émis par le bétail, un gaz à effet de serre plus puissant que le dioxyde de carbone, mais dont la durée de vie dans l’atmosphère est plus courte.
L’agriculture contribue de manière indirecte aux émissions liées à l’utilisation des terres et au changement d’affectation des terres, qui représentent quelque 7 % des émissions totales. Ces émissions sont principalement dues au drainage des pâturages situés sur des sols organiques. Les projections établies dans l’hypothèse d’un statu quo laissent à penser que les émissions continueront d’augmenter. Des programmes de gestion des pâturages, la réhumidification des zones humides, et le reboisement pourraient contribuer à réduire les émissions.
En Irlande, aucun objectif de réduction des émissions de méthane n’a été fixé. Au niveau international, en raison des difficultés rencontrées pour réduire les émissions de méthane (sans réduire le nombre de têtes de bétail ou générer des coûts de réduction élevés), l’objectif de réduction des émissions de méthane est fixé séparément de celui des autres gaz à effet de serre. À titre d’exemple, la Nouvelle-Zélande applique à l’agriculture un traitement distinct des autres secteurs, et fixe pour celle-ci des objectifs spécifiques d’émissions de méthane biogénique et de protoxyde d’azote. La Nouvelle-Zélande prévoit également de soumettre les émissions de gaz à effet de serre à une taxe sur le carbone. Les pouvoirs publics et le secteur agricole préparent un mécanisme de tarification dans le cadre d’un partenariat, notamment en élaborant des dispositifs de comptabilisation et de notification des sources et des puits de GES dans les exploitations (OECD, 2022 c). Si les progrès accomplis dans l’élaboration des dispositifs devant être mis en œuvre sont insuffisants, l’agriculture sera assujettie au système d’échange de quotas d’émission, qui est le principal instrument de réduction des émissions du pays.
Le gouvernement irlandais a publié sa stratégie alimentaire à l’horizon 2030 (Food Vision 2030), dont l’objectif est de transformer le secteur agricole et d’en faire, dans le courant de la décennie à venir, un champion des systèmes alimentaires durables. Cette stratégie prévoit la réalisation d’améliorations importantes en faveur du secteur agricole, notamment en ce qui concerne les questions liées à la qualité de l’air et de l’eau, et à la biodiversité (Government of Ireland, 2022e). En revanche, les objectifs en matière d’action climatique sont moins ambitieux. L’objectif de réduction des émissions pour l’agriculture a été fixé à 25 % à l’horizon 2030 rapport au niveau de 2018, une valeur inférieure à celle de l’objectif global de réduction des émissions totales de gaz à effet de serre, fixé à 51 %.
L’objectif relativement modeste de réduction des émissions du secteur agricole fait peser une charge beaucoup plus lourde sur les secteurs non agricoles dans la réalisation des objectifs nationaux d’atténuation. Dans son rapport de 2021, Fitzgerald estime que pour réduire de 33 % les émissions agricoles, il faudrait accroître les dépenses publiques de quelque 0.6 % du RNB* chaque année jusqu’en 2030. L’accroissement des dépenses publiques aura des répercussions sur la croissance du PIB, du fait de l’augmentation de la charge fiscale implicite. Les coûts induits par ce transfert de la charge de réduction des émissions aux secteurs non agricoles sont élevés, car il sera difficile et onéreux de faire diminuer davantage les émissions dans ces autres domaines.
Tableau 1.9. Recommandations antérieures de l’OCDE concernant l’environnement et mesures prises
Recommandations des Études antérieures |
Mesures prises depuis 2020 |
---|---|
Relever progressivement le taux de la taxe sur le carbone suivant un calendrier clairement communiqué aux ménages et aux entreprises ; utiliser une partie des recettes collectées pour financer de nouveaux investissements verts et des mesures de compensation des effets redistributifs négatifs éventuellement induits par cette hausse de taux. |
La loi de finances 2020 (2020 Finance Act) prévoit que la taxe carbone sera augmentée chaque année pendant 10 ans, jusqu’à atteindre le taux de 100 EUR par tonne de CO₂ en 2030. Les recettes seront utilisées pour financer la rénovation de bâtiments, le versement de prestations sociales aux ménages les plus vulnérables et des initiatives en faveur de l’agriculture verte. |
Continuer à investir dans les transports publics et envisager de promouvoir davantage le covoiturage via les plateformes numériques dédiées et d’instaurer un système de péages de décongestion. |
Plus de 2.5 EUR milliards ont été investis dans les infrastructures, les services et les technologies de transport public. |
Envisager d’instaurer des normes minimales d’efficacité énergétique pour les logements anciens à usage locatif. |
La stratégie « Un logement pour tous » (Housing for All Strategy) prévoit l’instauration à partir de 2025 de normes minimales d’efficacité énergétique applicables aux logements privés à usage locatif. |
Procéder intégralement et rapidement à la mise en œuvre des mesures offrant un bon rapport coût-efficacité pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole irlandais, notamment en matière de reboisement. |
Le programme ciblé de modernisation agricole et le programme pour l’agriculture biologique ont été élargis en 2021-22. Un examen de l’utilisation des terres ainsi qu’un cadre de réforme de la réglementation et de la vision du secteur forestier, le projet Woodland (Project Woodland), ont été lancés en 2021. |
Recommandations concernant les politiques macroéconomiques et structurelles
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
RECOMMANDATIONS (principales recommandations en gras) |
---|---|
Améliorer la politique macroéconomique et la viabilité des finances publiques |
|
La hausse rapide des prix de l’énergie a constitué un choc de grande ampleur pour les ménages, et les pouvoirs publics sont intervenus pour l’atténuer. |
Cibler les aides sur les plus vulnérables, tout en veillant à ce que leur effet sur l’activité intérieure soit globalement neutre. |
Les arriérés de prêts hypothécaires restent importants, et le processus d’apurement de ces créances complexe et lent ; en outre, les saisies de biens donnés en garantie sont rares. |
Faciliter la généralisation du recours aux ordonnances de saisie avec sursis de façon à permettre l’apurement des arriérés de prêts hypothécaires. |
Le secteur des technologies financières (FinTech) est en expansion et l’octroi de crédits par des établissements non bancaires augmente. |
Assurer une surveillance et une réglementation adéquates des établissements non bancaires par la Banque centrale d’Irlande. |
Le volant de fonds propres contracyclique a été revu à la baisse pendant la pandémie. |
Procéder au durcissement prévu du volant de fonds propres contracyclique. |
Il faut renforcer la capacité de la politique budgétaire à faire face à de futurs chocs. L’inflation élevée pousse à accroître les dépenses publiques, ce qui a conduit à une violation temporaire de la nouvelle règle de dépenses en 2022-23. |
Continuer d’affecter les recettes fiscales exceptionnelles au Fonds national de réserve (National Reserve Fund). Envisager de renforcer la règle de dépenses en l’inscrivant dans la législation. Publier des plans de dépenses de référence pluriannuels assortis d’un plafond global. |
Le gouvernement a annulé le relèvement prévu de l’âge d’ouverture des droits à une pension publique. La nouvelle réforme des retraites vise à remédier aux insuffisances structurelles des administrations de sécurité sociale en augmentant les cotisations de sécurité sociale. |
Estimer l’impact de la réforme des retraites annoncée sur la viabilité du système de retraite. Réintroduire le relèvement prévu de l’âge d’ouverture des droits à une pension publique et lier l’âge légal de la retraite à l’espérance de vie au moment de la retraite. |
Poursuivre les réformes structurelles et fournir des logements. |
|
Le taux d’activité des personnes ayant un faible niveau d’études reste bas et les pénuries de main-d’œuvre s’accentuent dans certains secteurs. |
Continuer de soutenir la formation et l’apprentissage dans les secteurs de l’économie où la demande de main-d’œuvre est forte. |
La pandémie a contraint le service public de l’emploi et les services de formation à innover en recourant davantage au numérique. |
Examiner l’efficacité des innovations en termes d’aide aux demandeurs d’emploi et de formation, et utiliser les résultats pour préparer la prochaine stratégie nationale pour les compétences. |
Le taux d’activité des femmes a augmenté, mais il est possible de progresser encore. |
Continuer d’accorder des aides financières publiques suffisantes au titre des services d’accueil des jeunes enfants, tout en prenant des mesures pour étoffer les capacités d’accueil. |
Certains dispositifs du système de prélèvements et de prestations peuvent dissuader certaines personnes de participer au marché du travail ou d’y participer plus pleinement. |
Envisager d’augmenter le nombre des taux et des tranches d’imposition afin d’empêcher les effets de seuil de revenu qui constituent des contre-incitations au travail, et mettre en place parallèlement des aides sous conditions de ressources en faveur des ménages vulnérables. |
Les contraintes réglementaires qui pèsent sur les start-ups sont relativement lourdes, du fait de la complexité des procédures et de l’existence d’un système d’autorisations et de permis. |
Continuer de réduire les charges administratives pesant sur les petites et moyennes entreprises en créant un guichet unique pour les PME, comme prévu. |
Malgré l’amélioration du cadre législatif, les ressources affectées à la lutte contre la corruption sont limitées, et la complexité du cadre réglementaire régissant la déontologie dans le secteur public est à l’origine d’incertitudes. |
Mener à bonne fin la refonte de la législation anti-corruption et la réforme du cadre légal de la déontologie dans le secteur public. |
La faiblesse de l’offre sur le marché de l’immobilier d’habitation, à la vente comme à la location, fait monter les prix et limite l’accessibilité financière du logement. L’initiative baptisée « Un logement pour tous » (Housing for All) est une stratégie ambitieuse, mais sa mise en œuvre risque d’être très difficile à court terme. Dans le secteur de la construction, les coûts sont orientés à la hausse, de même que les pénuries de main-d’œuvre. L’offre de logements pâtit de la lenteur des procédures de délivrance des permis ainsi que de recours en cassation. Le dispositif « Premier logement » (First Home), qui vise à soutenir les primo-accédants, pourrait exercer des tensions à la hausse sur les prix des logements, du fait de la faiblesse de l’offre. L’initiative « Un logement pour tous » redonne une partie des prérogatives d’urbanisme aux autorités locales compétentes dans ce domaine. |
Donner la priorité aux mesures axées sur l’offre de logements dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie « Un logement pour tous ». Poursuivre les politiques visant à promouvoir l’innovation dans le secteur de la construction et à améliorer les compétences des travailleurs du bâtiment. Accélérer la rationalisation des procédures d’urbanisme et de recours en cassation, par exemple en créant une chambre spéciale au sein de la Haute Cour et en la dotant d’outils, de ressources et de capacités techniques suffisants pour réduire les délais. Continuer de cibler étroitement le dispositif « Premier logement » et d’en limiter l’ampleur. Remédier aux problèmes de capacités dans le système d’urbanisme et donner des ressources suffisantes aux autorités locales qui en sont chargées. |
Parvenir à la neutralité en gaz à effet de serre en 2050 |
|
La lenteur des procédures de planification et d’autorisation des grands projets d’investissement, conjuguée aux recours en cassation dont ils font l’objet, ralentit le développement des capacités en matière d’énergies renouvelables et, parce qu’elle accentue l’incertitude, dissuade les investisseurs et fait augmenter les prix. |
Accélérer de toute urgence les procédures de planification afin de réduire l’incertitude qui entoure les grands projets d’investissement dans les capacités éoliennes. |
La réduction des émissions dans le secteur des transports implique de prendre des mesures dans de nombreux domaines de l’action publique. |
Revoir la politique des transports pour réduire la motorisation individuelle et favoriser l’offre et l’utilisation d’autres solutions de déplacement, bas carbone ou décarbonées. |
Le coût global de la réduction des émissions augmentera de manière sensible si l’agriculture n’y contribue pas davantage. |
Renforcer les incitations économiques à réduire les émissions qui s’exercent sur les agriculteurs, afin de les mettre sur un pied d’égalité avec le reste de l’économie, par exemple en instaurant une tarification des émissions de méthane. |
La rénovation du parc de logements existants par la mobilisation de technologies d’isolation et d’économies d’énergie va mettre sous tension le secteur de la construction. |
Assurer un afflux suffisant de travailleurs vers les programmes de formation et l’apprentissage dans le secteur de la construction. |
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