L’expansion de l’économie s’est poursuivie à un rythme rapide (graphique A). La croissance du PIB s’est établie à 2.6 % en 2018, principalement soutenue par la consommation privée. Pendant la plus grande partie de la dernière décennie, la croissance du PIB du Luxembourg a été très largement supérieure à la moyenne de la zone euro. Les revenus élevés, auxquels viennent s’ajouter d’autres points forts comme le niveau relativement faible des inégalités femmes–hommes et un équilibre satisfaisant entre vie professionnelle et vie privée, sont l’un des piliers du bien-être au Luxembourg.
Études économiques de l'OCDE : Luxembourg 2019
Résumé
La croissance est robuste et le bien-être est élevé
Un ralentissement de la croissance est cependant attendu (tableau A), et des risques de révision à la baisse des prévisions existent. En cas de ralentissement, les autorités devraient permettre aux stabilisateurs automatiques de jouer. Une relance budgétaire pourrait être envisagée en cas de récession sévère éventuellement causée par la hausse des tensions commerciales et de la volatilité financière. À partir de mesures récemment prises, l’une des options permettant de stimuler l’économie pourrait consister à réduire encore les impôts sur les bas salaires, ce qui aurait comme avantage connexe de rendre le marché du travail plus inclusif en favorisant l’insertion professionnelle des travailleurs peu qualifiés.
Tableau A. L’expansion devrait se poursuivre
(Taux de croissance annuelle, sauf mention contraire) |
2018 |
2019 |
2020 |
---|---|---|---|
Produit intérieur brut (PIB) |
2.6 |
2.0 |
2.5 |
Consommation privée |
4.2 |
2.8 |
3.6 |
Consommation publique |
4.0 |
4.3 |
3.2 |
Formation brute de capital fixe |
-2.8 |
5.5 |
4.5 |
Exportations de biens et de services |
4.6 |
3.8 |
4.1 |
Importations de biens et de services |
5.1 |
4.4 |
4.8 |
Taux de chômage (% de la population active) |
5.5 |
5.2 |
5.1 |
Indice des prix à la consommation |
2.0 |
1.7 |
1.9 |
Source : Perspectives économiques de l’OCDE.
La réduction des risques financiers des ménages et des banques devrait être une priorité
L’augmentation de la dette des ménages est une source de vulnérabilité pour certaines familles et certaines banques. Les emprunts hypothécaires ont augmenté de manière continue, parallèlement à la hausse des prix des logements (graphique B), si bien que pour une fraction des ménages plus importante que dans la plupart des autres pays, le service de la dette représente un fardeau élevé. Bien que les autorités aient imposé un relèvement des volants de fonds propres, les banques luxembourgeoises sont fortement exposées au marché immobilier résidentiel, ce qui constitue une source de risques. Mettre en place des instruments macroprudentiels axés sur les emprunteurs, par exemple un plafonnement des quotités de prêt ou des ratios service de la dette/revenus, comme prévu dans un projet de législation, permettrait d’éviter que les vulnérabilités continuent de s’accumuler.
Un renforcement de la supervision et de la réglementation peut encore améliorer la résilience du secteur financier et favoriser la transition vers une économie bas carbone. L’important secteur des fonds d’investissement est sensible aux risques extérieurs, et de la même façon, les expositions intra‑groupe considérables des banques internationales doivent être surveillées de près. Le secteur financier est globalement exposé à des risques en lien avec le climat, notamment parce qu’il détient des actifs à forte teneur en carbone qui vont probablement perdre de la valeur dès lors que des politiques publiques seront mises en œuvre pour respecter les objectifs internationaux de lutte contre le changement climatique. Compte tenu du rôle de premier plan joué par le Luxembourg dans le domaine des obligations vertes, un renforcement des obligations relatives à la diffusion d’informations en lien avec le climat imposées aux intermédiaires financiers permettra d’accroître la transparence et, partant, l’efficience allocative des marchés de capitaux.
La politique budgétaire devrait étayer une croissance durable
La situation budgétaire est très solide, mais le vieillissement de la population représente un défi à long terme pour les finances publiques. En 2018, l’excédent budgétaire a été supérieur à 2 % du PIB, et la dette publique brute est modeste et très largement inférieure aux actifs financiers. Cependant, à politiques publiques inchangées, les coûts liés au vieillissement devraient augmenter considérablement, ce qui menace la viabilité budgétaire à long terme. Des mesures visant à relever l’âge de la retraite pour l’aligner sur l’espérance de vie et/ou à réduire la générosité des pensions aideraient à s’attaquer à ce problème. Les options ouvertes à l’occasion de la réforme des retraites de 2012 devraient être examinées dans ce contexte.
La composition des recettes devrait également être revue de manière à soutenir une croissance plus durable (graphique C). Augmenter les taxes environnementales, par exemple celles sur les carburants ou les véhicules à moteur, permettrait de réduire les émissions de CO2 et la pollution. Il serait également souhaitable de donner plus de poids aux impôts périodiques sur la propriété immobilière. Il serait ainsi moins nécessaire de compter sur les dispositifs de réduction de la base d’imposition qui, dans le passé, ont attiré des multinationales au Luxembourg et contribué ainsi à l’augmentation des recettes fiscales tirées de l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Ces dispositions sont progressivement supprimées dans le cadre de la participation du Luxembourg aux efforts internationaux en faveur de la transparence fiscale, qui devrait se poursuivre.
À l’avenir, une hausse de la productivité plus forte sera nécessaire pour assurer la prospérité
La hausse de la productivité a été décevante, particulièrement dans les services. La productivité est élevée, mais sa croissance est inférieure à ce qu’elle devrait être depuis une vingtaine d’années (graphique D). Cette faible croissance peut largement être attribuée au secteur des services dans lequel, souvent, les entreprises les plus productives n’ont pas réussi à tirer les autres vers le haut et où les entreprises les plus faibles ont encore cédé du terrain. Dans les services, le secteur financier est resté le principal domaine d’activité, malgré des gains de productivité en recul. Les initiatives prises par les pouvoirs publics pour diversifier l’économie doivent être poursuivies, et accompagnées de mesures systématiques de suivi et d’évaluation.
Les entreprises qui ne sont pas les plus performantes, mais qui sont viables, doivent opérer un rattrapage. Les entreprises sont souvent confrontées à des pénuries de compétences, notamment dans les technologies numériques, ce qui pèse sur la productivité. Le fait que des entreprises inefficientes continuent d’encombrer le marché ne fait qu’aggraver le problème. Il faudrait développer les offres de formation et mieux prendre en compte les résultats des exercices réguliers de prospective en matière de compétences. Des réglementations restrictives dans les services professionnels nuisent à la productivité dans ce secteur lui-même, mais aussi dans la production en aval. Un régime de faillite plus efficace pourrait stimuler l’entrepreneuriat et inciter les entreprises en difficulté à se restructurer ou bien à sortir du marché.
Les entreprises les plus performantes pourraient être encore plus innovantes. Pour cela, il faudrait une adoption plus large des technologies de pointe, comme l’intelligence artificielle ou les applications de la technologie des chaînes de blocs, dont l’utilisation par le secteur public peut avoir un effet d’émulation très précieux. L’investissement dans la recherche–développement est modeste en comparaison internationale, et la part financée par les entreprises est en recul. Les incitations fiscales à la R&D axées sur les revenus ont été récemment modifiées pour être plus ciblées, mais il est probable qu’elles continueront de bénéficier de manière disproportionnée aux grandes entreprises. On pourrait donc envisager de mettre en place des incitations fiscales axées sur les dépenses.
Le marché du logement doit devenir plus efficient et équitable
L’offre de logements n’a pas suivi la hausse de la demande. La forte croissance démographique, ajoutée à la tendance à la diminution de la taille des ménages, ont stimulé la demande de logements, mais des contraintes structurelles ont pesé sur l’offre (graphique E). Du fait de l’utilisation limitée des terrains constructibles et de réglementations complexes en matière d’urbanisme, les prix du foncier ont explosé. Par contrecoup, la spéculation foncière s’est aggravée, et le faible coût d’opportunité des terrains constructibles vacants conjugué au fait que les communes sont peu incitées à imposer une obligation de construction aux propriétaires fonciers privés, n’ont pas arrangé les choses. La complexité des normes de construction fixées par les communes ont fait encore augmenter le coût de la construction.
L’étalement urbain est important et pèse sur l’accessibilité des logements et sur l’environnement. Les maisons individuelles représentent encore la moitié du stock de logements, ce qui contribue au niveau élevé de l’étalement urbain en comparaison internationale. Cette préférence privée pour un logement de faible densité a des coûts majeurs très importants en termes de pollution, d’embouteillages (notamment à cause de l’importance des mouvements pendulaires transfrontaliers) et d’augmentation du coût des infrastructures publiques. Il est donc nécessaire d’accroître les incitations à la densification. Comme c’est le cas pour d’autres contraintes du côté de l’offre, une meilleure coordination s’impose entre l’administration centrale et les collectivités locales, ainsi qu’entre les différentes municipalités.
Les dispositions fiscales freinent l’offre de logements, favorisent l’endettement hypothécaire et nuisent à l’équité. Les impôts périodiques sur la propriété immobilière sont très peu élevés, en partie parce qu’ils sont assis sur des évaluations cadastrales dépassées. Outre qu’ils ne permettent de collecter que des recettes modestes, ils n’incitent guère à promouvoir un aménagement du territoire et un développement territorial qui soient socialement efficients. Par exemple, les terrains constructibles laissés vacants sont rarement taxés, ce qui encourage la spéculation foncière. L’augmentation des prix des logements est également due au traitement fiscal intéressant dont bénéficient les propriétaires-occupants, notamment par le biais de la déductibilité des intérêts des emprunts, qui est plutôt une mesure régressive.
L’accès équitable au logement est également rendu difficile par la petite taille du secteur locatif social. Le stock de logements sociaux est très modeste (graphique F), en partie à cause de la pratique désormais révolue consistant à revendre des logements sociaux sur le marché non réglementé. Les organismes de logement social peuvent corriger cette pénurie en servant d’intermédiaires entre les propriétaires et les locataires en difficulté, en offrant aux propriétaires des loyers garantis et des services d’entretien de leurs biens, et en aidant les locataires dans leur transition future vers un logement non subventionné. Il faudrait développer le soutien financier à ces organismes, et les communes pourraient fournir des informations actualisées sur les logements vacants.
L’attribution des logements sociaux peut être améliorée. Les logements sociaux devraient être destinés en priorité aux ménages qui en ont le plus besoin, de manière à leur offrir un logement abordable et à prévenir la ségrégation socioéconomique. Cependant, les critères d’admissibilité au logement social sont souvent variables et peu transparents. De plus, de nombreux locataires se situent dans les deux quintiles de revenus supérieurs, en partie à cause de l’absence de limitation des contrats de bail. Il faudrait combiner une vérification régulière des critères de ressources avec des plans spécifiques de retour au secteur locatif privé, semblables à ceux utilisés par les organismes de logement social. Dans le secteur du logement social, les loyers devraient également augmenter plus rapidement à mesure que les revenus des locataires progressent.
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS |
---|---|
Réduire les risques financiers des ménages et des banques |
|
L’augmentation des prix des logements et de l’endettement des ménages est une source de vulnérabilités pour certaines familles et pour certaines banques. |
Mettre en place des instruments macroprudentiels axés sur les emprunteurs, par exemple des plafonnements des ratios prêt/valeur ou des ratios service de la dette/revenu, comme le prévoit un projet de législation. |
Comme dans d’autres pays, le secteur financier est confronté à des risques découlant de son exposition à des actifs à forte teneur en carbone qui pourraient perdre de la valeur dans le contexte des politiques adoptées pour atteindre les objectifs de lutte contre le changement climatique convenus au niveau international. |
Renforcer la diffusion d’informations sur les risques liés au climat par les intermédiaires financiers, conformément aux recommandations du Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives au climat (Task Force on Climate-related Financial Disclosures). |
Le secteur financier est exposé à des risques liés aux marchés internationaux. |
Renforcer encore la supervision financière, en continuant de surveiller les risques de crédit sur les expositions bancaires intra‑groupe ainsi que d’améliorer les inspections sur site et la collecte de données sur les fonds d’investissement. |
Mobiliser la politique budgétaire au service d’une croissance durable et inclusive |
|
Comme dans la zone euro, des signes de ralentissement de l’activité sont perceptibles et les travailleurs les plus vulnérables seraient les premiers affectés. |
Laisser jouer les stabilisateurs automatiques en cas de récession, et si celle-ci devait s’intensifier, procéder à une expansion budgétaire contracyclique. |
Si l’action publique n’est pas modifiée, les coûts liés au vieillissement vont, selon les prévisions, augmenter considérablement à long terme. |
Relever l’âge de départ à la retraite parallèlement à l’espérance de vie et/ou réduire la générosité des pensions. |
Les impôts périodiques sur la propriété immobilière sont très faibles. |
Faire des impôts périodiques sur la propriété immobilière une ressource budgétaire plus significative, par exemple en alignant régulièrement la base d’imposition sur la valeur des biens estimée au prix du marché. |
Les dispositifs fiscaux destinés dans le passé aux grandes entreprises ont aidé à collecter des recettes fiscales considérables, mais ils ne constituent plus un facteur d’attractivité durable. |
Continuer de s’associer aux efforts internationaux visant à s’attaquer aux enjeux fiscaux liés aux activités transfrontières et à renforcer la transparence fiscale. |
Au Luxembourg, la fiscalité environnementale est légère. Le tourisme à la pompe est important. |
Continuer de relever les taxes et les droits d’accises sur les carburants, notamment le gazole, et élaborer des mesures d’accompagnement à court terme pour les ménages pauvres les plus affectés. |
Relancer la hausse de la productivité |
|
La productivité progresse lentement, en partie à cause de pénuries de compétences. |
Procéder régulièrement à des exercices de prospective en matière de compétences et veiller à ce que leurs conclusions soient bien prises en compte dans des offres de formation améliorées. |
Dans les services, les entreprises moins productives ont tendance à prendre encore du retard, ce qui pèse sur la productivité globale. |
Moderniser le droit des faillites pour faciliter les restructurations en amont et permettre d’offrir des secondes chances ou d’organiser la sortie des entreprises non-viables. |
La réglementation de certains services professionnels reste restrictive en comparaison internationale. |
Supprimer les restrictions concernant la publicité et les activités de commercialisation pour ces services professionnels. |
Même les entreprises les plus performantes ont souvent du mal à innover. |
Promouvoir l’adoption de technologies de pointe, notamment grâce à l’effet d’émulation produit par leur utilisation dans le secteur public. |
S’attaquer aux pressions et améliorer l’inclusivité sur le marché du logement |
|
L’utilisation limitée des terrains constructibles et l’existence de réglementations complexes en matière de zonage ont fait bondir les prix et encouragé la spéculation foncière. |
Accroître le coût d’opportunité des terrains inutilisés en réformant les impôts périodiques sur la propriété immobilière. Une solution consiste à relever les impôts fonciers sur les terrains constructibles. Assujettir une partie du financement des communes par l’État à la capacité des communes à sanctionner les propriétaires et les promoteurs immobiliers qui n’utilisent pas leurs permis de construire. |
Le traitement fiscal réservé aux propriétaires-occupants en termes d’impôt sur le revenu des personnes physiques favorise la propriété, ce qui encourage l’endettement et l’augmentation des prix des logements. |
Supprimer progressivement, ou du moins diminuer, la déductibilité des intérêts d’emprunts immobiliers. |
L’étalement urbain est important, ce qui accroît la pollution, les embouteillages et le coût des infrastructures publiques. |
Augmenter la densité résidentielle, notamment autour des pôles de transport, en construisant des bâtiments plus hauts. |
Le stock de logements sociaux disponibles à la location est modeste et souvent attribué à des locataires à haut revenu. Le budget de 2019 prévoit une nouvelle ligne budgétaire réservée à l’acquisition de terrains à des fins de logement, actuellement dotée d’un montant de 100 EUR, qui peut être relevée conformément aux procédures budgétaires. |
Pour étoffer le parc de logements locatifs sociaux tout en préservant la mixité sociale, faire financer directement l’acquisition de nouveaux terrains par les promoteurs publics. Procéder à une évaluation régulière des ressources pour mieux cibler l’offre de logements sociaux. |
Dans le secteur du logement social, les allocations et les loyers ne sont pas différenciés géographiquement, malgré le caractère très hétérogène des prix du marché des logements et des locations d’une commune à l’autre. |
Indexer les allocations logement et les loyers du secteur locatif social sur des loyers de référence à l’échelon local. |