Les cadres macroéconomique et institutionnel solides du Pérou, conjugués à des réformes structurelles telles que la libéralisation des échanges et l’ouverture à l’investissement étranger, ont favorisé une croissance économique vigoureuse ainsi qu’une forte réduction de la pauvreté au cours des deux dernières décennies, jusqu’en 2019. Les résultats macroéconomiques du Pérou figurent ainsi parmi les meilleurs d’Amérique latine, ce qui a aidé le pays à atténuer les conséquences économiques et sociales des chocs majeurs subis récemment. Toutefois, le Pérou se caractérise toujours par un taux d’emploi informel élevé, des disparités régionales et un accès insuffisant aux services publics. Sachant que sa convergence vers les pays ayant un niveau de vie plus élevé a ralenti, il est impératif d’accroître la productivité et l’investissement. La pandémie de COVID-19 a accentué les faiblesses structurelles dans des domaines tels que la santé, l’éducation et la protection sociale. Afin d’améliorer le niveau de vie de l’ensemble de la population péruvienne, des réformes structurelles ambitieuses doivent être engagées. Il importe notamment d’améliorer la réglementation et la concurrence, de renforcer la gouvernance et l’état de droit, d’assurer une protection sociale universelle et de rehausser les résultats scolaires. Bien que l’assainissement budgétaire prévu assure la viabilité de la dette, une réforme visant à accroître l’efficience des dépenses et les recettes fiscales s’impose pour remédier aux problèmes infrastructurels et sociaux qui se posent de longue date. Un programme à long terme de mise en œuvre de ces réformes permettrait de réduire la pauvreté et les inégalités et de favoriser la convergence des revenus avec ceux des pays de l’OCDE.
Études économiques de l’OCDE : Pérou 2023 (version abrégée)
1. Principaux éclairages sur l’action publique
Abstract
Des réformes structurelles ambitieuses s’imposent pour améliorer le niveau de vie
Les résultats macroéconomiques enregistrés par le Pérou au cours des deux dernières décennies figurent parmi les meilleurs d’Amérique latine. Dans les années 1980, le pays a fait face à une grave crise économique caractérisée par une hyperinflation, des déséquilibres budgétaires et un endettement extérieur croissant (Encadré 1.1). Toutefois, dans les années 1990, le Pérou a mis en œuvre un ensemble complet de réformes structurelles ambitieuses, telles que la libéralisation des échanges, l’ouverture à l’investissement étranger et le développement de secteurs clés comme l’exploitation minière, l’agriculture et le tourisme. Étayées par l’adoption d’un cadre macroéconomique sain, prévoyant une institution budgétaire et une banque centrale indépendantes ainsi que des règles budgétaires, et d’un cadre de réglementation financière solide, ces réformes ont joué un rôle essentiel en permettant de stimuler la croissance économique et de préserver la stabilité macroéconomique. La participation du Pérou à plusieurs accords commerciaux régionaux et internationaux a renforcé ses relations commerciales, stimulé ses exportations et amélioré sa compétitivité sur les marchés mondiaux, à la faveur d’une conjoncture économique mondiale favorable et d’un supercycle des produits de base.
Encadré 1.1. Aperçu de l’histoire économique du Pérou
Le Pérou se caractérise de longue date par sa dépendance économique à l’égard des produits de base, qui s’est traduite par une alternance répétée de phases de hausse et de baisse, avant les réformes macroéconomiques et institutionnelles de grande envergure mises en œuvre au cours des années 1990. L’économie péruvienne est tributaire des exportations de divers produits de base tels que le guano, le cuivre et d’autres ressources minérales comme l’argent, le zinc et l’étain. Pendant les périodes de hausse, alimentée par le dynamisme de la demande mondiale et l’augmentation des prix, le Pérou a connu une croissance économique rapide, débouchant sur le développement des infrastructures et des investissements accrus. Néanmoins, ces périodes de prospérité ont été souvent suivies de brusques retournements lorsque les cours internationaux des produits de base se sont effondrés ou ont enregistré d’importantes fluctuations. Ces phases de baisse ont débouché sur des crises économiques, de graves récessions et des difficultés sociales accrues.
Les années 1980 ont été pour le Pérou une période particulièrement difficile, marquée par une grave crise économique souvent qualifiée de « décennie perdue », caractérisée par un fléchissement prononcé de la croissance économique, une dégradation des conditions de vie, une pauvreté généralisée et des troubles sociaux. Les origines de cette crise remontent aux décennies précédentes (allant des années 1940 aux années 1970), pendant lesquelles le Pérou avait accumulé une volumineuse dette extérieure pour financer des projets d’infrastructures et mis en œuvre une politique d’industrialisation fondée sur la substitution de produits nationaux aux importations, pour favoriser le développement industriel du pays. Lorsque le Pérou est devenu fortement dépendant des prêts étrangers, la montée des taux d’intérêt observée à l’échelle mondiale au début des années 1980 a rendu le service de sa dette de plus en plus difficile à assurer. En outre, une récession économique mondiale a entraîné un recul des prix internationaux des produits de base, notamment du cuivre et de l’argent, qui a réduit les recettes d’exportation et mis à mal la capacité du Pérou d’obtenir des devises. La conjonction de ces facteurs, ainsi que l’hyperinflation résultant d’une politique budgétaire expansionniste, la surévaluation de la monnaie et la croissance de la masse monétaire, ont accentué la déstabilisation de l’économie. La situation a été aggravée par l’instabilité politique, les conflits internes et l’essor de groupes terroristes au premier rang desquels figuraient le Sentier lumineux et le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru. La crise s’est prolongée au début des années 1990, rendant nécessaire la mise en œuvre de réformes économiques pour stabiliser l’économie, mettre en place un cadre macroéconomique et des institutions solides, et poser les fondations des mesures de libéralisation ultérieures. Les réformes et les mesures de stabilisation mises en œuvre pendant cette période (décrites dans le paragraphe précédent) ont jeté les bases de la croissance et du développement économiques ultérieurs (comme indiqué ci-après).
Dans ce contexte, l’économie péruvienne est devenue l’une des plus dynamiques, stables et résilientes de l’Amérique latine (Graphique 1.1, partie A). Ayant affiché un taux de croissance annuel moyen de 5.1 % entre 2000 et 2019, le Pérou a réussi à conserver son dynamisme économique pendant une longue période, tirant vers le haut le niveau de vie. Ramenée à 26 % du PIB en 2019, la dette publique a été considérablement réduite, ce qui a permis au pays de conserver un large accès aux marchés financiers internationaux, et d’importantes marges de manœuvre macroéconomiques ont été constituées. Grâce à son cadre crédible de ciblage de l’inflation, le Pérou a affiché un taux d’inflation moyen de 2.6 % au cours des deux décennies précédant 2019 – soit le taux le plus bas parmi les pays d’Amérique du Sud – tout en attirant d’importants investissements directs étrangers. La croissance économique soutenue, conjuguée à la mise en œuvre de programmes sociaux et à une amélioration de l’accès à l’éducation et aux soins de santé, s’est traduite par une forte réduction de la pauvreté (Graphique 1.1, partie B). La plupart des indicateurs sociaux se sont considérablement améliorés, notamment l’espérance de vie, qui est passée de 70 ans en 2000 à 76 ans en 2019. L’expérience du Pérou montre comment un cadre macroéconomique solide, accompagné de réformes structurelles et d’investissements dans des programmes sociaux, peut contribuer à une croissance économique soutenue, à une réduction de la pauvreté et à une amélioration des indicateurs sociaux.
Malgré ces progrès remarquables, le Pérou reste confronté à d’importants problèmes économiques et sociaux. La convergence vers les pays ayant un niveau de vie plus élevé s’est ralentie après la fin de la flambée des prix des produits de base en 2015 (Graphique 1.2, partie A). Depuis 2020, l’économie péruvienne a subi plusieurs chocs de grande ampleur. La pandémie de COVID-19 a coûté très cher au pays, en termes de vies humaines et de moyens de subsistance, sachant qu’elle a entraîné à la fois une surmortalité plus importante et une contraction économique plus marquée que celles observées dans la plupart des autres pays du monde. La pandémie a également entraîné une hausse de la pauvreté, ainsi que des perturbations généralisées de l’apprentissage. Cela dit, grâce aux mesures de grande ampleur déployées par les pouvoirs publics, l’économie s’est rapidement redressée en 2021, même si la vigueur de la demande intérieure et les perturbations des chaînes d’approvisionnement ont fait grimper l’inflation au-dessus de la fourchette retenue comme objectif, pour la première fois depuis 2016. La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine en 2022 a aggravé les tensions inflationnistes, les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales ainsi que les pénuries d’engrais, et le renchérissement des produits alimentaires et de l’énergie a durement touché de nombreuses familles vulnérables. Les troubles sociaux liés à l’incertitude politique et les mauvaises conditions météorologiques au début de 2023 ont en outre provoqué d’importantes pertes économiques, qui ont accentué les tensions inflationnistes et le ralentissement économique.
Face à ces chocs de grande ampleur, le gouvernement a mis à profit la marge de manœuvre budgétaire dégagée au cours des dernières décennies pour éviter que le pays ne subisse des répercussions et des séquelles encore plus graves, et l’efficacité avec laquelle le train de mesures de relance liée à la pandémie a été démantelé apporte une preuve supplémentaire de la solidité du cadre macroéconomique péruvien et de la résilience de l’économie nationale. La pandémie a toutefois révélé de manière frappante des faiblesses structurelles qui existaient déjà, telles que la forte proportion d’activités informelles parmi les entreprises et les travailleurs, sachant que plus de 75 % des travailleurs et 90 % des entreprises employant moins de 5 personnes n’ont accès à aucun dispositif de protection sociale, d’épargne ou de crédit, même garanti par l’État. La pandémie a exacerbé les disparités qui existaient déjà entre les genres sur le marché du travail, dans la mesure où elle a eu des effets disproportionnés sur les femmes. Il existe également de fortes disparités régionales en matière d’accès aux services publics de base, tels que l’électricité, l’eau et les services d’assainissement, ainsi que des déficits d’infrastructures, qui contribuent aux fortes inégalités et exposent de nombreux Péruviens et Péruviennes aux chocs (Graphique 1.2, partie B). Par ailleurs, 1.4 million de migrants et de réfugiés vénézuéliens vivent au Pérou et nombre d’entre eux n’ont pas encore achevé les démarches de régularisation migratoire et occupent des emplois informels. Les capacités limitées de l’État aux échelons national et infranational entravent la fourniture de services publics et d’infrastructures de qualité et affaiblissent l’action des pouvoirs publics tout en nuisant à l’efficacité des dépenses et de l’investissement public. Cela tient notamment à la mauvaise gestion de l’investissement public, au manque de coordination entre les différents niveaux d’administration et au déficit de capacités au sein de la fonction publique. Les bouleversements politiques et les fréquents scandales de corruption impliquant des responsables publics et des chefs d’entreprise constituent des préoccupations majeures des citoyens et ont érodé la confiance dans les pouvoirs publics (INEI, 2022[1]). De plus, le Pérou fait face à d’importants enjeux environnementaux, dans la mesure où il est très exposé au changement climatique et aux catastrophes naturelles.
Pour faire face à ces enjeux, il est essentiel que les responsables de l’action publique travaillent en collaboration avec l’ensemble de l’échiquier politique en vue de trouver un consensus pour rétablir la confiance, favoriser la stabilité politique et intensifier les efforts de mise en œuvre des réformes structurelles visant à renforcer la croissance potentielle et à lutter contre la pauvreté, les inégalités et les faiblesses inhérentes aux systèmes d’éducation, de santé et de retraite. Cependant, la crise politique qui sévit depuis 2016, caractérisée par la succession de plusieurs présidents et par des remaniements fréquents au sein du Congrès et des ministères, a engendré une forte instabilité politique et empêché la mise en œuvre de réformes structurelles indispensables au renforcement de la croissance économique et de la protection sociale. Certains pays ont entrepris des réformes politiques visant à accroître la participation citoyenne et à favoriser la stabilité de leur système politique. Dans bien des cas, ces réformes passent par des réformes électorales permettant d’améliorer la représentation et par des mesures de lutte contre la corruption destinées à renforcer la transparence et la gouvernance.
Dans le cadre du processus d’adhésion à l’OCDE, le Pérou peut élaborer un programme complet de réformes à long terme de nature à façonner l’avenir de sa société et de son économie pour les années à venir. Ce programme doit être fondé sur une hiérarchisation des priorités et un calendrier clairs, ainsi que sur l’ensemble des données disponibles, tant au niveau national qu’international, et devrait tendre à préserver ce qui a bien fonctionné dans le passé, notamment le cadre macroéconomique solide et efficace, qui a été un pilier de la croissance économique du Pérou. Des réformes propices à la productivité et à l’investissement peuvent permettre de générer les revenus et les recettes fiscales nécessaires pour faire progresser le Pérou sur la voie d’une prospérité plus largement partagée. Il convient en priorité de renforcer la gouvernance et l’état de droit à la fois pour faire diminuer l’incertitude et les coûts de transaction qui pèsent sur les entreprises, en facilitant l’exercice de leurs activités et leur développement, et pour réduire la corruption et rétablir la confiance dans les pouvoirs publics.
Afin de répondre aux besoins sociaux urgents, les pouvoirs publics doivent engager des réformes pour faire en sorte que les fruits de la croissance soient largement partagés. Du fait de sa taille modeste et de la faible efficience de ses dépenses, le secteur public péruvien est peu à même d’offrir de meilleurs services publics et perspectives à tous les citoyens, ainsi que de réduire les inégalités. Une réforme fiscale de nature à accroître les recettes devra être progressive et viser à réduire les fortes inégalités entre régions. Il est primordial de réduire l’ampleur de l’économie informelle pour garantir l’accès universel à une protection sociale de qualité. Une amélioration de la couverture du régime de retraite et des prestations de retraite s’avère essentielle, en particulier après l’autorisation de six retraits spéciaux des fonds de pension depuis 2020. Il existe en outre d’importantes possibilités de combler les lacunes en matière de qualité de l’éducation publique et d’accès à celle-ci. Le Pérou peut renforcer la résilience de son économie et de sa population en tirant parti des nouvelles possibilités, notamment en accroissant la production d’électricité d’origine renouvelable, tout en s’adaptant au changement climatique et aux catastrophes naturelles et en atténuant les risques connexes.
Des réformes structurelles peuvent considérablement améliorer le niveau de vie. Des simulations effectuées à partir du modèle de croissance à long terme de l’OCDE (Guillemette et Turner, 2018[2]) donnent à penser qu’un train de réformes ambitieux, qui permettrait de renforcer le cadre institutionnel du Pérou, d’améliorer la réglementation et la concurrence nationales ainsi que les résultats en matière d’éducation, et de réformer la fiscalité, ferait presque doubler le PIB par habitant d’ici à 2050 par rapport à un scénario d’absence de réformes, fondé sur l’hypothèse d’un taux de croissance du PIB par habitant inchangé par rapport à celui de la dernière décennie (Graphique 1.3). Bien que ces simulations s’accompagnent d’une incertitude considérable, il s’agit d’effets importants, qui seraient suffisants pour renouer avec une trajectoire de convergence des revenus vers ceux des pays de l’OCDE.
Dans ce contexte, les principaux messages de la présente Étude sont les suivants :
L’assainissement budgétaire prévu étaye la politique monétaire face à la forte inflation, et il est indispensable pour préserver la viabilité de la dette, mais il est nécessaire d’améliorer l’efficience des dépenses publiques et d’engager une réforme fiscale globale pour accroître progressivement les recettes publiques en vue d’améliorer les services publics, de combler les écarts entre régions et d’offrir de meilleures perspectives à l’ensemble des Péruviens et Péruviennes.
Pour relever le niveau de vie et la croissance à long terme, il faudra accroître la productivité et l’investissement, en promouvant la concurrence, l’innovation et la diversification des exportations, en améliorant les infrastructures, ainsi qu’en renforçant la gouvernance et l’état de droit. La lutte contre la corruption et l’augmentation des capacités de l’État aux échelons national et infranational favoriseraient la prestation efficace de services publics de qualité.
Pour assurer une prospérité plus largement partagée, il est nécessaire de renforcer les incitations à la création d’emplois formels en réduisant les coûts de main-d’œuvre non salariaux, en assouplissant la réglementation de l’emploi permanent, en élargissant progressivement l’accès à des prestations de retraite, des soins de santé et des services d’éducation de qualité, et en modifiant en profondeur les régimes de sécurité sociale. La stabilité politique et l’établissement d’un consensus seront essentiels pour permettre la mise en œuvre d’un programme complet de réformes structurelles.
L’économie est résiliente mais les risques sont importants
L’activité a marqué le pas et l’inflation reste élevée
L’activité économique a ralenti après avoir fortement rebondi à la suite de la pandémie de COVID-19 (Graphique 1.4). Après la grave récession de 2020, marquée par une chute de 11 % du PIB due à la pandémie, l’économie s’est vigoureusement redressée et a enregistré une croissance de 13.3 % en 2021. À la fin de 2021, le PIB était supérieur de 2 % à son niveau d’avant la pandémie. En 2022, la croissance économique a été modeste, s’établissant à 2.7 %, contre 3.2 % en moyenne sur la période 2016-19. Le ralentissement a été particulièrement marqué au second semestre, l’économie n’ayant progressé que de 1.7 % sous l’effet de la forte incertitude politique et de l’inflation, ainsi que du fléchissement de la demande extérieure causé par la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. Le taux de croissance a encore diminué vers la fin de 2022 sur fond de troubles sociaux. L’activité économique a continué de reculer, se contractant de 0.4 % au premier trimestre et de 0.5 % au deuxième trimestre de 2023 en glissement annuel.
La faible croissance enregistrée en 2022 s’explique par l’atténuation du rebond consécutif à la pandémie de COVID-19 et par les perturbations liées aux mouvements sociaux dans le secteur minier. La conflictualité dans le secteur minier a atteint un niveau sans précédent depuis 2017, paralysant la construction et la production dans le secteur. Le faible niveau de confiance des entreprises a entraîné un recul de l’investissement privé. Le pouvoir d’achat des ménages a été érodé par la forte inflation et la hausse des coûts de financement ; bien que ces facteurs aient freiné la consommation privée, celle-ci a été soutenue par le déploiement réussi de la campagne de vaccination contre le COVID-19, sachant que 85 % de la population totale était complètement vaccinée en décembre 2022, ainsi que par plusieurs vagues de retrait des fonds de pension privés et des caisses d’assurance-chômage. Parmi les autres facteurs expliquant le ralentissement de la croissance figurent le démantèlement des mesures de relance budgétaire liées à la pandémie, les pénuries d’engrais et l’érosion de gains importants des termes de l’échange, ainsi que le tassement de la demande extérieure dans le contexte de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.
Les troubles sociaux, qui ont duré de la fin 2022 au début mars 2023, ont nui à l’économie en entraînant une dégradation des infrastructures, un recul du tourisme et une baisse de la production minière. En mars, un cyclone qui s’est accompagné de fortes pluies dans le nord du pays a en outre provoqué des pertes économiques, et le phénomène météorologique extrême El Niño a nui aux secteurs de la pêche et de l’agriculture au deuxième trimestre de cette année. La contraction du PIB enregistrée au premier semestre de 2023 s’explique par une progression plus faible de la consommation privée (0.3 % en glissement annuel) et par un recul marqué de l’investissement privé (-9 % en glissement annuel) en l’absence de nouveaux mégaprojets miniers. Le secteur du tourisme, qui représentait 4 % du PIB en 2019, a fortement pâti des manifestations et n’a pas encore retrouvé son niveau antérieur à la pandémie. L’agriculture, la pêche et la construction ont également été durement éprouvées au premier semestre de cette année. Le secteur minier, qui représente 10 % du PIB, a lui aussi été touché, certaines mines de cuivre ayant suspendu leurs activités en janvier et février. Néanmoins, il a rebondi tandis que les troubles sociaux et les barrages routiers diminuaient et que la nouvelle mine de cuivre, Quellaveco, entrait en exploitation. L’augmentation de 12 % enregistrée au premier semestre de cette année illustre de manière évidente ce redressement. La forte hausse de l’investissement public de l’administration centrale au premier semestre de 2023 a contribué à atténuer le ralentissement économique, malgré le recul de l’investissement des administrations infranationales. Ce recul a été moins marqué que lors des premières années antérieures au pouvoir des nouvelles autorités régionales et municipales.
En 2022, les tensions inflationnistes ont été alimentées par le niveau élevé des prix des produits alimentaires et de l’énergie, la dépréciation du taux de change et les perturbations des chaînes de valeur mondiales, reflétant l’évolution de la situation mondiale. La guerre en Ukraine a accentué les tensions inflationnistes, provoquant des pénuries d’engrais qui ont nui à la production agricole et dégradé les termes de l’échange du Pérou (Graphique 1.5). En conséquence, le déficit des paiements courants s’est creusé, s’établissant à 4 % du PIB en 2022, soit au-dessus de ses niveaux historiques. Au début de 2023, les barrages routiers, les manifestations sociales, les fortes pluies et la grippe aviaire ont encore accentué les tensions inflationnistes. Le taux d’inflation annualisé sur des périodes plus courtes a toutefois diminué depuis la mi-2022. L’inflation frappe plus durement les plus vulnérables : les ménages extrêmement pauvres ont fait face à une hausse des prix supérieure de 5 points de pourcentage à celle subie par le ménage moyen (OCDE et al., 2022[4]). Afin d’amortir les effets de la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires et du ralentissement de l’économie, le gouvernement a mis en œuvre plusieurs mesures temporaires générales et ciblées depuis 2022 (Encadré 1.2).
Encadré 1.2. Mesures adoptées pour atténuer les effets du renchérissement des produits alimentaires et de l’énergie et du ralentissement de la croissance
En 2022, le gouvernement a mis en œuvre diverses mesures visant à réduire autant que possible les effets de l’inflation sur les consommateurs. Ces mesures ont notamment consisté à prolonger jusqu’en décembre 2022 l’inclusion de certains carburants dans le champ d’application du Fonds de stabilisation des prix des combustibles et à augmenter temporairement la valeur des chèques octroyés au titre du Fonds d’inclusion sociale liée à l’énergie pour l’achat de gaz de pétrole liquéfié à usage domestique. Les autorités ont également adopté des mesures fiscales, telles que l’exonération pendant trois mois de la taxe sélective à la consommation appliquée à l’essence, ainsi que l’exonération de la TVA sur les produits essentiels. À mesure de la suppression progressive de ces aides, la couverture et les prestations des programmes de transferts monétaires ont été temporairement étendues. En outre, pour remédier à la pénurie d’engrais et au coût élevé de ces produits, le gouvernement a acheté et livré des engrais azotés aux producteurs agricoles dans tout le pays.
Récemment, le gouvernement a lancé une série de trains de mesures de relance baptisée Con Punche Perú, représentant 0.8 % du PIB, dans le but de soutenir l’économie et de limiter l’impact du niveau élevé des prix alimentaires, face aux vents contraires extérieurs et aux troubles politiques et sociaux. Il s’agit du deuxième plan de relance, le premier ayant été lancé en septembre 2022 sous le nom d’Impulso Perú. Le plan de relance Con Punche Perú, lancé en décembre 2022, et ses prolongements du premier semestre de 2023 (Con Punche Emergencia-FEN et Con Punche Perú 2) ont essentiellement pour objectif d’aider les ménages à faible revenu en augmentant de manière temporaire et ciblée les prestations accordées dans le cadre certains programmes sociaux, ainsi que prévenir le phénomène El Niño. Ils visent également à accroître les économies régionales et à redynamiser les secteurs durement éprouvés, tels que le tourisme et l’agriculture. La majeure partie des financements servira à faire avancer des projets d’infrastructures publiques comme des systèmes d’irrigation, des réseaux de gaz naturel, des hôpitaux et des écoles. Le plan de relance a en outre pour but de renforcer l’industrie navale, d’encourager l’investissement dans les ports et les aéroports, ainsi que de promouvoir les transports publics durables. Afin de soutenir les petites et moyennes entreprises (PME), le plan permet le report des remboursements de prêts et prévoit la mise en place de dispositifs de crédits garantis par l’État pour les micro- et petites entreprises. Les autorités s’efforcent par ailleurs de supprimer les procédures bureaucratiques qui entravent l’activité économique dans le secteur privé, en particulier dans le secteur minier. En vue de remédier à la sous-exécution attendue du budget par les nouvelles autorités régionales et locales, l’administration centrale renforce l’assistance technique et recrute des chefs de projet expérimentés pour améliorer l’exécution des projets. Le ministère des Finances s’emploie actuellement à mettre en œuvre d’autres mesures destinées à favoriser l’investissement public et privé, comme la simplification des procédures d’obtention d’autorisations, la promotion des partenariats public-privé et la mise à jour du cadastre fiscal. Les autorités prévoient en outre de prolonger certaines mesures d’exonération fiscale, telles que le remboursement de la TVA payée par les touristes étrangers et au titre de l’importation de biens dans le cadre du projet de système électrique de transport en commun dans les villes de Lima et Callao.
Pour lutter contre les tensions inflationnistes apparues depuis la pandémie, les autorités monétaires ont mené une politique volontariste de relèvement des taux d’intérêt entre décembre 2020 et février 2023, qui s’est traduite par une hausse cumulée de 725 points de base (Graphique 1.6). Ces relèvements de taux ont sensiblement durci les conditions financières, ce qui a entraîné une hausse du taux d’intérêt réel ex ante, qui est passé de -0.1 % en décembre 2019 à près de 2.8 % en décembre 2022. L’inflation globale a commencé à diminuer par rapport au pic de 8.8 % qu’elle avait atteint en juin 2022, mais elle reste au-dessus de la fourchette retenue comme objectif, s’établissant à 5.6 % en août 2023. Les autorités monétaires ont réduit le taux directeur de 25 points de base en septembre 2023 pour le ramener à 7.5 %, après l’avoir laissé inchangé pendant sept mois, compte tenu du fléchissement des anticipations d’inflation et du ralentissement de l’activité économique. Après avoir atteint un sommet de 5.9 % en mars, l’inflation sous-jacente a également diminué pour s’établir à 3.8 % en août, les prix des biens comme des services refluant peu à peu. Les prix de l’énergie ont reculé et les effets de facteurs internes tels que la grippe aviaire et les pénuries d’engrais commencent à se dissiper. Les anticipations d’inflation à 12 mois refluent et s’établissaient à 3.4 % en août, et l’écart de production demeure négatif. Dans les temps à venir, les autorités monétaires devraient maintenir les taux directeurs à des niveaux élevés afin de ramener l’inflation vers l’objectif et d’ancrer fermement les anticipations d’inflation. Il est possible de continuer à assouplir modérément la politique monétaire, à condition que les tensions inflationnistes diminuent nettement et que les anticipations d’inflation reviennent vers l’objectif.
L’emploi a retrouvé son niveau antérieur à la pandémie, mais la qualité des emplois s’est dégradée, l’emploi informel ayant dépassé son niveau d’avant la pandémie (Graphique 1.7, partie A). Le taux de chômage est tombé de 7.4 % en 2020 à 4.3 % en 2022, mais il reste supérieur à son niveau d’avant la pandémie. Les taux d’emploi des plus jeunes (tranche d’âge allant jusqu’à 24 ans) et au sein des entreprises de plus de 50 salariés ne se sont pas encore redressés. Bien que le taux d’emploi des femmes ait retrouvé son niveau d’avant la pandémie, sa croissance a été plus lente que celle du taux d’emploi des hommes et tenait essentiellement à l’augmentation du travail informel des femmes (Graphique 1.7, parties B et C). Cela tient notamment au fait que l’emploi dans le secteur des services, qui constitue une source d’emplois importante (Graphique 1.8, partie A), n’a pas encore renoué avec son niveau d’avant la pandémie, en particulier chez les femmes. Qui plus est, un grand nombre de femmes restent encore en marge du marché du travail après avoir été fortement touchées pendant la pandémie de COVID-19, lorsqu’elles ont été nombreuses à quitter le marché du travail pour s’occuper de personnes âgées ou de leurs enfants du fait de la fermeture prolongée des établissements scolaires. Le taux d’activité des femmes, quoique supérieur à celui observé dans d’autres pays d’Amérique latine, s’établissait à 63.5 % à la fin de 2022, contre 79 % pour les hommes, et reste inférieur à son niveau de 2019, soit 65.6 %. L’accès restreint à des services d’accueil des jeunes enfants de qualité limite encore la participation des femmes au marché du travail. Bien que l’emploi informel soit très répandu parmi l’ensemble de la main-d’œuvre et des secteurs (Graphique 1.8, partie B), les femmes sont plus susceptibles d’occuper des emplois informels, sachant que le taux de l’emploi informel féminin est supérieur de 7 points de pourcentage à celui des hommes.
La croissance économique restera faible dans un contexte marqué par l’incertitude
La croissance économique devrait s’établir à 1.1 % en 2023, puis s’accélérer progressivement pour atteindre 2.7 % en 2024 (Tableau 1.1). L’incertitude politique, les phénomènes météorologiques extrêmes ainsi que le niveau élevé des taux d’intérêt et de l’inflation pèsent sur la consommation et l’investissement privés. Les efforts déployés par les pouvoirs publics pour relancer l’investissement dans les infrastructures, de même que plusieurs projets de partenariat public-privé (PPP) annoncés, soutiendront l’investissement. L’investissement public à l’échelon infranational devrait s’avérer limité du fait de la forte rotation des effectifs consécutive aux élections locales, mais les initiatives prises par les autorités nationales pour dispenser une formation aux autorités locales atténueront en partie cet effet. L’inflation devrait converger lentement vers la fourchette cible de 1-3 % d’ici au début de 2024, ce qui permettra un assouplissement de la politique monétaire et soutiendra la consommation et l’investissement des ménages. Le redressement du tourisme et de la production de cuivre stimulera les exportations. Ces facteurs, conjugués à l’amélioration du compte des services découlant de la normalisation du tourisme et de la baisse des rapatriements de bénéfices des entreprises étrangères due au recul des prix des métaux, réduiront le déficit des paiements courants.
Tableau 1.1. Indicateurs macroéconomiques
Comptes nationaux (variations en pourcentage, en volume, prix de 2015) |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Produit intérieur brut (PIB) |
2.5 |
3.9 |
2.3 |
-10.8 |
13.3 |
2.7 |
1.1 |
2.7 |
Consommation privée |
2.8 |
3.8 |
3.2 |
-9.7 |
12.3 |
3.5 |
0.8 |
2.1 |
Consommation publique |
2.9 |
2.9 |
3.6 |
8.5 |
5.2 |
-0.9 |
2.6 |
1.2 |
Formation brute de capital fixe |
1.1 |
4.8 |
2.9 |
-16.5 |
34.2 |
0.7 |
-5.0 |
1.8 |
Variation des stocks1 |
-0.3 |
0.2 |
-0.5 |
-1.7 |
-0.6 |
0.0 |
-3.2 |
0.1 |
Demande intérieure totale |
2.0 |
4.0 |
2.6 |
-10.6 |
15.2 |
2.3 |
-3.9 |
2.1 |
Exportations de biens et services |
9.1 |
3.4 |
0.3 |
-16.3 |
19.1 |
6.0 |
13.5 |
5.7 |
Importations de biens et services |
7.1 |
3.6 |
1.6 |
-15.4 |
26.2 |
4.2 |
-2.8 |
2.6 |
Solde extérieur1 |
0.5 |
-0.1 |
-0.4 |
-0.2 |
-2.0 |
0.4 |
4.6 |
0.7 |
Autres indicateurs (taux de croissance, sauf indication contraire) |
||||||||
Taux de chômage (% de la population active) |
4.3 |
4.0 |
4.0 |
7.7 |
5.9 |
4.4 |
4.7 |
4.0 |
Indice des prix à la consommation (IPC) |
2.8 |
1.3 |
2.1 |
1.8 |
4.0 |
7.9 |
6.8 |
3.2 |
Indice des prix à la consommation (variation de T4 à T4) |
1.4 |
2.2 |
1.9 |
2.0 |
6.4 |
8.5 |
5.2 |
2.6 |
IPC sous-jacent |
2.5 |
2.1 |
2.4 |
1.9 |
2.2 |
4.7 |
4.6 |
2.9 |
IPC sous-jacent (variation de T4 à T4) |
2.1 |
2.2 |
2.3 |
1.8 |
3.2 |
5.6 |
3.6 |
2.6 |
Solde des paiements courants (% du PIB) |
-0.8 |
-1.2 |
-0.6 |
1.1 |
-2.3 |
-4.1 |
-1.8 |
-1.6 |
Solde budgétaire (% du PIB)2 |
-3.0 |
-2.3 |
-1.6 |
-8.9 |
-2.5 |
-1.7 |
-2.4 |
-2.0 |
Solde primaire (% du PIB)2 |
-1.8 |
-1.0 |
-0.2 |
-7.3 |
-1.0 |
-0.1 |
-0.8 |
-0.3 |
Dette du secteur public (brute, % du PIB)2 |
24.7 |
25.6 |
26.6 |
34.6 |
35.9 |
33.8 |
33.6 |
33.5 |
1. Contribution aux variations du PIB réel.
2. Prévisions du ministère de l’Économie et des Finances figurant dans son rapport sur le cadre macroéconomique pluriannuel 2024-2027.
Source : Projections de l’OCDE, Perspectives économiques de l’OCDE (base de données) ; Institut national de statistiques et d’informatique (INEI, El Instituto nacional de Estadística e Informática) ; Banque centrale de réserve du Pérou (BCRP) ; et ministère de l’Économie et des Finances, « Informe de actualización de proyecciones macroeconómicas 2023-2026 ».
Des risques à la baisse considérables entourent les perspectives économiques à court et à long terme
Pour l’heure, les risques intérieurs comme extérieurs sont exceptionnellement élevés et orientés de manière prédominante à la baisse (Tableau 1.2). Sur le plan extérieur, des tensions inflationnistes persistantes dans les économies avancées pourraient exiger un durcissement des conditions financières. Un brusque changement de perception sur les marchés mondiaux de capitaux, éventuellement lié à une évolution inattendue de la politique monétaire dans les économies avancées ou aux récents phénomènes de volatilité financière, pourrait limiter les entrées de capitaux et accroître les coûts de financement des économies de marché émergentes comme le Pérou. Les tensions géopolitiques mondiales pourraient accentuer la dépréciation de la monnaie péruvienne et aggraver du même coup les tensions inflationnistes. Un ralentissement plus marqué de l’activité en Chine, qui est le principal partenaire commercial du Pérou et la destination de 30 % de ses exportations environ (Tableau 1.2 et Graphique 1.9), constitue un autre risque pesant sur la croissance, et pourrait entraîner une dégradation des termes de l’échange, ce qui creuserait le déficit des paiements courants, même si celui-ci est financé en grande partie par l’investissement direct étranger (Graphique 1.10, partie A). En outre, la dette extérieure a nettement augmenté (Graphique 1.10, partie B), quoique à partir d’un faible niveau initial, accentuant la vulnérabilité du Pérou vis-à-vis des conditions financières mondiales. L’exposition du Pérou aux brusques variations des cours du cuivre et d’autres minéraux constitue une autre source de vulnérabilité, même si des baisses de prix à long terme sont peu probables, étant donné que le cuivre est un intrant essentiel de la transition énergétique mondiale vers l’électricité produite à partir de ressources renouvelables. Ces risques sont atténués par l’ampleur des réserves de change (Graphique 1.10, partie C), qui représentaient environ 71 % de la dette extérieure ou 30 % du PIB de 2022, un secteur financier résilient, un large accès aux marchés financiers internationaux, et une dette publique modeste. Ces amortisseurs sont complétés par un accord au titre de la ligne de crédit modulable (LCM) conclu pour deux ans avec le Fonds monétaire international (FMI). Les risques de divergence à la hausse par rapport aux perspectives de croissance résident dans un niveau plus élevé que prévu des prix des produits de base, une expansion économique mondiale plus forte qu’on ne s’y attend et une reprise de l’économie chinoise plus rapide qu’on ne l’anticipe.
Tableau 1.2. Vulnérabilités potentielles majeures à moyen terme
Facteur d’incertitude |
Conséquences possibles |
---|---|
Catastrophes naturelles et risques environnementaux liés au changement climatique. |
Précipitations extrêmes, sécheresses, inondations, transmission d’infections virales, insécurité alimentaire et hydrique, rationnement de l’eau et dégâts subis par les infrastructures, qui auraient un impact négatif sur le PIB par habitant et la viabilité budgétaire. |
Incertitude politique intérieure accrue et prolongée et troubles sociaux. |
L’incertitude liée à l’action publique pourrait provoquer une paralysie des réformes, étouffer l’investissement privé et entraîner des sorties de capitaux. |
Ralentissement ou récession brusque de l’économie mondiale et fléchissement de la croissance économique en Chine. |
Baisse des prix des exportations, dégradation des termes de l’échange et réduction des exportations ainsi que de la croissance. |
Accentuation des tensions financières mondiales. |
Sorties de capitaux correspondant à un mouvement de fuite vers les placements sûrs, qui provoquerait une nouvelle dépréciation de la monnaie, dégraderait les perspectives d’évolution de la dette extérieure libellée en dollars et entraînerait une augmentation soudaine des primes de risque. |
Les facteurs intérieurs de vulnérabilité qui pèsent sur la croissance économique du Pérou à long terme résident notamment dans une instabilité politique prolongée et de nouvelles flambées de troubles sociaux. Les perspectives économiques peu encourageantes, la forte inflation et la fragmentation du paysage politique accentuent le risque de nouveaux troubles sociaux et de confrontation politique. Le pays est dans une situation de crise politique depuis 2016 : six présidents se sont succédé au cours de cette période, et le Congrès et le gouvernement ont fréquemment changé. Cela a affaibli les institutions, ce qui pourrait entraîner à terme une paralysie des réformes structurelles, indispensables pour favoriser la croissance économique et remédier à des problèmes d’iniquité sociale profondément enracinés. Une instabilité politique persistante peut également déboucher sur une augmentation des coûts d’emprunt et dégrader les perspectives d’évolution de la dette, ainsi que l’illustrent les révisions à la baisse de ces perspectives auxquelles ont récemment procédé Standard and Poors (en décembre 2022) et Moody’s (en janvier 2023) pour le Pérou. À l’inverse, une situation de stabilité politique pourrait favoriser l’émergence d’un consensus autour de réformes structurelles particulièrement nécessaires, dissiper l’incertitude liée à l’action publique intérieure et se traduire par une expansion économique plus forte.
Le Pérou est exposé à des risques environnementaux, liés en particulier au changement climatique et aux catastrophes naturelles, compte tenu de la diversité de sa situation géographique et de ses écosystèmes. Des activités humaines telles que la déforestation, l’exploitation minière illégale, la dégradation des sols et la pollution ont accentué l’exposition aux catastrophes naturelles telles que les inondations, les glissements de terrain et les sécheresses. Entre 2003 et 2021, le Pérou a connu plus de 61 000 urgences liées à des phénomènes naturels, parmi lesquels des séismes, des sécheresses et des glissements de terrain (MINAM, 2023[5]). Le phénomène météorologique extrême El Niño, qui se produit fréquemment, a aggravé les inondations dans tout le pays, et demeure un risque majeur entourant les perspectives. Pour l’heure, ses répercussions économiques semblent devoir être limitées, car il devrait être modéré cette année. Le changement climatique influe également sur la disponibilité de l’eau, qui est cruciale pour l’agriculture, la consommation humaine et la production d’énergie, le Pérou étant fortement tributaire des eaux de fonte glaciaire. Les ménages à faible revenu et ruraux sont plus largement exposés aux catastrophes naturelles et aux répercussions du changement climatique, ce qui accentue les inégalités d’origine climatique (Banque mondiale, 2023[6]).
Le changement climatique pourrait conduire à la disparition de nombreuses espèces, accentuer la vulnérabilité des forêts et entraîner des pertes économiques potentiellement considérables, ce qui aurait des répercussions négatives sur le bien-être de millions de Péruviens. On estime que chaque degré d’augmentation de la température se traduit par une amputation d’un point de pourcentage du taux de croissance du PIB par habitant chaque année (Chirinos, 2021[7]). Le changement climatique influera également sur l’évaluation des actifs et représente un important risque budgétaire éventuel. Ainsi, en 2017, un phénomène El Niño modéré a réduit de 1.7 point de pourcentage environ la croissance économique de cette année-là, endommageant des routes, des habitations, des ponts, des territoires agricoles, des établissements d’enseignement, des canaux d’irrigation, des routes rurales et des équipements sanitaires (Banque mondiale, 2022[8]). Les phénomènes potentiels de stress hydrique pourraient aussi entraîner des pertes de PIB importantes (CIES, 2021[9]). Les autorités de réglementation financière devraient continuer de s’employer à intégrer les risques liés au climat et aux catastrophes naturelles dans leurs tests de résistance et leurs outils de surveillance de la stabilité financière. Le ministère des Finances devrait aussi quantifier l’effet budgétaire et les risques associés au changement climatique dans ses prévisions pluriannuelles.
Les risques pesant sur la stabilité financière semblent circonscrits
Malgré les problèmes liés aux marchés de capitaux mondiaux, notamment l’accentuation des risques et de la volatilité, l’incertitude politique intérieure et la dégradation des perspectives de croissance, le système financier péruvien s’est montré résilient grâce à la solidité de son cadre réglementaire. Bien que certaines dispositions macroprudentielles aient été assouplies pendant la pandémie, les autorités ont rétabli des exigences de provisionnement et de fonds propres plus strictes au cours des deux dernières années, en vue de les harmoniser avec des normes internationales telles que les règles de Bâle III. En février 2023, le ratio de fonds propres de base s’établissait à 12.9 %, soit un niveau supérieur aux 6 % exigés, mais plus faible que ceux observés dans d’autres économies émergentes et dans les économies avancées (Graphique 1.11, parties A et B). Les bénéfices des banques ont retrouvé leur niveau d’avant la pandémie (Graphique 1.11, partie C) et des tests de résistance indiquent que le système financier péruvien pourrait surmonter des scénarios de graves difficultés (SBS, 2022[10]). Depuis janvier 2023 est en place une nouvelle structure relative aux capitaux propres des banques, qui comporte un volant de conservation des fonds propres et un volant de fonds propres applicable au risque systémique, conformément aux règles de Bâle III. Néanmoins, dans un contexte de durcissement des conditions financières, les autorités devraient surveiller de près les portefeuilles d’actifs des banques et leurs critères d’octroi de prêts. Les autorités pourraient prendre de nouvelles mesures, notamment en renforçant la surveillance des groupes financiers et en imposant la préparation de plans de résolution des défaillances aux groupes financiers et aux banques d’importance systémique intérieure.
Les banques péruviennes sont bien capitalisées et les risques de crédit semblent circonscrits. Le portefeuille de crédits a rebondi, dépassant son niveau d’avant la pandémie. Néanmoins, à la suite du démantèlement progressif des mesures d’aide aux emprunteurs, prenant notamment la forme d’une multitude de prêts garantis par l’État et de conditions souples d’ajustement des crédits, et du resserrement de la politique monétaire, la croissance du crédit a nettement ralenti, devenant même négative pour les prêts aux entreprises (Graphique 1.11, partie D). Les facteurs qui expliquent cette évolution sont la faible confiance des entreprises, la montée des coûts de la dette et la prudence des acteurs du système financier. Le taux de prêts non performants (PNP) a augmenté pour atteindre un point haut historique de 4 %, supérieur à la moyenne de l’OCDE, en particulier parmi les petites et moyennes entreprises (PME), pour lesquelles le taux de PNP dépasse 8 %. Le provisionnement des pertes sur ce type de prêts est cependant conséquent (Graphique 1.11, parties E et F), puisque le taux de couverture des PNP s’établissait à 113 % à la mi-2022 (SBS, 2022[10]). La proportion de PNP parmi les crédits aux PME et leurs arriérés de remboursement ne devraient pas constituer un risque majeur, étant donné que les petites et moyennes entreprises représentent 26 % de l’ensemble des prêts. Les établissements ruraux de microfinancement présentent toujours des faiblesses (notamment des utilités négatives), liées dans une large mesure à la diversification insuffisante de leurs portefeuilles de prêts, et il pourrait être nécessaire qu’elles continuent de bénéficier des facilités spéciales de crédit qui ont permis de circonscrire les risques jusqu’ici (FMI, 2023[11]). Les risques de contagion sont cependant négligeables, étant donné que les établissements de microfinancement représentent moins de 0.5 % des actifs totaux du système financier.
Six retraits exceptionnels des comptes d’épargne-retraite privés intervenus depuis 2020, représentant la moitié des actifs du système de retraite et environ 10 % du PIB, ont contraint les fonds de pension à vendre des actifs à long terme, ce qui a réduit la profondeur du marché des capitaux et asséché l’épargne-retraite des ménages. Le Chili a connu un phénomène similaire. Ces retraits étaient initialement destinés à soutenir les ménages dans le contexte de la pandémie de COVID-19. De fait, ils ont contribué à limiter la contraction de la demande intérieure, mais ils ont sensiblement amoindri la valeur des actifs détenus par les fonds de pension. Cela a ensuite réduit la capacité du marché local d’absorber la dette publique et de financer le déficit budgétaire, si bien que l’État a accru ses emprunts sur les marchés extérieurs et en devises, ce qui a dégradé la composition de sa dette. Les taux d’intérêt locaux à long terme ont augmenté, et l’échéance des obligations émises par les banques, les entreprises et le Trésor s’est raccourcie (BCRP, 2021[12]). De nouveaux retraits des fonds de pension pourraient entraîner une baisse soudaine des cours des actifs à revenu fixe et des actions, ce qui se répercuterait sur la valeur des sociétés d’assurance, des organismes de placement collectif, des banques et des administrateurs de fonds de pension, affectant la stabilité macrofinancière du pays. Dans les temps à venir, les autorités vont devoir réformer en profondeur le système de retraite pour remédier aux problèmes posés de longue date par sa très faible couverture et le très bas niveau des prestations, mais il sera essentiel de limiter les retraits anticipés des dispositifs d’épargne-retraite aux cas spécifiquement prévus par la loi, comme indiqué dans le chapitre 3 de cette Étude, pour pouvoir bénéficier de marchés de capitaux plus profonds.
Le secteur financier est exposé à la volatilité des taux de change compte tenu de la part importante des crédits et des dépôts libellés en dollars, qui est plus élevée que dans la plupart des autres économies de marché émergentes (Graphique 1.12), même si ce problème est atténué par l’ampleur des réserves obligatoires. Les prêts en devises représentaient 24 % du total des crédits en novembre 2022. Les ménages et les entreprises péruviens se caractérisent par des ratios prêts/dépôts libellés en devises de 17 % et 142 % respectivement. La forte dollarisation du secteur des entreprises concerne essentiellement les grandes et moyennes entreprises (qui représentent respectivement 55 % et 26 % de l’ensemble des crédits). Elles ont cependant souvent accès à des instruments de couverture et le risque de crédit en devises, qui mesure la proportion de prêts libellés en dollars accordés à des agents économiques dépourvus de sources de revenus en dollars, auquel elles étaient exposées s’établissait à 15 % pour les premières et à 12 % pour les secondes. Les positions de change couvertes varient cependant selon les secteurs. Ainsi, les secteurs des services, de l’électricité et de la distribution d’eau se caractérisent par des positions de change non couvertes plus importantes (FMI, 2023[11]). Caractérisées par un taux élevé de dollarisation des dépôts (35 %), les banques disposent toutefois de réserves liquides suffisantes en devises pour se couvrir contre une dépréciation de la monnaie nationale.
Les autorités péruviennes de réglementation financière ont adopté plusieurs mesures de dédollarisation depuis le début des années 2000 pour réduire le risque de change direct dans le secteur bancaire (FMI, 2022[13]), et la dollarisation a nettement diminué (Graphique 1.12, partie A). Parmi les facteurs ayant contribué au processus de dédollarisation figurent la stabilité macroéconomique, le développement du marché des capitaux en monnaie locale, notamment via l’émission par les administrations publiques et les entreprises d’emprunts à long terme en soles, et les dispositions macroprudentielles, en particulier les coefficients de réserves obligatoires plus élevés applicables aux dépôts en dollars (Garcia-Escribano, 2011[14]). En 2013, la Banque centrale de réserve du Pérou (BCRP) a lancé un programme de dédollarisation conjuguant des coefficients de réserves obligatoires fondés sur des plafonds d’encours de crédits en devises et de nouveaux instruments destinés à fournir des liquidités en monnaie locale et une couverture contre le risque de change, afin de convertir des prêts libellés en dollars en crédits libellés en soles, ce qui a contribué à accélérer la dédollarisation (BCRP, 2019[15]). Le taux de dollarisation de l’ensemble des crédits a chuté de 41 % en décembre 2014 à 20 % en décembre 2021. Le taux de dollarisation des prêts aux ménages a sensiblement diminué, passant de 36 % à 9 % pour les crédits hypothécaires et de 71 % à 13 % pour les crédits automobiles au cours de la même période.
Cette dollarisation persistante, quoique plus faible, rend nécessaires des interventions fréquentes de la banque centrale sur le marché des changes, destinées à éviter une volatilité excessive (Graphique 1.12, partie B), entrave la transmission de la politique monétaire et constitue une source de risques pour la stabilité financière. Ces interventions font suite à des chocs de grande ampleur ou à des frictions, liées par exemple au manque de profondeur du marché des changes ou à d’importantes asymétries de devises, qui seraient susceptibles de remettre en cause les objectifs de préservation de la stabilité des prix et de la stabilité financière poursuivis par la banque centrale, en l’absence de réaction de sa part. La proportion de jours dans l’année au cours desquels la banque centrale est intervenue sur le marché des changes a diminué à partir de 2016, pour atteindre un point bas de 4 % en 2019. Elle a cependant augmenté au cours des dernières années pour s’établir à 59 % en 2022, les contrats d’échange de devises supplantant, en termes de volume, les opérations au comptant. Compte tenu des asymétries de devises existantes et du manque de profondeur du marché des changes, les interventions sur ce marché sont globalement adaptées à sa volatilité, alimentée par les conditions financières mondiales restrictives, l’incertitude politique intérieure et les retraits d’épargne des fonds de pension. Ces interventions permettent de réduire les risques inhérents à la dollarisation financière sans affecter l’évolution du taux de change réel, tout en ancrant la stabilité financière nécessaire à la croissance à long terme (BCRP, 2021[16]). Plus récemment, sous l’effet de l’appréciation tendancielle du sol péruvien depuis juin 2023, la banque centrale a multiplié ses interventions sur le marché des contrats d’échange de devises. Le taux de change de la monnaie péruvienne est le moins fluctuant d’Amérique latine et figure parmi les plus stables des économies de marché émergentes.
Limiter progressivement les interventions sur le marché des changes à des opérations ciblées et conditionnées par des événements précis permettrait aux agents économiques de mieux internaliser les risques de change, ainsi que de stimuler le développement des marchés d’actifs libellés en monnaie locale, ce qui réduirait les asymétries de devises et favoriserait la dédollarisation. Réaliser des interventions moins nombreuses et plus ciblées, notamment en fonction de la situation du marché, et favoriser un approfondissement du marché encouragerait le secteur privé à élaborer des instruments de couverture (FMI, 2023[11]). Bien que de nombreux agents économiques péruviens disposent d’une couverture naturelle, résidant par exemple dans une facturation en dollars, un approfondissement du marché des contrats de change à terme bénéficierait à la majorité de ceux qui n’ont pas encore accès à des moyens de couverture. Cela permettrait au taux de change de jouer un rôle plus important d’amortisseur de chocs et renforcerait la transmission de la politique monétaire. Cela contribuerait également à diversifier les exportations, en étayant la croissance d’exportations non traditionnelles (Adler, Magud et Werner, 2017[17]).
Pour faciliter l’essor des instruments de couverture et la poursuite de la dédollarisation, il est important de veiller à l’approfondissement du marché des changes et du marché des produits financiers dérivés. Il est possible de le faire en mettant en place un cadre réglementaire qui garantisse le bon fonctionnement des marchés de produits dérivés et fournisse des orientations claires aux acteurs du marché. En outre, le développement des plateformes de négociation, des chambres de compensation et des systèmes de règlement est crucial pour faciliter les transactions sur produits dérivés, qui progressent depuis 2014. Les autorités peuvent collaborer avec les établissements financiers et d’autres parties prenantes pour créer des partenariats et des initiatives favorisant le développement du marché des produits financiers dérivés, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME), dont la participation au marché peut être plus coûteuse. Ainsi, la Banque nationale de développement économique et social (BNDES) du Brésil apporte une assistance technique aux PME en matière de stratégie de gestion des risques.
Le cadre macroéconomique pourrait être encore renforcé
La politique monétaire a acquis une forte crédibilité au Pérou, compte tenu de ses solides résultats en termes d’ancrage des anticipations d’inflation, par rapport à un objectif de 2 % assorti d’une marge de fluctuation de +/-1 point de pourcentage. L’indépendance de la Banque centrale de réserve du Pérou (BCRP) a contribué de manière essentielle à assurer la stabilité macroéconomique et financière depuis sa création au cours des années 1990, et elle a joué un rôle crucial pendant la récession liée à la pandémie et lors des chocs plus récents. La BCRP a soutenu la reprise en abaissant son taux directeur et en fournissant d’abondantes liquidités, ce qui a contribué de manière déterminante à préserver la stabilité financière et à faciliter la distribution du crédit. Plus récemment, elle a relevé à point nommé son taux directeur pour juguler les tensions inflationnistes.
Bien que le cadre de gouvernance de la BCRP soit globalement conforme aux meilleures pratiques internationales et fournisse de solides garanties juridiques en termes d’autonomie opérationnelle et d’obligation de rendre des comptes, il serait possible de renforcer encore son autonomie. Son conseil d’administration est composé de sept membres. Quatre d’entre eux, dont son président, sont nommés par le pouvoir exécutif, sous réserve de l’approbation du Congrès, qui sélectionne les trois autres. Le renvoi d’un membre du conseil d’administration doit nécessairement être motivé. Néanmoins, le fait que la nomination du président et des autres membres du conseil d’administration coïncide avec le début du mandat du Président de la République représente une menace potentielle pour l’autonomie de la banque centrale et l’expose au risque d’ingérence politique, même s’il ne s’est jamais réalisé jusqu’ici.
Un cadre budgétaire sain, étayé par des règles budgétaires et une institution budgétaire indépendante (Tableau 1.3), a contribué à la solidité des finances publiques, à la faiblesse de la dette publique et à l’ampleur des marges de manœuvre budgétaires. Le cadre budgétaire actuel du Pérou, créé en 1999 pour stabiliser l’économie et favoriser la croissance, repose sur des règles budgétaires relatives au déficit, aux dépenses publiques et à la dette publique. Ces règles ont été consacrées par la loi sur la responsabilité et la transparence budgétaires, qui a été actualisée en 2013 et renforcée depuis par des mesures de transparence et de responsabilisation. Un fonds de stabilisation budgétaire a été créé en 1999, ce qui a permis de constituer d’amples marges de manœuvre budgétaires pendant le super-cycle des produits de base. Un conseil budgétaire a été mis sur pied en 2016 pour veiller au respect de ce cadre. Le cadre budgétaire du Pérou est considéré comme un modèle à suivre en termes de gestion budgétaire, et il a contribué à donner au pays un rôle de premier plan en matière de gouvernance économique en Amérique latine.
Tableau 1.3. Principaux éléments actuels du cadre budgétaire péruvien
Instrument |
Description |
|
---|---|---|
Règles budgétaires |
Règle relative à la dette du secteur public non financier. Règle relative au déficit du secteur public non financier. Règle relative aux dépenses non financières des administrations publiques. Règle relative aux dépenses courantes des administrations publiques. Règles applicables aux administrations régionales et locales. |
La dette publique ne peut excéder 30 % du PIB. Dans les cas exceptionnels de volatilité financière, et sous réserve que les autres règles soient respectées, elle peut s’écarter temporairement de ce plafond de 4 points de PIB au maximum. Le déficit budgétaire ne doit pas être supérieur à 1.0 % du PIB. La croissance annuelle des dépenses non financières des administrations publiques est limitée au taux de croissance annuelle réelle de l’économie calculé sur une période de 20 ans (couvrant les 15 années précédentes ainsi que l’année en cours et les 4 années à venir, pour lesquelles on utilise des prévisions) augmenté de 1 point de pourcentage. La croissance des dépenses courantes des administrations publiques (hors dépenses d’entretien) est limitée au taux de croissance annuelle réelle de l’économie calculé sur une période de 20 ans diminué de 1 point de pourcentage, et elle ne peut être supérieure à la croissance des dépenses non financières. Encours total de la dette ≤ moyenne annuelle des recettes courantes totales des 4 dernières années ; recettes courantes totales ≥ dépenses courantes non financières. |
Gestion macroéconomique |
Clauses dérogatoires. Fonds de stabilisation budgétaire. |
En période d’urgence nationale ou de crise internationale, ou lorsque le PIB réel diminue, les règles peuvent être suspendues ou modifiées. À cette fin, le gouvernement doit présenter au Congrès un projet de loi décrivant explicitement la trajectoire qui permettra de revenir aux paramètres normaux. Le fonds est financé à l’aide des ressources restantes sur les comptes du Trésor, après déduction des contributions à la Réserve secondaire de liquidités, d’une partie des recettes provenant des concessions et d’une partie des recettes de privatisation. Ces ressources peuvent être utilisées pour financer des dépenses lorsqu’on prévoit une baisse des recettes, lorsque le PIB réel diminue ou en cas d’urgence nationale ou de crise internationale. |
Cadre institutionnel, transparence et obligation de rendre des comptes |
Cadre macroéconomique pluriannuel intégrant une évaluation des éléments de passif éventuel explicites et une analyse des risques budgétaires. Il s’agit d’un document dans lequel le gouvernement est tenu de rendre publiques les prévisions macroéconomiques sur lesquelles se fonde le budget public pour l’année en cours et les suivantes. Actualisation du cadre macroéconomique pluriannuel. Déclaration de conformité aux règles budgétaires. Rapports de suivi. Conseil budgétaire indépendant. |
Source : Secrétariat de l’OCDE.
Le conseil budgétaire contribue de manière essentielle et constructive à étayer le cadre budgétaire du Pérou depuis sa création (BID, 2019[18]). Les avis non contraignants de l’institution sur la stratégie budgétaire, le respect des règles budgétaires, l’évaluation des prévisions budgétaires et les risques budgétaires émergents sont rendus publics en temps utile et objectives. Des modifications intervenues il y a peu ont renforcé l’indépendance du conseil, comme la récente obligation que le comité soit constitué de cinq membres dotés de capacités techniques avérées, nommés par le ministère de l’Économie et des Finances à partir d’une liste de candidats présélectionnés par le Conseil budgétaire. Le président du conseil budgétaire est choisi par ses membres. Le secrétariat technique du conseil budgétaire est maintenant considéré comme l’équivalent d’un organisme public de réglementation, ce qui lui permet de mieux rémunérer son personnel technique et contribue ainsi à renforcer ses capacités techniques. Il est cependant possible d’améliorer encore son indépendance opérationnelle. Si le gouvernement consultait systématiquement le conseil budgétaire en cas de modification des règles budgétaires et s’il apportait une réponse publique à ses avis, cela renforcerait la transparence et l’obligation de rendre des comptes, sachant que la règle relative au déficit a été fréquemment modifiée, suspendue ou assortie de plafonds transitoires. La loi impose au gouvernement de consulter le conseil budgétaire lors de l’élaboration du cadre macroéconomique pluriannuel avant qu’il ne soit soumis à l’approbation du Congrès. Néanmoins, cette obligation ne s’applique pas aux actualisations ultérieures de ce cadre, sur lesquelles le conseil budgétaire peut donner son avis après leur publication. Solliciter sa contribution avant que soit rendue publique une version actualisée du cadre permettrait de renforcer les finances publiques. L’expérience d’autres conseils budgétaires mis en place dans les pays de l’OCDE indique que pour améliorer encore son indépendance opérationnelle, on pourrait organiser plus régulièrement des auditions de ses membres devant le Parlement et le soumettre à des évaluations externes réalisées par des experts locaux ou internationaux, conformément aux principes de l’OCDE relatifs aux institutions budgétaires indépendantes. Doté de ressources budgétaires suffisantes, le conseil budgétaire pourrait aussi contribuer au suivi du respect des règles budgétaires infranationales. L’Autorité indépendante de responsabilité budgétaire (AiReF, Autoridad Independiente de Responsabilidad Fiscal) espagnole offre un bon exemple à cet égard. Elle figure en effet parmi les quelques institutions budgétaires indépendantes qui sont chargées non seulement de s’assurer de la conformité aux règles relatives aux administrations publiques dans leur ensemble ou à l’administration centrale, mais aussi aux règles infranationales/régionales. Les évaluations de la viabilité budgétaire réalisées par l’AIReF ont une orientation régionale, étant donné que des objectifs de déficit budgétaire sont fixés aux régions en raison d’une forte décentralisation budgétaire (OCDE, 2020[19]).
Des réformes sont nécessaires pour renforcer l’efficience des finances publiques
Les autorités budgétaires devraient continuer à mener une politique prudente et reconstituer des marges de manœuvre budgétaires.
La solidité du cadre budgétaire a permis au gouvernement de prendre des mesures de relance audacieuses représentant 10 % du PIB, afin de soutenir l’économie pendant la pandémie de COVID-19. Parallèlement à la réduction progressive des dépenses liées à la pandémie et à l’augmentation des recettes alimentée par la reprise et le niveau élevé des prix du cuivre, le déficit budgétaire a reculé de 8.9 % du PIB en 2020 à 2.5 % en 2021 puis à 1.7 % en 2022, tandis que la dette a atteint 33.8 % du PIB en 2022. Pour l’heure, les autorités prévoient un assainissement budgétaire progressif afin de garantir la viabilité des finances publiques à moyen terme (Graphique 1.13). Les règles budgétaires, qui ont été rétablies avec une période transitoire en 2022, après avoir été suspendues pendant deux ans, devraient ramener le ratio dette/PIB en deçà de 30 % d’ici à 2030, et le déficit budgétaire à 1 % du PIB d’ici à 2026. Celui-ci devrait atteindre 2.4 % du PIB en 2023, restant dans la limite prévue par la règle budgétaire (2.4 % du PIB), ce qui se traduirait par une relance budgétaire modérée destinée à stimuler l’activité économique, à améliorer la cohésion sociale et à atténuer l’impact des mouvements sociaux. Au cours de la période 2024-26, la stratégie budgétaire des autorités prévoit un assainissement progressif des finances publiques de l’ordre de ½ point de PIB par an.
Par rapport à celle d’autres économies de marché émergentes, la dette publique du Pérou reste faible (Graphique 1.14, partie A), même si les recettes fiscales sont aussi relativement modestes. La dette publique péruvienne se caractérise par une échéance moyenne de 13 ans, et les obligations publiques du Pérou restent favorablement perçues par les marchés, comparées à celles d’autres pays de la région (Graphique 1.14, partie B), même si les coûts de financement ont augmenté en raison du resserrement de la politique monétaire. Néanmoins, la dette publique augmente depuis 2013 (Graphique 1.14, partie C) et est davantage exposée au risque de change, dans la mesure où la dette publique brute du Pérou libellée en devises s’est hissée de 31.8 % de la dette publique totale en 2019 à 51.6 % en 2022 (Graphique 1.14, partie D).
Afin que les autorités budgétaires conservent une certaine latitude en phase de fléchissement de l’activité économique, il sera essentiel de reconstituer des marges de manœuvre budgétaires, qui sont nécessaires pour protéger le Pérou contre l’impact budgétaire des catastrophes naturelles, des chocs affectant les prix des produits de base et la réalisation d’éléments de passif éventuel dans l’avenir. Les pouvoirs publics ont financé les dépenses massives engagées pendant la pandémie en puisant dans les ressources du fonds de stabilisation budgétaire, ainsi qu’en émettant de nouveaux emprunts, si bien que la dette brute a augmenté de 9 points de PIB entre 2019 et 2021, pour atteindre 35.9 % du produit intérieur brut. Le fonds de stabilisation ne représentait que 0.6 % du PIB en 2022, tandis qu’avant le phénomène climatique intense El Niño de 2017, son niveau s’établissait à 4.5 % du PIB. Les éléments de passif éventuel tiennent essentiellement aux garanties de l’État relatives aux contrats de partenariat public-privé (PPP), estimées à 1.8 % du PIB en 2021, et aux garanties de prêts mises en place pendant la pandémie (0.6 % du PIB).
Un risque budgétaire important réside dans l’instabilité financière de Petroperú, une entreprise publique pétrolière qui représente près de 50 % des approvisionnements sur le marché local des carburants. Petroperú est la seule entreprise publique du pays ne relevant pas de la compétence du Fonds national de financement de l’activité économique de l’État (FONAFE, Fondo Nacional de Financiamiento de la Actividad Empresarial del Estado), qui est actionnaire de toutes les autres entreprises publiques péruviennes. La gestion de la FONAFE est généralement en phase avec les meilleures pratiques de l’OCDE. Le gouvernement a récemment approuvé une injection de capitaux de 4 milliards PEN et une opération d’endettement à court terme d’un montant pouvant aller jusqu’à 500 millions USD (0.2 % du PIB) pour garantir la sécurité énergétique nationale, qui constitue un élément direct de passif éventuel. Néanmoins, des problèmes de bilan à long terme subsistent. Petroperú est également confrontée à des problèmes de respect de l’environnement et de gouvernance, compte tenu d’allégations d’ingérence politique influant sur ses activités et sa gestion. Les autorités devraient renforcer la surveillance de l’entreprise, mettre en œuvre une stratégie pour rétablir sa viabilité ou céder la participation de l’État à son capital, et améliorer la transparence de Petroperú, ses pratiques de gestion financière et sa responsabilité environnementale, conformément aux Lignes directrices de l’OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques et à ses Principes de gouvernance d’entreprise.
À moyen terme, l’assainissement budgétaire progressif prévu devrait stabiliser le ratio dette publique/PIB en deçà du seuil de 30 % fixé par la règle d’endettement, et préserver la viabilité de la dette (Graphique 1.15, courbe bleue). Une hausse des taux d’intérêt, éventuellement liée à l’évolution des marchés mondiaux de capitaux et à l’incertitude politique intérieure, tirerait vers le haut la trajectoire de la dette, qui s’inscrirait légèrement au-dessus du plafond d’endettement fixé à 30 % du PIB (courbe orange). L’effet d’une hausse des taux d’intérêt est relativement limité, dans la mesure où plus de 80 % de la dette publique sont contractés à taux fixe avec une échéance moyenne de 13 ans. Compte tenu de l’augmentation continue des dépenses, notamment en raison de la possibilité pour le Congrès d’adopter des mesures de dépenses non financées, il sera nécessaire d’engager des réformes plus poussées pour accroître les recettes et préserver la viabilité de la dette. Faute de quoi, la dette publique brute excéderait 40 % du PIB en 2040 (courbe rouge). Enfin, le train de réformes structurelles propices à la croissance présenté dans le Graphique 1.3 entraînerait une accélération de l’expansion économique et, partant, une nette réduction du ratio dette/PIB (courbe verte), accompagnée d’une diminution continue de la dette publique, qui s’établirait à 20 % du PIB en 2050.
Une réforme fiscale globale est nécessaire pour remédier à des problèmes qui se posent de longue date
Le système d’imposition péruvien se caractérise par une charge fiscale relativement faible et une base d’imposition étroite. Le coefficient de pression fiscale (ratio impôts/PIB) s’établit à 17 %, soit nettement en deçà de la moyenne de l’OCDE et de celle des pays d’Amérique latine, qui sont respectivement de 34 % et 30 % (Graphique 1.16, partie A), et il est insuffisant pour satisfaire des besoins sociaux grandissants et renforcer les investissements publics nécessaires dans les infrastructures, l’enseignement et la santé. Comme dans d’autres pays d’Amérique latine, la structure fiscale fait la part belle aux impôts indirects, comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), alors que dans les pays de l’OCDE à revenu élevé, les recettes fiscales proviennent davantage de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et des cotisations de sécurité sociale (Graphique 1.16, partie B). La large place faite aux impôts indirects est bénéfique pour la croissance économique, mais elle se traduit par une faible progressivité du système fiscal (OCDE et al., 2023[21]).
Un des principaux problèmes soulevés par la fiscalité au Pérou réside dans l’étroitesse de la base d’imposition. Un nombre important d’entreprises et d’individus ne participent pas (ou ne participent que partiellement) à l’économie formelle et au système fiscal, ce qui se traduit par une faible discipline fiscale. Malgré les récents efforts déployés pour réduire la fraude fiscale et améliorer le fonctionnement de l’administration des impôts, cette fraude reste d’une ampleur considérable et coûte au Pérou environ 5.5 % de son PIB (Sunat, 2022[22] ; Sunat, 2022[23]). Le non-respect des règles en matière de TVA se traduit par un manque à gagner fiscal supérieur à 2.6 % du PIB, soit une des proportions les plus élevées d’Amérique latine (Graphique 1.17). Par ailleurs, les exonérations et les taux réduits de TVA représentent un coût évalué à 1 % du PIB (Arias, 2021[24]), pour un taux de TVA moyen de 18 %. Certains biens et services sont exonérés de TVA, notamment les livres, les journaux et les magazines, ainsi que certains produits agricoles, la fourniture ou l’utilisation de services dans le pays, et la première vente d’un bien immobilier d’une valeur inférieure à 47 000 USD. Un taux de TVA temporairement réduit à 10 % s’applique à certains hôtels et restaurants jusqu’en décembre 2024. Renforcer la discipline fiscale et limiter le champ d’application des exonérations et des taux réduits, tout en prenant des mesures compensatoires en faveur des ménages les plus pauvres par le biais du système de transferts, pourraient permettre à la fois d’accroître les recettes de TVA, de réduire les distorsions et de remédier aux problèmes d’équité. En outre, le non-respect des règles en matière d’impôt sur les sociétés (IS) représente un manque à gagner fiscal plus important, qui atteignait 33.1 % des recettes potentielles en 2021 (Sunat, 2022[22]), soit un niveau plus élevé qu’en Colombie, au Chili et au Mexique.
Il serait possible d’accroître les recettes en renforçant et en modernisant l’administration fiscale péruvienne, en commençant par améliorer le capital humain, les systèmes d’information et l’utilisation des technologies de pointe, ainsi que la qualité du registre des contribuables, via le recoupement systématique d’informations provenant de sources différentes, tout en continuant à améliorer et développer la facturation électronique (Encadré 1.3). La mise en œuvre intégrale des réformes de 2022, comme la mise en place d’un registre fiscal numérique, et l’exploitation d’outils fondés sur les données massives (big data) semblent prometteuses. Pour que ces progrès se poursuivent, il est nécessaire d’intégrer les bonnes pratiques fiscales dans la réglementation nationale, en particulier celles concernant la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales à l’échelle nationale et internationale. Ainsi, le Pérou a rejoint en 2017 le Cadre inclusif relatif au projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), et s’est rallié en octobre 2021 à la solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie.
Encadré 1.3. Renforcer l’administration fiscale en s’appuyant sur des technologies innovantes et la collecte de données
Certains pays adoptent des technologies de pointe en matière de données et d’automatisation pour améliorer leur administration fiscale ainsi que l’enregistrement et l’identification des contribuables. En mai 2021, l’Agence des impôts (Skatteverket) suédoise a lancé un service d’évaluation des risques fondé sur l’intelligence artificielle (IA) pour les demandes d’enregistrement des entreprises. Il classe les demandes par catégorie à partir de facteurs de risque établis et les traite en conséquence.
L’Italie utilise l’analyse de données et l’apprentissage automatique pour estimer l’écart de TVA. L’Argentine a élaboré une déclaration de TVA simple et pro forma et mis en place un registre de TVA numérique, qui contient des informations précises sur les factures reçues et émises par une entreprise au cours de chaque période de déclaration de la TVA, afin d’améliorer la discipline fiscale. La France utilise l’IA et des prises de vues aériennes pour détecter les constructions non déclarées.
Certains pays ont amélioré leur stratégie de gestion des créances fiscales pour prévenir leur apparition. En Argentine, le système de profil de risque (SIPER, Sistema de Perfil de Riesgo) classe les contribuables par catégorie en fonction de facteurs de risque, ce qui permet de prendre des mesures ciblées de recouvrement et d’ouvrir rapidement des procédures judiciaires. Les contribuables sont informés de la catégorie dans laquelle ils se trouvent et se voient offrir la possibilité de rectifier les éventuelles erreurs. Aux États-Unis, le service des impôts (IRS, Internal Revenue Service) utilise des modèles prédictifs pour rationaliser la gestion des dossiers, prévoir le comportement des contribuables et évaluer la probabilité de paiement des impôts dus, le risque futur de non-respect des obligations fiscales et le montant escompté des paiements.
Source : (OCDE, 2022[25]).
Les dépenses fiscales contribuent à la faiblesse des rentrées d’impôts au Pérou. Ces dépenses fiscales ont représenté 2.0 % du PIB en 2022 (MMM, 2022[26]). Parmi les dépenses fiscales les plus importantes figurent les exonérations appliquées aux produits agricoles et aux importations ainsi qu’aux prestations de services d’enseignement, les exonérations de TVA en vigueur dans la région de l’Amazonie, et les exonérations applicables aux comptes d’indemnités de fin d’emploi (CTS, Compensación por Tiempo de Servicio), qui permettent aux travailleurs formels de se couvrir en partie contre le risque de licenciement. Nombre de ces dépenses fiscales sont mal ciblées, bénéficient aux plus riches et n’atteignent pas leur objectif (Arias, 2021[24]). Réaliser une évaluation approfondie des dépenses fiscales pour ne conserver que celles qui s’avèrent contribuer de manière positive et économiquement efficiente à la réalisation d’objectifs clairement définis, tout en supprimant progressivement les autres et en les remplaçant, si nécessaire, par des transferts ciblés sur les personnes les plus vulnérables, pourrait permettre d’engranger des recettes fiscales considérables. Les autorités pourraient également revoir les régimes d’application de la TVA, de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les plus-values, afin d’éliminer les nombreuses déductions et exonérations qui nuisent à l’équité du système fiscal et au recouvrement des impôts, notamment s’agissant des mécanismes de collecte de la TVA sur les services numériques (Schatan et al., s.d.[27] ; Arias, 2021[24]).
L’existence de multiples régimes d’imposition des sociétés au Pérou et leur complexité ont contribué à la faiblesse des rentrées d’impôt sur les sociétés, au niveau élevé de la fraude fiscale, à l’ampleur de l’économie informelle et à la faiblesse de la productivité. Pour l’heure, il existe trois régimes simplifiés pour les petites entreprises, caractérisés par des catégories et des charges fiscales fondées sur la taille des entreprises (Tableau 1.4). Ces régimes d’imposition spécifiques couvrent approximativement 1.2 million de contribuables actifs, soit 92 % du total, et rapportent des recettes fiscales qui représentent à peine 0.3 % du PIB, soit 8 % de la totalité des rentrées d’impôt sur les sociétés. Le régime d’imposition des petites entreprises a été conçu pour simplifier le respect des obligations fiscales et en alléger le coût et permettre la régularisation de ces entreprises, mais il a créé des possibilités considérables d’arbitrage, de découpage artificiel des entreprises, de fausse déclaration et de fraude fiscale (Ardanaz et al., 2020[28] ; OCDE, 2016[29]). À titre d’exemple des conséquences imprévues de l’existence de multiples régimes d’imposition des sociétés au Pérou, on peut citer la réforme de 2016 ayant créé le troisième régime applicable aux petites entreprises, à savoir le régime d’imposition des micro et petites entreprises (RMT, Régimen MYPE Tributario). Cette réforme visait à rendre la fiscalité plus progressive et à améliorer les incitations à la régularisation des activités informelles, mais en pratique, elle s’est traduite par une migration hors du régime général (Arias, 2021[24]) (Graphique 1.18). Ces régimes se caractérisent en outre par des seuils d’assujettissement relativement élevés définis en termes de chiffre d’affaires. Cela a débouché sur une multiplication massive des petites entreprises peu productives, qui représentent une grande partie des emplois, mais ne sont guère incitées à se développer.
Tableau 1.4. Régimes d’imposition applicables aux entreprises au Pérou
Régime |
Couverture |
Seuil d’assujettissement |
Paiement |
Obligations comptables |
Autres caractéristiques |
---|---|---|---|---|---|
Nouveau régime unique simplifié (NRUS, Nuevo Regimen Unico Simplificado). |
Personnes physiques vendant des marchandises ou des services à des consommateurs finaux. |
Chiffre d’affaires brut ou achats inférieurs à 60 000 PEN ou à 96 000 PEN par an, soit l’équivalent de 2.5 et 4.0 fois le PIB par habitant. |
Impôt sur les sociétés et taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittés sous la forme d’un prélèvement unique sur le chiffre d’affaires et les achats. Montant de 20 ou de 50 PEN (5 ou 13 USD) par mois. |
Aucune. |
Paiement mensuel uniquement. Émission de tickets de caisse uniquement, pas d’émission de factures aux fins de perception de la TVA. |
Régime spécial d’impôt sur le chiffre d’affaires (RER, Regimen Especial del Impuesto a la Renta) |
Personnes physiques ou morales exerçant des activités extractives, industrielles, commerciales, de service ou agricoles. |
Chiffre d’affaires net ou achats d’un montant maximum de 525 000 PEN (142 000 USD) par an, soit l’équivalent de 21.7 fois le PIB par habitant. |
Prélèvement de 1.5 % sur le chiffre d’affaires net et TVA. |
Registres des achats et des ventes uniquement. |
Déclaration mensuelle. Coûts et charges des entreprises, y compris les dépenses de personnel, non déduits. |
Régime d’imposition des micro et petites entreprises (RMT, Régimen MYPE Tributario). |
Personnes physiques ou morales. |
Chiffre d’affaires annuel net inférieur à 1 700 unités d’imposition (UIT, Unidades Impositivas Tributarias), c’est-à-dire à 7.8 millions PEN, soit l’équivalent de 294.7 fois le PIB par habitant. |
Prélèvement de 10 % sur les 15 premières UIT de chiffre d’affaires net, puis de 29.5 % au-delà de ce seuil jusqu’à 1 700 UIT, et TVA. |
Registres des achats et des ventes, journaux comptables, grand livre, inventaires et bilans. |
Déclaration mensuelle et annuelle. |
Régime général d’imposition (RG, Régimen General). |
Couverture universelle. |
Aucun seuil. |
Prélèvement de 29.5 % sur les bénéfices et TVA. |
Registres des achats et des ventes, journaux comptables, grand livre, inventaires et bilans. |
Déclaration mensuelle et annuelle. |
Source : Analyse du Secrétariat de l’OCDE fondée sur (Schatan et al., 2019[32]).
Pour réduire les coûts du respect des obligations fiscales et favoriser la régularisation des entreprises, le Pérou doit rationaliser les régimes d’imposition applicables aux petites entreprises, tout en empêchant les gros contribuables d’utiliser ces régimes pour se soustraire à l’impôt. Les régimes d’imposition applicables aux petites entreprises doivent inciter les entreprises informelles à intégrer l’économie formelle, et les petites entreprises formelles à se développer et à basculer dans le régime d’imposition normal (Mas-Montserrat et al., 2023[33]). En s’appuyant sur les bonnes pratiques de l’OCDE en matière de conception des régimes d’imposition forfaitaire, le Pérou pourrait évaluer et remettre à plat ses dispositions fiscales, éventuellement en remplaçant les trois régimes susmentionnés par un seul (ou peut-être deux). Le système d’imposition des sociétés pourrait aussi se fonder sur leur chiffre d’affaires net, ce qui pourrait encourager les contribuables à déclarer leurs coûts et charges, et améliorerait du même coup les incitations à la régularisation de leurs activités. Une rationalisation du système permettrait également de simplifier les contrôles et les vérifications et d’accroître les rentrées d’impôt, en particulier si la réforme amenait les grandes entreprises à déclarer leurs bénéfices au titre du régime général d’imposition des sociétés, sans parler des effets positifs induits en matière de réduction de l’économie informelle, de productivité et de croissance.
La faiblesse des recettes fiscales du Pérou est également imputable au très bas niveau des recettes d’impôt sur le revenu des personnes physiques comparées à celles des pays de l’OCDE, qui constitue un problème commun aux pays d’Amérique latine. Les recettes d’impôt sur le revenu des personnes physiques du Pérou sont plus de quatre fois inférieures à la moyenne de l’OCDE, ce qui limite la redistribution (Barreix, Bés et Roca, 2012[34] ; Jaramillo, 2013[35] ; Lustig, 2016[36]). Il est tout à fait possible d’accroître le nombre de personnes redevables de l’impôt sur le revenu des personnes physiques sans affecter la moitié inférieure de la distribution des revenus. Compte tenu du niveau élevé du seuil d’imposition applicable aux revenus d’activité (Graphique 1.19), 8 % seulement des travailleurs acquittent l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Banque mondiale, 2023[6]), tandis que 78.2 % des contribuables déclaraient des revenus inférieurs au seuil d’imposition, et 14 % se situaient dans la tranche d’imposition correspondant au taux marginal minimum en 2017, ce qui se traduisait par un taux d’imposition effectif de 5.6 % pour l’ensemble des contribuables (FMI, 2020[37]). Les autorités pourraient réduire progressivement l’abattement à la base au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, tout en abaissant le taux d’imposition applicable à la première tranche de revenu, pour améliorer la progressivité du système. Une telle réforme élargirait la base d’imposition et permettrait d’instaurer un barème d’imposition plus progressif.
La faiblesse des recettes d’impôts sur le patrimoine tient à l’absence de registre complet et à jour des propriétés immobilières (Graphique 1.20). Certains éléments laissent à penser que l’écart entre la valeur de marché des biens immobiliers et les évaluations de ces biens utilisées pour établir les obligations fiscales peut aller jusqu’à 200-300 % (BCRP, 2019[38]). En 2021, 15 % seulement de l’ensemble des communes disposaient de cadastres complets et à jour (CPC, 2022[39]). La Banque mondiale a apporté une assistance technique à certaines communes situées dans six agglomérations présentant le potentiel de recettes fiscales le plus élevé, pour améliorer leur cadastre urbain. Le gouvernement prévoit d’actualiser et de compléter les cadastres progressivement, l’objectif étant que 100 communes disposent d’un cadastre à jour d’ici à la fin de 2023 et que ce soit le cas dans l’ensemble du pays en 2030, mais les choses avancent lentement. Une poursuite des progrès accomplis en matière de cadastres et un réexamen complet des valeurs cadastrales permettraient aux communes de renforcer leurs rentrées d’impôts sur le patrimoine. L’expérience d’autres pays montre qu’une augmentation des impôts périodiques sur la propriété immobilière est de nature à susciter une résistance de la population, compte tenu de la forte visibilité de ces prélèvements. Pour être mieux acceptées, les hausses d’impôts consécutives à une réévaluation de leur assiette devraient intervenir progressivement, et les autorités pourraient aussi envisager de mettre en place des allègements spécifiques d’impôts sur le patrimoine pour réduire les problèmes d’accessibilité financière auxquels se heurtent les personnes ayant des revenus modestes ou des actifs illiquides.
Améliorer l’efficacité des dépenses publiques en réformant les finances infranationales
La décentralisation budgétaire incomplète du Pérou (Encadré 1.4.) a contribué à la faiblesse des dépenses publiques et de l’efficacité des investissements. Comme l’a noté l’OCDE (2016[40]), le système de décentralisation pâtit de deux grands problèmes : l’absence de délimitation claire des fonctions de dépenses entre l’administration nationale, les régions et les municipalités, et un système de financement des administrations infranationales qui génère des distorsions, ce qui finit par accentuer les inégalités entre régions en termes de développement économique, de pauvreté et d’accès aux infrastructures, à l’éducation et à la santé. La région côtière, où se situe la capitale Lima, est la plus développée et la plus prospère du pays, et affiche des résultats relativement élevés s’agissant des infrastructures, de la croissance économique et des indicateurs de développement humain. En revanche, les zones montagneuses et la région de l’Amazonie sont moins développées, avec de faibles niveaux d’infrastructure et un accès limité aux services de base (comme on le voit au Graphique 1.2, partie B). Ces disparités se reflètent également dans les niveaux de revenus, la région côtière affichant le PIB par habitant le plus élevé. Compte tenu de ses besoins de dépenses considérables et de ces fortes disparités économiques, le Pérou doit dépenser à bon escient pour combler ses lacunes en matière de capital humain, de santé et d’infrastructures et renforcer son potentiel de croissance.
Encadré 1.4. Les origines de la décentralisation politique et budgétaire au Pérou
Le pays se caractérise par un système infranational à deux niveaux, qui comprend les régions d’une part et les municipalités de district/provinciales de l’autre. La réforme menée à des fins de décentralisation a abouti à la mise en place d’administrations publiques régionales politiquement et administrativement autonomes, élues pour quatre ans avec une limite d’un mandat pour les chefs des exécutifs locaux élus. Actuellement, il existe 25 départements au niveau régional, tandis que l’échelon local compte deux sous-niveaux, avec 196 municipalités provinciales et 1 671 municipalités de district. Ce système municipal à deux niveaux est peu répandu dans les pays de l’OCDE.
Le Pérou a entamé son processus de décentralisation politique et budgétaire au début des années 2000 avec pour principaux objectifs d’accroître l’efficience du secteur public et de rendre plus démocratique le processus de décision par un renforcement des administrations locales et régionales. Toutefois, la mise en œuvre du processus de décentralisation budgétaire du Pérou a marqué le pas en 2005, la création de macrorégions ayant été rejetée par référendum. Selon le plan de décentralisation initial, les 25 administrations régionales devaient être fondues en 12 macrorégions qui auraient constitué un échelon administratif intermédiaire. De plus, il n’a pas été possible de mettre en œuvre le nouveau mécanisme de partage des recettes de l’impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), car il était subordonné à la formation des macrorégions. Bien qu’il n’existe pas de degré idéal de décentralisation, il existe un large consensus sur le fait que le processus de décentralisation budgétaire du Pérou est à ce jour incomplet (Banque mondiale, 2017[41] ; OCDE, 2016[40] ; FMI, 2016[42] ; Contraloría General de la República, 2014[43]).
Source : Secrétariat de l’OCDE à partir de (Banque mondiale, 2017[41]).
Au Pérou, la répartition des responsabilités de dépenses entre les administrations nationales, régionales et locales est floue, et il existe des incohérences et des chevauchements dans l’attribution des responsabilités, sans mécanismes formels de coordination entre les administrations, ce qui réduit la redevabilité (OCDE, 2016[40]). De plus, les administrations régionales n’ont qu’une autonomie limitée pour affecter les transferts qu’elles reçoivent de l’administration centrale. Elles n’ont guère le pouvoir d’adapter les services publics aux contextes locaux ou de coordonner la fourniture de biens et de services publics entre les municipalités relevant de leur compétence (Banque mondiale, 2017[41]). Le système de transfert actuel et le degré élevé de fragmentation locale n’incitent que peu à créer des plateformes de prestation de services publics ou à concevoir des projets d’infrastructure favorisant des économies d’échelle en direction de collectivités multiples (Barco, Chávez et Olivas, 2021[44]), et de nombreuses municipalités n’ont ni la dimension ni les capacités techniques nécessaires pour assurer une prestation efficace de services (Banque mondiale, 2017[41]). Le processus de décentralisation a également été entravé par les compétences limitées des administrations infranationales concernant la planification et la mise en œuvre des politiques publiques ainsi que l’exécution des dépenses, notamment dans les zones rurales (OCDE, 2016[40]), comme cela est souligné dans le chapitre 2 de la présente Étude. Les administrations infranationales ont souvent du mal à maîtriser les compétences techniques nécessaires et à disposer des capacités institutionnelles requises pour s’acquitter efficacement de leurs responsabilités. Cela réduit leur aptitude à remédier aux problèmes et à satisfaire les besoins spécifiques des collectivités locales, en particulier dans les zones rurales et isolées, caractérisées par un accès limité aux infrastructures et aux services de base. Il est crucial de renforcer les compétences et les capacités des administrations infranationales pour promouvoir un développement inclusif, améliorer les prestations de services et favoriser la croissance économique au niveau régional dans tout le pays.
Le Pérou est l’un des pays où les écarts entre les ressources propres et les dépenses des administrations infranationales sont le plus marqués (Graphique 1.21, partie A). De fait, les administrations infranationales ne sont chargées de recouvrir que 5 % du total des recettes fiscales (Barco, Chávez et Olivas, 2021[44]), alors qu’elles sont responsables de 30 % des dépenses courantes nationales et de 60 % de l’investissement public (Graphique 1.21, partie B), les transferts émanant de l’administration centrale constituant leur principale source de financement. De ce fait, la charge de la collecte des recettes fiscales incombe presque exclusivement à l’administration centrale, ce qui réduit les incitations adressées aux entités infranationales à fournir de manière efficiente des services de bonne qualité. Une disparité aussi grande entre les dépenses et les recettes propres peut aussi dissuader les autorités infranationales de générer elles-mêmes leurs propres recettes, compte tenu du coût politique de la collecte de l’impôt et des ressources nécessaires pour en assurer l’administration. Les autorités infranationales s’appuient principalement sur les impôts sur le patrimoine, dont les impôts sur la propriété immobilière et les véhicules. Cela étant, le recouvrement de ces impôts est relativement faible, comme indiqué dans la sous-partie précédente.
Les recettes et les dépenses à l’échelon infranational varient considérablement d’une région et d’une municipalité à l’autre, ce qui génère de fortes inégalités (OCDE, 2016[40]). Bien que les administrations régionales et locales reçoivent de l’administration centrale deux types de transferts de péréquation, leur faible montant et la nature des formules de répartition utilisées en limitent l’utilité. De plus, les transferts de l’administration centrale au titre du partage des recettes tirées des ressources telles que les redevances exacerbent les déséquilibres, car ils sont principalement alloués aux provinces et régions productrices, et non pas fondés sur des besoins de dépenses ou des capacités budgétaires. Leur effet régressif est donc important, dans la mesure où ce sont les municipalités qui ont le moins de besoins financiers qui reçoivent le plus de ressources (Graphique 1.22) (Banque mondiale, 2017[41]).
L’expérience d’autres pays de l’OCDE montre qu’une décentralisation des recettes peut réduire les disparités régionales (Blöchliger, Bartolini et Stossberg, 2016[45] ; Kim et Dougherty, 2018[46]). Le Pérou aurait intérêt à conférer aux administrations régionales davantage de pouvoir d’imposition, en commençant par les impôts sur la propriété immobilière, avec pour objectif à long terme de conférer aux administrations régionales davantage de responsabilité et d’indépendance fiscales concernant les impôts sur le revenu et sur la valeur ajoutée. Cela permettrait de renforcer les incitations à collecter l’impôt et à utiliser les ressources disponibles de manière plus efficiente. Les municipalités devraient faire un meilleur usage de l’impôt sur la propriété immobilière, qui présente un fort potentiel et dont les recettes sont très faibles en comparaison internationale (Graphique 1.20). Parallèlement, le système de transferts devrait être ajusté de manière à encourager le recouvrement de l’impôt, par exemple en limitant toute nouvelle augmentation des transferts ou en subordonnant une partie d’entre eux à une intensification du recouvrement. Le système de transferts devrait en outre tenir compte des besoins de dépenses et des capacités budgétaires sur le plan infranational afin de contribuer à corriger les déséquilibres budgétaires entre les régions et les collectivités locales. À cet égard, le Pérou pourrait tirer des enseignements de la réforme menée en Colombie en 2011. L’un des principaux changements introduits par cette réforme a été la modification de la répartition des redevances, qui visait à accroître les ressources destinées aux régions et municipalités à faible revenu. Le nouveau système de transfert s’est traduit par une redistribution des recettes fiscales aux administrations infranationales en fonction de facteurs tels que la population, la pauvreté, les besoins d’investissement, les capacités institutionnelles et le respect de certains objectifs.
Pour améliorer encore l’efficience des dépenses publiques, le Pérou pourrait s’efforcer de corriger les inefficiences techniques existant dans les marchés publics et la fonction publique. Selon les estimations, ces inefficiences représentent entre 1.2 % (BCRP, 2023[47]) et 2.5 % du PIB ( (Izquierdo, Pessino et Vuletin, 2018[48]). Bien que ces problèmes d’inefficience des dépenses soient relativement modestes par rapport à ce que l’on observe dans d’autres pays d’Amérique latine, la mise en œuvre de réformes visant à améliorer la passation des marchés publics et la fonction publique, évoquée dans le chapitre 2, pourrait permettre de réaliser d’importantes économies.
Un programme de réformes budgétaires à long terme politiquement réalisable
Toutes les réformes fiscales examinées dans le présent chapitre devraient être considérées comme des objectifs à long terme, et comme une orientation que le pays devrait prendre, et non comme un programme à court terme. Accroître les recettes publiques de 5.5 points de PIB environ constitue un objectif ambitieux et difficile (Tableau 1.5), qui devrait s’accompagner d’une amélioration de l’efficience des dépenses et des investissements publics. À court terme, il sera crucial d’améliorer la gouvernance des investissements en infrastructures pour renforcer les capacités d’exécution et combler progressivement le déficit d’infrastructures (voir le chapitre 2). Un calendrier clair et une mise en œuvre progressive des réformes fiscales seront nécessaires pour qu’elles soient politiquement viables. Le Pérou pourrait mettre en place un programme de réformes clair et détaillé reliant la réforme fiscale aux réformes sociales évoquées dans le chapitre 3, ce qui non seulement lui permettrait de lever les recettes nécessaires, mais serait aussi particulièrement bénéfique aux personnes situées dans la moitié inférieure de la distribution des revenus, suscitant ainsi une adhésion en faveur des réformes.
Tableau 1.5. Estimation indicative de l’effet budgétaire à long terme de certaines recommandations
Recommandation |
Impact estimé sur le solde budgétaire |
---|---|
Améliorer l’administration et le recouvrement de l’impôt |
+ 2.3 points de PIB |
Réduire les dépenses fiscales |
+1.0 point de PIB |
Augmenter le nombre de personnes redevables de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, notamment en réduisant l’abattement à la base, et rendre les taux plus progressifs |
+1.0 point de PIB |
Actualiser et parachever le cadastre |
+0.9 point de PIB |
Fusionner les régimes fiscaux intermédiaires des petites et moyennes entreprises |
+0.3 point de PIB |
Mettre en œuvre le train de réformes de la protection sociale décrit dans le chapitre 3, en instaurant notamment : - un programme de transferts en espèces à destination des pauvres et des chômeurs - une pension de retraite universelle - une couverture universelle de soins de santé de qualité |
-1.1 point de PIB -1.5 point de PIB -1.2 point de PIB |
Améliorer la qualité de l’enseignement en formant les enseignants |
-0.6 point de PIB |
Procéder à des réformes institutionnelles concernant notamment la fonction publique, la lutte contre la corruption, la concurrence et la réglementation |
-0.3 point de PIB |
Accroître les ressources affectées à l’application des lois contre la déforestation |
-0.2 point de PIB |
Variation du solde budgétaire en résultant |
+0.6 point de PIB |
Note : Cet exercice vise à illustrer l’effet potentiel de mesures que pourraient prendre les autorités péruviennes pour collecter des recettes fiscales supplémentaires et les utiliser à des fins spécifiques. Il importe de noter que ces suggestions ne constituent pas une liste de recommandations à mettre en œuvre. In fine, le niveau estimé des dépenses dépendra de la nature exacte des réformes engagées. Les effets budgétaires sont estimés à partir du scénario de référence sur lequel reposent le Graphique 1.3 et le Graphique 1.15.
Source : Estimations de l’OCDE.
L’une des grandes priorités serait de fusionner les régimes fiscaux intermédiaires applicables aux petites et moyennes entreprises. Cela permettrait de favoriser la régularisation des activités informelles, d’améliorer l’équité et la productivité et de renforcer le recouvrement de l’impôt. Les pouvoirs publics pourraient élargir progressivement la base d’imposition en supprimant, immédiatement ou progressivement, les dépenses fiscales inefficaces par rapport à leur coût. Un cadastre fiscal pourrait être progressivement constitué dans l’ensemble du pays, et se doubler d’un système approprié d’évaluation des biens. Dans le même temps, les autorités pourraient s’attacher à améliorer le fonctionnement et la transformation numérique de l’administration fiscale, ainsi qu’à renforcer l’application de la législation et la discipline fiscale. Les recettes obtenues grâce à cette réforme n’augmenteront que progressivement, de sorte que son potentiel ne sera pleinement réalisé qu’à moyen terme. À un horizon de moyen à long terme, le seuil d’assujettissement à l’impôt sur le revenu des personnes physiques pourrait être progressivement abaissé. Pour maximiser les recettes potentielles, les réformes fiscales proposées devraient être accompagnées d’améliorations de l’efficience des dépenses. Pour préserver la viabilité des finances publiques, il sera essentiel de veiller à ce que ces réformes génèrent effectivement les recettes attendues lorsqu’on s’engagera à augmenter les dépenses de manière pérenne. À cet égard, les autorités ne devraient accroître les dépenses sociales que lentement, une fois qu’elles disposeront de recettes pérennes. La mise en œuvre de ces réformes, conjuguée à une amélioration de la gouvernance, de la concurrence et de l’environnement des entreprises (comme évoqué au chapitre 2), permettrait au pays de s’engager dans un cercle vertueux combinant amélioration du recouvrement de l’impôt, diminution de l’activité informelle et renforcement de la productivité et de l’équité.
Affronter les risques liés au changement climatique pour soutenir une croissance durable et inclusive
Pour parvenir à la neutralité carbone, le Pérou doit fortement réduire ses émissions
Le Pérou est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, car les événements météorologiques extrêmes, de plus en plus fréquents et graves, coûtent très cher sur les plans économique et social, comme cela apparaît à la page 13. Le Pérou a pris des dispositions importantes pour honorer les engagements contractés en 2015 en vertu de l’Accord de Paris sur le changement climatique. Il a amélioré son cadre institutionnel en matière d’environnement, permettant ainsi de mieux appliquer, coordonner, suivre et évaluer les mesures d’adaptation. En 2018, le Pérou a inscrit sa stratégie de lutte contre le changement climatique dans la loi-cadre consacrée à cette question. Il a publié son plan national d’adaptation en 2021 et s’est déclaré en situation d’urgence climatique nationale en 2022. Le gouvernement s’est donné pour ambition de réduire, d’ici à 2030, les émissions nationales de 40 % par rapport à un scénario tendanciel, à condition de bénéficier d’une aide internationale. Si cette condition n’est pas remplie, l’objectif de réduction est de 30 %. Quoi qu’il en soit, les niveaux d’émission resteront très élevés par rapport à ceux de 2015. La contribution déterminée au niveau national (CDN) définie par le Pérou conformément à l’Accord de Paris consiste à atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici à 2050. Les pouvoirs publics prennent des mesures fortes contre le changement climatique, parmi lesquelles figure la mise en œuvre de 84 initiatives d’adaptation et de 64 initiatives d’atténuation dans différents secteurs, qui concernent plus particulièrement l’énergie et les changements d’affectation des terres. En outre, la Stratégie nationale de lutte contre le changement climatique à l’horizon 2050 est en cours d’élaboration, le but étant de fournir des orientations et de faciliter une action de grande ampleur sur le long terme à tous les niveaux d’administration. La définition prochaine de la stratégie de long terme visant à décarboner l’économie d’ici à 2050 sera l’occasion d’inscrire des jalons, des mesures et des priorités conformes aux objectifs juridiques, ce qui rendra l’avenir moins incertain et, ainsi, favorisera la diminution des émissions et la réalisation des investissements nécessaires dans les infrastructures. Le Pérou cherche à associer le secteur privé dans le cadre d’une stratégie de financement vert, à travers des initiatives comme Empreinte carbone Pérou et la Feuille de route de 2021 sur la finance verte, pour avancer dans la réalisation des objectifs énoncés dans la CDN. Une stratégie de financement de l’action climatique est en cours d’élaboration, qui doit fournir des orientations sur la manière de procéder pour mobiliser davantage de ressources à l’appui de mesures renforcées en matière d’adaptation et d’atténuation. La neutralité carbone ne sera atteinte qu’au prix de mutations dans tous les secteurs de l’économie (Graphique 1.23).
Compte tenu de la forte exposition du Pérou à une multiplication et une aggravation des phénomènes météorologiques extrêmes, il est d’une urgente nécessité d’étoffer les mesures d’adaptation au changement climatique pour atténuer ses effets potentiellement dévastateurs et préserver les collectivités, les infrastructures et les ressources naturelles du pays. Les mesures d’adaptation clés pourraient notamment consister à améliorer la résilience des services publics et des infrastructures critiques (principalement dans les domaines des transports, de la santé et de l’eau), à progresser sur le terrain de l’urbanisme résilient, et à construire un système de protection sociale capable de s’adapter aux chocs. Une approche cruciale en matière d’adaptation consiste à favoriser le développement du secteur des assurances privées, qui peut fournir une protection financière et des mécanismes de mutualisation des risques essentiels aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités, face à la montée des risques liée à la multiplication et à l’aggravation des phénomènes météorologiques extrêmes. Ainsi, au cours des dernières années, le Chili a mis en œuvre diverses initiatives concernant les risques liés au climat, notamment en signant récemment avec la Banque mondiale un contrat d’assurance contre les séismes de 630 millions USD. Cette assurance permettrait au Chili de recevoir des indemnités pécuniaires si se produisaient certains événements sismiques de forte intensité, provoquant des dommages matériels dans le pays et dégradant ses finances publiques. Le Chili a également accès au Fonds d’adaptation, qui contribue au financement d’initiatives renforçant la capacité du pays de faire face aux effets du changement climatique, notamment aux investissements dans les infrastructures, la recherche et la gestion des risques. En 2022, le Chili a lancé un Fonds pour la nature, destiné à promouvoir la conservation de la nature, à combattre le changement climatique et à lutter contre la désertification dans le pays.
Redoubler d’efforts pour infléchir la déforestation
La réalisation des objectifs de réduction des émissions passera avant tout par la lutte contre la déforestation, première cause de rejets de GES. En effet, à travers la déforestation, le changement d’affectation des terres et l’exploitation forestière ont été la cause de 49 % des émissions de GES en 2019 (Graphique 1.24, partie A). Cela vaut tout particulièrement pour le Pérou, puisque la forêt amazonienne, qui est riche en flore et en faune, couvre plus de la moitié de son territoire. Entre 2010 et 2019, ce sont 1.5 million d’hectares qui ont été défrichés, puis 200 000 hectares en 2020, le plus haut niveau enregistré en 20 ans (Graphique 1.24, partie B).
La déforestation est notamment due à l’avancée de la frontière agricole : les forêts sont souvent défrichées au profit d’activités peu productives d’agriculture extensive à petite échelle, dans un simple but d’appropriation lié à l’espoir d’obtenir ultérieurement un titre foncier, mais aussi pour construire des routes ou pour mener des activités extractives illégales ou informelles (OCDE et al., 2022[4]). Ainsi, l’agriculture extensive à petite échelle est l’une des premières causes de la déforestation en jungle amazonienne du fait que des agriculteurs vulnérables la prennent d’assaut à la recherche de terres productives (BID, 2021[49] ; Banque mondiale, 2022[8]). D’autres causes de premier plan sont l’appropriation illégale de terrains – la moitié de la région amazonienne n’appartient à personne – et l’absence de planification foncière (De La Torre et al., 2021[50]). Dans ses CDN, le Pérou mise principalement sur la lutte contre la déforestation pour réduire les émissions de GES du secteur forestier : il prévoit d’en protéger 10 millions d’hectares d’ici à 2030 (MINAM, 2022[51]). Plusieurs mesures contre la déforestation ont été annoncées dans le cadre défini par la CDN, parmi lesquelles l’octroi de titres fonciers aux communautés autochtones et la mise en place de procédés techniques de production pour accroître les avantages économiques à leur profit (MINAM, 2018[52]). Cependant, la plupart ne sont pas correctement financées (CIES, 2021[9]). La lutte institutionnelle contre la déforestation inclut aussi un soutien financier aux projets commerciaux durables et le déploiement d’un système de détection rapide par imagerie satellitaire. Cela dit, leur mise en pratique est minime dans les régions les plus reculées de l’Amazonie.
Pour enrayer la déforestation, le Pérou peut recourir à des mesures fondées sur la nature qui apportent des solutions aux risques du changement climatique et aboutissent à la restauration des terres dégradées : en font partie le tourisme naturel et le sylvopastoralisme. La restauration des zones humides côtières et la réhabilitation des mangroves feraient certainement croître la capacité de stockage de carbone tout en atténuant les effets des orages, inondations et sécheresses (OCDE, 2021[53]). La forêt amazonienne constitue potentiellement un formidable puits de carbone. Son utilisation comme tel suppose de conférer des droits forestiers et des concessions forestières, d’investir dans la préservation, le reboisement et l’extension de forêt, ainsi que de mettre en place des systèmes agroforestiers. Le pays pourrait également s’inspirer d’initiatives intéressantes comme celle engagée au Brésil, qui consiste à octroyer des crédits à des conditions préférentielles en faveur des investissements agricoles (OCDE, 2021[54]). La lutte contre les activités d’extraction illégales et informelles pourrait aider à mieux protéger les zones naturelles et à enrayer la déforestation. L’armée péruvienne a été déployée en Amazonie pour y combattre l’extraction aurifère illégale et d’autres activités illicites, mais sans grand succès en raison de son manque d’expérience et de formation en matière d’application des règles environnementales. Tous ces efforts sont mis à mal par la faible capacité d’action de l’État, elle-même due à un manque de moyens financiers et humains des forces de l’ordre, ainsi qu’à une mauvaise coordination des services officiels (Global Forest Watch, 2019[55]). L’entrée en vigueur de la Loi relative au droit à la consultation préalable est une évolution qu’il convient de saluer (CIES, 2021[9]), car le fait d’associer les groupes concernés à la réflexion favorise la conciliation, en particulier auprès des communautés autochtones dont les modes de vie sont potentiellement menacés par l’évolution des pratiques forestières et d’autres mesures foncières (OCDE, 2021[53]). Il est néanmoins essentiel de renforcer les conditions de sûreté dans la forêt amazonienne, là où vivent les populations autochtones, en leur attribuant des titres fonciers et en délimitant leurs territoires, ce qui suppose l’établissement d’un cadastre national. Le Pérou pourrait également améliorer le programme de transferts en espèces qui cible les populations autochtones protectrices de la forêt, tout en instaurant un système de rémunération des services environnementaux à l’exemple de celui qui a contribué au recul de la déforestation au Costa Rica (OCDE, 2023[56]).
Réduire les émissions de GES liées à l’énergie et aux transports
Les mesures prises par le Pérou pour verdir son bouquet énergétique ne sont pas encore suffisantes pour lui permettre d’atteindre l’objectif de neutralité des émissions de gaz à effet de serre (GES). Son bouquet énergétique est plus décarboné que celui de la plupart des pays de l’OCDE, mais ses sources primaires sont encore essentiellement les combustibles fossiles (72 % alors que la moyenne de l’OCDE était de 77.4 % en 2022) et 43 % de sa consommation finale continue de dépendre du pétrole, principalement en raison des transports publics et privés. Le gaz naturel a pris de l’importance depuis la découverte des gisements de Camisea à la fin des années 80 (Graphique 1.25). Les centrales thermiques alimentées au gaz de Camisea fournissent plus du tiers de l’électricité du pays. La puissance hydraulique installée fournit également une quantité d’électricité importante (58 %) mais, bien que renouvelable, elle est très vulnérable aux variations de la disponibilité en eau et à l’impact du changement climatique (CEPALC, 2014[57] ; OCDE, 2021[53]).
Le pays doit mobiliser davantage d’efforts pour favoriser les sources d’énergie renouvelables intermittentes (par exemple, énergie solaire, éolienne, houlomotrice ou marémotrice). Les sources d’énergie renouvelables non conventionnelles intermittentes représentent actuellement 9.1 % de la production totale d’électricité. Le Pérou dispose d’un gigantesque potentiel de production d’électricité à partir de ces sources, en particulier l’énergie solaire, ce qui pourrait faire baisser les coûts de l’énergie à long terme et accroître l’efficacité énergétique (Banque mondiale, 2022[8]). Son potentiel solaire est l’un des plus élevés du monde : l’ensoleillement quotidien est en effet de plus de 5.5 kilowattheures par mètre carré (kWh/m2), voire 7 kWh/m2 dans les régions du sud du pays (MINAM, 2023[5]). La législation fixe pour objectif à l’horizon 2030 de produire 20 % de l’électricité avec des sources renouvelables intermittentes (par exemple, énergie solaire, éolienne, houlomotrice ou marémotrice). Bien que des initiatives encourageantes soient déjà en place, notamment l’utilisation de l’énergie solaire pour remédier aux pénuries d’énergie dans les zones isolées et rurales (MINAM, 2018[52]), aucune enchère relative aux ressources énergétiques renouvelables ne s’est tenue depuis 2016. Les pouvoirs publics s’attachent avant tout à augmenter la production au gaz naturel. Or, même si les émissions de CO2 (par unité d’énergie produite) imputables au gaz naturel sont inférieures d’environ 40 % à celles du charbon et d’environ 20 % à celles du pétrole, le pays doit intensifier ses efforts et davantage promouvoir l’utilisation des sources d’énergie renouvelables non conventionnelles pour atteindre la neutralité carbone.
Pour atteindre son objectif de zéro émission nette d’ici à 2050, le pays doit réduire les émissions dans le secteur des transports, car c’est celui où elles augmentent le plus vite. Ce secteur contribue largement, en outre, à élever les niveaux de pollution de l’air : le Pérou est le dernier du classement en Amérique latine et le 26e du monde selon le rapport de 2021 sur la qualité de l’air dans le monde. En 2020, le secteur des transports a totalisé 48 % des émissions de carbone (à l’exclusion des changements d’affectation des terres) et 73 % de la consommation finale de pétrole. Le pays prévoit de faire passer les véhicules et les transports publics du gazole au gaz naturel, le carburant à la plus faible intensité de carbone. Cependant, le gaz naturel a été à l’origine de 35 % des émissions totales de CO2 en 2020 (AIE, 2023[58]). Le Pérou entend également porter à 5 % la part des véhicules électriques dans les transports publics d’ici à 2030. Des exercices pilotes utilisant des bus électriques à Lima ont permis de faire des progrès dans ce domaine. Accélérer l’électrification du parc automobile privé et public permettrait de réduire considérablement les émissions dues aux transports et les coûts de maintenance. Il sera essentiel de progresser dans la mise en place d’un solide réseau de bornes de recharge pour favoriser une adoption généralisée des véhicules électriques en mettant à disposition de la population une infrastructure pratique et accessible. Le pays pourrait également bénéficier d’investissements supplémentaires dans l’hydrogène vert, attendu que ses conditions climatiques exceptionnelles lui permettent de produire de l’hydrogène vert de façon compétitive. L’hydrogène vert pourrait aider à décarboner certains procédés dont les émissions sont difficiles à réduire dans les secteurs du transport lourd et de l’industrie, notamment l’exploitation minière et la pêche, deux branches d’activité clés de l’économie péruvienne. Pour se préparer à ces évolutions futures, le pays pourrait adopter les normes ISO relatives à l’hydrogène et établir un cadre de réglementation fiable de manière à donner davantage de certitude aux investisseurs. Cela lui permettrait d’être prêt lorsque la technologie de production deviendra plus compétitive et que la demande d’hydrogène augmentera (OCDE, 2022[59] ; AIE, 2021[60]).
Pour décarboner plus encore son économie, le Pérou devra mettre en place non seulement des réglementations plus strictes mais aussi des signaux de prix cohérents. À l’heure actuelle, le pays ne prélève pas de taxe carbone explicite. Les recettes de la fiscalité environnementale n’ont représenté que 0.5 % du PIB en 2020 – soit bien moins que la moyenne de l’OCDE de 1.6 % et moins que dans d’autres pays de la région – et la majeure partie de ces recettes provenaient des droits d’accise sur les carburants. Ces droits d’accise, qui constituent une forme implicite de tarification du carbone, ont couvert seulement 27.6 % des émissions en 2021. Il n’y a pas eu de subventions aux combustibles fossiles en 2021 tandis qu’en 2018, elles couvraient 0.5 % des émissions (OCDE, 2022[61]). Le Pérou a mis en œuvre divers mécanismes de financement pour encourager les efforts de décarbonation. Il s’agit notamment de l’émission d’obligations vertes pour financer des initiatives liées aux énergies renouvelables, un programme qui fournit des ressources à des projets respectant des critères environnementaux et sociaux pour la préservation d’aires naturelles protégées, et de transferts en espèces ciblant les ménages engagés dans des projets résidentiels respectueux de l’environnement (OCDE et al., 2022[4]).
La taxation du carbone et les systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE) pourraient être deux volets essentiels de la politique climatique globale. Ces deux mesures peuvent être des moyens efficaces par rapport à leur coût de réduire les émissions de GES, d’inciter le secteur privé à investir dans des actions d’atténuation du changement climatique et de modifier le comportement des consommateurs et des entreprises pour qu’ils favorisent les énergies et les modes de transport plus propres. Pour les pays en développement, les taxes carbone ont des avantages pratiques non négligeables par rapport aux SEQE : facilité d’administration, certitude concernant les prix pour promouvoir l’investissement, possibilité de générer des recettes importantes et couverture d’un plus large éventail de sources d’émissions (Parry, Black et Zhunussova, 2022[62]). Le Pérou gagnerait à prélever une taxe carbone explicite comme d’autres pays d’Amérique latine tels que l’Argentine, le Chili, la Colombie et le Mexique. Le fait de fixer un prix initial avec une trajectoire prédéfinie et des augmentations annuelles durant la décennie suivante donnerait de la certitude aux entreprises et leur permettrait de planifier leurs investissements et d’éviter les actifs échoués, le temps que les consommateurs s’adaptent également. L’assiette de la taxe carbone pourrait aussi être progressivement élargie selon une stratégie prédéfinie (OCDE, 2021[63] ; OCDE, 2021[54]). Par exemple, en Colombie, la taxe s’est initialement appliquée à 25 % des émissions nationales au faible taux de 5 USD par tonne de CO2, et les pouvoirs publics envisagent depuis peu de rehausser progressivement ce montant et d’élargir le champ d’application de la taxe au charbon. Le Chili a également commencé par fixer une taxe carbone de 5 USD par tonne de CO2 et envisage de l’augmenter dans le cadre de la réforme fiscale verte à venir, au second semestre de 2023. Il a également élargi l’assiette de cette taxe carbone au fil du temps. Les recettes tirées des taxes carbone pourraient être redirigées de manière à atténuer l’impact sur les ménages vulnérables et à financer des programmes de reboisement et des investissements liés aux énergies renouvelables.
Tableau 1.6. Principales conclusions et recommandations
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
RECOMMANDATIONS (Principales recommandations en gras) |
---|---|
Ajuster les politiques macroéconomiques |
|
L’inflation globale, l’inflation sous-jacente et les anticipations d’inflation à 12 mois ont commencé à diminuer, mais elles restent élevées et supérieures à l’objectif d’inflation. |
Maintenir l’orientation restrictive de la politique monétaire pour ramener durablement l’inflation vers l’objectif visé. |
Les modalités de gouvernance de la Banque centrale de réserve du Pérou (BCRP) sont conformes aux meilleures pratiques internationales, mais le conseil d’administration est nommé pour une durée qui coïncide avec le mandat présidentiel, ce qui finit par affecter l’autonomie de cette institution. |
Veiller à ce que le mandat des membres du Conseil d’administration de la Banque centrale de réserve du Pérou (BCRP) ne coïncide pas avec celui de l’exécutif, et procéder à des renouvellements échelonnés. |
La dette publique s’est alourdie. L’économie s’est redressée après la récession liée à la pandémie, mais elle a récemment ralenti sur fond de conflits sociaux. |
La politique budgétaire devrait étayer la politique monétaire face à la forte inflation. Maintenir le rythme de l’assainissement des finances publiques comme prévu actuellement pour reconstituer des marges de manœuvre budgétaires. |
Le Pérou est doté d’un cadre de réglementation financière solide qui a garanti la résilience du système financier dernièrement malgré la volatilité financière observée à l’échelle mondiale, le durcissement des conditions financières et l’instabilité politique intérieure. |
Continuer de surveiller de près les portefeuilles d’actifs des banques et leurs critères d’octroi de prêts. |
La dollarisation de l’économie reste forte, les crédits en dollars représentant 25 % de l’encours total de prêts et les dépôts en dollars 30 % du total des dépôts. |
Continuer de préserver la flexibilité du taux de change et limiter progressivement les interventions de façon à éviter toute variation abrupte du cours de la monnaie. Développer le marché des changes et des produits financiers dérivés en en renforçant le cadre réglementaire, en mettant en place une infrastructure financière solide et en améliorant l’éducation financière, en particulier dans les PME. |
Réformer la fiscalité |
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Les recettes fiscales actuelles, qui représentent 17 % du PIB, sont insuffisantes pour améliorer de façon notable la protection sociale et les services publics tels que la santé et l’éducation, et pour asseoir une croissance plus inclusive et plus durable. Les lacunes qui caractérisent le recouvrement des impôts se traduisent par des pertes de recettes représentant plus de 5 % du PIB par an. |
Améliorer l’administration de l’impôt et faire reculer la fraude fiscale en recourant davantage aux technologies de l’information et en procédant à des recoupements d’informations provenant de sources différentes. |
Les dépenses fiscales contribuent à la faiblesse des rentrées d’impôts au Pérou. |
Procéder à une évaluation approfondie des dépenses fiscales, en ne conservant que celles qui ont un impact positif, avec un bon rapport coût-efficacité, sur des objectifs bien définis de l’action publique. |
Le faible niveau des recettes de l’impôt sur le revenu s’explique par le petit nombre de contribuables qui s’en acquittent, ce qui limite la redistribution. Il est tout à fait possible d’accroître la productivité. |
Abaisser le seuil de revenu à partir duquel les contribuables commencent à acquitter cet impôt, en supprimant les exonérations et en renforçant la progressivité des taux. |
La faiblesse des recettes d’impôts sur le patrimoine tient à l’absence d’un système complet et actualisé de cadastre et d’évaluation des propriétés immobilières. |
Accélérer la mise à jour du cadastre et l’étendre à toutes les municipalités, et élaborer parallèlement des règles et mécanismes d’évaluation des biens immobiliers qui seront appliqués de manière cohérente dans l’ensemble du pays. |
La complexité et la multiplicité des régimes d’imposition ont contribué à la faiblesse du recouvrement, au niveau élevé de l’économie informelle et au niveau modeste de la productivité |
Simplifier les régimes d’imposition des sociétés applicables aux petites entreprises en fusionnant les régimes intermédiaires. |
La décentralisation budgétaire est incomplète. Le système pâtit de mécanismes de financement des administrations infranationales qui sont à l’origine de distorsions ainsi que du manque de délimitation claire des compétences en matière de dépenses entre les administrations nationale et infranationales, ce qui aboutit in fine à un creusement des inégalités entre régions. |
Clarifier les responsabilités en matière de dépenses à chaque niveau d’administration. Mettre en œuvre une réforme complète des finances infranationales, notamment en renforçant progressivement les prérogatives fiscales au niveau régional. Améliorer le fonctionnement et les caractéristiques favorisant l’équité des transferts infranationaux en élaborant et en leur appliquant des formules de répartition claires et mesurables, et en donnant plus de poids aux indicateurs sociaux et aux besoins d’investissement ainsi qu’en renforçant les incitations à fournir de meilleurs services. |
Rendre la croissance plus durable et plus verte |
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Compte tenu de sa vulnérabilité face au changement climatique et aux catastrophes naturelles, le Pérou est très exposé aux effets qui pourraient en résulter sur sa croissance économique, ses comptes budgétaires et sa stabilité financière. |
Intégrer les risques liés au climat et aux catastrophes naturelles dans les tests de résistance et la surveillance de la stabilité financière. Intégrer une évaluation de l’effet budgétaire du changement climatique dans les prévisions pluriannuelles. |
Le Pérou s’est fixé des objectifs ambitieux et plusieurs mesures ont déjà été prises. Une stratégie globale à long terme pour la transition verte est en cours d’élaboration. |
Mettre à jour et approuver une stratégie de transition climatique prévoyant des étapes et des mesures concrètes pour atteindre les objectifs et parvenir à la neutralité carbone. |
Les objectifs des contributions déterminées au niveau national (CDN) sont ambitieux, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour les atteindre. Les signaux de prix du carbone destinés à favoriser la transition vers une utilisation plus large des sources d’énergie renouvelables sont faibles. |
Accélérer le processus de décarbonation au moyen de règles plus strictes et de signaux de prix plus cohérents, notamment en mettant en place une taxe sur le carbone, tout en soutenant les ménages vulnérables en leur accordant des transferts ciblés et temporaires. |
Les combustibles fossiles représentent l’essentiel (70 %) de la consommation d’énergie primaire. |
Recourir davantage aux sources d’énergie renouvelables et les diversifier. |
La déforestation s’est intensifiée, et les objectifs actuels de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne pourront être atteints sans un recul marqué de cette pratique. |
Attribuer des droits et concessions forestiers et établir un registre foncier. Accroître les ressources affectées à la conservation, au reboisement, au boisement et à la lutte contre la déforestation. |
Références
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