Véronique Salins et Urban Sila
Études économiques de l'OCDE : Suisse 2022
2. Tonifier le marché du travail pour favoriser la reprise et asseoir la croissance
Abstract
Le marché du travail suisse fonctionne bien et se caractérise par un taux dechômage faible, une main-d’œuvre très qualifiée et des emplois bien rémunérés. Il a su résister à la crise du COVID-19, en partie grâce au soutien important que les pouvoirs publics ont apporté à l’emploi et aux revenus. Avec la reprise de l’activité, les autorités doivent relever le défi consistant à adapter les mesures d’aide de façon à ne pas faire obstacle au redéploiement de l’emploi et à la croissance de la productivité, tout en garantissant un accompagnement adéquat aux entreprises et aux travailleurs vulnérables. La pandémie a par ailleurs accentué certains problèmes préexistants. L’écart de salaire entre hommes et femmes, déjà considérable, risque de se creuser encore, et les travailleurs âgés sont plus exposés qu’auparavant au chômage de longue durée. Rendre le marché du travail plus inclusif faciliterait la reprise et améliorerait la productivité. L’économie suisse gagnerait à ce que les groupes sous-représentés soient plus efficacement intégrés sur le marché du travail. Le développement des compétences et la correction des inégalités dans l’enseignement et la formation seront d’autre part indispensables pour fluidifier les transitions professionnelles et permettre aux travailleurs et aux entreprises de recueillir les fruits du progrès technologique et de la transformation numérique.
Introduction
La Suisse possède un marché du travail qui fonctionne correctement, avec un taux de chômage faible , un taux d’activité élevé et des emplois bien rémunérés. Grâce à une législation offrant une grande souplesse de recrutement et de licenciement, et à une main-d’œuvre très qualifiée, elle est en mesure de s’adapter aux chocs économiques de même qu’aux changements structurels induits par le progrès technologique. Il n’en reste pas moins que le vieillissement démographique freine l’augmentation de l’utilisation de la main-d’œuvre et que le pays doit faire face à des pénuries de travailleurs très qualifiés.
Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a soulevé des difficultés sans précédent pour le fonctionnement du marché suisse du travail. Les mesures de confinement ont contraint beaucoup d’entreprises à suspendre leurs activités de manière prolongée, en particulier dans le secteur des services, tandis que la fermeture temporaire des frontières et les goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement ont pénalisé le secteur manufacturier. De nombreuses entreprises ont vu leur chiffre d’affaires chuter et leurs perspectives devenir plus incertaines, ce qui s’est traduit par un excès temporaire de main-d’œuvre et par des tensions sur le chômage, la durée du travail et les revenus.
Promptes et de grande envergure, les interventions décidées par les pouvoirs publics en faveur des travailleurs et des entreprises ont contribué à la remarquable tenue du marché du travail suisse. En effet, le chômage n’a augmenté que dans des proportions limitées, et la pandémie n’a eu que peu d’incidence sur le taux d’activité. Le choc s’est en revanche traduit par un nombre sans précédent de travailleurs au chômage partiel. L’aide des pouvoirs publics a également pris la forme de mesures destinées à compenser le manque à gagner des travailleurs indépendants et d’apports de liquidités supplémentaires aux entreprises. Ces différents dispositifs ont contribué à limiter les pertes d’emplois et permis de soutenir efficacement le revenu des travailleurs et des ménages, évitant ainsi une augmentation de la pauvreté et du dénuement. Les mesures prises ont, par voie de conséquence, concouru au rattrapage rapide de la consommation et de l’activité lorsque la plupart des restrictions imposées en raison de la pandémie ont été levées.
Avec la reprise de l’activité, les autorités suisses doivent relever le défi consistant à adapter progressivement leurs mesures de soutien de façon à ne pas faire obstacle à la réaffectation des ressources et à la croissance future de la productivité, tout en continuant d’accompagner comme il se doit les entreprises et les travailleurs vulnérables. Un recours large et prolongé aux dispositifs de maintien dans l’emploi fait courir le risque de subventionner des emplois qui ne sont plus viables, et de ralentir par là même la croissance. Les pouvoirs publics doivent se tourner désormais vers les politiques actives du marché du travail pour faciliter les transitions professionnelles et le retour à l’emploi des travailleurs licenciés. Il faut, en parallèle, que les mesures de soutien encore en vigueur deviennent de plus en plus ciblées, l’objectif étant de laisser en place des filets de sécurité adaptés pour les travailleurs les plus vulnérables et les plus durement touchés par la crise.
Les conséquences de la pandémie ont d’autre part aggravé certains problèmes auxquels le marché du travail suisse était confronté auparavant. L’écart de salaire entre hommes et femmes, déjà considérable, risque de se creuser encore, puisque ce sont principalement ces dernières qui ont été prises en charge par le régime d’indemnisation en cas de chômage partiel. En outre, durant la crise, elles ont supporté une part plus importante de la charge de travail supplémentaire imposée par la garde des enfants. Par ailleurs, le risque de licenciement a été particulièrement aigu pour les travailleurs étrangers, présents en très grand nombre dans les secteurs les plus rudement frappés. Les travailleurs âgés sont bien plus susceptibles de connaître le chômage de longue durée depuis la crise, compte tenu de leurs difficultés relativement plus grandes à retrouver un emploi après un licenciement. S’ajoute à cela le fait que les travailleurs peu qualifiés ont plus de risques de perdre leur emploi que ceux dont le niveau d’éducation est plus élevé. L’économie suisse gagnerait à ce que les groupes sous-représentés participent plus activement au marché du travail, notamment grâce au développement de leurs compétences.
Avant la crise, l’intégration des jeunes sur le marché du travail était remarquablement efficiente. Le système d’enseignement suisse, qui met l’accent sur l’éducation et la formation professionnelles (EFP), permet en effet une intégration efficace des jeunes sur le marché du travail. Cela étant, le coup d’arrêt mis à la transmission des compétences par la fermeture temporaire des établissements scolaires, des centres de formation ou des entreprises ainsi que le recours généralisé au télétravail risquent d’avoir des répercussions durables sur les perspectives offertes aux jeunes, notamment pour les élèves issus de milieux défavorisés.
Le chapitre est structuré comme suit : La section ci-après sera consacrée aux répercussions de la pandémie sur le marché du travail ainsi qu’aux principales points forts et faiblesses de celui-ci, considérés à la lumière de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi. La section suivante portera sur l’examen des diverses options qui s’offrent aux pouvoirs publics pour favoriser le redéploiement de l’emploi tout en apportant un soutien adéquat aux travailleurs vulnérables. Les mesures susceptibles d’encourager davantage d’individus à prendre pleinement part à la vie active et de favoriser l’inclusivité du marché du travail suisse seront passées en revue dans la troisième et dernière section.
La grande résilience du marché du travail et l’importance des aides publiques ont protégé l’emploi pendant la crise
Des mesures adaptées ont permis de soutenir efficacement le marché du travail pendant la crise
Le marché du travail suisse fonctionne bien et a su résister à la crise du COVID-19 (graphique 2.1, partie A). Le taux de chômage harmonisé a augmenté pour s’établir à 5.1 % au quatrième trimestre de 2020, soit un point de pourcentage de plus qu’au quatrième trimestre de 2019 (graphique 2.1, partie B). En comparaison, le taux de chômage a augmenté de 1.7 point de pourcentage en moyenne dans les économies de l’OCDE au cours de la même période (graphique 2.1, partie C). Il a légèrement reculé depuis le début de l’année 2021, mais reste supérieur à son niveau d’avant la pandémie, tandis que le taux de chômage déclaré a retrouvé en octobre 2021 son niveau de décembre 2019. Cela étant, l’incidence du chômage de longue durée, qui représentait 35 % du chômage total en 2020, est relativement élevée (graphique 2.1, partie D), et parmi les chômeurs inscrits auprès d’un office public de placement, la part des chômeurs qui étaient sans emploi depuis plus d’un an est passée de 11½ pour cent à la fin de 2019 à 25½ pour cent en décembre 2021, selon les données du Secrétariat d’État à l’économie. La prolongation de la durée d’indemnisation du chômage pendant les confinements liés à la pandémie peut expliquer en partie cette forte augmentation, dans la mesure où les demandeurs d’emploi déjà au chômage depuis longtemps ont pu éviter ou repousser la fin de la période maximale d’indemnisation du chômage.
L’emploi total a légèrement reculé durant les deux premières vagues de la pandémie, mais s’est redressé avec la reprise de l’économie. Le taux d’activité a diminué depuis le début de 2021, mais demeure l’un des plus élevés de la zone OCDE. En outre, au plus fort de la crise, le nombre de postes vacants a moins baissé que dans plusieurs autres économies de l’OCDE (graphique 2.2). Néanmoins, au premier trimestre de 2021, il est resté inférieur de 13 % à son niveau d’avant la crise, avant de rebondir rapidement aux deuxième et troisième trimestres avec la levée des restrictions.
La crise a notamment entraîné un recours sans précédent au dispositif de chômage partiel. En avril 2020, au plus fort de la crise, 1.36 million de salariés ont bénéficié de ce dispositif, soit environ un quart de la population active, un chiffre 14 fois plus élevé qu’au plus fort de la crise financière mondiale (graphique 2.3, partie A). Alors que l’emploi à temps plein n’a diminué que de 1.2 % en glissement annuel au deuxième trimestre de 2020, on estime que la baisse s’établit à 11.9 %, un chiffre impressionnant, si l’on tient compte de la réduction moyenne du temps de travail associée au recours au chômage partiel (graphique 2.3, partie B). Le nombre de bénéficiaires a rapidement diminué au troisième trimestre de 2020 pour s’établir à environ 254 000 personnes en octobre. Toutefois, fin 2020 et début 2021, lorsque le gouvernement a commencé à prendre de nouvelles mesures d’endiguementdans le contexte de la deuxième vague, le recours au dispositif de chômage partiel a de nouveau augmenté, quoique dans une moindre mesure. Au quatrième trimestre de 2020, l’emploi à temps plein a augmenté de 0.6 % en glissement annuel, mais si l’on tient compte des travailleurs en chômage partiel, il aurait reculé de 2.3 %.
Les autorités fédérales ont rapidement pris des mesures pour raccourcir et simplifier la procédure de demande et en étendre l’admissibilité aux travailleurs sous contrat à durée déterminée, aux travailleurs temporaires et aux apprentis, ce qui a grandement facilité le recours au dispositif (voir encadré 2.1 et section 2). Les travailleurs temporaires, s’ils ont été beaucoup moins nombreux à demander une indemnité au titre du chômage partiel que les travailleurs titulaires de contrats permanents, ont tout de même représenté un effectif important (graphique 2.4 et encadré 2.2). Le dispositif a offert une protection efficace à cette catégorie de travailleurs qui est généralement la première à subir les effets négatifs en période de ralentissement économique. En outre, le recours généralisé au dispositif a contribué à soutenir efficacement les revenus des travailleurs, ce qui a favorisé un rebond rapide de la consommation à la levée des restrictions.
Les autorités fédérales ont également mis en place un régime spécifique d’indemnisation pour les travailleurs indépendants dont l’activité a été perturbée par les restrictions. Le nouvel instrument, de nature provisoire, couvrait un déficit de protection de l’emploi des indépendants, qui représentent 14.4 % de l’emploi total mais ne peuvent par ailleurs pas prétendre aux allocations de chômage. Le coût total de l’indemnisation des travailleurs indépendants en cas de perte de revenu s’est élevé à 2 milliards CHF en 2020, soit 0.3 % du PIB. En outre, les prestations d’assurance chômage ont été temporairement prolongées, jusqu’à six mois sur la période de mars à août 2020 et jusqu’à trois mois sur la période de mars à mai 2021. Avec la prorogation jusqu’en 2021 des mesures exceptionnelles de chômage partiel et de l’indemnisation des travailleurs indépendants en cas de perte de revenu, les dépenses sociales liées à la crise du COVID-19 (y compris les dépenses au titre du chômage partiel, l’indemnisation pour perte de revenu et l’assurance chômage) devraient s’élever à 7 milliards CHF en 2021, soit environ 1 % du PIB de 2020. En décembre 2021, la plupart des mesures ont encore été prolongées, jusqu’à la fin de 2022.
Encadré 2.1. Mesures de soutien d’urgence pendant la crise du COVID-19
Depuis mars 2020, les autorités ont adopté divers instruments d’action pour protéger les travailleurs et les entreprises des conséquences économiques de la crise.
- Le dispositif d’indemnisation au titre du chômage partiel est le principal instrument permettant de compenser une perte d’emploi liée à la crise. L’assurance chômage (par l’intermédiaire de laquelle le dispositif est administré et financé) couvre provisoirement 80 % de la perte de revenu imputable à la réduction du nombre d’heures travaillées, avec un plafond fixé à 196 CHF par jour. En 2020, un montant de 20.2 milliards CHF de fonds supplémentaires a été transféré à la caisse d’assurance chômage pour couvrir les dépenses correspondantes, dont 10.8 milliards CHF (1.5 % du PIB) ont été utilisés. Le dispositif de chômage partiel existait avant la pandémie et les entreprises qui connaissaient un ralentissement provisoire de leur activité pouvaient demander à en bénéficier par l’intermédiaire de l’Office cantonal de l’emploi. Toutefois, en mars 2020, la procédure de demande a été raccourcie et simplifiée, et le « délai de carence » (période de deux ou trois jours par mois pendant laquelle un employeur devait prendre en charge l’intégralité des coûts du personnel relevant du dispositif) a été supprimé. La portée du dispositif a également été étendue aux catégories de salariés qui ne pouvaient pas en bénéficier dans le cadre juridique habituel : les travailleurs sous contrats à durée déterminée, les travailleurs temporaires et les apprentis (ces exclusions ont été prévues dans le cadre habituel parce qu’il n’est pas possible de mettre fin aux contrats à durée déterminée, parce que les emplois temporaires ne sont pas considérés comme viables à long terme et parce que les apprentis doivent être sur place, la formation sur le lieu de travail faisant partie de l’enseignement). En outre, pour les travailleurs à faible revenu (gagnant moins de 3 470 CHF par mois), le niveau de l’indemnisation a été relevé en décembre 2020 pour compenser 100 % de la perte de salaire (contre 80 % auparavant). La plupart de ces mesures devaient initialement arriver à échéance fin août 2020, mais elles ont été prorogées tout d’abord jusqu’en 2021, puis jusqu’à la fin de 2022 (voir également la section 2).
- L’allocation pour perte de gain due au coronavirus cible principalement les travailleurs indépendants, directement ou indirectement touchés par les mesures de freinage. Ce dispositif prévoit également une indemnité journalière pour les salariés et les travailleurs indépendants qui sont en quarantaine ou qui doivent rester chez eux pour s’occuper de leurs enfants en raison d’une interruption des services de garde. Dans tous les cas, l’indemnité s’élève à 80 % des revenus d’activité d’avant la crise du COVID-19, avec un plafond fixé à 196 CHF par jour. En 2020, les autorités fédérales ont alloué 5.3 milliards CHF au régime d’allocation pour perte de gain COVID-19, dont 2.2 milliards CHF ont été utilisés. En décembre 2021, ce dispositif a été prolongé jusqu’à la fin de 2022.
- Le soutien aux PME a pris la forme de crédits garantis par un cautionnement solidaire de la Confédération, le « crédit COVID-19 ». Les cautionnements ont été émis pour des prêts consentis par des banques privées afin d’aider des sociétés par ailleurs solvables à faire face à des problèmes provisoires de liquidité. La couverture était de 100 % pour les prêts à concurrence de 500 000 CHF et de 85 % pour les concours compris entre 500 000 CHF et 20 millions CHF. Les banques ont quant à elles pu accéder aux liquidités nécessaires pour ces prêts au taux directeur de la BNS, grâce à la facilité de refinancement BNS-COVID-19. Un volume de cautionnements de 40 milliards CHF a été mobilisé. Dans la pratique, les banques ont accordé des prêts à hauteur de 18 milliards CHF en 2020. La période de dépôt des demandes de prêts s’est achevée en juillet 2020. Les crédits COVID-19 ont été complétés par des garanties à l’intention des jeunes entreprises d’un montant de 100 millions CHF.
- L’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur, mise en application par les cantons, a été prise en décembre 2020 pour apporter un soutien supplémentaire aux entreprises concernées par les restrictions. Ce dispositif permet d’accorder des prêts, des garanties ou des contributions à des entreprises qui ont dû fermer pendant au moins 40 jours en application de mesures gouvernementales, ou dont le chiffre d’affaires a reculé d’au moins 40 % sur une période de 12 mois. Les deux tiers des fonds sont versés par la Confédération et le reste par les cantons. En outre, afin d’aider les entreprises les plus durement touchées, le Conseil fédéral a supprimé le plafond des contributions accordées aux petites et moyennes entreprises. Il a en outre autorisé les cantons à ajuster les conditions d’accès à ce programme afin de s’adapter aux besoins spécifiques des collectivités locales et la Confédération financera les surcoûts éventuels qui résulteront de cette mesure. Ce programme a été doté de 8.2 milliards CHF pour 2021. En décembre 2021, la durée de validité de la base légale qui régit ce dispositif a été prolongée jusqu’à la fin de 2022.
Le soutien à l’économie a également été assuré par d’autres canaux. Par exemple, de nouvelles mesures sectorielles sous forme de prêts, de contributions ou de subventions ont été mises en place pour soutenir les entreprises et les travailleurs dans les secteurs du sport, de la culture, du tourisme et du transport aérien. De nombreux cantons ont également apporté un soutien complémentaire aux entreprises des secteurs les plus sinistrés.
L’impact de la crise a été très variable selon les catégories de travailleurs et les secteurs d’activité
L’évolution du marché du travail a été très différente selon les secteurs. Les activités des entreprises les plus exposées aux mesures de freinage , qui exigent des relations étroites entre consommateurs et producteurs, une forte affluence ou des déplacements transfrontaliers, ont été particulièrement sinistrés.
Le secteur de l’hébergement et de la restauration, qui représente 5 % de l’emploi total, a été très durement touché. De tous les secteurs, c’est celui qui a connu le plus de pertes d’emploi en équivalent temps plein et qui a enregistré le taux le plus élevé de recours au chômage partiel (graphique 2.4). En avril 2020, environ ⅔ des actifs de 2019 bénéficiaient d’une allocation de chômage partiel et, en novembre 2020, ils étaient encore 30 % à la percevoir. Le nombre de chômeurs dans le secteur a pratiquement doublé entre janvier 2020 et janvier 2021, et selon des enquêtes, en mai, une grande majorité d’entreprises envisageaient de nouvelles réductions d’effectifs dans les mois à venir (KOF, 2021a et 2021b). Les perspectives d’emploi ne se sont améliorées qu’à l’été 2021 avec la levée d’un grand nombre de restrictions. En juillet 2021, le pourcentage de la main-d’œuvre de 2019 recevant des allocations de chômage partiel avait été ramenée à 6 %. Les restrictions prolongées et la demande en berne ont largement compromis les perspectives d’emploi dans de nombreuses autres activités de services, notamment dans les secteurs de l’art, des loisirs et des transports. Dans le secteur manufacturier, les industries mécanique, horlogère et métallurgique ont enregistré une forte baisse de la demande en 2020 (Arni, 2020), mais ont connu un rebond plus rapide en 2021.
Certains secteurs, en revanche, ont bien moins ressenti les effets de la pandémie, voire en ont bénéficié et ont embauché pendant la crise. Pour les secteurs qui ont pu fonctionner efficacement grâce au télétravail, ou ont réussi à proposer leurs produits et services en ligne, les difficultés créées par la pandémie sont devenues une chance. L’emploi dans le secteur des technologies de l’information, en particulier, est resté plus élevé qu’avant la crise tout au long de 2020. Dans le contexte de la pandémie, l’emploi dans les services de santé et les services sociaux ainsi que dans l’industrie pharmaceutique a connu une évolution analogue (graphique 2.4). L’emploi a également résisté dans l’administration publique et l’éducation, et les données relatives aux offres d’emploi ont montré une normalisation des comportements de recrutement à compter de l’été 2020, dans les secteurs de la construction et des services financiers (X28-Novalytica, 2021).
Les pénuries de main-d’œuvre qualifiée, qui étaient assez importantes dans certains secteurs avant la pandémie, se sont atténuées par suite du recul de l’activité (graphique 2.5). Cela étant, les difficultés de recrutement de travailleurs qualifiés déjà signalées sont restées élevées dans le secteur manufacturier, les technologies de l’information et la communication, ainsi que dans les secteurs de la santé et de l’action sociale. Elle se sont en outre nettement aggravées avec la reprise économique aux deuxième et troisième trimestres 2021 pour avoisiner, voire dépasser, leur niveau pré-crise.
En dépit d’un soutien efficace des pouvoirs publics, de nombreux ménages ont vu leurs revenus diminuer. La résilience globale relativement bonne masque une grande hétérogénéité entre les catégories de travailleurs. Selon le Centre de recherches conjoncturelles (KOF, 2021d), la pandémie a creusé les disparités économiques et sanitaires, avec des conséquences disproportionnées pour les ménages à bas revenu. Si la hausse du taux de chômage n’a pas été marquée par des écarts importants entre les hommes et les femmes, ni entre les différents groupes d’âge, les travailleurs nés à l’étranger ont enregistré une augmentation plus forte de leur taux de chômage, qui était déjà plus élevé que celui des travailleurs nés en Suisse. En outre, à l’aide de données d’enquête, Hijzen et Salvatori (à paraître) montrent que le recours au dispositif de chômage partiel était plus fréquent pour les femmes que pour les hommes. Ils mettent également en évidence un recours accru à ce dispositif pour les travailleurs peu et moyennement qualifiés, ainsi qu’une plus forte probabilité de perte d’emploi chez les travailleurs peu qualifiés et les travailleurs sous contrat temporaire, ce qui donne à penser que la crise a eu un impact beaucoup plus fort à l’extrémité inférieure de la distribution des salaires (graphique 2.6 et encadré 2.2).
Encadré 2.2. Le dispositif suisse de chômage partiel a efficacement protégé les emplois en 2020
La résilience globale du marché du travail suisse s’explique en grande partie par le recours au dispositif d’indemnisation du chômage partiel qui a contribué à limiter le risque de perte d’emploi pour les salariés menacés. Hijzen et Salvatori (à paraître) utilisent des données longitudinales tirées de l’Enquête suisse sur la population active pour étudier les transitions sur le marché du travail au cours de l’année 2020. Ils calculent la probabilité de deux transitions clés sur deux trimestres consécutifs pour différentes catégories de salariés depuis le début de la crise du COVID-19 : (i) la probabilité de perdre son emploi, et (ii) la probabilité d’être mis au chômage partiel. Les résultats montrent que lorsque la crise a frappé et que l’activité économique a chuté de façon spectaculaire, la probabilité qu’un salarié soit placé en chômage partiel a bondi pour passer d’environ 1 % avant la crise au niveau sans précédent de 13 % au deuxième trimestre de 2021. En conséquence, le risque de perte d’emploi pour un salarié est resté modéré, à 4 % - soit seulement 1 point de pourcentage de plus qu’au cours des cinq années qui ont précédé la crise.
L’analyse montre que le dispositif a peut-être été un peu moins efficace pour préserver les emplois des travailleurs peu qualifiés et des travailleurs sous contrat temporaire au cours du premier trimestre de la crise. Au deuxième trimestre 2020, le risque de perte d’emploi a davantage augmenté pour ces catégories de travailleurs que pour d’autres, contrairement à la probabilité d’être mis au chômage partiel. Par exemple, la probabilité qu’un travailleur peu qualifié ait perdu son emploi entre le premier et le deuxième trimestre était de 10 % - soit une augmentation de 3 points de pourcentage par rapport à la période antérieure à la crise, un chiffre beaucoup plus élevé que celui observé pour les travailleurs moyennement qualifiés (graphique 2.7). En revanche, les travailleurs peu qualifiés étaient moins susceptibles que les travailleurs moyennement qualifiés d’être placés en chômage partiel (13 % contre 15 %). Cependant, rien n’indique que cette évolution ait perduré au cours des trimestres suivants. La suppression provisoire du délai de carence et l’extension de l’admissibilité aux travailleurs sous contrat temporaire ont peut-être largement encouragé le recours au chômage partiel pour les travailleurs jeunes et peu qualifiés.
Si, dans un premier temps, les jeunes et les travailleurs plus âgés ont été disproportionnellement affectés par la crise, rien n’indique qu’il a été fait un usage discriminatoire du dispositif de chômage partiel visant à préserver l’emploi entre les femmes et les hommes, les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps plein et les différentes tranches d’âge. Il semble que le risque de perte d’emploi ait davantage augmenté chez les femmes que chez les hommes pendant la première vague de la pandémie en raison des catégories d’emploi qu’elles occupent. En effet, une fois pris en compte la profession, le type de contrat et le secteur d’activité, le fait d’être une femme n’a plus qu’un effet statistiquement non significatif sur la perte d’emploi. Par ailleurs, les femmes étaient aussi davantage susceptibles d’être au chômage partiel (15 % contre 11 %) (partie C du graphique 2.7), indépendamment de leur catégorie d’emploi. Cela indique qu’elles ont été initialement plus durement touchées que les hommes par la crise, mais aussi que le dispositif de chômage partiel les a protégées du chômage. Au cours des trimestres ultérieurs, les femmes comme les hommes ont vu le risque de perte d’emploi diminuer par rapport à la période récemment écoulée. À la fin de l’année, l’écart en termes de risque de perte d’emploi est devenu plus faible qu’avant la crise - les femmes comme les hommes étant exposés à un risque d’environ 3.5 % entre le troisième et le quatrième trimestre. De même, l’écart de probabilité de chômage partiel entre les femmes et les hommes s’est réduit au fil du temps, même si les femmes étaient restées légèrement plus susceptibles que les hommes de relever de ce dispositif à la fin de 2020 (5.2 % contre 4.6 %).
Dans l’ensemble, il semble que le dispositif suisse de chômage partiel, tant dans sa conception que dans les mesures complémentaires destinées à encourager son utilisation, ait été adapté à son objectif. À l’avenir, le risque est de plus en plus grand que les emplois qui continuent de relever du dispositif de chômage partiel ne soient plus viables, comme en témoigne déjà la part croissante des contrats de travail qui finissent par être résiliés.
Les conséquences de la crise pourraient peser sur le marché du travail
D’après le tableau de bord de la Stratégie pour l’emploi de l’OCDE sur le comportement global du marché du travail (voir encadré 2.3, OCDE, 2018a et 2018b), la Suisse figure parmi les pays les plus performants pour la plupart des indicateurs (graphique 2.8), et se situe au-dessus de la moyenne de l’OCDE dans toutes les catégories sauf une (l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes). Le pays affiche un taux d’emploi est élevé, et de faibles taux de chômage et de sous-utilisation de la main-d’œuvre. Les travailleurs perçoivent des salaires comparativement élevés et la précarité sur le marché du travail est faible. En outre, la Suisse peut se targuer d’un niveau relativement élevé d’égalité des revenus et des chances. Toutefois, l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes reste important et certaines catégories défavorisées de travailleurs se heurtent à des obstacles sur le marché du travail.
Encadré 2.3. Mise en œuvre de la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi pendant la crise du COVID-19 et au-delà
La Stratégie de l’OCDE pour l’emploi vise à aider les décideurs des pays membres et partenaires à obtenir de bons résultats sur le front de l’emploi, notamment en période de bouleversements sociaux et économiques, comme ceux que connaissent actuellement la plupart des pays de l’OCDE. La Stratégie va au-delà de l’aspect quantitatif de l’emploi pour faire de la qualité des emplois et de l’inclusivité du marché du travail des priorités essentielles de l’action publique, tout en mettant l’accent sur l’importance de la résilience et de l’adaptabilité pour le bon fonctionnement de l’économie et du marché du travail dans un monde du travail en mutation. Compte tenu de l’accent mis sur la résilience et l’adaptabilité, la Stratégie pour l’emploi prend tout son sens dans le contexte actuel, alors que la crise du COVID-19 met à l’épreuve la capacité de rebond des marchés du travail et a accéléré certaines des tendances structurelles préexistantes auxquelles ils devront s’adapter.
L’OCDE soutient activement les pays dans la mise en œuvre de sa Stratégie pour l’emploi en définissant des priorités d’action et des recommandations propres à chacun. Ces travaux passent par l’élaboration de chapitres spéciaux consacrés à la Stratégie pour l’emploi dans les Études économiques de l’OCDE, ainsi que de documents de référence plus analytiques sur la mise en œuvre de la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi dans certains pays. Dans le cas de la Suisse, ce chapitre spécial est étayé par des travaux d’analyse complémentaires analysant les conséquences de la crise du COVID-19 sur différentes catégories socioéconomiques et l’importance des dispositifs de maintien de l’emploi. Le processus de mise en œuvre se conclura par un rapport de synthèse qui tirera les enseignements des examens par pays et mettra en lumière les bonnes pratiques pour l’ensemble des moyens d’action recensés par la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi.
Pour plus de détails, voir http://www.oecd.org/employment/jobs-strategy/.
L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes travaillant à temps plein, qui s’établissait à 15 % en 2019 (si l’on considère le salaire médian, 19 % si l’on considère le salaire moyen), est supérieur à la moyenne de l’OCDE (graphique 2.9, partie A). Si l’emploi féminin est très élevé en Suisse, près de 45 % des femmes travaillent à temps partiel (graphique 2.9, partie B). Cette situation creuse davantage l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, qui s’établissait à 45.5 % en 2018, soit bien au-dessus de la moyenne de l’OCDE. L’écart entre les femmes et les hommes est également lié au faible taux d’activité des mères de jeunes enfants. Cette catégorie affiche en effet un écart d’emploi d’environ 15 % par rapport aux hommes d’âge très actif.
Au cours de la crise récente, la réduction du temps de travail n’a été que légèrement plus prononcée pour les femmes que pour les hommes. Les secteurs les plus touchés, comme le secteur de l’hébergement et de la restauration, emploient un nombre disproportionné de femmes, mais c’est également le cas des secteurs dans lesquels l’emploi est resté dynamique pendant la crise, comme l’administration publique, l’éducation et la santé (graphique 2.10, partie A). Néanmoins, les données d’enquête indiquent que la charge de la garde des enfants pendant les périodes de confinement et de fermeture des structures d’accueil a été supportée de façon disproportionnée par les femmes. Cela explique probablement en partie pourquoi le recours au dispositif de chômage partiel lors de la première période de transition d’analyse des données (entre le T1 et le T2), lorsque les écoles ont fermé pendant plusieurs semaines, a été plus fréquent pour les femmes, même après prise en compte de la profession (voir encadré 2.2).
La Suisse se situe bien à l’échelle internationale en matière d’intégration des catégories de travailleurs sous-représentées sur le marché du travail (graphique 2.11), même si certaines d’entre elles rencontrent des difficultés. Les travailleurs âgés (55-64 ans) affichent des taux d’emploi inférieurs de près de 20 % à ceux des hommes d’âge très actif, soit un écart inférieur à la moyenne de l’OCDE mais nettement supérieur à celui des pays les plus performants. Les données montrent que la crise n’a pas eu d’incidence disproportionnée sur l’emploi des travailleurs âgés, mais l’expérience passée montre que leur réinsertion sur le marché du travail après une période de chômage est beaucoup plus difficile que pour les travailleurs d’âge très actif (Secrétariat d’État à l’économie, 2019a et 2020). Ils sont par conséquent plus susceptibles de devenir des chômeurs de longue durée. En outre, le taux d’emploi des travailleurs nés à l’étranger est nettement plus faible, l’écart de taux d’emploi avec les travailleurs nés en Suisse étant de 17 %, et leur taux de chômage a encore augmenté pendant la crise (s’établissant à 8.5 % contre 3.9 % pour les travailleurs nés dans le pays, au quatrième trimestre 2020), en partie parce qu’ils sont très nombreux à travailler dans les secteurs les plus touchés (SFO, 2021). Ils sont en particulier surreprésentés dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration (graphique 2.10, partie B). Il est plus difficile d’évaluer l’impact de la pandémie sur la situation spécifique des travailleurs transfrontaliers du fait que les statistiques suisses sur l’emploi et le recours au dispositif de chômage partiel (dont ils peuvent bénéficier) ne sont pas disponibles par pays de résidence. On notera toutefois que le nombre des travailleurs frontaliers dans la population active n’a pas reculé pendant la pandémie : il a stagné au premier semestre 2020, à 340 000, puis a progressé pour atteindre 352 000 au troisième trimestre de 2021. Ces travailleurs étant nettement surreprésentés dans le secteur manufacturier (graphique 2.10, partie B), cette situation est en partie due à l’évolution de l’activité du secteur manufacturier : repli important de l’activité pendant la première vague de la pandémie qui a conduit ce secteur à recourir massivement au chômage partiel, repli qui a été suivi d’une reprise relativement rapide.
En ce qui concerne les jeunes (15-29 ans), la Suisse figure parmi les pays les plus performants en termes d’écart de taux d’emploi. Pendant la crise, le chômage des jeunes (15-24 ans) a sensiblement augmenté aux deuxième et troisième trimestres de 2020, mais à la fin de l’année il était déjà revenu à son niveau d’avant la pandémie. De même, les jeunes travailleurs étaient moins susceptibles d’être placés en chômage partiel que les travailleurs plus âgés au deuxième trimestre 2020, mais à des stades ultérieurs de la crise, la protection offerte par le dispositif semble avoir été assez uniforme pour l’ensemble des tranches d’âge (voir Hijzen et Salvatori, à paraître).
Sortir de la crise et faciliter le redéploiement de l’emploi
Réaliser un équilibre entre un soutien adéquat et des incitations au redéploiement des travailleurs
Lorsque l’activité économique était fortement réduite par les mesures d’endiguement au début de la pandémie, le chômage partiel a été le principal instrument de soutien à l’économie et au marché du travail. Ce régime d’indemnisation a permis aux entreprises de conserver leur main d’œuvre, en les aidant à éviter des licenciements et des réembauches onéreux tout en maintenant les revenus des salariés. L’allocation pour perte de gain due au coronavirus a également joué un rôle, aidant les travailleurs indépendants, les personnes en quarantaine et les parents qui devaient rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants.
Néanmoins, les programmes de maintien prolongé dans l’emploi peuvent dissuader les travailleurs de chercher un nouvel emploi, ce qui ralentit la restructuration économique. L’économie suisse risque de ne pas revenir si facilement à son état antérieur une fois que les mesures de confinement auront été définitivement levées. Par exemple, le secteur du transport aérien et les opérateurs touristiques s’attendent à une baisse des flux de clientèle dans les années à venir (Arni, 2020). La hausse massive du recours aux outils et aux services en ligne pendant la pandémie pourrait également se révéler durable et avoir un impact plus permanent sur la structure économique et le marché du travail. Les mesures de confinement prolongées ont considérablement pesé sur la santé financière de certaines entreprises, notamment dans les secteurs les plus touchés où les inquiétudes quant à d’éventuelles faillites se sont fortement renforcées au cours des premiers mois de l’année 2021 (KOF 2021c). Le risque est donc que les régimes de protection des emplois affectent l’argent public à la protection du statu quo.
Cependant, pour l’instant, il n’y a guère de preuves que les régimes ont protégé les emplois non viables ou qu’ils ont empêché le redéploiement des travailleurs. Les données montrent que le soutien a été profitable essentiellement aux entreprises des secteurs touchés par les restrictions imposées par le gouvernement (graphique 2.12). Dans le même temps, les offres d’emploi sont restées généralement peu nombreuses en 2020 et au premier trimestre de 2021 (graphique 2.2), limitant les possibilités de mobilité professionnelle. Néanmoins, le nombre d’emplois vacants dans les différents secteurs était caractérisé par une grande hétérogénéité de la demande de main-d’œuvre, et une forte reprise a été enregistrée au cours des deuxième et troisième trimestres de 2021. Toutefois, d’après la statistique de l’emploi (STATEM) de l’OFS, la difficulté des entreprises à embaucher du personnel a baissé en 2020 par rapport à 2019 dans une grande majorité de secteurs.
Les inquiétudes quant aux effets négatifs possibles du chômage partiel sur le redéploiement de l’emploi croissent dans les cas où les restrictions persistent et qu’un nombre élevé de travailleurs restent au chômage partiel pendant une période prolongée. Les questions relatives à la viabilité des emplois qui sont soutenus pendant une période prolongée risquent de s’intensifier, tandis que le risque de compromettre la création d’emplois et le redéploiement de l’emploi augmente à mesure que le nombre de postes à pourvoir augmente. Pourtant, comme le soulignent les dernières Perspectives de l’emploi de l’OCDE (OCDE, 2021a), il est très difficile pour les pouvoirs publics d’évaluer la viabilité des emplois, même en temps normal, et encore moins dans un contexte où les restrictions économiques restent importantes et où les signaux du marché sont faibles (voir également OCDE, 2020a). Par conséquent, le gouvernement doit adapter le régime de chômage partiel afin de mieux inciter les entreprises et les travailleurs (qui ont probablement une meilleure idée de la viabilité d’un emploi donné que le gouvernement) à ne recourir à cette aide que pour les emplois temporairement menacés mais qui restent viables à long terme.
Avant la crise, les entreprises confrontées à un ralentissement temporaire d’activité pouvaient demander le chômage partiel à l’Office cantonal de l’emploi, après accord avec les salariés. La demande de chômage partiel devait être notifiée au moins 10 jours avant la réduction du temps de travail prévue. L’indemnité, versée par l’assurance chômage à l’entreprise, représentait 80 % de la perte de revenu du salarié imputable à la réduction de son temps de travail. Elle couvre également la part patronale des cotisations de sécurité sociale associées à la réduction du nombre d’heures (hormis les cotisations patronales au titre des allocations familiales et du deuxième pilier du fonds de pension). Seuls les salariés permanents avaient le droit de percevoir une indemnité de chômage partiel pour une durée maximale de 12 mois (avec une extension possible à 18 mois si nécessaire) pour chaque période de deux ans. Les demandes devaient être renouvelées tous les trois mois. Toutefois, les entreprises devaient verser un salaire complet de deux jours ouvrables (« délai de carence ») par mois pendant les six premiers mois de chômage partiel, et de trois jours ouvrables par la suite, ce qui augmentait le montant de la part versée par l’entreprise.
Au cours des premières phases de la pandémie, les autorités fédérales ont pris un large éventail de mesures visant à faciliter l’adoption du chômage partiel et à élargir son champ de couverture. De mars 2020 à juin 2021, le processus de demande a été simplifié, et le formulaire de demande a été mis au format électronique. Jusqu’en décembre 2021, le préavis de 10 jours pour les dépôts de demande a été supprimé. De septembre 2020 à décembre 2021, la réévaluation par les autorités cantonales de la demande d’une entreprise devait se faire tous les six mois au lieu de trois mois. S’agissant des prestations, le « délai de carence » de deux (ou trois) jours a été supprimé de mars 2020 à juin 2021, ce qui a réduit le coût supporté par les entreprises. À partir de juillet 2021, un délai de carence d’un jour par mois a été rétabli. En septembre 2020, la durée maximale du chômage partiel a été portée à 18 mois et, en mars 2021, à 24 mois. Pour protéger les revenus des travailleurs les plus vulnérables, entre décembre 2020 et juin 2021, les travailleurs au chômage partiel gagnant jusqu’à 3 470 CHF ont été indemnisés à hauteur de 100 % de leurs revenus. En outre, pendant la première vague de la pandémie et de janvier à septembre 2021, les apprentis et les travailleurs sous contrat à durée déterminée sont également devenus éligibles au chômage partiel. Il en est allé de même pour les travailleurs intérimaires, mais seulement durant la première vague de la pandémie.
Bien que ces dispositions du régime de chômage partiel préexistant offrent une protection nécessaire aux travailleurs et aux entreprises, elles devraient être réduites au fur et à mesure de la levée des restrictions et du redressement de l’économie, afin de permettre la restructuration économique. Toutefois, une phase transitoire est justifiée pour alléger les pressions qui pèsent sur les secteurs durement touchés.
Le retour à la durée initiale plus stricte de chômage partiel permet de veiller à ce que le soutien soit limité dans le temps et ne serve pas à aider des entreprises rencontrant des difficultés structurelles. La durée maximale de l’aide en Suisse, qui est de 24 mois, est relativement longue par rapport aux autres pays (OCDE 2021a). La durée du chômage partiel est également de 24 mois en Allemagne, mais est limitée à trois mois au Portugal, par exemple. En France, la durée d’indemnisation peut également atteindre 24 mois, mais seulement si l’activité des salariés n’est pas réduite de plus de 40 %. La prorogation de la durée maximale du chômage partiel, même si elle se justifiait au début de la crise lorsque la durée du choc n’était pas connue, comporte le risque de soutenir des emplois qui ne sont plus viables.
Les preuves empiriques de la crise financière mondiale (CFM) montrent que dans le contexte d’un choc passager, le recours au chômage partiel en Suisse a permis de prévenir le chômage plutôt que de le différer, réduisant ainsi les effets de stigmate dus au choc. Toutefois, les résultats sont valables pour la majorité des entreprises qui ont abandonné le chômage partiel avant la fin de sa durée maximale lorsqu’il était économiquement viable de le faire. Cependant, les entreprises qui ont eu recours au chômage partiel jusqu’à la fin de sa durée légale ont eu tendance à licencier après l’expiration de la durée légale (OCDE 2020a, Kopp et Siegenthaler, 2019). En Italie, où la CFM a eu des effets durables et où le dispositif chômage partiel visait les entreprises à faible productivité, les effets du chômage partiel ont été plus mitigés, de nombreux licenciements étant différés plutôt que prévenus, ce qui a ralenti le redéploiement de l’emploi (Guipponi et Landais, 2018).
Il est également possible d’adapter le dispositif de chômage partiel afin de demander aux entreprises participantes de prendre à leur charge une partie du coût des heures non travaillées. Cela peut renforcer les incitations à recourir au chômage partiel pour soutenir uniquement les emplois qui reprendront vraisemblablement des horaires de travail réguliers peu après la crise. Le fait d’avoir remis en place en juillet 2021 une participation des employeurs (suspendue pendant les trois premiers mois de 2022 en raison des fortes incertitudes) sous la forme d’un jour de carence par mois et par salarié au chômage partiel constitue un pas dans la bonne direction. Toutefois, l’incitation est assez limitée et pourrait être portée à deux ou trois jours de carence comme dans la configuration initiale du dispositif, du moins dans les secteurs qui ne sont plus soumis à des restrictions. Certains pays de l’OCDE fournissent d’autres exemples de mesures visant à accroître la participation financière des entreprises aux dispositifs de maintien dans l’emploi (graphique 2.13). À partir de juillet 2021, en Allemagne, les employeurs qui participent à un programme de maintien dans l’emploi devront de nouveau s’acquitter des cotisations de sécurité sociale (OCDE 2021a). En France, depuis juillet 2020, les entreprises doivent payer 10 % du coût des heures non travaillées dans les secteurs qui ne sont plus soumis à des restrictions.
En Suisse, le régime de chômage partiel a essentiellement appliqué les mêmes règles à toutes les entreprises. Si, à terme, l’égalité de traitement de toutes les entreprises est souhaitable, une certaine différenciation entre les secteurs et les entreprises est envisageable lors de la phase transitoire, l’objectif étant de tenir compte de l’impact hétérogène des restrictions. À partir de juillet 2021, la France, par exemple, a appliqué des règles différentes aux secteurs toujours soumis aux restrictions imposées par le gouvernement, comme le montre l’exemple ci-dessus. Depuis août 2020, le Portugal impose aux entreprises de prendre à leur charge 30 % du coût des heures non travaillées lorsque le temps de travail est réduit de moins de 60 %, mais aucune participation n’est exigée des entreprises dont la réduction du temps de travail est plus importante. En outre, les entreprises dont les ventes ont chuté de plus de 75 % peuvent percevoir des subventions salariales supplémentaires visant à contribuer au coût des heures travaillées (OCDE, 2021a). Une certaine différenciation a aussi été instaurée en Suisse à partir de décembre 2021. Dans les lieux soumis à un durcissement des restrictions (accès limité aux personnes vaccinées ou aux personnes guéries du COVID-19 qui présentent un test négatif), tels que les discothèques et les piscines couvertes, l’indemnité de chômage partiel peut être demandée pour les travailleurs sur appel sous contrat à durée indéterminée, les salariés sous contrat à durée déterminée et les apprentis.
Pour qu’il y ait un équilibre entre le maintien dans l’emploi et le redéploiement de l’emploi, il faut également trouver le bon dosage entre l’aide liée à l’exercice d’un emploi (dispositifs de maintien de l’emploi) et l’aide hors emploi (allocations de chômage). Dans la plupart des pays de l’OCDE où des dispositifs de maintien dans l’emploi sont en place, les taux de compensation bruts dans le cadre de ces dispositifs étaient plus généreux que les allocations de chômage, du moins dans la phase initiale de la crise (graphique 2.14). C’était également le cas en Suisse, où les heures non travaillées, dans le cadre du chômage partiel, étaient subventionnées à hauteur de 80 % du salaire horaire du travailleur, contre 70 % dans le cadre du régime d’assurance chômage (pour les travailleurs sans enfant à charge et/ou dont le salaire assuré est supérieur à 3797 CHF). L’écart n’est pas important. Toutefois, la décision du Parlement, en décembre 2020, de faire passer le taux de compensation des heures non travaillées dans le cadre du chômage partiel à 100 % pour les travailleurs gagnant jusqu’à 3 470 CHF, l’a creusé considérablement pour les travailleurs à faible revenu.
Le fait que les allocations de chômage partiel soient plus généreuses que les allocations de chômage pourrait renforcer l’acceptabilité du régime par les salariés et contribuer à éviter une situation où un trop grand nombre de chômeurs recherchent un nombre limité d’emplois en même temps (OCDE, 2021a, Guipponi et Landais, 2018, et Lalive, Landais et Zweimüller, 2015). L’écart peut également aider les salariés à internaliser l’avantage supplémentaire que représente pour l’employeur le maintien de la relation employeur-salarié existante, en raison de la valeur du capital humain spécifique à l’emploi et des frais de licenciement et de recrutement. Toutefois, il faudrait envisager la réduction de cet écart dans le temps afin de ne pas démotiver les travailleurs à chercher un nouvel emploi. En outre, le passage à 100 % du taux de compensation du chômage partiel pour les travailleurs à faible revenu, bien que justifié au début de la crise car cette catégorie de travailleurs a été touchée de manière disproportionnée par la pandémie, devrait rester temporaire, comme prévu actuellement.
Il y a tout lieu de penser que certains emplois subventionnés deviendront définitivement non viables, avec un risque élevé que les salariés finissent par perdre leur emploi. Dans ce contexte, il pourrait être justifié d’aider aux transitions entre les emplois subventionnés et les emplois non subventionnés. Cela pourrait se faire par la fourniture de services publics de l’emploi (SPE) efficaces aux bénéficiaires du chômage partiel. En Suisse, les travailleurs bénéficiant du chômage partiel sont autorisés à s’inscrire volontairement auprès d’un Office régional de placement (ORP) et à accéder à ses services, qui comprennent une aide à la recherche d’emploi et un service d’orientation professionnelle et de conseil (OCDE 2021a, OCDE 2020b). Toutefois, cette inscription n’est ni obligatoire ni vivement encouragée par les autorités fédérales ou cantonales, ce qui met en doute son usage réel. Une aide ciblée aux salariés en situation de chômage partiel serait justifiée, car Hijzen et Salvatori (à paraître) montrent qu’en Suisse, pendant la pandémie, les salariés au chômage partiel pendant un trimestre donné risquaient plus que les autres salariés de perdre leur emploi au cours du trimestre suivant. Les ORP pourraient, par exemple, communiquer aux travailleurs bénéficiant du chômage partiel pendant une longue période (en particulier si leurs heures de travail ont été nettement réduites) des informations sur le processus et ses avantages potentiels. La mise en place d’un processus de demande simplifié a facilité le recours au chômage partiel au plus fort de la crise, mais a fourni peu d’informations sur l’identité et les caractéristiques personnelles des bénéficiaires aux services publics de l’emploi. Avec la reprise progressive, le processus de demande électronique devrait être revu, l’objectif étant d’accroître le nombre d’informations sur les bénéficiaires dont disposent les SPE et de permettre un meilleur suivi de leur situation. De manière plus générale, des mesures d’incitation à la participation à la formation pourraient être mises en place pour les travailleurs à temps partiel, car cela serait bénéfique à tous les travailleurs au chômage partiel, y compris ceux qui pensent que leur poste sera maintenu. En Nouvelle-Zélande, par exemple, le ministère du Développement social a contacté les entreprises ayant adopté les dispositifs de maintien dans l’emploi pour les informer des possibilités de formation. En France et en Allemagne, des incitations financières sont accordées aux entreprises ou aux travailleurs pour encourager la formation.
Saisir l’opportunité de revoir la protection sociale des travailleurs indépendants
Par le biais de l’allocation pour perte de gain due au coronavirus, le gouvernement a aidé les travailleurs indépendants pendant la crise. Cette allocation a été la bienvenue, car les travailleurs indépendants ont subi une baisse des heures de travail effectives plus importante que les salariés (la diminution des heures de travail effectives a été de 5.5 % pour les indépendants en 2020 contre 4.5 % pour les salariés selon les données de l’OFS). En conséquence, les travailleurs indépendants ont également été confrontés à une baisse de revenus plus importante parmi les personnes occupant un emploi, selon la sixième édition de l’enquête SRG Corona Monitor réalisée par l’institut de recherche Sotomo (Sotomo, 2020).
L’incidence du travail indépendant est relativement élevée, mais des règles strictes classent un certain nombre de travailleurs atypiques dans la catégorie des salariés dépendants, ce qui leur garantit une protection sociale. Les travailleurs indépendants représentaient 14.4 % de la population active totale en 2019, une part plus élevée que dans de nombreuses économies avancées (graphique 2.15), malgré des critères de qualification assez stricts. Pour être reconnue comme indépendante, une personne doit travailler pour plus d’un client, agir en son nom, être libre d’organiser son travail et assumer les risques financiers liés à son activité (CIAA 2016 et Bonoli 2017). Ces règles strictes accordent, par exemple, à la plupart des travailleurs des plateformes numériques le statut de travailleurs dépendants et, à ce titre, une couverture sociale plus importante.
La protection sociale des travailleurs indépendants, en revanche, présente des écarts importants en Suisse comme dans un certain nombre d’économies de l’OCDE (graphique 2.16). Les travailleurs indépendants ont accès aux dispositions du premier pilier de l’assurance vieillesse et invalidité ainsi qu’à une indemnité perte de gain en cas de congé de maternité et aux allocations familiales. Cependant, ils ne sont pas systématiquement couverts par le deuxième pilier de l’assurance vieillesse et invalidité. Dans de nombreux cas, les travailleurs indépendants doivent souscrire à une assurance de leur propre initiative s’ils souhaitent compléter les dispositions du premier pilier (Bonoli 2017). Le régime fiscal prévoit des incitations à contribuer à ces dispositifs. En outre, les travailleurs indépendants sont peu couverts par l’assurance chômage, car ils ne peuvent prétendre à des allocations de chômage que si, en plus de leur activité indépendante, ils ont cotisé pendant au moins 12 mois à une activité salariée rémunérée au cours des quatre années précédant la période de chômage.
Contrairement au chômage partiel, l’allocation pour perte de gain des indépendants n’existait pas avant la crise et devrait rester temporaire. Ce choix est justifié dans la mesure où la perpétuation de ce dispositif sous sa forme actuelle susciterait d’importants problèmes d’équité et d’aléa moral. Il n’en demeure pas moins que la mise en place d’un mécanisme plus permanent ciblant ce groupe de travailleurs pourrait procurer une protection de l’emploi et une protection sociale plus équitables aux travailleurs, indépendamment de leur statut, comme le souligne la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi. Déjà avant la pandémie, un certain nombre de pays, dont l’Autriche, le Canada, la France et l’Espagne, ont étendu le droit aux allocations de chômage aux travailleurs indépendants. Dans les cas où la distinction entre emploi salarié et travail indépendant devient plus floue et où les transitions d’un statut à l’autre se font plus fréquentes (OIT-OCDE, 2020), une harmonisation de la couverture sociale entre les différents statuts professionnels pourrait être justifiée. Cela permettrait également la portabilité des prestations sociales entre les catégories d’emploi, de sorte que les droits acquis ne seraient pas perdus lors des transitions sur le marché du travail (OCDE, 2019d). Ainsi, le Danemark, par exemple, a renforcé récemment la portabilité des droits acquis dans le cadre de différents emplois et formes d’emploi (OCDE, 2020b).
Dans le même temps, l’extension de la couverture des allocations de chômage aux travailleurs indépendants s’accompagne d’importantes difficultés appelant des solutions concrètes. Elle soulève des problèmes d’aléa moral car, en l’absence d’employeur, il est difficile de déterminer si le chômage est involontaire et d’évaluer les perte de gain. En outre, la plus grande volatilité des revenus des indépendants par rapport à ceux des salariés rend le calcul et la perception des cotisations plus difficiles. La charge administrative constitue un autre obstacle qui peut dissuader les indépendants de participer. En outre, pour les travailleurs indépendants à faible revenu, la nécessité d’assumer à la fois la part de cotisations de l’employeur et celle du salarié peut se révéler difficile (OIT-OCDE 2020, OCDE 2018f).
Face à ces difficultés, il est possible de tirer certaines leçons de l’expérience de différents pays. Au vu de la diversité des situations vécues par les travailleurs indépendants, un certain nombre de pays ont mis en place des régimes volontaires de protection en cas de chômage. L’expérience de la Suède et de l’Autriche montre que ces régimes ont tendance à être enclins à l’antisélection et engendrent rarement des niveaux substantiels de couverture et de protection efficaces (OCDE, 2018g et OIT-OCDE 2020). Dans ce contexte, une contribution obligatoire serait envisageable, avec la mise en place de mécanismes appropriés visant à encourager la participation de ceux dont la capacité contributive est moins importante. La Corée du Sud, par exemple, a réglé la question en subventionnant les cotisations des travailleurs indépendants à faible revenu. En Suisse, la différence de capacité contributive des travailleurs indépendants est d’ores et déjà prise en compte pour certains segments de la protection sociale (le premier pilier des pensions de vieillesse ainsi que de l’assurance invalidité et l’assurance maternité), leur taux de cotisation variant de 5.4 % à 10 % environ selon leurs revenus annuels. Toutefois, lors de la conception de cette politique, il convient de veiller à assurer l’égalité de traitement entre les salariés et les indépendants. Pour ce faire, il serait possible, par exemple, d’abaisser les taux de cotisation des salariés à bas salaire. En outre, le fait de permettre des interruptions ou des retards de cotisation, comme en Corée, pourrait aider à faire face à la plus grande volatilité des revenus des travailleurs indépendants. Il est possible de trouver une solution au problème d’aléa moral posé par la difficulté de contrôler l’activité et les revenus des travailleurs indépendants qui demandent des allocations de chômage en leur imposant de cesser leur activité avant de déposer leur demande d’allocations, comme c’est le cas en Suède ou au Danemark. En Belgique, seuls les travailleurs indépendants dont l’entreprise a fait faillite ou dont le revenu tiré de l’activité indépendante était si faible que soit leurs cotisations de sécurité sociale ont été supprimées, soit ils n’ont pas atteint un seuil de revenu minimum pendant deux ans, ont droit à des prestations (OCDE, 2018g).
Renforcer les politiques actives du marché du travail
Les politiques actives du marché du travail sont un important facteur de résilience du marché du travail, puisqu’elles aident les travailleurs victimes de suppressions d’emploi à trouver plus rapidement un travail et rapprochent efficacement les demandeurs d’emploi des nouveaux postes à pourvoir. Lors des premières vagues de la pandémie, la hausse du chômage et le recours généralisé au régime de chômage partiel ont notamment posé des problèmes majeurs aux administrateurs des prestations et aux services de l’emploi chargés de gérer le gros afflux de demandes de soutien. La Suisse est pourtant l’un des rares pays de l’OCDE à avoir été doté, avant la flambée de COVID-19, d’un mécanisme en place pour remédier à une crise potentielle sur le marché du travail. Cela a été d’une grande utilité pour faire face à l’urgence (OCDE, 2021a).
Les budgets des SPE sont directement liés au nombre de demandeurs d’emploi inscrits dans les cantons, et ils peuvent être ajustés en cours d’année. Cette souplesse a permis une rapide augmentation des ressources humaines en 2020 en vue de soutenir les SPE. D’après les estimations, les effectifs ont été augmentés de plus de 10 % (OCDE, 2021a), ce qui a contribué à répondre à la demande croissante des demandeurs d’emploi.
Les politiques d’activation et du marché du travail sont très décentralisées, ce qui peut induire une plus grande capacité d’adaptation aux besoins du marché local (OCDE, 2020c). Les cantons sont responsables des services publics de l’emploi (SPE) locaux et de l’administration des politiques actives du marché du travail pour les chômeurs. À l’échelon fédéral, le Secrétariat d’État à l’économie fixe les paramètres fondamentaux de la politique économique, et il est chargé du financement et de l’administration de certains programmes actifs du marché du travail, ainsi que de fournir des conseils aux SPE cantonaux et d’en assurer la supervision. Au niveau local, les fonctions d’administration des prestations et de placement sont dissociées et respectivement assurées par la caisse d’assurance-chômage d’une part, et par les services locaux de l’emploi d’autre part. Les caisses d’assurance-chômage sont chargées de verser les allocations de chômage et de chômage partiel. Les bureaux locaux des services publics de l’emploi (SPE) s’occupent du placement, adressent les usagers aux programmes relevant des politiques actives du marché du travail et contrôlent le respect de l’obligation de recherche d’emploi. Outre les politiques actives fédérales du marché du travail, la plupart des cantons financent, élaborent et mettent en œuvre leurs propres programmes du marché du travail.
La décentralisation de la mise en œuvre des politiques actives du marché du travail peut certes accroître la capacité d’adaptation, mais son fonctionnement efficace à long terme exige qu’un cadre de responsabilité bien conçu soit en place à l’échelon national (Weishaupt, 2014). Le principal élément de contrôle fédéral réside dans la publication des résultats d’une étude comparative des performances des SPE locaux, qui devrait soumettre les bureaux locaux à une pression du groupe des pairs incitant à une amélioration constante des performances (Duell et al., 2010). Ces indicateurs tiennent prioritairement compte du placement rapide dans un emploi, mais ils prennent aussi en considération une évaluation de la durabilité du placement. En outre, la Confédération encourage fortement les cantons à partager leurs expériences respectives, en particulier s’agissant des bonnes pratiques sous l’angle des mesures d’activation.
Malgré les instruments de coordination, l’exécution des politiques du travail et les performances sont très variables selon les cantons. Avec la levée progressive des restrictions liées à la pandémie, des efforts supplémentaires pour diffuser les bonnes pratiques dans le cadre des programmes actifs du marché du travail aussitôt qu’elles ont été identifiées et pour garantir que des stratégies adéquates aient été mises en place afin de stimuler la reprise de l’emploi seraient justifiés pour donner à tous les chômeurs, quel que soit le canton, des chances égales de retrouver un emploi. Les évaluations antérieures mettent en lumière combien il importe d’établir une stratégie de placement claire des demandeurs d’emploi au sein de chaque canton, étant donné que les cantons où elles font défaut tendaient à enregistrer de moins bons résultats. L’utilisation de mesures spécifiques pour certaines catégories de demandeurs d’emploi est très variable selon les cantons et pourrait être plus largement répandue, vu qu’elles sont associées à de meilleurs résultats en termes de placement (Conseil fédéral, 2016).
Pendant la crise, de nombreux services de placement au sein des économies de l’OCDE sont passés en ligne pour se conformer aux règles de distanciation, et le recours à la technologie s’est développé comme jamais auparavant. Cette évolution offre aux SPE une occasion unique de développer plus durablement leurs services numériques afin de mieux soutenir leurs usagers dans le monde d’après la pandémie. Certains services qui n’étaient disponibles qu’en face à face avant la pandémie sont désormais accessibles à distance, dont ceux d’aide à la recherche d’emploi, de conseil et d’orientation professionnelle. La Suisse devrait s’appuyer sur ces investissements pour accroître encore l’efficience des processus des SPE et en faciliter l’accès. Un soutien approprié devrait par ailleurs être apporté aux usagers sans compétences numériques ou aux besoins complexes, y compris une formation de base aux TI pour tirer parti des services électroniques des SPE. La formation en classe a également été dispensée en ligne, mais davantage d’efforts pourraient être déployés pour en élargir l’accès et la portée. Dans le même temps, les SPE devraient maintenir une certaine capacité en présentiel pour continuer d’assurer un soutien aux clients sans compétences numériques ou ayant des besoins complexes.
Le système de SPE suisse met fortement l’accent sur l’obligation de recherche d’emploi que doivent respecter les chômeurs pour pouvoir bénéficier de l’assurance-chômage et avoir accès aux services. En temps normal, les demandeurs d’emploi doivent présenter lors de leur réunion mensuelle en face à face avec leurs conseillers les preuves de leurs démarches de recherche d’emploi au cours de la période écoulée. Leurs allocations de chômage peuvent être temporairement réduites s’ils ne peuvent pas produire ces preuves. L’obligation de recherche d’emploi a été temporairement suspendue et adaptée au plus fort de la crise, mais elle a été réintroduite sous sa forme initiale à l’automne 2020. L’ampleur de la réduction ou de la suspension des prestations en cas de non-respect de cette obligation est également relativement élevée. Bien que ces mesures aient été utiles par le passé pour accroître le retour à l’emploi (Conseil fédéral, 2016), elles pourraient se révéler moins efficaces lorsque les possibilités d’emploi sont limitées. Dans ce contexte, il pourrait être envisagé de mettre davantage l’accent sur les mesures destinées à favoriser l’embauche et à promouvoir la mobilité des travailleurs, et notamment de ceux bénéficiaires du régime de chômage partiel.
Les données relatives à la crise financière mondiale donnent à penser que les aides à l’embauche peuvent stimuler la croissance de l’emploi et être efficaces par rapport aux coûts (Cahuc, Carcillo Le Barbanchon, 2018). Ces aides doivent être bien ciblées pour être efficaces par rapport aux coûts et pour apporter un soutien adéquat aux populations dans le besoin. Beaucoup de pays de l’OCDE, dont l’Australie, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ont récemment adopté ou prorogé des mesures de ce type. La Suisse a recours à plusieurs mesures d’incitation à l’emploi dont la mise en œuvre pourrait être encore développée. Dans le système de gain intermédiaire, par exemple, une subvention salariale est versée aux chômeurs inscrits si le salaire ou le revenu qu’ils tirent d’un nouvel emploi est inférieur à leur indemnité de chômage. Les évaluations réalisées par le passé ont constaté que ce système donnait des résultats particulièrement satisfaisants pour les chômeurs de longue durée, les jeunes, les demandeurs d’emploi peu qualifiés et ceux difficiles à placer (Duell et al., 2010 ; Wunsch, 2021). Les allocations d’initiation au travail, qui sont de nature temporaire, constituent un autre outil disponible. Elles sont versées aux employeurs pour l’embauche de travailleurs qui éprouvaient avant cela des difficultés à trouver un emploi. Les incitations à la création d’entreprise pourraient également être renforcées afin d’encourager le travail indépendant. Un grand nombre de données disponibles montrent que les nouvelles entreprises sont à l’origine d’une bonne partie des créations d’emploi (Criscuolo, Gal et Menon, 2014 ; Haltiwanger, Jarmin et Miranda, 2013). Actuellement, un soutien ne peut être obtenu que pour la phase de planification et de préparation, mais pas pour la phase du démarrage proprement dit (Duell et al., 2010).
Favoriser la mobilité géographique
La mobilité intercantonale est peu élevée, puisque, d’après les données de l’Office fédéral de la statistique, en moyenne annuelle, seulement 1.7 % des habitants ont déménagé vers un autre canton entre 2015 et 2019. À titre de comparaison, en moyenne annuelle, 2.5 % de la population de la zone OCDE a changé de région de résidence au cours de cette même période (OCDE, 2020h). Les barrières linguistiques et les différences dans le domaine de la scolarité et de la fiscalité poussent de nombreux travailleurs à faire la navette entre le domicile et le travail plutôt que de changer de canton de résidence, malgré les efforts des autorités fédérales pour harmoniser les lois cantonales. En conséquence, en 2019, 9.5 % de la population active occupée habitait en Suisse à au moins une heure de trajet de son travail, contre 7.7 % en moyenne au sein de l’UE d’après les données d’Eurostat.
Compte tenu des effets différenciés de la crise selon les régions et les territoires, favoriser la mobilité géographique professionnelle pourrait aider à mieux rapprocher l’offre et la demande de travail et à promouvoir la reprise. Des mesures supplémentaires pourraient être prises pour favoriser la mobilité. Par exemple, la mobilité à l’échelle nationale de professionnels agréés est garantie par la Loi sur le marché intérieur, mais dans la pratique, des restrictions cantonales et des obstacles administratifs ont souvent été constatés, notamment pour ce qui est de l’accès à l’emploi des spécialistes de la santé (ComCo, 2020 ; OCDE, 2019a). Le lien entre la possibilité de bénéficier des prestations sociales cantonales et la durée de résidence dans le canton devrait également être revu (autrement dit, la durée de résidence exigée devrait être raccourcie), afin d’éviter les effets d’immobilisation. Dans le canton de Vaud, par exemple, les ménages doivent avoir vécu dans le canton au cours des trois dernières années pour pouvoir bénéficier des prestations familiales complémentaires. Cinq années de résidence sont exigées dans le canton de Genève. Les obstacles administratifs peuvent également peser sur la mobilité des travailleurs étrangers. La législation cantonale exige une durée de résidence minimale de deux à cinq ans dans le canton ou la commune avant que les ressortissants étrangers puissent demander la naturalisation. De surcroît, l’acquisition et l’utilisation par les étrangers de biens fonciers et immobiliers sont soumises à de très importantes restrictions (OCDE, 2020d).
Le prix élevé des logements en Suisse risque également d’être une entrave à la mobilité résidentielle. En principe, le taux élevé de locataires en Suisse – près de 60 % des ménages – devrait favoriser la mobilité. Cependant, le droit du bail suisse restreint les hausses de loyer, aussi le montant acquitté par les locataires de longue durée est-il bien inférieur aux prix du marché (OCDE, 2015). Il s’ensuit des effets d’immobilisation qui limitent la capacité des travailleurs à s’adapter aux évolutions des perspectives d’emploi et sont un obstacle à la réduction de la taille des logements occupés par les ménages les plus âgés. Le droit du bail devrait être adapté pour réduire dans toute la mesure du possible les effets d’immobilisation, en mettant parallèlement en place des allocations logement ciblées ou des logements sociaux supplémentaires pour les ménages à faible revenu (OCDE, 2015).
Rendre le marché du travail plus inclusif
Comme indiqué dans la première section, la pandémie a touché de manière disproportionnée les travailleurs à faible revenu. À un moment où le vieillissement de la population limite déjà la croissance de l’utilisation de la main-d’œuvre, la Suisse aurait avantage à promouvoir plus efficacement une plus grande participation au marché du travail des catégories de population qui y sont sous-représentées, notamment en renforçant leurs compétences. Il faut par ailleurs veiller à ce que les fermetures d’écoles, de centres de formation et d’entreprises dans les secteurs les plus touchés, ainsi que le recours généralisé au télétravail, ne creusent pas les inégalités en matière d’éducation et ne pèsent pas sur l’entrée des jeunes sur le marché du travail.
S’attaquer aux écarts de revenu entre les sexes
L’important écart de revenu entre les sexes et la fréquence disproportionnellement élevée du travail à mi-temps parmi les femmes impose de prendre des mesures pour s’attaquer aux désincitations qui dissuadent les femmes de travailler à plein temps. Le coût élevé de la garde d’enfants, et la faiblesse de l’offre de services d’éducation des jeunes enfants, ainsi qu’une organisation de la journée d’école peu compatible avec les horaires de travail ont longtemps été les principales raisons mentionnées pour expliquer les difficultés rencontrées par les mères pour travailler à plein temps (OCDE, 2017a ; OCDE, 2013). De surcroît, le système d’impôt sur le revenu entraîne une forte imposition marginale des revenus du second apporteur, ce qui ne fait que renforcer ses désincitations à travailler.
Accroître l’offre de services de garde d’enfants à un prix abordable demeure une priorité. En 2018, seulement 50 % des enfants de 3 à 5 ans étaient inscrits dans des établissements d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, chiffre bien inférieur à la moyenne OCDE de 87 % (graphique 2.17). Depuis 2003, le gouvernement a mis en place un programme spécial en vue de développer l’offre de services de garde. Il devrait arriver à son terme en 2023 et a contribué, d’après les estimations, à créer 65 000 nouvelles places dans les structures d’accueil des jeunes enfants. Les pénuries d’offres qui pourraient subsister sont cependant difficiles à évaluer, faute d’estimations satisfaisantes de la demande. D’après les partenaires sociaux, elles demeurent non négligeables (USS, 2021) et une récente note de synthèse de la Commission fédérale pour les questions familiales indique que les enfants des familles défavorisées ont une moindre probabilité d’avoir accès aux structures d’accueil des jeunes enfants (COFF, 2021). Les familles à revenu élevé ont 50 % plus recours aux structures d’accueil des jeunes enfants que les ménages à faible revenu. Une récente initiative parlementaire a préconisé l’octroi d’un soutien financier plus durable aux parents et une amélioration des services de garde (CSEC-N, 2021).
Le modèle impôts-prestations de l’OCDE indique que les coûts nets de la garde d’enfants (pour les parents ayant recours aux structures d’accueil des jeunes enfants, après prise en compte des prestations destinées à réduire le montant brut des frais de garde) sont élevés. Pour un couple ayant deux jeunes enfants et percevant le salaire moyen, le coût net de la garde d’enfants représentait 29 % du revenu net du ménage, chiffre bien supérieur à la moyenne OCDE de 10 % (graphique 2.18, partie A). Si l’on ajoute à ces coûts le fort taux marginal d’impôt sur le revenu des personnes physiques applicable aux seconds apporteurs de revenu, qui est lié au système actuel d’imposition des revenus fondé sur les ménages, il s’ensuit un taux d’imposition de l’activité très élevé (correspondant à la proportion de la rémunération qui est perdue du fait de l’augmentation des impôts, de la diminution des prestations perçues et les coûts nets de garde des enfants lorsqu’un parent accepte un emploi à plein temps) pour les seconds apporteurs de revenu, qui sont souvent des femmes. À titre d’exemple, pour une famille ayant deux jeunes enfants et faisant appel à des structures d’accueil des jeunes enfants, le coût pour un second apporteur de revenu du renoncement à l’inactivité (ou au chômage de longue durée) pour prendre un emploi à plein temps (rémunéré au salaire moyen) représente 75 % du salaire moyen, contre 53 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (graphique 2.18, partie B).
Plusieurs mécanismes aident à réduire ces coûts, mais ceux-ci restent généralement élevés, et les mesures de soutien ne sont pas suffisamment ciblées. L’impôt fédéral sur le revenu des personnes physiques permet de déduire les frais de garde d’enfant facturés par un tiers, dans la limite maximale de 10 100 CHF, ainsi que 6 500 CHF par enfant quels que soient les coûts de garde déclarés (avantages fiscaux auxquels s’ajoute un crédit d’impôt de 251 CHF par enfant), mais, comme plus de 40 % des familles suisses ne paient pas l’impôt fédéral sur le revenu, cette disposition n’a que peu d’effets sur l’accessibilité financière de la garde d’enfants pour les ménages à faible revenu. Une initiative du gouvernement visant à accroître ces déductions fiscales a été récemment rejetée par une votation populaire en raison de ces problèmes d’équité.
Les familles bénéficient également de prestations en espèces. Les montants sont variables selon les cantons, mais un minimum légal a été fixé à l’échelle nationale, à 200 CHF par enfant et par mois. Les cantons peuvent compléter ces prestations par des allocations supplémentaires ou par un subventionnement des places de garde (qui peuvent être plus spécifiquement ciblés en faveur des ménages à faible revenu), mais les politiques cantonales en ce domaine sont d’une grande hétérogénéité. En conséquence, la proportion des coûts de garde supportée par les parents est très variable selon les cantons (OCDE, 2021d). Une plus grande harmonisation des politiques familiales cantonales serait bienvenue.
L’octroi de réductions des frais de garde, de prestations pour garde d’enfants ou de crédits d’impôt au niveau fédéral plutôt que de déductions fiscales contribuerait à accroître l’accessibilité financière de la garde d’enfants sans pour autant apporter un soutien plus généreux aux familles les plus aisées. De surcroît, le ciblage pourrait être encore amélioré en subordonnant à des critères de revenu les prestations pour garde d’enfant accordées au niveau fédéral (OCDE, 2020e). Ces transferts devraient être conçus avec soin et diminuer au fur et à mesure de l’augmentation des revenus de leurs bénéficiaires de manière progressive seulement, afin d’éviter de provoquer d’importantes variations des taux marginaux d’imposition liées aux effets de seuil et de créer ce faisant des désincitations au travail. En Suède, par exemple, un niveau maximal des frais de garde à acquitter par les parents, exprimé en pourcentage du revenu du ménage, est fixé au niveau national, alors que les communes peuvent établir des frais de garde moins élevés. Les cantons sont responsables de la conception de l’impôt sur le revenu des personnes physiques au niveau infranational, aussi des ajustements pourraient-ils devoir être apportés tant à l’échelon fédéral qu’au niveau cantonal pour assurer la cohérence du système fiscal.
Il convient non seulement d’accroître le nombre de places disponibles à un prix abordable dans les établissements d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, mais aussi d’en garantir la qualité. Certaines données montrent que le système d’éducation et d’accueil des jeunes enfants constitue un socle crucial pour les apprentissages futurs et un déterminant important de la réussite ultérieure des enfants, mais aussi qu’une grande part des bénéfices qu’ils en retirent dépend étroitement de sa qualité (OCDE, 2018c ; 2017a). L’offre de services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants est assez fragmentée en Suisse. Différents types de prestataires de services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants sont disponibles (qu’ils dispensent ces services dans des centres ou au sein de la famille) ce qui crée des difficultés pour garantir une qualité homogène. La fixation des réglementations et des normes et l’élaboration des programmes relèvent de la responsabilité des cantons, et leur cohérence n’est pas assurée à l’échelle nationale. Le gouvernement a élaboré un programme d’enseignement unifié depuis la naissance jusqu’à l’âge de quatre ans, le « Cadre d’orientation pour la formation, l’éducation et l’accueil de la petite enfance », qui contribue à jeter les bases d’un contrôle de qualité, mais dont le suivi de la mise en œuvre fait défaut (OCDE, 2021d). Les autorités devraient assurer une coordination et un contrôle efficaces pour sauvegarder la qualité des différents prestataires, notamment en veillant à ce que les enfants bénéficient d’une égalité des chances en matière d’apprentissage et d’épanouissement. Il conviendrait de même de garantir la qualification de la main-d’œuvre dans ce secteur, notamment en fournissant des incitations au perfectionnement professionnel tout au long de la vie.
Une réforme de l’imposition des seconds apporteurs de revenu afin de réduire les désincitations auxquelles sont soumis ces derniers constituerait un autre moyen d’encourager l’emploi à plein temps des femmes. Une initiative populaire en faveur d’une imposition des revenus fondée sur l’individu et non plus sur les ménages a été lancée en 2021, conformément à la recommandation formulée dans un précédent examen économique de l’OCDE (OCDE, 2017a). À la suite d’une demande du Parlement, le Conseil fédéral procède par ailleurs actuellement à une évaluation de plusieurs modèles d’imposition individuelle. Une réduction du taux effectif d’imposition marginale du second apporteur de revenu pourrait également être assurée dans le cadre du système actuel fondé sur les ménages, par exemple en ajustant les tranches marginales d’imposition pour ceux qui déposent des déclarations fiscales conjointes ou en accordant une déduction fiscale (ou un abattement fiscal) pour le second apporteur de revenu.
Le congé paternité légal de deux semaines établi au niveau fédéral est court par rapport aux normes internationales. Il a récemment été instauré, ce qui constitue un pas dans la bonne direction, mais du fait de sa courte durée, ses effets sur la réintégration des femmes dans la population active après la naissance de leur enfant demeurent sujets à caution. Les politiques sont d’une grande hétérogénéité selon les pays de l’OCDE, mais, en moyenne, la durée du congé payé réservé aux pères est de huit semaines. En effet, beaucoup de pays complètent le congé de paternité par un congé parental ou un congé de garde à domicile rémunéré réservé aux pères, possibilités qui ne sont pas disponibles en Suisse. La mise en place au niveau fédéral d’un système légal de congé parental (à répartir entre les deux parents) comme dans la plupart des pays européens apporterait un soutien supplémentaire aux mères désireuses de réintégrer plus rapidement la population active. À titre d’exemple, dans le cas du Danemark, Druedhal et al. (2019) ont constaté que l’allongement du congé réservé aux pères a entraîné un raccourcissement du congé maternel et une augmentation des revenus des mères jusqu’à huit ans après la naissance de leur enfant. Bien que les résultats du point de vue de la participation des femmes au marché du travail soient plus contrastés pour la Suède et pour la Norvège (voir par exemple Dalh et al., 2014, et Ekberg et al., 2013), Patnaik (2019) montre que dans la province du Québec, au Canada, l’introduction du congé parental réservé aux pères a accru la probabilité que les femmes travaillent à plein temps. De surcroît, un certain nombre d’études ont mis en évidence que les pères qui prennent un congé parental plus long s’impliquent par la suite davantage dans les activités des enfants (voir par exemple Almqvist et Duvander, 2014 et Huerta et al., 2013), ce qui pourrait contribuer à modifier les normes sociales concernant la spécialisation des tâches parentales.
L’important écart de rémunération entre les deux sexes n’est pas seulement dû à la grande fréquence de l’emploi à temps partiel parmi les femmes. Même lorsqu’elles travaillent à plein temps, la rémunération des femmes est en moyenne de 19 % inférieure à celle des hommes, un des écarts les plus élevés au sein de la zone OCDE. D’après les estimations de l’Office fédéral de la statistique (OFS, 2021), environ 45 % de cet écart ne peut être expliqué par des facteurs tels que le statut professionnel, les années d’ancienneté, le secteur d’activité ou le niveau d’études. Cet écart inexpliqué s’est par ailleurs accru depuis 2014.
Une loi adoptée en 2018 exige que les entreprises de plus de 100 salariés réalisent régulièrement des audits des niveaux de rémunération en fonction du sexe et qu’elles informent leurs salariés et leurs actionnaires des résultats. Ces mesures sont certes bienvenues, mais elles n’aident pas à remédier à l’écart de rémunération entre les sexes dans les plus petites entreprises, où l’OFS constate le plus important écart de salaire inexpliqué. Pour faire prendre conscience de ce problème, le gouvernement fédéral a lancé en décembre 2020 l’initiative pilote Logib 2. Cet outil permet à tous les employeurs de réaliser une analyse de l’égalité salariale entre les sexes, et, contrairement à la version précédente, il est adapté aux organisations et aux entreprises de plus petite taille (de 2 à 49 salariés, alors que l’outil Logib initial ne pouvait être utilisé que par les entreprises de plus de 50 salariés). Le gouvernement pourrait collecter ces données et créer un site Web de comparaison salariale à l’intention des travailleurs des entreprises nationales pour faire prendre conscience de la discrimination salariale selon le sexe et favoriser les mesures correctives. La Corée, par exemple, a récemment mis en place ce type de site Web, qui présente les fourchettes de rémunération des salariés du secteur privé selon six critères – la taille de l’entreprise, le type d’activité, le métier, la carrière professionnelle, le sexe et le niveau d’études (OCDE, 2020g).
Soutenir l’emploi des seniors
La montée du chômage parmi les travailleurs âgés de 55 à 64 ans depuis le début de la pandémie inquiète. Une fois au chômage, les seniors ont plus de mal à réintégrer le marché du travail que les travailleurs des classes d’âge de forte activité (Secrétariat d’État à l’économie, 2019a, Secrétariat d’État à l’économie, 2021). Le risque de chômage de longue durée est donc nettement plus élevé pour les seniors (graphique 2.19). En Suisse, les offices cantonaux de l’emploi identifient plusieurs barrières au retour à l’emploi des travailleurs âgés de 50 ans ou plus : les préférences des employeurs, le niveau élevé des prétentions salariales, le manque d’assurance ou de compétences des salariés en matière de recherche d’emploi et de candidature à l’embauche efficaces, une spécialisation étroite, des compétences informatiques limitées et l’état de santé (Egger, Dreher and Partner AG, 2019).
Pour soutenir le retour à l’emploi des seniors, les autorités ont lancé un programme de réformes qui inclut des dépenses supplémentaires consacrées aux dispositifs d’activation destinées aux chômeurs âgés. Les nouvelles mesures comprennent un programme pilote pour 2020-2021, qui offre gratuitement aux travailleurs âgés de 40 ans et plus une analyse de la situation et des services d’orientation de carrière. Ces mesures devraient être étendues à tous les cantons entre 2021 et 2024. Bien qu’en Suisse il ne soit pas possible d’accéder aux politiques d’activation financées par l’assurance chômage pendant les deux années qui suivent l’expiration des droits aux allocations chômage, une autorisation exceptionnelle est accordée aux demandeurs d’emploi de plus de 50 ans. Un financement supplémentaire est alloué aux cantons pour 2020-2024, afin de les aider à mieux accompagner les demandeurs d’emploi difficiles à placer, en particulier les seniors, en leur proposant des mesures plus personnalisées comme les conseils, le coaching ou le mentorat. Ces réformes sont les bienvenues, mais ne sont que temporaires. Il devrait être procédé à une évaluation de leur efficacité en vue de les reconduire si elles produisent des résultats favorables.
La Loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés a été adoptée par le parlement en juin 2020 afin de compléter ces dispositifs d’activation. À compter de 2021, elle introduit des prestations transitoires jusqu’à la retraite pour les chômeurs en fin de droits âgés de 60 ans ou plus. Ces prestations sont soumises à des conditions de revenus et de fortune. Pour pouvoir prétendre à ces prestations, la personne doit également avoir cotisé pendant au moins 20 ans à l’assurance-vieillesse et survivants, dont au moins cinq ans après avoir atteint l’âge de 50 ans. Pour les personnes pouvant prétendre aux prestations transitoires, ce dispositif risque cependant de réduire les incitations à entreprendre une formation et à chercher un emploi avant d’atteindre 60 ans. De tels effets ont été observés en Finlande (OCDE, 2018d) et en Pologne (Gałecka-Burdziak et Góra, 2017). Compléter les conditions d’admissibilité aux prestations par des obligations de participation à des services communautaires ou de poursuite de la recherche d’emploi permettrait d’atténuer ce risque.
Les contre-incitations financières pour les employeurs pèsent également sur l’emploi des seniors. Comme dans beaucoup de pays de l’OCDE, les salaires augmentent avec l’âge, entraînant le risque que les salaires des travailleurs plus âgés dépassent leur productivité. En Suisse, l’écart salarial entre les salariés à temps plein âgés de 55 à 59 ans et les 25-29 ans est supérieur à la moyenne de l’OCDE (OCDE 2014). Par ailleurs, les cotisations minimums au deuxième pilier du système de retraite augmentent avec l’âge et les employeurs en paient au moins la moitié. Actuellement, les taux de cotisation représentent 7 % du salaire de l’assuré pour les 25-34 ans, 10 % entre 35 et 44 ans, 15 % entre 45 et 54 ans et 18 % pour les seniors. Cette situation décourage les employeurs d’embaucher des travailleurs plus âgés.
Il faudrait discuter avec les partenaires sociaux de moyens permettant d’introduire une plus grande flexibilité dans le système salarial. En Corée, par exemple, où l’âge a un impact important sur les salaires, les autorités ont collaboré avec les partenaires sociaux pour établir de nouveaux critères et mieux adapter les pratiques salariales aux exigences des postes et aux compétences (OCDE 2018e). En 2020, le Conseil fédéral a proposé une réforme du deuxième pilier, inspirée par une proposition antérieure de 3 des 4 principaux partenaires sociaux, qui prévoit de réduire les disparités entre les taux de cotisations. Deux taux de cotisations seulement seraient conservés, à 9 % pour les travailleurs âgés de 25 à 44 ans et à 14 % pour les travailleurs plus âgés. Pour les travailleurs âgés de 55 ans et plus, cette réforme entraînerait une diminution significative du taux de cotisation, évolution bienvenue pour améliorer leur employabilité. Une autre solution pour atteindre cet objectif serait d’appliquer un taux forfaitaire aux cotisations patronales afin que seules les cotisations salariales augmentent avec l’âge.
Améliorer la qualité de l’enseignement et réduire les inégalités des chances face à l’éducation
La population suisse possède un niveau de formation et de qualification relativement bon, mais les inégalités des chances face à l’éducation étaient déjà source d’inquiétude avant la pandémie. Le dernier Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), paru en 2018, a constaté des performances comparables ou supérieures à la moyenne de l’OCDE pour les élèves âgés de 15 ans dans les trois compétences évaluées - compréhension de l’écrit, mathématiques et sciences – mais également un écart de performance considérable pour la compréhension de l’écrit entre les élèves issus de milieux socioéconomiques aisés et ceux qui viennent de milieux défavorisés (graphique 2.20). Avec un différentiel de 104, l’écart est plus élevé que la moyenne de l’OCDE (89) et s’est creusé au cours des 10 dernières années (OCDE 2018e). Les chefs d’établissement signalent un manque de personnel éducatif et une pénurie de matériel pédagogique moins marqués que la moyenne de l’OCDE, mais les établissements défavorisés, où se concentrent plus souvent les élèves issus de milieux défavorisés (OCDE, 2017a), connaissent davantage de pénuries d’enseignants.
La crise du COVID-19 a renforcé les inégalités face à l’éducation car les élèves issus de milieux défavorisés sur le plan socioéconomique sont plus vulnérables à la perte des acquis pendant les fermetures d’établissement scolaires. Non seulement ils ont moins de chances d’avoir accès à une éducation de qualité, mais il est également moins probable qu’ils disposent d’une infrastructure numérique, d’un endroit calme pour étudier et d’un environnement favorable à un enseignement à distance efficace (OCDE 2021c). En Suisse, les établissements scolaires ont été fermés pendant environ 35 jours d’enseignement dans le primaire et 55 jours d’enseignement dans le secondaire en 2020, en-dessous de la moyenne de l’OCDE (graphique 2.21). En effet, pendant la pandémie, le gouvernement suisse a accordé un degré élevé de priorité à l’enseignement en présentiel, en particulier pour les élèves les plus jeunes. Les pertes d’acquis peuvent néanmoins s’avérer substantielles. S’appuyant sur les résultats d’une enquête menée en ligne en Autriche, en Allemagne et en Suisse, Huber et Helm (2020) observent qu’une part non négligeable des élèves ont rapporté avoir étudié à la maison pour un maximum de 2 heures par jour pendant les 2 premières semaines du confinement. Dans les économies de l’OCDE, plusieurs études signalent d’importantes disparités en matière d’expérience d’apprentissage des enfants pendant les périodes de fermeture des établissements scolaires, en fonction des revenus des familles et du niveau de formation des parents (Stantcheva 2021). Aux Pays-Bas, par exemple, Enzgell et al. (2020) observent que les retards d’apprentissage ont été nettement plus prononcés chez les élèves dont les parents ont un niveau de formation inférieur. Aux États-Unis, Chetty et al. (2020) documentent un important fossé au niveau des progrès réalisés pour les leçons de mathématiques dispensées en ligne selon les catégories de revenus, l’écart se creusant avec le temps.
Les fermetures d’établissements scolaires pendant la pandémie ont attiré l’attention sur ces inégalités. Beaucoup de pays de l’OCDE, dont la Suisse, ont pris des mesures pendant la crise pour rendre l’enseignement à distance plus inclusif (OCDE, 2021c). Celles-ci incluaient des plateformes numériques flexibles et respectant le rythme de chacun, des accords avec les opérateurs de communications mobiles et les sociétés internet pour améliorer l’accès, et l’apport d’une aide économique supplémentaire aux ménages à faible revenu. Cependant, contrairement à la plupart des pays de l’OCDE, la Suisse n’a pas déclaré dans l’Enquête sur les réponses de l’éducation nationale aux fermetures d’écoles COVID-19 avoir mis en œuvre des mesures pour évaluer les pertes d’apprentissage des élèves accumulées pendant les fermetures d’écoles ni des mesures correctives visant à combler les lacunes en matière d’apprentissage (OCDE, 2021c). En France, par exemple, l’initiative Devoirs Faits, qui aide les élèves en prévoyant un temps dédié à l’accomplissement de leurs devoirs à l’école, a été renforcée en septembre 2020 pour accompagner les élèves ayant rencontré des difficultés scolaires pendant la pandémie. Les expériences de tutorat gratuit en ligne pour les collégiens défavorisés en Italie et de mentorat par les pairs pour les étudiants universitaires en Allemagne ont produit des résultats encourageants. Ces programmes ont considérablement amélioré les performances scolaires des élèves, leur comportement face à l’étude et leur motivation (Stantcheva, 2021). Des interventions de ce type pourraient être testées en Suisse dans le cadre de programmes pilotes car elles pourraient être utiles même après la crise, en permettant aux enfants issus de milieux socioéconomiques défavorisés de bénéficier de plus de temps, de mentorat et de soutien.
Le système éducatif suisse est réputé pour la priorité accordée à la formation professionnelle et l’accent mis sur l’apprentissage. Étant donné que plus des deux tiers des jeunes Suisses (âgés de 15 à 20 ans) sont inscrits dans le système de formation professionnelle, l’impact de la crise sur le marché de l’apprentissage est devenu un enjeu majeur. Les étudiants de la filière professionnelle peuvent s’inscrire pour un apprentissage d’une durée de deux à quatre ans après avoir terminé leurs études au collège. Les apprentis potentiels passent par un processus de recrutement et un contrat de formation est établi entre l’apprenti et l’entreprise offrant l’apprentissage, condition préalable nécessaire au démarrage du programme de formation professionnelle. Le programme implique généralement un double engagement entre le travail en milieu professionnel et les études (OCDE, 2017a). La crise a ainsi eu des conséquences sur la formation des apprentis pour deux raisons principales : la fermeture des centres de formation professionnelle et les fermetures d’entreprises dans les secteurs les plus touchés. En outre, le recours généralisé au télétravail a pu rendre la formation sur le lieu de travail plus difficile et moins efficace, car les aspects pratiques de la formation n’ont pas pu être dispensés.
Malgré la pandémie et le ralentissement du marché du travail, les données pour le début de 2021 montrent que la Suisse a plutôt bien réussi à assurer les mises en relations entre entreprises et étudiants. Fin février 2021, un tiers des étudiants en recherche d’apprentissage pour l’été 2021 avaient déjà signé un contrat, une proportion comparable aux années précédentes (SEFRI, 2021). Ce résultat a été rendu possible par des mesures publiques. La mobilisation virtuelle a été renforcée, y compris par le développement de marchés de l’emploi en ligne. Les autorités fédérales ont également créé un programme spécifique (Apprentissages COVID-19) qui contribue au financement des mesures en faveur de l’insertion des apprentis sur le marché du travail. La Confédération a financé jusqu’à 80 % des coûts de ces mesures grâce à des dépenses d’un montant de 23 millions CHF au 31 octobre 2021. Les domaines ciblés incluent le mentorat ou le coaching des candidats, ainsi que l’élaboration de nouveaux modèles de formation dans les secteurs touchés par la fermeture de nombreuses entreprises. Les entreprises peuvent également demander un soutien financier pour créer des postes ou maintenir des contrats existants. Au début de la crise, la résilience du système d’apprentissage a également bénéficié de l’élargissement des droits au dispositif d’indemnisation en cas de chômage partiel. Par ailleurs, et contrairement à d’autres économies de l’OCDE, la Suisse ne rapporte pas de mesures ciblant spécifiquement le système de formation professionnelle pour évaluer ou combler les pertes d’apprentissage potentielles (OCDE, 2021c). En Estonie, par exemple, les étudiants des filières professionnelles ont bénéficié de temps d’étude supplémentaires. Il serait également envisageable d’allonger la durée des programmes d’apprentissage dans les secteurs les plus touchés. En Corée du Sud, par exemple, une extension de la période de formation ou une durée de formation flexible a été autorisée (OCDE, 2020f).
L’évolution technologique et la numérisation croissante représentent un enjeu majeur pour les systèmes de formation professionnelle car elles modifient les tendances de la demande en matière de qualifications techniques et de compétences clés. Les progrès technologiques font qu’un certain nombre de postes risquent de disaparaître sous l’effet de l’automatisation (Vandeweyer et Verhagen, 2020), tout en créant de nouvelles possibilités d’emploi. Étant donné que les travailleurs changeront sans doute plus souvent de missions et de professions au cours d’une vie active plus longue, il est de plus en plus important qu’ils disposent de solides fondations dans les compétences cognitives. Dans une certaine mesure, le système suisse de formation professionnelle est bien placé pour relever ce défi car plusieurs extensions du programme et des passerelles de formation flexibles offrent aux étudiants des filières professionnelles la possibilité d’obtenir des qualifications supérieures y compris par le biais de l’enseignement tertiaire. En conséquence, un tiers environ de jeunes diplômés des filières professionnelles sont employés dans des professions très qualifiées, une proportion nettement supérieure à la moyenne européenne de 18 % (Vandeweyer et al, 2020). Cependant, une majorité d’apprentis n’optent pas pour la voie conduisant à l’enseignement tertiaire et la trop grande spécialisation des étudiants du système de formation professionnelle pourrait devenir problématique. Bien qu’une solution évidente serait de renforcer la composante théorique dans les programmes de formation professionnelle au niveau du second cycle de l’enseignement secondaire, cela pourrait nuire à la motivation des étudiants (Vandeweyer et al, 2020, OCDE, 2017a). Il est donc crucial que les diplômés des filières professionnelles continuent à se voir offrir des possibilités de renforcer leurs compétences et de se reconvertir après leur entrée sur le marché du travail.
Avec l’évolution de la demande de compétences, il y a un besoin d’offrir des opportunités de formation continue pour les étudiants des filières professionnelles mais aussi pour les travailleurs moins qualifiés. Bien que le taux de participation à la formation continue en Suisse soit l’un des plus élevés parmi les pays européens, il est nettement plus faible pour les groupes de travailleurs dont le niveau d’instruction est plus faible ou qui sont sans emploi (graphique 2.22). La pandémie a accentué cette tendance : bien que la baisse de participation ait concerné tous les groupes de travailleurs (par rapport à 2019, la participation a reculé de 18 % en 2020 pour la population résidente âgée de 25 à 74 ans), elle était plus prononcée pour les personnes ayant reçu au maximum une éducation secondaire. Les données récentes signalent également une baisse de participation disproportionnée pour les travailleurs plus âgés (OFS, 2021b). Dotés de compétences numériques plus faibles que les jeunes travailleurs (graphique 2.23), ils ont été moins à-même de bénéficier de formations virtuelles pendant la pandémie.
La Loi sur la formation continue, entrée en vigueur en 2017, fournit un cadre à l’action publique en matière d’élargissement de l’accès à la formation des adultes. Grâce à cette loi, le gouvernement fédéral cofinance des programmes cantonaux de promotion des compétences élémentaires des adultes. Une initiative récente du gouvernement (« Simplement mieux!... au travail ») subventionne la formation assurée par l’employeur aux compétences fondamentales, y compris informatiques. Cette action devrait contribuer à mieux rediriger la formation continue vers les travailleurs peu qualifiés. Des subventions ou chèques-formations destinés à certains groupes cibles pourraient également être envisagés. Des initiatives de ce type sont déjà mises en œuvre au niveau cantonal. Vingt-et-un cantons ont ainsi mis en place des programmes de promotion des compétences fondamentales, qui offrent des possibilités de formation subventionnée à tous les résidents adultes.
Pour tous les travailleurs, renforcer les compétences numériques intermédiaires et avancées sera essentiel pour stimuler la croissance de la productivité. Les secteurs liés aux TIC affichaient des taux élevés de postes à pourvoir avant la pandémie et leur activité a fortement rebondi après l’allégement des restrictions. Les compétences informatiques avancées des adultes suisses sont comparativement élevées, en particulier chez les jeunes, mais accusent du retard par rapport aux pays les mieux classés (graphique 2.24). Augmenter le nombre de diplômés des filières scientifiques et techniques permettrait de pallier les pénuries à moyen terme. Cela supposerait d’encourager la participation des femmes dans ces filières, qui est souvent très limitée (OCDE 2017a). En outre, ainsi qu’il a été mentionné dans les enquêtes précédentes (OCDE, 2017a, OCDE, 2019a), assouplir les conditions d’immigration pour les personnes venant de pays non-membres de l’UE contribuerait également à limiter les pénuries de compétences. Les diplômés des universités suisses originaires de pays non-membres de l’UE, par exemple, n’ont que 6 mois pour trouver un emploi après avoir terminé leurs études pour être autorisés à rester en Suisse. Selon Economiesuisse, la fédération des entreprises suisses, seulement 10 % à 15 % de ces étudiants restent dans le pays après leurs études. Le parlement suisse a récemment donné pour mandat au Conseil fédéral de faciliter le séjour en suisse des ressortissants de pays tiers titulaires d’un diplôme universitaire suisse et leur accès au marché du travail dans les domaines où les pénuries de main-d’œuvre qualifiée sont avérées.
Une meilleure intégration des immigrés sur le marché du travail est essentielle pour stimuler le taux d’activité et la productivité en s’appuyant davantage sur leurs compétences. La population immigrée représente environ un tiers de la population résidente permanente âgée de 15 ans et plus, et est très hétérogène en termes de niveau d’études. Les immigrés sont beaucoup plus susceptibles que les autochtones de n’avoir achevé que l’enseignement obligatoire, mais ont également un peu plus de chances d’avoir un diplôme de l’enseignement supérieur (graphique 2.25 et OFS, 2020). Le marché du travail suisse offrant un nombre limité d’emplois adaptés aux personnes ayant un faible niveau d’études et de compétences (voir chapitre 1, graphique 1.15, partie B), le taux de chômage est considérablement plus élevé pour les immigrés ayant seulement achevé l’enseignement obligatoire (8 % en 2018 contre 5 % pour les immigrés ayant achevé le deuxième cycle de l’enseignement secondaire et 4 % pour les ceux qui ont suivi l’enseignement supérieur). L’amélioration des compétences des immigrés peu qualifiés est donc essentielle pour réduire les inégalités sur le marché du travail et renforcer l’utilisation de la main-d’œuvre dans l’économie.
Offrir une formation professionnelle aux migrants représente également une voie importante pour leur meilleure intégration dans la population active. Les cantons offrent des programmes de préparation à la formation professionnelle aux jeunes immigrés afin de les aider à acquérir les compétences fondamentales nécessaires, y compris les compétences linguistiques, pour s’inscrire dans les programmes de formation professionnelle. Cependant, une limite d’âge (21 à 23 ans) est fixée pour l’accès à ces programmes, ce qui limite les possibilités pour les migrants plus âgés d’entrer dans la formation professionnelle. Cette question a été en partie résolue en 2018 lorsque les autorités suisses ont lancé un programme pilote de préparation à la formation professionnelle destiné spécifiquement aux réfugiés, avec une limite d’âge relevée à 35 ans. Les réfugiés ne représentent que 4 % de la totalité des résidents étrangers en Suisse, mais sont confrontés à des difficultés considérables pour trouver un emploi car un grand nombre d’entre eux ne parlent pas la langue locale et ont reçu peu d’éducation scolaire. Les premières évaluations du programme font état de résultats positifs puisque deux tiers des étudiants poursuivent leur éducation dans un programme formation professionnelle certifiant (Cedefop/OCDE, 2021). Dans ce contexte, les autorités devraient poursuivre cette initiative et envisager de l’étendre à un groupe plus large de migrants en relevant la limite d’âge pour l’accès aux programmes de préparation à la formation professionnelle.
La reconnaissance plus large et plus rapide des qualifications étrangères faciliterait l’intégration des immigrés sur le marché du travail et réduirait potentiellement les phénomènes d’inadéquation entre les compétences et les emplois. Pour obtenir une qualification professionnelle en Suisse, il est possible de demander la validation d’apprentissages formels ou informels antérieurs au niveau cantonal, mais il s’agit d’une procédure longue et lourde. Elle suppose des compétences linguistiques car un dossier de validation détaillé doit être établi, afin que des experts professionnels puissent évaluer l’équivalence des compétences. En outre, les procédures de validation n’existent que pour 20 des quelques 230 qualifications de la formation professionnelle et qu’elles ne sont pas proposées dans tous les cantons (Cedefop/OCDE, 2021). Les apprentissages réguliers ou abrégés sont souvent des moyens plus simples et plus rapides pour beaucoup de réfugiés adultes d’obtenir la certification de qualifications professionnelles (Spadarotto, 2019). Des mesures visant à simplifier la procédure de reconnaissance des qualifications étrangères amélioreraient l’efficacité.
Principales conclusions |
Recommandations |
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Faciliter le redéploiement de l’emploi |
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Les prolongations de l’indemnisation en cas de chômage pendant la pandémie ont permis de protéger les travailleurs et les entreprises de manière adéquate, mais elles risquent de faire obstacle au redéploiement et à la restructuration de l’emploi pendant la reprise. |
Une fois que la plupart des restrictions auront été levées, revoir à la baisse l’ampleur du régime d’indemnisation en cas de chômage partiel et imposer de nouveau aux entreprises de participer au financement du coût de ce dispositif. |
Les travailleurs bénéficiant du régime d’indemnisation du chômage partiel risquent plus de perdre leur emploi et intensifient leurs activités de recherche d’emploi. Le suivi des bénéficiaires par les services publics de l’emploi est entravé par le manque de renseignements les concernant . |
Recueillir davantage d’informations sur les travailleurs indemnisés pour cause de chômage partiel afin de permettre un suivi plus efficace de leur situation par les services publics de l’emploi. Encourager les travailleurs indemnisés pour cause de chômage partiel de longue durée à s’inscrire d’eux-mêmes auprès des services publics de l’emploi et mettre en place des incitations à la formation. |
Les politiques actives du marché du travail sont souples et pourvues de moyens adéquats, mais donnent des résultats très disparates entre les cantons pour ce qui est du placement des demandeurs d’emploi. |
S’assurer que les cantons se dotent de stratégies pour stimuler la reprise de l’emploi. Renforcer les politiques actives du marché du travail à l’échelle cantonale par la diffusion de bonnes pratiques à imiter pour réussir le placement des demandeurs d’emploi appartenant à certains groupes cibles. |
Le chômage de longue durée est en augmentation. Durant la crise, les incitations se sont révélées particulièrement efficaces pour améliorer les perspectives d’emploi des chômeurs de longue durée. Les obstacles administratifs et les effets de rétention dus à un contrôle rigoureux des loyers sont des freins à la mobilité géographique. |
Étendre le recours aux incitations financières pour faciliter le retour des chômeurs à l’emploi. Favoriser la mobilité géographique en adaptant la législation relative aux locations dans le sens d’un assouplissement de l’encadrement des loyers, accompagné d’aides au logement ciblées. Lever les obstacles à la mobilité interne des personnes exerçant une profession réglementée. |
Rendre le marché du travail plus inclusif |
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L’écart de rémunération entre hommes et femmes est considérable en Suisse, ce qui tient en partie à la forte incidence du travail à temps partiel parmi les femmes. Les interactions entre le système de prélèvements et de prestations et le coût élevé des services d’accueil des jeunes enfants se traduisent par un temps de travail plus court et des revenus d’activité plus faibles pour les femmes. |
Continuer d’accroître l’offre de structures d’accueil de jeunes enfants et mettre à disposition des mesures ciblées (réductions tarifaires sous conditions de ressources, allocation d’éducation ou crédits d’impôt) afin de les rendre plus abordables. Veiller au contrôle effectif de la qualité des services d’accueil des jeunes enfants. Réduire les contre-incitations au travail qui s’exercent sur les deuxièmes apporteurs de revenu, en passant d’une imposition commune par famille à une imposition individualisée des revenus, ou en ajustant la fiscalité et en réduisant la dégressivité des prestations. Étendre la durée du congé paternité moyennant l’instauration d’un congé parental officiel dont une partie doit être pris par le père. |
Une fois au chômage, les travailleurs âgés ont plus de difficultés à retrouver un emploi que n’en ont les travailleurs d’âge très actif, en raison de leur spécialisation étroite et de leur manque d’expérience en matière de recherche d’emploi. L’augmentation avec l’âge des taux de cotisation de retraite y a aussi sa part. |
Limiter la progressivité avec l’âge des taux de cotisation au fonds de pension du deuxième pilier. Évaluer l’efficacité des programmes pilotes d’activation destinés aux travailleurs âgés et procéder s’il y a lieu à un déploiement à grande échelle. |
Améliorer les niveaux de compétence et corriger les inégalités |
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Par rapport aux autres, les élèves issus de milieux défavorisés ont une probabilité bien plus forte de ne pas avoir le niveau requis et moins de chances d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur. De plus, les fermetures d’établissements scolaires et l’enseignement à distance les ont vraisemblablement pénalisés outre mesure. |
Améliorer l’accès des ménages modestes aux services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants Évaluer les lacunes accumulées durant la pandémie et prendre des mesures pour aider les élèves défavorisés à les combler. |
Le taux de chômage de la population immigrée représente plus du double de celui des personnes nées en Suisse, et les immigrés sont relativement plus nombreux, en proportion, à ne pas poursuivre leurs études au-delà de la scolarité obligatoire. |
Élargir l’accès aux programmes proposant une formation en préapprentissage aux immigrés peu qualifiés, moyennant le relèvement de l’âge limite de participation. Simplifier et accélérer la procédure de reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger. |
La Suisse connaît des pénuries de main-d’œuvre qualifiée, notamment dans le secteur des TIC. |
Assouplir les restrictions à l’entrée sur le territoire applicables aux ressortissants de pays non membres de l’UE et laisser aux étudiants venus de ces mêmes pays davantage de temps pour trouver un emploi à la fin de leurs études. |
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