Ce rapport évalue les progrès accomplis par l’Islande depuis l’examen par les pairs réalisé en 2017. Il met en avant les expériences réussies et les difficultés rencontrées, et formule des recommandations pour l’avenir. Il a été élaboré avec le concours d’examinateurs de la Corée et de la République slovaque, et avec le soutien du secrétariat de l’OCDE.
La politique islandaise de coopération internationale pour le développement 2019‑23 se donne pour objectif de lutter contre la pauvreté et la faim, tout en prenant systématiquement en compte les problématiques des droits de la personne, de l’égalité entre les genres et du développement durable. Les Objectifs de développement durable (ODD) ont permis de fédérer la société islandaise autour du rôle et de l’importance de la coopération internationale pour le développement et de favoriser la coordination à l’échelle de l’administration.
L’élaboration de la prochaine politique de coopération pour le développement 2024‑28 est l’occasion de renforcer l’approche stratégique et ciblée de l’Islande. En tant que donneur de taille modeste, l’Islande optimise sa coopération pour le développement en se concentrant sur quelques partenaires clés (Malawi, Ouganda et, depuis peu, Sierra Leone) et en collaborant avec les autorités locales et de district en vue d’améliorer les moyens de subsistance et les conditions de vie socio-économique dans les communautés rurales. Dans le même temps, l’Islande met à profit son expertise dans quatre domaines principaux : la question du genre, l’énergie géothermique, la pêche et la restauration des sols, notamment à travers ses programmes de formation et son soutien multilatéral. L’un des principaux défis pour le pays est de maintenir une approche stratégique et ciblée, tout en s’appuyant sur son expertise, ses objectifs prioritaires et ses partenariats de longue date. Afin de consolider une vision commune, l’Islande pourrait capitaliser sur le fort soutien public dont bénéficie l’aide publique au développement (APD) et mener des consultations associant l’ensemble de l’administration et la Commission de la coopération pour le développement international.
La nouvelle plateforme Sustainable Iceland représente une opportunité de gérer les arbitrages entre les politiques publiques et leurs effets indirects. Dirigée par le Bureau de la Première ministre, cette plateforme réunit l’ensemble des ministères ainsi que l’Association des municipalités en vue d’échanger sur les progrès accomplis vers la réalisation des cibles des ODD sur le territoire, tout en œuvrant au bien-être de la population. Dans ses travaux pour définir une politique de développement durable, la plateforme peut favoriser la cohérence des politiques publiques en prenant en compte les effets transnationaux des politiques intérieures.
L’Islande parvient à faire progresser l’égalité des genres grâce à sa coopération pour le développement et une nouvelle stratégie climatique et environnementale est attendue, qui donnera des orientations importantes. La stratégie islandaise de coopération pour le développement permet au pays de défendre l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes dans sa politique étrangère et sa coopération bilatérale et multilatérale. L’Islande investit également dans des projets porteurs de transformations, qui s’attaquent aux causes structurelles des inégalités de genre, en adaptant son programme d’action dans le domaine du genre aux contextes locaux. La stratégie climatique et environnementale à venir pourrait donner des orientations similaires dans les domaines de l’environnement, du climat et de la biodiversité pour la coopération bilatérale et multilatérale de l’Islande, et ainsi guider son engagement mondial.
L’Islande pourrait s’appuyer sur l’augmentation du volume de son APD et le soutien politique de haut niveau dont bénéficie la coopération pour le développement pour établir une feuille de route en vue d’atteindre l’objectif fixé par les Nations Unies de consacrer 0.7 % du revenu national brut (RNB) à l’APD. En dépit d’une loi de 1971 par laquelle l’Islande s’est engagée à allouer 1 % de son RNB à l’APD, aucun plan n’a été mis en place pour la porter au-delà de 0.35 % du RNB, niveau que l’Islande devrait avoir atteint en 2022.
Les ressources humaines représentent une contrainte critique pour la définition future de la coopération multilatérale et bilatérale de l’Islande. Le ministère des Affaires étrangères (MAE) islandais dispose de 28 professionnels du développement expérimentés au niveau des services centraux et à des postes clés à l’étranger, tandis que du personnel recruté localement au Malawi et en Ouganda permet à l’Islande de mettre en œuvre son approche au niveau des districts. Mais son modèle de ressources humaines est sous tension du fait de la faiblesse des effectifs, de la charge de travail élevée, du départ à la retraite d’agents expérimentés dans le domaine du développement et du système de rotation des agents diplomatiques. Si une planification stratégique à long terme des effectifs et des dispositions contractuelles plus souples devraient permettre de remédier à certaines de ces difficultés, il convient néanmoins de prendre en compte les contraintes liées aux ressources humaines dans les nouvelles politiques et les nouveaux engagements de l’Islande.
Une coordination interdirection efficace favoriserait la cohérence des interventions dans les contextes fragiles. En octobre 2022, le MAE a rétabli deux directions distinctes en son sein (Direction de la politique et des affaires internationales et Direction de la coopération internationale pour le développement). Le MAE devra adapter ses méthodes de travail à cette nouvelle organisation afin d’assurer la cohérence entre aide humanitaire (gérée par la Direction de la politique et des Affaires internationales) et coopération pour le développement (gérée par la Direction de la coopération internationale pour le développement), mais également au sein de ses partenariats bilatéraux et multilatéraux.
L’Islande devrait concevoir un système de gestion axée sur les résultats adapté à ses objectifs ; les évaluations de grande qualité que mènent le pays devraient être réalisées en temps opportun pour que leurs résultats puissent informer la programmation future et favoriser l’apprentissage au sein du MAE. L’élaboration de la nouvelle politique de développement offre une occasion unique d’introduire un système rationalisé permettant de suivre l’impact et les résultats obtenus par l’Islande (des réalisations jusqu’aux impacts) à travers l’ensemble de sa politique de coopération pour le développement (assistance multilatérale, bilatérale et humanitaire, et dans ses divers partenariats). Les évaluations de grande qualité menées par l’Islande sont une composante essentielle de son processus décisionnel. Le plan d’évaluation devrait cependant veiller à ce qu’elles soient réalisées en temps opportun pour que leurs résultats puissent éclairer l’élaboration des politiques publiques et la programmation, et la phase de conception des programmes devrait intégrer la consultation systématique des évaluations existantes.
L’approche adoptée par l’Islande, mettant l’accent sur la réduction de la pauvreté, le pilotage par les partenaires et le long terme, donne des résultats ; les stratégies-pays pourraient être mises à jour pour intégrer plus systématiquement la durabilité, des analyses de fragilité et un cadre de résultats. L’Islande respecte son engagement en faveur de l’appropriation par les pays à travers le renforcement des capacités et l’utilisation des systèmes nationaux. Cela est également renforcé par la mise en place d’un solide dispositif de reporting financier dans son approche au niveau de districts, qui contribue à améliorer les moyens de subsistance en milieu rural dans certains des districts les plus pauvres et les plus difficiles à atteindre du Malawi et de l’Ouganda. Alors que l’Islande s’apprête à étendre sa coopération à d’autres districts, elle pourrait intégrer davantage la durabilité dans les stratégies-pays et travailler systématiquement avec les autorités nationales, les conseils de district et d’autres partenaires de développement afin d'adopter une approche plus stratégique dans l'ensemble de ses programmes nationaux. Il est par ailleurs primordial que la programmation islandaise prenne en compte les conflits et la fragilité, notamment du fait de la présence du pays en Sierra Leone.
En tant que petit donneur, l’Islande s’appuie sur ses partenaires multilatéraux pour compléter son portefeuille bilatéral, en particulier dans les environnements complexes. Grâce à des partenariats noués de longue date avec un petit nombre d’organisations multilatérales, le pays a pu exercer une influence auprès de ces organismes sur les questions d’égalité des genres, de droits de la personne et d’aide humanitaire. Les partenaires multilatéraux apprécient quant à eux l’approche prévisible, flexible et pragmatique de l’Islande à l’égard de ses partenariats, en conformité avec les principes de l’efficacité du développement.
De nouveaux accords-cadres ont permis de renforcer les partenariats avec la société civile islandaise. Les partenariats établis avec quatre organisations de la société civile (OSC) islandaises portent désormais sur une durée plus longue et reposent sur la confiance mutuelle et un dialogue permanent. L’engagement auprès des OSC des pays partenaires s’est souvent avéré bénéfique, mais est limité par les frais administratifs et les coûts de gestion des risques. À l’avenir, les accords-cadres pourraient s’attacher à renforcer les partenariats avec les OSC des pays partenaires.
Le Centre GRÓ pour le développement durable forme, en Islande, des professionnels des pays en développement ; le renforcement des capacités des institutions partenaires devrait être une priorité. Les bourses et les programmes de formation proposés par l’Islande dans les domaines de la pêche, de la restauration des sols, de l’égalité des genres et de l’énergie géothermique sont davantage structurés depuis la création du Centre GRÓ pour le développement durable en janvier 2020. L’Islande peut en outre s’appuyer sur une nouvelle théorie du changement pour déterminer l’impact de ces programmes. Il serait néanmoins essentiel de nouer des liens plus étroits avec les institutions partenaires, de renforcer les réseaux d’anciens élèves et de proposer davantage de formations de courte durée dans les pays partenaires.
L’Islande est encore en train de définir son engagement auprès du secteur privé, y compris à travers le Fonds de partenariat pour les ODD. Créé en 2018, ce fonds apporte des subventions de faible montant pour encourager le secteur privé à participer et à contribuer à la coopération pour le développement. La question de l’additionnalité de ces investissements et de leur impact sur le développement doit encore être clarifiée, en s’appuyant sur les conclusions d’une évaluation menée en 2022. Un partenariat avec des institutions de financement du développement pour renforcer l’engagement du secteur privé au moyen d’instruments autres que les dons pourrait également être envisagé.