Le contexte politique et économique présente des risques et des opportunités, pour la coopération au développement mise en œuvre par la République tchèque (ou Tchéquie). Le présent rapport évalue les progrès accomplis depuis l’examen par les pairs de 2016. Il met en lumière les réussites et difficultés récentes et formule des recommandations pour l’avenir. Ce rapport a été élaboré avec le concours des examinateurs de l’Irlande et de l’Italie, et le soutien du Secrétariat de l’OCDE.
La stratégie de la Tchéquie en matière de coopération au développement traduit une volonté d'impliquer l’ensemble des pouvoirs publics, conformément aux principes du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Forte d'une stratégie couvrant une période de 12 ans et d’une souplesse budgétaire, la Tchéquie peut apporter un soutien à long terme à ses partenaires tout en s’adaptant à des contextes fluctuants. Elle est également parvenue à mieux articuler ses cadres national et international afin d’œuvrer à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), en particulier en renforçant les liens entre développement et durabilité. Le pays pourrait encore mieux faire valoir la notion de développement dans ses politiques publiques nationales, notamment en mesurant l’impact des politiques en question sur les pays partenaires.
La conjoncture budgétaire et politique constitue un contexte difficile pour l’APD. C’est seulement en 2022 que la Tchéquie est parvenue à honorer son engagement de consacrer 0.33 % de son revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD), après une hausse de 167 % en volume principalement imputable au coût de l’accueil de réfugiés. Dans un climat de contraintes budgétaires, la Tchéquie n'a pas arrêté de feuille de route à long terme en vue de respecter durablement ses engagements concernant la part du RNB consacrée à l’APD.
Maintenir le soutien politique en faveur d’une coopération au développement au-delà de l'aide humanitaire et de la défense des droits de la personne, une caractéristique forte de la coopération tchèque, est un défi. Cette coopération revêt une grande importance pour la Tchéquie en raison de ses fondements moraux et de ses intérêts en politique étrangère et commerciale. Les différents programmes élaborés par les ministères semblent ne pas toujours converger vers des résultats communs, comme en témoigne l'absence d’une identité visuelle unique pour le programme bilatérale. En outre, bien que des progrès aient été accomplis en termes de concentration géographique, ces priorités ne se reflètent que partiellement dans les allocations de l'APD. Un recentrage du programme bilatéral et une meilleure définition des résultats à l’échelle de l’administration publique pourraient renforcer la justification de la coopération au développement dans ce contexte.
Le pays pourrait renforcer son système institutionnel afin d’exploiter pleinement le potentiel de la coopération tchèque. Le plafonnement des effectifs de l’Agence tchèque de développement (CzDA), l’impossibilité pour l’agence d’établir des bureaux locaux officiels et une approche par petits projets freinent l’exploitation du potentiel de coopération de la République tchèque. Qui plus est, le ministère des Affaires étrangères (MAE) et la CzDA disposent de moyens administratifs, managériaux et financiers limités. Par ailleurs, il conviendrait de renforcer la présence locale. Bien que le MAE ait augmenté le nombre de diplomates spécialisés dans le développement et de coordinateurs de projets locaux et que les compétences des ambassades aux différents stades du cycle de développement aient été élargies, l'absence de délégation d'autorité au personnel des ambassades accroît la charge administrative pesant sur des ressources déjà très sollicitées.
Le pays pourrait, en outre, s’appuyer davantage sur la coopération déléguée par l’Union européenne (UE) pour renforcer le système. La Tchéquie coordonne de plus en plus sa coopération au développement avec les États membres de l’Union européenne et l’Union européenne, afin d’étendre son programme et s’engage de manière responsable dans la coopération déléguée par l’UE. Néanmoins, la CzDA ne parvient pas à tirer systématiquement parti de cette expertise acrue pour consolider ses capacités de base.
Investir dans la planification stratégique aiderait la Tchéquie à accélérer les progrès vers un portefeuille plus cohérent. Dans le cadre de son approche intégrée, la Tchéquie s’efforce d’articuler ses interventions humanitaires et son aide au développement, de mettre en place ses programmes de renforcement des capacités dans ses pays prioritaires et de réduire la fragmentation des projets dans ses portefeuilles-pays. Même s’il y a du progrès, certains de ces portefeuilles demeurent fragmentés : une approche plus volontariste de l’intégration qui irait au-delà de la création de synergies ponctuelles, ainsi qu’un investissement massif dans la planification stratégique permettrait d'atténuer encore cette dispersion au sein des programmes-pays. Bien que la Tchéquie fonde ses décisions sur les conclusions des évaluations, elle pourrait réaliser des gains d’efficacité en consacrant davantage de ressources à la définition d’indicateurs de référence fiables et en utiliser les résultats à l'appui de la prise de décision.
Une prise en compte claire et systématique de la lutte contre la pauvreté, les inégalités et des questions transversales permettrait de gagner en qualité. Bien que la stratégie de coopération pour le développement 2018-2030 accorde une large place aux priorités transversales, la mise en œuvre est très variable d’un partenaire d’exécution et d'un pays à l’autre. L’établissement – en cours – de listes de critères et de normes constitue un bon point de départ.
La Tchéquie pourrait accroître l’efficacité de ses partenariats avec les organisations de la société civile (OSC) et le secteur privé. Bien que le pays dispose d’un groupe de travail sur le financement pluriannuel, le financement annuel des partenaires d’exécution entraîne une lourdeur administrative, des retards dans le démarrage des projets et un raccourcissement des périodes de mise en œuvre. Par ailleurs, l'aide liée continue d’occuper une trop large place, en raison, notamment, de contraintes réglementaires et institutionnelles. L’élargissement de l’éventail des partenaires directs, en particulier locaux, permettrait d’améliorer l’efficacité, la qualité et la durabilité de ses interventions.
La Tchéquie a élaboré une approche pragmatique pour tester et améliorer les instruments permettant de collaborer avec le secteur privé. Le recours à des acteurs du secteur privé pour mettre en place l’APD demeure la principale modalité de collaboration avec le secteur privé, une grande partie de l’APD étant acheminée par le biais d'appels d’offres ou de dons financiers liés, ce dernier étant un instrument relativement nouveau créé pendant la pandémie de COVID-19. Toutefois, conformément à des recommandations antérieures, la Tchéquie s’est aussi mobilisée pour que les acteurs du secteur privé soient des partenaires de développement. Elle a réformé son programme Business to Business (B2B) pour en améliorer la viabilité, mais les nouvelles conditions semblent moins attrayantes pour les acteurs du privé, si bien que le programme est en perte de vitesse. Le dispositif de garantie, créé en 2018 par la Banque nationale de développement (NRB), pourrait s’avérer un puissant levier pour mobiliser des financements privés, mais il n'a pour l’heure pas été utilisé en raison d’une demande insuffisante de la part des petites et moyennes entreprises (PME) tchèques et des banques commerciales.
Une plus grande focalisation sur le développement et la mobilisation des financements privés au moyen de ces instruments permettrait d’accroître l'impact. La sélection des dons financiers liés et des appels d’offres se fonde principalement sur la qualité et le prix des produits plutôt que sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Le programme B2B a aidé les entreprises tchèques à innover dans les pays en développement, mais il aurait plus d’impact sur le développement si des partenariats locaux étaient systématiquement établis et un suivi plus étroit assuré. Quant au programme de garantie géré par la NRB, il faudrait le renforcer pour qu'il permette la mobilisation de financements privés et ait un impact sur le développement. Ainsi, une plus grande sensibilisation des divers acteurs du secteur privé, y compris dans les pays partenaires, contribuerait à renforcer la demande de garantie. En gagnant en expertise, la NRB pourrait progressivement devenir un instrument de la coopération au développement.