Ce rapport présente les conclusions et recommandations de l’examen par les pairs 2023 de la coopération au développement mise en œuvre par la République tchèque (ou Tchéquie). Conformément à la méthodologie de 2023, il ne couvre pas l’ensemble des composantes du cadre d’analyse applicable à ces examens. Il se concentre plutôt sur quatre domaines de la coopération au développement du pays, sélectionnés en concertation avec les partenaires de la Tchéquie et des représentants publics. Il examine comment les ressources du pays influencent la mise en œuvre de sa vision à long terme en matière de coopération au développement. Il analyse l’architecture et les systèmes globaux de la coopération pour le développement de la Tchéquie afin de déterminer si ce système est à la mesure des objectifs poursuivis en matière de concrétisation de la vision à long terme du pays. Il examine ensuite si les efforts déployés pour parvenir à une approche plus programmatique ont permis d’améliorer l’efficacité du développement et dans quelle mesure la participation du secteur privé permet de tirer profit de l’expertise et des ressources de manière efficace. Pour chacun de ces domaines, le rapport dresse un bilan des points forts de la Tchéquie et des défis qu’il lui faut relever, ainsi que les éléments qui lui permettent d’obtenir des résultats et les risques ou perspectives qui se profilent à l’horizon.
Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : République tchèque 2023
Conclusions et recommandations
Abstract
Contexte
Le contexte politique et économique ouvre des horizons mais comporte aussi des risques pour la coopération au développement mise en œuvre par la Tchéquie
Les retombées de l’agression à grande échelle menée par la Fédération de Russie (« la Russie ») contre l’Ukraine ont compromis la reprise post-COVID en République tchèque (ou Tchéquie) et intensifié les pressions s’exerçant sur les finances publiques. La croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait ralentir et passer de 2.4 % en 2022 à -0.1 % en 2023, avant de remonter à 2.4 % en 2024. L’envolée des prix de l’énergie et des produits de base ainsi que les perturbations dans les importations de gaz et de pétrole russes ont précipité le pays dans une crise due à l’augmentation du coût de la vie et engendré un risque de pénuries d’énergie (OCDE, 2023[1]). L'inflation, qui atteignait 16.3 % en février 2023, ne devrait pas se rapprocher de la cible de 2 % avant fin 2024. La tchéquie est le pays qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés ukrainiens par habitant : selon les estimations, plus de 500 000 personnes, soit 4.7 % de la population tchèque, ont été accueillies au titre de la protection temporaire (OCDE, 2023[1]). Les services de base et le soutien financier fournis à ces réfugiés, ainsi que les mesures prises pour contrer les effets négatifs de la crise énergétique et l'augmentation des dépenses de défense ont entraîné une hausse des dépenses publiques. Selon toute vraisemblance, la politique intérieure privilégiera la rigueur budgétaire et une réponse coordonnée à la guerre d’agression menée contre l’Ukraine.
La Tchéquie est favorable à un plus grand engagement auprès de l’Union européenne et à davantage de solidarité avec des populations touchées par des crises. En janvier 2022, le Parlement a approuvé une coalition de centre-droit composée de cinq partis, avec Petr Fiala, chef du Parti démocratique civique, comme Premier ministre. Début 2023, Petr Pavel a été élu président grâce à un programme prévoyant un renforcement de la coopération avec les alliés de l’OTAN, un soutien à l’Ukraine et une plus grande participation à l’Union européenne. Dans sa déclaration de politique générale de 2022, le gouvernement souligne que dans le domaine de la politique étrangère, il s'attachera à consolider la position du pays dans l’Union européenne (GoCR, 2022[2]). Il insiste aussi sur l’importance de la coopération au développement, décrite comme étant à la fois « moralement juste » et un outil au service du commerce extérieur du pays (GoCR, 2022[2]).
En Tchéquie, la coopération au développement s’articule autour du ministère des Affaires étrangères et implique l’ensemble des pouvoirs publics
Selon la loi sur la coopération en matière de développement et d’aide humanitaire adoptée en 2010 (GoCR, 2010[3]), il revient au MAE de gérer, de coordonner et de superviser l'exécution de l’APD (Graphique 1). Le MAE dispose des compétences financières sur l’essentiel du budget de la coopération bilatérale au développement, et approuve les budgets destinés à en financer les activités. En 2021, il a directement distribué 53.9 million USD correspondant à 14.7 % du budget total de l’APD. L'aide au développement relève principalement du Département de la coopération au développement et de l’aide humanitaire, tandis que le Département territorial est chargé des programmes financés par l’APD et par d'autres ressources publiques. Ces programmes, dont les objectifs sont tout autant politiques que liés au développement, reposent sur des priorités qui leur sont propres1. Le ministère travaille étroitement avec la CzDA, un organisme public placé sous son autorité et chargé de la mise en œuvre des programmes de pays bilatéraux et des dons bilatéraux. En 2021, la CzDA a versé 18.9 milliion USD, soit 5.2 % de l’APD totale et 21.3 % de l’APD bilatérale.
Le ministère des Finances est chargé d’effectuer les versements obligatoires à l’UE et aux banques multilatérales de développement, telles que l’Association internationale de développement (Banque mondiale) et d'autres institutions financières (Société financière internationale, Banque internationale pour la reconstruction et le développement). Ces versements, qui peuvent être en tout ou en partie comptabilisés comme de l’APD, ont représenté 71.2 % du total des décaissements au titre de l’APD en 2021 (260.5 millions USD).
Le ministère de l'Intérieur fournit une aide humanitaire aux États membres de l’UE sur le territoire de l’UE. Il est par ailleurs chargé de trois programmes : « Aid in place », programme d’assistance aux réfugiés dans les régions d’origine et de soutien aux infrastructures en matière d'asile et de migrations ; MEDEVAC, programme humanitaire médical permanent (déploiement d'équipes médicales tchèques à l'étranger, formations spécialisées et stages destinés au personnel médical étranger) ; et le programme de coopération pour le développement de la sécurité, programme technique axé sur l'application de la loi. Il est également très actif sein de CYBERVAC avec le ministère de la Justice, le MAE (qui coordonne le programme) et l'Autorité nationale pour la cybersécurité. En 2021, le ministère a déboursé 4.4 % du budget total de l’APD.
La participation des ministères de l’Éducation, de l’Environnement, de la Santé, de l’Industrie et du Développement régional prend essentiellement la forme de contributions aux systèmes multilatéraux et boursiers. Ainsi, en 2021, 44 % des engagements d’APD bilatérale de ces ministères étaient des contributions à l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI) et à la Commission économique des Nations unies pour l'Europe, 17 % étaient des contributions au budget ordinaire d’organisations multilatérales et 27 % correspondaient à des bourses. Ces ministères mettent également en place des activités financées par le MAE (aide au commerce, à la sécurité et au développement ; formation au développement mondial).
L’année 2022 a été marquée par un changement radical dans les allocations d’APD, à savoir une augmentation globale de 167 % principalement en raison du coût de l’accueil des réfugiés Ukrainiens dans le pays. Cette augmentation a eu des conséquences sur le rapport entre les allocations bilatérales et multilatérales, ainsi que sur la part respective des différents ministères. Les données ventilées par institution n’étaient pas disponibles au moment de l’examen et ne figurent pas dans ce rapport.
La stratégie de coopération au développement 2018-2030 (ci-après « stratégie de coopération au développement ») (MFA, 2017[4]) constitue le cadre sur lequel repose la coopération au développement en Tchéquie. Selon cette stratégie, la coopération au développement et l’aide humanitaire du pays ont pour but de favoriser la stabilité et un développement économique et social durable dans les pays partenaires, de même que leur prospérité. Cinq priorités thématiques y sont définies qui concernent sept ODD et correspondent à ce que la Tchéquie considère comme ses points forts : 1) mise en place d’institutions stables et démocratiques (ODD 16) ; 2) gestion durable des ressources naturelles (ODD 6 et 13) ; 3) agriculture et développement rural (ODD 2 et 15) ; 4) développement social inclusif (ODD 2 et 15) ; et 5) croissance économique (ODD 7 et 8).
Comme le recommandait le précédent examen par les pairs du Comité d'aide au développement (CAD) (OCDE, 2016[5]), la Tchéquie s’est efforcée de parvenir à une plus grande concentration géographique. Dans sa stratégie, elle s’engage à recentrer sa coopération au développement sur un petit nombre de pays, désignés par le gouvernement, en veillant à l’équilibre entre pays moins avancés (PMA) et pays à revenu intermédiaire (PRI). Depuis 2016, la Bosnie-Herzégovine, le Cambodge, l’Éthiopie, la Géorgie, la République de Moldova et la Zambie sont les six pays partenaires prioritaires de la Tchéquie, pour lesquels elle a mis en place des programmes de coopération bilatéraux quinquennaux. Ces derniers arrivent à leur terme en 2023 et feront l’objet d'une évaluation dont les résultats serviront au prochain cycle de programmation par pays. En outre, la Tchéquie a désigné cinq pays et territoires avec lesquels elle entend coopérer dans le cadre de processus de stabilisation et de reconstruction post-conflit : l’Afghanistan, la Cisjordanie et la bande de Gaza, l’Iraq, la Syrie et l’Ukraine.
Un système à la mesure de ses objectifs : une stratégie à long terme qui se heurte à des contraintes en matière de ressources
La Tchéquie cherche à aligner sa stratégie à long terme sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030
La stratégie de coopération au développement (MFA, 2017[4]) tente de concilier les programmes en matière de durabilité et de développement. Cette stratégie, qui place sept ODD au cœur de la coopération au développement de la Tchéquie (voir Contexte)2, est en phase avec les grands principes du Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui consistent à ne laisser personne de côté. S’inscrivant dans un calendrier de 12 ans qui coïncide avec celui de ce programme, elle permet d’envisager la coopération dans une optique à long terme et prévoit des possibilités de réévaluation de sa pertinence et de sa validité. Cet échéancier permet de réaliser les investissements à long terme indispensables pour garantir la prévisibilité et pour favoriser des changements systémiques, mais la stratégie prévoit également de la flexibilité permettant des ajustements en fonction de l’évolution des contextes. La Tchéquie s’est engagée à réévaluer au moins deux fois sa stratégie au cours de ces 12 années afin d’adapter les objectifs et les priorités thématiques et géographiques en conséquence. L'évaluation à mi-parcours programmée en 2024 offre une occasion de mener une réflexion sur les progrès accomplis et sur les pistes d’amélioration.
Comme le recommandait le précédent examen par les pairs de 2016 (OCDE, 2016[5]), la Tchéquie a cherché à renforcer les liens entre les cadres international et national pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. À titre d’exemple, le pays a défini les attributions de chaque ministère sectoriel dans ses cadres national et international pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, à savoir la stratégie « République tchèque 2030 » d’une part (Bureau du Gouvernement de la République tchèque, 2017[7]) et la stratégie de coopération au développement d'autre part (MFA, 2017[4]). Des instances interministérielles garantissent une participation active des principaux ministères : le Conseil gouvernemental pour le développement durable3 est chargé de coordonner l’action menée dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, tandis que le Conseil de coopération au développement coordonne la politique en matière de coopération au développement4. Le gouvernement tente aussi de mieux combiner la diplomatie dans le domaine du développement et la diplomatie climatique. Ainsi, lorsqu’elle a assuré la présidence du Conseil de l’UE, en 2022, la Tchéquie a activement favorisé la tenue de discussions sur la biodiversité en amont de l’adoption du Cadre mondial pour la biodiversité (CMB) de Kunming à Montréal. Ces discussions ont porté sur des thèmes en lien avec le climat et sur les solutions fondées sur la nature.
Toutefois, une approche unifiée en matière de cohérence des politiques en faveur du développement durable permettrait la création de synergies entre l’action nationale et l’action internationale et permettrait que l'ensemble du gouvernement tienne compte des considérations relatives au développement dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Comme elle le rappelle dans ses cadres stratégiques généraux, la Tchéquie est attachée à la cohérence des politiques, ce qui est une bonne pratique. Une des huit commissions constituées au sein du Conseil gouvernemental pour le développement durable a pour tâche la « coordination de la politique étrangère au service du développement durable ». Comme la plupart des autres membres du CAD, la Tchéquie éprouve cependant des difficultés à traduire cet engagement en actes. En analysant les conséquences des politiques nationales sur les pays en développement, comme prévu dans les cadres national et international pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Conseil pour le développement durable favoriserait la création de synergies plus fortes entre politiques nationales et politiques internationales. De fait, plusieurs outils d'évaluation de l’impact des politiques publiques sont déjà utilisés (dans les domaines de la réglementation, du développement durable, de l’environnement), mais aucun ne mesure les conséquences transfrontalières de ces politiques. Le ministère de l’Environnement met cependant actuellement au point une méthode pour combler cette lacune5. Comme souligné dans le rapport 2018 de l’OCDE sur la cohérence des politiques au service du développement durable (OCDE, 2018[8]), l’existence d’un système de suivi et de notification ciblé sur les priorités, les synergies et arbitrages est capitale pour améliorer la cohérence.
La coopération bilatérale de la Tchéquie engage l’ensemble des pouvoirs publics, mais l'affectation des ressources pourrait être plus en phase avec les objectifs stratégiques
La Tchéquie dispose des outils nécessaires pour définir et appliquer une stratégie de coopération engageant l’ensemble des pouvoirs publics. Le MAE pilote, coordonne et supervise l'acheminement de l’APD et de l'aide humanitaire fournies par le pays (voir Contexte). À cette fin, il adopte un plan de coopération pour le développement et fait appel au Conseil de coopération pour le développement. Ce plan prévoit les dépenses pour l’ensemble du gouvernement et définit un budget, à titre indicatif, pour les deux années suivantes6. Dans le même temps, le Conseil et les groupes de travail qui lui sont rattachés7 ont permis que l’ensemble des ministères s’approprient la stratégie de coopération au développement et se coordonnent au niveau des projets. Le Conseil examine et approuve les stratégies et les plans des différents ministères, contribuant à cette responsabilité partagée. Lorsque des activités reposent sur l’intervention de plusieurs ministères, il coordonne leur mise en œuvre. Les membres du conseil s’impliquent activement dans les groupes de travail techniques, en particulier ceux relatifs à la mise en œuvre et à l’approbation des projets individuels au stade de la conception. En revanche, les groupes de travail stratégiques se limitent à un échange d'informations. Il y a donc de la place pour réorienter les missions du Conseil vers des enjeux stratégiques, y compris pour accélérer la mise en œuvre (voir la section suivante et le Graphique 4).
La stratégie de coopération au développement et la planification budgétaire intègrent des éléments de flexibilité. Le budget alloué à chacun des six pays prioritaires dans le plan de coopération au développement est stable et protégé d'année en année, ce qui est un gage de prévisibilité à long terme pour ces partenaires. Le plan ne définissant pas de répartition sectorielle du budget alloué au sein des portefeuilles-pays, le MAE et la CzDA disposent d'une marge de manœuvre suffisante pour adapter les priorités sectorielles à mesure que le contexte évolue dans chaque pays. Les budgets correspondant aux programmes horizontaux, thématiques, régionaux et spécifiques sont distincts du budget principal du programme bilatéral et font l’objet d'une planification prévisionnelle indicative sur deux ans. Ce fonctionnement permet à la Tchéquie de s'adapter à des contextes fluctuants et sensibles en lançant de nouveaux programmes dans d'autres zones géographiques tout en préservant le financement alloué aux pays prioritaires.
La stratégie fournit des orientations pour l’élaboration du plan de coopération au développement. La désignation de pays et territoires partenaires prioritaires et spécifiques pour une partie du programme de coopération bilatérale a contribué à accroître légèrement la concentration géographique de ce programme. Par exemple, les bourses gérées par le ministère de l’Éducation sont désormais réservées aux étudiants originaires de pays prioritaires (Encadré 3), la part de l'aide humanitaire allouée aux partenaires prioritaires ou spécifiques a augmenté et certains programmes horizontaux de même que les financements préaffectés versés aux organismes multilatéraux, comme le Partenariat République tchèque-PNUD, ciblent ces partenaires.
Les apports d’APD reflètent partiellement l’orientation affichée par le MAE. En 2020-21, les partenaires prioritaires et les partenaires spécifiques ont reçu 63 % de l’APD bilatérale ventilable par pays hors aide humanitaire (58 % du total de l’APD bilatérale ventilable par pays) (voir Graphique 2), contre 46 % en 2019. Chaque pays prioritaire a représenté entre 4 et 11 % de l’APD bilatérale ventilable. Les activités de développement menées en dehors du plan de coopération au développement ne suivent qu’en partie les priorités géographiques et sectorielles définies par le gouvernement ; la plupart des programmes horizontaux, thématiques et régionaux ne sont pas tenus de les respecter (voir Contexte). Il en a résulté une fragmentation géographique des apports d’APD hors aide humanitaire à destination d’autres pays que les pays prioritaires ou spécifiques (les apports se sont établis à 300 000 USD en moyenne par pays). Ces allocations s'inscrivent toutefois en partie dans le cadre de la riposte de la Tchéquie au COVID-19, du programme de promotion de la transition et du programme en faveur du Moyen-Orient.
Bien que considérée comme une niche de l’aide bilatérale, la coopération technique ne représente qu’une faible part de l’APD. La Tchéquie voit la coopération technique en faveur de pays en transition, en particulier ceux en voie d’adhésion à l’UE, comme une niche à forte valeur ajoutée de l’aide bilatérale. Cette vision n'est que peu visible dans les décaissements, la coopération technique n'ayant représenté que 3 % de l’APD brute en 2021. Ce constat confirme que le pays a du mal à tirer parti de cet avantage comparatif fluctuant, ce qui a déjà été souligné lors de l’examen par les pairs de 2016 (OCDE, 2016[5]).
Une plus grande clarté quant à la manière dont les programmes horizontaux et régionaux, les programmes-pays et les programmes phares contribuent aux objectifs communs renforcerait la valeur ajoutée du programme bilatéral. Il est difficile de cerner l’orientation de la coopération bilatérale au vu des dotations budgétaires et de la diversité des programmes additionnels aux programmes pays prioritaires. Le volume de l’APD bilatérale étant limité, la Tchéquie aurait intérêt à continuer de mieux cibler son programme de manière à s’engager sur des priorités plus complexes et à plus long terme, et à définir des objectifs précis. Elle serait ainsi en meilleure position pour défendre le bien-fondé d’une hausse de l’investissement dans une situation où les ressources sont limitées (voir Améliorer la programmation bilatérale pour plus d’efficacité en termes de développement).
La situation budgétaire et politique constitue un contexte peu favorable à une augmentation du budget consacré à l’APD
Avant 2022, la Tchéquie n’était pas en bonne voie pour honorer son engagement national de consacrer 0.33 % du RNB à l’APD dans le cadre des engagements collectifs de l’UE visant à atteindre un ratio APD/RNB de 0,7 % d’ici 2030. Depuis le dernier examen par les pairs, l’APD du pays est en effet restée relativement stable, à 317 millions USD par an. Elle s’est donc située entre 0.13 % et 0.15 % du RNB au cours de la période 2016-2021 (voir Graphique 3), soit un chiffre inférieur à la moyenne des membres du CAD, qui a fluctué entre 0.3 % et 0.33 % au cours de la même période. En 2022, le volume d’APD a connu une hausse massive et a atteint 987.1 millions USD (données provisoires) (977.9 millions USD à prix constants de 2021) ou 0.36 % du RNB. Cette hausse de 167 % est principalement imputable au coût de l’accueil de réfugiés ukrainiens dans le pays, qui s’est, dans une large mesure, ajouté aux dépenses d’APD antérieures. Selon les données provisoires, le volume d’APD hors coûts liés à l’accueil des réfugiés a reflué de 6.1 % entre 2021 et 2022, le coût des réfugiés dans le pays ayant représenté 65.4 % de l’APD totale (OCDE, 2023[9]).
La conjoncture budgétaire et politique actuelle n’est pas favorable à une hausse du budget de l’APD qui serait supérieure à ce que nécessite la gestion des conséquences de la guerre d'agression menée par la Russie contre l’Ukraine. La recherche d’un soutien politique et public en faveur d'une hausse du budget de l’APD a dans une large mesure incombé au MAE dans ses discussions avec le ministère des Finances, avec peu de soutien de la part du Parlement ou d'autres départements. Ainsi, le Conseil de coopération au développement s’est penché sur la question du financement de l’APD, sans pour autant que cette réflexion se traduise par une hausse du budget – sauf en 2022, avec l'augmentation de l’aide aux réfugiés ukrainiens. La guerre de la Russie contre l’Ukraine ayant compromis la reprise consécutive à la pandémie et continué de freiner le processus de rattrapage impressionnant des revenus par rapport à la moyenne de l’OCDE (OCDE, 2023[1]), les pouvoirs publics donnent la priorité à l’assainissement budgétaire. La coopération au développement et l'aide humanitaire pourraient en pâtir, des coupes budgétaires étant à prévoir.
Il existe des opportunités pour construire un discours convaincant, fondé sur des valeurs, pour emporter l’adhésion du public
Actuellement inférieur à la moyenne européenne, le soutien du public en faveur d’une coopération au développement inscrite dans la durée peut être renforcé. Selon l’Eurobaromètre 2022 (Commission européenne, 2022[10]), les Tchèques font partie des personnes les moins susceptibles d’être d’accord avec l’idée que la lutte contre la pauvreté dans les pays partenaires devrait être l’une des principales priorités de leur pays (40 % contre 67 % en moyenne dans l’UE). La population était très favorable à l'accueil de réfugiés ukrainiens au printemps 2022, les trois quarts des Tchèques (75 %) étant d'accord avec l’idée qu’il fallait accueillir des réfugiés ukrainiens, alors qu’à cette époque, la Tchéquie était déjà le pays qui accueillait le plus grand nombre de réfugiés ukrainiens par habitant. Pendant les six premiers mois de la guerre, une vague de solidarité sans précédent a permis de recueillir plus de 180 millions USD de fonds privés pour aider l’Ukraine (České Noviny, 2022[11]). Une récente enquête révèle cependant que cette adhésion du public s’affaiblit. Ainsi, en mars 2023, la proportion de personnes favorables à l’accueil de réfugiés ukrainiens n’était plus que de 56 % (CVVM, 2023[12]).
Le soutien politique en faveur de la démocratie, des droits de la personne et de la société civile au-delà des pays prioritaire est fort. Dans sa déclaration de politique générale de 2022, le gouvernement tchèque souligne que « la promotion de la démocratie, des droits de la personne et de la société civile est moralement juste, mais sert aussi l’intérêt du pays » (GoCR, 2022[2]). Le soutien apporté par la classe politique au programme de promotion de la transition (Encadré 1) et la création prochaine d’une nouvelle sous-commission parlementaire sur la démocratie et les droits de la personne sont à l'évidence une traduction de cette vision. L’aide humanitaire, en particulier celle destinée à atténuer le risque de catastrophe, bénéficie du même soutien politique, comme on a pu le voir pendant la présidence tchèque de l’UE (voir Progrès accomplis au regard des recommandations du CAD). En revanche, le soutien politique est moins évident lorsqu’il est question d'aide au développement à plus long terme sous la forme d’une augmentation du budget consacré à l’aide bilatérale, et dans certains cas, il est lié à une attente de retour sur investissements sous la forme de contrats pour les entreprises tchèques (voir Faciliter la participation du secteur privé).
Encadré 1. Le programme de promotion de la transition permet à la Tchéquie de s'appuyer sur son expertise pour défendre les droits de la personne dans des environnements difficiles
De plus en plus de pays s’engagent sur la voie de l’autoritarisme et de l’affaiblissement de la protection des droits de la personne. Soutenir l'action de la société civile en faveur de la démocratie en aidant les défenseurs locaux des droits de la personne, les journalistes indépendants et les prisonniers politiques est capital mais difficile. L’expérience de la Tchéquie en matière de totalitarisme et de transition vers la démocratie lui permet de mieux comprendre les difficultés auxquelles d'autres pays sont en butte.
Institué en 2005, le programme de promotion de la transition vise à soutenir la démocratie et les droits de la personne en mettant en pratique l’expérience tchèque dans la transition sociale et la démocratisation. Il compte sur l’expertise des OSC tchèques pour (1) soutenir la société civile, dont les défenseurs des droits de la personne ; (2) promouvoir la liberté d’expression et la liberté de l’information, dont celle des médias ; (3) promouvoir une participation à la vie politique et publique à la fois totale et égalitaire ; (4) favoriser le renforcement des institutions dans le domaine de l’état de droit ; (5) promouvoir l’égalité et la non-discrimination ; (6) promouvoir le respect des droits de la personne dans les domaines de l’emploi et de l’environnement. Son budget annuel a augmenté progressivement pour atteindre 3 millions USD en 2022. Les pays partenaires sont l’Arménie, le Bélarus, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, le Kosovo, Cuba, la Moldova, le Myanmar, la Serbie, l’Ukraine et le Viet Nam.
La Tchéquie a formé des défenseurs des droits de la personne et a mené des actions de sensibilisation dans des contextes politiques difficiles. Ainsi, à Cuba, elle aidé des dissidents et militants à approfondir leur connaissances dans la compilation de témoignages personnels grâce à la méthode du récit historique. Plus de 200 témoignages ont ainsi été publiés. Au Myanmar, elle a aidé à former des juristes et parlementaires régionaux progressistes. En Géorgie, elle a utilisé des films documentaires pour former des centaines de jeunes issus des minorités locales pour les sensibiliser aux droits de la personne et les aider à comprendre les médias.
Au niveau international, la Tchéquie a mis à profit sa connaissance directe des violations des droits de la personne pour accompagner les prisonniers politiques. Des OSC tchèques et des groupes ukrainiens locaux ont coopéré pour divulguer le nom de militants et journalistes emprisonnés en Crimée occupée qui ont été rendus publics par le biais de déclarations de l’UE et par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. La publicité et la pression internationales aident les prisonniers à survivre dans les prisons russes. La Tchéquie a également accordé des visas dans le cadre d’une procédure d’urgence et des titres de séjour de longue durée à des personnes en difficulté.
Le programme a permis de tisser des relations durables avec des organisations locales dans les pays en développement, notamment des pays avec lesquels les relations diplomatiques sont tendues. Conformément à la Recommandation du CAD sur le renforcement de la société civile en matière de coopération pour le développement et d'aide humanitaire, plus précisément au premier pilier, intitulé « Respecter, protéger et promouvoir l’espace civique », il contribue à renforcer à la fois les OSC et l’espace civique. Sa mise en œuvre se heurte cependant à des difficultés parce que la réaffectation des financements, même faibles, passe par des procédures administratives lourdes.
Note : Cette pratique est décrite plus en détail sur la plateforme des Outils, enseignements et pratiques de la coopération pour le développement : https://www.oecd.org/cooperation-developpement-apprentissage/.
Source : Entretiens et MAE, (2015[13]), Human rights and transition promotion policy concept of the Czech Republic, https://www.mzv.cz/public/98/7c/e8/2239165_1648851_Human_rights_and_transition_promotion_policy_concept_of_the_Czech_Republic_.pdf.
L’éducation à la citoyenneté mondiale fait partie des priorités politiques et stratégiques du pays, ce qui contribuera peut-être, à terme, à une plus grande adhésion de la population, de même qu'à un renforcement de l’engagement civique et de la solidarité internationale. La Tchéquie a mis au point une stratégie concertée à l’échelle de l’administration publique en faveur d’une éducation à la citoyenneté mondiale, pour la période 2018-2030 (GoCR, 2017[14]). Pour ce faire, elle s’est appuyée sur les déclarations et documents européens pour plaider en faveur de l’éducation à la citoyenneté mondiale et pour actualiser le contenu des programmes scolaires. Parmi les thèmes prioritaires figurent la pensée critique, la connaissance des médias et la maîtrise du numérique, et la durabilité. Le budget consacré à la sensibilisation au développement a légèrement augmenté, passant de 0.74 million USD en 2019 à 1.89 million USD en 2021 (USD, aux prix constants). La mise en œuvre revêt une importance capitale et il faudra du temps pour que cette nouvelle stratégie donne des résultats mesurables.
La Tchéquie peut s'appuyer sur son travail actuel en matière de transparence pour bâtir une coalition plus forte de soutien à la coopération au développement en rendant public les résultats communs. La Tchéquie a fait appel à de bonnes pratiques pour associer les principales parties prenantes et diffuser des informations sur ses activités en matière de coopération au développement. Elle consulte lors de la définition de la stratégie de coopération et des stratégies de pays et publie les évaluations des projets et programmes. Le site Internet mapotic.com, qui présente une carte mondiale de l’APD, permet de diffuser des informations sur l’ensemble des projets qu’elle finance. La communication demeure cependant cloisonnée. La plupart des programmes disposent de leurs propres supports de communication et de leur propre identité visuelle et n’expliquent pas en quoi ils contribuent à des objectifs communs. À cela s'ajoute que la communication est principalement axée sur des activités et informations générales au niveau des projets. Il est de ce fait difficile d'avoir une idée des résultats de la coopération bilatérale de la Tchéquie et de sa contribution au développement à long terme. Des efforts supplémentaires pour faire connaître les résultats à long terme des principales actions prioritaires du pays pourraient favoriser une hausse de l’investissement dans le programme bilatéral à condition d'améliorer en parallèle le système institutionnel (section suivante).
Recommendations
La Tchéquie devrait continuer à cibler sa coopération au développement de telle manière que les allocations reflètent mieux ses priorités stratégiques et pour que le pays dispose d'une base solide pour sensibiliser le public et le Parlement à la valeur ajoutée de sa coopération au développement.
Forte d’avoir honoré son engagement de consacrer 0.33 % du RNB à l’APD en 2022, la Tchéquie devrait établir établir une feuille de route à long terme en vue de maintenir son rapport APD/RNB à un niveau au moins égal à l’objectif national.
Un système à la mesure de ses objectifs : un système institutionnel entravé par des rigidités et des capacités insuffisantes
Les réformes institutionnelles et les changements méthodologiques ont conduit la CzDA à se recentrer sur la mise en œuvre et permis une meilleure prise en compte du point de vue des pays dans le processus décisionnel
La dernière réforme institutionnelle a redéfini le rôle du MAE, de la CzDA et des ambassades dans les pays prioritaires et au sein du Conseil de coopération au développement. Révisée en 2021 en concertation avec les parties prenantes, la méthodologie de coopération au développement a clarifié le rôle de leurs homologues respectifs (MFA, 2021[15]). Cette révision s’est inspirée des conclusions et recommandations d’audits et d’évaluations du système tchèque de coopération au développement, y compris d’audits portant sur la CzDA (qui ont mis en évidence des limites en matière de contrôle interne et de gestion des fonds). La CzDA s’est donc recentrée sur la mise en œuvre et la gestion de projet pour mieux mener à bien des projets à grande échelle, pour intensifier l’engagement et le décaissement des fonds et pour mettre en œuvre les activités de coopération déléguées par l’UE ou menées avec d'autres partenaires bilatéraux ou multilatéraux. Le MAE reste l’organisme compétent en matière de décision stratégique et de gestion de certains programmes horizontaux. Il est désormais également consulté sur la faisabilité des programmes et le choix des instruments de financement au stade de la conception. Par ailleurs, la fonction consultative du Conseil de coopération au développement a été renforcée, de même que le rôle des ambassades (voir la section suivante).
Un renforcement des représentations locales pourrait être source d’efficacité et d’efficience
La réforme institutionnelle s’est également traduite par un renforcement de la représentation locale assurée par les ambassades, ce qui va dans le sens d'une coopération au développement réactive au contexte local et d'une participation active à la coordination des partenaires de développement. La représentation locale de la Tchéquie est principalement assurée par des diplomates spécialisés dans le développement en poste dans les six pays prioritaires et dans la majorité des pays où la Tchéquie participe à des activités visant l’action humanitaire, le développement et la recherche de la paix8. Les ambassades recrutent aussi localement des coordinateurs de projets chargés d’apporter leur concours à ces diplomates dans la gestion de projet et la connaissance des institutions locales. Depuis la révision de la méthodologie, en 2021 (MFA, 2021[15]), les ambassades ont davantage de responsabilités dans la sélection des pays prioritaires, le choix et le suivi des projets et le repérage de possibilités de coopération déléguée par l’UE. La prise en compte du point de vue local dans la prise de décision s’en est trouvée renforcée. Uniques représentantes de la Tchéquie dans les pays, les ambassades se mobilisent pour assurer une coordination avec d'autres partenaires de développement (voir Améliorer la programmation bilatérale pour plus d’efficacité en termes de développement). En Géorgie par exemple, cette approche a permis de repérer des secteurs de niche tout en répondant aux besoins des partenaires locaux.
Le renforcement du rôle des représentations locales, que ce soit par le biais des ambassades ou de la CzDA, conduirait à plus d’efficacité et d’efficience. Bien que les ambassades aient vu leur rôle s'accroître et leurs effectifs à l'étranger augmenter, le pourcentage de membres du personnel affectés aux services centraux reste élevé (80 %), le pays se classant de ce point de vue dans le peloton de tête des membres du CAD ayant un portefeuille bilatéral de taille comparable9. La CzDA ne peut toujours pas être représentée officiellement dans les pays et territoires partenaires et y créer des bureaux locaux, ce qui signifie qu’il lui est impossible d’ouvrir un compte bancaire, de recruter du personnel local ou de détacher des membres de son personnel tchèque. Elle a certes trouvé une solution de contournement temporaire pour le personnel chargé de la coopération déléguée par l’UE, mais cette solution a parfois été source de confusion pour d'autres partenaires de développement s'agissant de la représentation et de la division du travail (voir la section suivante). De surcroît, la plupart des diplomates spécialisés dans le développement ont également des missions économiques et consulaires10, ce qui réduit leur capacité à s’impliquer dans l’action pour le développement. Ils partagent leur temps entre leurs obligations en matière de collaboration et de coordination avec les autorités publiques et les partenaires, la gestion directe du financement de petits projets locaux accordé aux OSC locales11, le soutien aux partenaires de mise en œuvre et le suivi des projets de la CzDA. De plus, les ambassades situées dans les pays et territoires prioritaires ou spécifiques n’ont pas toujours une vision d’ensemble de toutes les activités menées, au‑delà de celles gérées par la CzDA. Enfin, les ambassades n’ont pas de délégation d’autorité, Prague prenant toutes les décisions et contrôlant toutes les fonctions. Cette organisation accroît la charge administrative pesant sur des ressources déjà très sollicitées. La Tchéquie projette de s'investir dans des contextes plus difficiles, y compris dans des projets de plus grande envergure sur le continent africain, où son réseau de partenaires de mise en œuvre est moins vaste. Une présence locale plus marquée lui permettrait de repérer des partenaires solides et d'ajuster ses programmes en fonction de l’évolution du contexte.
Des procédures administratives longues, des capacités limitées et l’accent qui est mis sur les partenaires tchèques ont des répercussions sur l’efficience, les partenariats et l’impact en termes de développement
Des procédures administratives longues et des mécanismes de contrôle centralisés nuisent à l’efficience et à l’efficacité. L’essentiel du programme bilatéral consiste en une multitude de petits projets. Dans leur ensemble, les administrations publiques tchèques participent à 346 nouveaux projets chaque année à raison de 104 000 USD par projet en moyenne (d'après les données enregistrées dans le Système de notification des pays créanciers de l’OCDE). À elle seule, la CzDA prend en charge 56 nouveaux projets représentant en moyenne un budget de 99 000 USD12. Quelles que soient la taille du projet ou les capacités professionnelles du partenaire de mise en œuvre, chaque projet est soumis à un cycle de financement annuel et à des règles d'audit exhaustives, et relève d’un processus décisionnel centralisé. Bien que les projets triennaux deviennent plus courants, la plupart des projets reposent encore sur un contrat annuel, ce qui alourdit le fardeau administratif, retarde le démarrage et raccourcit la période dont disposent les partenaires d’exécution pour la mise en œuvre (voir Graphique 4). Les partenaires peuvent continuer la mise en œuvre des projets entre la date de clôture des activités (en octobre, lors de la notification aux ambassades) et l'approbation de la tranche de financement suivante. D’octobre à avril/mai, ils doivent cependant mobiliser leur propre trésorerie, ce qui se révèle difficile pour les partenaires qui disposent de capacités financières limitées comme pour ceux qui mènent des projets exigeant de grosses dépenses d'investissement. Cette situation nuit à la prévisibilité tant pour les gouvernements partenaires que pour les partenaires d’exécution, et il devient plus difficile d'investir dans un processus de changement à long terme. La désignation d'un groupe de travail ministériel chargé de faciliter le financement pluriannuel des projets en dehors du territoire national constitue un pas dans la bonne direction.
Certaines réglementations font obstacle à une coopération plus directe avec les partenaires locaux, nuisant ainsi à l’efficacité et aux partenariats. Le partenariat est une valeur centrale de la coopération au développement de la Tchéquie. Tous les projets doivent être mis en œuvre en coopération avec un partenaire enregistré dans le pays ou territoire prioritaire ou spécifique concerné. Toutefois, l’essentiel du financement (en volume) – depuis les dons aux OSC jusqu'aux instruments du secteur privé – est lié à des partenaires tchèques. En dehors des projets relevant du dispositif de petits projets locaux, des projets humanitaires localisés et de la coopération déléguée par l’UE, la CzDA et le ministère ne peuvent pas coopérer directement avec un partenaire local (voir Faciliter la participation du secteur privé pour plus d'informations sur les appels d’offres et les instruments permettant la participation du secteur privé). De surcroît, la réglementation des dons complique les partenariats entre les organisations non gouvernementales tchèques et locales : les ONG tchèques ne peuvent pas verser plus de 80 000 EUR (= 84 210 USD) par an à leurs partenaires de mise en œuvre locaux. Collaborer avec des partenaires tchèques peut apporter une valeur ajoutée en ce qu’elle permet de mobiliser l’expertise tchèque et de sensibiliser davantage l’opinion publique en faveur de la coopération au développement. Cette approche peut cependant également entraîner une perte d’efficience et freiner la recherche du bon partenaire de mise œuvre. En pratique, elle limite aussi la redevabilité entre la CzDA et le bénéficiaire final, en raison de l’absence de liens contractuels entre ces deux parties, ces liens n’existant que via des intermédiaires. Enfin, dans certains cas, les raisons qui ont motivé le choix des partenaires de mise en œuvre ont suscité des malentendus avec les partenaires européens dans le contexte de la programmation conjointe. La Tchéquie pourrait tirer des enseignements de son expérience en matière d'instruments non liés pour arriver à une collaboration plus directe avec les acteurs locaux afin de gagner en efficience et en durabilité13.
Le manque de capacités entraîne un allongement des délais de mise en œuvre et fait obstacle à une coopération stratégique. Le MAE et la CzDA manquent l'un comme l'autre de moyens administratifs, managériaux et financiers, et de solutions numériques, ce qui entraîne des retards administratifs. Avec un plafond de recrutement bas14 et une dotation au titre des coûts administratifs relativement faible15, la CzDA dispose d'une marge de manœuvre limitée dans la gestion de ses ressources humaines. Même s’ils sont engagés et dynamiques, les 15 agents du MAE et les 21 agents de la CzDA affectés aux services centraux peuvent difficilement s’investir dans des activités d'accompagnement et élaborer ou trouver des outils techniques pertinents. Quant au personnel des ambassades, il est déjà très sollicité par ses activités de coordination et de suivi (voir Améliorer la programmation bilatérale pour plus d’efficacité en termes de développement). La Tchéquie s’est néanmoins efforcée d’accroître ses capacités. Ainsi, le programme des Volontaires des Nations Unies (VNU) permet aux recrues potentielles d'acquérir des compétences. De même, le MAE s’est efforcé de former son personnel à la coopération au développement, notamment en intégrant ce sujet au programme du centre de formation des diplomates. Toutefois, les supports de formation, y compris ceux proposés par le centre de formation des diplomates, ne sont pas tous mis à la disposition du personnel de la CzDA ni des coordinateurs de projets locaux. De plus, ils s'adressent davantage à un personnel généraliste qu’à un personnel technique. Comme souligné dans l’examen par les pairs de 2016, une offre plus riche de formations adaptées et la création de réseaux de diplomates spécialisés dans le développement pourraient accroître encore les capacités, les tâches demandées aux ambassades étant souvent techniques.
Les avantages qu’offre le système institutionnel ne sont pas pleinement exploités
La dernière réforme institutionnelle en date avait pour but d'accroître les moyens dont dispose la CzDA dans différents domaines – affaires juridiques, achats, gestion du risque, problématiques transversales et contrôle qualité –, mais les ressources de l’agence et le cadre réglementaire nuisent à l’efficacité. Un taux de rotation élevé au niveau de la direction a freiné les réformes internes. Un personnel surchargé et des perspectives de mobilité géographique ou d'évolution de carrière quasi nulles ont une incidence sur l’apprentissage institutionnel et l’efficacité de la mise en œuvre. Par exemple, si la CzDA peut faire appel à des compétences extérieures pour bénéficier d’un soutien stratégique et thématique, son personnel des services centraux reste principalement affecté à des tâches administratives, si bien qu’il a très peu de possibilités d'acquérir des connaissances, de participer à des réseaux d’experts et d'apprendre de ses pairs. Le MAE cherche cependant à revaloriser les rémunérations au sein de l’agence pour attirer du personnel et le fidéliser. Par ailleurs, ne pouvant être présente dans les pays prioritaires, la CzDA s’en remet aussi dans une certaine mesure aux diplomates spécialisés dans le développement pour ce qui est du suivi. Tous les projets faisant l’objet d'un suivi au moins deux fois par an, la CzDA et les ambassades présentes dans les pays prioritaires établissent ensemble les plans de suivi annuels. Ceux-ci répartissent les compétences, afin qu’une partie du suivi soit prise en charge par les services centraux de la CzDA (en général durant un déplacement professionnel) et l'autre par les diplomates et les coordinateurs locaux. Cette organisation empiète sur le temps dont disposent les diplomates pour participer au dialogue sur les politiques et questionne le bien-fondé d’une agence autonome.
Dans ce cadre institutionnel et compte tenu de ses ressources limitées, la Tchéquie n’exploite pas au mieux son recours à une agence. D'après une analyse transversale interne des membres du CAD, les modèles institutionnels qui établissent une séparation entre stratégie et mise en œuvre fonctionnent convenablement si trois conditions sont réunies. Premièrement, il faut que les mandats et la répartition du travail soient clairs. Deuxièmement, le personnel doit disposer des compétences requises. Enfin, les modèles de financement doivent être suffisamment souples pour qu’il soit possible de financer les nouvelles priorités. Les modèles où différentes institutions gèrent les orientations stratégiques et leur mise en œuvre peuvent, en théorie, contribuer à renforcer les compétences techniques. Ils peuvent cependant aussi entraver les perspectives de carrière du personnel de l'agence et limiter l’expertise du personnel du ministère des Affaires étrangères chargé de l’élaboration des politiques, en particulier lorsque les ressources humaines sont limitées. Les organismes qui mettent en œuvre des programmes au nom d'autres partenaires de développement peuvent également se voir mobilisés par d'autres domaines de l’action publique. Dans le cas de la Tchéquie, la répartition du travail entre la CzDA et les services centraux du MAE est claire. Les risques de chevauchement entre la définition des orientations et leur mise en œuvre sont limités, et l’aide bilatérale et la coopération déléguée sont clairement alignées. Toutefois, la structure de la CzDA ne lui permet pas de renforcer ses compétences en matière de développement ni de favoriser une délégation de l’autorité, deux conditions indispensables à une gestion adaptative.
Il est possible de tirer davantage d’enseignements de la coopération déléguée par l’UE pour renforcer le système
La Tchéquie s'implique de manière responsable dans la coopération déléguée par l’UE et tire des enseignements de son expérience. La coopération déléguée par l’UE ne représente que 4 % des fonds gérés par la CzDA (salaires compris) (MFA, 2021[16]). L’implication du pays ne se fait qu’après examen de la capacité de la CzDA à mener à bien les projets. Il le fait dans des pays où il occupe déjà un créneau précis, et le plus souvent en tant que partenaire junior. La CzDA administre en qualité de partenaire junior cinq projets dans ses trois pays prioritaires à revenu intermédiaire (deux projets en Bosnie-Herzégovine, deux en Géorgie et un en Moldova). Elle projette de s’engager également en Zambie, où elle serait pour la première fois partenaire senior. Par ailleurs, la Tchéquie a investi du temps pour tirer des enseignements de son premier projet délégué par l’UE, lancé en Moldova en 2018. À la suite d'une évaluation interne de ce projet, elle a identifié les principales faiblesses, s’est appliqué à améliorer la mise en œuvre, notamment en favorisant une meilleure communication entre les partenaires lors de la phase de démarrage et en renforçant la représentation et les capacités locales. La CzDA a élaboré des lignes directrices pour aider le personnel à mettre en œuvre la coopération déléguée. La Tchéquie a par ailleurs trouvé des solutions pour détacher, dans les pays partenaires, le personnel financé par la coopération déléguée par l’UE malgré l'impossibilité, pour la CzDA, de créer officiellement des bureaux en dehors du territoire national16.
Des investissements supplémentaires dans l'apprentissage institutionnel aideraient la Tchéquie à atteindre ses objectifs de renforcement institutionnel et passer d’un apprentissage individuel à l'amélioration du système. Selon la stratégie de coopération au développement, la participation du pays à la mise en œuvre de la coopération déléguée par l’UE devrait contribuer à diffuser et multiplier les programmes gérés par l’Agence, et à faire de la CzDA un partenaire fiable de l’UE (MFA, 2017[4]). L’alignement clair entre la coopération déléguée par l’UE et les stratégies pays va dans le sens de l’objectif de porter les programmes bilatéraux à échelle (voir Améliorer la programmation bilatérale pour plus d’efficacité en termes de développement). En revanche, on voit moins comment l’effort investi dans la coopération déléguée renforce la CzDA en dehors du fait qu’elle permet un apprentissage individuel. Ainsi, en Géorgie, le personnel gagne en compétences au contact de partenaires senior, notamment ses compétences techniques dans des domaines tels que l’intégration de la dimension du genre ou le suivi des résultats. En revanche, le personnel recruté pour mener à bien la coopération déléguée et détaché dans les pays partenaires ne gère que des projets délégués, conformément aux dispositions contractuelles. Parallèlement, la surveillance et le suivi du programme bilatéral, dont les projets de la CzDA, relèvent de l’ambassade. Comme l’illustre l’exemple de la Géorgie, cette organisation ne facilite pas l'apprentissage mutuel entre le personnel de la CzDA et celui de l’ambassade. À cela s'ajoute que le personnel chargé des projets délégués par l’UE est recruté dans le cadre de contrats de courte durée et n’a aucune chance de rester à la CzDA au-delà d'un premier renouvellement, puisque le nombre d’agents ne peut pas être supérieur à 21. Du fait de cette contrainte et du peu de mécanismes permettant l'apprentissage mutuel et l’échange d’expériences à Prague comme dans les pays partenaires, le système, dans sa configuration actuelle, ne permet pas à la CzDA de tirer parti du renforcement de son expertise pour consolider ses capacités essentielles pleinement et de manière systématique.
La Tchéquie projetant de s’impliquer davantage dans la mise en œuvre de la coopération déléguée par l’UE, elle devra renforcer les fonctions centrales de la CzDA tout en veillant à ce que les investissements ne se fassent pas au détriment des moyens alloués au programme bilatéral. La Tchéquie a également l’intention de s’engager dans des projets délégués par l’UE en qualité de partenaire senior en Zambie, où elle a, ces dernières années, acquis une expérience pertinente et développé un réseau de partenaires locaux. Pour ce faire, il faudrait que le pays ait une présence locale plus forte, de manière à pouvoir gérer les risques associés à la mise en œuvre de projets relevant de la réglementation de l’UE lorsque le personnel de l’agence affecté dans le pays n'a ni pouvoir décisionnel ni statut officiel. Confier la mise en œuvre des projets à des représentants locaux suppose de financer, le détachement de personnel, mais également d’investir dans le renforcement des services centraux. Ces investissements doivent cependant aussi consolider les capacités de base de telle manière que la coopération déléguée ne porte pas préjudice à la coopération bilatérale.
Recommendations
La Tchéquie devrait réexaminer son système institutionnel et le fonctionnement d’une agence en son sein en :
remédiant aux handicaps de la CzDA en matière d’effectifs et de présence locale et à leurs conséquences sur le dispositif institutionnel ;
déléguant plus de pouvoirs aux représentations locales de la Tchéquie ;
créant des mécanismes garantissant que les investissements dans la coopération déléguée par l’UE renforcent la coopération bilatérale tchèque.
La Tchéquie devrait continuer de renforcer les capacités du personnel du MAE et de la CzDA, notamment en investissant dans des programmes de formation accessibles à l’ensemble du personnel et en trouvant un meilleur équilibre entre compétences administratives et compétences spécialisées, au besoin en faisant appel à des prestataires externes.
Pour sélectionner les partenaires les plus à même d'atteindre les objectifs en matière de développement, la Tchéquie devrait continuer à progresser dans le déliement de ses instruments de coopération pour le développement et éliminer les obstacles à l’établissement de partenariats avec des entités non tchèques, particulièrement les entités locales.
Le pays devrait trouver des moyens de fournir un financement pluriannuel en s'appuyant sur le groupe de travail dédié à ce sujet et sur l’expérience acquise dans le domaine de l’aide humanitaire. Il devrait aussi s’efforcer de simplifier les procédures que doivent respecter les projets pluriannuels.
Améliorer la programmation bilatérale pour plus d’efficacité en termes de développement
Une bonne coordination avec d'autres partenaires de développement, en particulier avec l’UE, facilite le déploiement des programmes à grande échelle
La Tchéquie apporte un soutien efficace aux organismes multilatéraux, mais ses partenaires multilatéraux sont nombreux, ce qui est contraire à l’intention affichée dans sa stratégie. L’essentiel du soutien aux organismes multilatéraux revêt la forme de contributions au budget central (92 %, soit 278 millions USD, en 2021), qui correspondent dans leur quasi-totalité à des contributions obligatoires. Dans le cadre de sa coopération multilatérale, la Tchéquie utilise en général les systèmes de reporting des partenaires. Le ministère dialogue désormais systématiquement avec les représentations permanentes à Genève et Bruxelles pour concevoir les programmes préaffectés et y participer afin de garantir la bonne articulation entre sa participation à la coopération déléguée par l’UE et ses autres activités multilatérales, ce qui constitue une bonne pratique. Comme le veut sa stratégie, le pays a veillé à l'alignement entre le versement de fonds préaffectés aux organismes multilatéraux et ses priorités sectorielles et géographiques. Ainsi, le partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et les contributions préaffectées versées au programme Volontaires des Nations Unies et à l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) concernent principalement les pays prioritaires et visent la complémentarité avec les programmes tchèques. Dans sa stratégie de coopération au développement, la Tchéquie affirme sa volonté de se concentrer en priorité sur un petit nombre de partenaires afin d'apporter une valeur ajoutée visible et d’exercer une influence réelle (MFA, 2017[4]). Le nombre de partenaires multilatéraux reste toutefois élevé. En 2021, le pays versait des contributions préaffectées à 22 partenaires multilatéraux (OCDE, 2023[6]). Il est donc permis de s’interroger sur sa capacité à donner une dimension stratégique à sa participation à ces partenariats.
La Tchéquie coordonne de plus en plus ses activités de coopération au développement avec l’Union européenne et ses États membres, conformément à ses priorités géographiques et thématiques. Dans sa stratégie, la Tchéquie s’engage à « promouvoir ses priorités nationales et son expertise, en particulier au sein de l’UE » (MFA, 2017[4]). Signe de l’importance croissante accordée à l’UE, lors d’une récente restructuration, le MAE a créé une division chargée des questions européennes. La plupart des projets trilatéraux17 soutenus par la Tchéquie sont menés avec l’UE. Le pays met l’expertise de ses ONG au service de projets de développement européens (MFA, 2019[17]). Les cinq projets de coopération déléguée auxquels participe la Tchéquie visent des pays prioritaires et certains secteurs identifiés dans le programme bilatéral, ce qui permet d'apporter un financement supplémentaire non négligeable en complément des activités bilatérales18.
La Tchéquie se coordonne de plus en plus avec d'autres partenaires européens sur des thèmes spécifiques, mais une certaine dispersion géographique subsiste. La Tchéquie participe à 15 initiatives de l’Équipe Europe (IEE), participation qui a un poids conséquent dans le volume de l'APD bilatérale. Dans le cadre de ces IEE, elle privilégie ses domaines d’expertise, comme l’agriculture, l’environnement, les ressources naturelles et la santé. Dans certains cas, elle influe sur les IEE de manière à y intégrer les secteurs prioritaires en question. Toutefois, si l’orientation sectorielle est claire, il en va différemment sur le plan géographique. En matière d’IEE, la Tchéquie ne se cantonne pas à ses pays prioritaires (p. ex. : les IEE concernant la Tunisie, le Sahel, la Mongolie, l’Arménie et le Ghana). Cette approche pourrait constituer un bon moyen d'acquérir des connaissances sur d'éventuels pays prioritaires mais pourrait aussi se solder par une trop grande dispersion des ressources (voir Un système à la mesure de ses objectifs : une stratégie à long terme qui se heurte à des contraintes en matière de ressources).
En Géorgie, la Tchéquie a investi des secteurs de niche, contribuant à une répartition des rôles efficiente entre les différents partenaires de développement. Elle est présente dans trois secteurs : les paysages protégés (en s’appuyant sur son expérience acquise sur des forêts similaires sur son territoire) ; la bonne gouvernance (en s'appuyant sur son expérience de transposition de directives européennes en droit interne) ; et le secteur de santé primaire (en tirant parti de l’expérience des OSC tchèques). Dans deux de ces secteurs, les projets tchèques se déploient grâce à l’implication d'autres partenaires de développement. Pour ce qui est de la protection des paysages, la Tchéquie coopère avec l’Autriche et la République slovaque. Parallèlement, elle travaille avec Expertise France dans le secteur de la santé et de la protection sociale. Elle est très active dans la coordination en assurant la coprésidence d’un des groupes de travail en Géorgie. L'ambassade a en outre participé à une analyse conjointe avec l’UE, jetant ainsi les bases de l’émergence d'une vision européenne commune des priorités de développement.
En s'appuyant sur les efforts déjà réalisés en vue de réduire la fragmentation et de créer des synergies, le pays pourrait accroître l’impact et la durabilité de la coopération
La Tchéquie a mis au point des approches ou solutions intégrées pour réduire la fragmentation de ses activités de coopération au développement et pour en accroître l'impact et la durabilité. Cette plus grande intégration doit aboutir à une approche plurisectorielle mobilisant plusieurs instruments en reliant les projets entre eux dès le stade de la planification. Cette approche a été incluse dans la méthodologie pour la coopération internationale au développement, dans le cadre de sa révision générale et de sa mise à jour en 2021 (MFA, 2021[15]), afin de faciliter l'intégration à tous les stades du cycle de programmation.
L'approche intégrée, testée sur plusieurs modèles, a contribué à réduire la fragmentation du portefeuille bilatéral. Premièrement, la Tchéquie s’est employée à mieux articuler la coopération au développement et ses interventions humanitaires dans le cadre du Département de la coopération au développement et de l'aide humanitaire dans les pays prioritaires. C’est particulièrement notable dans les domaines de la réduction des risques de catastrophes naturelles, où elle a agi en faveur de la création de mécanismes d'alerte précoce, de la formation à la gestion de crise et du renforcement de la résilience. Deuxièmement, dans le cadre d'un fonds d’affectation spéciale du PNUD, elle combine deux instruments (le dispositif d’experts à la demande et un fonds compétitif) pour offrir des solutions techniques innovantes à ses pays et territoires partenaires. En transformant le programme d’envoi d’enseignants en un programme de renforcement des capacités des universités et en améliorant sa cohérence avec le programme public de bourses, le MAE crée des synergies entre deux instruments tout en augmentant sa concentration géographique (voir Encadré 3). Troisièmement, dans le cadre des programmes de pays, la Tchéquie gère des « projets intégrés » qui visent à répondre à des enjeux de développement en apportant des solutions à la fois au niveau stratégique et au niveau pratique, dans tous les secteurs. Le projet portant sur le développement durable des paysages protégés de la région de l’Aragvi et sur le soutien aux populations locales, en Géorgie, en est une illustration (Encadré 3). Cette approche intégrée est possible au niveau d'un pays ou territoire parce que trois facteurs sont réunis. Premièrement, les dotations budgétaires définies par pays sont suffisamment souples pour permettre une planification impliquant plusieurs secteurs et thèmes. Deuxièmement, le MAE et la CzDA peuvent mobiliser divers instruments19. Enfin, le rôle de la représentation tchèque dans les pays s’est élargi aux stades du démarrage et du suivi, si bien qu'il est possible de combiner les programmes entre eux.
L'approche « intégrée » exigera d’investir dans la planification stratégique au niveau des pays. Les programmes-pays restent fragmentés en une multitude de projets. Dans ses pays partenaires prioritaires, la Tchéquie met en œuvre 27 projets par an en moyenne (hors programme de bourses et contributions au budget ordinaire) dans trois secteurs au maximum. L’essentiel de la mise en œuvre s’effectue dans le cadre d'appels d’offres et d'appels à projet. Au sein de chaque secteur, la cohérence entre les projets pourrait être meilleure. Ainsi, en 2023, une évaluation des projets menés au Cambodge dans le secteur de la santé (MFA, 2023[18]) a révélé que les projets, pourtant complémentaires, étaient mis en œuvre de façon parallèle sans que des synergies soient créées. En Géorgie, les projets « intégrés » ont représentés 35 % du volume des engagements dans le cadre de la stratégie-pays : 30 % ont été conçus à l’origine comme des projets intégrés et 5 % ont été ajoutés au cours de la mise en œuvre. En d’autres termes, les deux tiers restants sont fragmentés. L’exemple géorgien a aussi montré combien il est important de consacrer plus de temps et de mobiliser plus d’expertise pour concevoir des solutions globales au sein des programmes-pays et des projets ultérieurs, plutôt que de créer des synergies au cas par cas (Encadré 2).
Un examen de tous les instruments et programmes mobilisés dans chaque pays partenaire permettrait d’exploiter pleinement l'approche intégrée. Les stratégies-pays continuent en effet de refléter principalement les activités menées par la CzDA, sans tenir nécessairement compte de celles mises en œuvre par les ministères sectoriels, ce qui limite les possibilités d’intégration. Or, il est à l’évidence possible de créer des synergies, notamment entre les projets de la CzDA et le programme de promotion de la transition dans les pays où ces deux types d’activités coexistent, en particulier dans le cas où l’Agence entend renforcer sa coopération avec la société civile20.
Encadré 2. Intégrer les projets pour renforcer l’impact : le projet pour le développement durable des paysages protégés de la région de l’Aragvi
Malgré la richesse de ses ressources naturelles et son potentiel de développement touristique, la région de l’Aragvi est confrontée à un exode de sa population, dû à l'insuffisance des infrastructures, notamment du réseau électrique et des services publics, ainsi qu’au manque de débouchés économiques viables. De plus, certaines régions reculées ne sont habitées que quatre à six mois par an.
Lancé en 2018, le projet pour le développement durable des paysages protégés de la région de l’Aragvi a pour but d'apporter une solution plurisectorielle et à plusieurs niveaux afin d'améliorer le bien-être socio-économique de la population locale tout en protégeant le patrimoine naturel et culturel de la région. Initialement mené par la Tchéquie, il s’appuie maintenant sur plusieurs stratégies et instruments de financement tchèques et slovaques (le renforcement des capacités et la sensibilisation, les dons, l’autonomisation de la population locale en matière de prise de décision et l’assistance technique), et il bénéficie d’un cofinancement de l’Autriche, soit un budget total de 3 millions USD environ.
Durant sa mise en œuvre, le projet a contribué :
à améliorer la coordination externe en mobilisant un financement supplémentaire et en impliquant plusieurs partenaires de développement, en l’occurrence l’Autriche et la République slovaque (coopération Slavkov) ;
à améliorer la coordination interne en mobilisant de multiples instruments tchèques pour atteindre un objectif commun, renforçant ainsi la cohérence du portefeuille bilatéral de la Tchéquie en Géorgie et en comblant des lacunes non repérées au stade de la conception.
Cette approche intégrée a rappelé à quel point il est important d'investir du temps et des compétences dans les phases préparatoires sur la base d'une analyse approfondie et d'une solide structure de gestion du programme.
Note : Cette pratique est décrite plus en détail sur la plateforme des Outils, enseignements et pratiques de la coopération pour le développement : https://www.oecd.org/cooperation-developpement-apprentissage/.
Source : Rapports d'audit interne et entretiens.
Un net recentrage sur la pauvreté qui prendrait systématiquement en compte les questions transversales et exploiterait davantage les enseignements tirés des résultats conduirait à une plus grande efficacité.
Un dialogue dynamique et ouvert avec les partenaires publics nationaux et infranationaux permet de faire remonter les besoins du terrain et de garantir un alignement sur les priorités du pays. Les programmes bilatéraux reposent sur des stratégies-pays et sont soumis à l'approbation du pays partenaire. La nouvelle version de la méthodologie de coopération au développement prévoit que pour chaque proposition de nouveau projet, les partenaires locaux remplissent une « fiche d’identification » indiquant la raison d’être de leur proposition, de même que les produits et réalisations attendus. Cette démarche ascendante garantit une cohérence entre les projets et les besoins du partenaire, et constitue donc un premier pas vers un renforcement de l’impact sur le développement.
Toutefois, le principe consistant à ne laisser personne de côté n’apparaît pas systématiquement dans les projets, quand bien même la stratégie vise à faire reculer la pauvreté et les inégalités. À titre d’exemple, dans le cadre du projet sur les paysages protégés en Géorgie, des objectifs d'inclusion ont été définis : au moins 40 % des bénéficiaires doivent être des femmes et 40 % des hommes, au moins 20 % doivent être des jeunes de moins de 30 ans et au moins 2 % des personnes en situation de handicap. Par ailleurs, le projet doit assurer une représentation équilibrée des trois communautés culturelles présentes dans la région. De même, le projet intitulé Développement de services sociaux alternatifs pour les adultes, en Géorgie, vise les adultes souffrant de handicaps physiques ou mentaux. En revanche, d'autres projets, en particulier ceux qui concernent les infrastructures, ne poursuivent pas d’objectifs en lien avec ce principe, alors même qu’il est au centre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et fait partie intégrante des activités de coopération au développement. La CzDA a entrepris d'élaborer de nouveaux critères sociaux et environnementaux qui couvrent des groupes particulièrement vulnérables tels que les peuples autochtones, les populations déplacées au sein même de leur pays, les minorités ethniques, les jeunes, les enfants et les personnes handicapées. Il s'agit là d'un premier pas pour garantir que tous les projets, y compris ceux qui ont pour objectif principal d'accompagner la transition des économies, visent à faire reculer la pauvreté et l’exclusion.
La Tchéquie a accompli des progrès pour ce qui est des priorités transversales. La stratégie de coopération au développement et les programmes bilatéraux définissent les priorités transversales suivantes : bonne gouvernance, droits de la personne, égalité des genres et protection de l’environnement et du climat. La Tchéquie a progressé sur ces différents terrains : ses résultats concernant les marqueurs de l’égalité des genres et de l’environnement se sont améliorés, même s’ils restent légèrement inférieurs à la moyenne des membres du CAD21. La prise en compte des priorités transversales constitue une obligation administrative : les partenaires de mise en œuvre doivent remplir un formulaire qui contient des rubriques sur ces priorités, l’objectif étant de garantir que le projet n'a pas de conséquences négatives ou qu’il a des implications positives dans ces domaines.
La mise en œuvre est cependant très variable d'un partenaire d’exécution et d’un pays à l'autre. L’ONG tchèque People in Need22, par exemple, dispose de compétences en ce qui concerne la mise en œuvre de projets qui tiennent compte de la dimension du genre et d'approches transformatrices en la matière. Elle a également l’habitude de créer des « groupes d’action locaux » qui promeuvent la bonne gouvernance et la participation de parties prenantes locales aux processus décisionnels. En revanche, d'autres partenaires de mise en œuvre, notamment dans le secteur privé, ont une moins bonne connaissance de ces sujets ou s'y intéressent moins. Or, la CzDA et le MAE disposent de moyens limités pour réellement évaluer les performances des partenaires de mise en œuvre concernant ces enjeux importants, pour en assurer le suivi et en tirer des leçons, ce qui peut s’avérer problématique pour la coopération tchèque au développement. Au niveau des pays, il arrive que le personnel effectue une évaluation sous l’angle de l’égalité des genres afin d’élaborer le projet en connaissance de cause, s'inspirant ainsi d'autres partenaires, par exemple l’Agence suédoise de coopération internationale au développement. Cette pratique n’est cependant pas encouragée dans tous les pays.
Le MAE élabore actuellement des principes et des listes de critères à usage interne concernant ses priorités transversales. La Tchéquie a mis au point une méthodologie complète pour évaluer les thèmes transversaux dans ses activités de coopération au développement. Cette méthodologie a cependant été conçue à des fins d'évaluation (et non pour servir à la conception ou au suivi du projet) et n'a en pratique jamais été utilisée en raison de sa complexité. Le MAE définit donc actuellement des principes à ce sujet en s'appuyant sur ses engagements internationaux. Il établit également des listes de critères à usage interne qui permettront de vérifier que les priorités transversales sont bien prises en compte à toutes les étapes – depuis la programmation jusqu’à l'évaluation. Par ailleurs, la CzDA établit des critères détaillés pour chaque priorité transversale.
Il faudrait continuer de renforcer les capacités au sein des services centraux et établir des processus systématiques et des orientations claires au niveau central pour combler l’écart entre les orientations politiques et leur mise en œuvre au regard des priorités transversales. Un agent des services centraux du MAE est chargé des thèmes transversaux, mais il dispose de peu de temps pour s’en occuper en raison des autres tâches opérationnelles qui lui incombent. Dans le cadre de la préparation de nouvelles orientations sur les priorités transversales, la Tchéquie pourrait avoir intérêt à coopérer davantage avec les réseaux et communautés de pratique du CAD de l’OCDE. Elle pourrait faire appel au Secrétariat du CAD et aux mécanismes d’examen statistiques par les pairs pour mieux utiliser les marqueurs « genre » et « Rio » et améliorer l’évaluation des projets sur la base de ces marqueurs. À terme, elle gagnerait à ce que du personnel soit spécifiquement affecté aux questions transversales et à veiller à ce que l’ensemble du personnel dispose d’orientations plus claires et soit mieux formé de telle matière que les priorités transversales soient prises en compte au stade de la conception des projets et fassent l’objet d'un suivi systématique.
Il existe des exemples qui montrent que les résultats des évaluations ont effectivement été utiles au processus décisionnel visant à améliorer la qualité de la programmation. Des progrès ont été réalisés quant à la mise en œuvre de la recommandation du précédent examen qui invitait la Tchéquie à utiliser les évaluations pour prendre des décisions fondées sur des éléments factuels et à des fins de redevabilité. La fonction d’évaluation relève du Département de la coopération au développement et de l’aide humanitaire. N’étant pas chargée de la mise en œuvre des projets, elle est relativement indépendante. Ce département coopère aussi avec la Société tchèque de l’évaluation, qui rassemble des professionnels et entreprises spécialisés dans l’évaluation, organise des formations et des ateliers et diffuse un code de bonne conduite à l’intention des évaluateurs. La Tchéquie dispose désormais d’un plan d'évaluation biennal, proposé par le MAE en concertation avec la CzDA et d'autres parties prenantes chargées de programmes d’APD, puis soumis à l’approbation du Conseil de coopération au développement. Ce plan privilégie en général les évaluations stratégiques, portant sur les secteurs, les pays ou les instruments plutôt que sur un examen au niveau des projets, ce qui constitue une bonne pratique. Depuis une méta-évaluation menée par le MAE, toutes les évaluations contiennent des recommandations qui doivent désormais être hiérarchisées par ordre de priorité pour être plus utiles à la prise de décision. Les évaluations ont été exploitées pour revoir la conception de certains instruments, par exemple du programme de bourses (Encadré 3) et du programme B2B (voir le recommendation). Toutes les évaluations sont publiées sur le site Internet du MAE et comprennent un résumé en anglais.
Encadré 3. Améliorer les programmes de bourses et soutenir les universités dans les pays partenaires grâce aux évaluations
La Tchéquie a réformé son programme de bourses afin d’enrayer la fuite des cerveaux, d’accroître le taux de réussite et d’inscrire le programme dans le cadre de la coopération au développement. Auparavant, beaucoup d’étudiants suivaient leurs études en tchèque, ce qui pouvait les encourager à rester en Tchéquie à la fin du programme au lieu de retourner dans leur pays d’origine. Depuis la réforme, la plupart des étudiants s’inscrivent dans des cursus où les cours sont dispensés en anglais. Le programme s’efforce également d’obtenir de l’université d’origine la garantie que les boursiers auront une affectation lorsqu’ils rentreront dans leur pays et privilégie l’accueil d'étudiants possédant un diplôme relativement élevé pour réduire le décrochage. Il est étroitement lié aux projets bilatéraux, privilégiant les études dans les secteurs visés par ces projets. Ainsi les anciens étudiants boursiers peuvent obtenir des postes d’experts dans le cadre de la mise en œuvre ou de l'évaluation de ces projets.
Le programme d’envoi d’enseignants a été transformé en un programme de « renforcement des capacités des universités publiques des pays en développement » axé sur l’enseignement, la recherche et la gestion (p. ex. : levée de fonds, partenariats avec le secteur privé). Il favorise l'échange d’enseignants, d’étudiants et de personnel des universités. Pour encourager les universités tchèques à participer, le programme leur permet désormais d’envoyer des enseignants pour une courte durée (p. ex. un à trois mois), facilitant ainsi la participation des petits établissements.
Cette approche commence à porter ses fruits. Alors que la langue dans laquelle les boursiers étudiaient était le tchèque dans 77 % des cas, c’est maintenant l’anglais dans 66 % des cas. En attirant des étudiants titulaires d’un diplôme plus élevé, le pays a réduit le taux de décrochage, qui est passé de 50 % à moins de 10 %. Le nombre d'universités tchèques et d’universités partenaires participant au programme est passé de 2 à 13.
Le ciblage d’un plus petit nombre de pays a permis de mieux tirer parti des partenariats. Les deux programmes s'adressent désormais aux mêmes sept pays. Les étudiants qui ont une forte probabilité de devenir enseignants ou chercheurs dans une discipline d'intérêt mutuel sont encouragés à faire une demande de bourse dans le cadre du programme. Le choix de cibler un plus petit nombre de pays a permis d'élargir le champ couvert par les partenariats avec les universités (qui englobe maintenant la gestion et la collaboration en matière de recherche) et de renforcer les synergies entre bourses et coopération au développement.
Dans les deux cas, les évaluations impliquant des parties prenantes internes et externes constituent un outil stratégique susceptible d'améliorer la coopération au développement. Des discussions inclusives avec toutes les parties prenantes, y compris avec les boursiers – qu'ils aient réussi ou non – ont été utiles pour déterminer comment améliorer le programme.
En outre, il est primordial de s'adapter aux besoins des universités partenaires. À la suite de la guerre d'agression menée par la Russie contre l’Ukraine, la Tchéquie s’est attachée à soutenir les universités partenaires ukrainiennes et moldaves afin d'intégrer les étudiants déplacés dans leur propre pays et de déployer des solutions numériques.
Note : Cette pratique est décrite plus en détail sur la plateforme des Outils, enseignements et pratiques de la coopération pour le développement : https://www.oecd.org/cooperation-developpement-apprentissage/.
Source : Entretiens, MFA (2018[19]), Evaluation of the Government Scholarship Programme of the Czech Republic for students from developing countries provided in 2013-2017, https://www.oecd.org/derec/czechrepublic/Evaluation-Development-Scholarship-Programme-summary-EN.pdf; MFA (2019[20]), Evaluation of the Sending of teachers to developing countries over the period 2016-2018, https://www.mzv.cz/file/3663488/Priloha_1_Executive_Summary_VU.pdf.
La Tchéquie pourrait améliorer la gestion de l’APD et obtenir des résultats durables en privilégiant davantage le long terme, en améliorant la fiabilité et en faisant une plus grande utilisation des systèmes de gestion axés sur les résultats des différents instruments. Les résultats ne sont pas suffisamment axés sur le long terme et n’entrent pas assez en ligne de compte dans la prise de décision. Les programmes bilatéraux et les documents de projet prévoient des réalisations et résultats cibles, liés à certains ODD et alignés sur les objectifs des pays partenaires (Tableau 1). Toutefois, dans certains documents de projet, ce qui est qualifié de « résulats » correspond plutôt à des « réalisations » et la capacité de la Tchéquie à mesurer et comprendre le changement s’en trouve affaiblie. Qui plus est, il est parfois difficile d’évaluer la contribution des projets tchèques aux résultats visés parce que la brève durée des projets ne permet pas toujours d'obtenir des résultats durables. Ainsi, une évaluation réalisée au Cambodge (MFA, 2023[18]) a montré que les nouveaux équipements amélioraient l'hygiène et l'accès à l’eau potable dans les hôpitaux23, mais que la formation du personnel médical exigeait plus de temps24. De surcroît, la capacité à mesurer les données de référence et à définir des cibles est limitée, ce qui compromet la fiabilité des résultats. Enfin, même si chaque stratégie-pays donne lieu à une réflexion sur la manière de tirer des enseignements des résultats antérieurs, ceux-ci dans leur ensemble ne sont pas systématiquement utilisés pour faire évoluer les projets et documenter la programmation. Faute de délégation d'autorité, le personnel en poste dans les bureaux locaux a peu de latitude pour adapter les projets lorsque les résultats ne sont pas atteints ou lorsque le contexte fluctue. Quant au personnel des services centraux, il peut difficilement le faire en raison d’un nombre élevé de projets par gestionnaire-pays et de la priorité accordée à la gestion financière par rapport à une gestion axée sur les résultats.
Tableau 1. Les documents de projet prévoient des réalisations et résultats cibles correspondant à certains ODD
Exemple tiré du projet pour l’amélioration de la qualité des services de soins maternels et infantiles dans trois hôpitaux de la province de Kampong Chhnang, au Cambodge
Objectif figurant dans le programme bilatéral avec le Cambodge |
Objectif du projet |
Indicateurs de résultat du projet |
Indicateurs de réalisations du projet |
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Éliminer les décès évitables de nouveau-nés et d’enfants de moins de cinq ans et réduire la mortalité maternelle dans certaines régions (ODD 3.1 et 3.2) |
Réduire la mortalité des nouveau-nés, des enfants de moins de cinq ans et des mères dans trois hôpitaux cibles. |
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Source : Document relatif au projet sur la santé maternelle du programme bilatéral avec le Cambodge.
Recommendation
La Tchéquie devrait poursuivre ses efforts en vue de l’adoption d’une approche plus programmatique, en élaborant des stratégies- pays qui mobilisent l’ensemble de ses instruments, en limitant le nombre de résultats à atteindre à long terme dans chaque pays et en investissant dans la planification stratégique.
La Tchéquie devrait consacrer du temps et des ressources pour définir, par pays, des indicateurs de référence fiables et des objectifs pouvant faire l’objet d’un suivi et servir à la prise de décision et à la communication de manière à améliorer la mise en œuvre du programme bilatéral.
Pour consolider la qualité de sa coopération au développement, la Tchéquie devrait combler l'écart existant entre ses orientations politiques et leur mise en œuvre :
en veillant à ce que toutes les stratégies pays et tous les projets de développement visent expressément à lutter contre la pauvreté et/ou les inégalités ;
en continuant à renforcer les capacités des services centraux et à se doter d’orientations permettant de tenir systématiquement compte des critères de gouvernance, des droits de la personne, notamment de l’égalité des genres, ainsi que de la protection de l’environnement et des enjeux climatiques.
Faciliter la participation du secteur privé
La Tchéquie a mis au point une approche pragmatique pour tester et améliorer les instruments permettant d’attirer le secteur privé, mais les résultats sont contrastés et il n’existe pas de stratégie spécifique pour structurer ces efforts
La Tchéquie dispose de nombreux instruments pour attirer le secteur privé, mais pour l’heure, les acteurs de ce secteur qui s'impliquent sont principalement des exécutants de l’APD. La Tchéquie fait appel à plusieurs instruments, gérés par six institutions et ayant des objectifs différents (Graphique 5), depuis la passation de marchés avec des entreprises possédant une expertise jusqu’au soutien direct d’entreprises tchèques en passant par l'utilisation de l’assistance technique pour instaurer un environnement propice aux entreprises. Tous ces instruments sont cependant dotés de budgets relativement limités. Conformément aux recommandations de l’examen par les pairs de 2016, la Tchéquie a tenté d’établir des liens avec des acteurs du secteur privé en tant que partenaires de développement. Or, la plupart des acteurs privés sont des partenaires d’exécution, une grande partie de l’APD transitant par l’intermédiaire d'appels d’offres ou sous la forme de dons financiers liés25, un instrument relativement nouveau créé pendant la pandémie de COVID-19.
Le programme B2B a fait l’objet d’une réforme pragmatique, mais il semble peu intéresser le secteur privé. En place depuis plusieurs années, le programme B2B est d’une petite envergure qui ne cesse de décroître. En 2022, les décaissements ont été inférieurs à 360 000 USD, c’est-à-dire quatre fois plus faibles qu’en 2019 (MFA, 2019[22] ; MFA, 2021[21]) 26. À la suite d'une évaluation indépendante du programme conduite en 2019, le MAE a durci les critères d'accès et diminué le montant des subventions27 au secteur privé pour assurer plus d’engagement sur les projets et favoriser leur viabilité. Ces modifications, puis les restrictions imposées par la pandémie, semblent cependant avoir affaibli l’appétit des acteurs privés pour cet instrument et réduit le vivier d’entreprises intéressées.
La Tchéquie a par ailleurs créé une garantie, qui constitue un bon moyen pour encourager le secteur privé à investir dans le développement, mais ce dispositif se heurte lui aussi au faible intérêt des acteurs privés. En 2018, la NRB a lancé la garantie pour la coopération au développement international, un programme pilote doté d'un budget de 1 million EUR (=1.05 million USD en 2022). Cette garantie n'a cependant pour l’heure pas été utilisée, ce qui s’explique principalement par le fait que les PME tchèques ne sont pas tentées par l’idée d'investir dans des projets de développement dans les pays en développement et que les banques commerciales ne sont pas enclines à financer ces projets, même avec une garantie. La Commission européenne conduit actuellement une évaluation de la NRB pour qu’elle puisse avoir accès à la garantie déléguée du Fonds européen pour le développement durable plus (FEDD+). Toutefois, l’accès au FEDD+ va augmenter le volume de la garantie, si bien que la NRB devra renforcer ses capacités pour identifier davantage de projets. Or, elle éprouve déjà des difficultés à inciter le secteur privé à utiliser le dispositif.
L’absence de vision claire en ce qui concerne l’intérêt de collaborer avec le secteur privé et la manière d'y parvenir nuit à la cohérence et à la logique de l’expérimentation de divers instruments. La stratégie de coopération au développement rappelle l’importance de la participation du secteur privé. Toutefois, la Tchéquie gagnerait à s'appuyer sur les résultats antérieurs pour réfléchir aux raisons qui la font collaborer avec le secteur privé et à la manière d’en maximiser l'additionnalité et l’impact. Elle pourrait également examiner la valeur ajoutée que pourraient apporter les instruments existants dans l'instauration d'un environnement propice aux entreprises, notamment en se fondant sur sa propre expérience de la transition. Cette approche permettrait peut-être aux parties prenantes de mieux comprendre le rôle du secteur privé dans le domaine du développement et de faire émerger une approche commune aux ministères et aux instruments. À titre d’exemple, la Suisse a publié des « Principes directeurs relatifs au secteur privé dans le cadre de la stratégie de coopération internationale », qui expliquent pourquoi et comment collaborer avec ce secteur. Les Pays-Bas se sont quant à eux dotés d’une Théorie du changement, qui recense les difficultés auxquelles se heurte le développement du secteur privé et les changements qui permettraient d’obtenir l'impact et les résultats souhaités.
La collaboration avec le secteur privé est trop axée sur les entreprises tchèques
La Tchéquie a promu des initiatives visant à favoriser le développement du secteur privé dans les pays partenaires dans le cadre de son action humanitaire et de processus de stabilisation. En 2021, les deux principales initiatives multilatérales en faveur du secteur privé ont été gérées en dehors du MAE. Il s'agissait de contributions préaffectées versées à l’Office des migrations internationales (OMI) et au Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dans le cadre du programme Aid in Place, lié aux migrations et relevant du ministère de l’Intérieur. Ces contributions ont permis d’assurer les moyens de subsistance de la population au Sénégal et en Jordanie, à raison de plus de 1 million USD dans chacun des deux pays28. Des projets similaires ont été menés à bien lors des interventions humanitaires du MAE en Jordanie, au Liban et au Sahel.
La Tchéquie soutient également le développement du commerce et du secteur privé dans les pays partenaires grâce au programme Aid for Trade (aide au commerce) et à l'assistance technique fournie par le ministère des Finances. Le programme Aid for Trade aide les pays en développement à améliorer leurs performances en matière d’échanges commerciaux et d'intégration dans l’économie mondiale29. Il prévoit une assistance technique aux associations de PME dans les pays partenaires. Par ailleurs, le ministère des Finances gère un petit programme d'assistance technique dédié aux services financiers dans les pays en développement. Ce programme cible les finances publiques et la réglementation des marchés financiers, domaines qui peuvent indirectement promouvoir le développement du secteur privé local.
Toutefois, la plupart des instruments relevant du MAE s'adressent prioritairement aux entreprises tchèques, ce qui se traduit par un niveau élevé d’aide liée. Tous les instruments gérés par le MAE et la CzDA qui ont pour but de mobiliser le secteur privé, comme le programme B2B, le partenariat entre la Tchéquie et le PNUD et les garanties de la NRB, s'adressent en priorité aux entreprises tchèques et parfois à leurs partenaires dans les pays en développement, ce qui est conforme à la déclaration de politique générale présentée par le gouvernement en 2022, où il est clairement dit que la coopération doit à la fois soutenir les pays partenaires et les entreprises tchèques (Government of the Czech Republic, 2022[1]). Depuis le dernier examen par les pairs, la part de l’APD non liée dans les secteurs et pays visés par la Recommandation du CAD sur le déliement de l’aide publique est passée de 32 % en 2014 à 58 % en 2021. Elle demeure cependant inférieure à la moyenne du CAD et à l’engagement de la Tchéquie de délier totalement l’APD dans les secteurs et pays entrant dans le champ d'application de la Recommandation du CAD30.
La Tchéquie pourrait ouvrir davantage les appels d’offres à des soumissionnaires internationaux. Il existe des procédures permettant de passer des marchés avec des fournisseurs locaux, mais les marchés concernés sont en général de petite taille. Le « don financier lié », instrument de stabilisation créé pendant la pandémie de COVID-19, permet certes aux bénéficiaires de choisir des fournisseurs sur une liste, mais, en pratique, ce sont des fournisseurs tchèques qui sont sélectionnés. Son volume a dépassé celui des appels d’offres gérés par la CzDA. Ces appels d’offres, qui sont publiés sur la plateforme d’appels d’offres, sont non liés de jure, mais la procédure est telle qu’il est difficile pour des entreprises non tchèques de soumissionner (les appels d’offres ne sont publiés qu’en tchèque). La Tchéquie n'a pour l’heure pas publié de notification préalable d’appels d’offres non liés sur le panneau d'affichage public du CAD sur l’aide non liée. Pourtant, d'après les notifications ex post des contrats attribués, cinq d’entre eux ont été attribués depuis 2018 pour un montant supérieur au seuil de 1 million EUR au-delà duquel un contrat doit faire l’objet d’une notification préalable (1.05 million USD en 2022). Il faudrait publier, dans au moins une des langues habituellement utilisées dans les échanges internationaux, une notification préalable de tous les appels d’offres portant sur des marchés supérieurs à ce seuil afin d’autoriser une réelle concurrence internationale et garantir un bon retour sur investissement des projets de coopération au développement.
Délier l’APD améliorerait le rapport coût-efficacité de la coopération au développement. La Tchéquie doit veiller à sélectionner les solutions les plus compétitives face à des problèmes humanitaires ou de développement en déliant totalement les appels d’offres et les dons financiers liés. Par exemple, en 2023, une évaluation du programme de développement social inclusif et de soins de santé au Cambodge (MFA, 2023[18]) a souligné que les équipements fournis aux hôpitaux cambodgiens étaient d’une grande valeur mais n’étaient pas adaptés aux besoins réels31. De plus, il est établi que l’APD liée peut augmenter les coûts d’un projet de développement de 15 à 30 % (Clay, 2009[23]). À l’inverse, le déliement de l’APD donne au bénéficiaire la liberté d'acheter des biens et services en provenance de pratiquement n’importe quel pays, ce qui lui évite d’encourir des dépenses inutiles. La Tchéquie ayant l’ambition d’utiliser la NRB pour accorder des prêts concessionnels aux communes, il est d'autant plus important qu’elle honore ses engagements en matière de déliement32. Les entreprises tchèques sont plus nombreuses que par le passé à opérer au niveau international, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’eau. Elles sont, par conséquent, de mieux en mieux préparées à répondre à des appels d’offres ouverts, y compris ceux portant sur des marchés financés par des partenaires de développement, et/ou à se tourner vers les crédits à l’exportation et le financement commercial. Cette évolution constitue un argument supplémentaire en faveur d'un déliement de l’APD. Enfin, la Tchéquie pourrait tisser des liens entre la NRB, la Société de garantie et d'assurance des exportations (EGAP) et la Banque tchèque d’exportation (ČEB) à l’appui des projets de développement. Dans cette hypothèse, elle devra veiller à ce que ces projets soient conformes à la Recommandation du CAD sur le déliement de l'APD [OECD/LEGAL/5015] et respectent les règles sur l’aide liée de l’Arrangement de l’OCDE sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public (OCDE, 2022[24]).
En poursuivant son expérimentation relative aux instruments du secteur privé, la Tchéquie devra impérativement veiller à ce que les initiatives soutenues permettent d’obtenir un impact en termes de développement et mobilisent des financements privés
Dans leur format actuel, les dons financiers liés et les appels d’offres n’ont pas un impact suffisant sur le développement. La législation tchèque relative aux marchés publics exige certes que tous les appels d’offres comportent des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), mais il semble que la sélection se fasse principalement en fonction de critères de qualité et de prix des produits. Il faudrait donner plus de poids aux critères ESG pour inciter les entreprises tchèques désireuses de mener des activités dans les pays en développement à être plus ambitieuses en la matière. Cela contribuerait également à mieux les préparer à participer à des appels d’offres internationaux et aux procédures de passation de marchés publics de l’UE, ce que préconise la Tchéquie (Karaki, Bilal et van Seters, 2022[25]). Par ailleurs, si la fourniture d'équipements financés par des dons financiers liés s'accompagne de services d'installation et d’une formation à l’utilisation de ces équipements, elle n’est pas systématiquement assortie d’initiatives de renforcement général des capacités. Dans certains cas, des hôpitaux ont reçu des équipements médicaux financés par des fonds tchèques, mais le personnel n'a pas bénéficié d’une formation suffisante pour savoir dans quel cas et comment les utiliser.
Le programme B2B a aidé les entreprises tchèques à innover dans les pays en développement, mais son impact sur le développement serait plus grand si des partenariats locaux étaient systématiquement établis et un suivi plus étroit assuré. Le B2B a à son actif quelques succès qui ont profité à la fois aux entreprises tchèques et aux pays partenaires. Dans le cas du Cambodge, il a permis à une entreprise tchèque d’importer du poivron du Cambodge tout en aidant les producteurs cambodgiens à mieux s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales du commerce équitable. En Bosnie-Herzégovine, il a permis à une entreprise tchèque d’expérimenter un nouveau système de traitement des eaux usées aux coûts de maintenance très faibles, ce qui a conduit le pays à en installer d’autres. Bien que l’impact sur le développement soit un critère de sélection, la CzDA n’exerce qu’un contrôle limité pour s'assurer que les partenaires du secteur privé mettent en œuvre des projets qui facilitent le recul de la pauvreté et qui ont des retombées positives sur les populations les plus vulnérables33. En outre, malgré l’objectif initial du programme B2B, plusieurs projets ne comportent pas de partenaire du secteur privé local et il est rare que les entreprises locales prennent l’initiative de ces projets en passant par des ambassades. Enfin, peu de projets franchissent le cap de la faisabilité pour parvenir à la mise en œuvre (un projet sur quatre en 2022), ce qui limite l’impact de l’instrument. La Tchéquie devrait poursuivre ses efforts pour intensifier la participation des entreprises locales et renforcer l’impact sur le développement.
Il faudrait renforcer le programme de garantie géré par la NRB pour qu'il permette la mobilisation de financements privés et ait un impact sur le développement. L’expérience des membres du CAD montre que des mécanismes de garantie bien conçus peuvent être de puissants leviers pour mobiliser des financements du secteur privé, dans les pays à faible revenu comme dans les pays à revenu intermédiaire (Garbacz, 2021[26]). Faire davantage connaître cette garantie aux acteurs du secteur privé et éventuellement en revoir les caractéristiques en fonction de leurs préférences pourrait les sensibiliser et accroître leur intérêt à cet égard. Un élargissement de l'éventail des acteurs éligibles, en ouvrant le dispositif aux banques commerciales autres que les banques tchèques, par exemple les banques locales ou les filiales locales de banques internationales, les entreprises locales liées par des partenariats avec des entreprises tchèques ou filiales d’entreprises tchèques, pourrait aussi permettre que la garantie soit davantage sollicitée. Qui plus est, cette ouverture envers des entreprises de ce type situées dans les pays partenaires attirerait des investissements plus élevés, la règle dite « de minimis » pour les aides d’État en vigueur dans l’UE ne visant que les entreprises qui ont leur siège dans l’UE. Pour ce faire, il faudrait que la NRB, qui se concentre actuellement sur le marché tchèque, affecte du personnel aux activités menées dans les pays en développement. À titre d’exemple, l’essentiel des garanties offertes par l’agence de développement suédoise SIDA sont des garanties de portefeuille permettant aux établissements financiers des pays partenaires d'accorder des prêts à de petites entreprises locales. Par ailleurs, lier la garantie à un programme de dons tel que le B2B serait aussi un moyen d’augmenter la demande et de créer des synergies entre les différents instruments. Certains partenaires de développement choisissent parfois d’octroyer des dons au titre de projets cofinancés par un prêt commercial garanti.
En réformant la garantie pour qu’elle soit davantage attractive, la Tchéquie devra impérativement veiller à poursuivre des objectifs de développement tout en tenant compte de la nécessité pour le secteur privé d’obtenir un rendement financier, conformément aux Principes de Kampala (PMCED, 2019[27]). L’équilibre est difficile à trouver, et la Tchéquie pourrait s'inspirer de l’expérience acquise en la matière par d'autres partenaires de développement et institutions de financement du développement. Par exemple, la SOFID, institution portugaise de financement du développement, a échangé avec ses homologues européens de l’Association des institutions européennes bilatérales de financement du développement (IEFD) en vue d'intégrer des critères ESG dans ses évaluations de demandes de crédit. Quant à la Société allemande d’investissement et de développement (DEG), elle a mis au point un système de mesure de l’efficacité de l'aide, le Development Effectiveness Rating (DERa), en collaboration avec le groupe KfW. Ce dispositif évalue l'additionnalité et les réalisations attendues en matière de développement et fait partie intégrante des processus de décision et de suivi. Lorsque les demandes de garantie deviendront plus nombreuses, il faudra veiller à ce que le mécanisme de sélection permette de ne sélectionner que les projets viables et ayant un impact sur le développement.
Recommendations
Pour que l’implication du secteur privé ait plus d'impact, la Tchéquie devrait :
faire en sorte que les dons alloués dans le cadre du programme B2B soient davantage axés sur le développement et créer des synergies entre ces dons et l’instrument de garantie géré par la NRB ;
mobiliser le financement du secteur privé au moyen de la garantie gérée par la NRB, notamment en sensibilisant davantage les acteurs privés, y compris dans les pays partenaires ;
faire en sorte que la NRB acquière des compétences spécifiques en matière de développement.
Références
[7] Bureau du Gouvernement de la République tchèque (2017), Strategic Framework Czech Republic 2030, Bureau du Gouvernement de la République tchèque, Prague, https://www.vlada.cz/assets/ppov/udrzitelny-rozvoj/projekt-OPZ/Strategic_Framework_CZ2030.pdf.
[11] České Noviny (2022), České Noviny, site web, https://www.ceskenoviny.cz/zpravy/2246409 (consulté le June 2023).
[23] Clay, E. (2009), Untying Aid: Is it working? An Evaluation of the Implementation of the Paris Declaration and of the 2001 DAC Recommendation of Untying ODA to the LDCs, Danish Institute for International Studies, Copenhague, https://www.oecd.org/development/evaluation/dcdndep/44375975.pdf.
[10] Commission européenne (2022), Les citoyens européens et la coopération au développement – Eurobaromètre Spécial 521, Aide au développement, Commission européenne, Bruxelles, https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/cd493942-03e7-11ed-acce-01aa75ed71a1/language-fr/format-PDF/source-290044646.
[12] CVVM (2023), Attitude of the Czech Public Towards Accepting Refugees from Ukraine - February/March 2023, Center for Public Opinion Research, Institute of Sociology of the Academy of Sciences of the Czech Republic, Prague, https://cvvm.soc.cas.cz/media/com_form2content/documents/c6/a5664/f77/pm230628.pdf.
[26] Garbacz, W. (2021), « The role of guarantees in blended finance », OECD Development Co-operation Working Papers, n° 97, Éditions OCDE, Paris.
[2] GoCR (2022), Policy Statement of the Government, Gouvernement de la République tchèque, Prague, https://www.vlada.cz/en/jednani-vlady/policy-statement/policy-statement-of-the-government-193762/#foreign_policy.
[14] GoCR (2017), Global Development Education and Global Awareness Strategy, Gouvernement de la République tchèque, Prague, https://www.svetovaskola.cz/download/docs/1148_strategie-grv-2018-2030.pdf.
[3] GoCR (2010), Act on Development Co-operation and Humanitarian Aid, and Amending Related Laws, Gouvernement de la République tchèque, Prague, https://www.mzv.cz/jnp/en/foreign_relations/development_cooperation_and_humanitarian/act_on_development_cooperation_and.html.
[25] Karaki, K., S. Bilal et J. van Seters (2022), « Engaging the European private sector in EU development cooperation and finance », Discussion Paper, n° 333, Centre européen de gestion des politiques de développement, Bruxelles, https://ecdpm.org/work/engaging-european-private-sector-eu-development-cooperation-finance.
[18] MFA (2023), Evaluation of the Inclusive Social Development and Health Care Programme in Cambodia, Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque, Prague.
[16] MFA (2021), Czech Development Co-operation Plan 2022 with Indicative Outlook 2023-2024, Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque, Prague.
[21] MFA (2021), Development Co-operation of the Czech Republic in 2021, Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque, Prague.
[15] MFA (2021), Methodology – Foreign Development Co-operation of the Czech Republic, Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque, Prague, https://www.mzv.cz/jnp/cz/zahranicni_vztahy/rozvojova_spoluprace/koncepce_publikace/koncepce/metodika_zrs_cr.html.
[22] MFA (2019), Development Co-operation of the Czech Republic in 2019, Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque, Prague.
[17] MFA (2019), Evaluation of the programme of Foreign Development Cooperation Support of trilateral projects of Czech organizations in the period 2016-2018, Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque, Prague.
[20] MFA (2019), Evaluation of the Sending of teachers to developing countries over the period 2016-2018, Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque, Prague, https://www.mzv.cz/file/3663488/Priloha_1_Executive_Summary_VU.pdf.
[19] MFA (2018), Evaluation of the Government Scholarship Programme of the Czech Republic for students from developing countries provided in 2013-2017, Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque, Prague, https://www.oecd.org/derec/czechrepublic/Evaluation-Development-Scholarship-Programme-summary-EN.pdf.
[4] MFA (2017), Development Co-operation Strategy of the Czech Republic 2018-2030, Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque, Prague, https://www.mzv.cz/file/2710363/CZ_Development_Cooperation_Strategy_2018_2030.pdf.
[13] MFA (2015), Human rights and transition promotion policy concept of the Czech Republic, https://www.mzv.cz/public/98/7c/e8/2239165_1648851_Human_rights_and_transition_promotion_policy_concept_of_the_Czech_Republic_.pdf, https://www.mzv.cz/public/98/7c/e8/2239165_1648851_Human_rights_and_transition_promotion_policy_concept_of_the_Czech_Republic_.pdf.
[9] OCDE (2023), Niveaux d’APD en 2022 – Données préliminaires, 12 avril 2023, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/fr/cad/financementpourledeveloppementdurable/APD-2022-donnees-preliminaires.pdf.
[1] OCDE (2023), OECD Economic Surveys: Czech Republic 2023, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/e392e937-en.
[6] OCDE (2023), « Système de notification des pays créanciers : activités d’aide », Statistiques de l’OCDE sur le développement international, https://doi.org/10.1787/data-00061-fr (consulté le 25 juillet 2023).
[24] OCDE (2022), Arrangement sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public, Éditions OCDE, Paris.
[8] OCDE (2018), « Country profiles: Institutional mechanisms for policy coherence », dans Policy Coherence for Sustainable Development 2018 : Towards Sustainable and Resilient Societies, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264301061-6-en.
[5] OCDE (2016), OECD Development Co-operation Peer Reviews: Czech Republic 2016, Examens de l’OCDE sur la coopération pour le développement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264264939-en.
[27] PMCED (2019), Principes de Kampala, Partenariat mondial, Nations Unies, New York.
Notes
Notes
← 1. Le programme de promotion de la transition, dont le budget s’élève à 2 millions EUR par an (2.1 millions USD en 2022), est mis en œuvre dans 11 pays par des ONG tchèques. En 2021, 50 pays ont bénéficié de l’instrument permettant de financer de petits projets locaux (MLP), pour un budget total de 22 000 USD. Le MAE a géré trois programmes d'aide pluriannuels : le Programme d'aide aux pays d’origine et de transit des migrations en Afrique (2020‑22), le Programme pour la stabilisation et la reconstruction de l’Iraq (2018-21) et le Programme d'aide à la Syrie (portant initialement sur la période 2016-19 et reconduit pour 2020-21).
← 2. Ces sept ODD sont les suivants : ODD 16 – Paix, justice et institutions efficaces ; ODD 6 – Eau propre et assainissement ; ODD 13 – Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques ; ODD 7 – Énergie propre et d'un coût abordable ; ODD 8 – Travail décent et croissance économique ; ODD 2 – Faim « zéro » ; ODD 15 – Vie terrestre.
← 3. Le Conseil gouvernemental pour le développement durable coordonne l’action menée dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Organe permanent du gouvernement, il a un rôle consultatif, d’initiative et de coordination dans les domaines du développement durable et de la gestion stratégique. Depuis le 1er avril 2018, le ministère de l’Environnement est chargé du programme de développement durable et préside le Conseil, rôle jusqu’alors dévolu au cabinet du Premier ministre.
← 4. Le Conseil de coopération au développement est l’instance décisionnaire dans le dispositif de coordination interministérielle de la politique de coopération au développement. Le conseil interministériel est présidé par le vice-ministre des Affaires étrangères et comprend des observateurs représentant la société civile, la CzDA, les municipalités et les entreprises.
← 5. Le ministère de l’Environnement prépare actuellement un appel d’offres pour la réalisation d'une étude et l’élaboration d’une méthode pour garantir la cohérence des politiques au service du développement durable. L’objectif est d’examiner deux domaines de l’action publique en fonction de leur impact sur le développement et, sur cette base, d’élaborer un outil d’évaluation systémique et une méthode d’utilisation de cet outil.
← 6. Ce plan est débattu par le Conseil et approuvé par le gouvernement.
← 7. Le Conseil comprend deux niveaux : un niveau stratégique, qui correspond à l'échelon ministériel, et un niveau technique, qui correspond à l'échelon de l’administration. Il compte différents groupes de travail : un groupe qui se concentre sur la stratégie, dont l’examen à mi-parcours de la stratégie ; un groupe de travail par programme-pays ; un groupe chargé des évaluations ; et un groupe de travail ad hoc sur l’aide à l’Ukraine.
← 8. En Syrie, au Liban, en Jordanie, au Myanmar et en Ukraine, ces diplomates ne travaillent qu'à temps partiel à leurs activités en lien avec le développement.
← 9. Au sein du groupe formé par les membres du CAD dont le portefeuille bilatéral est compris entre 40 et 200 millions USD (soit 25 % du CAD), l’Islande est le pays qui affecte le plus fort pourcentage de son personnel à l'étranger, à savoir 77 % pour un budget bilatéral de 60 millions USD en 2021. Vient ensuite la Slovénie, dont le budget bilatéral s’élève à 46 millions USD et dont 36 % des effectifs sont affectés à l’étranger.
← 10. Les diplomates en poste en Géorgie, en Éthiopie et au Cambodge se consacrent entièrement à la coopération au développement ; ceux en poste en Bosnie-Herzégovine, en Moldova, au Myanmar, en Zambie, en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Ukraine cumulent le développement avec d’autres missions.
← 11. Le financement de petits projets locaux est un dispositif qui soutient des activités de développement à petite échelle en phase avec les priorités de développement définies par le pays bénéficiaire. Il a également pour but de donner plus de visibilité à la République tchèque dans les pays. Les ambassades tchèques dans les pays concernés repèrent les projets (à partir de demandes présentées par des partenaires de mise en œuvre potentiels), qui sont ensuite soumis à l'approbation des services centraux du MAE. La contribution financière de la République tchèque est comprise entre 200 000 CZK et 500 000 CZK par projet (entre 8 000 et 25 000 USD environ).
← 12. Les calculs reposent sur les données du Système de notification des pays créanciers 2020-21. Ils ne tiennent compte que de l’APD bilatérale allouée par pays qui relève des contributions à des programmes ou fonds à objectif spécifique gérés par des partenaires de mise en œuvre, des interventions de type projet et de l’assistance technique.
← 13. Les instruments de financement qui ne sont pas liés à des entités tchèques sont les petits projets locaux, les projets humanitaires localisés et les marchés publics locaux dans le cadre de la coopération bilatérale et de la coopération déléguée par l’UE (par le biais des ambassades tchèques et des coordinateurs de la CzDA).
← 14. Les effectifs des services centraux de la CzDA ne peuvent pas dépasser 21 équivalents temps plein. Au-delà de ce plafond, seuls des recrutements temporaires au titre de projets spécifiques sont possibles.
← 15. Cinq pour cent des coûts du projet pour le personnel et l’expertise.
← 16. La CzDA utilise deux formules : l’envoi du personnel chargé de la coopération déléguée dans le cadre de missions de longue durée ou la conclusion d’un accord de détachement avec le MAE.
← 17. Des dons trilatéraux peuvent être accordés à condition que d'autres partenaires, par exemple la Commission européenne, apportent un cofinancement à raison d'au moins 50 % des dépenses au titre du projet.
← 18. Le budget annuel consacré aux programmes-pays bilatéraux sont compris entre de 1 million USD et 3 millions USD, tandis que les budgets annuels alloués aux projets délégués par l’UE sont compris entre 124 000 USD et 517 000 USD, soit 10 % de l’enveloppe totale allouée aux programmes bilatéraux.
← 19. Ces instruments englobent des dons, des appels d’offres, de l’assistance technique, des partenariats avec le PNUD et le dispositif B2B.
← 20. Le programme de promotion de la transition coexiste avec des projets de la CzDA en Bosnie-Herzégovine, en Géorgie et en Moldova.
← 21. En 2020-21, 38.3 % des engagements d’APD bilatérale de la République tchèque avaient pour objectif principal ou objectif significatif l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes (en hausse par rapport aux 34.7 % enregistrés en 2018‑19 si on compare avec la moyenne du CAD, qui s’établissait à 44.4 % pour cette même période). En 2020‑21, la République tchèque a consacré 22.5 % du total de son APD bilatérale ventilable à l’environnement et aux conventions de Rio (la moyenne du CAD étant de 34.3 %), contre 21.1 % en 2018‑19.
← 22. Fondée en 1992, l’ONG People in Need agit dans le domaine de l’aide humanitaire et des droits de la personne. Il s'agit de l’une des plus grosses ONG d’Europe centrale.
← 23. « Dans tous les hôpitaux, après l’achèvement du projet, on a constaté un meilleur accès à l’eau potable et à des toilettes ainsi qu’une plus grande propreté (...). Les projets portaient sur des besoins élémentaires sur le plan de l’assainissement – transformation de bâtiments, construction de lieux avec accès à l’eau potable, installation ou réinstallation de toilettes et introduction de normes d'hygiène et de salubrité. »
← 24. Le personnel médical avait besoin de formation ainsi que de meilleurs équipements et locaux. À cet égard, la formation, en particulier dans le domaine médical, ne peut pas relever d’une action ponctuelle : elle doit être renouvelée en permanence et évoluer en fonction des changements. Le personnel a pu participer à des actions de formation, mais dans la province de Kampong Chhnang, les besoins n’ont pas été satisfaits.
← 25. Ces dons sont versés à des entreprises tchèques, qui les utilisent pour fournir des biens aux pays en développement. Cet instrument a surtout été employé pour proposer des solutions clé en main aux hôpitaux (p. ex. : unité de soins intensifs comprenant lits hospitaliers et équipements).
← 26. En 2019, les décaissements au titre du programme B2B se sont élevés à 37.8 millions CZK, contre 8.4 millions CZK en 2021.
← 27. Le programme B2B géré par la CzDA accorde aux entreprises tchèques des dons pour le cofinancement de projets en faveur du développement dans les pays en développement au stade de la préparation et de la mise en œuvre. Les dons au titre de projets individuels ne peuvent pas dépasser 200 000 EUR conformément à la règle de minimis pour les aides d’État en vigueur dans l’UE (210 526 USD en 2022). En 2019, de nouvelles règles d’admissibilité ont été mises en place (l’entreprise doit être présente sur le marché depuis trois ans au moins et afficher un chiffre d'affaires annuel au moins égal à trois fois le montant sollicité), et le montant des subventions a diminué.
← 28. Au Sénégal, le projet prévoit un soutien global aux petites entreprises en faveur des personnes qui reviennent au Sénégal et des jeunes grâce à la création d’emplois, un meilleur accès aux financements, aux équipements, aux nouvelles technologies et à la formation. En Jordanie, le projet a facilité la création d’entreprises par des réfugiés syriens, en particulier d’entreprises dirigées par des femmes.
← 29. En 2021, la République tchèque a versé 9.1 millions USD pour promouvoir l’aide au commerce, améliorer les résultats commerciaux des pays en développement et leur intégration dans l’économie mondiale.
← 30. Les pays visés par la Recommandation sont les pays les moins avancés (PMA), les pays pauvres très endettés (PPTE), les autres pays à faible revenu et les pays et territoires bénéficiant uniquement des crédits de l’IDA. La Recommandation ne s'applique qu’à certains secteurs, excluant, entre autres, les bourses et la coopération technique pure.
← 31. « Les hôpitaux ont parfois besoin d’équipements de haute technologie, mais la compatibilité de ces équipements, la capacité des hôpitaux à utiliser toutes leurs fonctionnalités et à en effectuer les travaux de maintenance et de réparation courants doivent être des critères déterminants au moment de prendre la décision de les acheter ou non. C’est pourquoi nous recommandons d'acheter des équipements plus simples, qui permettront aux bénéficiaires d’assurer eux-mêmes la maintenance courante, qui seront compatibles avec les autres appareils et qui pourront être pleinement utilisés, en plus de procéder à une analyse complète des besoins des bénéficiaires et de l’utilisation à laquelle ils destinent l’équipement. »
← 32. En 2022, le programme de garantie est devenu le programme des instruments financiers pour la coopération au développement international. Il englobe les prêts concessionnels, les garanties et le financement mixte, mais ces instruments ne sont pas encore opérationnels.
← 33. À titre d’exemple, dans les deux rapports finals sur le programme B2B communiqués à l’équipe chargée de l’examen (utilisation de l’impression 3D en Gambie et aide aux producteurs de poivron au Cambodge), les partenaires du secteur privé n’ont pas répondu à la question : « Décrivez l'impact du projet sur les populations ciblées » et ont fourni peu d'informations sur l'impact du projet en termes de développement.