Cette section « Évaluation et les recommandations » présente les principaux résultats de l’Examen environnemental de la Lituanie. Y sont énoncées 43 recommandations destinées à aider le pays à progresser davantage dans la concrétisation de ses objectifs environnementaux et engagements internationaux. Le Groupe de travail de l’OCDE sur les performances environnementales en a examiné et approuvé le contenu lorsqu’il s’est réuni le 30 juin 2021.
Examens environnementaux de l'OCDE : Lituanie 2021 (version abrégée)
Évaluation et recommandations
Abstract
1.1. Performances environnementales : tendances et développements récents
Avec moins de 3 millions d’habitants, la Lituanie fait partie des pays membres de l’OCDE les moins peuplés. Son territoire relativement plat est riche en terres agricoles et en forêts. La Lituanie compte de nombreux cours d’eau, lacs et zones humides et possède un littoral sur la mer Baltique. Elle a adhéré à l’Union européenne (UE) en 2004, adopté l’euro en 2015 et adhéré à l’OCDE en 2018. Son produit intérieur brut (PIB) a augmenté rapidement depuis son passage à une économie de marché dans les années 90. Le PIB par habitant tourne actuellement autour de 80 % de la moyenne de l’OCDE.
Depuis 2005, la Lituanie a fait des progrès en matière de découplage de la croissance économique et des pressions sur l’environnement, à savoir les émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’autres polluants atmosphériques, la production de déchets municipaux, la consommation d’énergie et de matériaux ou encore les prélèvements d’eau (Graphique 1). Elle a également amélioré le traitement des eaux usées et étendu son réseau d’aires protégées. Mais les avancées demeurent insuffisantes pour stopper l’érosion de la biodiversité et atténuer les pressions exercées par une agriculture de plus en plus intensive. Si la Lituanie affiche de bons résultats dans les dimensions du bien-être relatives à l’économie, à l’emploi et à l’éducation, elle est à la traîne dans des domaines comme la santé, les inégalités et la satisfaction à l’égard de la vie (OCDE, 2020a). Par rapport aux pays voisins, elle progresse moins vite en direction des Objectifs de développement durable (ODD) 2030. Les éventuels bons indicateurs environnementaux (qualité de l’air, émissions de GES) imputables à la crise du COVID‑19 seront très probablement temporaires. La reprise offre néanmoins une occasion d’améliorer le modèle de l’avant‑COVID.
Les ambitions climatiques sont fortes mais les politiques publiques ne suivent pas assez
Dans le programme national de gestion du changement climatique, les autorités se sont donné pour but d'atteindre la neutralité carbone en 2050 au plus tard. Le plan national énergie-climat (PNEC) pour 2021‑30 et des plans spécifiques en matière d’énergie, de climat et de qualité de l’air ont également défini une feuille de route ambitieuse afin de contribuer aux objectifs 2030 et 2050 de l’Union européenne, qui doivent permettre d'atteindre ceux de l’Accord de Paris. La Lituanie devrait maximiser l’intégration de mesures d’atténuation du changement climatique dans les différents secteurs pour atteindre le nouvel objectif de l’UE à l’horizon 2030, à savoir réduire de 55 % les émissions de GES.
Bien qu‘inférieures à la moyenne de l’OCDE, l’intensité carbone et l’intensité énergétique de l’économie lituanienne sont toutes les deux légèrement au-dessus de la moyenne des pays européens de l’OCDE. En plus de ses propres ressources énergétiques éoliennes et issues de la biomasse, le pays importe des énergies fossiles et de l’électricité pour couvrir ses besoins. L’efficacité énergétique et une bonne connectivité revêtent donc une grande importance stratégique pour la sécurité énergétique de la Lituanie. Le pétrole pèse pour 38 % dans le bouquet énergétique. Cette part a en fait augmenté ces dix dernières années pour satisfaire la demande croissante du secteur des transports et combler (avec le gaz) le déficit énergétique après la fermeture, en 2009, de l’unique centrale nucléaire du pays. L’approvisionnement énergétique de sources renouvelables a plus que doublé entre 2005 et 2019 pour passer d’environ 10 % à plus de 20 %. Les énergies renouvelables (dominées par le bois de chauffage) représentaient 25 % de la consommation énergétique finale brute en 2018, l’objectif 2020 de 23 % étant ainsi atteint (et supérieur à la moyenne de l’OCDE).
La consommation énergétique a augmenté depuis 2005, principalement sous l’effet de la demande accrue du secteur des transports. Le pays n’est pas en bonne voie d’atteindre son objectif 2020 de consommation énergétique finale (AIE, 2021). Le PNEC vise une réduction de la consommation énergétique finale de 15 % entre 2020 et 2030.
Les émissions de GES n’ont quasiment pas évolué depuis 2009. Les chiffres par habitant sont stables depuis 2005 mais restent inférieurs aux moyennes tant de l’ensemble de l’OCDE que des pays européens de l’OCDE, tandis que les émissions de GES moyennes par habitant reculent depuis 2005 dans l’ensemble de la zone. L’énergie (transport inclus), l’agriculture et l’industrie représentent les deux tiers du total des émissions de GES. Les émissions dues aux transports ont progressé particulièrement vite depuis 2013 et augmenté de 50 % depuis 2005. Cette évolution s’explique principalement par la hausse, en volume, du fret routier et des émissions des voitures particulières (section 4).
La Lituanie participe au système d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l’UE qui vise les grands émetteurs (centrales électriques, raffineries, grandes usines, exploitants d’aéronefs, etc.). Ensemble, ces émetteurs comptent pour un peu moins d’un tiers des émissions nationales. Pour les secteurs non couverts par le SEQE, notamment les transports, la Lituanie a atteint l’objectif 2020 de +15 % par rapport aux niveaux de 2005. Pour la première fois, la Lituanie doit réduire ses émissions sur la base de son objectif hors SEQE non contraignant, fixé à -9% pour 2030, et d'un objectif national encore plus ambitieux (-25 %). Mais les politiques actuelles ne suffiront pas à tenir les objectifs climatiques pour 2030 et au‑delà (Graphique 2). Elles devraient par exemple conduire à une hausse de 6 % des émissions dues aux secteurs hors SEQE, en particulier celui des transports. Des mesures supplémentaires seront nécessaires, dont une partie doivent être financées par le budget 2021‑27 de l’Union européenne et sa facilité pour la reprise et la résilience. Ces moyens permettront de financer durablement la rénovation des bâtiments et la modernisation des installations de chauffage, le recours à des énergies de remplacement dans l’industrie et les transports, l’utilisation de véhicules électriques et le fret ferroviaire, ainsi que la production et le stockage d'énergies renouvelables.
Les futurs plafonds d'émissions atmosphériques seront vraisemblablement dépassés pour plusieurs polluants
La Lituanie respecte ses plafonds nationaux d'émission pour les principaux polluants. Mais elle n’honorera sans doute pas ses engagements de réduction des plafonds nationaux d’émission 2020-29 pour l’ammoniac, les composés organiques volatils non méthaniques et les oxydes d’azote (NOx). S’agissant des NOx (émis par les transports et l'agriculture), l’écart par rapport aux objectifs fait partie des plus importants de l’Union européenne. Des mesures décisives sont particulièrement nécessaires pour réduire les émissions dans ces secteurs.
Le caractère décentralisé des sites industriels, l’absence de grandes villes et la faible densité de population contribuent à maintenir à un niveau faible l’exposition moyenne à la pollution de l’air. Les dépassements des valeurs seuils d’exposition chronique ou aiguë aux polluants atmosphériques sont relativement rares et les principales valeurs limites de l’UE sont respectées. Le recours aux combustibles solides pour le chauffage en milieu urbain peut accroître les risques de concentrations localement élevées de benzopyrènes et de particules par temps froid. Les concentrations en particules à Vilnius et Klaipėda sont dans les limites mais augmentent.
Les progrès remarquables réalisés dans la gestion des déchets constituent un premier pas vers une économie circulaire
En moins de dix ans, la Lituanie a cessé de mettre en décharge la quasi-totalité de ses déchets pour en recycler et en composter la plus grande partie (Graphique 3). Diverses mesures ont permis d’obtenir de bons résultats en matière de gestion des déchets, notamment la collecte sélective des déchets, la construction d’installations de tri, l’amélioration des obligations d’étiquetage, la couverture quasi-complète des services, l’organisation de campagnes d’éducation et de sensibilisation, ainsi que l’extension des programmes de consigne pour les récipients de boisson en verre, en plastique et en aluminium. Les objectifs 2020 de la directive-cadre relative aux déchets prévoyant le recyclage de la moitié des déchets ménagers (papier, métal, plastique et verre) et de 70 % des déchets de construction semblent avoir été atteints de peu.
La Lituanie compte passer à une économie circulaire d’ici à 2050. La production de déchets municipaux par habitant est toutefois en hausse depuis 2009. Elle demeure légèrement inférieure au niveau moyen de l’OCDE. Le pays devrait intensifier ses initiatives de réduction de la production de déchets et s’employer à traiter par d’autres méthodes une plus grande part du dernier quart des déchets municipaux encore mis en décharge.
À l’échelle nationale, la productivité des matières (PIB généré par unité de matière utilisée) n’a pas progressé au cours de la dernière décennie, contrairement à ce que l’on a observé dans la plupart des pays membres de l’OCDE. Ce résultat s’explique en grande partie par la consommation plus importante de matériaux de construction concomitante à la hausse du PIB.
L’agriculture a un impact majeur sur la qualité de l’eau
Les données de surveillance montrent que les nutriments aggravent la pollution de l’eau sur l’ensemble du territoire. L’augmentation de la pollution aux composés azotés s’explique en premier lieu par l’intensification de l’agriculture et par l’adoption de cultures utilisant davantage d’engrais sans que des mesures soient prises pour atténuer l’impact sur l’environnement. Plus de la moitié des cours d’eau surveillés dans les zones agricoles n’ont pas atteint le « bon état » prévu dans la directive-cadre de l’UE sur l’eau ces dernières années. Les charges en azote dans la mer Baltique ont progressé, alors même que plusieurs autres pays du littoral baltique ont diminué les leurs.
Une seconde cause importante de pollution de l’eau par les nutriments est le niveau insuffisant d'épuration des eaux usées, très chargées en phosphore. Des plans et des financements sont prévus pour augmenter le nombre de foyers raccordés au réseau d’égouts et mettre à niveau les quelques dernières usines d’épuration à ne pas avoir été construites aux normes modernes. La modernisation des infrastructures a bien permis jusqu’ici d’améliorer la qualité de l’eau. Mais ces mesures ont été financées principalement par des fonds de l’UE. À l’avenir, l'autofinancement devra de plus en plus devenir la règle.
Le plan national pour le progrès adopté en 2020 comprend des objectifs de long terme visant à améliorer les disponibilités en eau et la qualité de l’eau. Les autorités publiques encourageront une utilisation plus durable des engrais minéraux et des pesticides et s’efforceront de réduire la pollution de l’eau de source dispersée et ponctuelle. Une réforme prévoyant le regroupement des petites compagnies des eaux en plus grandes structures est envisagée. Des entreprises plus importantes seraient capables de trouver elles-mêmes les capitaux nécessaires pour investir dans des infrastructures appropriées de distribution et de traitement de l’eau.
La biodiversité est menacée par l’agriculture et la sylviculture
Comme dans une bonne partie de l’Europe, la situation n’est guère encourageante sur le plan de la biodiversité. Les données les plus récentes montrent que près de quatre habitats évalués sur cinq se trouvent dans un état défavorable. Seuls quelques espèces et habitats ont été jugés en voie d’amélioration. La Lituanie est située dans la région biogéographique boréale et abrite des espèces de mégafaune parmi lesquelles l’élan, le loup gris, le lynx eurasien et le castor dans les forêts et les zones humides, ainsi que des oiseaux hivernants et des phoques gris dans les eaux marines de la Baltique. En matière de biodiversité, le pays a récemment amélioré sa surveillance des habitats et des espèces d’importance communautaire, ce qui est à saluer. Mais de tous les pays de l’Union européenne, la Lituanie enregistre le taux le plus bas d’évolution inconnue de l’état de conservation (AEE, 2020) en raison d’un niveau de surveillance faible en dehors des aires protégées.
Les principales sources de pression sur la biodiversité sont l’extension des grandes cultures consommant davantage d'intrants, la déprise agricole dans les zones de petites exploitations et les activités d’exploitation forestière. Les superficies de terres labourables et de forêts, qui représentent chacune environ un tiers du territoire terrestre, ont augmenté au cours des 15 dernières années. Les pressions dues à l’urbanisation sont minimes pour un pays européen : les zones urbaines représentent quelque 3.5 % du territoire terrestre. Le taux d’artificialisation des sols depuis 2000 (nouvelles terres utilisées pour des constructions en pourcentage de la superficie totale de terres) est le sixième plus faible de l’Union européenne.
Les forêts jouent également un rôle économique important, elles offrent des possibilités de loisirs et captent le dioxyde de carbone. La reconnaissance de leur importance transparaît dans les objectifs nationaux d’extension des surfaces boisées, qui visent à faire passer la superficie forestière de 33.7 % en 2018 à 35 % en 2030. Elle a effectivement augmenté ces dernières années grâce à des aides au boisement accordées aux propriétaires privés et à des restrictions limitant la conversion des terres boisées à d’autres usages.
Les aires protégées couvrent 17 % du territoire terrestre et, côté maritime, 23 % de la zone économique exclusive du pays. Le pays atteint l’objectif d’Aichi de 17 % pour les aires terrestres et dépasse celui fixé pour les aires marines et côtières, qui est 10 %. La gestion des aires protégées est toutefois fragmentée sur le plan institutionnel. Les actions de la protection de la biodiversité s’inscrivent le plus souvent dans le cadre de projets bénéficiant d’un soutien financier de l’Union européenne. La Lituanie envisage de regrouper les nombreuses agences régionales chargées des aires protégées en une agence nationale unique qui permettrait une gestion plus harmonisée.
Encadré 1. Recommandations relatives au climat, à l’air, aux déchets et à la gestion des ressources naturelles
Atténuation du changement climatique
Soutenir l’objectif ambitieux de neutralité carbone en cherchant et en exploitant les synergies entre les mesures climatiques et les priorités nationales en matière de développement des entreprises, de sécurité énergétique, de qualité de l’air et de l’eau, de qualité de la vie et de logement.
Optimiser l’utilisation des fonds de l’UE, notamment des financements de relance, afin d’accélérer la mise en œuvre du PNEC et d’autres initiatives pertinentes ; suivre les progrès réalisés en direction des objectifs et surveiller de près les résultats des différentes mesures prises.
Amélioration de la qualité de l’air
Réduire les émissions d'ammoniac en réglementant l’épandage d’engrais minéraux et en appliquant de bonnes pratiques agricoles, par exemple la gestion intégrée des effluents d’élevage.
Surveiller étroitement la qualité de l’air dans les zones urbaines denses où les combustibles solides sont très utilisés pour chauffer les logements ; instaurer des obligations contrôlables pour la qualité des combustibles solides en tant que de besoin ; renforcer le contrôle des appareils de chauffage domestiques.
Amélioration de la qualité de l’eau
Réduire la charge en azote due à l’agriculture en imposant des obligations sur la planification et la consignation de la consommation d’engrais, en définissant des limites plus strictes pour l’épandage d’engrais dans les zones ciblées et en mettant en place des dispositifs volontaires, des initiatives de sensibilisation et des formations pour les agriculteurs.
Achever la modernisation des infrastructures de distribution d’eau et d’épuration des eaux usées afin de réduire l’impact sur les cours d’eau.
Passage à une économie circulaire
Maintenir les importants progrès réalisés en matière de réutilisation et de valorisation des déchets en élargissant les programmes destinés à encourager l'évolution des comportements et à inciter les ménages à mieux trier leurs déchets.
Mettre davantage l’accent sur la réduction de la production de déchets par une démarche de conception des produits et des matériaux de construction prenant en compte tout le cycle de vie.
Conservation et utilisation durable de la biodiversité
Intégrer les questions de biodiversité dans l’ensemble des actions publiques ; améliorer la planification et la mise en œuvre des mesures de protection de la biodiversité et la surveillance de l’état de la biodiversité en dehors des aires protégées.
Réfléchir à la mise en place de paiements au titre des services écosystémiques et d’une gestion durable des forêts ; assurer la pérennité financière des programmes de protection de la biodiversité.
1.2. Gouvernance et gestion de l’environnement
Le système de gouvernance environnementale de la Lituanie est un système centralisé, où les autorités locales ont un rôle minime et où la participation citoyenne aux processus décisionnels est relativement faible par rapport à beaucoup d’autres pays de l’UE. Le cadre réglementaire a été renforcé ces 20 dernières années, la législation environnementale nationale ayant été alignée sur les directives de l’UE. Mais les bonnes pratiques sont lentes à se mettre en place.
Malgré des mécanismes de coordination officiels, les politiques publiques doivent gagner en cohérence en matière d’environnement
Le ministère de l’Environnement, qui est chargé de définir les politiques, et les institutions placées sous ses ordres, qui sont investies de missions de réglementation, de contrôle de conformité et de gestion de problèmes spécifiques, s’occupent de toutes les questions environnementales. Dans le cadre du programme gouvernemental 2021‑24, le ministère de l’Environnement a annoncé un objectif ambitieux pour la Lituanie : devenir neutre en carbone en parvenant à une économie circulaire à l’horizon 2050. Des groupes de travail inter-institutions collaborent à l'élaboration de documents législatifs et stratégiques ainsi que dans le cadre d’initiatives fédérant les acteurs publics concernés. Cependant, les questions environnementales ne sont toujours pas abordées à l’échelle de l’ensemble des pouvoirs publics. Une meilleure coordination est nécessaire pour intégrer convenablement les dimensions environnementales dans les politiques sectorielles.
Les municipalités bénéficient d’un soutien de l’État dans leurs actions environnementales. Beaucoup d’entre elles ont élaboré des plans de mobilité urbaine durable (PMUD, section 4) mais ne jouent pas encore un rôle actif dans d’autres domaines clés de l’action publique, comme l’atténuation du changement climatique et l'adaptation à ses effets, ou encore l’économie circulaire.
La réglementation environnementale devient plus efficace mais devrait être encore améliorée
Le processus d’autorisation a été fluidifié depuis que les demandes sont déposées et les permis délivrés via le portail lituanien d’administration électronique. Les études d’impact sur l’environnement (EIE) et les procédures d’autorisation sont liées : les autorités de délivrance ne peuvent aller à l’encontre d’une décision négative d’une EIE mais n’en intègrent pas toujours les conditions dans les permis qu’elles accordent.
Les installations qui ne sont pas soumises à un régime d’autorisation intégré bénéficient permis de polluer simplifiés assortis de conditions liées à des impacts précis (traitement des déchets, émissions dans l’atmosphère ou rejets d’eaux usées). Toutefois, pour les installations à faible impact, le pays n’impose pas d’obligations environnementales standards propres à l’activité concernée. L’application de cette bonne pratique internationale pourrait réduire les coûts des procédures réglementaires pour les autorités compétentes et la charge administrative pour les entités soumises à la réglementation.
Les analyses d’impact de la réglementation couvrent les aspects environnementaux des projets de loi mais ne les évaluent que superficiellement. Une méthode d’évaluation ex post de l’impact des dispositions législatives et réglementaires est en cours d’élaboration. Des évaluations environnementales stratégiques sont réalisées au niveau national et municipal pour les plans et programmes susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’environnement. Le contrôle de qualité sur les plans locaux d’occupation des sols et l’intégration des dimensions environnementales dans ces plans sont insuffisants. Par exemple, la planification de l’occupation des sols et la planification des transports devraient être davantage coordonnées.
Le niveau élevé de non-conformité appelle à multiplier les inspections aléatoires et à renforcer l’application de la réglementation
Le contrôle de la conformité est en partie fondé sur les risques : il repose essentiellement sur 12 critères de risque, dont les antécédents de l’opérateur en matière de conformité. Il doit néanmoins respecter les fréquences d’inspection minimales et maximales définies dans la législation. Le pourcentage d’inspections planifiées – légèrement supérieur à 50 % du total – est moins élevé que dans la plupart des pays membres de l’OCDE, signe que les contrôles ont surtout lieu après une alerte. Le nombre annuel d’inspections planifiées a diminué ces dernières années, tandis que le nombre de celles conduites à la suite d’un incident ou d’une plainte a augmenté. Les informations relatives aux entités visées par la réglementation ne sont pas bien tenues à jour, ce qui peut entraîner des lacunes dans la planification des inspections (NAO, 2020).
Le taux de non-conformité est élevé : en moyenne, plus de 60 % des inspections permettent de détecter au moins une infraction. Malgré les modifications apportées à la législation en 2020 pour renforcer les moyens de sanction, les amendes administratives sont encore trop faibles pour avoir un effet dissuasif et le volume annuel des amendes infligées a chuté pratiquement de moitié sur la période 2016‑20. En outre, seulement les deux tiers environ du montant des amendes infligées ont été collectés, ce qui diminue encore l’efficacité des sanctions administratives. Quelques dossiers donnent lieu à l’engagement de poursuites, dont seulement la moitié débouchent sur une condamnation.
Les mécanismes de réparation des dommages causés à l’environnement ont besoin d’être renforcés
La législation lituanienne exige que les dommages causés à l’environnement soient réparés autant que possible par des mesures de remise en état. Mais comme dans les deux autres États baltes, la partie responsable verse généralement une indemnisation monétaire à un fonds budgétaire d'affectation spéciale au lieu de nettoyer les lieux. Ce type d’indemnisation ne reflète pas les dommages réellement causés à l’environnement et n’encourage pas la remise en état.
Le recours à des mécanismes de garantie financière pour assurer le nettoyage des contaminations récentes et anciennes est très rare. La remise en état représente donc un immense fardeau pour l’État en cas d’insolvabilité de la partie responsable des dommages environnementaux. De ce fait, la Lituanie dépend presque entièrement des financements de l’UE pour gérer les anciens sites contaminés. Des mesures beaucoup plus énergiques doivent être prises pour assainir quelque 800 sites ayant besoin d’être remis en état dans le pays.
Les pratiques écologiques pourraient être davantage encouragées par un meilleur accompagnement et dans le cadre des marchés publics
Les autorités lituaniennes chargées de vérifier le respect de la législation environnementale ne s’occupent généralement pas d’informer et d’aider les entités visées. Cette situation est en train de changer lentement, des incitations financières ayant été mises en place afin d’encourager les petites et moyennes entreprises à adopter un système de management environnemental et à réaliser des audits environnementaux. Il y a toutefois un manque général d’informations sur les bonnes pratiques environnementales. Assez peu d’accords volontaires sont passés avec des entreprises concernant des objectifs environnementaux.
Les marchés publics écologiques ne sont pas non plus assez exploités comme outil de promotion de produits et de pratiques de production durables. Même si les pouvoirs publics les mettent davantage en avant depuis peu, leur mise en œuvre reste néanmoins très loin des objectifs et les antécédents des fournisseurs en matière de conformité aux prescriptions environnementales ne font pas partie des critères d’adjudication. Le ministère de l’Environnement prévoit de revoir, d’actualiser et d’accroître le nombre de critères des marchés publics écologiques, de simplifier les obligations d’information sur ces marchés et de mettre en place un centre de compétences en matière de marchés publics écologiques afin d’aider directement les gestionnaires de marchés publics.
Un meilleur accès à l’information et à l’éducation permettrait une plus grande participation du public
Le ministère de l’Environnement et les autorités sous ses ordres ont l’habitude d’associer des représentants de la société civile aux décisions importantes et à la rédaction des grands projets de loi. Mais il n’y a pas de dialogue actif avec la société civile sur les principales priorités de l’action publique dans le domaine environnemental, en particulier au niveau local. Le public intervient peu dans les études d'impact sur l’environnement, la délivrance des autorisations et la planification de l’utilisation des sols. La sensibilisation de la population à l’environnement est également en dessous de la moyenne de l’UE. Les autorités environnementales et plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont actives en matière d’éducation à l’environnement, mais leurs efforts sont loin de satisfaire le besoin de stimuler la participation du public dans les prises de décision en rapport avec l’environnement. Il n’y a pas de politique uniforme d’éducation à l’environnement dans les établissements d’enseignement secondaire.
La plupart des informations environnementales étant accessibles au public mais réparties entre différents sites web des autorités, il est plus difficile pour les internautes de les localiser et de s’y retrouver. Le bilan général sur l’état de l’environnement a cessé d’être publié en 2015 par manque de moyens. Les informations sur les activités de contrôle de la conformité et les sanctions prises à l’encontre des entités économiques ne sont pas accessibles au public.
Les tribunaux administratifs peuvent statuer à la fois sur le fond et la forme des actions gouvernementales. Les juges des tribunaux administratifs suivent régulièrement des formations nationales et internationales en droit de l’environnement. En revanche, les ONG ne peuvent pas bénéficier d’une aide juridictionnelle et l’accès à la justice se heurte aux coûts potentiellement élevés des procédures judiciaires.
Encadré 2. Recommandations relatives à la gouvernance et à la gestion de l’environnement
Cadre institutionnel et réglementaire
Promouvoir l’approche pangouvernementale de la gestion de l’environnement par une meilleure intégration des questions environnementales dans les politiques sectorielles, une coordination interministérielle plus effective et une utilisation plus efficace des ressources disponibles ; donner aux municipalités la capacité de prendre davantage d’initiatives allant dans le sens du programme d’action national en matière de changement climatique, d’économie circulaire et de mobilité durable.
Renforcer la dimension environnementale de l'évaluation ex ante et ex post des lois et règlements ; veiller à une meilleure intégration des questions environnementales dans la planification de l'utilisation des sols.
Améliorer l’efficacité de la réglementation en instaurant des règles générales obligatoires fondées sur les meilleures techniques disponibles pour les installations à faible impact environnemental dans les secteurs d'activité où il existe différentes installations et des processus similaires.
Contrôle de la conformité
Augmenter le nombre d’inspections ciblées sur des risques ; sanctionner davantage les infractions environnementales par des amendes administratives et relever le montant de celles-ci en fonction de l’avantage économique que l’auteur de l’infraction en retire ; améliorer la collecte des amendes infligées.
Faciliter la pleine application de la réglementation en matière de responsabilité environnementale afin de garantir la réparation des dommages causés à l’environnement aux frais de la partie responsable ; accélérer le nettoyage des anciens sites contaminés en assurant des moyens financiers suffisants.
Mieux encourager le respect de la réglementation et les pratiques professionnelles écologiques au moyen d’instruments informationnels ; inclure la conformité dans un ensemble simplifié de critères d’adjudication des marchés publics écologiques et veiller à ce qu’ils soient appliqués par toutes les organisations publiques.
Démocratie environnementale
Étendre les activités de sensibilisation à l’environnement et d’éducation des adultes et associer le grand public plus activement aux décisions environnementales au niveau national et local.
Regrouper les sources publiques d’information environnementale et assurer la communication régulière de données sur l’état de l’environnement ; donner au public accès aux informations relatives à la conformité des installations polluantes.
Lever les obstacles financiers à l’accès à la justice en imposant aux administrations publiques de couvrir leur part des coûts judiciaires quelle que soit la décision finale du tribunal ; permettre aux ONG d’accéder à l’aide juridictionnelle.
1.3. Vers une croissance verte
La Lituanie est une petite économie ouverte qui s’est développée à un rythme soutenu ces dernières décennies, son PIB par habitant convergeant rapidement vers la moyenne de la moitié supérieure de la zone OCDE. Toutefois, les pénuries de compétences et la faible productivité dans certaines parties de l’économie constituent une source de fragilité. Après s’être assez modérément contracté en 2020, le PIB devrait progresser d’environ 3 % en 2021 et 2022 en moyenne, la confiance se renforçant et les investissements reprenant lentement avec le déploiement de la vaccination (OCDE, 2020b). Dépendante des importations d’énergie (section 1), la Lituanie a fortement intérêt à s’engager dans une démarche de transition énergétique et de croissance verte plus généralement.
Face à la pandémie de COVID‑19, les autorités gouvernementales ont rapidement mis en place un programme de soutien aux ménages et aux entreprises représentant près de 10 % du PIB et prévoient de nouveaux investissements afin de promouvoir la croissance à long terme (OCDE, 2020c). L’arsenal de mesures comprend des subventions salariales assurant aux travailleurs de recevoir au moins le salaire minimum, une allocation forfaitaire pour les travailleurs indépendants assurés, des indemnités de maladie plus élevées pour les employés ayant contracté le virus, et un programme de rénovation des immeubles d’habitation afin d’améliorer l’efficacité énergétique. Des mesures spéciales de relance dans le contexte du COVID‑19 ont été instaurées pour les entreprises « vertes », mais elles ont été levées une fois la reprise économique en marche. Il importe de surveiller de plus près les performances environnementales des entreprises recevant une aide pour sortir de la crise.
Une meilleure coordination de la planification stratégique s'impose
Chaque organisme lituanien est guidé par la stratégie générale « Lituanie 2030 ». D'après un rapport national volontaire sur la mise en œuvre du Programme 2030, la plupart des ODD et de leurs cibles transparaissent dans les documents de planification stratégique de la Lituanie (ONU, 2018). Bien que dressant un bilan de la situation par rapport à tous les ODD, ce rapport n’indique pas que l’environnement constitue une priorité. Comme prévu, il a été entrepris d’actualiser la stratégie Lituanie 2030 au regard du Programme 2030 (Blöchliger et Strumskyte, 2021).
Le pays a élaboré un large éventail de plans environnementaux ces dernières années. En 2019, le gouvernement a présenté sa stratégie nationale à long terme de gestion du changement climatique conformément aux règlements de l’UE, en fixant un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Le PNEC définit les mesures d’atténuation et d’adaptation à prendre à moyen terme (2021‑30) pour soutenir sa mise en œuvre et accorde une attention particulière aux transports et à l’agriculture. Le plan national de réduction de la pollution de l’air a été adopté en 2019. La stratégie nationale de protection de l’environnement 2016 énonce un ensemble de principes, d’objectifs et de cibles pour l’horizon 2030 autour de quatre grands axes : l’utilisation durable des ressources naturelles et la gestion durable des déchets, l’amélioration de la qualité de l’environnement, le maintien de la stabilité des écosystèmes et l’atténuation du changement climatique et l'adaptation à ses effets. Des mesures supplémentaires de promotion d'une économie verte sont attendues dans le cadre du plan national pour le progrès 2021‑30, du nouveau programme gouvernemental et du plan de relance 2021 « Lituanie nouvelle génération ».
En 2020, le Premier ministre a créé un groupe de travail gouvernemental afin de mieux coordonner l’exécution du PNEC et d'aborder les thèmes inscrits dans le programme du Pacte vert de l’Union européenne. Ce groupe de travail est composé de vice-ministres et d'autres hauts responsables des ministères clés chargés de mettre en œuvre le PNEC. Il coordonne, entre autres, le transfert des mesures et indicateurs de ce plan dans les documents de planification nationale des investissements. Ce type de coordination à haut niveau sur des mesures de politique publique corrélées est utile.
Des financements privés sont nécessaires pour pouvoir investir massivement dans l'écologisation de l’économie
Les dépenses publiques (principalement des administrations locales) consacrées à la protection de l’environnement ont diminué, passant de 1.3 % du PIB en 2000 à 0.3 % en 2018, soit moins de la moitié de la moyenne de l’OCDE qui s'établit à 0.8 %. Il importe d’inverser ces tendances. Par exemple, d’après les projections de l’OCDE, la mise en conformité avec la législation de l’UE relative à l’alimentation en eau et à l’assainissement demandera d’augmenter de 40 % les investissements annuels d’ici à 2030 (OCDE, 2020d). Pour mettre en œuvre les mesures annoncées dans le PNEC, la Lituanie estime avoir besoin de 14 milliards EUR, provenant pour l’essentiel de financements publics.
Par le passé, la Lituanie a bénéficié d’importants apports des Fonds structurels et d’investissement européens. Sur la période 2014‑20, le pays a reçu 8.4 milliards EUR dans différents domaines de l’action publique, dont beaucoup ont un lien avec l’environnement (par exemple la protection de l’environnement et l’efficacité d’utilisation des ressources, l’économie bas carbone, l’adaptation au changement climatique et la prévention des risques) (Graphique 4). Les financements de l’UE dans ces domaines thématiques ont été complétés par 1.6 milliard EUR de financements nationaux.
D'après les estimations, il faudrait, au cours des dix années à venir, investir 3 % du PIB par an dans l’énergie durable et l'action climatique (CE, 2020). La Lituanie compte financer ces investissements par des fonds de l’UE et d’autres sources externes (50 %), des financements de l’État (21 %) et des capitaux privés (29 %). La facilité pour la reprise et la résilience de l’UE impose que ses fonds soient utilisés dans le respect de six objectifs environnementaux définis. Les investissements réalisés dans le cadre des mesures de relance de la Lituanie auront ainsi de bonnes chances de contribuer à verdir l’économie lituanienne. Aucun plan clair n’est toutefois prévu pour mobiliser les financements privés nécessaires.
La production d’électricité à partir de sources renouvelables est encouragée par des majorations de prix et un accès prioritaire au réseau. Les particuliers et les entreprises peuvent bénéficier d’une aide financière pour mettre à la casse leurs voitures anciennes très polluantes et acheter des véhicules à plus faibles émissions. Des aides sont également disponibles pour financer des mesures d’efficacité énergétique et l’installation de systèmes à énergie renouvelable dans les logements privés, ainsi que pour remplacer des chaudières anciennes par des pompes à chaleur ou des chaudières écoconçues à biocombustibles solides. Ce type de dispositifs pourrait réduire la consommation d’énergie et les émissions de particules dans l’atmosphère. Cependant, les évaluations ex post de programmes de subventions similaires dans d'autres pays ont rarement montré que les bénéfices nets pour la société étaient supérieurs aux coûts.
Des objectifs ambitieux ont été définis en matière d’innovation mais il n’est pas certain qu’ils soient atteints
La Lituanie affiche des résultats modestes en matière d’innovation écologique. Le budget public de recherche-développement (R‑D) consacré à l’environnement a reculé ces dix dernières années. Dans le secteur de l’énergie, le budget public de R‑D par unité de PIB fait partie des dix plus bas parmi les pays membres de l’AIE (AIE, 2021). En 2019, il figurait parmi les trois derniers du classement des pays membres de l’OCDE. Les sources d'énergie renouvelables, principalement l’énergie solaire et les biocombustibles, ont représenté un quart des dépenses totales.
La part des brevets environnementaux dans l’ensemble des brevets déposés en Lituanie est du même ordre que celle des autres États baltes et que la moyenne de l’OCDE. Mais les chiffres sont bas en valeur absolue. Si le nombre de brevets en rapport avec la gestion de l’environnement a augmenté récemment, le nombre de ceux portant sur l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets a diminué.
La stratégie nationale pour l’indépendance énergétique énumère neuf domaines prioritaires et présente 11 mesures destinées à stimuler la croissance des exportations et la création de nouvelles formes d’activités. Parmi les objectifs énoncés dans le programme national de réforme figure aussi celui d’accroître sensiblement la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique. À l'échelle nationale, les entreprises et les organismes de R‑D ont accumulé d’importantes compétences dans les domaines de l’énergie solaire, de la biomasse, de l’énergie géothermique et du gaz naturel liquéfié (GNL). Bien que le pays souhaite aussi investir dans le développement de nouvelles sphères, il risque de manquer de ressources humaines et financières pour réaliser ces ambitions. Il est donc important de soumettre systématiquement les projets d’investissement à une analyse coûts-avantages.
Le ministère de l’Énergie a lancé un plan d'action 2020 visant à renforcer l’innovation énergétique de la Lituanie. Le plan prévoit plus d’une cinquantaine de mesures dans les domaines des infrastructures, des ressources humaines, des produits et services, de l’environnement réglementaire, des sciences et des technologies. La plupart doivent être mises en œuvre d’ici à 2023. Par ailleurs, une loi portant création du fonds de promotion de l’innovation a été adoptée en juin 2020. Le fonds accordera des prêts, des garanties et du capital-risque à des jeunes entreprises et des projets de R‑D.
Le programme de spécialisation intelligente a pour but d’augmenter sensiblement les activités d’innovation dans le pays. L’objectif est de faire passer les investissements dans la R‑D de 1.04 % du PIB en 2015 à 1.9 % en 2023 et de doubler le nombre de dépôts de brevets pendant la même période. Toutefois, les investissements dans la R‑D n’étant pas remontés depuis une baisse brutale en 2016, il est peu probable que ces objectifs soient atteints. Une évaluation d’impact du programme est prévue pour la fin 2021.
Les taxes sur l’énergie devraient avoir une plus grande coloration écologique
La fiscalité est trop axée sur le travail, ce qui pénalise la croissance et l’emploi. Les recettes tirées des taxes liées à l’environnement, moins génératrices de distorsion, s’élevaient à environ 2 % du PIB en 2018, soit moins qu’en 2000 et que la moyenne des pays européens de l’OCDE, égale à 2.3 %. La quasi-totalité des recettes (90 %) proviennent des droits d’accise sur le pétrole et les produits pétroliers, le reste étant constitué des taxes sur la pollution et sur l’utilisation des ressources naturelles.
Les droits d'accise sur l’essence et le gazole imposés en Lituanie sont parmi les plus bas de l’OCDE. Le pays affiche aussi l’un des plus grands différentiels de taxe entre le gazole et l’essence. Le faible taux de taxation du gazole a contribué à une diésélisation rapide du parc de véhicules particuliers au cours de la décennie écoulée. Cette évolution a entraîné une hausse des émissions de polluants atmosphériques locaux, avec des effets négatifs sur la santé humaine. En 2019, les véhicules diesel formaient 69.2 % du parc automobile individuel lituanien, contre seulement 15.2 % en 2010. Le pays arrive ainsi en tête des pays de l’UE pour la part des véhicules diesel (section 4). Il faut néanmoins souligner que la taxe sur le gazole utilisé dans l’agriculture a presque triplé entre juillet 2015 et janvier 2020.
La fiscalité énergétique n’est pas à la hauteur des coûts environnementaux de la consommation d'énergie. Le taux d’imposition effectif des émissions de dioxyde de carbone (CO2) imputables à la consommation d’énergie est faible, en particulier dans le secteur routier (Graphique 5). La Lituanie n’a pas de taxe carbone explicite. En 2021, un texte de loi devrait réviser les taux réduits des droits d'accise et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicables aux combustibles fossiles et introduire une composante CO2 dans les prix des carburants, établissant un lien entre les taux d’imposition de tous les carburants et les émissions de CO2.
En 2019, le soutien à la consommation d'énergies fossiles a absorbé 34 % du produit de la fiscalité énergétique. Il prend principalement la forme d’avantages fiscaux favorisant la consommation de produits pétroliers, en particulier une taxation plus faible des produits pétroliers de chauffage et du gazole utilisé dans l’agriculture. Ces avantages fiscaux réduisent l’assiette fiscale et tirent les prix du carbone vers le bas. Le soutien à la consommation de combustibles fossiles a augmenté sensiblement au cours de la décennie écoulée du fait du manque à gagner plus important induit par les avantages fiscaux.
Des changements positifs sont intervenus dans la fiscalité des véhicules à moteur, mais il faut aller plus loin
La Lituanie a instauré une nouvelle taxe d’immatriculation sur les voitures particulières en 2020, ce qui est un bon point. Ses taux sont différenciés selon le niveau des émissions de CO2 du véhicule et le carburant utilisé. Cette taxe s’applique toutefois uniquement aux véhicules émettant plus de 130 grammes de CO2 au kilomètre (g CO2/km). Les taux applicables aux véhicules plus émetteurs sont relativement faibles, en particulier pour ceux qui ne fonctionnent pas au diesel. Autre signe de progrès, la Lituanie prévoit de remplacer l’Eurovignette, droit d'usage fondé sur la durée dont les poids-lourds doivent s’acquitter pour circuler, par un droit d’usage kilométrique, dont le montant varierait selon la catégorie Euro à laquelle le véhicule appartient. La Lituanie envisage également d'assujettir les propriétaires de véhicules de transport de personnes à une taxe annuelle, dont le montant dépendrait du bilan environnemental du véhicule, et non de la distance parcourue.
En 2015, l’écart enregistré en Lituanie entre les coûts et les avantages d’une voiture de fonction figurait parmi les plus élevés de l’Union européenne (Princen, 2017). La suppression du traitement fiscal préférentiel octroyé aux voitures de fonction, qui coûte cher et profite surtout à des personnes à hauts revenus, contribuerait à internaliser les coûts environnementaux et sociaux du transport routier.
Les taxes sur la pollution de l’air et de l’eau sont faibles mais couvrent un grand nombre de polluants
La Lituanie impose des taxes sur certains polluants atmosphériques et aquatiques émis par des sources fixes. Les taux d'imposition des émissions atmosphériques et des rejets d’eaux usées ont pour la dernière fois été relevés en janvier 2021. Pour certains polluants atmosphériques comme les particules, les métaux lourds et les composés organiques volatils, des hausses progressives des taux d’imposition sont prévues jusqu’en 2023. Les taux n’en resteront pas moins faibles (par exemple, dans le cas de l’ammoniac) par rapport à la fois aux coûts sociaux estimés des polluants respectifs et aux coûts de leur atténuation.
Les aides financières versées au titre de la Politique agricole commune de l’UE ont conduit à une augmentation de 20 % de la superficie de terres agricoles depuis l’adhésion de la Lituanie à l’Union européenne en 2004. L’environnement en a pâti en raison de la consommation accrue d’engrais de synthèse et de combustibles fossiles, ainsi qu'à travers le recul des prairies et des pâturages. Dans le même temps, les mesures de soutien prévues dans les programmes nationaux de développement rural ont encouragé les agriculteurs à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement, comme l’agriculture biologique, les services écosystémiques forestiers et la protection de la qualité de l’eau.
Afin de réduire la mise en décharge des déchets municipaux, il est prévu d’augmenter chaque année la taxe de mise en décharge de 5 EUR par tonne jusqu’en 2024, où elle atteindra 25 EUR par tonne de déchets. Il serait utile de relever davantage cette taxe pour la porter à 50 EUR la tonne, comme les autorités publiques l’avait proposé initialement.
Encadré 3. Recommandations relatives à la croissance verte
Renforcement de la cohérence des politiques de développement durable
Veiller à ce que les mesures de relance économique post-COVID‑19 contribuent à écologiser l’économie en subordonnant les aides aux entreprises et aux ménages au respect d’obligations environnementales et climatiques.
Promotion des investissements dans la sobriété en carbone et de l’éco-innovation
Améliorer la cohérence des différents programmes d’investissement dans l’économie verte et élaborer un plan concret de mobilisation d’investissements privés.
Évaluer les avantages comparatifs de la Lituanie et accroître les dépenses publiques de R‑D liées à l’environnement et à la transition énergétique bas carbone dans les domaines les plus prometteurs.
Écologisation de la fiscalité et des subventions
Relever progressivement les taux d’imposition du gazole au moins jusqu’au niveau actuel de la taxe sur l’essence et évaluer si de nouvelles hausses des deux taxes permettraient d’encourager les ventes de véhicules à émission zéro.
Instaurer une taxe carbone sur tous les usages de combustibles fossiles non couverts par le SEQE de l’UE, notamment la consommation résidentielle de charbon, et augmenter les taux d'imposition progressivement, tout en prenant des mesures pour atténuer la charge sur les ménages les plus touchés.
Étendre la nouvelle taxe d’immatriculation différenciée selon le niveau de CO2 à tous les véhicules de transport de personnes, notamment aux classes d’émissions de CO2 inférieures à 130 g CO2/km ; augmenter les taux d’imposition pour tous les véhicules sans avantager les motorisations diesel.
Instaurer une taxe annuelle sur les véhicules à moteur de transport de personnes, dont les taux dépendront du niveau d’émission de CO2 et de polluants atmosphériques du véhicule ; envisager de la compléter d'une composante fondée sur la distance parcourue.
Mettre en place la redevance kilométrique prévue pour les poids-lourds et réfléchir aux moyens de différencier les taux d’imposition en fonction de l’heure et du jour de la semaine pour remédier aux encombrements routiers.
Augmenter davantage les taux des taxes de pollution de l’air et de l’eau afin de mieux rendre compte des dommages sociaux des émissions, tout en mettant en place des incitations propres à favoriser le passage à des technologies plus propres ; se concentrer sur un nombre de polluants beaucoup plus restreint.
Supprimer progressivement les mesures de soutien aux combustibles fossiles, notamment le taux de TVA réduit sur le chauffage central, tout en prenant des mesures appropriées pour limiter la charge sur les entreprises et les ménages les plus touchés.
Créer un mécanisme pluripartite destiné à surveiller et à soutenir la réforme des taxes et subventions en rapport avec l’environnement ; élaborer rapidement un plan d’élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles et des autres subventions néfastes à l’environnement.
Augmenter progressivement la taxe de mise en décharge des déchets municipaux au-delà des niveaux envisagés aujourd’hui.
1.4. Mobilité durable
La Lituanie se trouve face à des objectifs très ambitieux de décarbonation d’ici à 2030 pour les secteurs non couverts par le SEQE. La cible nationale nouvellement adoptée en 2030 en matière de réduction des émissions de GES, 25 % (par rapport aux niveaux de 2005) pour les secteurs hors SEQE, va au-delà de la réduction de 9 % imposée dans le Règlement de l’UE relatif à la répartition des efforts (section 1). Le programme national de gestion du changement climatique prévoit une réduction de 14 % pour le secteur des transports, premier responsable des émetteurs. Pour atteindre cet objectif, la Lituanie a besoin de modifier sa trajectoire en matière à la fois d’aménagement et de transport urbains. Un vaste ensemble de mesures devront être déployées rapidement pour promouvoir la mobilité durable et diminuer les émissions des transports routiers en particulier. Certaines mesures sont prévues dans le PNEC, mais il reste encore à définir les autres et à les mettre en œuvre.
Il est indispensable de décarboner le secteur des transports pour atteindre les objectifs nationaux d’atténuation du changement climatique
Les transports représentaient 30 % des émissions directes de GES de la Lituanie en 2018 et étaient donc le secteur le plus émetteur, devant l’agriculture (21 %). Les émissions imputables au secteur des transports ont progressé de 38 % ces dix dernières années et devraient fortement augmenter au moins jusqu’en 2024 en l’absence de mesures supplémentaires (Gouvernement lituanien, 2020). Ce secteur est également la principale source de NOx et de particules fines (PM2.5), contribuant à 71 % et 23.5 % du total de leurs émissions nationales respectives.
La dispersion de l’habitat et la faible densité de population du pays font de la route le mode dominant aussi bien pour le transport de personnes que pour le transport de marchandises. De ce fait, les transports routiers constituent la plus importante source de GES avec 96 % des émissions du secteur en 2018. Les voitures représentaient 58 % de la consommation énergétique totale des transports en 2018, devant les camions (38 %), un pourcentage relativement élevé au regard des critères internationaux.
Depuis 2013, la Lituanie a enregistré une hausse de 26 % de la demande énergétique due aux transports et une augmentation associée des émissions de GES, qui ont progressé de 50 % depuis 2005 (Graphique 6). L’usage de la voiture est en recul depuis 2005 en raison d’une baisse de la demande de trajets longue distance. Ce phénomène a à son tour atténué l’impact négatif du vieillissement du parc de véhicules et de l’augmentation du pourcentage de voitures d’occasion très polluantes importées. En 2019, le parc automobile était composé à 70 % de voitures diesel ayant en moyenne 15 ans et émettant en moyenne entre 160 et 170 g CO2/km (Gouvernement lituanien, 2020). La part importante de voitures diesel soulève également des problèmes de santé liés à la pollution atmosphérique urbaine.
La part croissante des véhicules diesel s’explique en grande partie par le niveau des taxes sur les carburants, traditionnellement plus bas pour le gazole que pour l’essence. Jusqu’en juin 2020, la Lituanie faisait partie des rares pays de l’UE à ne pas imposer de taxe d’immatriculation ou de circulation aux propriétaires de véhicules non utilitaires. Elle a récemment révisé son régime fiscal et instauré une taxe d’immatriculation sur les véhicules à moteur, fondée sur le niveau d’émissions de CO2. Les taux de cette taxe demeurent toutefois faibles par rapport aux autres pays de l’UE (section 3).
La Lituanie se trouve face à des objectifs très ambitieux de décarbonation d’ici à 2030 pour les secteurs non couverts par le SEQE. La trajectoire sur laquelle elle est engagée ne lui permettra pas de mener à bien la décarbonation progressive envisagée dans le PNEC. D’après les prévisions, les émissions de GES vont augmenter ou rester stable dans toutes les filières de transport par rapport à 2005. Dans la filière ferroviaire, l’électrification des lignes en cours pourrait réduire la consommation de combustibles fossiles de 47 % d’ici à 2040. En revanche, la diminution des émissions de GES dans les transports routiers reste problématique. Les mesures actuelles ne contribueront pas nécessairement à des baisses sensibles de la consommation d’essence et de gazole. D’ici à 2040, les transports routiers devraient représenter quelque 96.6 % des émissions de GES imputables au secteur des transports. La modernisation prévue du parc de véhicules de transport ne suffira pas non plus à atteindre les objectifs nationaux en matière d’émissions de NOx. Pour remplir ses objectifs, qu'il s'agisse de ceux fixés à l’échelle nationale ou par l’UE, la Lituanie devra accélérer le processus et adopter des mesures supplémentaires afin de réduire les émissions associées à la mobilité et au fret.
Une stratégie claire et plus ambitieuse est nécessaire pour permettre au secteur des transports d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050
Pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de GES fixé pour le secteur des transports à l’horizon 2030, le pays prévoit de recourir davantage aux carburants de remplacement et aux technologies de transport novatrices, d’électrifier son réseau ferroviaire et de renforcer les instruments fiscaux appropriés (section 3). La loi de 2021 relative aux carburants de remplacement impose d’encourager les biocarburants et l’hydrogène afin d’augmenter la part des sources d'énergie renouvelables dans la consommation énergétique finale du secteur d’ici à 2030.
Comme suite à la conclusion, en 2021, de l'accord provisoire concernant la loi européenne sur le climat, la Lituanie devra fixer un objectif plus rigoureux pour le secteur des transports de façon à l’amener à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cette révision, qui s’inscrira dans le cadre national de lutte contre le changement climatique, demandera d’accélérer la mise en œuvre de toutes les mesures énoncées dans le PNEC. Des mesures supplémentaires devront aussi être prises pour faire face à l’augmentation du nombre de voitures en circulation et encourager le passage à des modes de transport durables.
Une plus grande cohérence entre les politiques publiques aiderait à atténuer l’impact des transports sur le climat et la qualité de l’air
Ces dix dernières années, la Lituanie a élaboré un ensemble de documents de politique publique à moyen et long termes d’envergure nationale ou locale énonçant les principes à suivre pour réduire l’impact de différents secteurs sur l’environnement. Le PNEC est le principal document stratégique à moyen terme fixant des orientations pour les objectifs du pays en matière de changement climatique. Pour soutenir la mise en œuvre du plan, la stratégie nationale de gestion du changement climatique 2013‑50 définit des objectifs sectoriels précis afin de réduire les émissions de GES. Les objectifs de réduction des NOx pour les transports figurent dans le plan national pour le progrès 2021‑30. Les villes lituaniennes ont élaboré des PMUD afin de favoriser l’intégration de tous les modes de transport tout en encourageant le passage à des modes de transport plus durables.
Assurer la cohérence de toutes ces stratégies reste compliqué. Le manque de coordination entre les institutions chargées des transports et d'autres politiques urbaines complémentaires (par exemple l’occupation des sols) et entre les administrations nationales et locales gêne souvent la convergence des différentes politiques vers l’objectif de mobilité bas carbone. À ce jour, la Lituanie n’a pas de mécanismes en place pour suivre les résultats des villes au regard des objectifs d’atténuation du changement climatique énoncés dans un ensemble de documents stratégiques nationaux.
La Lituanie s’efforce d’améliorer l’articulation entre les documents stratégiques nationaux et les PMUD locaux. Le ministère des Transports et des Communications prévoit de mettre en place un dispositif national de suivi et d’évaluation, ainsi que des financements pour des mesures de mobilité durable. Il serait intéressant de relier ces fonds nationaux à la réduction des effets de la mobilité sur l’environnement dans les zones urbaines et de fournir des orientations pour l’évaluation des projets.
Le manque d’articulation entre la planification de l’occupation des sols et la planification des transports nuit à l’efficacité des politiques de transports urbains durables
En Lituanie, l’étalement urbain et la faible densité des constructions ont contribué au développement de modèles de transport non durables et à une dépendance excessive à l’égard des véhicules privés. La loi de 2021 sur l’aménagement des infrastructures municipales sera utile pour lutter contre l’étalement urbain. Elle dispose que, d’ici à 2023, les municipalités devront rectifier leurs plans généraux afin de définir les infrastructures prioritaires et non prioritaires. D’ici là, tous les promoteurs immobiliers devront payer des redevances d'aménagement plus élevées qui seront préaffectées à des améliorations nécessaires des infrastructures de transport.
Les PMUD ont attiré davantage l’attention sur la question de la durabilité des transports et des aménagements urbains. Mais bien que le nombre de PMUD avalisés par l’administration centrale augmente, leur mise en œuvre se heurte à certains problèmes. Dans la grande majorité des villes, la planification de l’occupation des sols et la planification des transports relèvent d’autorités distinctes qui se coordonnent peu ou pas du tout entre elles. Cela veut dire que les plans d’urbanisme et de transport fonctionnent séparément. De ce fait, de nombreux projets d’aménagement continuent d’être pensés pour la voiture. Ils sont souvent situés en périphérie des villes, loin des liaisons ou des services de transport, exacerbant ainsi le recours à la voiture et ses conséquences pour l’environnement. La Lituanie a besoin d’évoluer vers une approche plus intégrée de la planification durable des aménagements urbains et des transports dans l'optique d’améliorer l’accès de la population aux biens, aux services et aux activités. La pleine mise en œuvre des mesures pointées dans les PMUD nécessiterait de réglementer plus strictement la planification afin que tous les nouveaux aménagements favorisent un habitat compact et prévoient un accès facile aux liaisons de transport ainsi que des cheminements piétons et cyclistes sûrs.
Les priorités nationales en matière d’investissement sont trop tournées vers les infrastructures routières
La place prédominante donnée aux véhicules particuliers dans les politiques publiques se retrouve dans la répartition des investissements publics, puisque la route se taille la part du lion dans les financements aux transports terrestres. Les projets d’infrastructures de transport sont financés par des fonds de l’UE et par le budget national. S'agissant des fonds de l’UE, les montants alloués aux projets d'infrastructures ferroviaires et routières sont du même ordre. Les investissements de l’État dans le secteur ferroviaire devraient augmenter sensiblement en 2021‑23 mais, jusqu’à présent, ce sont les projets d’infrastructures routières qui ont prédominé dans les financements budgétaires. Une grande partie de ces investissements sont destinés à goudronner les nombreuses routes encore non revêtues à la campagne, afin d’améliorer la sécurité routière.
Pour éviter de se retrouver enfermée dans une trajectoire de développement très émettrice et d’exacerber sa dépendance à la voiture, la Lituanie doit veiller à ce que les investissements dans les transports publics et les modes durables demeurent prioritaires. Il faut donc limiter les investissements routiers aux opérations nécessaires d’amélioration des routes non revêtues, de maintenance et de construction, tout en donnant la priorité au train et au bus afin d’assurer un maillage inter-régional par des liaisons de haute qualité. Les transports publics ruraux, en particulier les bus, auront besoin d’investissements importants pour réduire la dépendance à la voiture pour les trajets locaux et améliorer l’interconnexion avec les modes de transport inter-régional.
Afin d'atténuer l’impact sur le climat et sur la qualité de l’air, des mesures supplémentaires devront être prises pour améliorer les transports publics et les modes de transport non motorisé dans les zones urbaines. Bien que les PMUD prévoient d'améliorer les transports publics et les cheminements piétons et cyclistes, ces mesures ne sont pas totalement appliquées par manque de financements. Les municipalités disposant de peu de sources de recettes fiscales, elles sont fortement tributaires des transferts de l’administration centrale. L’affectation des recettes de stationnement à l’amélioration des cheminements piétons et cyclistes pourrait constituer une importante source de financement local qui compléterait la réorientation nécessaire des fonds nationaux vers les modes de transport bas carbone.
La Lituanie a besoin de meilleurs dispositifs incitatifs pour amener les usagers à utiliser des modes de transport durables
Depuis 2019, la Lituanie a pris des mesures constructives pour diminuer les atteintes à l’environnement liées à la mobilité. Des incitations ont été mises en place pour encourager le choix de voitures moins polluantes, notamment une taxe sur les véhicules à moteur et des subventions à l’achat de véhicules électriques ou à faibles émissions. La nouvelle loi sur les carburants de remplacement instaure un système d’incorporation de biocarburants qui augmente les obligations d’incorporation applicables aux fournisseurs de carburant jusqu’à atteindre 16.8 % en 2030. La loi exige également que la totalité des bus et voitures particulières achetés dans le cadre de marchés publics utilisent des carburants de remplacement à partir de 2029 et que les villes créent des zones à faibles émissions au plus tard en 2023. Ces mesures devraient réduire le nombre de véhicules équipés de moteurs à combustion interne, ainsi que le nombre de voitures particulières. Néanmoins, les taxes sur les carburants demeurent parmi les plus basses de l’Union européenne et n’incitent pas suffisamment à utiliser l’énergie de manière efficace et à diminuer la consommation des énergies fossiles (section 3).
Dans le même temps, la sous-tarification des taxes de stationnement entraîne une utilisation inefficiente de l’espace et une demande excessive de places de stationnement. Tous les usagers automobiles n’ont pas à payer pour stationner sur leurs lieux de départ et de destination, soit parce que le stationnement sur rue est gratuit, soit parce que leur employeur ou le magasin leur permet de se garer gratuitement. De plus, les codes de construction contiennent des normes minimales de stationnement qui imposent le nombre de places de stationnement à prévoir dans les nouvelles constructions. Il en résulte souvent qu’une surface trop importante est dévolue aux espaces de stationnement dans les bâtiments résidentiels et tertiaires (ITF, 2021). Dans l’idéal, les tarifs de stationnement et l’instauration de voies prioritaires devraient décourager le recours non indispensable aux véhicules particuliers et promouvoir les transports publics et la mobilité non motorisée.
La promotion des véhicules électriques reste compliquée
L'un des piliers de la stratégie lituanienne de réduction des émissions de GES dues aux transports réside dans l’électrification du parc automobile. Le pays s’est fixé un objectif ambitieux, à savoir atteindre 230 000 véhicules tout électriques d’ici 2030, soit 15 % de l’actuel parc de véhicules de transport de personnes. Mais les véhicules électriques constituent une priorité publique relativement nouvelle. Jusqu’en 2020, seulement deux incitations non fiscales étaient en place : l’accès aux voies réservées aux transports publics à Vilnius et l'application de tarifs réduits pour le stationnement. En 2020, le programme de lutte contre le changement climatique a introduit d’importantes incitations fiscales à l’achat de véhicules à faibles émissions, dont un dispositif de mise à la casse et une prime à l’achat. En parallèle, la Lituanie a instauré une taxe d’immatriculation applicable aux véhicules très polluants utilisant des carburants fossiles.
L’engouement pour les véhicules électriques est resté très limité jusqu’à présent, les tout électriques ne représentant que 0.2 % du parc total, contre 3.5 % (2019) dans l’Union européenne (AIE, 2020). Le pays a du mal à encourager l’achat et l’utilisation de véhicules électriques, pour diverses raisons. L’absence de stratégie commune en la matière au niveau national représente notamment un obstacle, qui limite à son tour les initiatives locales.
Les pouvoirs publics ont mis en place des aides supplémentaires à l’achat de véhicules électriques, notamment une prime de 5 000 EUR pour l’achat d’un véhicule électrique neuf et de 2 500 EUR pour un véhicule électrique d’occasion de moins de cinq ans. La loi sur les carburants de remplacement impose un soutien financier pour les véhicules électriques jusqu’à ce qu’un dixième des véhicules légers du pays soient électriques. Mais l’une des raisons du faible succès des véhicules électriques est le prix d'achat sensiblement inférieur des voitures diesel et essence (Lindberg et Fridstrøm, 2015). Même les véhicules électriques d’occasion ont de fortes chances d’être plus chers que les voitures à motorisation classique.
La Lituanie est peu équipée en infrastructures de recharge des véhicules électriques, en particulier pour les trajets interurbains. Le ministère des Transports et des Communications a lancé le déploiement de bornes de recharge sur les autoroutes et les grands axes. La loi sur les carburants de remplacement ordonne la construction de 6 000 bornes de recharge publiques d’ici à 2030. En outre, la Lituanie compte déployer 54 000 bornes de recharge des véhicules électriques particuliers dans les bâtiments résidentiels et les bureaux. La Lituanie prévoit de maintenir ses aides financières à l’achat de véhicules électriques et d’accorder des aides supplémentaires pour l’achat et l’installation de bornes de recharge. Dans ce contexte, le coût pour l’État du maintien et de l’extension des aides en faveur des véhicules électriques pourrait augmenter notablement et devrait être surveillé sur le long terme. En outre, dans la mesure où les aides financières en faveur des véhicules électriques profitent souvent aux ménages plus aisés, il sera important aussi d’atténuer les coûts sociaux potentiels de la stratégie de promotion des véhicules électriques, par exemple par des remises spéciales accordées aux ménages modestes dépendants de la voiture.
Il est nécessaire de décarboner le transport de marchandises pour réduire les impacts environnementaux et climatiques du secteur des transports
La Lituanie fait largement appel à la route pour ses activités de fret. Ces dernières années, le pays a pris des mesures pour réduire les impacts du fret routier sur l’environnement. Les pouvoirs publics prévoient de remplacer l’Eurovignette (droit d’usage des principales routes assis sur la durée) par un système de péage électronique en fonction de la distance parcourue d’ici à 2023. Ce pourrait être l’occasion d’accroître notablement les recettes tirées des droits d’usage du réseau routier et de réduire les pertes dues au tourisme à la pompe.
La Lituanie entend également créer les infrastructures nécessaires pour améliorer l’efficacité et la plurimodalité des activités de fret. La construction de terminaux intermodaux et l’amélioration des interconnexions entre différents modes encourageront les opérateurs à combiner différents modes d’acheminement au lieu de transporter des unités multimodales uniquement par la route. L’objectif est de faire passer 5 % du fret en transport multimodal d’ici à 2030. D’après les estimations, cela permettrait de réduire les émissions de GES de 19 % par rapport à un transport de fret exclusivement routier.
Pour améliorer l’efficience des activités ferroviaires et diminuer les émissions de GES, la Lituanie compte électrifier son réseau de chemin de fer. À l’heure actuelle, la part des lignes ferroviaires électrifiées plafonne à 8 %, l’un des chiffres les bas de l’Union européenne. Il est envisagé d’électrifier 25 % des infrastructures ferroviaires d’ici à 2023. Le projet Rail Baltica en cours ouvrira une nouvelle liaison ferroviaire à grande vitesse pour le transport de marchandises. Une fois la ligne Rail Baltica construite et l’électrification des lignes actuelles achevée, la Lituanie sera en mesure de transporter pas moins de 70 % de son fret par le rail (Gouvernement lituanien, 2020).
Les pouvoirs publics prévoient d’accorder une prime pour tout achat d'un véhicule utilitaire roulant au GNL afin d’encourager l’adoption de ce type de véhicules, qui offre une alternative au diesel intéressante sur le plan économique et écologique. En parallèle, l’État investit dans l’installation d’un réseau de distribution de GNL. Même si le GNL est mis en avant, à titre transitoire, pour son faible contenu en carbone, les émissions de GES des camions roulant au GNL sont extrêmement sous-estimées. Cette technologie pourrait donc être incompatible avec les objectifs de neutralité carbone du pays (Mottschall, Kasten et Rodríguez, 2020). Du point de vue de la transition vers une économie bas carbone, il est largement préférable de tester des nouveautés technologiques tout en réduisant les freins à l’électrification du fret routier sur le long terme.
Compte tenu des moyens limités, la décarbonation du fret routier passe aussi par des mesures peu coûteuses et simples à adopter qui ont déjà fait la preuve de leur capacité à diminuer rapidement les émissions dans le secteur. Il serait possible de réduire la consommation de carburant en modifiant les modes de conduite et en utilisant des systèmes de transport intelligents. La Lituanie prévoit déjà d’encourager la conduite écologique par des incitations financières sur la période 2021‑30. D'autres mesures, comme la normalisation et le partage des données logistiques, pourraient accélérer la collaboration entre organisations et contribuer à réduire les émissions de CO2 (ITF, 2018). Diverses initiatives pourraient permettre d'améliorer l’efficience des opérations logistiques, comme par exemple les centres qui réduisent le trafic de marchandises à l’intérieur d’une zone cible en favorisant le regroupement de cargaisons dans un terminal.
Encadré 4. Recommandations relatives à la mobilité durable
Définition d’une stratégie de décarbonation à long terme pour le secteur des transports
Élaborer une feuille de route cohérente pour la transition bas carbone qui précise le rôle de tous les modes de transport ; veiller à ce que les mesures concernant les différents modes soient en phase avec les objectifs de mobilité bas carbone et la loi sur les carburants de remplacement ; fixer des objectifs plus ambitieux assortis d'échéances à l’appui des objectifs de décarbonation à moyen et long terme pour les secteurs non couverts par le SEQE.
Cohérence entre la planification des transports et la planification de l’occupation des sols
Renforcer l’articulation entre la planification des transports et l’aménagement du territoire ; renforcer les règles d’urbanisme pour garantir que tous les projets d’aménagement favorisent un habitat compact avec des liaisons de transport facilement accessibles et un réseau de cheminements piétons et cyclistes sûrs.
Élaborer un dispositif national permettant de suivre et d’évaluer la mise en œuvre des PMUD et les résultats des villes au regard des objectifs d’atténuation du changement climatique définis pour les transports.
Priorité à donner aux transports publics et à la mobilité active
Redéfinir les priorités des programmes nationaux d’investissement en faveur de la mobilité durable, en allouant une grande partie des investissements aux transports publics et aux déplacements à pied et en vélo.
Allouer des financements locaux à la promotion de modes de transport respectueux de l’environnement.
Infléchissement du comportement des usagers et promotion des modes de déplacement durables
Encourager l’utilisation de transports non motorisés en améliorant les cheminements piétons et cyclistes ; investir massivement dans leur déploiement et fixer des objectifs assortis d’échéances à cet effet.
Suivre la mise en œuvre progressive des zones à faibles émissions dans les zones urbaines ; surveiller attentivement les effets produits et ajuster les niveaux des tarifs en conséquence ; réfléchir aux aides financières limitées et ciblées à accorder aux ménages modestes et dépendants de la voiture.
Supprimer progressivement le stationnement gratuit sur le lieu de travail ; augmenter les tarifs de stationnement sur la voie publique en zone urbaine ; envisager d’inclure des services de transport public ou de nouveaux services de transport (comme le vélopartage) dans les avantages accordés aux travailleurs ; supprimer les normes minimales de stationnement applicables aux nouvelles constructions à usage résidentiel et tertiaire.
Promotion des véhicules électriques
Augmenter les taxes imposées sur l’achat et l’utilisation de véhicules à moteur à combustion interne dans l’optique de supprimer progressivement l’écart de prix entre ces véhicules et les véhicules électriques ; continuer à développer le réseau de bornes de recharge ; surveiller avec attention les éventuels effets redistributifs sur les ménages modestes dépendants de la voiture.
Évolution vers un transport de marchandises bas carbone
Faire progresser l’intégration des transports routier, ferroviaire et maritime, tout en rééquilibrant les incitations économiques en faveur du fret ferroviaire.
Améliorer l’efficience des activités logistiques en instaurant des dispositifs d’incitation pour encourager les transporteurs à collaborer davantage entre eux.
Réévaluer les avantages économiques et environnementaux du GNL pour le transport routier de marchandises.
Références
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