Le système multilatéral canalise une part croissante de l’aide publique au développement (APD), un signe de son importance grandissante dans un monde marqué par de multiples crises. Fortement sollicité ces dernières années pour répondre à un nombre croissant de défis humanitaires et de développement, ce système a montré certaines de ses limites, d’où le programme de réformes en cours visant à étendre ses capacités. Cette quatrième édition du Rapport sur le financement multilatéral du développement analyse les flux d’aide dirigés vers et en provenance du système multilatéral de développement et évalue l’impact des réformes en cours. Il appelle à trouver un meilleur équilibre entre le recours croissant à l’innovation financière pour augmenter la capacité du système et la nécessité de préserver sa capacité à fournir des financements concessionnels, et propose des solutions pour préparer le système aux défis de l’avenir. Cette édition est enrichie de visualisations de données en ligne montrant comment les membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE utilisent le système multilatéral.
Financement multilatéral du développement 2024 (version abrégée)
Résumé
Synthèse
Le système multilatéral est un acteur de poids qui joue un rôle de plus en plus important dans la coopération pour le développement. Comptant plus de 200 organismes – dont ceux relevant du système des Nations Unies pour le développement ainsi que des banques multilatérales de développement (BMD) et des fonds verticaux –, le système assure aujourd’hui l'acheminement de près des deux tiers des financements publics à l’appui du développement. Le présent rapport, la quatrième édition depuis 2018, présente un état des lieux du financement multilatéral du développement : il met en évidence les principales tendances et leurs implications, et énonce des recommandations visant à inscrire dans la durée son impact sur le développement, malgré les difficultés qui se multiplient.
La financiarisation comporte un risque : celui de perdre de vue les objectifs de développement
Copier le lien de La financiarisation comporte un risque : celui de perdre de vue les objectifs de développementLa diversité toujours plus grande des défis à relever en matière de développement – qu'il s'agisse de faire reculer la pauvreté, de lutter contre le changement climatique ou de remédier aux conséquences de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine – accentue les pressions en faveur d'une évolution plus rapide du système multilatéral de développement. La dynamique de réforme actuelle, largement axée sur le renforcement des capacités de financement existantes, fait peser de fortes attentes sur les BMD qui sont incitées à faire davantage avec des ressources identiques, voire moindres. Ces institutions sont exhortées à recourir à l’innovation financière, dans le prolongement d'une tendance à la « financiarisation » qui se poursuit depuis une décennie et grâce à laquelle elles ont pu optimiser leur bilan pour compenser la stagnation des contributions des donneurs. Par conséquent, les apports acheminés par le Groupe de la Banque mondiale et d’autres BMD ont nettement augmenté entre 2012 et 2020, la progression étant de 72 % dans le cas du Groupe de la Banque mondiale (35.3 milliards USD) et de 155 % pour d’autres BMD (61.8 milliards USD).
Pourtant, l’innovation financière ne suffira pas pour mettre en œuvre des mandats multilatéraux élargis, englobant notamment la lutte contre le changement climatique, tout en préservant les actions dans des domaines traditionnels et fondamentaux tels que la lutte contre la pauvreté. Si les BMD ont pris des mesures pour accroître leur capacité de prêt, il ressort de l’analyse présentée dans le rapport que celles-ci pourraient, au mieux, aboutir à une augmentation de 30 % d’ici à 2030 – bien inférieure à l'augmentation de 300 % appelé de ses vœux par le Groupe d’experts indépendants du G20.
Le processus de financiarisation qui sous-tend l’expansion des capacités de financement du système multilatéral de développement a débouché sur une hausse des prêts non concessionnels. Ce point est particulièrement préoccupant au vu des risques accrus liés au niveau d’endettement des pays en développement : il faut absolument préserver les financements concessionnels pour assurer la continuité du soutien multilatéral dans des contextes difficiles et poursuivre la lutte contre la pauvreté, qui reste au cœur de la mission des organisations multilatérales. L'innovation financière doit aller de pair avec l'octroi de contributions additionnelles des donneurs pour permettre de gérer les arbitrages à opérer lorsqu’il s’agit d'accroître le financement global tout en veillant à ce que les pays les plus pauvres et les plus vulnérables aient accès à des ressources concessionnelles
Investir dans le système pour pouvoir mettre en œuvre des mandats multilatéraux élargis
Copier le lien de Investir dans le système pour pouvoir mettre en œuvre des mandats multilatéraux élargisL’expansion du système fait naître d’autres menaces. L'essor des financements multilatéraux a contribué à la complexification et à la densification de l’architecture, à l'origine d'une fragmentation et de l'apparition de difficultés considérables en matière de répartition des tâches, de coordination et d’efficacité en général. Malgré des appels ambitieux à renforcer le système multilatéral de développement, les récentes augmentations de financements correspondent principalement à des contributions préaffectées à des réponses aux crises alors que la part des contributions aux budgets centraux servant à financer le développement à long terme a diminué. En conséquence, bien que les membres du CAD de l’OCDE acheminent un volume d’aide plus élevé que jamais via le système multilatéral, ils semblent moins enclins à investir dans ses fonctions stratégiques centrales, comme le démontre le recul de 6 % des contributions aux budgets centraux enregistré en 2022. Bien que la capacité du système à se réorienter rapidement lorsqu’une crise succède à une autre soit importante, il ne faut pas en oublier pour autant la nécessité d’investir dans le système via des contributions aux budgets centraux, qui permettent de garantir que les organisations multilatérales sont en mesure de concentrer leurs efforts sur des objectifs de développement durable à long terme primordiaux tels que le recul de la pauvreté ou des objectifs climatiques.
Allier efficience et efficacité : agir pour l’adéquation du système multilatéral aux objectifs qu'il sert
Copier le lien de Allier efficience et efficacité : agir pour l’adéquation du système multilatéral aux objectifs qu'il sertLa dynamique de réforme actuelle offre une rare occasion de consolider le système multilatéral de développement et de le doter des moyens de réaliser le programme d’action mondial en faveur du développement. Cependant, les réformes risquent de ne pas porter leurs fruits si les efforts restent strictement focalisés sur l’accroissement de l’efficience financière.
Les membres du CAD, en tant que principaux acteurs et bailleurs de fonds du système multilatéral de développement, peuvent œuvrer pour que le système soit équilibré et géré efficacement. Pour ce faire, les acteurs du système doivent concilier efficience (faire davantage avec les ressources disponibles) et efficacité (allouer des ressources plus importantes et de meilleure qualité à l'exécution des mandats des organisations multilatérales, tout en veillant à la transparence et à la redevabilité), et s'inscrire dans une démarche à l'échelle de l’ensemble du système (réformer d’autres pans du système en dehors des BMD et favoriser une amélioration de la coordination et de la cohérence).
Esquisser des solutions pour un système multilatéral de développement répondant aux enjeux de demain
Copier le lien de Esquisser des solutions pour un système multilatéral de développement répondant aux enjeux de demainLes auteurs tirent de leur analyse des recommandations s'articulant autour des trois dimensions du financement multilatéral du développement décrites dans les trois chapitres principaux du rapport.
1. Architecture multilatérale et processus de réforme
Donner la priorité à la rationalisation de l’architecture multilatérale dans le cadre des discussions ayant lieu à l'échelle mondiale, par exemple lors de la quatrième Conférence sur le financement du développement ou des réunions du G20.
Favoriser une collaboration plus poussée au travers des réformes en s’appuyant sur les enceintes existantes pour mettre en commun les expériences d’organisations engagées dans des processus de réforme et partager les enseignements qui en sont tirés .
Intensifier le dialogue, au niveau des capitales, entre les organismes d’aide et les ministères des Affaires étrangères et des Finances, sur des sujets transversaux, tels que la réforme des BMD, en vue de trouver un juste équilibre entre les considérations financières et les considérations de développement.
Remédier au manque d’uniformisation des exigences des donneurs bilatéraux et multilatéraux en matière de notification de façon à alléger la charge pesant sur les organisations multilatérales et les pays bénéficiaires.
Redynamiser le dialogue entre les fournisseurs multilatéraux et bilatéraux sur les principes d’efficacité de l’aide et accélérer et suivre leur mise en œuvre dans le cadre de la coopération multilatérale pour le développement.
2. Financement du système multilatéral (flux entrants)
Veiller à la réussite des opérations de reconstitution des fonds des guichets concessionnels des BMD et des fonds mondiaux et faire en sorte d'obtenir des dotations additionnelles en capital pour pouvoir bénéficier de l'effet de levier.
Mobiliser des ressources suffisantes pour financer les fonctions stratégiques de base des organisations multilatérales, y compris en relevant le niveau de contribution à leurs budgets centraux de manière à rééquilibrer contributions aux budgets centraux et contributions préaffectées à des organismes des Nations Unies.
Donner la priorité à des financements flexibles, tels que des contributions à des dispositifs de financement groupé multidonneurs et interinstitutions qui favorisent la coordination et permettent aux organisations de s’adapter aux besoins des pays.
Échanger avec des donneurs émergents sur le financement multilatéral du développement, en s’appuyant sur les mécanismes de dialogue du CAD de l’OCDE comme les dialogues régionaux, afin de constituer un socle commun de bonnes pratiques.
3. Financements assurés par le système multilatéral (flux sortants)
Préserver la capacité du système à soutenir les plus pauvres et les plus vulnérables. Évaluer les répercussions, sur l'affectation des ressources, des réformes menées dans les organisations multilatérales et accroître les financements concessionnels qu'elles accordent.
Promouvoir une meilleure complémentarité des portefeuilles d’aide multilatérale en soutenant les travaux de recherche dans ce domaine pour guider les réformes et les programmes.
Encourager le renforcement du rôle des organisations multilatérales dans la mise en place d’un environnement propice à l’investissement privé au niveau des pays, qui vienne compléter l’orientation actuelle privilégiant le déploiement d’instruments financiers au niveau des projets.
Accélérer l’action climatique, en intensifiant les efforts visant à étoffer les financements axés sur l’adaptation, y compris en prenant systématiquement en compte les questions climatiques dans des secteurs autres que les infrastructures et la production.