Le rapport Le Financement des PME et des entrepreneurs 2024 : Tableau de bord de l’OCDE livre des informatisions sur les tendances et les politiques publiques en matière de financement des PME dans près de 50 pays jusqu’à fin 2022. Il présente des indicateurs relatifs notamment au financement par l’endettement et par apport de capitaux propres et aux conditions-cadres de financement, ainsi que des données relatives aux difficultés rencontrées par les entreprises. Les données au titre de l’année 2022 sont complétées par les informations disponibles pour 2023, ainsi que par des informations sur la demande et par les récentes initiatives publiques et privées en faveur du financement des PME. L’ensemble de ces indicateurs compose un cadre complet permettant aux décideurs et à d’autres parties prenantes d’évaluer les besoins de financement des PME. Le Tableau de bord constitue également un outil précieux à l’appui de la conception et de l’évaluation des mesures publiques, mais aussi de l’observation des retombées des réformes sur l’accès au financement et les conditions de financement des PME au fil du temps.
En 2022, les PME ont subi les effets de la flambée de l’inflation attisée par les retombées de la crise énergétique provoquée par l’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. Même si les informations disponibles pour 2023 indiquent une croissance du PIB plus forte que prévu, à 2.9 %, en partie grâce au reflux des prix de l’énergie, la confiance des entreprises reste morose face à une inflation sous-jacente résolument élevée et des conditions financières toujours restrictives.
Conséquence de la forte hausse des taux directeurs dans la plupart des pays du monde, le coût de financement des PME a connu en 2022 une hausse sans précédent dans l’histoire du Tableau de bord. Dans ce contexte, les nouveaux prêts et encours de prêts aux PME ont diminué dans des proportions différentes selon les pays. Les nouveaux prêts aux PME ont reculé, notamment en raison d’un fléchissement de l’offre de crédit. L’encours de prêts a également baissé, sous l’effet conjugué du remboursement d’un grand nombre de prêts (les PME cherchant à éviter une hausse de leurs coûts d’emprunt), et d’une augmentation du nombre de faillites de PME. En 2023, dans un environnement de crédit toujours aussi contraint, les prêts aux PME resteront probablement orientés à la baisse.
Le financement par apport de capitaux propres a montré une grande instabilité puisqu’il s’est effondré en 2022 après avoir connu une progression historique en 2021. Au premier semestre de 2022, la hausse des taux d’intérêt a amené les gros investisseurs à se tourner vers les catégories d’actifs à rendement fixe, d’où un recul de la valorisation des jeunes entreprises qui a accentué les pressions à la baisse sur les levées de capitaux. Cette situation a particulièrement pénalisé les entreprises dirigées par des femmes ou par des personnes issues des minorités, qui ont généralement plus de difficultés à accéder au financement par capital-risque.
Le financement par nantissement d’actifs continue de se redresser même si l’ampleur de ce rebond varie selon les instruments. Alors que les activités d’affacturage ont affiché une croissance marquée – le resserrement des conditions de prêts incitant nombre de PME à opter pour cette solution alternative –, le crédit-bail et la location-vente ont eu plus de mal à remonter la pente. Dans les services financiers numériques, l’ouverture croissante des données bancaires a permis l’émergence d’offres innovantes, et favorisé l’essor des banques en ligne et les plates-formes de financement alternatif. Ces plateformes séduisent de plus en plus de PME délaissées par le système de financement traditionnel, notamment dans certaines régions comme l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine
Les indicateurs relatifs aux difficultés rencontrées par les entreprises donnent des résultats contrastés. L’inflation n’a pas encore significativement aggravé les retards de paiement, grâce aux mesures récemment mises en place dans certains pays pour plafonner les délais de paiement. Parallèlement, les taux de faillites ont augmenté de manière générale, en partie en raison de la reprise de l’activité des tribunaux et des ajustements opérés au sortir de la pandémie. L’augmentation du nombre de faillites est symptomatique du nombre croissant de PME qui peinent à poursuivre leur activité dans un contexte d’inflation du coût de l’emprunt et du coût des intrants, même s’il convient de noter que le taux de faillites n’a pas dépassé son niveau pré-pandémique.
En 2022 et 2023, les politiques de financement des PME ont évolué rapidement pour s’adapter à un environnement économique incertain. Les mesures de soutien mises en place vont des interventions immédiates, comme celles visant à amortir la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières, à des initiatives à plus long terme visant par exemple à promouvoir l’égalité des genres dans l’accès au capital. L’accent a été mis sur la diversification des sources de financement et des instruments susceptibles d’aider les PME à maintenir leurs investissements, en particulier à l’appui des transitions écologique et numérique.
Compte tenu de l’importance décisive de l’action publique pour accroître les flux de financement destinés à aider les PME à prendre part à la transition écologique, le chapitre thématique de cette publication présente une vue d’ensemble du paysage de financement durable des PME. Il livre des informations sur les stratégies et les approches adoptées par les établissements financiers et sur les politiques publiques et propose des recommandations d’action en la matière.
L’accès au financement représente une contrainte importante dans l’action des PME en faveur de la neutralité carbone, et cette contrainte pourrait encore s’alourdir à l’avenir. L’octroi de financement est de plus en plus conditionné à des considérations relatives à la durabilité et les institutions financières sont soumises à des exigences de communication d’information non financière, ce qui par ricochet, fait peser une charge supplémentaire sur les PME.
L’offre de financement durable se développe mais il n’est pas sûr que les PME puissent en tirer parti. De fait, sous l’effet conjugué de l’évolution de la réglementation, de la demande des parties prenantes et de la gestion des risques liés à la transition vers la neutralité carbone, l’offre de financement durable augmente. Il ressort d’une enquête menée en 2023 par l’OCDE que les institutions financières publiques et privées intègrent de plus en plus des considérations climatiques dans leurs activités, en proposant par exemple des solutions de financement (divers types de prêts, garanties de crédit et autres instruments) spécialement adaptées aux investissements des PME dans la neutralité carbone. Cela étant, il est possible que les PME n’obtiennent pas ces financements durables en raison de leur capacité limitée à fournir des données sur leurs performances en matière de durabilité, données de plus en plus sollicitées par les institutions financières pour gérer les risques, mettre au point des instruments de financement et respecter leurs propres obligations déclaratives. Les PME pourraient même voir certains flux se tarir si elles ne sont pas en mesure de présenter des plans de transition crédibles sur la voie de la neutralité carbone, un enjeu majeur pour les PME exerçant dans des secteurs d’activités gros émetteurs de carbone ou difficiles à décarboner.
La faible demande de financements durables de la part des PME, qui découle souvent d’un manque d’information, d’une méconnaissance, de capacités insuffisantes ou encore de l’incertitude réglementaire ou liée aux marchés, pose des problèmes supplémentaires. En effet, faute de demande des PME, les institutions financières sont peu incitées à élaborer des solutions destinées à financer les besoins d’investissement des PME dans la neutralité carbone. Pour qu’elles augmentent leurs investissements en faveur de la durabilité et recherchent les financements adaptés pour ce faire, il faut montrer aux PME tout l’intérêt de cette transition et leur apporter une aide extérieure.
À ce titre, les acteurs publics ont un rôle important à jouer : il leur revient de mettre en place un cadre d’action et réglementaire stable et incitatif en faveur des financements et investissements durables, en proposant un soutien tant financier (prêts, apports de capitaux propres, subventions, garanties de crédit) et non financier (information, outils, méthode de mesure et de déclaration des résultats en matière de durabilité). La mobilisation du secteur privé est également essentielle pour combler le déficit de financement. De fait, les établissements financiers privés, les entreprises de la fintech, les intermédiaires ESG, les comptables et les autres acteurs concernés doivent tous œuvrer à la mise en place d’un écosystème porteur, qui fournisse les informations et les conditions utiles pour amener les PME à investir dans le verdissement et recourir aux financements durables.
Dans un contexte marqué par une instabilité économique prolongée et des transitions majeures, le Tableau de bord continuera de suivre l’évolution du financement des PME et de l’action publique en la matière afin d’aider les décideurs à élaborer des politiques publiques de nature à répondre aux besoins de financement des PME, à renforcer leur résilience, et à leur permettre de contribuer à une économie inclusive et durable.