Les programmes de conformité en matière de concurrence ne sont pas courants en Tunisie. L'élaboration de lignes directrices sur les programmes de conformité peut aider les autorités de concurrence tunisiennes à promouvoir et à encourager l'adoption de tels programmes. Cette section présente une vue d'ensemble des lignes directrices relatives aux programmes de conformité dans certaines juridictions, dans le but d'aider les autorités tunisiennes à mettre en œuvre leurs propres lignes directrices.
Le rôle des lignes directrices dans la promotion de la politique de concurrence en Tunisie
7. Programmes de conformité
Abstract
7.1. Aperçu des programmes de conformité en Tunisie
Il ressort de l’Examen par les pairs que l’adoption de programmes de conformité aux règles de concurrence en Tunisie ne relève pas d’une pratique courante, quelle que soit la taille de l’entreprise (OCDE, 2022, p. 151[1]). Les autorités tunisiennes de la concurrence pourraient encourager l’adoption de tels programmes, par exemple en publiant des lignes directrices sur la question. Toutefois, le manque de clarté des rôles et de la répartition des tâches entre la DGCEE et le Conseil de la concurrence en matière de promotion de la concurrence pourrait constituer un défi à cet égard.
Les autorités de la concurrence du monde entier s’impliquent de plus en plus dans la prévention, notamment à travers des activités de promotion des programmes de conformité. Ces efforts sont complétés par plusieurs initiatives, dont la Boîte à Outils ICC sur les Programmes de Conformité aux Règles de Concurrence (ICC, 2014[41]). Ces programmes comprennent des informations en ligne et des séminaires sur le droit de la concurrence destinés aux employés afin de permettre à ces derniers d’identifier les pratiques anticoncurrentielles potentielles et les procédures à suivre en cas d’infraction potentielle.
Afin de promouvoir l’adoption de programmes de conformité permettant d’éviter et/ou de détecter les infractions, il est important d’élaborer une stratégie et de préciser l’approche à privilégier pour inciter les entreprises dans ce sens. Il convient notamment de décider si les autorités doivent récompenser les entreprises qui adoptent un tel programme, par exemple en accordant une réduction d’amende en cas d’infraction.
L’attribution ou non d’un avantage en contrepartie de l’existence d’un programme de conformité ne dépend pas de la région où se trouve une juridiction. En Asie, beaucoup de juridictions sont disposées à accorder des réductions d’amende, les directives de l’ASEAN laissent penser qu’un allègement des amendes pourrait inciter les entreprises à introduire ou améliorer ces programmes. Certains pays d’Amérique latine ont mis au point des politiques en matière de conformité, et le Brésil, le Chili et le Pérou accordent une réduction d’amende si les critères définis dans leurs directives sont satisfaits. De même, certaines juridictions européennes sont disposées à accorder une réduction d’amende. En Amérique du Nord, le paysage a fondamentalement changé depuis 2011, le Canada et les États-Unis faisant désormais clairement connaître leur volonté de tenir compte des programmes de conformité (OCDE, 2021[42]).
De nombreuses juridictions ont investi sensiblement dans l’élaboration d’orientations sur les programmes de conformité. En règle générale, les lignes directrices indiquent les principaux éléments à inclure dans un programme de conformité efficace, en partant du principe qu’il doit être adapté aux spécificités de l’entreprise et aux risques principaux auxquels elle est exposée en matière de conformité, et qu’il doit évoluer au fil du temps (OCDE, 2021[42]).
7.2. Lignes directrices sur les programmes de conformité
Cette section examine les aspects généralement couverts par les lignes directrices sur les programmes de conformité, en procédant à une comparaison des lignes directrices publiées dans les juridictions de l’échantillon. Ces éléments peuvent servir aux autorités tunisiennes de la concurrence lors de l’élaboration de leurs propres lignes directrices dans ce domaine.
7.2.1. Aperçu des lignes directrices analysées
L’équipe de projet a évalué les lignes directrices sur les programmes de conformité publiées dans les juridictions de l’échantillon, dont on trouve la liste dans le Tableau A A.5. et la synthèse dans le Tableau 7.1.
Tableau 7.1. Aperçu des lignes directrices analysées
Juridiction |
Lignes directrices |
Date des lignes directrices |
---|---|---|
Pays de l’OCDE |
||
Belgique |
✓* |
2016 |
Canada |
✓ |
2015 |
Union européenne |
✓ |
2012 |
France |
✓ |
2022 |
Pays non membres de l’OCDE |
||
Kenya |
- |
- |
Philippines |
- |
- |
Afrique du Sud |
- |
- |
Note : * La Belgique n’a pas élaboré à proprement parler de lignes directrices sur les programmes de conformité, mais l’autorité de la concurrence a intégré un chapitre à ce sujet dans ses lignes directrices sur les règles de concurrence à l’intention des PME.
7.2.2. Caractéristiques communes des lignes directrices analysées
Les lignes directrices des juridictions de l’échantillon contiennent les éléments suivants, dont on trouve la synthèse dans le Tableau 7.2.
Tableau 7.2. Synthèse des caractéristiques communes figurant dans les lignes directrices sur les programmes de conformité par juridiction (échantillon)
Juridiction |
Avantages |
Absence d’approche unique |
Engagement fort des équipes dirigeantes |
Évaluation des risques |
Transparence, communication et documentation |
Formation |
Signalement |
Contrôle |
Évaluation et mises à jour régulières |
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Pays de l’OCDE |
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Belgique |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
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Canada |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
Union européenne |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
France |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
Avantages procurés par les programmes de conformité
Toutes les lignes directrices évoquent les avantages à tirer de la mise en œuvre d’un programme de conformité, tant pour l’entreprise concernée que pour l’ensemble de l’économie. En effet, les programmes de conformité visent à renforcer la prévention, la détection et la dissuasion des atteintes à la concurrence.
Par exemple, les lignes directrices canadiennes indiquent qu’un programme de conformité a les objectif suivants : (i) informer les entreprises de la façon de réduire au minimum les infractions au droit de la concurrence, et ainsi éviter les sanctions probables et les coûts associés à la défense contre l’application du droit de la concurrence ; (ii) détecter dès les premiers signes tout manquement qui pourrait entraîner une contravention au droit de la concurrence, ce qui permet à l’entreprise d’être la première à demander l’immunité contre les poursuites ou d’être mieux placée pour demander la clémence ; et (iii) reconnaître les circonstances dans lesquelles l’entreprise peut être touchée par la conduite anticoncurrentielle d’autres parties. D’autres avantages sont également mentionnés, notamment le maintien d’une bonne réputation et l’amélioration de la capacité d’une entreprise à attirer et conserver des clients et fournisseurs qui privilégient les entreprises faisant preuve d’éthique (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 3-4[43]).
En outre, aux termes des lignes directrices françaises, les programmes de conformité aux règles de concurrence présentent trois avantages principaux : (i) permettre une concurrence libre et non faussée, (ii) permettre de prévenir les risques financiers et d’atteinte à la réputation, et (iii) faciliter la détection d’infractions (Autorité de la concurrence, 2022, pp. 3-4[44]).
Les lignes directrices de la Commission européenne indiquent qu’une entreprise doit se conformer aux règles en matière de concurrence non seulement pour être considérée comme une entreprise éthique, mais aussi et surtout parce que le non-respect de ces règles peut lui coûter cher (Commission européenne, 2012, p. 9[45]).
Concernant l’impact des programmes de conformité sur les amendes infligées en cas d’infraction aux règles de concurrence, les lignes directrices examinées ne sont pas homogènes. D’une part, les lignes directrices canadiennes indiquent que la préexistence d’un programme de conformité sera prise en compte par le Bureau de la concurrence comme facteur atténuant (Bureau de la concurrence, 2010, p. 6[43]). D’autre part, les lignes directrices belges prévoient que l’existence d’un programme de conformité n’est pas considérée comme une circonstance atténuante en cas d’infraction (Autorité belge de la concurrence, 2016, p. 14[46]). De même, les lignes directrices de la Commission européenne précisent que la simple existence d’un programme de conformité ne sera considérée ni comme une circonstance aggravante ni comme une circonstance atténuante aux fins de la fixation du montant d’une amende (Commission européenne, 2012, p. 21[45]). Les lignes directrices françaises sont muettes sur ce point1.
Absence d’approche unique
Toutes les lignes directrices soulignent qu’il n’existe pas d’approche unique en matière de programmes de conformité, de sorte que les entreprises doivent mettre en œuvre des programmes différents, en fonction par exemple de leur taille, de leur secteur d’activité et des risques auxquels elles sont confrontées dans leurs opérations quotidiennes.
Par exemple, les lignes directrices canadiennes indiquent que « [l]e Bureau reconnaît que les PME et les grandes entreprises ont des préoccupations et des besoins différents » et que, par conséquent, « chaque entreprise devrait mettre en œuvre et respecter un programme qui correspond à sa taille et à ses activités » (Bureau de la concurrence, 2010, p. 1[43]).
De même, les lignes directrices de la Commission européenne précisent qu’un programme de conformité devrait être adapté à l’entreprise concernée, en tenant compte de ses besoins, du type, de sa taille et de ses ressources (Commission européenne, 2012, p. 21[45]).
Les lignes directrices françaises établissent également qu’un programme de conformité doit être « conçu par et pour l’entreprise ; c’est un projet “sur mesure” qui doit être adapté aux marchés, aux activités et aux produits, à l’organisation et à la culture internes, ainsi qu’à la chaîne décisionnelle et au mode de gouvernance » (Autorité de la concurrence, 2022, p. 5[44]).
Engagement fort des équipes dirigeantes
La plupart des lignes directrices énoncent que pour être efficace, un programme de conformité doit bénéficier, de manière visible, du soutien plein et entier des équipes dirigeantes de l’entreprise. Ce soutien doit se traduire par les ressources allouées au programme, y compris la nomination d’un responsable de la conformité.
Par exemple, les lignes directrices canadiennes soulignent l’importance d’un engagement et d’un soutien clairs, continus et sans équivoque de la part de la direction. Elles recommandent également que l’entreprise confie la responsabilité de son programme de conformité (le rôle d’agent de conformité) à une personne occupant un poste de cadre supérieur, qui devrait être nommée par le conseil d’administration (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 10-12[43]).
Les lignes directrices de la Commission européenne indiquent que « le personnel dirigeant doit soutenir cette stratégie [de conformité] sans équivoque » afin de garantir l’efficacité du programme de conformité. Par ailleurs, elles suggèrent de désigner un membre du personnel dirigeant en tant que responsable de la conformité, afin de garantir un attachement durable à la conformité et sa visibilité. En outre, une entreprise devrait consacrer suffisamment de ressources – en fonction de sa taille et des risques auxquels elle est confrontée – à l’élaboration d’un programme crédible (Commission européenne, 2012, p. 17[45]).
De leur côté, les lignes directrices françaises évoquent l’importance d’une impulsion de la direction pour « impliquer l’ensemble des équipes et conduire l’entreprise à s’engager effectivement dans la conformité » (Autorité de la concurrence, 2022, p. 6[44]).
Les lignes directrices belges précisent que le responsable du programme de conformité doit avoir accès aux actionnaires (propriétaires) et à la direction générale de l’entreprise et leur faire régulièrement rapport (Autorité belge de la concurrence, 2016, p. 16[46]).
Évaluation des risques
D’autre part, les lignes directrices examinées dans le présent rapport indiquent qu’une entreprise doit identifier et évaluer régulièrement les risques qui menacent la conformité, en particulier lorsqu’elle entre dans de nouveaux marchés ou recrute de nouveaux collaborateurs à des postes clés. Elle doit repérer les activités, unités et membres du personnel les plus exposés au risque.
Les lignes directrices belges, par exemple, invitent les entreprises à évaluer les risques auxquels elles sont exposées et notamment à déterminer si elles détiennent une position dominante sur un marché pertinent et si les accords les plus importants (par exemple, les contrats de distribution et les accords éventuels de coentreprise ou les conventions de collaboration structurelle, notamment avec des concurrents) impliquent des restrictions caractérisées (Autorité belge de la concurrence, 2016, p. 15[46]).
Par ailleurs, les lignes directrices canadiennes prévoient que les entreprises doivent procéder régulièrement à une évaluation des risques éventuels, afin de concevoir des mesures de mise en conformité proportionnées aux risques. L’évaluation des risques doit permettre de cerner les domaines de risque, de déterminer les employés les plus exposés aux risques et de recenser les changements qui peuvent avoir une incidence sur les profils de risque (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 12-15[43]).
Les lignes directrices de la Commission européenne avancent que, pour être efficace, un programme de conformité doit être fondé sur une analyse exhaustive des domaines dans lesquels le risque d’enfreindre les règles de l’UE en matière de concurrence est le plus grand. Ces domaines dépendront de facteurs tels que le secteur d’activité, la fréquence et le niveau d’interaction de l’entreprise avec ses concurrents, les caractéristiques du marché, mais aussi la position qu’occupe chaque membre du personnel (Commission européenne, 2012, p. 16[45]).
Par ailleurs, les lignes directrices françaises mentionnent la nécessité de procéder à une analyse des risques, « qui conduit à l’établissement d’une cartographie des risques identifiés » (Autorité de la concurrence, 2022, p. 5[44]).
Transparence, communication et documentation
Toutes les lignes directrices soulignent qu’un programme de conformité doit être mis en œuvre de manière transparente, correctement documenté et diffusé à tous les niveaux de l’entreprise.
Les lignes directrices canadiennes recommandent aux entreprises d’élaborer et de documenter les politiques et procédures de conformité, qui doivent être adaptées aux activités de l’entreprise et aux tâches quotidiennes des employés. Ces politiques et procédures devraient permettre d’établir des contrôles internes conçus en vue de prévenir les contraventions (par exemple, en dressant une liste des choses à faire et à ne pas faire, ainsi que des situations à risque). Les politiques et procédures de conformité doivent être communiquées à l’ensemble du personnel ou, au moins, à tous les membres du personnel concernés. Les employés doivent également être tenus de signer une attestation déclarant qu’ils ont lu et compris le code de bonne conduite de l’entreprise et les politiques de conformité en vigueur (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 14-16[43]).
De même, les lignes directrices de la Commission européenne indiquent que la stratégie de conformité de l’entreprise devrait de préférence être consignée par écrit (par exemple sous la forme d’un manuel) et diffusée à tous les niveaux de la structure de l’entreprise. L’établissement d’une liste concrète de « pratiques à bannir » et de « signaux d’alerte » est également encouragé. En outre, le personnel pourrait être tenu d’accuser réception par écrit des informations pertinentes, par exemple lorsqu’ils se voient remettre un manuel portant sur la conformité (Commission européenne, 2012, pp. 16-17[45]).
Les lignes directrices belges préconisent la rédaction d’un code de conduite tenant compte de ce qui est pertinent pour l’entreprise en cause (Autorité belge de la concurrence, 2016, p. 16[46]). De même, les lignes directrices françaises font mention de la mise en œuvre de mesures d’information, qui peuvent porter sur l’existence, la raison d’être et le contenu du programme de conformité, le sens et la portée pratique des règles de concurrence, ainsi que les mécanismes internes permettant d’obtenir des conseils ou d’alerter sur l’existence d’infractions avérées ou possibles à ces règles (Autorité de la concurrence, 2022, pp. 6-7[44]).
Formation
L’ensemble des lignes directrices indiquent qu’un programme de conformité doit prévoir une formation à la conformité obligatoire pour tous les membres du personnel occupant un poste qui les expose à des risques identifiés et pour tous les membres du personnel nouvellement recrutés.
Les lignes directrices de la Commission européenne soulignent l’importance d’une formation portant sur les règles de l’UE applicables en matière de concurrence. Un module sur la concurrence peut, par exemple, être intégré dans le programme de formation des nouveaux arrivants. Il convient en particulier de proposer une formation aux membres du personnel les plus susceptibles d’être confrontés à des risques de conformité, tels que le personnel de vente et les directeurs de vente et toute personne participant aux réunions d’organisations professionnelles ou à des événements sectoriels (Commission européenne, 2012, p. 18[45]).
De même, les lignes directrices françaises insistent sur l’importance des actions de formation et de sensibilisation sur les règles de concurrence et sur le fonctionnement concret du programme de conformité, mais il convient d’adapter les actions aux différentes catégories de personnel en fonction des postes et de leur exposition au risque (Autorité de la concurrence, 2022, p. 7[44]).
Les lignes directrices belges rappellent la nécessité de proposer au personnel une formation adaptée sur les problèmes de conformité, par exemple dans le cadre d’un dossier de prise en main (Autorité belge de la concurrence, 2016, p. 17[46]).
Par ailleurs, les lignes directrices canadiennes mentionnent la nécessité d’une formation continue axée sur les problèmes de conformité et destinée aux employés de tous les échelons hiérarchiques susceptibles de se livrer à des activités illégales ou d’être exposés à de telles activités (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 16-18[43]).
Signalement
Toutes les lignes directrices reconnaissent qu’un programme de conformité devrait prévoir un système permettant au personnel de signaler les contraventions au programme ou les infractions aux règles de la concurrence de manière confidentielle et sans menace de représailles.
Par exemple, les lignes directrices canadiennes indiquent que la mise en place d’une procédure de signalement confidentielle à l’interne encourage le personnel à fournir en temps opportun des renseignements fiables sur les risques de contravention au programme de conformité. En conséquence, « [l]es gestionnaires, les employés et les personnes agissant au nom de l’entreprise doivent pouvoir demander conseil et soulever des doutes sans craindre les représailles et sans avoir à passer par leur supérieur hiérarchique ». Le programme de conformité devrait indiquer clairement les agissements qui doivent être dénoncés, le moment pour le faire et à qui les dénoncer (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 19-20[43]).
Les lignes directrices de la Commission européenne stipulent que pour être probante une stratégie de conformité doit être dotée d’un mécanisme adéquat de signalement. L’entreprise devrait créer « un environnement qui encourage les salariés à dénoncer des situations douteuses » (Commission européenne, 2012, p. 18[45]). De même, les lignes directrices belges et françaises font état de la nécessité de mettre en place une procédure de traitement des demandes de conseil et des alertes sur l’existence d’infractions avérées ou possibles (Autorité belge de la concurrence, 2016, p. 16[46] ; Autorité de la concurrence, 2022, p. 7[44]).
Contrôle
La plupart des lignes directrices soulignent l’importance d’un contrôle permanent du fonctionnement du programme de conformité et de la gestion des infractions éventuelles.
Par exemple, les lignes directrices canadiennes indiquent que les entreprises doivent exercer une surveillance de leurs programmes de conformité de façon continue pour s’assurer de l’efficacité de leur mise en œuvre. En outre, elles doivent vérifier régulièrement si des contraventions aux règles de concurrence ont eu lieu et le cas échéant, s’assurer que des mesures appropriées ont été prises, y compris en collaborant avec le Bureau de la concurrence (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 18-20[43]).
Les lignes directrices françaises mettent l’accent sur l’importance des contrôles pour s’assurer du respect du programme de conformité à tous les niveaux de l’entreprise (Autorité de la concurrence, 2022, p. 7[44]).
Les lignes directrices de la Commission européenne précisent que le contrôle et l’audit sont des instruments efficaces de prévention et de détection de comportements anticoncurrentiels au sein de l’entreprise. Dans les cas où le programme de conformité ne permet pas d’éviter qu’une infraction soit commise, l’entreprise doit prendre sans tarder les mesures qui s’imposent afin de mettre rapidement un terme à toute infraction éventuelle. Celles-ci comprennent, par exemple, de coopérer dans le cadre du programme de clémence et de la procédure de transaction (Commission européenne, 2012, pp. 18-19[45]).
Évaluation et mises à jour régulières
En outre, la plupart des lignes directrices reconnaissent que les programmes de conformité favorisent l’amélioration continue et nécessitent une évaluation régulière pour s’assurer de leur mise à jour et de leur validité.
Les lignes directrices canadiennes indiquent qu’il est indispensable d’évaluer continuellement si un programme de conformité est en mesure d’atteindre son principal objectif afin de s’assurer de sa crédibilité et de sa validité. Ce processus continu peut aussi permettre d’identifier des risques nouveaux ou émergents. Divers outils permettent de procéder à une évaluation, dont les entrevues individuelles et de groupe, les groupes de consultation, les sondages et les entrevues de fin d’emploi. Une évaluation par un tiers indépendant devrait, par ailleurs, être envisagée. Le cas échéant, il convient d’apporter des modifications au programme de conformité (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 21-22[43]). Les lignes directrices de la Commission européenne et de la France mentionnent, de surcroît, qu’un programme de conformité doit être régulièrement réexaminé et mis à jour (Commission européenne, 2012, p. 18[45] ; Autorité de la concurrence, 2022, p. 7[44]).
7.2.3. Caractéristiques moins courantes mais utiles figurant dans les lignes directrices analysées
L’analyse a révélé la présence, dans les lignes directrices des juridictions de l’échantillon, de caractéristiques moins courantes mais utiles qui méritent d’être mentionnées. On peut trouver une synthèse de ces caractéristiques dans le Tableau 7.3.
Tableau 7.3. Caractéristiques moins courantes mais utiles figurant dans les lignes directrices sur les programmes de conformité
Juridiction |
Caractère volontaire du programme de conformité |
Mesures disciplinaires et mesures incitatives en matière de conformité |
Liste de vérification et documents modèles |
Exemples |
Renvoi vers des informations complémentaires |
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Pays de l’OCDE |
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Belgique |
✓ |
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Canada |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
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Union européenne |
✓ |
✓ |
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France |
Caractère volontaire du programme de conformité
Les lignes directrices canadiennes indiquent expressément que la mise en œuvre d’un programme de conformité est en règle générale à caractère volontaire. Il est précisé, toutefois, que, dans certains cas, le Bureau peut recommander ou demander la mise en place d’un programme de conformité et la nomination d’un agent de conformité indépendant chargé de veiller à la mise en œuvre et au fonctionnement du programme de conformité (Bureau de la concurrence, 2010, p. 2[43]).
Mesures disciplinaires et mesures incitatives en matière de conformité
Les lignes directrices du Canada et de la Commission européenne stipulent qu’un programme de conformité doit prévoir des mesures incitatives pour les employeurs et des mesures disciplinaires en cas de contravention aux règles de la concurrence et au programme de conformité.
Aux termes des lignes directrices canadiennes, un programme de conformité devrait énoncer clairement que des mesures disciplinaires systématiques (comme la suspension, la rétrogradation, le congédiement, voire la poursuite en justice) seront prises en cas de contravention au programme ou aux règles de concurrence. De plus, un programme de conformité devrait prévoir que des sanctions disciplinaires seront prises contre les gestionnaires qui ne prennent pas les mesures nécessaires pour repérer ou empêcher les cas d’inconduite ou qui ne prennent pas les mesures disciplinaires appropriées. En outre, il devrait comporter des mesures incitatives appropriées pour favoriser le respect de ses dispositions, par exemple en prenant en compte la conformité et le soutien actif au programme dans le cadre de l’évaluation des employés, de l’octroi de promotions et de primes (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 20-21[43]).
Les lignes directrices de la Commission européenne font également mention de la mise en place de sanctions en cas d’infraction aux règles de conformité internes, qui doivent néanmoins être conformes à la législation nationale sur l’emploi. Par ailleurs, elles soulignent l’importance de mettre en place des mesures incitatives encourageant les salariés à accorder la plus haute importance au respect de leurs responsabilités en matière de conformité. Par exemple, les responsabilités en matière de conformité pourraient être inscrites dans les descriptions de poste et l’adoption d’une attitude particulièrement vigilante à cet égard pourrait constituer un critère d’évaluation du personnel (Commission européenne, 2012, p. 17[45]).
D’autre part, les lignes directrices belges indiquent que plus que de prévoir comme sanction le licenciement des collaborateurs concernés par une infraction aux règles de concurrence, il est important de s’assurer que ces derniers coopèrent aussi étroitement que possible à l’enquête (Autorité belge de la concurrence, 2016, p. 16[46]).
Liste de vérification et documents modèles
Les lignes directrices canadiennes comportent une « liste de contrôle de diligence raisonnable » pour aider les entreprises à se conformer aux règles de la concurrence. Elles proposent aussi le « cadre du programme de conformité d’entreprise », qui est un outil souple pouvant être adapté aux activités et aux ressources particulières de chaque entreprise. Par ailleurs, il existe un modèle de « lettre d’attestation », que tous les employés exposés à un risque de non-conformité devraient être invités à respecter (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 25-40[43]).
Exemples
Les lignes directrices canadiennes prévoient des exemples de cas hypothétiques pour illustrer le cadre analytique sur lequel s’appuie généralement le Bureau de la concurrence afin de procéder à l’examen d’un programme de conformité aux règles de concurrence préexistant (Bureau de la concurrence, 2010, pp. 41-53[43]). Ces exemples peuvent aider les entreprises à élaborer des programmes de conformité et présentent plusieurs aspects pratiques.
Renvoi vers des informations complémentaires
Les lignes directrices de la Belgique et de la Commission européenne contiennent des références à d’autres documents utiles qui peuvent orienter les entreprises en matière de programmes de conformité. Par exemple, les lignes directrices belges font mention des lignes directrices sur la conformité, établies par d’autres autorités ou organismes chargés de la concurrence (Autorité belge de la concurrence, 2016, p. 18[46]), tandis que la Commission européenne renvoie aux pages web pertinentes de la commission (Commission européenne, 2012, p. 22[45]).
Principaux éléments à retenir – programmes de conformité
Un programme de conformité peut contribuer à l’efficacité d’une politique de conformité aux règles de concurrence, en permettant de prévenir les comportements anticoncurrentiels, de faciliter leur détection et/ou de réduire leur durée.
L’adoption de programmes de conformité aux règles de concurrence en Tunisie ne relève pas d’une pratique courante. L’élaboration de lignes directrices sur les programmes de conformité peut permettre aux autorités tunisiennes de la concurrence de promouvoir et d’encourager l’adoption de tels programmes.
Lors de l’élaboration des lignes directrices sur les programmes de conformité, les autorités tunisiennes devraient indiquer les éléments qu’elles jugent indispensables à l’efficacité d’un tel programme, comme les avantages, les engagements de l’équipe dirigeante et l’évaluation des risques.
Note
← 1. En 2012, la France a adopté une politique permettant d’accorder, au cours d’une procédure de transaction et en plus des 10 % déjà accordés dans le cadre de celle-ci, une réduction pouvant atteindre 10 % en contrepartie d’un engagement à instaurer un programme ou à améliorer sensiblement un programme existant (OCDE, 2021, p. 16[42]). Dans une décision de 2017, l’Autorité de la concurrence a toutefois conclu que les programme de conformité ont vocation à être intégrés dans les entreprises, particulièrement lorsque celles-ci sont de taille conséquente, si bien que l’existence de ces programmes ne justifie pas une atténuation des sanctions encourues dans les affaires d’entente.