Ce chapitre décrit le contexte dans lequel s’inscrit ce rapport, en particulier l’augmentation spectaculaire des ventes en ligne aux particuliers, les menaces qu’elle fait peser sur le recouvrement de la TVA/TPS et la compétitivité et le rôle que pourraient jouer les plateformes numériques pour une collecte efficace et efficiente de la TVA/TPS sur ces ventes. Ce chapitre décrit en outre le but et le champ d’application du rapport et donne un aperçu des mesures qui y sont identifiées et analysées
Le rôle des plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne
Chapitre 1. Les défis du commerce numérique pour la collecte de la TVA/TPS et le rôle des plateformes numériques pour les relever
Abstract
1.1. Introduction
Ce chapitre décrit le contexte général dans lequel s’inscrit ce rapport, en particulier l’augmentation spectaculaire des ventes en ligne aux particuliers, les menaces qu’elle fait peser sur le recouvrement de la TVA/TPS et la concurrence et le rôle que pourraient jouer les plateformes numériques dans une collecte plus efficace et efficiente de la TVA/TPS sur ces ventes. Ce chapitre décrit en outre le but et le champ d’application du rapport et donne un aperçu des mesures qui y sont identifiées et analysées.
1.2. L’essor des ventes numériques et les défis qui en résultent pour le recouvrement de la TVA/TPS
1.2.1. Développement du numérique et croissance du commerce électronique
La tendance à la numérisation de l’économie1 a transformé la nature des circuits de vente aux particuliers des biens, des services et des biens incorporels (ventes des entreprises aux consommateurs ou B2C). Traditionnellement, les consommateurs faisaient leurs achats dans un magasin près de chez eux. Aujourd’hui, leur premier réflexe est souvent de consulter le site Internet de ce magasin, ou, pour des biens incorporels, celui d’un fournisseur en ligne, celui d’un vendeur situé dans un autre pays, ou encore, de plus en plus fréquemment, une plateforme numérique par l’intermédiaire de laquelle une multitude de vendeurs réalise des ventes.
On estime que le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises vendant des marchandises aux consommateurs dans l’univers du commerce électronique est proche de 2 000 milliards USD par an et qu’il pourrait atteindre 4 500 milliards USD d’ici à 2021, sur lesquels 1 000 milliards USD seraient imputables au commerce électronique transfrontières (eMarketer, 2018[1]) (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique, 2018[2]) (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, 2019[3]) (Organisation mondiale du commerce, 2018[4]) (Accenture and AliResearch, 2016[5])2. À l’heure actuelle, près de 1.6 milliard de personnes effectuent des achats sur en ligne et ce chiffre devrait passer à 2.2 milliards d’ici à 2022 (Statista, 2017[6]). Si la croissance des échanges ralentit sur les marchés matures, l’univers des ventes en ligne n’est pas encore parvenu à saturation eu égard à la marge qui subsiste dans certaines régions pour développer l’accès à Internet et le potentiel, de toute évidence considérable, qui existe pour une augmentation des dépenses et de leur valeur unitaire à mesure que les consommateurs prennent confiance dans la vente en ligne.
C’est surtout la croissance des ventes en ligne des entreprises aux consommateurs situés à l’étranger, tant en volume qu’en nombre de participants, qui compromet le plus gravement le recouvrement de la TVA/TPS. La TVA/TPS sur les ventes transfrontalières de services et biens incorporels entre entreprises (B2B), qui est aussi en expansion, est généralement collectée au moyen d’un mécanisme d’autoliquidation ou d’auto-évaluation tel qu’il est recommandé par l’OCDE dans ses Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS (« les Principes directeurs ») (OCDE, 2017[7])3. Ces mécanismes d’autoliquidation fonctionnent généralement bien dans les transactions entre entreprises (B2B), mais ils sont largement inopérants en ce qui concerne les ventes des entreprises aux consommateurs finals (B2C), ce qui est de plus en plus préoccupant au vu de l’explosion des transactions B2C en ligne.
Le rôle joué par les plateformes multifaces telles que les places de marché électroniques est l’un des ressorts les plus puissants de la croissance rapide du commerce électronique. Les plateformes multifaces sont celles qui, par des moyens électroniques, permettent des interactions directes entre plusieurs clients ou groupes de participants (le plus souvent des acheteurs et des vendeurs) qui présentent deux caractéristiques essentielles : (i) chaque groupe de participants est formé par des clients de la plateforme multilatérale ayant une certaine importance et (ii) la plateforme multilatérale permet à ces groupes de dialoguer directement entre eux. Les plateformes multifaces sont appelées « plateformes numériques » aux fins de ce rapport.
Les plateformes numériques permettent aux entreprises, en particulier les petites, de toucher aisément des millions de clients sur un marché qui est aujourd’hui à l’échelle de la planète. En effet, il ressort d’études récentes que 57 % des ventes transfrontalières de marchandises sont effectuées par l’entremise des trois plus grandes plateformes numériques, une multitude d’autres plateformes opérant à l’échelle d’un pays ou d’un ensemble géographique (International Post Corporation, 201[8]). C’est pourquoi on estime que près des deux tiers des ventes de marchandises par voie électronique sont conclues par l’intermédiaire de plateformes numériques, le tiers restant étant le fait de ventes directes (voir le Graphique 1.1).
1.2.2. Pertinence au regard de la TVA/TPS
Au vu de l’augmentation ininterrompue du volume des ventes en ligne et du fait que, en principe, la majeure partie de celles-ci devrait être soumise à la TVA/TPS, le montant des recettes de TVA/TPS en cause est considérable. Comme cela avait été indiqué dans Relever les défis fiscaux posés par l'économie numérique, Action 1 – Rapport final du projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) (« Rapport de 2015 sur l’action 1 du projet BEPS ») (OCDE, 2017[9]) , les échanges transnationaux de biens, de services et de biens incorporels (qui, aux fins de la TVA/TPS, incluent les téléchargements numériques) mettent les systèmes de collecte de la TVA/TPS à l’épreuve, en particulier lorsque ces produits sont achetés par des particuliers à des fournisseurs situés à l’étranger. L’économie numérique amplifie ces menaces car l’évolution de la technologie a multiplié les possibilités pour les particuliers de réaliser des achats en ligne et, pour les entreprises, de vendre dans le monde entier sans avoir besoin d’avoir une présence, physique ou sous une autre forme, dans le pays du consommateur.
Les principales menaces que l’économie numérique fait peser sur la TVA/TPS et qui ont été identifiées dans le Rapport de 2015 sur l’action 1 du projet BEPS concernent (i) les importations de colis de faible valeur faisant suite à des ventes en ligne, qui sont exonérées de TVA/TPS dans de nombreuses juridictions, et (ii) l’explosion des ventes de services et biens incorporels, en particulier aux particuliers, sur lesquels le montant de la TVA/TPS perçue est souvent nul ou anormalement faible en raison de la complexité que présente la collecte de la TVA/TPS sur ces transactions (OCDE, 2017[9]).
Les approches préconisées pour résoudre la question clef du recouvrement de la TVA/TPS sur les ventes de produits numériques à des particuliers par des fournisseurs étrangers sont présentées dans les Principes directeurs (OCDE, 2017[7]) et le Rapport final établi en 2015 au titre de l’action 1 du projet BEPS (OCDE, 2017[9]). Lorsqu’ils conçoivent et appliquent les démarches qui y sont préconisées, les pays prennent de plus en plus fréquemment en compte le rôle que les plateformes numériques peuvent jouer dans la collecte de la TVA/TPS. Plusieurs juridictions ont d’ores et déjà adopté, ou annoncé qu’elles appliqueraient, des mesures impliquant les plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne de services numériques effectuées par leur intermédiaire. Cette approche est sous-tendue par le raisonnement selon lequel une plateforme est considérée comme jouant le rôle d’un « magasin » dont l’offre englobe la fourniture numérique de films, de musique, de livres, de jeux et applications logicielles et, dans de nombreux cas, elle est le seul point de contact avec le consommateur final d’une prestation de service. On notera en outre qu’elle est considérée comme un moyen efficace et efficient de percevoir la TVA/TPS qui, à ce jour, a produit des résultats très positifs.
1.2.3. Le défi particulier des ventes transfrontalières de marchandises
Dans le même temps, l’explosion du volume des ventes en ligne transfrontières de marchandises pose des défis importants aux régimes de TVA/TPS et aux autorités douanières. Nombre de juridictions appliquent une exonération de TVA/TPS aux importations de biens de faible valeur4 car ils estiment que les coûts administratifs de recouvrement pourraient dépasser le montant de la taxe ainsi collectée.
Ces exonérations accordées aux importations de biens de faible valeur sont de plus en plus controversées au vu de l’essor de l’économie numérique. Au moment où la plupart de ces exonérations ont été instaurées, le commerce en ligne n’existait pas et le volume d’importations bénéficiant de ces exonérations était relativement limité. Au cours des dernières années, de nombreux pays ayant instauré la TVA/TPS ont observé une croissance rapide et importante du volume des importations de biens de faible valeur non soumises à la TVA/TPS, ce qui s’est traduit par une perte de recettes de TVA/TPS et des risques de pressions concurrentielles inéquitables pour les détaillants nationaux tenus de facturer la TVA/TPS sur les ventes auprès des clients situés dans leur propre pays. Dans un nombre croissant de pays, on n’admet plus que ces importations de marchandises, dont le volume ne cesse de croître, échappent à la TVA/TPS par le jeu de l’exonération des biens de faible valeur importés. Cette réaction s’explique non seulement par les pertes de TVA/TPS qui en résultent, mais aussi par la concurrence déloyale à laquelle sont exposées les entreprises nationales qui ont de plus en plus de mal à résister à la hausse continue du volume de marchandises achetées sur Internet en franchise de TVA/TPS, avec des conséquences dommageables sur l’emploi et les recettes fiscales.
Au surplus, les administrations fiscales et douanières éprouvent aussi des difficultés à assurer le recouvrement de la TVA/TPS sur les importations dont la valeur est supérieure au seuil de perception. L’ampleur du défi est soulignée par une étude réalisée en 2016 par Copenhagen Economics qui, en se fondant sur des transactions réelles, a estimé le pourcentage d’infractions à 65 % sur les achats via commerce électronique dans un pays extérieur à l’UE par des consommateurs résidant dans l’UE et dont la livraison était effectuée par la voie postale (Basalisco, Wahl et Okholm, 2016[10]). Cette étude portait aussi sur des achats pour lesquels tant les droits de douane que la TVA étaient exigibles à l’importation, c’est-à-dire concernant des marchandises dont la valeur dépassait à la fois le seuil d’exonération de la TVA/TPS et le seuil d’exonération prévu pour les droits de douane.5 La TVA/TPS sur les importations et les droits de douane sont généralement collectés par les services des douanes. Il n’est au demeurant pas inutile de rappeler que les douanes s’acquittent de nombreuses autres fonctions cruciales telles que la facilitation des échanges, le contrôle des droits de propriété intellectuelle et celui des médicaments et de leurs ingrédients, sans oublier la lutte contre le terrorisme et les importations de biens dangereux susceptibles de porter atteinte à la sécurité des citoyens. C’est pourquoi l’Organisation mondiale des douanes (OMD) a jugé que l’expansion du commerce électronique de marchandises appelle une réponse des administrations fiscales et douanières et formé un groupe de travail sur le commerce électronique ayant pour priorité de formuler des réponses. L’OMD a ainsi publié en juin 2018 un Cadre de normes pour le commerce électronique transfrontalier (voir l’Annexe G de ce rapport) dont l’une des priorités est d’assurer un recouvrement efficace.
Les défis auxquels sont confrontées les administrations fiscales, même dans les cas où la TVA/TPS et les droits de douane doivent être perçus (c’est-à-dire quand la valeur des importations excède les seuils de recouvrement de la TVA/TPS et/ou des droits de douane), montrent qu’une solution se bornant à supprimer le seuil d’exonération des articles de faible valeur ne serait pas à la hauteur des enjeux. Il est vraisemblable que, sans mesures d’accompagnement, le remède serait pire que le mal puisque les douanes auraient plus d’envois à contrôler, ce qui nuirait à l’accomplissement de leurs autres missions. C’est pourquoi, comme l’a souligné le Rapport de 2015 sur l’action 1 du projet BEPS (OCDE, 2017[9]), des solutions plus astucieuses sont indispensables de manière à rendre plus efficient le recouvrement de la TVA/TPS – en particulier en impliquant les plateformes numériques et en recourant à des mécanismes administratifs et d’identification simplifiés.
Plusieurs juridictions, notamment l’Australie et l’UE6, ont déjà adopté des dispositions législatives pour rendre les plateformes responsables du recouvrement de la TVA/TPS sur les marchandises même si, dans un cas comme dans l’autre, ces règles ne s’appliquent qu’aux importations de biens dont la valeur est inférieure au seuil à partir duquel les droits de douane sont exigibles. En outre, l’UE prévoit le partage d’informations avec les administrations fiscales et plusieurs pays ont instauré une responsabilité conjointe et solidaire pour inciter au respect des obligations fiscales. En effet, l’une des principales motivations de certains pays ayant institué un régime administratif et d’identification simplifié et une responsabilité des plateformes numériques est le souci de dégager des moyens pour que les douanes puissent redonner aux autres fonctions critiques l’importance qu’elles méritent.
On notera en outre que les juridictions qui ont adopté les mesures ci-dessus ont déclaré qu’elles étaient en grande partie motivées non seulement par la nécessité de protéger leurs recettes fiscales, mais aussi, dans certains cas, leurs entreprises, et en particulier les magasins physiques, contre une concurrence déloyale.
1.3. Des solutions cohérentes pour impliquer les plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne
1.3.1. Objectif du rapport
Comme on l’a vu plus haut, plusieurs juridictions ont pris ou envisagent de prendre des dispositions concernant le rôle des plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne. Le Groupe de travail n° 9 de l’OCDE sur les impôts sur la consommation (GT9), qui est formé par des fonctionnaires des pays membres de l’OCDE et des pays Partenaires, a souligné en 2017 la nécessité pressante d’œuvrer à des solutions cohérentes à cet égard. Cela ne signifie pas que d’autres mesures pour améliorer le recouvrement de la TVA/TPS sur les ventes en ligne sont écartées mais reflète plutôt la demande des pays pour un guide proposant des réponses efficaces et cohérentes entre juridictions sur le rôle des plateformes numériques, compte tenu de leur importance dans les ventes en ligne.
La finalité générale de ce travail est de bâtir des solutions efficientes et efficaces pour impliquer les plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne sans qu’il en résulte une charge administrative et des coûts disproportionnés. Le but est de proposer aux administrations fiscales des solutions réalistes et éprouvées tout en limitant la charge administrative pesant sur les plateformes au moyen d’un dialogue multilatéral et coordonné. Ce travail, qui est une priorité du GT9, a grandement bénéficié de l’apport des universitaires et des entreprises au Groupe technique consultatif auprès du GT9 (TAG).
Ces travaux sur le rôle éventuel des plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS visent à garantir la plus grande cohérence possible entre juridictions. Une plus grande cohérence entre les approches des pays permettra d’améliorer davantage le respect des obligations fiscales, en particulier pour les entreprises qui font face à des obligations administratives dans une pluralité de juridictions, de réduire les coûts de la discipline fiscale et d’accroître l’efficacité et la qualité des processus administratifs en matière fiscale. Du point de vue des administrations fiscales et des douanes, la cohérence peut également contribuer à une coopération internationale plus efficace dans le domaine de l’administration et du recouvrement de l’impôt.
Ces travaux s’inscrivent en outre dans le Programme d’action du G20 sur la sécurité juridique en matière fiscale7. Ce dernier a pour finalité d’assurer une plus grande sécurité juridique aux contribuables afin de favoriser le développement des échanges et des investissements ainsi que la croissance économique, qui est devenue une priorité pour les États comme pour les entreprises. Ce travail part du constat que les plateformes numériques assument un large éventail de fonctions par lesquelles elles pourraient participer à la collecte de la TVA/TPS. Cette participation des plateformes numériques devrait être envisagée sous l’angle des quatre principes consacrés par les Principes directeurs : efficacité, efficience, proportionnalité et neutralité (Principes directeurs, Chapitre 2 − Neutralité des taxes sur la valeur ajoutée dans le contexte des échanges internationaux) (OCDE, 2017[7]).
Ce rapport reconnaît qu’il est souhaitable que les juridictions prennent en compte les Conditions cadres d’Ottawa sur la fiscalité8 pour la définition et la mise en œuvre des mesures administratives et de politique publique qui y sont recensées. Ces principes de politique fiscale généralement acceptés sont les suivants :
Neutralité : La fiscalité devrait viser à assurer la neutralité et l’équité entre les différentes formes de commerce électronique et entre les formes conventionnelles et les formes électroniques de commerce. Les décisions devraient être motivées par des considérations économiques et non fiscales. Les contribuables qui se trouvent dans des situations similaires et qui effectuent des transactions similaires devraient être soumis à des niveaux d’imposition similaires.
Efficience : Les coûts de la discipline fiscale pour les entreprises et l’administration devraient être réduits autant que possible.
Certitude et simplicité : Les règles fiscales devraient être claires et simples à comprendre de telle façon que les contribuables puissent anticiper les conséquences fiscales d’une transaction, notamment sur le point de savoir ce qui doit être imposé ainsi que la date et le mode d’évaluation de l’impôt.
Efficacité et équité : L’imposition devrait procurer le montant approprié d’impôt à la date voulue. Il faut réduire au maximum les possibilités de fraude et d’évasion fiscales tout en veillant à ce que les contre-mesures soient proportionnées aux risques encourus.
Flexibilité : Les systèmes d’imposition devraient être flexibles et dynamiques de manière à suivre le rythme de l’évolution des techniques et des transactions commerciales.
Il est également admis qu’il convient aussi d’adopter une perspective plus large qui, allant au-delà du rôle que les plateformes numériques pourraient jouer dans la collecte de la TVA/TPS, envisage le recouvrement de manière plus globale en prenant en compte le rôle des divers acteurs de la chaîne d’approvisionnement tels que les expéditeurs, les importateurs, les fournisseurs de services de paiement et les centres logistiques. Le rapport reconnaît qu’il est souhaitable de garantir la neutralité entre les différents circuits de distribution en appliquant généralement le même régime de TVA/TPS, indépendamment du fait que la vente passe par une plateforme, soit réalisée directement en ligne ou dans un magasin traditionnel. Il faut en outre s’efforcer dans toute la mesure du possible de limiter les effets sur les chaînes de valeur et d’éviter la création de barrières à l’entrée dissuasives qui pénaliseraient les jeunes pousses et les petites et moyennes entreprises.
1.3.2. Champ d’application du rapport
Le rapport se penche sur le rôle que pourraient jouer les plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne. Il reconnaît à cet égard que les transactions sur les biens n’ont pas la même nature que celles portant seulement sur des services ou des biens incorporels, y compris en ce qui concerne le rôle des plateformes numériques. C’est pourquoi une attention particulière a été consacrée au rôle des plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne de biens importés. Ce sujet est d’autant plus complexe que les ventes transfrontalières de biens sont généralement soumises aux procédures douanières. Même si les procédures élaborées par l’OMD sont relativement uniformes9, il existe des différences non négligeables telles que les écarts de niveau entre les seuils d’exonération s’appliquant à la TVA/TPS et aux droits de douane et les procédures associées, qui peuvent engendrer une surcharge de travail pour les entreprises réalisant des ventes à l’étranger.
Ces travaux partent du principe qu’une administration fiscale souhaite exercer son droit d’imposer une vente en ligne et se concentre donc exclusivement sur les moyens pour cette administration de recouvrer efficacement la TVA/TPS sur cette vente. Le présent rapport ne traitera pas d’autres questions que celles directement liées au recouvrement de la TVA/TPS (par exemple, si une transaction est une vente ou non, ou si une partie prenante doit être considérée comme un assujetti ou non, etc.).
1.3.3. L’économie du partage comme axe de travail séparé
On constate que les plateformes numériques sont aussi en pointe dans la fourniture de nouvelles solutions pour les prestations de services requérant une certaine présence physique et/ou l’exécution d’une partie plus ou moins grande des prestations dans la juridiction d’imposition, comme l’hébergement dans des hôtels/chambres d’hôtes, les transports et d’autres services tels que la livraison de repas à domicile, le ménage et l’entretien de logements. Si ces services sont de nature traditionnelle, l’acheteur et le prestataire sont mis en relation par les plateformes maîtrisant de nouvelles technologies. Ces prestations sont fréquemment exécutées par un type d’acteurs qui ne se résument pas aux entreprises « traditionnelles » et qui sont souvent liés à ce qu’on appelle l’économie « du partage » ou « des petits boulots ».
Si les administrations fiscales désirent se pencher sur le rôle que pourraient jouer les plateformes en matière fiscale dans ce domaine et, de fait, plusieurs pays leur demandent d’ores et déjà de fournir des informations sur ces transactions, le GT9 est conscient que ce type de prestations a des caractéristiques spécifiques, notamment le fait que les fournisseurs sont généralement présents dans le pays d’imposition quoique la composante transfrontalière puisse gagner en importance au fil du temps. Il convient aussi de noter que ces transactions impliquent un grand nombre de micro- et petits entrepreneurs, dont beaucoup ne sont pas assujettis à la TVA/TPS selon les règles actuelles.
Compte tenu de la nécessité de mieux cerner la portée de ce problème, de poursuivre son examen et de consulter les parties prenantes sur le rôle que jouent ces plateformes numériques particulières dans la collecte de la TVA/TPS sur ces transactions, le GT9 a décidé de poursuivre les travaux dans ce domaine sous la forme d’un axe de travail séparé.
1.3.4. Aperçu des mesures identifiées dans le rapport
Comme on l’a souligné plus haut, le présent rapport reconnaît que les plateformes numériques peuvent assumer un large éventail de fonctions pour assurer une collecte efficace de la TVA/TPS sur les ventes en ligne. On peut ainsi soumettre les plateformes numériques à une obligation de calculer, collecter et reverser l’impôt (Chapitre 2), leur offrir la possibilité d’assurer volontairement la collecte de la TVA/TPS et adopter des dispositions législatives leur imposant une obligation de communication des informations aux autorités fiscales ; les administrations fiscales peuvent aussi les utiliser pour atteindre les fournisseurs sous-jacents (Chapitre 3).
Par ailleurs, le rapport identifie plusieurs mesures (Chapitre 4) que les administrations fiscales pourraient adopter pour assurer, entre autres, une meilleure discipline fiscale comme, par exemple, une communication et un dialogue efficaces avec les plateformes numériques, l’utilisation de moyens de contrainte tels qu’un régime de responsabilité conjointe et solidaire, sans oublier le renforcement de la coopération administrative et de l’échange de renseignements, tant à l’intérieur des juridictions qu’à l’échelon international.
Les rôles supplémentaires qui pourraient être assignés aux plateformes et les mesures de recouvrement décrites aux Chapitres 3 et 4 pourraient paraître attrayantes aux juridictions soucieuses de protéger leurs recettes fiscales à bref délai parce qu’elles sembleront plus aisées à mettre en œuvre que le régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS qui est décrit au Chapitre 2. Plusieurs pays ayant instauré ce régime de responsabilité intégrale rapportent qu’il implique une refonte des procédures des administrations fiscale et douanière ainsi que des systèmes informatiques des entreprises, de telle sorte qu’il ne peut être mis en vigueur du jour au lendemain. Il se peut en outre que les juridictions voient dans les missions et les mesures évoquées aux Chapitres 3 et 4 comme des étapes intermédiaires préparant l’instauration du régime de responsabilité intégrale au titre de la TVA/TPS ou comme un complément de celui-ci.
C’est pourquoi toute une série d’options susceptibles d’être mises en œuvre est proposée pour que les juridictions puissent faire leur choix en tentant compte de leurs propres circonstances.
Références
[5] Accenture and AliResearch (2016), Global Cross Border B2C e-Commerce Market 2020, https://unctad.org/meetings/en/Presentation/dtl_eweek2016_AlibabaResearch_en.pdf (consulté le 3 avril 2018).
[10] Basalisco, B., J. Wahl et H. Okholm (2016), E-Commerce Imports into Europe: VAT and Customs Treatment, https://www.copenhageneconomics.com/dyn/resources/Publication/publicationPDF/8/348/1462798608/e-commerce-imports-into-europe_vat-and-customs-treatment.pdf (consulté le 3 avril 2018).
[3] Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (2019), Global e-Commerce sales surged to $29 trillion, https://unctad.org/en/pages/PressRelease.aspx?OriginalVersionID=505 (consulté le 3 avril 2019).
[2] Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (2018), Electronic Commerce Steering Group, https://www.apec.org/Groups/Committee-on-Trade-and-Investment/Electronic-Commerce-Steering-Group (consulté le 3 avril 2018).
[1] eMarketer (2018), Retail Ecommerce Sales Worldwide, 2016-2021, https://www.emarketer.com/Chart/Retail-Ecommerce-Sales-Worldwide-2016-2021-trillions-change-of-total-retail-sales/215138 (consulté le 3 avril 2018).
[8] International Post Corporation (201), IPC Online Shopper Survey 2017 reports, https://www.ipc.be/services/markets-and-regulations/cross-border-shopper-survey/2017.
[7] OCDE (2017), Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264272958-fr.
[9] OCDE (2017), Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique, Action 1 - Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264252141-fr.
[4] Organisation mondiale du commerce (2018), WORLD TRADE STATISTICAL REVIEW 2018, http://www.wto.org/statistics (consulté le 3 août 2018).
[6] Statista (2017), Digital buyers worldwide 2021, https://www.statista.com/statistics/251666/number-of-digital-buyers-worldwide/ (consulté le 3 avril 2018).
Notes
← 1. L’expansion de l’économie numérique et les conséquences qui en découlent pour les décideurs politiques, notamment dans le domaine fiscal, sont l’objet d’un grand projet interdisciplinaire de l’OCDE. Des informations supplémentaires sur le projet « Vers le numérique » sont disponibles à l’adresse www.oecd.org/going-digital/.
← 2. Ces chiffres sont basés sur une gamme d’estimations utilisées par différentes sources, tandis que d’autres sources ont avancé des estimations du même ordre, voire plus élevées. Selon eMarketer, les ventes mondiales du commerce électronique de détail ont atteint 2 800 milliards USD en 2018, chiffre qui devrait passer à 4 800 milliards USD d’ici 2021. La coopération économique Asie-Pacifique a indiqué que les ventes mondiales du commerce électronique grand public B2C atteignaient 2,1 milliards USD en 2017, tandis que le chiffre total s’élevait à 3 800 milliards USD en 2016 selon l’Organisation mondiale du commerce. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement a annoncé que le commerce électronique mondial en B2C atteignait 3 900 milliards USD en 2017. Accenture et AliResearch prévoyaient que le commerce électronique transfrontalier atteindrait 1 billion USD en 2020.
← 3. Les Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS préconisent un mécanisme d’autoliquidation (parfois appelé TVA acquittée pour compte ou auto-imposition) dans les cas où cela est compatible avec la conception générale du système national de TVA/TPS. Selon cette procédure, le client est donc en principe tenu de déclarer le montant de la TVA/TPS due sur les services et biens incorporels reçus du fournisseur étranger dans la déclaration de TVA/TPS appropriée en tant que taxe collectée. Le taux applicable est celui en vigueur dans la juridiction du client. Le client dispose ensuite du droit à déduction de la taxe dans les limites autorisées par les règles en vigueur dans sa juridiction. Si le client peut prétendre au bénéfice de la déduction de l’intégralité de la taxe acquittée en amont sur l’opération concernée, il se peut que la législation locale en matière de TVA/TPS n’impose pas la déclaration de la taxe en aval en application du mécanisme de l’autoliquidation. Dans beaucoup de systèmes de TVA/TPS fonctionnant selon la méthode soustractive indirecte, la TVA/TPS sur les échanges internationaux de services et de biens incorporels B2B est perçue selon le mécanisme de l’autoliquidation. Néanmoins, le mécanisme de l’autoliquidation ne s’applique pas dans toutes les juridictions et, là où il est en vigueur, les règles peuvent varier d’un pays à l’autre (Principes directeurs 3.63-64).
← 4. Ce terme désigne les importations dont la valeur est inférieure au seuil de minimis de perception des droits de douane.
← 5. La plupart des pays appliquent un seuil de minimis en matière de droits de douane qui est régi par la Convention de Kyoto révisée (CKR) de l’OMD. Cette règle est contraignante pour toutes les parties contractantes à la Convention de Kyoto révisée, mais celle-ci ne spécifie pas de norme minimale. Le seuil d’exonération appliqué en matière de droits de douane est généralement plus élevé qu’en matière de TVA/TPS.
← 6. Les réformes engagées par l’Australie ont pris effet au 1er juillet 2018. La législation de l’UE prévoit que les siennes entreront en vigueur en 2021.
← 7. L’OCDE et le FMI mènent ces travaux, une priorité du G20, avec toute la célérité qui s’impose. Le rapport a été publié dans sa version initiale en 2017 (www.oecd.org/tax/tax-policy/tax-certainty-report-oecd-imf-report-g20-finance-ministers-march-2017.pdf). Une mise à jour de ce rapport a été publiée en juillet 2018 (www.oecd.org/ctp/tax-policy/tax-certainty-update-oecd-imf-report-g20-finance-ministers-july-2018.pdf).
← 8. Les Conditions cadres d’Ottawa sur la fiscalité ont été approuvées par les ministres lors de la Conférence ministérielle sur le commerce électronique organisée à Ottawa du 7 au 9 octobre 1998.
← 9. Pour des informations plus détaillées sur les outils et instruments conçus par l’OMD à ce sujet, voir www.wcoomd.org/en/topics/facilitation/instrument-and-tools.aspx.