Ce chapitre examine les contrôles auxquels sont soumises les IGAI, selon qu’ils sont de nature administrative, politique, parlementaire ou juridictionnelle, ou qu’ils sont exercés par les citoyens et la société civile.
Les institutions garantissant l'accès à l'information
Chapitre 5. Le contrôle de l’action des IGAI dans les pays de l’OCDE
Abstract
L’ensemble des pays membres de l’OCDE s’accorde à dire que les contrôles sont les garants de la démocratie et de l’État de droit. Ils garantissent en effet le respect par les différentes parties des principes et de la législation qui sont au fondement de la démocratie et de l’État de droit, et permettent leur bon fonctionnement. Parallèlement, les procédures de contrôle assurent le respect des prérogatives du pouvoir politique et permettent aux citoyens de jouer pleinement leur rôle d’acteurs de la démocratie. Il en résulte que les IGAI doivent être soumises à des procédures de contrôle, pour autant que celles-ci respectent les particularités des IGAI, notamment leur autonomie. Ces procédures sont administratives, politiques, juridictionnelles ou exercées par la société civile.
5.1. Le contrôle administratif et politique des IGAI
5.1.1. Le contrôle administratif et comptable
Les IGAI sont soumises aux contrôles classiques des organismes publics de leurs pays d’origine, y compris lorsqu’il s’agit d’institutions indépendantes. Dans ce dernier cas toutefois, elles échappent au contrôle hiérarchique du chef de service (par exemple le chef du gouvernement, le ministre ou les représentants de l’exécutif au sein des entités infranationales), ce qui les soustrait également à l’action des corps de contrôle rattachés à l’exécutif. Certaines d’entre elles ne se sont pas plus soumises à un contrôle financier interne, telle la CADA française qui n’est pas soumise à celui du contrôleur budgétaire et comptable. En revanche, les IGAI font l’objet de différentes formes de contrôle externes de nature administrative ou juridictionnelle. Ainsi, l’Office du Commissaire australien à l’information est contrôlé par le Bureau national d'audit, qui transmet son rapport au Procureur général, et la CADA française est contrôlée par la Cour des comptes.
Il appartient par ailleurs aux IGAI de mettre en place toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect de l’ensemble de la législation nationale pertinente, en instaurant par exemple des mécanismes de contrôle interne, tant de la performance que du risque de fraude.
Encadré 5.1. Le Commissaire australien à l’information, autorité responsable des états financiers
En tant que supérieur hiérarchique du Bureau du Commissaire australien à l'information, le Commissaire à l'information est responsable, en vertu du Public Governance, Performance and Accountability Act 2013, de la préparation et la présentation scrupuleuses du bilan financier annuel de l’institution, conformément aux normes comptables australiennes. Le Commissaire à l'information australien est également responsable du contrôle interne lors de la préparation et la présentation des états financiers. Pendant ces phases, il est chargé d'évaluer la capacité du Bureau du Commissaire à poursuivre son activité, en tenant compte de ce que cette dernière peut cesser à la suite d'une restructuration administrative ou pour d’autres raisons.
Source : Australian national audit office, Independent auditor’s report, in Office of the Australian Information Commissioner (2017), Annual Report 2016–2017, Gouvernement australien, www.oaic.gov.au/resources/about-us/corporate-information/annual-reports/oaic-annual-report-201617/oaic-annual-report-2016-17.pdf.
5.1.2. Le contrôle parlementaire
Dépendantes ou indépendantes du Parlement, les IGAI font l’objet d’un contrôle législatif, soit directement, soit par le biais du contrôle parlementaire sur le pouvoir exécutif. Ainsi, la CADA française est soumise au contrôle ordinaire des différentes commissions parlementaires du pays et, lors de la préparation de la loi annuelle de finances, le Parlement examine son fonctionnement. La CADA italienne transmet directement un rapport au Parlement. Le Commissaire à l’information irlandais est tenu de publier un rapport annuel, communiqué à chaque chambre du Parlement. Le Commissaire à l’information du Royaume-Uni remet un rapport au Parlement et lui rend compte de son action. Le Commissaire fédéral allemand à la protection des données et la liberté d'information donne dans son rapport un aperçu des activités prioritaires pour une période de deux ans et définit des perspectives relatives aux questions clés liées à la protection des données. Les rapports d'activité du Commissaire sont discutés au Bundestag, qui exprime ensuite des opinions sur toutes les questions centrales tenant au droit à l’information et à la protection des données.
5.2. Le contrôle des citoyens et de la société civile
Dans les pays membres de l’OCDE, les organisations de la société civile attachent beaucoup d'importance au droit d’accès à l’information, qui est un outil essentiel à leurs activités. Il leur permet, d’une part, de comprendre les raisons de l’action publique et de réagir à celle-ci, et, d’autre part, de se constituer en force de proposition publique. Parallèlement, la société civile et les institutions chargées de l’accès à l’information entretiennent parfois des relations étroites et s’aident mutuellement, par exemple en ce qui concerne la diffusion de la législation ou l’organisation de formations communes, et contribuent ainsi à la réalisation de leurs objectifs communs. Enfin, les citoyens se mobilisent également afin de contrôler que la loi sur l’accès à l’information et la protection des données est correctement appliquée. De nombreuses ONG agissent en faveur du droit d’accès à l’information. Elles mènent des enquêtes et surveillent l’application de la législation relative à l’accès à l’information, proposent des réglementations, lancent des campagnes de réforme du droit et entreprennent des actions contentieuses. Elles proposent également du soutien et des formations. Elles forment enfin des réseaux d'organisations nationales ayant vocation à garantir une transparence accrue. Certaines ONG, notamment Article 19 et l’Open Knowledge Foundation, organisent des campagnes auprès des citoyens et des élus, animent des formations, et établissent un baromètre évaluant l’accès à l’information dans divers pays. De même, Huridocs incite les organisations de défense de droits de l’homme à utiliser l’information disponible et la technologie, et l’association Mediaterre facilite l’accès à l’information pour ce qui concerne le développement durable.
5.3. Le contrôle juridictionnel
Dans un État de droit, les décisions administratives sont soumises au contrôle du juge et les décisions des juridictions sujettes à l’appel devant une juridiction supérieure ou de cassation. Les IGAI n’échappent pas à ce principe. Toutefois, il existe différents types de recours contre les décisions des IGAI, conformément à l’ordonnancement juridique de chaque pays membre de l’OCDE.
Le juge compétent pour examiner la décision ou l’avis de l’IGAI dépend de l’ordonnancement juridique du pays concerné. En France, les décisions de la CADA relèvent du juge administratif. En Italie, les décisions de la CADA reviennent au tribunal administratif régional ; en revanche, les contentieux en matière de données à caractère personnel sont de la compétence du juge judiciaire. En Australie, le tribunal administratif est compétent pour examiner le bien-fondé des décisions du Commissaire australien à l’information portant sur un refus de communication d’information, ou lorsque le Commissaire a indiqué qu'une question relevait directement dudit tribunal. Les décisions du tribunal administratif sont susceptibles d'appel devant la Cour fédérale d'Australie quand il s’agit une question de droit. Les décisions du Conseil pour la transparence du Chili peuvent faire l’objet d’une plainte pour illégalité émanant de la partie concernée auprès de la cour d'appel de droit commun compétente. À cet effet, la partie dispose d'un délai de 15 jours calendaires après la notification de la résolution du Conseil.
La contestation des décisions des IGAI devant le juge n’est pas uniformément reconnue dans les pays membres de l’OCDE. Les décisions la Commission nippone chargée du contrôle de la communication et de la protection des renseignements personnels sont dépourvues d’effet obligatoire et à ce titre insusceptibles d’un recours juridictionnel par exemple et restent insusceptibles de recours. Un requérant insatisfait de l'avis rendu par la CADA française peut quant à lui introduire une requête contentieuse devant le tribunal administratif de son lieu de résidence, dans un délai de deux mois suivant l'avis. Il convient de noter que la requête devant le juge administratif doit être dirigée contre le refus opposé par l'administration, et non contre l’avis de la CADA. Une décision finale de la CAI du Québec est susceptible d’appel devant un juge de la Cour du Québec dans les 30 jours de réception par les parties. L’appel peut concerner toute question de droit ou de compétence. La décision de la Cour du Québec est sans appel.
Encadré 5.2. Le droit au recours contentieux
L’exemple de la CADA en France
Un demandeur peut introduire une requête contentieuse devant le tribunal administratif de son lieu de résidence dans un délai de deux mois suivant l'avis de la CADA. La requête est dirigée contre le refus opposé par l'administration, et non contre l’avis de la CADA qui est insusceptible de recours contentieux.
En général, le recours contentieux doit être introduit dans les deux mois suivant soit la notification de l'acte contesté, soit la décision de rejet, expresse ou implicite, de la part de l'administration relative à un recours gracieux ou hiérarchique.
Le tribunal administratif dispose de six mois pour statuer. Le recours n'est en principe pas suspensif, ce qui signifie que la décision ou l'acte de l'administration continue à s'appliquer tant que le juge n'a pas rendu sa décision. Dans les cas d'urgence, il existe des procédures de référé administratif permettant de suspendre l'exécution de la décision.
Source: Commission d’Accès aux Documents Administratifs, France, “Suites d’un avis”, https://www.cada.fr/particulier/les-suites-dun-avis.
Référence
Office of the Australian Information Commissioner, (2017): Australian national audit office, Independent auditor’s report, in Annual Report 2016–2017, Gouvernement australien, www.oaic.gov.au/resources/about-us/corporate-information/annual-reports/oaic-annual-report-201617/oaic-annual-report-2016-17.pdf