Pour rendre effectif le droit d’accès à l’information, les pouvoirs publics nationaux recourent à divers moyens. Le premier d’entre eux consiste logiquement à édicter des lois instaurant les conditions d’application du droit, par exemple à travers l’obligation de publication spontanée des documents administratifs, ou celle, pour les détenteurs de l’information, de la remettre aux personnes qui la sollicitent.
Par ailleurs, lorsque les personnes ayant sollicité l’accès à l’information s’estiment lésées, les législations prescrivent des recours contre les décisions déniant ce droit. Dans ce sens, elles imposent d’abord à la personne assujettie à l’obligation de fournir l’information d’exercer elle-même un contrôle sur ses décisions à travers un recours administratif (gracieux ou hiérarchique). Elles confient ensuite ce contrôle à l’autorité juridictionnelle ou à une autre institution, qui peut exercer cette unique mission ou la cumuler avec d’autres.
La notion d’accès à l’information renvoie à au moins deux réalités fonctionnelles distinctes : d’une part l’obligation, pour les personnes concernées, de communiquer les informations qu’elles détiennent ; d’autre part, l’obligation de protéger les données personnelles lors de leur collecte, traitement et conservation.
Dans les pays de l’OCDE, ces fonctions sont exercées de manière plus ou moins spécialisée. Certaines IGAI, comme les Commissions d’accès aux documents administratifs française, italienne et portugaise, sont essentiellement compétentes pour la communication de l’information. La Commission nationale de l’informatique et des libertés française, le « garant pour la protection des données personnelles » italien7 et la Commission nationale de protection des données portugaise8 sont spécialisés quant à eux dans la sauvegarde des données. D’autres IGAI, tels les Commissaires à l’information du Royaume-Uni et de l’Australie, remplissent simultanément ces deux fonctions. Enfin, ces deux missions peuvent être assumées par un seul organisme, concomitamment avec d’autres missions très variées, comme dans le cas du bureau du Médiateur dans les pays d’Europe du Nord.
Aucune disposition de droit international n’impose expressément aux États d’instaurer un organe de contrôle du droit d’accès à l'information. Toutefois, selon les dispositions du droit interaméricain par exemple, auquel sont soumis plusieurs pays membres de l’OCDE, une obligation d’action positive générale de protection du droit à l’information incombe aux pays concernés9. L’un des moyens les plus efficaces pour satisfaire à cette obligation consiste dans la création d’une institution garantissant l’accès à l’information (IGAI). Plus précisément, le Conseil de l'Europe, dans sa Recommandation de 2002 sur l'accès aux documents publics, déclare au Principe IX que : « 1. Un demandeur dont la demande d'accès à un document public a été refusée en tout ou en partie, renvoyée ou restée sans suite dans les délais […] devrait avoir accès à une procédure de révision devant une cour ou devant une autre instance indépendante et impartiale prévue par la loi. 2. Un demandeur devrait toujours avoir accès à une procédure rapide et peu coûteuse de réexamen par une autorité publique ou de révision […] »10. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, dans son examen de mai 2007 du droit d'accès à l'information dans sa région de compétence, a aussi inclus dans son analyse des éléments essentiels du droit à l'existence d'un organe de contrôle spécifique et a recommandé à tous ses États membres de créer un tel organe. L’expérience montre globalement que les IGAI assument un rôle fondamental dans la promotion de la culture d’accès à l’information, l’application générale du droit, l’accès individuel des personnes sollicitant la communication de certaines informations, et l’évolution du droit. De sorte que de nombreux pays ont, depuis une trentaine d’années, adopté ou amélioré les législations relatives au droit d’accès à l’information et mis en place des institutions responsables de veiller à leur application11.
Dans le contexte précédemment décrit, marqué, d’une part, par l’évolution profonde du droit d’accès à l’information dans les pays membres de l’OCDE et dans certains pays de la région MENA, et, d’autre part, par la place accrue des IGAI parmi les institutions des pays de l’OCDE et l’instauration de nouvelles IGAI dans certains pays de la région MENA, le Secrétariat de l’OCDE s’est intéressé de manière plus approfondie au fonctionnement des IGAI, notamment en ce qui concerne la communication spontanée de l’information et la demande d’information détenue par les personnes soumises à l’obligation de communiquer l’information.
Le présent rapport s'inscrit dans le contexte des travaux de l'OCDE sur le gouvernement ouvert et du Programme MENA-OCDE pour la gouvernance, qui depuis 2012 apportent leur soutien aux pays de la région MENA pour la conception et la mise en œuvre de politiques publiques en faveur de la transparence, la participation des parties prenantes et la redevabilité, en consultation avec les citoyens et la société civile. L’accès à l’information fait partie intégrante du programme du Partenariat pour un gouvernement ouvert et il est une condition pour être membre de ce programme. La Jordanie, la Tunisie et le Maroc font partie du Partenariat pour un gouvernement ouvert, alors que le Liban souhaite en devenir membre.
Ce rapport examine sur la base d’exemples significatifs, et en mettant l’accent sur la communication spontanée ou à la demande de l’information, et en mettant l’accent sur la communication spontanée ou à la demande de l’information, dans une première partie la situation des IGAI dans les pays de l’OCDE. Il présente dans une seconde partie la situation de la Jordanie, qui dispose de la plus ancienne législation en matière de droit à l’information dans la région, de la Tunisie, du Liban et du Maroc, pays qui viennent d’adopter ou modifier leur législation dans ce domaine.