Le Chapitre 3 présente des données montrant que les obstacles aux échanges de services nuisent gravement au commerce, ce qui a d’importantes conséquences pour d’autres aspects de la performance économique. Il passe en revue les conclusions de récentes analyses de l’OCDE portant sur les effets que produisent ces restrictions sur le secteur des services lui-même, ainsi que sur les secteurs en aval qui utilisent les services comme facteurs de production intermédiaires. Ce chapitre expose en outre les premières informations émanant d’une analyse en cours à l’OCDE, destinée à élaborer des équivalents coûts des échanges pour les obstacles au commerce des services. Enfin, il décrit les conclusions préliminaires de travaux visant à estimer la valeur des engagements pris en vertu des accords internationaux sur le commerce, en particulier pour ce qui est de renforcer la transparence et la prévisibilité en matière d’échanges et d’investissement.
Les politiques d'échanges de services dans une économie mondialisée
Chapitre 3. Les avantages de l’ouverture des marchés de services
Abstract
Les services génèrent plus des deux tiers du PIB mondial, attirent plus des trois quarts de l’investissement direct étranger (IDE) dans les économies avancées, emploient la plupart des travailleurs et créent la majeure partie des nouveaux emplois dans le monde. Alors que la transition vers une économie de services se produit de plus en plus tôt dans le cycle du développement, la politique commerciale ne suit pas toujours le mouvement et les obstacles aux échanges internationaux de services demeurent plus répandus que dans le secteur manufacturier. Les restrictions au commerce des services engendrent des pertes pour les entreprises prestataires, qui ont plus de difficultés à s’implanter sur les marchés étrangers, pour les ménages et les entreprises clientes, qui sont privés d’un accès à des services plus diversifiés au meilleur prix, et pour les travailleurs, qui manquent les opportunités que leur offriraient davantage d’exportations et d’IDE. Par contraste, l’intégration dans les réseaux mondiaux en tant qu’exportateur ou bénéficiaire d’IDE peut donner lieu à des flux de création locale de valeur ajoutée, d’innovation et d’emplois de qualité, qui sont perdus chaque fois que des politiques restrictives dissuadent une entreprise de se développer à l’étranger.
Les échanges de services reposent sur différents modèles opérationnels, utilisés par les entreprises pour satisfaire au mieux les besoins de leurs clients étrangers. Un prestataire de services peut exporter directement, par exemple s’il vend des logiciels par la voie numérique (mode 1 : fourniture transfrontières). Les entreprises peuvent aussi ouvrir des filiales à l’étranger, lorsque la proximité avec les clients est importante, comme lorsqu’une banque commerciale ouvre un réseau d’agences sur un marché prometteur (mode 3 : présence commerciale à l’étranger). Les entreprises exportatrices de services peuvent envoyer des collaborateurs à l’étranger pour de courtes missions, par exemple des ingénieurs qui vont concevoir un projet en collaboration avec le client sur place, ou des techniciens qui se déplacent pour installer et réparer des équipements (mode 4 : mouvement des personnes physiques). Enfin, les échanges internationaux comprennent aussi des services fournis dans le pays d’origine de l’entreprise à des non-résidents, principalement dans le secteur du tourisme (mode 2 : consommation à l’étranger). Ces modèles distincts se complètent souvent lorsque les entreprises souhaitent offrir une gamme complète de services à leurs clients. Ce faisant, les exportateurs de services doivent parfois supporter les coûts induits par l’environnement général des politiques publiques ainsi que par les politiques visant plus précisément chaque mode de fourniture.
Pour que l’ouverture des échanges et les réformes de la réglementation produisent tous leurs avantages, les décideurs doivent repérer les goulets d’étranglement réglementaires et évaluer l’incidence des politiques en place sur la promotion ou la restriction des échanges. Les mesures réglementaires peuvent nuire aux échanges et, plus largement, à la santé de l’économie de différentes façons, à savoir en étant restrictives, incohérentes ou imprévisibles. Le propos principal de l’Indice de restrictivité des échanges de services (IRES) est de se pencher sur la restrictivité des échanges et des politiques d’investissement à l’égard des prestataires de services étrangers. Parallèlement, il peut aussi être utilisé pour évaluer le coût de la mise en conformité avec les cadres réglementaires en vigueur dans différentes juridictions, ainsi que celui de l’incertitude qui naît lorsque les politiques appliquées ne concordent pas avec les engagements internationaux.
Une méthode courante, pour quantifier les effets des politiques commerciales, consiste à convertir des indicateurs comme l’IRES en équivalents coût ad valorem – en d’autres termes, à estimer le niveau auquel il faudrait placer un instrument de type tarifaire pour obtenir un effet défavorable aux échanges de même ampleur. Exprimés en pourcentage de la valeur des services fournis à l’étranger, les équivalents ad valorem offrent un moyen simple d’appréhender la restrictivité sous son aspect quantitatif. Il convient toutefois de garder à l’esprit que ces estimations constituent toujours une vision simplifiée d’un éventail complexe et hautement varié de règles commerciales, créant des coûts qui ne sont pas toujours proportionnels aux volumes échangés et qui ne sont pas toujours supportés à parts égales par tous les exportateurs et investisseurs.
L’analyse empirique1 révèle que le coût des obstacles au commerce des services et à l’investissement dans ce domaine est lourd, dépassant largement les droits de douane moyens sur les échanges de biens, et que ce coût s’applique à tous les modes de fourniture de services à l’étranger. À titre d’exemple, le niveau moyen des restrictions en vigueur dans les télécommunications correspond à des coûts allant, pour des services hautement personnalisés, jusqu’à 150 % sur les prestations transfrontières et à 73 % sur le chiffre d’affaires des filiales à l’étranger.
Ces coûts pesant sur les échanges résultent non seulement de politiques qui ciblent explicitement les prestataires étrangers, mais aussi, plus généralement, d’une réglementation intérieure qui ne correspond pas aux bonnes pratiques en matière de concurrence et d’établissement des règles. Pour abaisser ces coûts, il reste important de poursuivre l’ouverture des marchés de services par la voie des négociations, mais il convient aussi de s’atteler à une révision des réglementations sectorielles, et à un examen de l’efficience des procédures administratives et d’agrément, pour vérifier qu’elles ne font pas peser une charge indue sur les nouveaux concurrents.
Les différentes façons dont les pays réglementent la fourniture d’un même service créent des coûts supplémentaires pour les exportateurs, qui doivent s’adapter à de nouvelles règles chaque fois qu’ils s’implantent sur un nouveau marché. La coopération en matière de réglementation joue désormais un rôle central dans les négociations sur le commerce et l’investissement mais, dans la pratique, la convergence réglementaire demeure limitée. Lorsque les marchés sont relativement ouverts, les coûts imposés par le degré moyen de différences réglementaires s’échelonnent entre 20 % et 80 %. Quoi qu’il en soit, l’élimination des restrictions existantes, là où elles sont encore élevées, devrait être prioritaire. C’est l’harmonisation des règles du jeu qui procure, de loin, les gains les plus élevés dans le cas où des pays disposés à coopérer dans le domaine de la réglementation ont déjà abaissé leurs barrières commerciales.
Lorsque les restrictions aux échanges de services sont assouplies et que la coopération en matière de réglementation fait des progrès significatifs, les petites et moyennes entreprises (PME) sont les premières à en profiter. En effet, les petits exportateurs ont plus de difficultés à supporter le coût des obstacles réglementaires et du respect de réglementations divergentes sur chaque nouveau marché. Bien souvent, les PME concluent qu’il est au-delà de leurs capacités de recenser les exigences réglementaires de chaque pays, d’adapter leurs méthodes de production et de réunir les documents attestant de leur mise en conformité, et elles renoncent à rechercher des clients sur de nouveaux marchés. Une diminution du coût de l’entrée sur les marchés contribuerait à améliorer l’inclusivité des échanges de services en permettant à un plus grand nombre de PME de saisir les opportunités qui existent dans le monde.
Étant donné leur fort potentiel d’amélioration du dynamisme commercial, de revitalisation de la concurrence et de promotion de l’attractivité de l’IDE, l’ouverture des marchés et les réformes favorisant la concurrence peuvent devenir un moteur de croissance de la productivité et de compétitivité dans l’ensemble de l’économie. Sur certains segments de la chaîne des transports et de la logistique, les restrictions commerciales en place accroissent les prix d’environ 20 % en moyenne pour les entreprises qui utilisent des services comme facteurs de production, ce qui, à terme, se répercute sur les consommateurs. Une intensification de la concurrence pourrait faire une grande différence en offrant un meilleur accès à des services de qualité internationale à des prix avantageux, ce qui aiderait les entreprises manufacturières à être compétitives sur le terrain des prix et de la qualité.
Ce chapitre présente tout d’abord le coût global des échanges qui découle de l’IRES pour les différents modes de fourniture. Dans tous les cas, les effets présentés ci-dessous doivent être compris comme le résultat attendu à long terme de la libéralisation des échanges de services, après ajustement des acteurs économiques au nouvel environnement réglementaire, plutôt que comme des réactions immédiates2. Il aborde ensuite la répartition de ces coûts entre les entreprises en fonction de leur taille, âge et activité, ainsi que les avantages globaux d’une meilleure réglementation des services pour l’ensemble de l’économie. Enfin, il décrit les principales conséquences à tirer de cet examen pour l’action des pouvoirs publics.
Le coût des restrictions aux échanges de services
Nul ne contestera que le commerce international soit plus coûteux que la vente sur le marché intérieur. Ce coût supplémentaire recouvre des facteurs monétaires, afférents par exemple à l’expédition, à l’assurance et aux droits de douane. Mais il est possible aussi de chiffrer les facteurs non monétaires, comme le temps de transport ou les difficultés pour faire respecter un contrat dans une juridiction étrangère. Les informations sur le montant des coûts résultant des obstacles réglementaires sont particulièrement importantes pour que les pouvoirs publics puissent prendre des décisions en connaissance de cause. La réglementation des services peut renchérir les échanges de différentes façons, dont deux sont étudiées dans la présente section. De toute évidence, on peut s’attendre à ce que la présence, dans un pays, de restrictions plus rigoureuses aux échanges de services rende ceux-ci plus onéreux. En outre, certains signes indiquent que l’hétérogénéité des réglementations entre pays importateurs et exportateurs a aussi un coût pour les échanges bilatéraux. Une troisième source de coûts provient de l’incertitude due au fait que les pays appliquent souvent des politiques qui sont plus libérales que leurs engagements en vertu d’accords internationaux, mais sur lesquelles, par conséquent, on ne peut pas compter avec certitude à l’avenir.
Les obstacles aux échanges de services donnent lieu à des coûts élevés pour les exportateurs
Les analyses empiriques montrent que le coût des échanges de services transfrontières résultant d’une réglementation protectionniste et anticoncurrentielle est d’un ordre de grandeur supérieur aux droits de douane qui sont encore appliqués au commerce des biens. L’IRES moyen3 pour chaque secteur représente un coût des échanges compris entre 142 % et 1 800 % pour les services de messagerie, entre 115 % et 1 191 % pour la banque commerciale, entre 31 % et 149 % pour les télécommunications et entre 32 % et 154 % pour les services de construction4. Le Graphique 3.1 illustre les coûts des échanges sur une gamme plus large d’indices de restrictivité.
Le chiffre d’affaires des filiales étrangères semble, en termes ad valorem, légèrement moins subir l’influence d’une réglementation restrictive des échanges de services5. Cependant, étant donné que les filiales étrangères vendent généralement de plus gros volumes de services sur un marché étranger que l’exportateur transfrontière moyen, le coût total des échanges est peut-être comparable entre ces deux stratégies. Dans les services de transport, le niveau moyen de la restrictivité des échanges de services génère des coûts d’établissement commercial qui correspondent à une majoration comprise entre 51 % et 292 % du chiffre d’affaires total des filiales étrangères (Graphique 3.2). Pour les filiales étrangères dans le secteur des services informatiques, l’IRES moyen représente des obstacles aux échanges qui élèvent le coût de la fourniture des services d’un montant équivalent à un droit de douane de 31 % pour les services standards et de 147 % pour les services spécialisés. Pour les services de télécommunications, ces taux sont respectivement de 18 % et 73 %. Dans le secteur de la distribution, qui représente une part majeure des échanges opérés via la présence commerciale à l’étranger pourla plupart des pays, le coût des échanges est loin d’être négligeable. En moyenne, les restrictions aux échanges dans ce secteur engendrent des coûts équivalents à un droit de douane de 10 % (services standards) ou de 37 % (services spécialisés)6.
Les équivalents coût des échanges sont généralement plus faibles lorsque les services sont relativement standardisés. Par exemple, dans les services de messagerie pour le courrier standard, les différences de qualité dans la fourniture du service sont faibles. Pour de tels services, les consommateurs réagissent vivement à des variations, même faibles, du prix en réorientant leur demande vers des fournisseurs à moindre prix. À l’inverse, les prestataires de services spécialisés ont davantage de pouvoir de marché : ils peuvent relever leurs prix, car il n’est pas facile de trouver d’autres solutions. La raison en est souvent qu’ils fournissent une qualité que leurs concurrents ne peuvent pas offrir ou qu’ils adaptent leurs services en fonction des besoins de chaque client. D’après les observations, il semble que les services bancaires et professionnels sont relativement plus spécialisés, tandis que la distribution est un secteur plutôt standard. Cela signifie que le coût des échanges, pour les services bancaires, sera plus probablement en haut de la fourchette indiquée, alors qu’il sera plutôt autour du milieu de la fourchette pour la plupart des autres catégories de services et au bas de la fourchette pour les services de distribution.
En règle générale, ce coût des échanges n’augmente pas proportionnellement au degré de restriction aux échanges de services. Pour les échanges transfrontières, certains signes indiquent que les restrictions initialement imposées dans un environnement relativement libéral ont tendance à être plus coûteuses que des restrictions supplémentaires adoptées dans un régime déjà plus restrictif. Une explication potentielle est que, au-delà d’un certain seuil, le coût des échanges peut déjà être prohibitif pour les entreprises exportatrices. Ou alors, un degré supplémentaire de restrictivité peut aboutir à une situation dans laquelle un durcissement réglementaire ne contraint pas davantage le modèle opérationnel de l’entreprise parce que celle-ci ne fournit plus qu’une gamme limitée de fonctions sur le marché étranger.
Les services sont souvent fournis via une combinaison de plusieurs modes
À première vue, il peut sembler que l’exportation de services ou l’ouverture d’une filiale à l’étranger sont deux moyens possibles de servir des clients à l’étranger. Les entreprises peuvent se décider pour l’un ou l’autre de ces modes de prestation en comparant, d’une part, le coût additionnel d’une succursale locale et les risques que présente un modèle moins agile et, d’autre part, les avantages de la proximité avec les consommateurs locaux. Certains signes laissent toutefois penser que ces modes de fourniture se complètent. En outre, les prestations transfrontières comme les ventes par une filiale étrangère semblent dépendre du libre mouvement des personnes physiques. Cela peut s’expliquer par le fait que les grands projets requièrent une combinaison de différents modes de fournitures ou que différents segments de la base de clientèle sont mieux desservis par des modes différents. Par exemple, dans la construction, les obstacles à la présence commerciale (mode 3) constituent l’écrasante majorité des coûts qui pèsent sur les prestations transfrontières dans ce secteur. Les obstacles au mode 3 contribuent aussi à ces coûts dans les services de messageries et de télécommunications.
Les restrictions au-delà des frontières sont des obstacles importants à la prestation transfrontière et à l’activité des filiales étrangères. Dans les secteurs des télécommunications et des transports maritimes en particulier, les prestations de services transfrontières subissent les effets d’une faible application de la concurrence, par exemple lorsque les accords d’expédition sont exemptés du droit de la concurrence, les opérateurs dominants de télécommunications ne sont pas suffisamment réglementés, ou les procédures et la réglementation manquent de transparence. De même, la plupart des obstacles importants aux ventes des filiales étrangères semblent se dresser une fois la frontière passée, comme le résume le Graphique 3.3 à la rubrique « Tous modes ». Si une réglementation peu propice à la concurrence ou un lourd fardeau réglementaire sont non discriminatoires au sens où ils pèsent à la fois sur les fournisseurs nationaux et leurs concurrents étrangers, il arrive souvent, néanmoins, que les fournisseurs étrangers soient davantage entravés parce qu’ils connaissent mal la réglementation et qu’ils doivent affronter différents types de restrictions dans différents pays. Ce résultat montre combien il est important d’étendre les bonnes pratiques en matière de réglementation et de libéralisation au-delà de l’accès au marché et des restrictions nationales. De fait, les obstacles discriminatoires semblent relativement moins importants, eu égard à la décision d’établir une présence commerciale sur un marché étranger, que l’environnement général des affaires.
La présence commerciale à l’étranger semble aussi s’appuyer fortement sur le déplacement concomitant de personnes physiques du siège vers les filiales, comme le montre la part des obstacles au mode 4 dans le coût de la vente à l’étranger par le biais de filiales (Graphique 3.3). Les obstacles au mode 4 expliquent aussi une grande proportion du coût des échanges pour la prestation transfrontière des services de messageries et de banque commerciale, alors même que leur contribution au score IRES est relativement faible dans la plupart des pays. Cela indique que de nombreuses entreprises implantées à l’étranger exportent, de fait, via une combinaison de différents modes et que les filiales obtiennent peut-être davantage de succès lorsque les services peuvent être échangés dans les deux sens avec leur siège. L’action publique devrait donc viser la libéralisation à la fois du commerce et de l’investissement afin de ne pas biaiser les décisions des exportateurs et de maximiser les avantages qui en résultent.
Les bienfaits de la libéralisation dépendent du modèle organisationnel prédominant dans le secteur
Les modèles opérationnels de création de valeur dans les services ne sont pas uniformes ni toujours organisés sous la forme d’une chaîne de valeur7. De fait, le modèle organisationnel le plus répandu est celui de l’« atelier de valeur », puisqu’il représente 50 % de l’emploi dans les grandes économies : la valeur est créée par des experts et des professionnels qui utilisent leurs compétences pour proposer à leurs clients une approche unique de résolution d’un problème. Un autre modèle est celui du « réseau de valeur », qui crée de la valeur en mettant en réseau des clients ayant des besoins différents, par exemple en matière de services bancaires ou d’assurances. Les réseaux d’infrastructures physiques et les plateformes virtuelles comme Uber ou Airbnb sont des réseaux de valeur.
Des politiques commerciales spécifiques n’influent pas nécessairement sur tous les modèles organisationnels. Les services fournis dans les chaînes de valeur sont souvent liés à des biens, ce qui les rend sensibles aux droits de douane et aux obstacles non tarifaires aux échanges de marchandises, aux procédures douanières ou à l’absence d’infrastructures efficientes dans les ports et les aéroports. En revanche, ce sont les obstacles au mouvement des personnes qui sont les plus gênants pour les ateliers de valeur, lesquels font en grande partie l’objet d’échanges via le mode 4 et reposent sur l’accès aux compétences et aux clients.
Les obstacles à la concurrence sont ceux qui entravent le plus les réseaux de valeur physiques ; il convient alors de remédier aux imperfections du marché à l’aide d’une réglementation encourageant la concurrence dans le pays. Quant aux réseaux virtuels, c’est souvent l’obligation d’avoir une présence commerciale dans le pays qui est la principale restriction. Celle-ci peut prendre la forme de restrictions aux flux de données, comme une exigence de localisation des données, qui restreint les échanges même quand elle est destinée à protéger les droits des consommateurs.
La coopération en matière de réglementation peut réduire le coût des échanges
Au-delà du coût encouru pour faire face à des politiques restrictives, le simple fait de devoir respecter, sur les marchés cibles, une réglementation sensiblement différente de celle du pays d’origine est aussi source de coût pour les exportateurs. L’hétérogénéité de la réglementation des services d’un pays à l’autre est considérable et semble en voie de régression seulement dans une minorité de secteurs. Pour des pays relativement libéralisés, avec un score IRES très faible, de 0.1, le degré moyen d’hétérogénéité réglementaire entre deux pays peut représenter un coût ad valorem des prestations transfrontières compris entre 20 % et 80 % en moyenne tous secteurs confondus (Graphique 3.4). Dans des pays plus restrictifs, avec un score IRES de 0.25, cette hétérogénéité entraîne encore un coût des échanges compris entre 12 % et 45 %8. En d’autres termes, plus les pays ouvrent leurs marchés, plus les différences de réglementation deviennent coûteuses. Cet effet n’annule pas les avantages de la libéralisation, mais il peut les réduire légèrement. Ces résultats montrent que la coopération en matière de réglementation peut substantiellement stimuler les échanges de services et qu’elle est encore plus cruciale lorsqu’unsecteur a déjà atteint un stade de libéralisation avancé.
Un environnement réglementaire prévisible favorise les échanges de services
Si l’hétérogénéité des réglementations est source de coûts pour les exportateurs, une autre source de coûts potentielle émane du caractère imprévisible du régime des échanges et du risque d’inversion des politiques appliquées. Les exportations comme l’implantation à l’étranger entraînent des coûts qui sont souvent irrécupérables au sens où, une fois encourus, ils ne peuvent plus être récupérés lorsque, par suite d’un changement de la réglementation, le marché étranger n’est plus intéressant. Les prestataires de services sont par conséquent plus enclins à s’engager dans des échanges lorsqu’ils ont une certaine garantie que le régime réglementaire ne deviendra pas plus restrictif à l’avenir. C’est là, précisément, le rôle que jouent les accords commerciaux couvrant les échanges de services. Ces accords incluent des engagements juridiques qui, dans certains cas, offrent un meilleur accès au marché pour les prestataires étrangers, mais qui sont précieux aussi lorsque, tout simplement, ils ont force de loi eu égard au régime existant, offrant ainsi un environnement réglementaire plus prévisible.
Cet impact positif des accords sur les échanges de services est étudié depuis longtemps dans la littérature sur le sujet, suite à l’entrée en vigueur de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et le développement rapide des accords commerciaux régionaux couvrant les services. Cependant, c’est seulement l’élaboration des indices IRES, lesquels rendent compte de manière détaillée de toutes les mesures réglementaires influant sur le commerce des services, qui a permis de mesurer le pouvoir de contrainte des accords commerciaux à l’égard du régime existant. Les calculs de l’OCDE montrent qu’il existe une certaine hétérogénéité en la matière d’un pays et d’un secteur à l’autre (Encadré 3.1).
Encadré 3.1. Dans quelle mesure les accords commerciaux se reflètent-ils dans le régime des échanges de services en vigueur ?
Les accords sur le commerce des services, comme l’AGCS, prévoient un accès au marché et des engagements de traitement national qui offrent aux exportateurs de services une certaine garantie quant au fait que le régime commercial auquel ils sont soumis ne deviendra pas plus restrictif que le niveau indiqué dans l’accord. La différence entre le degré de restrictivité consolidé dans un accord et le régime commercial effectivement appliqué dans un pays est appelée marge de consolidation. Plus cette marge est grande, moins le régime commercial est prévisible pour les exportateurs potentiels, puisque le pays peut arbitrairement relever ses barrières dans les limites de cette marge sans violation de ses engagements dans le cadre d’accords internationaux.
Le Graphique 3.5 illustre l’hétérogénéité, entre secteurs, de l’ampleur de cette marge eu égard aux engagements dans le cadre de l’AGCS. Pour des secteurs comme les télécommunications, la distribution, l’informatique ou la construction, les exportateurs à l’échelle multilatérale bénéficient d’un environnement commercial prévisible, dans la mesure où les engagements en matière d’accès au marché et de traitement national sont très proches du régime appliqué. Pour d’autres secteurs, comme l’audiovisuel ou les transports, l’incertitude est plus grande. Les accords commerciaux régionaux éliminent une partie de cette incertitude en allant au-delà de l’AGCS au niveau bilatéral ou régional.
La conformité du régime existant avec les accords commerciaux a une incidence directe sur le volume des échanges bilatéraux, confirmant qu’un environnement réglementaire prévisible encourage le commerce. En combinant les données sur la marge de consolidation de l’AGCS (Encadré 3.2) avec une analyse plus approfondie des engagements pris dans les accords commerciaux régionaux, on peut estimer la réaction implicite des échanges à une réduction de l’incertitude eu égard au régime commercial. Pour la plupart des secteurs de services inclus dans la base IRES, on constate des effets positifs et significatifs, qui sont souvent du même ordre de grandeur que ceux résultant d’une réduction effective du degré de restrictivité (à savoir, une baisse des indices IRES). Ces résultats laissent penser que, même lorsqu’ils n’éliminent pas effectivement les barrières commerciales, les accords sur les échanges de services jouent néanmoins un rôle positif en imposant des contraintes légales et en réduisant le degré d’incertitude pour les exportateurs de services.
Les petits pays souffrant davantage des obstacles aux échanges de services, ils peuvent avoir plus à gagner d’une libéralisation
Les spécificités nationales jouent un rôle dans l’origine des lois et règlements et dans la façon dont le cadre réglementaire influe sur les résultats économiques et sociaux. En raison des limitations des données et de la méthodologie, il n’est pas possible de déterminer avec certitude les différences précises, pour chaque pays, de coût d’une mesure donnée. Cependant, on observe généralement que l’effet des restrictions sur les échanges diminue avec la taille du marché. En d’autres termes, un élément donné de libéralisation réglementaire produit une plus forte augmentation des échanges de services dans les pays au PIB modeste que dans les pays où le PIB est élevé. Ce résultat est conforme à l’hypothèse selon laquelle un grand marché intérieur rend une économie moins dépendante du commerce international, ce qui se manifeste aussi par le fait que, dans les petites économies, le niveau des exportations et des importations est plus élevé en proportion du PIB.
Jusqu’à maintenant, tous les coûts des échanges ont été mesurés en termes ad valorem, représentant la majoration de prix qui est acquittée par les consommateurs dans le pays importateur. Cette analyse montre que les avantages de la libéralisation des échanges de services ne sont pas également répartis entre tous les pays et tous les secteurs. Par conséquent, une étude approfondie devrait être menée sur ce type de réforme afin de recueillir des informations sur les secteurs cibles et les obstacles réglementaires, dans le but de tirer un maximum de gains économiques d’un programme de réforme de la réglementation des services. Cependant, si l’efficacité économique d’une réforme est capitale pour sa réussite, la répartition de ses avantages dans l’économie ne l’est pas moins. Du fait que cette répartition est éminemment liée à la composition structurelle des obstacles commerciaux – ventilation entre coûts variables, coûts fixes et coûts irrécupérables –, elle nécessite une analyse qui va au-delà du calcul des équivalents coût ad valorem des échanges. La section suivante présente donc plus d’informations sur la décomposition du coût des échanges en différentes composantes structurelles et sur la manière dont les avantages d’une libéralisation des échanges de services se répartissent parmi les entreprises.
Vers une mondialisation des services plus inclusive ?
La section précédente a mis en lumière le coût global des restrictions réglementaires, mais il est à noter que ce coût n’est pas également ventilé entre exportateurs de services et investisseurs. Tandis que la communauté internationale s’efforce de concevoir des règles commerciales pour une mondialisation plus inclusive, une question clé est de déterminer quelles sont les entreprises perdantes avec les barrières commerciales existantes, et quelles entreprises auraient le plus à gagner d’une libéralisation plus poussée des échanges de services. Il apparaît que ce sont les PME et les nouveaux entrants qui sont les plus durement touchés par les obstacles réglementaires aux échanges de services, de sorte que des réformes de la réglementation contribueraient à diversifier les exportations et les opportunités de croissance pour certains des acteurs les plus dynamiques et créateurs d’emplois de l’économie des services.
La libéralisation des services incite des entreprises moins expérimentées à se lancer sur les marchés d’exportation
Les obstacles aux échanges de services non seulement freinent globalement le commerce des services, mais ils réduisent en outre les perspectives des exportateurs pionniers en favorisant les entreprises en place, plus expérimentées, au détriment d’entreprises qui tentent de s’implanter pour la première fois sur un nouveau marché. Chaque fois qu’un pays s’ouvre modérément aux échanges de services de sorte que son score IRES diminue de 0.1, la probabilité qu’une entreprise n’y ayant pas d’implantation commerciale commence à exporter vers ce pays augmente d’une marge comprise entre 2 et 12 points de pourcentage. Par contraste, la libéralisation n’accroît pas sensiblement la probabilité que les exportateurs en place resteront sur le marché.
Même lorsque les nouveaux entrants parviennent effectivement à s’implanter, les mêmes restrictions leur coûtent davantage qu’aux exportateurs réguliers. Par exemple, sur un marché relativement restrictif, ayant un score IRES de 0.4, les nouveaux exportateurs doivent supporter des coûts équivalents à un surcroît de 14 à 53 points de pourcentage ad valorem par rapport aux coûts réglementaires encourus par les exportateurs en place (Graphique 3.6). Du fait que les nouvelles entreprises sont essentiellement actives dans l’économie des services et, par définition, se lancent sans expérience préalable de l’exportation, une libéralisation coordonnée des échanges de services pourrait devenir un outil de stimulation du dynamisme des jeunes pousses à l’échelle mondiale.
La pénalité subie par les nouveaux entrants reflète l’importance des barrières initiales dans la charge globale qu’impose une réglementation restrictive. On distingue les coûts d’entrée forfaitaires, les coûts fixes récurrents et les coûts ad valorem variables (Encadré 3.2). Les données au niveau des entreprises laissent penser que, si les coûts variables induits par la réglementation sont loin d’être négligeables, une part substantielle des effets restrictifs de la réglementation est constituée par les coûts fixes et les coûts irrécupérables, qui sont encourus indépendamment du montant des services effectivement vendus sur un marché étranger. Il s’agit par exemple des frais engagés pour comprendre le cadre réglementaire en place, adapter les processus opérationnels aux exigences de la réglementation locale, ou encore accomplir les étapes administratives nécessaires à l’acquisition et au renouvellement d’une licence d’exploitation. Leur effet premier est de réduire le nombre d’entreprises estimant qu’il vaut la peine de faire des affaires sur un marché étranger. De fait, le nombre d’entreprises étrangères qui établissent des relations commerciales avec des partenaires dans un pays donné diminue lorsque ce pays impose des restrictions plus sévères dans le secteur.
Encadré 3.2. Coûts d’entrée, coûts fixes et coûts variables
Le coût des échanges, qu’il résulte de mesures actives ou de facteurs plus structurels tenant à l’histoire, à la géographie ou aux préférences, revêt différentes formes. Une première distinction est opérée entre coûts variables et coûts fixes : elle a des effets différents sur le degré auquel les restrictions influent sur la décision de s’implanter sur un marché (la marge extensive) et sur le volume des exportations conditionnant l’entrée (la marge intensive).
Les coûts fixes peuvent soit être encourus à chaque période, soit prendre la forme d’un paiement unique. Les coûts d’entrée ou coûts irrécupérables sont supportés par l’entreprise une seule fois, lorsqu’elle pénètre sur un marché étranger. C’est le cas par exemple lorsqu’elle doit se soumettre à des procédures de sélection des investissements étrangers ou de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l’étranger par des ingénieurs, des comptables ou des juristes venant d’un autre pays. Ces coûts réduisent la probabilité qu’une entreprise qui n’a pas déjà vendu ses produits sur un marché donné décide de le faire, mais ils n’ont pas d’incidence sur la probabilité qu’une entreprise exportant régulièrement demeure sur ce marché ou sur les volumes effectivement vendus par des exportateurs actifs.
Un autre type de coût fixe des échanges est celui qui doit être acquitté de façon récurrente, indépendamment du volume d’activité mené dans le pays d’accueil. Par exemple, les lourdes procédures de renouvellement de licence permettant d’opérer sur un marché étranger, les exigences de localisation des données, ou encore l’examen des besoins économiques du marché pour le personnel clé sont susceptibles d’inclure une forte composante de coûts fixes. Un niveau élevé de coûts fixes décourage à la fois les nouveaux exportateurs et les exportateurs installés de faire du commerce dans le pays, mais n’influe pas sur les montants exportés une fois que l’entreprise a pris la décision de desservir un marché.
Une fois que l’entreprise a réglé tous les coûts fixes des échanges, le volume des exportations n’est déterminé que par les coûts variables ou ad valorem, en proportion de la valeur des services vendus. Les règles discriminatoires pesant sur les activités en cours des entreprises étrangères sur un marché, comme des taxes plus élevées sur le chiffre d’affaires ou les bénéfices réalisés par des prestataires étrangers ou une obligation d’approvisionnement local, sont souvent de cette nature. L’effet des coûts variables des échanges s’apparente de très près aux conséquences des barrières tarifaires : ils découragent l’entrée sur les marchés étrangers et réduisent en outre les volumes exportés par les entreprises qui décident néanmoins de s’implanter sur un marché étranger.
Ce sont les PME qui souffrent le plus des politiques commerciales restrictives
L’expansion internationale des petites entreprises passe souvent par une stratégie de niche ou par l’offre d’un ensemble de services personnalisés à un petit nombre de clients. La transition vers l’économie numérique laisse espérer que celle-ci va faire naître une multitude d’opportunités pour que les petites et moyennes entreprises s’internationalisent dans un monde sans frontières. Pourtant, les frontières sont encore bien présentes dans la réglementation des services ; qui plus est, lorsque le niveau élevé des coûts d’entrée et fixes signifie que le passage à une plus grande échelle et la réalisation rapide d’une masse critique sont les conditions préalables à la réussite, alors ce sont les PME qui sont les plus touchées par les restrictions. Les coûts fixes des échanges sont d’autant plus coûteux à absorber pour les entreprises qui exportent des volumes modestes que ces coûts ne peuvent pas être répartis sur un gros volume de ventes à l’étranger. Les entreprises plus grandes, qui disposent d’une certaine aisance financière et d’un réseau étendu de partenaires commerciaux, sont aussi mieux équipées pour assumer le coût de conformité qu’entraîne l’exportation vers des environnements réglementaires complexes, et elles peuvent avoir suffisamment de pouvoir de marché pour répercuter le coût de la réglementation sur les consommateurs. Au total, ce sont les petits exportateurs potentiels qui sont les premiers dissuadésde s’implanter sur des marchés restrictifs et, pour autant qu’ils parviennent à récupérer leurs coûts d’entrée, ils y réalisent un chiffre d’affaires moins élevé.
En d’autres termes, un niveau donné de restrictions réglementaires représente des coûts d’échanges plus élevés pour les petites entreprises. Par exemple, un niveau moyen de restrictivité des échanges de services, correspondant à un score de 0.2 sur l’IRES, pèse aussi lourd qu’un droit de douane supplémentaire de 14 points de pourcentage sur les exportations des petites entreprises, par comparaison avec des entreprises dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 400 millions d’EUR (Graphique 3.7a). Dans un environnement plus restrictif, avec un score IRES de 0.3, le poids supplémentaire pour les petites entreprises est encore alourdi : il équivaut à un droit de douane supplémentaire de plus de 20 points de pourcentage pour les plus petites entreprises, qui fournissent des services sur mesure.
Monter et exploiter une filiale à l’étranger entraîne davantage de coûts irrécupérables et fixes, d’ordre réglementaire ou autres, que des transactions de pleine concurrence : acquérir ou louer des biens immobiliers, investir du capital dans la nouvelle société, obtenir les autorisations et licences nécessaires, recruter des employés sur place et faire venir du siège du personnel très qualifié sont autant d’étapes qui impliquent des procédures et des dépenses avant qu’un service soit effectivement fourni sur le marché de destination. Il n’est donc pas surprenant que les restrictions réglementaires constituent un obstacle pénalisant encore plus les investissements étrangers que les prestations de services transfrontières pour les entreprises qui ne peuvent pas bénéficier d’économies d’échelle. Par exemple, pour une entreprise de taille intermédiaire qui fait 5 millions d’EUR de chiffre d’affaires en vendant des services spécialisés au travers de ses filiales étrangères, la charge supplémentaire que représente un score IRES de 0.2 est estimée à l’équivalent d’un droit de douane supplémentaire de 19 % par comparaison avec une grande entreprise, alors que le droit de douane supplémentaire équivalent est de 9 % sur les prestations transfrontalières des mêmes services (Graphique 3.7b).
De la même manière, les différences d’approches réglementaires concernant la même politique sont plus dissuasives pour les PME. En effet, les petits exportateurs n’opèrent pas à l’échelle où il devient peut-être rentable d’investir en amont pour se familiariser avec un nouvel ensemble de règles. Bien souvent, les PME sont dépourvues aussi des capacités juridiques et administratives pour collecter des renseignements sur les exigences réglementaires en vigueur sur de nouveaux marchés, adapter leurs processus et documenter leur conformité, lorsque ces obligations sont très différentes de celles de leur marché d’origine.
Les entreprises ayant de multiples liens avec le marché d’accueil sont mieux à même de surmonter les obstacles réglementaires
Quels autres facteurs, outre la taille et l’expérience, renforcent l’immunité des entreprises face aux effets de politiques restrictives sur leurs marchés cibles ? Certaines entreprises ne visent pas seulement à développer leur base de clientèle à l’étranger, mais semblent avoir des raisons impérieuses de vendre leurs services dans un pays précis plutôt que de rechercher des conditions plus favorables sur d’autres marchés ; ces entreprises sont moins sensibles aux politiques relatives aux échanges de services auxquelles elles sont confrontées. Deux de ces raisons se dégagent clairement : fournir des services au siège étranger de l’exportateur ou en tant que complément à l’activité locale de sa société mère, et apporter une valeur ajoutée aux exportations de produits manufacturés en fournissant des services.
Premièrement, les entreprises qui sont des filiales d’un groupe étranger jouissent d’un avantage particulier face à une réglementation restrictive dans le pays de leur société mère. Lorsqu’un pays a un score IRES de 0.4, l’équivalent ad valorem du coût des restrictions aux échanges de services est inférieur de 4 à 14 points de pourcentage pour les entreprises qui sont des filiales d’une société sise dans ce pays par rapport aux entreprises qui n’ont pas de lien de propriété avec le marché cible (Graphique 3.8a). Il semble donc que les filiales d’entreprises étrangères bénéficient des connaissances de leur société mère pour s’orienter dans le dédale des exigences complexes du pays du siège. De plus, les exportations à destination du pays d’origine incluent des services fournis à la société mère. Il est probable que les transactions intragroupes répondent à une division du travail bien établie au sein du groupe et sont moins sensibles aux obstacles réglementaires que les transactions de pleine concurrence.
Deuxièmement, les services exportés conjointement avec des biens sont moins sensibles aux politiques en vigueur sur le marché de destination. Les entreprises qui exportent à la fois des biens et des services vers le même pays ont tendance à être présentes sur des marchés étrangers plus restrictifs que les entreprises qui vendent seulement des services. En d’autres termes, les exportateurs de biens ont l’impression qu’un régime réglementaire restrictif est moins coûteux pour leurs services connexes que les exportateurs de services uniquement. Pour un score IRES de 0.4, relativement élevé, l’équivalent tarifaire ad valorem de cet avantage peut atteindre 35 points de pourcentage pour des services personnalisés (Graphique 3.8b). La raison en est probablement que, lorsqu’ils fournissent conjointement des services, les exportateurs de biens apportent une valeur ajoutée à leurs exportations de produits manufacturés, un phénomène souvent dénommé vente liée de biens et de services (Encadré 3.3). Lorsque, pour une entreprise, la raison première d’exporter des services est la demande d’exportation de ses biens physiques, elle peut considérer le respect d’une coûteuse réglementation des échanges de services comme un moyen nécessaire pour réaliser les bénéfices à tirer des ventes de produits manufacturés, plutôt que comme un facteur prohibitif.
Encadré 3.3. Comment les entreprises manufacturières participent-elles au commerce des services ?
Sous l’effet de l’évolution des modèles opérationnels des entreprises et de leurs modes de création de valeur, la distinction entre échanges de biens et de services s’estompe de plus en plus. Les entreprises manufacturières importent et exportent toute une gamme de services. Les échanges de services peuvent être suscités par des activités manufacturières de différentes façons.
Importations de services en tant que facteurs de production dans le cadre de transactions aux conditions du marché. Nombre de services fournis par des prestataires extérieurs sont des facteurs de production essentiels dans les chaînes de valeur locales et mondiales. Ils permettent aux entreprises de gérer leurs opérations de façon intégrée sur l’ensemble de leurs usines et stades de production (transports, logistique, communications, financement, fonctions administratives externalisées, par exemple), ils ajoutent de la valeur aux produits et améliorent les processus (essais techniques, ingénierie, conception lorsqu’elle est menée à l’extérieur, par exemple). D’après la base de données des échanges en valeur ajoutée (ÉVA), ces services représentent environ un tiers de la valeur ajoutée dans les exportations mondiales de biens manufacturés, dont 40 % sont des services importés directement ou indirectement par les entreprises manufacturières (OCDE-OMC, 2017).
Services fournis en tant que facteurs de production au sein d’un groupe. Certains services clés sont fournis en interne, soit par le siège aux filiales, soit au siège par les filiales locales et étrangères. Il s’agit par exemple de centres de R-D, d’équipes de marketing et de vente, de conseil juridique, d’audit interne ou de ressources humaines. Ainsi, plus de 80 % des importations américaines de R-D, de conseil en gestion et de services informatiques sont acquis au sein du groupe de l’importateur, tandis que les services de télécommunications et d’ingénierie acquis en tant que facteurs de production viennent souvent de l’extérieur du groupe (Graphique 3.9).
Services vendus conjointement avec des biens. De plus en plus, les entreprises proposent à leurs clients des solutions intégrées comprenant la vente liée de biens et de services complémentaires. Les constructeurs automobiles peuvent exploiter des concessions de vente eux-mêmes et fournir des services de crédit et de location-bail à leurs clients; les fabricants de bien de haute technologie vendent des logiciels intégrés et des services de personnalisation des fonctionnalités, de réparation après-vente et de maintenance qui sont liés aux produits physiques. En Finlande, où le matériel de haute technologie et l’électronique dominent les exportations industrielles, le secteur manufacturier a réalisé, entre 2008 et 2014, plus des quatre cinquièmes de son chiffre d’affaires total à l’exportation dans les services informatiques et un quart dans les services d’architecture et d’ingénierie. En Belgique, plus de la moitié des exportations de services d’architecture, d’ingénierie et de télécommunications se sont accompagnées, en 2014, de ventes de biens par la même entreprise dans le même pays, de même qu’un quart des services informatiques vendus à l’étranger (Graphique 3.10).
Libéralisation des services
Les données présentées dans les sections précédentes font clairement apparaître que les obstacles aux échanges et à l’investissement pèsent sur la décision d’une entreprise étrangère de s’implanter sur un nouveau marché via la prestation transfrontalière de services ou la création d’une filiale. Au-delà des échanges eux-mêmes, une réglementation inadaptée en matière d’entrée sur le marché, les règles de la concurrence ou les procédures administratives imposent un lourd fardeau aux sociétés de services et à leurs clients, freinant ainsi le dynamisme commercial et la compétitivité.
Consommateurs et entreprises paient le prix des restrictions aux échanges
Outre les restrictions qui visent spécifiquement les entreprises étrangères, il est évident qu’il faut se pencher aussi sur le rôle de la réglementation nationale eu égard aux obstacles à la concurrence et au manque de transparence réglementaire. Lorsque les pressions concurrentielles sont faibles, les entreprises installées sur le marché ont tendance à consolider et élargir leur pouvoir de marché, réduisant les chances pour de nouveaux entrants d’introduire des innovations perturbatrices. Une réglementation intérieure restrictive crée un environnement qui décourage les nouveaux entrants, qu’il s’agisse d’entreprises locales potentielles ou de concurrents étrangers. Pour cette raison, l’analyse de la restrictivité des échanges couvre aussi le coût d’une politique de faible concurrence.
Le coût final d’un environnement qui évite la concurrence portée par de nouveaux entrants, qu’ils soient locaux ou étrangers, est supporté, en fin de compte, par les consommateurs et par les clients des entreprises en aval, qui paient des prix plus élevés et ont moins de choix que si les marchés étaient plus concurrentiels. La majoration de prix qui en résulte pour les usagers des services dans le pays peut être chiffrée comme s’il s’agissait d’une taxe sur les ventes – un équivalent de taxe sur leurs achats9. En moyenne, sur 42 pays, les estimations de cet équivalent-taxe sont comprises entre environ 3 % pour le transport routier de marchandises et près de 40 % pour les services de radio et télédiffusion, avec des variations considérables d’un pays à l’autre dans tous les secteurs (Graphique 3.11, partie A). Sur certains segments des transports et de la logistique, ainsi que dans la construction, une réglementation restrictive relève le prix des services d’environ 20 % en moyenne, voire de près de 80 % dans certains pays, imposant donc de lourds coûts supplémentaires sur les entreprises manufacturières et, en fin de compte, sur le consommateur final.
Les insuffisances du droit de la concurrence, ou des efforts déployés pour le faire respecter, ainsi que l’opacité de la réglementation (et la longueur ou le coût des procédures douanières), pourraient être les principaux facteurs expliquant le coût élevé des services de télécommunications, de transport et de logistique : dans ces secteurs, de tels obstacles renchérissent les services des entreprises d’une marge comprise entre 10 et 20 % par rapport à des marchés plus concurrentiels (Graphique 3.11, partie B).
Si la réglementation intérieure s’applique de la même façon aux entreprises nationales et étrangères sur un marché donné, elle est donc tout aussi pertinente que les mesures discriminatoires visées par les négociations sur le commerce et l’investissement, puisqu’elle contribue, en fin de compte, à renchérir l’ensemble des services vendus sur le marché. Il s’ensuit que de substantiels gains de concurrence pourraient être tirés d’une libéralisation des échanges et de l’investissement, comme de réformes ciblant les inefficiences de la réglementation intérieure des marchés de services.
De plus, les données examinées dans la section précédente montrent que les restrictions aux échanges de services donnent lieu à de lourds coûts d’entrée, ce qui favorise les entreprises en place, expérimentées, au détriment des exportateurs qui cherchent à s’implanter sur un nouveau marché. Par conséquent, une ouverture plus poussée du commerce des services non seulement produirait des gains globaux découlant de l’intensification de la concurrence, mais encouragerait aussi l’entrée de jeunes et petites entreprises qui ne peuvent se lancer dans l’exportation que lorsque les conditions de marché sont plus favorables, le résultat étant une économie plus dynamique et diversifiée.
Des services intermédiaires efficients favorisent les entreprises manufacturières face à leurs concurrentes
Les services qui sont des facteurs de production intermédiaires constituent des maillons essentiels dans les chaînes de valeur, de l’élaboration des produits jusqu’à leur production, leur commercialisation et leur vente. En effet, ces services permettent de transporter les pièces et les composants jusqu’à la chaîne de montage et les produits finis jusqu’aux consommateurs ; ils sont présents dans la conception, l’ingénierie et l’innovation ; ils servent à suivre l’évolution de la demande et des goûts des consommateurs, et à transmettre ces informations aux concepteurs de produits ; ils offrent financements et assurances ; et ils permettent de se conformer aux lois et règlements en vigueur sur tous les marchés où le produit est vendu. Selon leur position dans la chaîne de valeur, les services intermédiaires réduisent les coûts, améliorent la qualité ou mettent en relation fournisseurs et clients dans le monde entier. Lorsque la réglementation du marché des services ne correspond pas aux bonnes pratiques, le surcoût décrit ci-dessus pénalise les fabricants qui tentent de décrocher des parts de marché à l’étranger face à leurs concurrents, parce qu’ils sont moins compétitifs sur les prix et la qualité, exportent de moins gros volumes et sont moins diversifiés en termes de marchés et de produits.
Une base de prestataires de services riche et efficace au regard des coûts est un facteur d’avantage comparatif dans les secteurs qui sont des usagers intensifs de services intermédiaires – souvent des secteurs manufacturiers haut de gamme. Si l’on tient compte des fonctions de services internes ainsi que des services extérieurs utilisés par les entreprises manufacturières, la contribution totale des activités de services à la valeur des exportations de produits manufacturés est comprise, selon les pays, entre 40 % et 60 % (Graphique 3.12). Si les services externalisés à l’étranger sont les plus entravés par les restrictions aux échanges, le coût et la qualité des services fournis en interne ou achetés sur le marché intérieur subissent eux aussi les effets des conditions en vigueur en matière de concurrence.
Le transport de marchandises sous-tend directement les échanges mondiaux de composants et de produits finis. Il n’est donc guère surprenant que les pays qui appliquent des restrictions plus fortes aux services de transport aérien, maritime ou routier ainsi qu’aux services de messagerie soient de moins bons exportateurs de biens manufacturés, en particulier des produits qui sont sensibles au facteur temps et pour lesquels une livraison rapide et fiable peut être décisive dans la conclusion d’une vente. Des conditions de transport restrictives sur le marché intérieur non seulement se traduisent par de plus faibles volumes d’exportation, mais elles limitent aussi la capacité des industries manufacturières à atteindre un grand nombre de marchés étrangers et à offrir un éventail de produits diversifiés. Le Graphique 3.13 montre que ce sont les restrictions au fret routier (par rapport aux autres modes de transport) qui freinent le plus fortement les exportations de diverses industries clés (automobile, matériel électrique et chimie) (Graphique 3.13).
De même, l’accès au crédit à des conditions concurrentielles est une condition préalable pour que les entreprises puissent soutenir la concurrence sur les marchés internationaux. Des marchés ouverts encouragent un large accès aux financements bancaires ainsi qu’une compression des marges sur les taux d’intérêt, ce qui aide les entreprises à trouver des ressources pour financer l’innovation, leur fonds de roulement et leurs activités commerciales. Lorsque l’environnement réglementaire est propice aux échanges et à l’IDE dans la banque commerciale, les exportateurs de produits manufacturés qui font appel à des financements externes obtiennent de meilleurs résultats, parce qu’ils s’implantent sur davantage de marchés et élaborent plus de produits pour leurs clients étrangers. Ainsi, une réforme de l’environnement réglementaire de la banque commerciale qui viserait à diviser par deux la distance par rapport au marché le plus libéral pourrait, en moyenne, faire gagner près de 8 % aux exportations d’outillage électrique et environ 3 % aux exportations automobiles (Graphique 3.13). Les facteurs de production intermédiaires, dans des chaînes d’approvisionnement mondiales fragmentées, sont plus sensibles aux conditions financières que ne le sont les produits de consommation finale ; en outre, les exportations d’industries à rotation rapide comme la mode, ou vers des pays présentant des risques commerciaux et politiques plus élevés, dépendentelles aussi, de façon critique, de marchés du crédit efficaces et développés dans leur pays d’origine.
Les services à forte intensité de connaissances, comme les logiciels, les services de communication et la R-D ajoutent de la valeur aux produits et procédés. La transmission rapide d’informations entre les sites de production, des systèmes efficients de suivi des marchés en vue d’ajuster l’offre en continu aux goûts des clients, la conception et la fabrication assistées par ordinateur, et la création de produits innovants sont autant de déterminants critiques de la compétitivité sur les produits de haute technologie. Les secteurs innovants réussissent moins bien sur les marchés d’exportation lorsque l’environnement réglementaire freine la concurrence sur le marché intérieur dans les services informatiques, les télécommunications et l’ingénierie. Dans de telles conditions, les industries à forte intensité de R-D, comme la chimie ou le matériel de transport, ont tendance à exporter de plus faibles volumes, et leurs ventes sont peu densément réparties sur les marchés, avec un éventail de produits plus homogène.
Les politiques commerciales concernant les services influent sur la performance à l’exportation des produits manufacturés principalement parce que les services contribuent à réduire les coûts de production et de transaction. Ainsi, une réglementation conforme aux bonnes pratiques, favorisant un marché ouvert et efficient en matière de transports, d’informatique et de finances, est associée à des prix à l’exportation plus compétitifs dans les secteurs en aval, en particulier pour ce qui est des biens de consommation finale. À l’inverse, lorsque les services essentiels ne sont pas disponibles au meilleur prix à cause de la réglementation, le coût plus élevé des intrants et la moindre efficience des procédés de production ont tendance à se répercuter sur les prix à l’exportation, moins compétitifs, ce qui limite l’aptitude des entreprises à s’implanter sur les marchés étrangers.
Un secteur des télécommunications compétitif, et surtout l’internet à haut débit, jouent un rôle particulièrement décisif en faveur des améliorations de la qualité et de la différenciation verticale. Une réglementation fondée sur les meilleures pratiques dans ce secteur est associée à une valeur unitaire plus élevée pour les exportations de produits manufacturés, ce qui laisse penser que ces services ajoutent de la valeur et contribuent à orienter les exportations vers le haut de gamme. Cela s’explique par l’effet positif d’une réglementation favorisant la concurrence sur le déploiement des services internet à haut débit, qui offrent aux entreprises des outils en temps réel pour suivre les préférences des consommateurs, en évolution constante, et pour y répondre, mais aussi pour accéder à l’information et à l’innovation. En outre, les services internet ouvrent de nouvelles possibilités de gains grâce à la vente liée de biens et de services, y compris des services après-vente, à la création de communautés de clients sur les réseaux sociaux, etc.
Encadré 3.4. Brésil et Inde : comment les services sont sortis d’une impasse pour devenir la planche de salut des industries manufacturières
L’Inde et le Brésil sont deux économies de marché émergentes qui ont fait de la promotion d’une solide base manufacturière l’une de leurs politiques majeures, comme en témoignent les initiatives récentes que sont Make in Indiaet Plano Brasil Maior. Une analyse détaillée de l’expérience de ces économies montre bien comment l’amélioration de la qualité des services, notamment par le biais d’une réglementation adéquate, peut jouer un rôle décisif dans l’émergence d’industries haut de gamme. L’accent est mis en particulier sur la connectivité physique et virtuelle, sur laquelle reposent les chaînes d’approvisionnement des produits manufacturés.
Le Brésil bénéficie d’un solide avantage comparatif dans le secteur des ressources naturelles, et ses exportations s’appuient largement sur la compétitivité des produits de base. L’activité manufacturière du Brésil doit relever le défi de la diversification et de la montée en gamme de la base d’exportations. Moins de 0.5 % des entreprises du secteur formel vendent à l’étranger ; les dix premiers produits représentent 45 % du total des exportations de biens ; et la part des exportations de haute technologie diminue au fil du temps. La diversification des exportations serait fortement favorisée par une amélioration des services qui concourent à la réduction du coût de la production et des échanges, et des services qui sont actuellement sous-performants, notamment les finances, les transports et la logistique. Les grands produits d’exportation du Brésil, comme les denrées alimentaires ou la sidérurgie, font relativement peu appel au crédit extérieur, alors que les secteurs dont le développement est défini comme prioritaire (automobile, semiconducteurs et matériel médical) nécessitent, pour leur expansion, une intermédiation du crédit qui soit efficace. Certains biens, notamment les produits alimentaires et pétroliers, tirent leur compétitivité internationale de la richesse du Brésil en ressources naturelles, malgré le coût élevé du transport, mais l’amélioration de l’infrastructure des chaînes d’approvisionnement pourrait être une conditionnécessaire à une expansion durable des secteurs de la chimie et des pièces automobiles. Le Brésil serait alors en bonne position pour tirer parti des bonnes performances de son ingénierie en vue de développer plus avant ses industries innovantes.
Par contraste avec le Brésil, les exportations des secteurs prioritaires de l’Inde (automobile et pièces, chimie, outillage électrique, produits pharmaceutiques et confection) manifestent déjà un degré élevé de diversification (produits et marchés), mais les volumes ne sont pas grands et le passage à une échelle supérieure n’est pas facile. En outre, les fabricants indiens perçoivent des prix à l’exportation qui sont inférieurs de 6 à 15 % à la moyenne pour ces produits, ce qui indique qu’ils restent confinés dans le bas de gamme sur le marché mondial. Les analyses montrent que le manque de connexions internet à haut débit constitue un obstacle majeur pour surmonter les contraintes de compétitivité sur la qualité et faire passer les exportations existantes à une échelle supérieure, surtout pour les exportations vers des économies à haut revenu comme les États-Unis et l’Union européenne, qui sont les premiers clients de l’Inde. Si les consommateurs et les entreprises bénéficient, en Inde, d’un marché dynamique et compétitif pour les télécommunications mobiles, le pays accuse un important retard par rapport à la moyenne mondiale en termes de pénétration de l’internet à large bande et de l’accès à des serveurs sécurisés. Des réformes réglementaires encourageant la concurrence et visant à améliorer les services fixes à haut débit pourraient aider considérablement les entreprises industriellesindiennes à élargir leur rayon d’action.
Source : Arbache et al. (2016) ; Benz et al. (2017).
Des systèmes réglementaires bien conçus rendent les marchés plus attrayants pour l’investissement direct étranger
Outre que les obstacles aux échanges de services et à l’investissement ont un coût en termes de bien-être pour les consommateurs et les entreprises, ils amoindrissent en outre l’attrait d’un marché pour l’investissement direct étranger. Non seulement un environnement réglementaire restrictif est moins intéressant pour les entreprises multinationales (EMN), mais même les multinationales étrangères qui sont à même d’absorber des coûts d’entrée plus élevés et de réussir à ouvrir une filiale sur un marché plus restrictif doivent supporter des coûts opérationnels d’un montant disproportionné, ce qui entrave leur contribution à la diffusion des connaissances et à la création de valeur dans le pays d’accueil.
Les entreprises qui s’établissent à l’étranger sont parfois soumises à des règles purement discriminatoires, comme des exigences de nationalité pour les administrateurs et les dirigeants, des restrictions au recrutement de personnel étranger hautement qualifié, l’interdiction d’embaucher des professionnels ayant une licence locale, un accès limité aux marchés publics, etc. Tous ces facteurs accroissent leurs dépenses d’exploitation. Les EMN supportent aussi des coûts de mise en conformité plus élevés lorsqu’elles sont confrontées à un nouveau cadre réglementaire, mal connu et souvent différent ,chaque fois qu’elles s’implantent sur un nouveau marché. Par conséquent, les pays cherchant à améliorer leur attractivité pour l’investissement étranger pourraient envisager d’abaisser les barrières aux échanges et à l’investissement par le biais d’une libéralisation unilatérale ou négociée, mais aussi de s’employer à aligner certains aspects de leur réglementation nationale sur les environnements réglementaires qui prévalent dans des économies plus ouvertes et plus accueillantes pour l’IDE.
L’investissement étranger procure différents avantages à l’économie qui en bénéficie, en agissant sur des leviers économiques, sociaux et politiques. Tout d’abord, les EMN créent des emplois en recrutant des employés locaux. Ensuite, l’activité multinationale est souvent associée à des transferts de compétences et de technologies. En effet, les filiales étrangères emploient parfois des techniques de production plus avancées, qui peuvent se diffuser dans l’économie locale, contribuant ainsi non seulement à l’amélioration des compétences de la main-d’œuvre locale mais aussi au renforcement des incitations à l’innovation dans l’ensemble d’un secteur. Le pays d’accueil pourrait aussi bénéficier de services plus diversifiés, de meilleure qualité et, dans des conditions réglementaires favorables, à des prix plus avantageux que les substituts locaux ou importés.
Enfin, les EMN étendent souvent leurs activités bien au-delà des frontières géographiques du pays d’accueil, ce qui contribue à stimuler la propre activité d’exportation du pays d’accueil. Les filiales étrangères servent, à un degré notable, de plateformes d’exportation, fournissant en particulier des services financiers, informatiques, de transport et de distribution non seulement au marché d’accueil mais aussi à des pays tiers (Encadré 3.5).
Encadré 3.5. Plateformes IDE-exportation : le cas des filiales américaines et japonaises
Le phénomène des plateformes IDE-exportation est l’un des liens entre attractivité d’un marché pour l’IDE et performance des échanges. Dans ce modèle opérationnel, les MNE ouvrent des filiales à l’étranger non seulement pour fournir des services à la clientèle locale, mais aussi pour établir des pivots régionaux ou des centres de services spécialisés pour les filiales de leur groupe implantées sur les marchés voisins.
Les filiales étrangères des EMN de services américaines sont le plus souvent créées pour desservir le pays d’accueil : en moyenne, plus de 70 % de leurs ventes totales répondent à la demande locale (Graphique 3.14). Cependant, les filiales étrangères de sociétés américaines non spécialisées dans les services sont davantage engagées dans les exportations et les échanges intragroupe, qui représentent ensemble plus de la moitié de leur activité totale. Il semble donc que les filiales de services étrangères d’EMN manufacturières soient en grande partie créées pour soutenir la production de la société mère ou pour atteindre de nouveaux marchés en faisant fonction de pôles de distribution.
De même, l’activité des filiales étrangères de sociétés japonaises qui est orientée vers le siège ou vers des marchés tiers est comprise entre 40 et 50 % du chiffre d’affaires total des filiales étrangères, selon l’activité principale de la société mère. Ainsi, les EMN japonaises, quelle que soit leur activité de base, paraissent suivre une stratégie consistant à établir des têtes de pont régionales afin d’étendre leur activité au-delà de leur marché d’accueil.
Néanmoins, la création de filiales de services à l’étranger répond à des buts très différents d’un secteur à l’autre (Graphique 3.15). Dans des secteurs tels que la construction, la logistique et les télécommunications, les entreprises japonaises créent des filiales étrangères avant tout pour mieux s’implanter sur le marché d’accueil. Mais dans certains secteurs, les EMN japonaises créent des filiales à l’étranger non seulement pour répondre à la demande locale mais surtout pour disposer d’un tremplin pour l’exportation. Ce phénomène de plateforme pour l’exportation prévaut surtout dans les services financiers et les transports. Dans ce dernier secteur, les exportations destinées au pays du siège représentent près d’un quart du chiffre d’affaires total des filiales. Ajoutées aux exportations vers des pays tiers, elles constituent plus de 70 % des ventes des filiales. Dans les services financiers, les exportations vers des pays tiers représentent les deux tiers des ventes des filiales étrangères.
Les ventes passant par des plateformes d’exportation concernent aussi les services informatiques et la distribution, avec respectivement 37 et 38 % du chiffre d’affaires des filiales. Ces données indiquent que les EMN japonaises établissent souvent un réseau de succursales à l’étranger pour développer leur clientèle aussi bien localement que dans les pays voisins, mais aussi pour assurer des fonctions d’appui à l’activité du groupe.
La libéralisation des échanges de services favorise la compétitivité de l’économie locale
Un marché des services ouvert est essentiel à la compétitivité du marché intérieur et à la croissance de la productivité. Cette section a mis en évidence les deux principales voies par lesquelles des marchés ouverts procurent des avantages à l’ensemble de l’économie. La libéralisation des échanges de services a le potentiel de stimuler la performance d’un pays à l’exportation en attirant l’investissement étranger. Les entreprises étrangères se traduisent par d’autres avantages pour le marché d’accueil, sous la forme de nouvelles possibilités d’emploi ainsi que de transferts de compétences et de technologies.
Par ailleurs, il est probable que l’atténuation des restrictions aux échanges de services influe sur les exportations en renforçant la compétitivité des entreprises existantes, tant dans le secteur des services que dans les industries manufacturières en aval. Les nouveaux entrants incitent les prestataires de services locaux à devenir plus efficients et plus innovants pour préserver leurs parts de marché. Le fait de devenir plus productives peut encourager les entreprises locales à se lancer sur de nouveaux marchés étrangers. Parallèlement, les entreprises moins compétitives et inefficientes peuvent se trouver évincées du marché lorsqu’elles ne sont plus protégées par des mesures protectionnistes. Si l’ajustement requis peut être coûteux à court terme, il recèle le potentiel de déclencher une réallocation des ressources, beaucoup plus efficiente, en faveur des entreprises plus performantes qui ont de solides perspectives de croissance.
Conséquences pour la politique commerciale
Ce chapitre a examiné l’ampleur, la nature et l’impact des coûts qu’entraînent des politiques restrictives en matière d’échanges de services. Les nouvelles données qu’il présente sont destinées à informer les responsables des politiques commerciales quant aux effets probables de réformes réglementaires unilatérales ou concertées et à les aider à hiérarchiser les priorités à cet égard. Les principales conclusions qui se dégagent de cette analyse sont les suivantes.
Les restrictions aux échanges de services qui existent à l’heure actuelle ont clairement pour effet de freiner le commerce et l’investissement transfrontières. Il existe une marge considérable de réduction du coût des échanges dans les grands secteurs de services par le démantèlement des mesures discriminatoires à l’encontre des prestataires étrangers, mais il y aurait encore plus à gagner d’une amélioration concomitante de la réglementation intérieure générale en matière de concurrence et de transparence.
Lorsque les obstacles explicites aux échanges diminuent, le coût de la mise en conformité avec une réglementation différente dans chaque juridiction devient plus lourd pour les entreprises internationales. Il existe de nombreux moyens par lesquels la coopération en matière de réglementation peut faciliter l’activité des exportateurs tout en préservant une bonne protection des consommateurs et en poursuivant d’autres objectifs de politique publique. Cependant, lorsqu’il persiste de fortes restrictions explicites aux échanges de services, il est essentiel de les atténuer pour que la coopération en matière de réglementation puisse faire une différence substantielle.
Les exportateurs plus petits et moins expérimentés doivent supporter un coût plus lourd lorsque l’environnement réglementaire est plus restrictif. Pourtant, de plus en plus souvent, les petites entreprises récemment créées ont besoin d’aller chercher des opportunités à l’étranger, face à une demande stagnante sur le marché intérieur et compte tenu des économies d’échelle croissantes qu’offre la transition numérique. L’ouverture des marchés de services profiterait avant tout au segment des PME, premier créateur d’emplois.
Les modèles opérationnels de la prestation de services sont complexes, impliquant souvent plusieurs modes combinés, la vente liée de biens et de services, ou encore une association de produits numériques et d’interactions face à face. Les politiques publiques devraient éviter autant que possible de déformer ces modèles opérationnels, notamment en adoptant une approche équilibrée à l’égard des différents modes de fourniture à travers les politiques d’échanges, d’investissement et de concurrence.
Le secteur des services est diversifié, avec de multiples différences sur le plan des modèles opérationnels, des conditions de concurrence et des cadres réglementaires représentant les meilleures pratiques. L’optimisation des bienfaits des réformes passe par des conseils ciblés permettant de repérer les principaux obstacles, en tenant compte de la fraction évitable du coût des échanges dans chaque secteur, de l’ampleur des divergences entre la réglementation sectorielle du pays et celle des principaux partenaires commerciaux, ainsi que des répercussions sur les segments économiques en aval.
Réformer les échanges de services procure des avantages aux consommateurs mais renforce aussi la productivité et la performance de l’économie nationale. Sous la pression de la concurrence, les sociétés de services sont poussées à innover et à offrir à leur clientèle les solutions les plus efficaces en fonction des coûts. Les industries manufacturières modernes consomment beaucoup de services en tant que moyens de production intermédiaires, et leur compétitivité repose sur l’accès à des prestataires de services à la pointe du progrès et au meilleur prix. Les pays dont l’environnement réglementaire est plus favorable et transparent sont aussi plus attrayants pour l’IDE, ce qui stimule l’activité économique, l’emploi et les exportations.
Il est cependant peu probable que les avantages à tirer de la libéralisation des échanges de services puissent se concrétiser sans perturbation temporaire des marchés du travail. Pour que les gains des échanges se matérialisent, il faudra que certaines entreprises disparaissent tandis que d’autres, plus performantes, se développeront. Les réformes visant à renforcer la concurrence dans les services fonctionnent au mieux pour la société si elles s’accompagnent de filets de sécurité efficaces et de politiques actives du marché du travail. De telles politiques doivent être conçues de façon à atténuer les effets néfastes à court terme pour les travailleurs qui peuvent perdre leur emploi, à multiplier leurs chances de trouver un nouvel emploi et à faire en sorte qu’il soit plus intéressant et moins risqué de créer une nouvelle activité.
Références
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Stabell, C. et Ø. Fjeldstad (1998), « Configuring value for competitive advantage: On chains, shops, and networks », Strategic Management Journal, vol. 19, pp. 413-437.
Notes
← 1. Le présent chapitre s’inspire des conclusions dégagées par Arbache et al. (2016), Benz (2017), Benz et al. (2017), Miroudot et Pertel (2015), Nordås (2016), Nordås et Rouzet (2015), Rouzet et al. (2016), et Rouzet et Spinelli (2016).
← 2. La période couverte par l’IRES et par les données disponibles sur les échanges et l’investissement ne permet pas de déterminer le coût pour les échanges des changements de politiques au sein des pays au fil du temps. Les estimations présentées dans ce chapitre sont établies à partir des différences de politiques d’un pays à l’autre et sont donc plus appropriées pour représenter le potentiel à long terme des réformes réglementaires.
← 3. L’IRES moyen dans les secteurs étudiés s’établit à 0.29 pour les services de messagerie, 0.24 pour la banque commerciale, 0.23 pour les télécommunications et 0.23 pour la construction.
← 4. Dans les autres secteurs, on manque de données pour mener une analyse suffisamment robuste, ou alors les coefficients qui en résultent ne sont pas significatifs. Les incertitudes statistiques et le manque d’informations précises sur la sensibilité de la demande d’importations aux variations des prix impliquent de se limiter à une fraction seulement des estimations de ces coûts.
← 5. Ces résultats se fondent sur des données confidentielles au niveau des entreprises qui couvrent les filiales étrangères de sociétés mères sises en Allemagne, aux États-Unis, en Finlande et au Japon.
← 6. L’IRES moyen dans les secteurs étudiés s’établit à 0.30 pour les services de transport, 0.23 pour les services informatiques, 0.23 pour les télécommunications, 0.19 pour la distribution, 0.23 pour les services financiers et 0.23 pour la construction.
← 7. L’analyse de cette sous-section est tirée de Miroudot et Cadestin (2017). Le concept d’atelier et de réseau de valeur a été imaginé par Stabell et Fjelstad (1998).
← 8. Ces estimations décrivent le niveau moyen du coût des échanges sur l’ensemble des secteurs, et peuvent recouvrir des variations significatives d’un secteur à l’autre. Par conséquent, il se peut que le coût des échanges qui est imputable aux différences de réglementation soit considérablement plus élevé dans certains secteurs.
← 9. Les restrictions aux échanges relèvent les prix de deux façons : les barrières à l’entrée créent une rente pour les entreprises en place, car elles peuvent facturer des prix plus élevés tant qu’elles sont protégées de la concurrence des importations et de l’entrée potentielle de nouveaux fournisseurs ; et un excès de réglementation accroît le coût de la mise en conformité pour les entreprises établies, coût qui peut être répercuté sur les prix. D’une façon ou d’une autre, ces restrictions font naître un coût qui est semblable à une taxe sur les ventes, supportée par les consommateurs et les entreprises en aval.