Ce chapitre présente les tendances et les prévisions mises en évidence dans les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2023-2032 à partir des projections à moyen terme concernant les produits agricoles, halieutiques et aquacoles les plus produits, consommés et échangés dans le monde. Il commence par décrire les hypothèses macroéconomiques et relatives à l’action publique qui sous-tendent les projections, puis met en exergue les principales constatations concernant la consommation, la production, les échanges et les prix de ces produits pour la période allant de 2023 à 2032. D’après les projections, la demande de produits agricoles augmentera plus lentement au cours de la prochaine décennie sous l’effet du ralentissement que devraient connaître aussi bien la croissance démographique que la hausse des revenus par habitant. La production agricole devrait elle aussi progresser à un rythme moins rapide. Les incitations en faveur de son accroissement seront tempérées non seulement par le ralentissement de la demande mondiale de produits agricoles, mais aussi par une croissance moindre de la productivité sous l’influence du renchérissement des intrants, à commencer par les engrais, et du durcissement des réglementations environnementales. Les évolutions anticipées de la demande et de l’offre mondiales devraient entretenir une légère baisse tendancielle des prix agricoles réels durant la prochaine décennie. Le commerce international restera essentiel pour la sécurité alimentaire dans les pays qui importent des produits alimentaires, et pour la subsistance des travailleurs des chaînes d’approvisionnement alimentaire dans ceux qui en exportent. Il existe un risque accru de voir la variabilité des conditions météorologiques, les ennemis des cultures et les maladies animales, l’évolution des prix des intrants, des événements macroéconomiques et d’autres incertitudes concernant les politiques publiques se traduire par des écarts importants par rapport aux projections actuelles.
Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2023-2032
1. Marchés agricoles et alimentaires : tendances et perspectives
Abstract
Les Perspectives sont le fruit de la collaboration entre l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Elles présentent un scénario de référence cohérent de l’évolution des marchés des produits agricoles et du poisson aux niveaux national, régional et mondial au cours de la période allant de 2023 à 2032. Ce scénario de référence s’appuie sur la connaissance approfondie des produits, des politiques publiques et des pays que possèdent les deux organisations, ainsi que sur les contributions apportées par les pays membres et les organisations internationales spécialisées dans les produits.
Les projections de référence sont établies à l’aide du modèle Aglink-Cosimo de l’OCDE et de la FAO, qui met en relation les différents secteurs et pays étudiés de manière à assurer une cohérence d’ensemble et un équilibre global entre tous les marchés. Les projections présentées reflètent les conditions actuelles des marchés (synthétisées dans le Graphique 1.1), ainsi que certaines hypothèses concernant l’évolution de la conjoncture macroéconomique, de la situation démographique et des politiques publiques, qui sont décrites en détail à la section 1.1.
Les projections reposent sur l’hypothèse que la guerre menée par la Fédération de Russie (ci-après « la Russie ») contre l’Ukraine ne durera pas, et que la région retrouvera à moyen terme les perspectives de production d’avant la guerre.
Le scénario de référence des Perspectives sert de référence à des analyses prospectives et à la planification de l’action publique, et l’utilisation du modèle Aglink-Cosimo qui le sous-tend permet de procéder à une analyse par simulation, et même d’évaluer les incertitudes quant à l’évolution des marchés. Une présentation détaillée de la méthode utilisée pour établir les projections ainsi que d’autres informations sur le modèle Aglink-Cosimo sont disponibles en ligne, à l’adresse .
Les Perspectives comportent quatre grandes parties :
Partie 1 – Marchés agricoles et alimentaires : tendances et perspectives. Après une description des hypothèses macroéconomiques et relatives aux politiques publiques qui sous-tendent les projections (section 1.1), ce chapitre présente les principales conclusions des Perspectives. Il expose les projections clés et donne un aperçu des grands objectifs et défis proposés aux systèmes agroalimentaires au cours des dix prochaines années. Ce chapitre décrit les tendances et les perspectives de la consommation (section 1.2), de la production (section 1.3), des échanges (section 1.4) et des prix (section 1.5).
Partie 2 – Synthèses régionales. Ce chapitre décrit les grandes tendances et les problèmes émergents auxquels se trouvera confronté le secteur agricole dans les six régions de la FAO : l’Asie et le Pacifique, région subdivisée en Asie de l’Est et développée (section 2.2) et Asie du Sud et du Sud-Est (section 2.3), l’Afrique subsaharienne (section 2.4), le Proche-Orient et l’Afrique du Nord (section 2.5), l’Europe et l’Asie centrale (section 2.6), l’Amérique du Nord (section 2.7), et l’Amérique latine et les Caraïbes (section 2.8). Il met en relief les dimensions régionales des projections de la production, de la consommation et des échanges, et apporte des informations générales sur les grands enjeux régionaux.
Partie 3 – Chapitres sur les produits. Ces chapitres décrivent les récentes évolutions des marchés et présentent les projections à moyen terme de la consommation, de la production, des échanges et des prix des produits examinés dans les Perspectives. Chaque chapitre s’achève par un examen des principaux problèmes et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés dans les dix prochaines années. Cette partie comporte neuf chapitres portant respectivement sur les céréales (chapitre 3), les oléagineux et les produits oléagineux (chapitre 4), le sucre (chapitre 5), la viande (chapitre 6), le lait et les produits laitiers (chapitre 7), les produits halieutiques et aquacoles (chapitre 8), les biocarburants (chapitre 9), le coton (chapitre 10) et les autres produits (chapitre 11).
Partie 4 – Annexe statistique. L’annexe statistique présente les projections de la production, de la consommation, des échanges et des prix des différents produits agricoles, halieutiques et aquacoles, ainsi que des biocarburants, de même que les hypothèses macroéconomiques et relatives aux politiques publiques. L’évolution des marchés durant la période examinée est représentée par les taux de croissance annuels et par la comparaison entre les données relatives à la dernière année (2032) et celles correspondant à une période triennale de référence (2020-22). L’annexe statistique ne figure pas dans la version imprimée des Perspectives, mais elle est disponible en ligne.
1.1. Hypothèses concernant la situation macroéconomique et les politiques publiques
1.1.1. Principales hypothèses sur lesquelles repose le scénario de référence
Ces Perspectives présentent un scénario de référence cohérent pour l’évolution à moyen terme des marchés des produits agricoles, halieutiques et aquacoles qui repose sur une série d’hypothèses relatives à la conjoncture macroéconomique, aux politiques publiques et à la situation démographique. Cette section expose les principales hypothèses sur lesquelles repose ce scénario. Les données détaillées sont disponibles dans l’annexe statistique.
1.1.2. Croissance démographique
Pour les projections démographiques, les Perspectives utilisent les estimations de la variante moyenne tirées de la base de données du rapport des Nations Unies sur les Perspectives de la population dans le monde.
Graphique 1.2. Croissance de la population mondiale
Note : ALC = Amérique latine et Caraïbes ; ASS = Afrique subsaharienne ; EAC = Europe et Asie centrale ; NENA = Proche-Orient et Afrique du Nord (on en trouve une définition au chapitre 2) ; Reste de l’Asie = Asie-Pacifique moins la Chine et l’Inde.
Source : OCDE/FAO (2023), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
Au cours de la période de projection, la population mondiale devrait s’accroître et passer de 7.9 milliards de personnes en 2022 à 8.6 milliards de personnes en 2032. Cela correspond à une croissance annuelle moyenne de 0.8 %, en perte de vitesse par rapport au rythme de 1.1 % par an enregistré au cours de la dernière décennie. L’accroissement démographique est concentré dans les pays à faible revenu, en particulier l’Afrique subsaharienne, qui devrait afficher le plus fort taux de croissance, soit 2.4 % par an, dans les dix ans à venir. La population de la République populaire de Chine (ci-après « la Chine ») a diminué pour la première fois en 2022 (d’après la révision 2022 du rapport des Nations Unies sur les Perspectives de la population dans le monde) et devrait continuer à reculer au cours de la période de projection pour atteindre 1.41 milliard d’habitants en 2032. Ainsi, l’Inde, qui comptera 1.52 milliard d’habitants en 2032, devrait dépasser la Chine et devenir le pays le plus peuplé de la planète dès 2024. Les populations de plusieurs pays européens, du Japon et de la Corée devraient également diminuer au cours de la période de projection.
1.1.3. Croissance du PIB et du revenu par habitant
Les estimations du PIB et du revenu par habitant au niveau national au cours de la prochaine décennie reposent sur les Perspectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international (FMI) (octobre 2022). Les revenus par habitant sont exprimés en USD constants de 2010.
Après être passée de 5.8 % à 3 % entre 2021 et 2022, la croissance du PIB mondial devrait à nouveau ralentir en 2023 et se stabiliser à un taux moyen de 2.6 % au cours de la prochaine décennie. Au cours de la période 2023-32, le produit intérieur brut (PIB) continuera à augmenter le plus fortement dans la région Asie et Pacifique, en particulier en Inde, en Chine et en Asie du Sud-Est. En Afrique subsaharienne, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, la croissance moyenne du PIB devrait être supérieure à la moyenne mondiale, tandis que la croissance enregistrée en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi que dans les économies de l’OCDE, devrait être inférieure à cette moyenne.
Dans ces Perspectives, le revenu moyen par habitant au niveau national est mesuré par approximation à l’aide du PIB réel par habitant. Cet indicateur est utilisé pour représenter le revenu disponible des ménages, qui constitue l’un des principaux déterminants de la demande de produits agricoles. Comme le montre le Rapport 2022 sur la pauvreté et la prospérité partagée publié par la Banque mondiale, la croissance économique mondiale est inégalement répartie. Cela vaut particulièrement pour les pays d’Afrique subsaharienne, où les revenus des 40 % les plus pauvres n’ont pas crû aussi vite que le revenu moyen. Aussi les projections du niveau moyen de la demande nationale de produits agricoles établies pour les présentes Perspectives peuvent-elles s’écarter de la trajectoire attendue sur la base de la croissance du revenu moyen. En outre, la pandémie de la covid-19 a creusé les inégalités de revenus au sein des pays : on estime que les pertes de revenus en pourcentage des plus pauvres sont deux fois plus importantes que celles des plus riches, ce qui empêche les populations les plus pauvres, qui tirent la plupart de leurs calories des aliments de base, d’avoir accès à des produits alimentaires de grande valeur.
Après une reprise en 2021, la croissance du revenu mondial par habitant s’est établie à 2 % par an en 2022 et devrait faiblir en 2023 pour atteindre 1 % par an. Au cours des dix prochaines années, le taux de croissance annuel moyen devrait s’élever à 1.7 % en valeur réelle. Une forte croissance du revenu par habitant est attendue en Asie, notamment au Viet Nam (5.6 % par an), en Inde (5 % par an), en Chine (4.7 % par an), aux Philippines (4.5 % par an), en Indonésie (4 % par an) et en Thaïlande (3 % par an). En Afrique subsaharienne, les revenus moyens par habitant devraient augmenter lentement, à un rythme de 1.1 % par an au cours de la prochaine décennie. La forte croissance démographique limite l’augmentation du revenu réel par habitant en Afrique subsaharienne. L’Éthiopie devrait connaître une croissance robuste de 4 % par an, car elle part d’un niveau très bas et affiche une stabilité économique croissante. En Amérique latine et dans les Caraïbes, la croissance moyenne du revenu par habitant devrait être de 1.6 % par an, avec de légères variations régionales. Dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord, la hausse du revenu moyen par habitant devrait s’élever à 1.7 % par an, grâce à l’effet d’entraînement exercé par la région du Proche-Orient et par l’Égypte. Dans les pays de l’OCDE, le revenu par habitant devrait augmenter en moyenne d’environ 1.4 % par an.
Le graphique 1.3 présente aussi une décomposition des hypothèses de croissance du PIB entre deux éléments : la croissance du PIB par habitant et la croissance de la population pour les principales régions et certains pays. À l’échelle mondiale, la croissance économique sera principalement déterminée par celle du revenu par habitant, en particulier dans les pays de l’OCDE et en Chine. La forte croissance démographique enregistrée en Afrique subsaharienne signifie en revanche que le taux de croissance économique relativement élevé de la région (près de 3.6 % par an) ne correspond qu’à une modeste hausse du revenu par habitant (d’environ 1.1 % par an). Il en va de même, dans une moindre mesure, dans la région Proche‑Orient et Afrique du Nord. À l’inverse, la modeste croissance économique de 1.5 % par an constatée en Europe, où la population devrait diminuer dans les dix années à venir, se traduira vraisemblablement par un taux d’augmentation du revenu par habitant de 1.7 % par an au cours de la prochaine décennie.
1.1.4. Taux de change et inflation
Les hypothèses relatives aux taux de change reposent sur les Perspectives de l’économie mondiale du FMI (octobre 2022). La monnaie de certains pays devrait s’apprécier en valeur réelle par rapport au dollar américain ; c’est le cas du Brésil, du Mexique, du Chili, de l’Argentine et du Paraguay, dont les exportations devraient être relativement moins compétitives sur les marchés internationaux au cours de la prochaine décennie. Une très forte appréciation réelle est également attendue au Nigéria, en Éthiopie et en Ukraine, tandis qu’une dépréciation réelle est attendue en Afrique du Sud, au Japon, en Corée, en Norvège, en Australie, en Chine et dans l’Union européenne.
Les projections de l’inflation reposent sur le déflateur de la consommation des ménages issu des Perspectives de l’économie mondiale du FMI (octobre 2022). Malgré des taux d’inflation élevés dans tous les pays en 2022, les taux projetés devraient ralentir en 2023 et au cours des dix prochaines années grâce au durcissement des politiques monétaires. Dans les pays de l’OCDE, alors qu’elle était de 13 % en 2022, l’inflation devrait chuter à 4.4 % par an au cours de la prochaine décennie et s’établir à 2 % par an aux États-Unis et au Canada et à 2.1 % par an dans la zone euro. Parmi les économies émergentes, le taux d’inflation devrait demeurer élevé en Turquie et en Argentine, où il se situera à 10.3 % et 9.1 % par an, respectivement, malgré une forte baisse par rapport à la décennie précédente. L’inflation devrait reculer, passant de 4.8 % par an à 3.8 % par an en Inde et de 5.9 % par an à 3.1 % par an au Brésil. En revanche, la Chine devrait connaître le même taux d’inflation mesurée par la hausse des prix à la consommation (2 % par an) qu’au cours de la dernière décennie. L’inflation devrait demeurer élevée en Afrique subsaharienne, en Éthiopie (12.6 % par an), au Nigéria (9.5 % par an) et au Ghana (6.9 % par an). Une inflation élevée est également attendue en Égypte (6.5 % par an) et au Pakistan (6.5 % par an).
1.1.5. Coûts des intrants
Les projections de la production présentées dans les Perspectives reposent sur un indice composite basé sur le coût des semences et de l’énergie, ainsi que de divers autres intrants faisant ou non l’objet d’échanges internationaux. Cet indice est basé sur la part respective des différents intrants dans les coûts de production totaux pour chaque pays et chaque produit, laquelle est maintenue constante pendant toute la durée de la période de projection. Les prix de l’énergie sont représentés par le cours international du brut exprimé en monnaie nationale. Les coûts des intrants échangeables comme les machines et les produits chimiques sont estimés à partir des variations du taux de change réel, et les coûts des intrants non échangeables (la main-d’œuvre, principalement), à partir de l’évolution du déflateur du PIB. Les prix des semences suivent les prix des cultures correspondantes. Les coûts des engrais, qui ne sont pas inclus dans l’indice composite des coûts, sont explicites dans les équations de rendement et d’allocation des terres. On distingue trois types d’engrais : les engrais azotés, phosphatés et potassiques. Les quantités utilisées pour différentes cultures sont des variables de décision, tandis que les prix sont liés aux prix des cultures et du pétrole brut.
Les données concernant les cours mondiaux du pétrole correspondent au prix du pétrole brut Brent en 2021 et sont tirées de la version actualisée des Perspectives économiques de l’OCDE, no 112 (décembre 2022). Pour l’année 2022, c’est la moyenne annuelle du prix au jour le jour de 2022 qui a été utilisée et pour l’année 2023, la valeur moyenne de décembre. Pour le reste de la période de projection, on considère que le prix de référence du pétrole utilisé dans les projections reste constant en valeur réelle. Après une baisse du coût du baril de 98 USD à 82 USD entre 2022 et 2023, le prix du pétrole devrait augmenter pour atteindre 98 USD par baril en valeur nominale et 63 USD par baril en valeur réelle en 2032.
1.1.6. Politiques
Les politiques publiques ayant des conséquences importantes sur les marchés agricoles, des biocarburants et des produits halieutiques et aquacoles, les réformes de l’action publique peuvent modifier la structure de ces marchés. Les Perspectives reposent sur l’hypothèse que les politiques actuellement mises en œuvre resteront en vigueur durant toute la période examinée, ce qui permet de disposer d’un utile scénario de référence pour évaluer et analyser les futures réformes qui pourraient leur être apportées.
Les projections des Perspectives tiennent compte de la réforme de la politique agricole commune de l’Union européenne entrée en vigueur au début de l’année 2023, les États membres de l’Union européenne ayant soumis à la Commission leur plan stratégique à cet égard. Toutefois, plusieurs initiatives politiques, notamment celles menées au titre du pacte vert pour l’Europe et en particulier les stratégies « De l’étable à la table » et « Biodiversité », pour lesquelles la législation est en cours de préparation, ne sont pas prises en compte dans le scénario de référence, car leurs objectifs n’ont pas encore été quantifiés en détail. Seuls les accords de libre-échange ratifiés avant la fin du mois de septembre 2022 sont pris en compte.
La relation entre les 27 États membres de l’Union européenne (UE-27) et le Royaume-Uni (RU) est régie par l’Accord de commerce et de coopération UE-RU appliqué à titre provisoire depuis le 1er janvier 2021. On considère que les relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume-Uni se font en franchise de droits et sans contingent.
Les accords de libre-échange dont il est tenu compte dans les Perspectives sont ceux ratifiés avant la fin décembre 2022 (comme l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, la Zone de libre-échange continentale africaine et le Partenariat économique régional global), tandis que les autres (l’Accord UE-Mercosur, par exemple) sont en suspens.
La loi américaine sur la réduction de l’inflation de 2022, qui prévoit des fonds pour les programmes liés à l’agriculture, n’est pas prise en compte dans son intégralité dans les Perspectives, car plusieurs de ses dispositions ne seront pas mises en œuvre immédiatement. Toutefois, le modèle tient compte du fait que ladite loi a prolongé et rehaussé les objectifs de production déjà en place en 2022 pour les programmes dans le domaine des carburants renouvelables et les crédits d’impôt pour le diesel à base de biomasse, tant au niveau de l’État qu’au niveau fédéral.
1.2. Consommation
Les Perspectives présentent des projections des tendances futures de l’utilisation des principaux produits végétaux (céréales, oléagineux, racines et tubercules, légumineuses, canne et betterave à sucre, huile de palme et coton) et animaux (viande, produits laitiers, œufs et poisson)1 et leurs sous-produits2 pour l’alimentation humaine ou animale, ainsi qu’en tant que matières premières pour la production de biocarburants et pour d’autres applications industrielles. La demande relative aux utilisations alimentaires et non alimentaires des produits agricoles et de leurs composants changeants est projetée sur la base d’une évaluation des principaux facteurs déterminants : dynamiques démographiques, revenu disponible, prix, préférences des consommateurs et politiques. Le scénario de référence porte donc sur l’utilisation directe des végétaux dans les aliments à peine transformés destinés à la consommation humaine, mais aussi sur la transformation de premier niveau, comme la trituration des oléagineux et l’utilisation des produits ainsi obtenus en alimentation humaine et animale. La prise en compte de l’utilisation directe des céréales en alimentation animale, ainsi que de l’utilisation de produits transformés comme les tourteaux protéiques, la farine de poisson, le son de céréales et d’autres produits dérivés dans le secteur de l’élevage permet aux Perspectives de mettre en évidence la contribution nette du secteur à l’alimentation humaine et d’évaluer l’incidence potentielle des évolutions sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle mondiale.
1.2.1. La croissance de la population et des revenus reste le principal moteur de la demande de produits agricoles
D’ici à 2032, l’évolution des besoins énergétiques et nutritionnels d’une population mondiale croissante et de plus en plus aisée devrait être le principal moteur de la demande de produits agricoles. Les hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent les projections indiquent un ralentissement de la croissance démographique mondiale ainsi qu’un déclin de la population de la Chine. Parallèlement, la croissance économique mondiale se traduira par une augmentation du revenu par habitant dans la plupart des régions du monde. Les taux d’inflation projetés devraient ralentir en 2023 et au cours des dix prochaines années. Toutefois, ces évolutions et leurs conséquences respectives peuvent varier d’un pays à l’autre. Alors que les prix de référence mondiaux devraient diminuer légèrement en valeur réelle, on ignore comment les signaux émis par les prix de référence mondiaux se répercuteront sur les prix à la consommation et l’effet qu’ils auront sur le marché. Dans ce contexte, les dynamiques démographiques divergentes observées dans différents pays et régions, les divergences dans les préférences des consommateurs en fonction des revenus, ainsi que l’urbanisation rapide de nombreuses économies émergentes portent à croire que les tendances de la consommation varieront d’un pays et d’une région à l’autre. Les évolutions politiques et les facteurs sociaux, ainsi que les risques et les incertitudes, sont également susceptibles d’avoir une incidence sur la consommation à des degrés divers et de produire différents résultats au niveau local, d’autant plus que la croissance et la répartition des revenus resteront inégales entre les régions et les pays et à l’intérieur de ceux-ci. Par exemple, dans les pays où la part de l’alimentation dans les dépenses des ménages est élevée, les chocs sur les revenus et les prix des denrées alimentaires auront des conséquences plus importantes sur la consommation que dans les pays à revenu élevé. Les préférences marquées par la culture et les traditions locales peuvent en outre entraîner des écarts dans la demande de produits agricoles entre les différentes régions et catégories de revenus. Les préoccupations en matière de santé et de durabilité sont plus susceptibles d’accélérer et de modifier la demande de denrées alimentaires dans les régions riches ou émergentes que dans les régions où l’insécurité alimentaire persiste.
L'alimentation reste la première utilisation des produits agricoles de base, représentant actuellement 49 % des quantités consommées au niveau mondial. Toutefois, l’utilisation des produits agricoles dans l’alimentation animale et la production de carburants a gagné en importance au cours des dernières décennies. La croissance de la consommation mondiale de produits d’origine animale a notamment conduit à une forte augmentation de la part des produits agricoles destinés à l’alimentation animale, qui représente actuellement 26% de l’utilisation mondiale totale. Les biocarburants et les applications industrielles, quant à eux, absorbent actuellement environ 8 % de la production agricole mondiale.
Dans un contexte marqué par une augmentation de la consommation mondiale de produits d’origine animale au cours de la période de projection 2023-2032, la croissance de l’utilisation non alimentaire des cultures devrait continuer à dépasser celle de l’utilisation alimentaire, en raison de l’intensification des pratiques d’élevage et de l’augmentation de la demande de biocarburants. Le maïs et les oléagineux, les deux principaux composants des aliments pour animaux, seront particulièrement concernés par l’utilisation croissante de produits agricoles pour l’alimentation animale (Graphique 1.5).
1.2.2. Différences géographiques dans l’utilisation des produits agricoles
L’utilisation des produits agricoles varie considérablement d’un pays et d’une région à l’autre (Graphique 1.6). Il est particulièrement frappant de constater que la part de l’utilisation alimentaire en Afrique subsaharienne est restée bien supérieure à la moyenne mondiale, représentant 69 % de l’utilisation totale des produits agricoles à l’heure actuelle. Cette part devrait atteindre 71 % d’ici à la fin de la période de projection, car la croissance démographique devrait avoir un effet plus important sur la demande de produits agricoles que la croissance des revenus, ce qui se traduira par une plus forte augmentation de la consommation d’aliments de base que de produits d’origine animale dans toute la région. La répartition des produits agricoles en Amérique du Nord est tout autre : les denrées alimentaires ne représentent que 26 % de l’utilisation totale, soit moins que la part des aliments pour animaux ou des biocarburants. En raison de la taille et l’intensité du secteur de l’élevage dans la région, il est nécessaire de consacrer une grande quantité de produits agricoles à l’alimentation des animaux. L’Amérique latine et les Caraïbes, ainsi que le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, devraient également consacrer davantage de produits agricoles à l’alimentation animale au cours de la période de projection, en partie en raison de la consommation croissante de produits d’origine animale découlant de la hausse des revenus, mais surtout en raison de la croissance des exportations de viande.
1.2.3. Principaux moteurs de la demande alimentaire en produits agricoles
D’après les hypothèses de base, la croissance démographique restera le principal facteur influençant la demande alimentaire au niveau mondial, principalement en raison de l’augmentation des besoins de consommation des populations en Afrique subsaharienne, en Inde et au Proche-Orient et en Afrique du Nord. La demande mondiale de céréales et de poisson sera principalement déterminée par la croissance démographique, tandis que celle des produits laitiers frais, de la viande et du sucre sera dans une large mesure renforcée par la croissance de la demande par habitant découlant de la hausse des revenus (Graphique 1.7). Toutefois, conformément aux projections démographiques et économiques qui prévoient un ralentissement du rythme de croissance dans toutes les régions, la demande mondiale de produits agricoles, à l’exception du sucre, devrait augmenter moins rapidement au cours de la période de projection qu’au cours de la décennie précédente.
1.2.4. Perspectives mondiales de la consommation alimentaire de produits agricoles
Les projections faisant état d’une augmentation de la population mondiale et d’une hausse du revenu par habitant dans toutes les régions, la consommation totale des produits alimentaires étudiés dans la présente édition des Perspectives devrait augmenter de 15 %. Dans l'ensemble, l'Asie continuera à jouer le rôle le plus important dans l'évolution de la demande mondiale des produits alimentaires au cours de la période couverte par les Perspectives (Graphique 1.9). L’expansion démographique prévue en Inde, de même que l’augmentation considérable des revenus par habitant en Inde et en Chine, devrait largement contribuer à la croissance de la consommation de toutes les denrées alimentaires étudiées dans les Perspectives.
La consommation mondiale de denrées de base, lesquelles constituent la source la plus importante de calories, devrait augmenter de 4 % par rapport à la période de référence et représenter un peu plus de la moitié de la consommation alimentaire mondiale totale en 2032 (Graphique 1.8). La demande d’aliments de base étant principalement liée à la croissance démographique, ce sont les régions enregistrant la plus grande croissance démographique qui devraient connaître la plus forte augmentation de la consommation de céréales. Ainsi, la consommation mondiale de denrées de base augmentera surtout dans la région Asie (avec l’Inde en tête), en Afrique subsaharienne et dans la région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord.
Toutefois, au niveau mondial, la croissance de la demande globale de céréales, l'aliment de base le plus important, devrait être plus lente au cours de la prochaine décennie qu'elle ne l'a été au cours de la précédente, en raison du ralentissement de la croissance de la demande d'aliments pour animaux, de biocarburants et d'autres utilisations industrielles. En outre, dans de nombreux pays, la consommation humaine directe par habitant de la plupart des céréales approche des niveaux de saturation, ce qui limite l'augmentation de la demande globale. En Amérique du Nord et en Europe occidentale notamment, l'utilisation alimentaire de céréales par habitant devrait stagner, voire diminuer, en raison de la faible croissance démographique et des préférences des consommateurs qui se détournent des produits de base.
Dans le même ordre d’idées, la consommation mondiale de produits alimentaires de plus grande valeur augmentera principalement sous l’effet de la hausse des revenus dans les marchés émergents de la région Asie, où environ la moitié de l'augmentation proviendra de l'accroissement de la demande de viande et de poisson en Chine (Graphique 1.9). L’Inde sera à l’origine de la majeure partie de la croissance de la consommation de produits laitiers frais et d’une part importante de la consommation supplémentaire d’huile végétale et de sucre. En Amérique du Nord et en Europe, la croissance des revenus entraînera également un déclin de la demande par habitant de denrées alimentaires de base, en particulier de céréales, et favorisera ainsi l’évolution de la consommation vers des produits alimentaires de plus grande valeur, en particulier vers des produits à forte teneur en micronutriments tels que les fruits, les légumes, les graines et les fruits à coque.
Les projections de consommation sont le reflet des évolutions variables des revenus par habitant et de leur impact respectif sur les habitudes alimentaires (Graphique 1.10). Lorsque les revenus augmentent la consommation des différents groupes d'aliments tend à s'accroître rapidement, ce qui se traduit par une augmentation de la consommation globale de calories. Toutefois, à partir d'un certain niveau de revenu, la croissance de la consommation alimentaire commence à ralentir. Le niveau de revenu à partir duquel ce phénomène se produit ainsi que le rythme du ralentissement varient selon les groupes alimentaires. Ainsi, la variation de la demande des consommateurs en fonction de l’évolution de leurs revenus demeure plus marquée pour les aliments d’origine animale et certains autres produits plus chers que pour les produits de base.
Dans les pays à revenu élevé, on s’attend à une stabilisation de la consommation en raison de la saturation de la plupart des marchés de produits de base. La consommation d’édulcorants et de graisses par habitant devrait diminuer au cours de la prochaine décennie en raison des préoccupations croissantes en matière de santé et des mesures politiques visant à décourager la consommation excessive de ces produits.
Dans les pays à revenu intermédiaire, l'évolution vers les régimes alimentaires des pays à revenu élevé, qui s'éloignent des aliments de base, devrait se poursuivre et la consommation de produits animaux devrait augmenter rapidement. Les pays à faible revenu, quant à eux, continueront à tirer la majeure partie de leurs calories des aliments de base. En raison des contraintes de revenu, on s'attend à une faible croissance de la consommation de produits animaux et d'autres aliments à plus forte valeur ajoutée (par exemple, les fruits et les légumes) dans les pays à faible revenu.
1.2.5. La part des dépenses alimentaires dans les revenus continue de baisser dans les économies émergentes, mais demeure élevée dans les pays les moins avancés
La part du revenu disponible des ménages consacrée à l'alimentation devrait continuer à diminuer dans toutes les régions (Graphique 1.11, les baisses les plus importantes étant prévues dans les économies émergentes d'Asie. Les dépenses moyennes consacrées à l'alimentation devraient tomber à 10 % des dépenses totales des ménages en Asie développée et orientale d'ici 2032, contre 14 % au cours de la période de référence 2020-2022, et de 17 % au cours de la période de référence à 12 % en 2032 en Asie du Sud et du Sud-Est.
En Afrique subsaharienne, on s'attend à une évolution similaire, mais la région reste celle où la part de l'alimentation dans les dépenses des ménages est la plus élevée, avec 18 % en 2032 (Graphique 1.11). En particulier dans les pays les moins avancés de la région, la part de l'alimentation dans les dépenses des ménages devrait rester élevée et reflète la vulnérabilité des ménages aux chocs des revenus et des prix alimentaires dans les pays les plus touchés par l'insécurité alimentaire.
1.2.6. Prise en compte des pertes et du gaspillage tout au long de la chaîne de valeur alimentaire
Un autre enjeu important, susceptible de compromettre l’efficacité du système alimentaire mondial, concerne les pertes alimentaires tout au long de la chaîne de valeur, ainsi que les aliments gaspillés dans les ménages et les établissements de vente au détail. À travers le monde, environ 14 % des denrées alimentaires, pour une valeur estimée à 400 milliards USD, sont perdues chaque année entre le moment de la récolte et celui de la vente au détail. On estime en outre que 17 % des denrées alimentaires sont gaspillées par les détaillants et les consommateurs. La réduction des pertes et du gaspillage alimentaires constitue un levier important pour l’amélioration générale de la performance des systèmes alimentaires, notamment en ce qui concerne la sécurité alimentaire, la sécurité des aliments, la qualité et la durabilité, ainsi que l’efficacité. L’encadré 1.1 présente la situation actuelle et prévisionnelle quant aux pertes et au gaspillage alimentaires tout au long de la chaîne de valeur, au moment de la vente au détail et au sein des ménages.
Encadré 1.1. Pertes et gaspillage alimentaires : définitions, estimations mondiales et facteurs déterminants
La littérature fournit plusieurs définitions des pertes et gaspillages alimentaires (PGA), ce qui complique leur analyse (FAO, 2019[1]). Les pertes et gaspillages alimentaires comprennent les plantes et les animaux produits ou récoltés pour la consommation humaine, mais qui ne sont en fin de compte pas utilisés à cette fin (Lipinski et al., 2013[2]) ; cela exclut les matières destinées à des fins non alimentaires telles que les cultures pour les biocarburants (FAO, 2011[3]) (FAO, 2019[1]). Étant donné que les produits agricoles sont considérés comme des denrées alimentaires lorsqu'ils sont prêts à être récoltés ou abattus, les pertes de rendement résultant de phénomènes météorologiques ou de maladies sont exclues (Beausang, Hall et Toma, 2017[4]). Certaines études ont défini ces termes en fonction de l'étape à laquelle la perte ou le gaspillage se produit dans la chaîne de valeur alimentaire (graphique 1.14). Les études de la (FAO, 2011[3]) ; (Kummu et al., 2012[5]) et (Parfitt, Barthel et Macnaughton, 2010[6]) ont souligné que les pertes alimentaires surviennent aux premiers maillons de la chaîne de valeur, notamment lors de la production primaire, des activités consécutives à la récolte et de la transformation, tandis que les gaspillages alimentaires interviennent plus tard, lors de la vente au détail et de la consommation par les ménages. Les aliments destinés à la consommation humaine mais détournés pour l'alimentation animale sont exclus de la définition (gaspillages) lorsque les animaux continuent à faire partie de la chaîne de valeur alimentaire (Beausang, Hall et Toma, 2017[4]).
Bien que les définitions figurant dans plusieurs études fassent la distinction entre les pertes et les gaspillages alimentaires, il n'existe pas de base de données permettant d’évaluer séparément ces deux catégories au fil du temps. En outre, les données disponibles ne font pas de distinction explicite entre les pertes et le gaspillage alimentaires. Les données relatives aux pertes ou aux gaspillages alimentaires sont généralement présentées sous forme de pourcentage de perte ou de quantité (en tonnes). La plupart des documents fournissant des estimations sur les pertes alimentaires contiennent des données à partir de 2005, les publications les plus nombreuses étant postérieures à 2015. Selon le rapport La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture (FAO, 2019[1]), seuls 39 pays ont officiellement communiqué des données annuelles sur les pertes alimentaires entre 1990 et 2017. Les études de cas peuvent couvrir les pertes relatives à des maillons spécifiques de la chaîne de valeur, mais elles diffèrent d'un cas à l'autre. Le rapport du PNUE sur l'indice alimentaire (UNEP, 2021[7]) et le rapport 2022 sur les objectifs de développement durable (ODD) préparé par la FAO sont des exemples de sources qui fournissent des estimations mondiales sur la perte de poids des animaux. Selon (UNEP, 2021[7]), les gaspillages alimentaires mondiaux s'élèvent à 931 Mt par an ‒ générés par les ménages (61 %), la distribution (26 %) et les industries de services alimentaires (13 %). Selon le rapport 2022 sur l'état d'avancement des ODD, les pertes alimentaires mondiales sont restées stables entre 2016 et 2020, avec des variations importantes entre les régions et les sous-régions. Le pourcentage de nourriture perdue en 2020 était de 13,3 %, contre 13 % en 2016 (FAO, 2022[8]).
Le Graphique 1.12 présente les pertes le long de la chaîne de valeur pour les principales cultures. Les pertes totales de la chaîne de valeur des principales cultures sont estimées à 137,9 millions de tonnes au cours de la période de référence et devraient augmenter jusqu'à 157 millions de tonnes d'ici à 2032.
Le Graphique 1.13illustre les gaspillages alimentaires lors de la distribution des principales denrées alimentaires. Les fruits et légumes représentent plus de la moitié du total des gaspillages liés à la distribution. Le riz et le blé, qui sont les principales denrées de base, contribuent également de manière substantielle au total des gaspillages liés à la distribution (22 % au cours de la période de référence), qui devrait passer de 180 millions de tonnes au cours de la période de référence à 234 millions de tonnes d'ici à 2032.
La littérature fait état de six facteurs principaux à l'origine des pertes et gaspillages alimentaires. Il s'agit des facteurs économiques, tels que la mondialisation, l'urbanisation, l'industrialisation, l'augmentation des revenus et, par conséquent, les transitions alimentaires ; les pertes post-récolte et les inefficacités de la chaîne de valeur sous la forme d'un accès limité aux infrastructures, à la technologie et aux marchés ; les spécifications de commercialisation, y compris la qualité des produits et les normes des détaillants ; les facteurs naturels ou environnementaux, tels que le changement climatique et la périssabilité des produits ; la législation, telle que les politiques agricoles et de sécurité alimentaire ; et les inefficacités techniques, la mauvaise gestion, la mauvaise planification et la mauvaise manipulation.
Afin de tenir compte des pertes et gaspillages alimentaires, la première étape a été la compilation d'une base de données combinant les sources de données existantes sur les pertes et gaspillages alimentaires. Le Graphique 1.14 illustre comment les pertes citées dans la base de données du bilan alimentaire de la FAO se rapportent aux définitions des pertes et gaspillages alimentaires tout au long de la chaîne de valeur alimentaire, comme énoncé plus haut. Les pertes indiquées dans la base de données du bilan alimentaire sont censées couvrir toutes les pertes alimentaires jusqu'au point de vente au détail de la chaîne de valeur alimentaire.
Différentes approches ont été utilisées pour estimer la part des pertes et gaspillages alimentaires au niveau de la distribution. Pour chaque groupe d'aliments, nous avons dérivé une équation reliant la part des pertes alimentaires aux variables macroéconomiques pertinentes (sélectionnées pour représenter les facteurs de pertes alimentaires identifiés dans la littérature) afin d'estimer la part des pertes alimentaires pour chaque pays.
La base de données de la FAO sur la sécurité alimentaire comprend un pourcentage de calories totales perdues pour tous les produits alimentaires par pays. Ce pourcentage a été utilisé pour estimer la part de gaspillage de la consommation pour chaque produit en utilisant l'étude (Oelosfe et al., 2021[9]) pour "traduire" la part de perte calorique totale par produit alimentaire en une part de volume de gaspillage alimentaire par groupe d'aliments.
1.2.7. Évolution de la consommation de sucre
La consommation mondiale de sucre devrait continuer à augmenter, principalement en raison de l’accroissement substantiel de la consommation totale dans les régions appelées à connaître une forte croissance démographique, notamment l’Afrique subsaharienne, l’Asie et le Pacifique et le Proche-Orient et l’Afrique du Nord (Graphique 1.16). Toutefois, l’augmentation générale de la consommation moyenne de sucre devrait être atténuée par une baisse de la consommation par habitant dans les pays à revenu élevé, reflétant les préoccupations croissantes des consommateurs en matière de santé et les mesures mises en œuvre au niveau national pour décourager la consommation de sucre. Le rythme de croissance de la consommation devrait ralentir dans presque toutes les régions du monde par rapport à la décennie précédente.
1.2.8. Évolution de la consommation de protéines
En réponse à l’évolution des préférences alimentaires des consommateurs de plus en plus aisés et soucieux de leur santé dans les pays à revenu élevé et les pays émergents, la disponibilité totale des sources de protéines par habitant devrait augmenter au niveau mondial pour atteindre 88.4 g par jour en 2032, contre 83.9 g par jour au cours de la période de référence. Toutefois, les différences régionales en matière de composition des sources de protéines persisteront, l’Afrique subsaharienne et le Proche-Orient et l’Afrique du Nord devant rester fortement dépendants des protéines d’origine végétale en raison des revenus moyens nettement inférieurs des ménages (Graphique 1.16). Cependant, les protéines animales continueront de représenter l’essentiel de la consommation de protéines dans les régions à revenu élevé d’Amérique du Nord, ainsi que d’Europe et d’Asie centrale.
Environ deux tiers de la viande devraient être consommés par un tiers de la population mondiale en 2032, ce qui ne représente qu'une légère amélioration par rapport à la période de référence. La consommation élevée par habitant dans les pays à revenu élevé en est la principale raison. Dans certains pays comme la Chine, bien que la consommation par habitant soit comparativement faible, la consommation totale de viande sera substantielle compte tenu de la taille de leur population (Graphique 1.17).
Au cours de la période de projection, en raison de l’augmentation des revenus par habitant au niveau mondial, les protéines animales devraient voir leur part augmenter dans la disponibilité journalière totale de protéines par habitant. La hausse de leur consommation sera particulièrement prononcée dans les régions Asie et Amérique latine et les Caraïbes, où l’on s’attend à ce que la disponibilité journalière par habitant de viande et de poisson augmente de 11-13 % et 6-4 %, respectivement. La croissance de la demande de viande et de poisson en Chine, qui découle de la hausse des revenus et devrait se traduire par des augmentations respectives de 12 % et 14 % de la disponibilité journalière par habitant d’ici 2032, sera le principal facteur de cette évolution. Toutefois, en ce qui concerne l'augmentation prévue de la consommation de viande en Chine, il est important de noter qu'elle partira d'une base plus faible à la suite du choc récent causé par l'apparition de la peste porcine africaine.
Dans l’ensemble, la croissance de la demande moyenne mondiale de viande devrait augmenter de 2.5 % au cours de la période de projection, soit une augmentation de 0.7 kg par habitant et par an en équivalent poids de viande désossée au détail, pour atteindre 29.5 kg par an d’ici à 2032. La croissance de la consommation dans les pays à revenu intermédiaire, telle que décrite ci-dessus, sera à l’origine d’une part importante de cette augmentation. Toutefois, compte tenu des dépenses de consommation élevées et croissantes et du ralentissement de la croissance des revenus, les Perspectives de cette année indiquent que la croissance de la demande mondiale de viande sera nettement plus lente qu’au cours de la dernière décennie. Les dépenses en viande représentent une part importante du panier alimentaire dans les pays à revenu intermédiaire ou élevé. Compte tenu des fortes pressions liées à l’inflation et de la baisse du pouvoir d’achat, on s’attend à ce que les consommateurs réorientent de plus en plus leurs dépenses vers des viandes et des découpes de viande moins chères et à ce qu’ils réduisent potentiellement leur consommation totale de viande, ainsi que leur consommation de viande hors du foyer.
Pour ce qui est de la substitution entre types de viande, les préoccupations environnementales et sanitaires croissantes devraient en outre éloigner les consommateurs de la viande rouge, notamment de la viande bovine, et favoriser d’autres produits plus maigres et plus respectueux de l’environnement, notamment la volaille et le poisson. Ces changements seront particulièrement nets en Europe et en Amérique du Nord, où les consommateurs sont de plus en plus conscients des problèmes sanitaires et environnementaux. La demande de volaille en Afrique subsaharienne, quant à elle, sera principalement stimulée par le prix de la volaille, plus abordable que le bœuf.
1.2.9. Perspectives mondiales de l’utilisation de produits agricoles pour l’alimentation animale
La demande d’aliments pour animaux dépend de deux facteurs : le volume de production de produits d’origine animale et l’utilisation d’aliments pour animaux par unité de production. Au cours de la période de projection, l’augmentation de la production de produits d’origine animale et l’intensification continue du secteur de l’élevage entraîneront une augmentation de la demande d’aliments pour animaux dans la plupart des régions du monde (Graphique 1.19). Dans la plupart des pays à revenu faible ou intermédiaire, on prévoit une croissance modérée à forte de la consommation d’aliments pour animaux au cours de la prochaine décennie, comparable ou supérieure à la croissance de la production animale, à mesure que ces pays s’orientent vers des systèmes de production plus commercialisés et plus intensifs en aliments pour animaux. En Asie du Sud-Est, notamment, la hausse de la production animale devrait doper la demande d’importations de tourteaux protéiques. En Chine, au contraire, la croissance de la demande devrait considérablement ralentir sous l’effet de l’amélioration de l’efficacité alimentaire et des actions engagées pour abaisser la part des tourteaux protéiques dans les rations alimentaires animales.
Dans les pays à revenu élevé, la consommation d’aliments pour animaux, qu’il s’agisse de tourteaux protéiques ou de céréales, devrait augmenter plus lentement, car les améliorations apportées à la génétique animale, à la technologie d’alimentation animale et à la gestion des cheptels continueront à générer des gains d’efficacité substantiels dans l’élevage et la production laitière. L’amélioration de l’efficacité de la production signifie également qu’un même volume de production peut être obtenu avec des cheptels plus petits, ce qui entraîne une réduction des cheptels, en particulier dans le secteur de la production laitière. En particulier, dans l’Union européenne, deuxième utilisateur mondial de tourteaux protéiques, la consommation devrait reculer à mesure que la hausse de la production animale ralentit et que la part d’autres sources de protéines s’accroît dans les aliments pour animaux (Graphique 1.19).
1.2.10. Perspectives mondiales de l’utilisation industrielle de produits agricoles
Les biocarburants sont depuis quelques années le principal débouché industriel des produits agricoles. Leur production passe par l’utilisation directe de céréales et de plantes sucrières, mais aussi de produits transformés comme la mélasse et diverses huiles végétales. La demande de biocarburants est largement déterminée par la demande de carburant pour les transports et par les politiques internes de soutien. Au cours de la prochaine décennie, l’utilisation mondiale de biocarburants devrait continuer à augmenter considérablement, principalement en raison de la demande supplémentaire de biocarburants dans les pays à revenu intermédiaire, où des taux d’incorporation plus élevés sont appliqués parallèlement à l’octroi de subventions pour la production nationale et à l’utilisation de carburants mélangés (Graphique 1.20). L’augmentation substantielle de la production de biodiesel aux États-Unis découlant de nouveaux objectifs et de l’application accrue des programmes fédéraux et d’État en faveur des carburants renouvelables, ainsi que des crédits d’impôt pour le diesel à base de biomasse (dans le cadre de la loi américaine sur la réduction de l’inflation de 2022), générera une demande supplémentaire. En revanche, dans d’autres pays à revenu élevé, notamment dans l’Union européenne, la croissance de la demande sera bridée par la régression de la demande de carburant pour les transports et la diminution des mesures d’incitation. Dans l’Union européenne, la Directive révisée sur les énergies renouvelables (DER II) classe le biodiesel à base d’huile de palme dans la catégorie des biocarburants à risque élevé de changement indirect d’affectation des terres. En conséquence, l’utilisation de biodiesel à base d’huile de palme devrait diminuer, ce qui entraînera une légère diminution de l’utilisation totale de biodiesel dans l’Union européenne. Néanmoins, la part du biodiesel dans la consommation totale de diesel devrait augmenter au cours de la prochaine décennie.
Dans le même temps, la consommation de carburant pour les transports devrait augmenter au Brésil, en Argentine, en Colombie et au Paraguay au cours des prochaines années, et l’utilisation de l’éthanol et du biodiesel devrait augmenter en conséquence. En Indonésie, le taux d’incorporation devrait rester supérieur à 30 % (B30), tandis que l’utilisation du diesel et du biodiesel devrait augmenter. Dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est, le biodiesel devrait gagner en popularité en raison de la croissance de la demande de carburant pour les transports et de l’utilisation industrielle. En Inde, la production d’éthanol de canne à sucre devrait largement contribuer à atteindre un taux d’incorporation de 16 % à l’horizon 2025, tandis que la cible E20 devrait être atteinte d’ici à 2032.
Les produits agricoles sont également utilisés comme matières premières pour d’autres applications industrielles, notamment dans les industries des matériaux (plastique, vêtements, peinture), de la biochimie et de la biopharmacie. Les « autres utilisations », principalement des applications industrielles de produits agricoles de base fournis par les exploitations commerciales, comme les céréales secondaires servant à produire de l’amidon, sont, elles aussi, de plus en plus importantes depuis quelques années et elles devraient occuper davantage de place encore à l’avenir.
1.2.11. Incertitudes relatives à la demande mondiale de produits agricoles
Les projections à moyen terme présentées dans les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO reposent sur l’hypothèse d’une reprise rapide des pressions inflationnistes, d’un maintien des politiques en place et d’une lente évolution des préférences des consommateurs au cours de la prochaine décennie. Ces hypothèses introduisent une certaine incertitude dans les projections de la demande de produits agricoles.
Outre les conflits et les tensions géopolitiques, la menace la plus grave qui pèse actuellement sur la consommation de produits agricoles, ainsi que sur la consommation de denrées alimentaires en particulier, réside dans les répercussions économiques négatives de la persistance de taux d’inflation élevés et d’une éventuelle récession mondiale. Au moment de la rédaction du présent rapport, les prix de référence mondiaux en valeur réelle devaient diminuer légèrement, mais les prix à la consommation pourraient évoluer d’une autre manière, comme le décrit plus en détail la section sur les prix. L'incertitude vient en outre du fait que de nombreux autres facteurs tout au long de la chaîne de valeur alimentaire, y compris le pouvoir de marché dans les secteurs de la transformation et de la vente au détail, peuvent contribuer à l'inflation des prix alimentaires. Il est difficile de savoir comment les signaux de prix de référence mondiaux influenceront le marché, et si les entreprises cesseront d’évaluer les prix en vue de réaliser des bénéfices, ce qui pourrait entraîner des pressions durables sur les coûts.
La guerre de la Russie contre l’Ukraine a démontré ses implications économiques mondiales et menace potentiellement le bon fonctionnement des systèmes alimentaires locaux et mondiaux. Associé à d'autres incertitudes telles que le changement climatique, les conséquences négatives de tous ces facteurs sur la croissance économique mondiale pourraient entraîner une récession mondiale, ce qui suggère que les projections de croissance des revenus qui sous-tendent les présentes Perspectives pourraient ne pas se concrétiser. À cet égard, les perspectives réduites à court terme pourraient entraîner un ajustement à la baisse de la demande alimentaire mondiale, avec des ajustements différents selon les produits de base. En outre, la dernière révision des projections démographiques des Nations Unies a entraîné une révision à la baisse de la croissance démographique dans certains pays (en Chine, par exemple) et laisse entrevoir la possibilité, bien que négligeable, d’une croissance démographique plus faible que prévu à l’avenir, ce qui aurait pour conséquence directe une croissance moins forte de la demande mondiale de denrées alimentaires. Les chocs sur les revenus et les prix des denrées alimentaires, en particulier dans les pays où la part de l’alimentation dans les dépenses est élevée, constituent une menace supplémentaire, de même que le risque de nouvelles épidémies susceptibles de perturber la santé humaine ou la production de produits agricoles.
Les préoccupations croissantes en matière d'environnement et de santé, ainsi que de bien-être animal, devraient influencer de plus en plus les choix des consommateurs et entraîner une demande croissante de produits de plus grande valeur, tels que la volaille, le poisson, les fruits, les légumes, les noix et les graines, ainsi que de produits alimentaires alternatifs, tels que les substituts de produits laitiers, les aliments sans gluten et les substituts de viande végétaliens. Ces évolutions en cours pourraient avoir un impact significatif sur la demande de produits agricoles à l'avenir, notamment en ce qui concerne la consommation de produits ayant une forte empreinte environnementale ou des effets supposés néfastes sur la santé, tels que l'huile de palme, le coton, le bœuf et le sucre. En revanche, la demande d'aliments certifiés et d'alternatives végétariennes et végétaliennes, souvent présentées comme plus nutritives et plus respectueuses de l'environnement, pourrait augmenter. Toutefois, il convient de tenir compte des compromis potentiels entre les régimes alimentaires plus sains et plus durables basés sur l'analyse du cycle de vie. Par exemple, si une augmentation de la consommation de fruits et légumes peut être souhaitable du point de vue de la santé, l'utilisation généralement intensive de produits agrochimiques et d'eau pour leur culture, ainsi que les fortes émissions dues à la chaîne du froid et au transport, ne sont pas forcément souhaitables du point de vue de l'environnement. Par ailleurs, une réduction de la consommation de viande et de produits laitiers dans les populations où elle est très élevée peut présenter des avantages nets.
1.3. Production
Cette section présente les projections relatives à la production de cultures, de bétail et de produits de la pêche et de l’aquaculture couvertes dans les Perspectives. Elle examine également les facteurs sous-jacents de la production, à savoir les rendements et l’intensité des cultures, l’utilisation des terres agricoles dans le secteur de l’agriculture, ainsi que le nombre d’animaux d’élevage et la production par animal dans le secteur de l’élevage.
Au cours de la prochaine décennie, la production globale (mesurée en prix constants) de cultures, de bétail et de produits de la pêche et de l’aquaculture étudiée dans les Perspectives devrait augmenter de 1.1 % par an, un rythme plus lent que celui des décennies précédentes. La réduction des incitations à la croissance est due à l’affaiblissement des recettes brutes attendues par les producteurs, tant en ce qui concerne l’évolution des ventes que celle des coûts. Le produit des ventes de la production ne devrait pas connaître de croissance soutenue, en raison de la stagnation ou de la légère baisse des prix mondiaux en valeur réelle, ainsi que du ralentissement de la croissance démographique. Le coût des intrants devrait augmenter, notamment en raison de l’articulation entre les prix de l’énergie et des engrais et du durcissement des réglementations environnementales.
Les pays à revenu intermédiaire ou faible, notamment la Chine, l’Inde et d’autres pays asiatiques, continueront à être les moteurs de la croissance (Graphique 1.22). D’ici à 2032, l’ensemble de la région asiatique devrait produire plus de la moitié de la production végétale mondiale, près de la moitié de la production animale et près des trois quarts de la production halieutique et aquacole. La croissance de la production sera presque entièrement due à la productivité dans cette région aux ressources limitées.
La production devrait augmenter sensiblement dans les régions Afrique subsaharienne et Proche-Orient et Afrique du Nord, bien que partant d’une base peu élevée. Dans ces régions agricoles, la majeure partie de la production provient des cultures, mais la production de bétail de plus grande valeur devrait connaître une croissance accélérée au cours de la prochaine décennie en raison de l’augmentation rapide de la population et de l’urbanisation. En Afrique subsaharienne, la croissance de la production végétale sera soutenue par l’expansion des superficies, l’évolution de la gamme des cultures et les gains de productivité. Les produits laitiers seront quant à eux à l’origine d’une grande partie de la croissance de la production animale. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, la croissance de la production végétale reposera quant à elle sur les gains de productivité, car la région est confrontée à de graves contraintes en matière de disponibilité d’eau et de terres arables. La production de volaille sera à l’origine de la majeure partie de l’augmentation de la production animale.
La région Europe et Asie centrale devrait connaître la plus faible croissance de la production, principalement sous l’influence de l’Asie centrale et de l’Europe de l’Est. La croissance proviendra essentiellement des gains de productivité, car le déclin à long terme de l’utilisation des terres agricoles devrait se poursuivre, mais des réglementations plus strictes en faveur de la durabilité environnementale et du bien-être animal exerceront une pression à la baisse sur l’amélioration des rendements.
La croissance de la production en Amérique du Nord devrait également être limitée. La production végétale devrait croître plus rapidement que la production animale, inversant ainsi la tendance de la dernière décennie. La croissance de la production sera stimulée par les gains de productivité.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, la croissance de la production devrait également ralentir par rapport à la dernière décennie. Cette croissance devrait provenir principalement de la production végétale. L’abondance des terres dans la région contribue à la forte croissance de la production agricole, qui découle de l’expansion et de l’intensification des cultures. Les gains de rendement devraient cependant jouer un rôle plus important, notamment en raison de l’augmentation rapide attendue de l’épandage. Malgré un ralentissement de la croissance de la production animale, la région continuera à contribuer largement à la production mondiale.
1.3.1. Les améliorations de la productivité sont le moteur de la hausse de la production végétale
Dans l’ensemble, la production végétale devrait augmenter légèrement plus vite (1.2 % par an) que la production animale, halieutique et aquacole (1.1 % par an pour chaque catégorie), maintenant la tendance de la dernière décennie. Cette évolution est due aux gains de productivité découlant principalement de l’évolution des rendements et, dans une moindre mesure, à l’intensification des cultures plutôt qu’à l’utilisation des terres, mais on observe d’importantes variations régionales et sectorielles (Graphique 1.23).
En Afrique subsaharienne, la croissance des rendements devrait presque doubler pour atteindre 16 % au cours de la prochaine décennie, contre 8 % au cours de la précédente. Les investissements dans des variétés de cultures adaptées et améliorées au niveau local, l’accès accru aux engrais, mais aussi la consolidation des titres de propriété foncière permettant une agriculture mécanisée à plus grande échelle stimuleront la croissance de la production agricole. L’Afrique subsaharienne est la région qui compte le plus grand nombre de terres agricoles inexploitées, et l’expansion des superficies récoltées a été un moteur important de la croissance de la production au cours de la dernière décennie. Toutefois, le rôle de l’expansion des terres dans la croissance de la production devrait diminuer, car il est de plus en plus difficile de convertir des terres à des usages agricoles, la plupart d’entre elles se trouvant dans des régions inaccessibles, dans des zones de conflit ou dans des zones de conservation. Dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord, en raison de la diminution de la superficie récoltée, la croissance repose entièrement sur l’augmentation des rendements.
En Europe de l’Ouest, la croissance des rendements devrait ralentir en raison du durcissement de la réglementation environnementale, tandis qu’en Amérique du Nord, elle sera soutenue par des investissements dans l’innovation et des solutions biotechnologiques plus larges.
Variations des rendements des cultures
Au cours de la prochaine décennie, la croissance des rendements devrait contribuer à hauteur de 79 % en moyenne à la croissance de la production mondiale des principales cultures étudiées dans les Perspectives. Les taux projetés diffèrent selon les régions et les pays, en raison des différences au niveau des technologies de production, des pratiques de gestion, de la richesse en ressources naturelles et des conditions climatiques locales (Graphique 1.24).
Les agriculteurs des pays à revenu faible ou intermédiaire, notamment le Brésil et l’Inde, devraient atteindre des taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale pour le maïs, le blé et le riz grâce à l’utilisation de semences plus adaptées et à une meilleure gestion des cultures. Des augmentations notables des rendements sont également prévues en Afrique subsaharienne, mais en 2032, les rendements céréaliers moyens devraient rester à un niveau inférieur à un tiers de ceux enregistrés dans les pays à revenu élevé.
Dans les pays à revenu élevé, la croissance des rendements devrait être inférieure à la moyenne mondiale pour les principales cultures, à l’exception des légumineuses. Dans ces pays, les rendements sont déjà proches des limites de la production et les augmentations futures sont entravées par le durcissement de la réglementation environnementale. Toutefois, la production et les investissements dans les cultures fixatrices d’azote, connues pour leurs propriétés favorisant l’augmentation de la productivité, devraient prendre de l’ampleur afin de répondre aux objectifs d’une production alimentaire durable.
1.3.2. Le rôle du prix des engrais dans la hausse des prix des denrées alimentaires
Les engrais fournissent des nutriments essentiels au maintien des rendements et de la qualité des cultures agricoles, ainsi qu’à la croissance de la production. Les trois éléments nutritifs les plus importants sont l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K). L’azote est l’élément nutritif le plus fondamental pour obtenir un bon rendement agricole, car il permet aux plantes de rester en bonne santé pendant leur développement et de conserver leur valeur nutritive après la récolte. Le phosphore renforce la capacité des plantes à utiliser et à conserver l’énergie et contribue à leur développement normal. Le potassium renforce la résistance des plantes aux maladies et leur qualité générale. L’utilisation d’engrais azotés est essentielle à un bon rendement agricole à court terme. L’efficacité de l’épandage dépend du moment où il a lieu. C’est pourquoi il est difficile de retarder l’application d’engrais azotés en fonction des variations de prix, contrairement à l’application d’engrais phosphatés ou potassiques qui peut être retardée pour optimiser les variations des coûts globaux des intrants, puisque le phosphore et le potassium restent plus longtemps dans le sol.
La production d’engrais minéraux à base d’azote nécessite du gaz naturel à la fois comme matière première et pour alimenter le processus de synthèse. Étant donné le lien entre les engrais azotés et la disponibilité du gaz naturel, la production d’engrais azotés est concentrée dans les pays ayant accès au gaz naturel, à savoir la Chine, l’Inde, les États-Unis et la Russie (Graphique 1.25). Sur la période 2016-20, la Russie était le principal exportateur d’engrais azotés (15 % des exportations mondiales), suivie par la Chine (13 %). Les principaux importateurs d’engrais azotés au cours de la même période étaient l’Inde et le Brésil, qui représentaient tous deux 11 % des importations mondiales.
Dans ce contexte, la comparaison entre l’application d’engrais azotés par hectare de culture et la production par hectare peut fournir des éléments permettant d’expliquer de manière qualitative les variations observées dans l’efficacité de la production d’une région à l’autre. Le Graphique 1.26 illustre la manière dont l’évolution annuelle projetée de l’épandage azoté peut être comparée à l’évolution correspondante du rendement des cultures de maïs dans certains pays et régions.
Dans l’Union européenne et aux États-Unis, où les rendements agricoles sont déjà élevés, l’évolution future des pratiques de production sera limitée par rapport à d’autres pays, mais l’évolution des rendements devrait être plus importante que celle de l’épandage. Les pays à revenu élevé mettent déjà en place plusieurs mesures d’incitation pour réduire l’utilisation d’engrais de synthèse, notamment en augmentant leur efficacité grâce à de meilleures pratiques de gestion ou en généralisant l’utilisation d’autres nutriments tels que les engrais biologiques. En Australie, l’augmentation relativement limitée des rendements s’explique par des contraintes physiques et climatiques.
Au Brésil, l’utilisation d’engrais azotés devrait augmenter de manière considérable en raison de l'accroissement de la production, d’autre part l'augmentation des rendements qui devrait dépasser l'application d'engrais azotés. Alors que plusieurs autres facteurs, tels que les progrès de la sélection, peuvent contribuer à l’évolution future des rendements, les améliorations de la gestion des cultures, l'utilisation de cultures fixatrices d'azote ou d'engrais biologiques joueront un rôle essentiel dans l’augmentation des rendements de la production de maïs. Enfin, l’Afrique subsaharienne devrait aussi connaître d’importantes augmentations de l’utilisation d’engrais azotés et des rendements, quoique par rapport à un faible niveau de départ.
Une analyse basée sur un scénario a été entreprise pour examiner les effets d’une augmentation hypothétique de 25 % des prix des engrais azotés, phosphatés et potassiques sur l’épandage, ainsi que sur la production végétale et les prix des produits de base qui en résultent, en maintenant le prix du pétrole à un niveau constant. Les facteurs à l’origine de l’augmentation du prix des engrais autres qu’un choc pétrolier pourraient être, par exemple, des restrictions d’accès au marché, le durcissement des réglementations environnementales ou l’augmentation d’autres coûts de fabrication tels que la main-d’œuvre ou les minerais.
Le Graphique 1.27 montre l’évolution en pourcentage des prix de certains produits de base entre les projections de référence et les projections obtenues à partir de ce scénario d’augmentation des prix des engrais pour 2032. En moyenne, les prix des produits agricoles augmenteraient de 5 %. Les répercussions seraient plus lourdes dans le cas des productions végétales, dont les engrais sont un intrant direct, que dans celui des productions animales, qui les utilisent indirectement par l’intermédiaire des aliments pour animaux. Parmi les produits d’origine animale, la hausse des prix serait plus marquée pour les productions de volaille et de viande porcine, qui sont fortement tributaires des aliments composés, que pour l’élevage de ruminants.
Ce scénario montre que l’évolution des prix des engrais est facilement transmissible aux prix des produits, et donc des prix alimentaires. Les consommateurs qui consacrent déjà une part importante du budget de leur ménage à l’alimentation et à l’énergie seraient particulièrement touchés. L’incidence sur les producteurs est plus mitigée, car seuls les utilisateurs d’engrais les plus performants pourraient tirer profit de la hausse des prix des produits et augmenter leurs marges. Pour les responsables politiques, cela signifie que la hausse des coûts des intrants agricoles entraînera inévitablement une augmentation des prix alimentaires, à moins qu’il soit possible de trouver de nouveaux modèles de production moins dépendants des engrais traditionnels.
1.3.3. Les facteurs de croissance de la production animale, halieutique et aquacole varient en intensité selon les régions
La production animale, halieutique et aquacole à l’échelle mondiale devrait augmenter de 10 % au cours de la prochaine décennie, soit près de la moitié du taux de la décennie précédente. Une part importante de la croissance sera alimentée par la production en Chine (13 %), en Inde (34 %) et dans d’autres pays à revenu intermédiaire ou faible (Graphique 1.28). Cette expansion sera largement soutenue en Chine par la fin de l’épizootie de peste porcine africaine (PPA), et en Inde par la croissance durable de la production de produits laitiers.
En Afrique subsaharienne et au Proche-Orient et en Afrique du Nord, la production animale, halieutique et aquacole devrait augmenter de plus de 20 %, principalement en raison de l’expansion des secteurs des produits laitiers et de la viande de volaille. La demande croissante de denrées alimentaires à forte valeur ajoutée, stimulée par l’urbanisation en cours dans la région, devrait être principalement satisfaite par la production locale plutôt que par l’importation. L’insuffisance des infrastructures et les coûts de transport et de logistique élevés qui en découlent resteront des obstacles majeurs au commerce dans ces régions.
Dans les pays à revenu élevé, la croissance globale sera limitée en raison de la diminution attendue de la demande, qui s’explique par la volonté des consommateurs de réduire la part des produits d’origine animale dans leur apport protéique. La quasi-totalité de la production de protéines animales connaîtra une croissance à un chiffre au cours de la prochaine décennie, à l’exception du secteur laitier en Amérique du Nord, qui enregistrera une croissance de 20 % d’ici à 2032. L’amélioration du rendement des vaches laitières sera le principal facteur d’augmentation de la production de lait dans la région.
Production de viande
Au cours de la prochaine décennie, l’augmentation de la production mondiale de viande devrait trouver son origine principalement dans les pays à revenu intermédiaire (Graphique 1.29), en raison de l’expansion mondiale des cheptels et de l’amélioration des rendements par animal découlant de l’intensification de l’alimentation animale et de l’amélioration continue de la sélection, de la gestion et de la technologie utilisées pour l’élevage.
La viande de volaille sera le segment de la production de protéines animales qui connaîtra la croissance la plus rapide (14 %) ; elle devrait représenter 48 % de l’augmentation de la production totale de viande au cours de la prochaine décennie. La majeure partie de l’augmentation de la production aura lieu dans la région Asie et Pacifique, notamment en Inde, principalement grâce à un recours accru aux aliments pour animaux et à l’amélioration de la sélection. La viande de volaille connaîtra également une expansion considérable en Afrique subsaharienne ainsi qu’au Proche-Orient et en Afrique du Nord, bien qu’elle parte d’un niveau peu élevé. En Amérique du Nord, en Europe et en Asie centrale, la viande de volaille bénéficiera d’une plus grande attractivité que la viande bovine, en raison de sa meilleure rentabilité à moyen terme due à un cycle de production plus court et à l’évolution des incitations à la production résultant de la diminution de la demande de viande rouge.
La production de viande porcine devrait reprendre dans les pays asiatiques touchés par la PPA, augmentant de 19 % en Chine, le plus grand pays producteur, et de 23 % dans d’autres pays asiatiques au cours de la prochaine décennie. En Europe, la production de viande porcine diminuera au cours de la prochaine décennie, principalement en raison du durcissement de la réglementation environnementale et des normes en matière de bien-être des animaux.
La production de viande bovine devrait augmenter de 9 % et contribuer pour 16 % à l’augmentation totale de la production mondiale de viande. Dans l’ensemble, la production de viande bovine s’intensifiera et le poids carcasse augmentera grâce à la baisse des coûts des aliments pour animaux et à l’amélioration de la génétique animale. Dans les régions africaines qui connaissent la croissance la plus rapide, toutefois, l’augmentation découlera de l’accroissement du nombre de têtes de bétail. En Europe, la production de viande bovine s’adaptera à des normes plus strictes en matière de durabilité environnementale, tandis qu’en Amérique du Nord, elle devra faire face à une forte pression sur la rentabilité du modèle de production intensive.
La production de viande ovine devrait augmenter de 15 % au cours de la prochaine décennie ; elle ne contribuera que pour 6 % à la croissance globale de la production de viande. L’augmentation de la disponibilité sur le marché mondial de la viande ovine s’expliquera par la reconstitution des cheptels et l’augmentation des taux d’agnelage en Asie et en Afrique subsaharienne. La production dans l’Union européenne devrait augmenter légèrement grâce aux programmes de soutien au revenu et aux prix à la production avantageux. La production de viande ovine et caprine augmentera de près de 30 % en Afrique subsaharienne, malgré la pression exercée sur les pâturages par la désertification.
Production laitière
Dans le secteur de l’élevage, la production laitière demeurera la filière la plus dynamique ces dix prochaines années, la production mondiale de lait enregistrant, d’après les projections, une hausse de 17 %. Dans les pays à revenu intermédiaire ou faible, la production laitière sera stimulée par l’augmentation des stocks, tandis que dans les pays à revenu élevé, elle sera presque entièrement soutenue par l’amélioration du rendement du fait de l’optimisation et de l’amélioration de la santé et de la génétique animales.
La croissance démographique dans les principales régions consommatrices à revenu intermédiaire ou faible ainsi que la croissance de la consommation par habitant de produits laitiers frais et transformés encourageront les investissements dans la production laitière.
En matière de croissance absolue de la production laitière, l’Inde et le Pakistan devraient respectivement occuper les première et deuxième places et générer plus de la moitié de l’augmentation de la production laitière mondiale, qui représentera conjointement 30 % de la production d’ici à 2032. Dans ces pays, l’augmentation de la production laitière sera principalement due à l’expansion du cheptel, plutôt qu’à l’amélioration des rendements (Graphique 1.30).
En Afrique subsaharienne, la croissance substantielle de 33 % de la production laitière devrait également provenir d’une augmentation du nombre d’animaux producteurs de lait. La région connaîtra également une certaine amélioration des rendements, quoique par rapport aux niveaux inférieurs autorisés pour les ovins qui sont principalement utilisés pour produire du lait dans la région.
La production dans l’Union européenne, deuxième producteur mondial de lait après l’Inde, devrait légèrement diminuer en raison de la transition en cours vers une production écologiquement durable, de l’expansion de la production biologique et de l’abandon des systèmes de production intensifs au profit de systèmes de production reposant sur le pâturage.
Production halieutique et aquacole
La production halieutique et aquacole mondiale devrait augmenter de 12 % au cours de la prochaine décennie, bien qu’à un rythme plus lent qu’au cours de la décennie précédente. Ce ralentissement de la croissance reflète les effets des changements de politique en Chine en faveur d’une pêche plus durable, l’augmentation des coûts des intrants énergétiques et l’hypothèse selon laquelle les années 2024, 2028 et 2032 seront marquées par le phénomène El Niño qui entraînera une baisse de la production, principalement en Amérique latine et dans les Caraïbes (Graphique 1.31). La majeure partie de l’augmentation de la production halieutique et aquacole devrait provenir de l’Asie, qui représentera plus de 70 % de la production mondiale d’ici à 2032. La Chine, l’Inde, l’Indonésie et le Viet Nam devraient être les principaux contributeurs à la croissance de la production.
La production sera stimulée par une progression continue, mais plus lente, de l’aquaculture et par une production globalement stable de la pêche de capture, sauf pendant les années marquées par le phénomène El Niño. D’après les projections, d’ici à 2032, la production aquacole devrait représenter plus de la moitié de la production totale de poisson.
L’augmentation de la production aquacole devrait s’expliquer en grande partie par des gains de productivité et des améliorations technologiques liées à l’aménagement de l’espace, à la sélection, à l’alimentation et à la gestion des maladies.
1.3.4. Les investissements et le capital humain sont essentiels pour obtenir des gains de productivités
Les investissements dans les infrastructures agricoles, la recherche-développement, le renforcement de l’accès à des intrants agricoles plus productifs, l’amélioration des pratiques de gestion agricole, y compris l’adoption de technologies d’automatisation numérique, sont des facteurs importants pour améliorer la productivité.
La disponibilité du capital humain employé dans le secteur agricole est un facteur déterminant de la croissance de la production. Néanmoins, des obstacles importants subsistent pour que le capital humain puisse s’épanouir au sein des systèmes alimentaires actuels. Par exemple, le manque d’accès des jeunes ou des petits exploitants au financement ou l’attention insuffisante accordée aux contraintes auxquelles sont confrontées les femmes dans les systèmes alimentaires (Encadré 1.2) entravent les gains de productivité. Un récent rapport de la FAO sur le statut des femmes dans les systèmes agroalimentaires (FAO, 2023[10]) montre que les inégalités liées à la propriété foncière, au crédit, à la formation et à la technologie créent un écart de productivité de 24 % entre les femmes et les hommes travaillant dans des exploitations de taille égale.
En septembre 2021, le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires a souligné la nécessité de mieux tenir compte des femmes dans les systèmes alimentaires, en appelant notamment à des solutions qui réduisent l’écart entre les genres et favorisent l’entrepreneuriat des femmes. Ainsi, en adoptant la Déclaration sur des solutions transformatrices pour des systèmes agricoles et alimentaires durables en novembre 2022, les ministres de l’Agriculture des pays de l’OCDE et des économies partenaires du monde entier se sont engagés à promouvoir et à mesurer les progrès réalisés en faveur de la mise en place de systèmes alimentaires inclusifs, ainsi qu’à renforcer les mesures visant à offrir de plus grandes possibilités aux femmes dans le secteur agricole.
Encadré 1.2. Égalité des genres et systèmes alimentaires
Comprendre le rôle des femmes dans les systèmes alimentaires
Les moyens de subsistance des hommes et des femmes dans les activités liées à l’alimentation sont différents. La contribution des femmes aux systèmes alimentaires reste négligée, quel que soit leur rôle (entrepreneuses, travailleuses ou consommatrices). Un récent rapport de l’OCDE (Giner, Hobeika et Fischetti, 2022[11]) s’intéresse à l’étendue de la participation des femmes aux systèmes alimentaires et met en avant les principaux éléments suivants :
Les femmes en tant qu’entrepreneuses – les femmes sont moins susceptibles que les hommes de diriger des entreprises dans l’industrie agroalimentaire.
Les femmes en tant que travailleuses – les femmes représentent un tiers de la main-d’œuvre dans l’agriculture, mais elles gagnent beaucoup moins que les hommes et occupent davantage d’emplois peu qualifiés ou informels.
Les femmes en tant que consommatrices – étant donné qu’elles sont surreprésentées dans les ménages à faible revenu et monoparentaux, les femmes ont tendance à consacrer une part plus importante de leur revenu disponible à l’alimentation et sont davantage exposées au risque d’insécurité alimentaire.
Les obstacles au renforcement de l’entrepreneuriat des femmes dans les systèmes agroalimentaires sont de trois ordres :
Inégalité des dotations : accès inégal à la terre et aux actifs, à l’éducation, aux compétences entrepreneuriales et numériques et aux réseaux professionnels
Obstacles externes formels et informels : normes socioculturelles et institutionnelles de longue date en matière de genre et systèmes d’héritage foncier non équitables
Obstacles internes : pratiques discriminatoires intériorisées conduisant à une perte de confiance en soi et à une sous-évaluation des compétences des femmes, et se répercutant sur les tâches entreprises par les femmes propriétaires et gestionnaires d’exploitations agricoles.
Favoriser l’intégration de la dimension de genre peut contribuer à surmonter le triple défi auquel sont confrontés les systèmes alimentaires, à savoir garantir la sécurité alimentaire et nutritionnelle d’une population croissante, soutenir les moyens de subsistance de millions de personnes travaillant dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire et le faire d’une manière écologiquement durable. Une plus grande diversité de genre au niveau décisionnel pourrait pousser les entreprises à faire des choix plus respectueux de l’environnement.
Les lacunes de données probantes sur la place des femmes dans les systèmes alimentaires
Pour faire progresser l’égalité des genres, il est nécessaire d’intégrer la dimension de genre dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques relatives aux systèmes alimentaires, mais également de recueillir des données probantes de meilleure qualité sur les questions de genre et les systèmes alimentaires.
La contribution des femmes en tant qu’entrepreneuses, travailleuses et consommatrices dans les systèmes alimentaires est difficile à apprécier en raison du manque de données ventilées par genre. Cela limite la capacité des décideurs à prendre en compte les intérêts et les préoccupations des femmes et des hommes à toutes les étapes des processus politiques.
Les technologies numériques et les engagements pris à l’échelle du gouvernement peuvent faciliter le processus de collecte d’informations. Un état des lieux régulier de la situation des femmes dans les systèmes alimentaires pourrait sensibiliser à leur rôle, aux obstacles qu’elles rencontrent et aux progrès accomplis.
Les questions de genre dans les politiques relatives aux systèmes alimentaires
La principale stratégie pour parvenir à l’égalité des genres consiste à intégrer systématiquement les questions de genre dans les politiques agricoles et alimentaires. Il s’agit pour cela d’évaluer les incidences de toutes les mesures prévues sur les femmes et sur les hommes, qu’il s’agisse de mesures législatives, réglementaires, politiques ou programmatiques, dans tous les domaines et à tous les niveaux.
Les pays peuvent par ailleurs associer plusieurs instruments pour aider les femmes qui travaillent comme ouvrières ou entrepreneuses dans les systèmes alimentaires en vue de défendre les droits des femmes dans les exploitations familiales, de répondre à leurs besoins, et de faciliter leur accès aux terres, au matériel, aux financements et aux marchés.
Néanmoins, si l’efficacité et les effets des instruments politiques sont mal connus, de solides évaluations de l’impact en fonction du genre réalisées préalablement et postérieurement permettraient d’apprécier le rapport coût-efficacité des mesures adoptées et de repenser l’affectation des ressources.
Une feuille de route pour combler les besoins en données probantes
Enfin, de nombreux pays à travers le monde se sont engagés à atteindre l’égalité des genres. Giner, Hobeika et Fischetti (2022[11]) proposent une feuille de route en cinq étapes pour recenser et combler les manques de données probantes concernant les questions de genre et les politiques visant à lutter contre les inégalités entre les genres dans les systèmes alimentaires :
Tenir compte des questions de genre dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques relatives aux systèmes alimentaires
Recenser et combler les manques de données probantes sur les questions de genre et les systèmes alimentaires, en collectant des données ventilées par genre
Élaborer et mettre en œuvre un ensemble d’instruments politiques visant à lutter contre les inégalités entre les genres et à soutenir les femmes dans le cadre des systèmes alimentaires
Surveiller les effets des politiques et évaluer leur efficacité
Adapter les mesures politiques en conséquence.
Remarques : le genre désigne les comportements socialement construits et appris, ainsi que les attentes que l’on associe aux femmes et aux hommes. Toutes les cultures interprètent les différences biologiques entre hommes et femmes et les traduisent en un ensemble d’attentes sociales concernant les comportements et les activités jugés appropriés, ainsi que les droits, les ressources et le pouvoir dont disposent les femmes et les hommes. Tout comme l’origine ethnique et la classe, le genre est une catégorie sociale qui définit dans une large mesure les possibilités qui s’offriront à chaque individu au cours de sa vie, ainsi que sa participation à la société et à l’économie (OECD, 2018[12]).
1.3.5. Impacts environnementaux de la production agricole
Émissions directes de gaz à effet de serre (GES)
Les Perspectives estiment les émissions directes de GES à l’aide de la base de données de FAOSTAT sur les émissions d’origine agricole et suivent l’approche de niveau 1 proposée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), c’est-à-dire une méthode de base fondée sur les facteurs directs d’émission tels que la taille des cheptels. Les projections reposent sur l’hypothèse que les politiques actuelles ne subiront aucun changement et que les progrès technologiques se poursuivront. Les méthodes de niveau supérieur (qui tiennent compte des pratiques de gestion ou des changements dans l’utilisation des terres, par exemple) fourniraient des estimations plus précises, mais ne sont pas employées compte tenu de la portée des Perspectives.
Cette réserve mise à part, les émissions directes d’origine agricole à l’échelle mondiale devraient augmenter de 7.5 % dans la décennie à venir, tandis que la production agricole devrait connaître une croissance de 13 % (Graphique 1.32). La production animale sera à l’origine de 80 % de cette augmentation. Sur le plan géographique, la majeure partie de la hausse des émissions directes devrait être imputable aux régions à revenu intermédiaire et à faible revenu, du fait d’une plus forte croissance de la production de ruminants dans des systèmes fortement émetteurs.
Les engrais de synthèse constituent une source importante d’émissions directes de GES. Le niveau élevé des prix de l’énergie, les politiques internes et l’évolution de l’accès aux marchés devraient avoir une incidence sur l’utilisation d’engrais à l’échelle mondiale (voir la section 1.3.2). Les gains d’efficience réalisés au niveau national dans l’application d’engrais sur les sols agricoles grâce, par exemple, à l’utilisation de nouveaux engrais spéciaux tels que les engrais azotés stabilisés, les engrais à action lente et contrôlée et les engrais solubles dans l’eau peuvent accroître l’efficacité de l’utilisation des éléments nutritifs et réduire les besoins d’épandage et, de ce fait, diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Dans certains pays, les pouvoirs publics encouragent vivement l’utilisation d’engrais spéciaux ou d’engrais organiques. Dans d’autres, les agriculteurs ont opté pour ces produits sans intervention gouvernementale en raison de leurs avantages économiques et environnementaux.
La riziculture est une autre source importante d’émissions de GES, car les rizières irriguées émettent beaucoup de méthane. Cependant, la hausse anticipée de la production de riz s’expliquera principalement par une amélioration des rendements sans évolution des surfaces cultivées, ce qui limitera en grande partie l’augmentation des émissions de GES.
À l’échelle mondiale, l’augmentation des émissions directes de GES provenant de l’agriculture sera plus faible que durant la dernière décennie et inférieure à la croissance prévue de la production agricole, ce qui témoigne d’une accélération du recul de l’intensité carbone de la production agricole (Graphique 1.33). Cette évolution concernera l’Europe, l’Asie centrale, l’Amérique latine et les Caraïbes, grâce à une amélioration des rendements et à un recul de la part représentée par l’élevage de ruminants.
Dans d’autres régions, toutefois, la croissance des émissions de GES devrait être supérieure à celle enregistrée au cours de la décennie précédente. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire de l’Asie et du Pacifique et de l’Afrique subsaharienne, la hausse des émissions de GES est imputable à l’accroissement prévu de la production dans ces régions. Bien que des efforts importants soient entrepris dans ces régions pour rendre les systèmes de production plus durables, ceux-ci restent en moyenne plus intensifs en émissions que les systèmes de production des pays à revenu élevé. D’ici 2032, l’Afrique subsaharienne connaîtra la plus forte croissance des émissions directes de GES par an (1.7 %), représentant 16 % des émissions directes mondiales de GES dues à l'agriculture, mais seulement 7 % de la production végétale et animale.
Dans la région Europe et Asie centrale, les émissions annuelles directes de GES provenant de l’agriculture devraient être divisées par trois, alors que la production agricole devrait s’accroître de 7 %. L’adoption à grande échelle de technologies et de pratiques agricoles contribuant à diminuer les émissions de GES pourrait conduire à de nouvelles réductions de l’intensité carbone de la production agricole.
Utilisation des terres
L’agriculture utilise 38 % de la superficie terrestre mondiale, un tiers étant consacré aux cultures et le reste aux pâturages. La conversion des écosystèmes naturels en terres agricoles est historiquement la principale cause des émissions de GES. L’expansion des surfaces cultivées devrait contribuer pour 15 % à l’augmentation de la production végétale. La superficie agricole totale ne devrait pas s’accroître au cours des dix prochaines années, car la progression générale des terres cultivées sera compensée par un recul global des pâturages. On observera néanmoins des variations régionales dans les zones concernées par ces changements.
Le Graphique 1.34 présente l’évolution des surfaces cultivées dans la décennie à venir. Les tendances anticipées en matière d’utilisation des terres varieront selon les régions et les produits, et c’est la région Asie et Pacifique qui devrait enregistrer la plus forte diminution du recours aux pâturages et la plus forte expansion des terres cultivées. Dans cette région, les pâturages seront vraisemblablement convertis en surfaces cultivées, alors qu’en Amérique latine, ce sont principalement des terres non agricoles qui seront mises en exploitation.
Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, l’expansion des surfaces cultivées devrait être limitée par les conditions naturelles. Les faibles précipitations sont un obstacle à l’agriculture pluviale, et les coûts d’irrigation sont dans la plupart des endroits prohibitifs. En Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, les surfaces cultivées devraient diminuer, car l’accroissement des productions végétales est strictement encadré par les politiques de durabilité environnementale. Les surfaces consacrées à la production de fruits, de légumes et d’autres cultures devraient également se réduire.
Les surfaces occupées par les pâturages devraient diminuer dans la région Asie et Pacifique, à l’exception de la Chine et de l’Inde, du fait du passage attendu d’une production de viande bovine, ovine et caprine fondée sur le pâturage à des systèmes d’élevage plus intensif de volailles et de porcs. L’élevage de ruminants devrait également évoluer vers des systèmes de production reposant sur une alimentation plus intensive, qui nécessitent moins de pâturages. La superficie des pâturages devrait légèrement augmenter en Amérique du Nord, compte tenu de l’expansion du cheptel bovin.
1.3.6. Incertitudes relatives à la production agricole
La guerre de la Russie contre l’Ukraine, ainsi que les réponses politiques introduites dans de nombreux pays, ont entraîné une nouvelle hausse des prix de l'énergie et des engrais et a accru la volatilité de ces intrants. Malgré le relâchement récent, la hausse inattendue des prix de l’énergie et des engrais, aggravée par les incertitudes relatives à l’accès à ces intrants, pourrait limiter l’utilisation de ces derniers et, de ce fait, freiner la croissance des rendements, ce qui menacerait la sécurité alimentaire mondiale.
La production de produits agricoles demeure vulnérable aux maladies des végétaux et des animaux. La récente flambée de PPA a entraîné d’importantes baisses de la production porcine en Asie de l’Est, et une infestation de criquets pèlerins a provoqué de considérables pertes de production en Afrique de l’Est en 2020. Les Perspectives ne prévoient pas que ces événements ou d’autres similaires se reproduisent, mais l’efficacité des mesures de lutte contre les maladies et contre les ravageurs demeure un motif de préoccupation.
Historiquement, l’investissement du secteur privé a été le principal moteur de la croissance de la productivité et l’on s’attendait à ce que l’amélioration de la productivité provienne d’intrants matériels. En règle générale, les entreprises privées investissent davantage dans des innovations technologiques et des activités de recherche-développement visant à mettre au point de nouvelles variétés végétales, du matériel, des machines et des intrants chimiques pour lesquels elles peuvent espérer un retour sur investissement grâce aux droits de propriété intellectuelle et aux ventes directes aux agriculteurs.
À l’heure actuelle, on ignore encore de quelle manière le renforcement des politiques environnementales destinées à favoriser la durabilité du secteur agricole pourrait transformer les modèles de production au niveau mondial. Les politiques futures imposeront vraisemblablement des normes plus strictes sur l’utilisation des produits chimiques dans la production et encourageront de nouvelles pratiques de production, notamment le recours à des solutions biologiques. Cette situation risque toutefois de faire diminuer les rendements et pourrait entraîner une hausse des prix alimentaires si d’autres innovations ne sont pas mises au point ou adoptées assez rapidement. Il existe actuellement trop peu d’études et de programmes destinés à diffuser de meilleures pratiques de gestion auprès des agriculteurs, parce que ces activités ne génèrent pas de redevances et que les institutions publiques ne les ont pas soutenues (OECD, 2022[13]).
Enfin, le changement climatique devrait accroître l’ampleur et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, ce qui bouleversera les conditions sanitaires et phytosanitaires. Les ressources naturelles de l’agriculture et des régions productrices de denrées alimentaires pourraient également être perturbées de manière irréversible (IPCC, 2022[14]), ce qui obligerait les producteurs à adapter leurs méthodes de production en conséquence.
1.4. Échanges
Le commerce agricole international est un maillon essentiel des systèmes alimentaires des pays. En permettant l’acheminement efficace des produits agricoles des régions excédentaires vers les régions déficitaires, les échanges commerciaux continuent de jouer un rôle essentiel dans la distribution d’aliments sains, nutritifs et en quantité suffisante aux consommateurs du monde entier, tout en générant des revenus pour les agriculteurs, les travailleurs et les commerçants de l’industrie agricole et alimentaire.
La pandémie de la covid-19 a perturbé les échanges partout dans le monde, mais le commerce des produits agricoles étudiés dans les Perspectives s’est avéré plus résilient que d’autres secteurs de l’économie. À court terme, les Perspectives reposent sur l’hypothèse de la poursuite de l’Initiative céréalière de la mer Noire, essentielle à la sécurité alimentaire mondiale compte tenu des prix toujours élevés des céréales et des engrais.
Le rôle des échanges commerciaux dans la sécurité alimentaire ne fera que gagner en importance à l’avenir, au regard de l’évolution de l’offre et la demande. Tout d’abord, les changements démographiques majeurs en cours, combinés à l’évolution des revenus, des préférences alimentaires et de l’urbanisation, devraient avoir une incidence croissante sur les modes de consommation au niveau mondial. Les échanges peuvent permettre d’améliorer la disponibilité et l’accessibilité des produits agricoles et alimentaires. Par ailleurs, étant donné que les effets néfastes du changement climatique sur l’offre de ces produits devraient se multiplier, les échanges commerciaux peuvent également contribuer à la stabilité de la sécurité alimentaire.
Le bon fonctionnement des marchés nationaux et internationaux est une condition indispensable à la transition vers des systèmes plus durables et plus résilients, lesquels sont nécessaires pour relever le triple défi auquel sont confrontés l’agriculture et les systèmes alimentaires.
1.4.1. Les échanges de produits agricoles, halieutiques et aquacoles continueront de s’intensifier, mais à un rythme plus lent
Au cours de la décennie à venir, le commerce des produits agricoles étudiés dans les Perspectives ne devrait progresser que de 1 % par an, ce qui représente environ un tiers de la croissance enregistrée ces dix dernières années. Ce ralentissement s’explique par l’atténuation attendue des principaux facteurs historiques qui déterminent la demande mondiale de produits échangés, à savoir une croissance plus lente de la demande de produits agricoles émanant de la Chine et d’autres pays à revenu intermédiaire.
Les échanges de produits agricoles étaient plus dynamiques au début des années 2000, du fait de la mise en œuvre de l’Accord sur l’agriculture de l’Organisation mondiale du commerce et de l’adhésion de la Chine au système de régulation du commerce en décembre 2001. La croissance du commerce agricole et industriel a connu une tendance à la baisse au lendemain de la crise financière de 2008. Les Perspectives reposent sur l’hypothèse d’une diminution des effets des initiatives passées de libéralisation du commerce international qui avait stimulé les échanges agricoles, étant donné que les progrès réalisés en matière de réduction tarifaire multilatérale et les réformes des mesures de soutien aux producteurs à l’origine de distorsions des échanges ont en grande partie stagné au cours de ces dernières années.
Le Graphique 1.35 indique le taux de croissance annuel moyen du volume des échanges d’une sélection de produits examinés dans les Perspectives. Compte tenu de leur part dans le volume total des échanges, ce sont le maïs, le soja et le blé qui ont le plus contribué à la croissance globale des échanges agroalimentaires des dix dernières années. Ce sont également ces produits qui devraient accuser la perte de croissance commerciale la plus marquée durant la prochaine décennie. Étant donné l’importance du maïs dans l’alimentation animale, la baisse des exportations mondiales de cette céréale peut s’expliquer par l’augmentation prévue de la production de maïs en Chine, qui permettra au pays d’importer moins d’aliments pour animaux à moyen terme.
La croissance des échanges de volaille et de viande bovine devrait également enregistrer une chute brutale du fait du ralentissement de la convergence des régimes alimentaires et de la diminution des importations chinoises, généralement en provenance des régions de l’Europe et de l’Amérique latine et des Caraïbes. Le commerce de viande porcine est devenu le deuxième marché de produits de base à connaître la plus forte croissance au cours de la décennie précédente en raison de la flambée de PPA survenue en Chine, laquelle a contraint le pays à importer massivement en 2019 et 2020. Avec le recul de l’épidémie, la Chine ne dépendra plus autant des marchés extérieurs, ce qui se traduira par un déclin de la croissance des échanges de viande porcine.
La progression des échanges de coton reflétera la demande croissante de coton brut par l’industrie textile, laquelle est principalement située dans des pays aux capacités de production limitées (comme le Bangladesh et le Viet Nam). La forte demande d’importations de coton brut sera en grande partie satisfaite par des exportations croissantes des principaux exportateurs, à savoir les États-Unis, le Brésil et l’Afrique subsaharienne. Les échanges internationaux de sucre continueront de progresser, principalement en raison d’une demande en hausse dans les pays à revenu faible ou intermédiaire des régions déficitaires. Enfin, le commerce du riz devrait s’intensifier, grâce aux excédents de production de l’Inde, qui sont principalement destinés à l’Afrique subsaharienne.
1.4.2. La part de la production échangée se stabilise, avec une dominance soutenue des principaux pays exportateurs
La part de la production des produits étudiés dans les Perspectives qui fait l’objet d’échanges a progressé au fil du temps, passant de 15 % en moyenne en 2000 à 23 % au cours de la période de référence 2020-22, ce qui témoigne du fait que les échanges ont augmenté plus vite que la production agricole. Si l’on retient l’hypothèse d’une diminution des effets des précédentes initiatives de libéralisation du commerce international qui avaient stimulé les échanges agricoles et de l’absence de toute réforme majeure des politiques mises en œuvre, la part de la production échangée devrait se stabiliser au cours de la prochaine décennie, la croissance des échanges étant plus étroitement liée à celle de la production.
On observe cependant des variations notables dans l’importance des échanges selon les produits (Graphique 1.36). Pour un grand nombre de produits agricoles, la plus grande partie de la production est destinée au marché intérieur. Pour quelques-uns, en revanche, les échanges représentent au moins un tiers de la production mondiale. C’est le cas du sucre, du coton, des huiles végétales, du soja et des poudres de lait, destinés à la transformation ou produits dans des marchés extrêmement concentrés.
Au cours de la décennie à venir, la part de la production échangée ne variera pas sensiblement pour la plupart des produits examinés dans les Perspectives et la structure des échanges n’évoluera que pour quelques rares produits. Pour certains produits comme le coton et le poisson, le taux d’exportation devrait légèrement diminuer, en raison soit d’une faible demande d’importations, soit d’une augmentation de la consommation intérieure, ou encore, dans le cas du biodiesel, de la conjugaison de ces deux tendances. En ce qui concerne le lait écrémé en poudre, les huiles végétales, le blé et le riz, les échanges devraient se développer plus rapidement que la production mondiale, entraînant une augmentation de la part de la production échangée pour ces produits.
Pour les produits examinés dans les Perspectives, les cinq plus gros pays exportateurs représentent en règle générale au moins 70 % du volume des exportations mondiales, et cette tendance devrait se poursuivre tout au long de la décennie à venir. Le graphique 1.36 montre, pour chaque produit, la part des exportations des cinq premiers exportateurs pour chaque produit. Pour le soja, cette part a dépassé les 96 % en 2020-22. Même dans le cas des produits dont les exportations sont relativement moins concentrées, tels que le poisson ou la viande bovine, les cinq principaux exportateurs comptaient pour 42 % et 58 % des exportations mondiales en 2020-22, respectivement.
Pour presque tous les produits (à l’exception de la viande porcine, de l’éthanol et du lait entier en poudre), les exportations des cinq premiers pays exportateurs devraient s’accroître au cours des dix prochaines années. Selon les projections, c’est la dominance des cinq premiers pays exportateurs de biodiesel qui devrait s’intensifier le plus. La part des cinq premiers exportateurs de biodiesel devrait en effet augmenter, passant de 65 % en 79 % au cours des dix prochaines années du fait des exportations croissantes de biodiesel produit à partir d’huile de cuisson recyclée en provenance de Singapour et de biodiesel issu d’huile de soja en provenance des États-Unis. La part de la Chine dans les exportations de biodiesel devrait en revanche reculer sur la même période en raison d’une croissance limitée des quantités produites à partir d’huile de cuisson recyclée.
La prédominance des cinq premiers pays exportateurs de céréales devrait s'accentuer au cours des dix prochaines années. La part des cinq premiers pays exportateurs de riz devrait passer de 80 % en 2020-22 à 85 % en 2032, en raison essentiellement de la forte croissance des exportations de l’Inde et de la Thaïlande. La part des exportations des cinq principaux pays exportateurs devrait également progresser, passant de 75 % en 2020-22 à 78 % en 2032 pour les autres céréales secondaires. Cette part devrait légèrement augmenter de 2 points de pourcentage sur la même période pour atteindre 74 % en 2032 pour le blé, alors qu’elle restera inchangée pour le maïs.
La prédominance des cinq premiers pays exportateurs de produits laitiers devrait également s’accroître, les principaux pays exportateurs à revenu élevé confortant leur position dominante. Dans le cas du fromage, par exemple, la part de marché des cinq premiers exportateurs devrait passer de 75 % à 80 %, essentiellement sous l’effet d’une forte croissance des exportations du principal exportateur, à savoir l’Union européenne. La part des cinq premiers pays exportateurs de lait écrémé en poudre devrait également se renforcer, en raison essentiellement de la forte croissance des exportations en provenance des États-Unis. Ces derniers devraient représenter 35 % des exportations mondiales de lait écrémé en poudre en 2032, contre 30 % en 2020-22.
Cette forte dominance des principaux pays exportateurs fait peser le risque que les marchés mondiaux subissent de fortes perturbations en cas d’interruption des exportations du fait de chocs négatifs sur la production (tels que de mauvaises récoltes), d’une réorientation des politiques des principaux pays exportateurs ou encore de conflits. De telles interruptions pourraient avoir une incidence sur les prix et la disponibilité des produits agricoles et compromettre la sécurité alimentaire mondiale. Les risques pour les marchés mondiaux sont particulièrement élevés dans le cas des produits de base qui font l’objet d’échanges importants.
1.4.3. Différenciation croissante entre les régions exportatrices nettes et importatrices nettes
Au cours des dix années à venir, les Amériques, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale devraient renforcer leur position de pays exportateurs nets, et l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique, leur position de pays importateurs nets. L’évolution des excédents et des déficits des principales régions du monde (graphique 1.37, partie a) et des principaux pays commerçants (Graphique 1.37, partie b) montre bien que les échanges s’orientent vers un creusement de l’écart entre les pays exportateurs nets et importateurs nets.
Accroissement des excédents commerciaux des exportateurs traditionnels
La région Amérique latine et Caraïbes a connu une forte progression de ses exportations, notamment au Brésil, et devrait renforcer sa position de premier exportateur mondial de produits agricoles de base. L’essor spectaculaire de l’Amérique du Sud doit beaucoup à l’expansion de l’agriculture dans les terres arides du Cerrado au Brésil, jamais cultivées jusqu’aux années 1990. La production accrue de soja, de maïs, de tourteaux protéiques, de viande et de sucre brut devrait contribuer à renforcer la position de la région en matière d’exportations nettes, avec une croissance de 17 % entre la période de référence 2020-22 et 2032.
L’Europe de l’Est et l’Asie centrale sont devenues des régions exportatrices nettes en 2008. L’effondrement de l’Union soviétique et la privatisation des entreprises publiques et collectives, y compris les exploitations agricoles, qui s’en est suivie ont entrainé des gains de productivité notables qui ont stimulé la production agricole. La demande intérieure limitée du fait de la stagnation de la population et de la consommation par habitant ainsi que les étroites relations économiques entretenues avec une Asie en plein essor sont à l’origine de l’expansion des exportations de la région. Toutefois, même si l’Europe et l’Asie centrale conservent une forte position d’exportateur net, la progression de leurs excédents commerciaux devrait se ralentir à court terme, car la guerre de la Russie contre l’Ukraine entrave la croissance de la production agricole et des exportations de ces pays, avec des répercussions plus profondes sur le secteur agricole ukrainien, liées à des possibilités de commercialisation limitées, à des prix bas à la sortie de l'exploitation et à des coûts d'intrants élevés. À moyen terme, les Perspectives misent sur un retour de la production et des exportations à leurs niveaux d’avant-guerre dans ces deux pays. L’Europe de l’Ouest (Graphique 1.37, partie b) est une région importatrice nette pour les produits agricoles étudiés dans les Perspectives, mais exportatrice nette pour les produits alimentaires transformés. Son déficit commercial net devrait se réduire en raison d’un ralentissement de la demande.
L’Amérique du Nord devrait rester le deuxième exportateur de produits agricoles sur les marchés mondiaux au cours des dix prochaines années, mais ses exportations nettes devraient connaître un léger recul.
En Océanie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont depuis longtemps des exportateurs nets de produits agricoles. Au cours de la décennie à venir, la région devrait conserver sa position commerciale nette, grâce aux efforts continus qu’elle déploie pour améliorer son accès à d’autres marchés en négociant des accords commerciaux préférentiels.
Renforcement des positions importatrices nettes des régions connaissant la croissance démographique la plus rapide
Les tendances en matière d’importations ont beaucoup évolué du fait d’une croissance forte et continue de la demande de produits agricoles et alimentaires de la part des régions confrontées à une explosion démographique et à un manque de ressources. L’Asie, qui abrite environ 60 % de la population mondiale, a vu sa demande d’importations plus que quadrupler en 30 ans, essentiellement en raison des transformations rapides intervenues en Chine. Les importations nettes du pays ont plus que doublé ces dix dernières années et ont atteint un pic en 2020 pour représenter 48 % du déficit commercial global de l’Asie, l’épizootie de PPA ayant provoqué une envolée de la demande d’importations, tandis que les exportations sont restées relativement stables. Le ralentissement attendu de la croissance démographique chinoise entraînera une stabilisation de la consommation alimentaire et de l’utilisation d’aliments pour animaux dans les dix années à venir, de sorte que le déficit commercial net de l’Asie n’augmentera que de 11 %, alors qu’il avait doublé entre 2010 et 2020.
L’Afrique subsaharienne, qui affiche la plus forte croissance démographique, occupe la troisième place parmi les principales régions importatrices nettes de produits agricoles, notamment pour les céréales, qui contribuent à la sécurité alimentaire de façon directe et indirecte (alimentation humaine et animale). En Afrique subsaharienne, les importations (principalement de maïs, de riz, de blé et de soja) devraient s’accroître fortement durant la décennie à venir, car on s’attend à ce que la population augmente plus vite que la production. Le déficit commercial de la région devrait par conséquent se creuser d’encore 77 % entre 2022 et 2032.
D’après les projections, les importations de la région Proche-Orient et Afrique du Nord continueront d’augmenter au cours de la prochaine décennie, alors que ses exportations devraient baisser, creusant le déficit commercial net de la région de 32 % d’ici à 2032. Ces tendances découlent d’une forte croissance de la population et d’une croissance limitée de la production intérieure en raison des contraintes liées aux ressources naturelles.
La libéralisation des échanges au niveau multilatéral et régional a favorisé une participation accrue aux marchés internationaux. L’Encadré 1.3 se penche sur les données relatives à la mondialisation et à la régionalisation des échanges agricoles et met en évidence le rôle des politiques commerciales dans la géographie des échanges. Le marché mondial des produits agricoles et alimentaires a considérablement gagné en résilience, mais de nombreux pays restent vulnérables aux effets des chocs commerciaux sur la sécurité alimentaire.
Encadré 1.3. De la mondialisation à la régionalisation
Le commerce agricole a fait preuve d’une plus grande résilience que le commerce industriel, mais est néanmoins perturbé par la transformation des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Après un essor spectaculaire dans les années 1990 et 2000, la mondialisation a ralenti en raison de la crise financière, de l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations multilatérales sur la libéralisation et d’une diminution du soutien apporté par la société civile aux méga-accords commerciaux régionaux. Les échanges de produits agricoles et alimentaires se sont révélés plus résilients que ceux de produits industriels pendant la pandémie de la covid-19. Si le maintien de la coopération internationale et les politiques commerciales de soutien ont permis aux marchés agricoles mondiaux de continuer à fonctionner correctement, contrairement à ce qu’il s’était passé durant la crise alimentaire de 2008 (Graphique 1.38), les chaînes d’approvisionnement mondiales de produits agricoles s’orientent désormais davantage vers la régionalisation.
Aujourd’hui, les échanges commerciaux concernent un plus grand nombre de pays et le marché agroalimentaire mondial est moins concentré et plus décentralisé qu’en 1995, en raison de la participation accrue des pays à revenu faible et intermédiaire. Avant la création de l’Organisation mondiale du commerce, les échanges étaient dominés par une poignée de grands pôles commerciaux. Cette domination s’est progressivement affaiblie du fait de la participation d’un plus grand nombre de pays aux chaînes de valeur mondiales de produits agricoles, qui a entraîné l’intensification des échanges Sud-Nord et créé de nouveaux pôles qui n’existaient pas il y a 20 ans. Cette intégration commerciale a contribué de façon importante à diffuser les technologies et les connaissances nécessaires pour accroître la productivité et la croissance de manière générale.
La régionalisation des échanges de produits alimentaires et agricoles, c’est-à-dire la tendance des pays à privilégier les échanges avec les pays de la région plutôt qu’avec des pays extérieurs, s’est accrue entre 1995 et 2019. Au sein du réseau mondial d’échanges agricoles et alimentaires, les pays ont tendance à former des groupements commerciaux spécifiques dans lesquels les échanges sont plus importants. Ces groupements peuvent être régionaux ou s’élargir à des pays d’autres régions. Ils reposent souvent sur la proximité géographique et l’intégration économique favorisée par des accords commerciaux.
Le réseau mondial des échanges de produits alimentaires et agricoles s’est rééquilibré. De plus en plus de pays sont aujourd’hui en relation avec un plus grand nombre de partenaires commerciaux, ce qui favorise la résilience du réseau et sa capacité à absorber les chocs. Plusieurs indicateurs font état d’une connectivité accrue des pays au réseau mondial du commerce alimentaire et agricole (Graphique 1.39, partie a). Plus la connectivité est élevée, plus les pays sont connectés directement entre eux (connectivité directe) et avec des pays qui sont eux-mêmes connectés à de nombreux autres États (connectivité indirecte). La connectivité peut être mesurée à l’aide du nombre de liens ou à l’aide de la valeur des produits échangés dans le cadre de ces liens.
Les pays sont en outre étroitement connectés les uns aux autres et, de manière générale, mieux intégrés au réseau d’échanges, comme en témoigne les indices de connectivité (graphique 1.39, panel a). L'indice de connectivité directe compte le nombre de liens commerciaux qu'un pays a au sein du réseau mondial du commerce alimentaire et agricole et est normalisé par le nombre total de liens possibles dans le réseau. La connectivité des vecteurs propres compte en outre les liens commerciaux de tous les partenaires commerciaux directs. L’indice de proximité de la connectivité se mesure en comptabilisant les chemins les plus courts, c’est-à-dire les liens qui présentent la plus forte intensité des échanges entre deux pays. Plus l’indice de proximité est élevé, plus le pays occupe une place centrale dans le réseau, et plus il est « proche » de tous les autres pays.
Historiquement, les pays présentant des revenus par habitant similaires avaient tendance à commercer davantage entre eux, ce qui reflétait des goûts et des préférences similaires. Cependant, compte tenu de la participation croissante des pays à revenu faible ou intermédiaire aux marchés internationaux de produits agricoles et alimentaires, les pays ne faisant pas partie du même groupe de revenu étaient beaucoup plus susceptibles de se livrer à des échanges commerciaux considérables entre eux en 2019 qu’en 1995 (Graphique 1.39, partie b). L’indice d’assortativité par région montre également que les pays d’une même région échangent désormais davantage entre eux qu’avec des pays d’autres régions. Cette régionalisation plus marquée des échanges de produits agroalimentaires s’explique souvent par la proximité géographique et l’intégration économique découlant d’accords commerciaux régionaux.
Néanmoins, un petit nombre de pays concentre encore la majeure partie de la valeur échangée, et seuls quelques États se procurent un large éventail de produits alimentaires et agricoles auprès de nombreux exportateurs différents. Les importations de la plupart des pays se limitent à quelques produits provenant d’un nombre restreint de partenaires commerciaux, ce qui les rend vulnérables aux chocs pouvant survenir sur les marchés d’exportation. Les pays peuvent améliorer leur résilience, assurer leur sécurité alimentaire et favoriser une alimentation saine en diversifiant davantage les produits qu’ils importent et en multipliant les partenaires commerciaux.
1.4.4. Les échanges sont essentiels pour assurer la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des agriculteurs
Les échanges internationaux constituent le fondement du système alimentaire mondial. Lorsque les conditions commerciales sont définies par les avantages comparatifs et les économies d’échelle, des échanges mutuellement bénéfiques peuvent améliorer la disponibilité et le caractère abordable de différents produits alimentaires et offrir un choix plus large aux consommateurs. Les échanges sont particulièrement importants pour les pays dont les ressources sont limitées, qui sont très dépendants des importations de denrées alimentaires de base comme de celles de haute valeur. Les échanges contribuent également à la croissance économique, car ils permettent aux producteurs, y compris aux petits exploitants, d’accéder à d’autres marchés. Dans certains pays, la production intérieure de produits agricoles est en grande partie exportée, et ces exportations constituent une importante source de revenus.
Le Graphique 1.40 montre, pour une sélection de régions, la part des exportations dans la production totale (partie a) et la part des importations dans la consommation totale (partie b), mesurées en équivalent calorique. Cette répartition est à mettre en perspective avec les évolutions passées et anticipées des échanges nets présentées dans le Graphique 1.37. À l’échelle mondiale, le positionnement des régions en tant qu’exportatrices nettes ou importatrices nettes devrait se renforcer, mais la part représentée par les échanges dans la production et la consommation devrait rester globalement stable durant la décennie à venir, ce qui laisse penser que ceux-ci seront proportionnels à la production.
Les grandes régions productrices telles que l’Amérique latine et les Caraïbes et l’Amérique du Nord et exportent généralement (y compris dans le cadre du commerce intrarégional) une grande partie de leur production intérieure, respectivement 42 % et 32 % au cours de la période de référence 2020-22 ; ces parts devraient se maintenir pour la première et se réduire légèrement pour la seconde jusqu’en 2032. La part de la production intérieure destinée à l’exportation devrait augmenter dans la région Europe et Asie centrale, passant de 27 % en 2020-22 à 29 % en 2032 (Graphique 1.40, partie a).
La contribution du commerce à l’élargissement de l’éventail des denrées alimentaires est corroborée par le fait que même les grandes régions exportatrices nettes dépendent des importations pour leur consommation intérieure. En Amérique latine et aux Caraïbes, par exemple, les importations contribuent pour environ 22 % à la demande totale des produits étudiés dans les Perspectives (Graphique 1.40, partie b).
Dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord, où la croissance démographique est forte et où la production peine à suivre en raison de la limitation des ressources en eau, les importations apportent un complément notable à la production intérieure de denrées alimentaires destinées à la consommation humaine et animale. Les importations ont représenté 71 % de la demande totale de produits agricoles au sein de la région en 2020-22, part qui devrait rester stable au cours de la décennie à venir.
En Afrique subsaharienne, la part des importations dans la demande totale ne s’élevait qu’à 20 % en 2020-22. Elle devrait toutefois atteindre 22 % d’ici à 2032, car l’augmentation de la production intérieure ne pourra suivre le rythme de la forte croissance démographique (Graphique 1.40, partie b). L’insuffisance des infrastructures soutenant le développement du commerce et la prédominance du commerce transfrontalier informel dans la région peuvent expliquer le niveau relativement faible des importations dans la consommation.
1.4.5. Incertitudes relatives aux échanges internationaux de produits agricoles
Les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales engendrées par la pandémie de la covid-19, du fait de l’augmentation de la demande de biens durables et des obstacles logistiques provoqués par les restrictions de circulation dans les pays confinés, ont fini par se résorber. Bien que les taux de fret et d’expédition par conteneur soient en baisse, les problèmes relatifs à l’infrastructure continuent de peser sur certaines chaînes d’approvisionnement. De plus, la flambée des prix de l’énergie et la volatilité persistante des prix provoquées par la guerre de la Russie contre l’Ukraine ont de lourdes conséquences sur le coût des transports, et leur évolution reste extrêmement incertaine.
La récente hausse des prix et leur volatilité ravivent le risque que des pays imposent des mesures de restriction des exportations afin de maîtriser l’inflation des produits alimentaires sur leur territoire. Selon la présentation faite par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires à l’occasion du webinaire du Système d’information sur les marchés agricoles consacré aux répercussions de la guerre en Ukraine sur les marchés agricoles et la sécurité alimentaire après un an de conflit (AMIS, 2023[17]), au moins 20 pays auraient déjà limité d’une façon ou d’une autre les exportations depuis le début de la guerre. Pourtant, les interdictions d’exportation aggravent les effets néfastes des incertitudes et accentuent la hausse des prix. Cela a non seulement des répercussions négatives sur la sécurité alimentaire mondiale (et sur les moyens de subsistance) à court terme, mais compromet aussi les capacités d’approvisionnement à long terme.
Les inquiétudes grandissantes quant au rôle que joue la mondialisation dans le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources et le déclin de la biodiversité suscitent par ailleurs une demande accrue en faveur d’une meilleure durabilité des échanges de produits agricoles et alimentaires. Les mesures de soutien à l’agriculture et les politiques commerciales unilatérales adoptées pour satisfaire les objectifs d’atténuation du changement climatique peuvent toutefois engendrer d’importantes distorsions de la production et des échanges.
Enfin, les réformes des politiques commerciales qui seront négociées et mises en œuvre dans la décennie à venir pourraient avoir des répercussions notables. Les Perspectives ne prennent en considération que les politiques actuellement en vigueur et formulent l’hypothèse qu’elles resteront inchangées à moyen terme, ce qui constitue une source d’incertitude, car la moindre évolution de ces politiques au cours des dix années à venir aurait une influence sur les projections. De nouveaux accords commerciaux (tels que le Partenariat économique régional global ou l’accord UE-Mercosur), par exemple, pourraient intensifier les échanges intrarégionaux et interrégionaux dans les dix prochaines années.
1.5. Prix
Dans les Perspectives, les prix internationaux de référence correspondent à ceux constatés sur les principaux marchés internationaux pour chaque produit agricole. Outre les fondamentaux du marché, les prix actuellement en vigueur sont influencés par les effets des chocs à court terme sur l’offre et la demande, notamment les chocs économiques et politiques (pandémie de la covid-19, conflits, etc.) et les fluctuations annuelles de la météorologie. La spéculation concernant les décisions relatives aux placements financiers peut elle aussi influencer les prix de manière ponctuelle. Les effets exercés par ces chocs étant en grande partie imprévisibles et impossibles à intégrer dans les projections, les Perspectives partent du principe que les prix retrouveront leurs tendances à long terme, lesquelles sont déterminées par les conditions fondamentales de l’offre et de la demande.
1.5.1. Évolution des prix agricoles et principaux déterminants
Les gains de productivité, pilier de l’augmentation de la production
Les prix réels actuels (c’est-à-dire corrigés de l’inflation) de la plupart des produits agricoles étudiés dans les Perspectives sont actuellement élevés par rapport aux prix antérieurs, mais ils ont commencé à diminuer en 2022 et devraient continuer à baisser au cours de la prochaine décennie pour revenir à leurs niveaux habituels de plus long terme (Graphique 1.41).
Ces prix réels étaient en effet orientés à la baisse depuis les années 1960 en raison des gains de productivité qui permettent de diminuer les coûts de production marginaux des produits alimentaires. Avant 1990, la croissance de la production dans le monde était majoritairement attribuable à l’intensification de l’utilisation des terres, à l’augmentation des surfaces cultivées et à la généralisation de l’irrigation. Après 1990, elle s’expliquait essentiellement par la croissance de la productivité totale des facteurs, c’est-à-dire la production exprimée par rapport au total des intrants utilisés pour la production. L’apparition de nouvelles technologies dans les années 1990 a contribué à améliorer les rendements et entraîné une réduction des coûts de production marginaux, ce qui s’est traduit par une baisse des prix alimentaires malgré une augmentation de la demande, en particulier dans les pays à revenu élevé ou intermédiaire des tranches supérieure et inférieure3. À l’avenir, l’accroissement des rendements demeurera le principal moteur des hausses de production, étant donné que la disponibilité de nouvelles terres est limitée. Toutefois, la croissance soutenue de la productivité agricole pourrait être menacée à plus long terme, car les températures moyennes dépassent les seuils biologiques de nombreuses espèces de plantes cultivées et d'animaux d'élevage,
De nombreux prix agricoles en valeur réelle ont connu une hausse substantielle en 2020 et 2021 et ont augmenté ou sont restés élevés en 2022. Cela s’explique par la reprise qui a suivi la pandémie de la covid-19 et par une offre mondiale restreinte en raison de la hausse des coûts de production (en particulier l’énergie et les engrais) en grande partie imputable aux perturbations des chaînes d’approvisionnement. Les mauvaises conditions météorologiques ont nui aux récoltes dans plusieurs gros pays producteurs. Par ailleurs, la guerre de la Russie contre l’Ukraine a également compromis les récoltes de cultures essentielles en 2022 en Ukraine.
Les Perspectives prévoient une diminution plus rapide des prix réels des produits agricoles durant les premières années de la période de projection, en raison d’une atténuation des facteurs à l’origine des hausses de prix, puis une poursuite de la tendance à la baisse à long terme, compte tenu des conditions fondamentales de l’offre et de la demande attendues au cours de la prochaine décennie. Ces projections tiennent compte de la croissance des revenus et de la population, mais également des tendances en matière de consommation qui influent sur la demande et de l’accroissement de l’offre sous l’effet de la progression continue de la productivité.
L’indice des prix alimentaires de la FAO, qui synthétise en un seul indicateur l’évolution des prix internationaux de référence des principaux produits alimentaires échangés, est en accord avec les projections présentées pour les produits de base inclus dans le rapport (Graphique 1.42).
1.5.2. Évolutions des prix des produits de base
La flambée des prix des grains est attribuable aux restrictions liées à la pandémie de la covid-19 et aux coûts élevés des intrants, de l’énergie et du transport. Les prix du blé et du maïs ont atteint leur maximum en 2022, et devraient toutefois rester plus élevés en 2023 qu’avant la pandémie de la covid-19. Toutefois, dans l’hypothèse où les rendements restent moyens et où la situation géopolitique est stable, les prix des céréales devraient reprendre leurs tendances à long terme. Du fait de la chute des prix du blé et du redressement de ceux du riz, le ratio de prix entre ces deux céréales n’est plus très loin du niveau à long terme enregistré avant la pandémie de la covid-19. Avec le retour des prix des céréales à leur tendance à long terme, les ratios du prix du blé et du riz devraient se maintenir ou revenir au niveau observé par le passé.
Les prix des oléagineux ont augmenté rapidement depuis 2021 sous l’effet d’une forte demande, notamment de soja en Chine, qui a dû reconstituer son cheptel porcin à la suite de l’épidémie de peste porcine africaine (PPA), ce qui a nécessité une plus grande utilisation d’aliments pour animaux. La hausse des prix s’explique également par les mauvaises récoltes de soja enregistrées en Amérique du Sud et de colza au Canada, associées aux interdictions à l’exportation d’huile de palmes imposées par l’Indonésie et par le déclenchement par la Russie de la guerre contre l’Ukraine au début de l’année 2022. Après avoir atteint des sommets historiques au début de l'année 2022, les prix des oléagineux ont commencé à baisser, principalement en raison des perspectives d'une récolte record de soja au Brésil et d'une offre abondante d'huile végétale à la suite de l'assouplissement des mesures restrictives à l'exportation en Indonésie. À plus longue échéance, les prix des oléagineux et des tourteaux protéiques devraient diminuer en valeur réelle tandis que ceux des huiles végétales pourraient augmenter à la fois en valeur nominale et en valeur réelle en raison d’une forte demande et d’une croissance limitée de la production, due à la saturation des plantations d’huile de palme en Indonésie et en Malaisie et de la superficie limitée des terres arables disponible pour les culture d’oléagineux dans l’Union européenne et en Chine.
Les prix réels du sucre ont eux aussi atteint un pic en 2021, les exportations en provenance du Brésil ayant connu un ralentissement alors que la demande mondiale était forte. L’augmentation de la production mondiale en 2022-23, due essentiellement à de meilleures récoltes au Brésil et en Thaïlande, se traduit par une augmentation des disponibilités, ce qui entraîne une nouvelle baisse des prix du sucre à court terme, bien que celle-ci soit atténuée par les prix encore élevés des intrants. Cette tendance à la baisse des prix du sucre se poursuivra à plus long terme du fait de la hausse de la productivité et du ralentissement de la croissance de la demande. La stabilité des prix internationaux du pétrole brut devrait cependant compenser en partie la pression à la baisse sur les prix du sucre.
Les prix réels des biocarburants ont enregistré en 2020 et 2022 une hausse spectaculaire, provoquée par les prix élevés des matières premières et l’augmentation du coût de la main-d’œuvre. Au cours de la période de projection, les prix réels des matières premières (canne à sucre, mélasse, maïs et huile végétale) devraient renouer avec leur tendance à long terme, et les prix des biocarburants devraient diminuer et se stabiliser, à un niveau cependant plus élevé qu’au cours de la période 2014-20. La production et la consommation de biocarburants, et par conséquent leurs prix, resteront toutefois fortement tributaires des politiques, notamment des obligations d’incorporation et des mesures nationales de soutien.
Le niveau plus élevé du prix des biocarburants rapporté à celui des carburants fossiles en 2020 et 2021 s’expliquait par les prix élevés des matières premières et par la relative faiblesse des prix du pétrole (Graphique 1.45). Compte tenu de la baisse du prix des matières premières des biocarburants au cours de la période de projection, ce ratio devrait retrouver les niveaux observés par le passé. À cet égard, l’hypothèse retenue dans ces Perspectives est que la demande de biocarburants sera liée à celle de carburants fossiles du fait des obligations d’incorporation, ce qui favorisera la stabilité de leurs prix relatifs.
Les années 2021 et 2022 ont vu un rebond des prix réels de la viande, qui s’explique non seulement par la hausse de la demande sous l’effet de la reprise économique qui a suivi la pandémie de la covid-19, mais aussi par l’augmentation des coûts de transport et de commercialisation. Les prix de la viande devraient diminuer en 2023 et continuer à baisser progressivement en valeur réelle au cours des dix années à venir du fait du fléchissement de la demande, de la stabilisation des chaînes d’approvisionnement, de l’augmentation continue de la productivité et de la diminution du coût des aliments pour animaux (Graphique 1.46). Ceux de la viande de porc devraient baisser plus que les autres en raison de la reprise de la production après la flambée de PPA, notamment en Chine, au Viet Nam et aux Philippines.
Le ratio entre le prix de la viande et le coût de l’alimentation animale devrait diminuer à court terme avant de se stabiliser (Graphique 1.47). Les prix de la viande bovine sont quant à eux moins influencés par les prix des céréales et des tourteaux protéiques, la majeure partie de la production mondiale provenant de l’élevage sur pâturage. À l’inverse, les prix de la viande de porc et de volaille sont fortement liés aux coûts des aliments pour animaux, puisque ces productions font davantage appel à des aliments à base de céréales et de farines protéiques. Le rapport entre le prix de la viande et celui des aliments pour animaux devrait se maintenir à l’intérieur d’une fourchette relativement étroite.
Environ 93 % de la production mondiale de lait est consommée dans le pays de production sous la forme de produits laitiers frais, non transformés ou légèrement transformés (pasteurisés ou fermentés, par exemple). La productivité marginale devrait s’améliorer dans les secteurs des produits laitiers du monde entier, entraînant un déclin progressif des prix réels de ces produits laitiers frais. La hausse des prix internationaux en 2021 et 2022 s’explique par la forte demande, le coût élevé des intrants et l’offre limitée des principaux exportateurs. Les prix internationaux des produits laitiers devraient diminuer à brève échéance et retrouver leur trajectoire de long terme d’avant la pandémie de la covid-19 du fait d’une atténuation des perturbations des chaînes d’approvisionnement et d’une baisse des coûts marginaux.
Dans le secteur laitier, l’évolution mondiale des prix est déterminée principalement par celle des prix internationaux du beurre et du lait écrémé en poudre, qui définissent respectivement la valeur des matières grasses laitières et de l’extrait sec dégraissé du lait. Les prix du beurre et du lait écrémé en poudre devraient se maintenir à un haut niveau en 2022, en raison surtout des coûts élevés de production et de la forte demande imputable en partie aux prix élevés de l’huile végétale, de sorte que le prix du beurre augmentera plus vite que celui de l’huile végétale en 2022 (Graphique 1.48). Les prix du lait écrémé en poudre et du beurre devraient ensuite commencer à diminuer et renouer avec une baisse tendancielle à long terme sur fond d’adéquation entre l’offre et les signaux de prix courants. Les prix réels du fromage et du lait entier en poudre suivent par ailleurs l’évolution des prix du beurre et du lait écrémé en poudre, respectivement.
Les prix réels du poisson ont progressé en 2021 et 2022, car le redressement économique après la pandémie de la covid-19 a été suivi d’une forte demande des ménages et des services de restauration, alors que l’offre n’a augmenté que modestement. Après 2023, les prix réels du poisson de pêche devraient diminuer, tandis que ceux du poisson d’élevage et de l’huile de poisson suivront une tendance légèrement ascendante. Les prix réels des aliments aquatiques devraient rester stables, et ceux de la farine de poisson fluctueront légèrement malgré une tendance à la stabilité. Même si, à long terme, les prix réels du poisson diminueront ou resteront pratiquement stables, des fluctuations sont attendues au cours de la décennie à venir en raison des conditions récurrentes liées au phénomène El Niño, qui limitent les captures dans le Pacifique.
1.5.3. Transmission des signaux de prix au sein du système alimentaire mondial
Bien que les Perspectives utilisent les prix internationaux de référence pour caractériser les marchés mondiaux, on suppose que ces prix n’ont en réalité qu’une influence indirecte sur les décisions des producteurs et des consommateurs. Sur les marchés nationaux, les différents producteurs et consommateurs agissent avant tout comme des preneurs de prix, et leur comportement global détermine les prix de référence nationaux. Les décisions de production et de consommation agrégées au niveau mondial déterminent les prix de référence internationaux. La formation et la transmission de ces signaux de prix dépendent de l’intégration des marchés intérieurs dans le système commercial mondial, des fluctuations de change et des coûts d’échange.
Les modes de transmission des signaux de prix entre les marchés intérieurs et les marchés internationaux dépendent de la part de la consommation intérieure qui est satisfaite par des importations, ou de la part de la production intérieure qui est exportée, ainsi que de la sensibilité des prix intérieurs aux évolutions des échanges. Dans les pays représentant une faible part des marchés mondiaux disposant d’infrastructures commerciales bien développées et/ou une forte substituabilité du commerce avec les produits nationaux, les chocs sur le marché intérieur sont rapidement absorbés grâce aux échanges et les prix intérieurs ne sont pas affectés. Les grands pays producteurs et consommateurs se caractérisent par une transmission plus directe au marché mondial des tendances et de la variabilité de leurs marchés intérieurs. En revanche, les pays dont les interactions avec le marché mondial sont très limitées, c’est-à-dire ceux qui présentent un degré important d’autosuffisance, sont pour l’essentiel abrités des chocs transmis par les variations des prix mondiaux, mais plus exposés aux chocs intérieurs.
La transmission des prix est également influencée par les politiques commerciales, les mesures de restriction constituant un moyen efficace de limiter la transmission de la volatilité des prix aux marchés intérieurs. Toutefois, lorsque ces politiques restrictives sont appliquées par des pays qui représentent une large part du marché, ou lorsqu’elles sont mises en œuvre de façon collective, elles risquent d’exacerber la volatilité des prix.
1.5.4. Étant donné les nombreuses incertitudes qui pèsent sur la décennie à venir, les projections relatives aux prix doivent être interprétées avec prudence
Les projections des prix présentées dans ces Perspectives sont le fruit de l’interaction entre les facteurs fondamentaux de l’offre et de la demande dans l’hypothèse de conditions normales sur le plan météorologique et macroéconomique comme du point de vue des politiques publiques. Bien que ces Perspectives s’appuient sur les meilleures informations disponibles, ces projections et les hypothèses qui les sous-tendent présentent inévitablement un certain degré d'incertitude. Jusqu'à ce qu'une solution mutuellement acceptable soit identifiée, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine restera une source d’incertitudes supplémentaires en ce qui concerne les prix de l’énergie, des intrants et des produits agricoles de base. Au début de cette guerre, la disponibilité réduite de céréales, oléagineux et d’engrais sur les marchés mondiaux avait suscité de grandes inquiétudes. Plus d’un an plus après le début de la guerre en février 2022, la problématique de l’accès aux marchés a plus ou moins été résolue grâce à la mise en œuvre, puis à l’extension, de l’Initiative céréalière de la mer Noire, ainsi que l’augmentation des capacités d’exportation par les voies ferroviaires, routières et fluviales rendue possible grâce à la création de corridors de solidarité entre l’Union Européenne et l’Ukraine. Cependant, le niveau élevé des prix de l’énergie et leur volatilité continuent de jouer un rôle important dans le renchérissement des produits alimentaires. Par ailleurs, la possible mise en place par certains pays de restrictions commerciales et de subventions pour faire face à l’inflation intérieure est une autre source d'incertitude. Sur le long terme, les politiques mises en œuvre au regard de l’environnement et du changement climatique risquent de provoquer des perturbations sur les marchés.
Dans ces Perspectives, l’hypothèse de normalité aboutit à une trajectoire régulière pour la plupart des variables faisant l’objet des projections, et les écarts par rapport aux évolutions supposées entraînent une volatilité des prix. Pour évaluer les répercussions de ces écarts, on a procédé à une analyse stochastique partielle des projections de référence. L’analyse stochastique partielle simule la variabilité potentielle future des principaux déterminants des prix en s’appuyant sur leur variabilité observée par le passé. Elle tient aussi bien compte des facteurs macroéconomiques mondiaux que des rendements de certaines cultures. La variabilité liée aux maladies des animaux ou aux modifications des politiques publiques n’est pas prise en considération. Les résultats agrégés des simulations multiples réalisées dans le cadre de l’analyse stochastique partielle indiquent la sensibilité des trajectoires des prix de référence (graphique 1.49). Les prix ont une probabilité de 75 % de rester à l’intérieur de l’intervalle bleu, quelle que soit l’année considérée, et une probabilité de 90 % de rester à l’intérieur de l’intervalle vert. La probabilité qu’un événement extrême faisant passer un prix à l’extérieur de ces intervalles se produise au moins une fois au cours de la période de projection est de 40 %.
Dans l’ensemble, l’intervalle de variabilité des prix est beaucoup plus large que celui estimé dans l'édition précédente des Perspectives. C’est le cas particulièrement pour l’huile végétale, le riz, la viande de volaille et le maïs. À cet égard, la variabilité des prix est généralement bien supérieure au niveau de référence.
References
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[7] UNEP (2021), Food Waste Index Report 2021.
Notes
← 1. La viande inclut la viande bovine, porcine, ovine, et celle de volaille. Les produits laitiers comprennent le beurre, le fromage, les produits laitiers frais, le lait en poudre entier et écrémé, le lactosérum en poudre et, dans certains cas, la caséine. Le poisson englobe aussi bien celui provenant de la pêche de capture que celui issu de l’aquaculture.
← 2. Les sous-produits de la production animale comprennent principalement la farine de viande et d’os.
← 3. Fuglie, K., J. Jelliffe et S. Morgan, « International Agricultural Productivity », https://www.ers.usda.gov/data-products/international-agricultural-productivity/. Dernière mise à jour le vendredi 7 octobre 2022.