Ce chapitre s’intéresse aux marchés mondiaux des produits laitiers : il en décrit l’évolution récente puis présente des projections à moyen terme pour la période 2024-33. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour le lait, les produits laitiers frais, le beurre, le fromage, le lait écrémé en poudre et le lait entier en poudre. Il s’achève par un examen des risques et incertitudes notables susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des produits laitiers durant les dix prochaines années.
Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2024-2033
7. Lait et produits laitiers
Copier le lien de 7. Lait et produits laitiersAbstract
7.1. Principaux éléments des projections
Copier le lien de 7.1. Principaux éléments des projectionsLe lait et les produits laitiers sont des aliments riches en nutriments, qui apportent de l’énergie et des protéines de haute qualité, ainsi qu’une variété de micronutriments essentiels. La filière lait fait vivre des millions de personnes dans ses chaînes de valeur à travers le monde. La production mondiale de lait (constituée à environ 81 % de lait de vache, à 15 % de lait de bufflonne et à 4 % de lait de chèvre et de chamelle) devrait augmenter de 1.6 % par an sur les dix prochaines années (pour atteindre 1 085 Mt en 2033), soutenue par le rendement par animal. Ce rythme est plus rapide que celui des autres principaux produits agricoles. L’Inde et le Pakistan devraient compter pour plus de la moitié dans la croissance de la production, et pour plus de 30 % de la production mondiale en 2033 (Graphique 7.1). La République populaire de Chine (ci-après la « Chine ») et de nombreux pays africains devraient également enregistrer une hausse sensible de leur production. La production de l’Union européenne (UE), deuxième région productrice de lait, devrait connaître un léger recul du fait de la stagnation de la demande, des contraintes pesant sur la production qui découlent des politiques environnementales, ainsi que du développement des systèmes de production alternatifs (p. ex., production biologique ou fondée sur le pâturage), qui, ensemble, entraînent une réduction du cheptel bovin. En Océanie, la production devrait poursuivre sa croissance modérée, à un rythme plus lent qu’en Amérique du Nord, en raison de mesures en faveur d’une production durable et de l’expansion des systèmes de production biologique et fondée sur le pâturage. À l’échelle mondiale, on anticipe une augmentation modérée du cheptel bovin. Au cours de la période de projection, les rendements mondiaux devraient augmenter régulièrement, la croissance la plus forte étant attendue dans les pays d’Asie du Sud-Est et dans certains pays africains, malgré un niveau de départ bas.
Si les trois principaux exportateurs de produits laitiers – la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et l’Union européenne – ont vu leur production laitière augmenter modestement, leurs exportations de produits laitiers sont restées dynamiques grâce à une consommation intérieure stable. Premier pays producteur de lait, l’Inde devrait maintenir une croissance assez rapide et consommer la quasi-totalité de sa production. Les États-Unis devraient rester le pays enregistrant la croissance la plus rapide de la production de lait écrémé en poudre, tandis que l’Union européenne devrait voir se poursuivre la croissance à long terme de sa production de fromage, dont elle est le principal producteur. Sous l’effet du recul de la demande internationale et de la baisse de la production de lait, la production de lait entier en poudre de l’UE devrait rester orientée à la baisse au cours de la prochaine décennie.
Les produits laitiers continuent d’être très appréciés des consommateurs, qui les considèrent comme une composante essentielle d’un régime alimentaire sain, équilibré et nutritif. Les revenus et la population augmentant, les volumes de produits laitiers consommés dans le monde sont appelés à s’amplifier à moyen terme. L’Asie, et en particulier l’Inde et le Pakistan, restera la région enregistrant la plus forte hausse de la demande de produits laitiers frais. De nouvelles augmentations de la consommation de fromages sont prévues en Europe et en Amérique du Nord. Après plusieurs années de croissance, la consommation de beurre par habitant au sein de l’UE devrait rester stationnaire durant les dix prochaines années, les consommateurs se tournant vers une alimentation à plus faible teneur en matières grasses.
Les échanges laitiers mondiaux portent principalement sur les produits transformés. L’UE, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis devraient rester les principaux exportateurs de produits laitiers transformés. Ensemble, ils représenteront près de 70 % des exportations totales. La Nouvelle-Zélande est le premier pays exportateur de beurre et de lait entier en poudre, tandis que l’UE occupe la première place des exportations de fromage. Depuis 2021, les États-Unis ont dépassé l’UE pour devenir le premier exportateur de lait écrémé en poudre et cette tendance devrait se maintenir à moyen terme.
D’après les prévisions, la Chine restera en tête du classement mondial des importateurs de produits laitiers, notamment de fromage, de beurre et de lait écrémé en poudre. La Chine est également le plus grand importateur de lait entier en poudre, mais on prévoit une baisse des volumes importés en réaction à l’accumulation des stocks, aux subventions publiques visant à stabiliser le secteur national de la transformation et à l’évolution des préférences des consommateurs, qui délaisseront les produits reconstitués au profit des produits à base de lait cru. La demande d’importation de produits laitiers dans les pays d’Asie du Sud-Est et d’Afrique devrait progresser sous l’effet de la croissance démographique et du développement d’une classe moyenne dont le régime alimentaire est plus riche en produits animaux. La Fédération de Russie (ci-après la « Russie »), le Mexique et les pays de la région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord resteront des importateurs nets importants de produits laitiers.
En 2023, les prix de l’ensemble des produits laitiers ont nettement diminué par rapport aux niveaux élevés de 2022, principalement sous l’effet de la baisse du coût des intrants et d’un ralentissement de la consommation mondiale lié aux prix élevés de 2022. Globalement, les prix des produits laitiers devraient évoluer dans le même sens que ceux des autres principaux produits agricoles et renouer avec une augmentation nominale progressive après un ajustement à la baisse au cours des premières années de la période de projection. Depuis 2015, le prix du beurre est nettement plus élevé que celui du lait écrémé en poudre, et cet écart devrait se maintenir tout au long de la période de projection. Cette hausse s’explique par une demande de matières grasses laitières relativement plus forte que celle d’extrait sec dégraissé de lait sur le marché international.
Dans les principaux pays exportateurs, le secteur laitier est confronté à plusieurs défis économiques et environnementaux qui perdureront pendant la décennie à venir. Malgré un taux de croissance élevé des produits végétaux de substitution dans certaines régions, notamment en Asie de l’Est, en Europe, en Océanie et en Amérique du Nord, les opinions contradictoires quant à leurs effets sur l’environnement et leurs bienfaits pour la santé créent des incertitudes concernant leur incidence à long terme sur la demande de produits laitiers. Néanmoins, la consommation de produits laitiers frais par habitant en Europe, en Océanie et en Amérique du Nord devrait baisser, remplacée en partie par une consommation croissante de produits végétaux de substitution. La mise en œuvre de nouvelles politiques de production durable et une hausse des inquiétudes des consommateurs quant aux effets sur la santé de la consommation de produits laitiers auraient des répercussions sur les projections relatives au secteur laitier. Dans certains pays, la production laitière représente une part importante des émissions globales de gaz à effet de serre, ce qui entraîne des discussions sur les façons possibles d’ajuster l’échelle de production et les technologies de la filière afin de contribuer à la réduction de ces émissions. Le risque de poussée épizootique dans certains pays pourrait menacer la production et les échanges, en plus de limiter l’essor de la filière laitière, notamment en Europe de l’Ouest. Bien qu’elle soit le premier pays producteur de lait à l’échelle mondiale, l’Inde n’a joué qu’un rôle mineur sur le marché mondial des produits laitiers jusqu’à présent. De ce fait, une plus grande intégration du pays au marché international pourrait avoir des répercussions majeures. Cette évolution semble de plus en plus plausible étant donné que certaines entreprises laitières indiennes étudient activement les possibilités d’exportation vers les pays voisins.
7.2. Tendances actuelles du marché
Copier le lien de 7.2. Tendances actuelles du marchéEn 2023, les prix des produits laitiers ont nettement reculé par rapport aux niveaux record
En 2023, la valeur de l’indice FAO des prix des produits laitiers a chuté de 21 % par rapport à ses niveaux élevés de 2022 pour l’ensemble des produits laitiers. Les cours mondiaux des produits laitiers ont diminué lentement entre mi-2022 et fin 2023. Cette diminution marquée des prix s’explique principalement par la réduction du coût des intrants et le ralentissement de la consommation mondiale lié aux prix élevés.
La production mondiale de lait a augmenté de 1.5 % en 2023, pour atteindre environ 927 Mt. La production a augmenté de 3 % en Inde et au Pakistan, atteignant respectivement 220 Mt et 63 Mt, avec toutefois des retombées minimes sur le marché laitier mondial, car l’Inde ne participe que de façon marginale aux échanges de lait et de produits laitiers. Pour ce qui est des trois principaux exportateurs, la production a augmenté aux États‑Unis et dans l’Union européenne, mais a diminué en Nouvelle-Zélande en 2023. La baisse de la production de lait en Nouvelle-Zélande s’explique en partie par le temps sec, la diminution des prix du lait à la sortie de l’exploitation, la hausse des coûts de production et la contraction du cheptel laitier.
En 2023, les échanges mondiaux de produits laitiers ont diminué pour la deuxième année consécutive d’environ 0.2 % en raison d’un affaiblissement considérable de la demande d’importations en Chine, notamment de lait entier en poudre. Cependant, d’autres importateurs majeurs de produits laitiers, à savoir l’Arabie saoudite et le Mexique, ont augmenté leurs importations. Parmi les grands pays exportateurs, les États-Unis feraient partie des principaux bénéficiaires d’une hausse de la demande d’exportations du fait des contraintes pesant sur la production dans l’Union européenne et en Nouvelle-Zélande.
7.3. Projections relatives aux marchés
Copier le lien de 7.3. Projections relatives aux marchés7.3.1. Consommation
La hausse de la consommation mondiale de produits laitiers est portée par la forte demande en Inde et au Pakistan
Bien que le lait soit un produit très périssable qui doit être transformé rapidement après sa collecte, il est consommé principalement sous la forme de produits frais1, qui comprennent les produits fermentés et pasteurisés. La part des produits laitiers frais dans la consommation mondiale devrait augmenter ces dix prochaines années, sous l’effet de l’accélération de la demande en Inde et au Pakistan, elle-même portée par la croissance des revenus et de la population. La consommation mondiale par habitant de produits laitiers frais devrait progresser de 1 % par an durant la prochaine décennie, essentiellement en raison d’une hausse plus rapide du revenu par habitant.
En termes d’extrait sec, la consommation de lait par habitant varie considérablement selon les pays (Graphique 7.2), sous l’effet de la hausse des revenus et des préférences régionales. L’augmentation la plus notable devrait être enregistrée en Inde et au Pakistan, où la consommation devrait être portée à 25 et 45 kg par habitant respectivement. La consommation moyenne de produits frais par habitant de la Chine est sensiblement inférieure à celle de l’Union européenne et de l’Amérique du Nord. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure, l’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits frais.
En Europe et en Amérique du Nord, la demande globale de produits laitiers frais par habitant est stable ou en recul, mais sa composition se modifie depuis quelques années au détriment des matières grasses du lait, en l’occurrence le lait entier et la crème. Les substituts végétaux de produits laitiers gagnent du terrain et concurrencent davantage les produits laitiers frais que les produits laitiers transformés.
La part des produits laitiers transformés, en particulier du fromage, dans la consommation globale de lait (en extrait sec) devrait être étroitement corrélée aux revenus, avec des variations dues aux préférences locales, aux contraintes alimentaires et au degré d’urbanisation. Le fromage, deuxième produit laitier le plus consommé, a ses principaux marchés en Europe et en Amérique du Nord, où la consommation par habitant devrait continuer d’augmenter durant la période de projection. La consommation de beurre a repris en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est en raison d’une évolution des préférences. Les consommateurs sont peut-être influencés par les récentes études qui dépeignent de manière plus positive les effets de la consommation de beurre sur la santé, à l’opposé des messages précédemment véhiculés. Dans les pays d’Asie du Sud-Est, le produit laitier transformé le plus consommé est le beurre, qui représente près de la moitié du total de la consommation de produits laitiers transformés en termes d’extrait sec du lait, et qui est aussi le produit dont la consommation devrait augmenter le plus d’après les projections (Graphique 7.3). La majorité du beurre sera utilisée comme ingrédient dans un large éventail de produits, notamment les biscuits, les gâteaux, les tartes et autres produits de boulangerie.
Les poudres de lait, écrémé ou entier, resteront principalement employées par l’industrie agroalimentaire, notamment pour la pâtisserie-confiserie, les laits maternisés et la boulangerie. Une petite partie des produits laitiers est utilisée pour l’alimentation animale, en particulier le lait écrémé en poudre et la poudre de lactosérum. On observe partout dans le monde une montée en puissance des poudres de lactosérum qui sont utilisées pour la fabrication de produits nutritionnels, notamment dans la nutrition clinique, des jeunes enfants et des personnes âgées, ainsi que comme produit importé de remplacement pour les produits laitiers frais reconstitués tels que le lait et les yaourts, en particulier en Afrique et dans d’autres régions où la production de lait est limitée.
Le taux de perte et de gaspillage des produits laitiers est relativement plus élevé que celui des produits non périssables, notamment pour le lait frais, du fait de sa nature hautement périssable. Environ 4.5 % de la production est perdue au cours de la transformation. Le gaspillage lors de la distribution réduit encore la disponibilité alimentaire mondiale de 2.5 %, tandis que la part des produits laitiers jetés par les ménages atteindrait 12 % d’après les estimations. Lors de la décennie à venir, le volume de produits alimentaires gaspillés dans le secteur laitier devrait augmenter de 17 % d’ici 2033, tandis que le volume des pertes devrait croître respectivement de 13 % et de 24 % au niveau de la distribution et des ménages par rapport aux chiffres actuels.
7.3.2. Production
Des hausses de rendement attendues grâce à une meilleure efficience de la production laitière
La production mondiale de lait devrait progresser de 1.6 % par an ces dix prochaines années (pour atteindre 1 085 Mt en 2033), soit un rythme plus rapide que celui de la plupart des autres produits agricoles importants. D’après les projections, l’augmentation du nombre de vaches sera modérée en Amérique du Nord et en Chine, mais soutenue en Afrique subsaharienne et dans les grands pays producteurs de lait comme l’Inde et le Pakistan, où les rendements sont faibles. Les rendements devraient continuer de croître régulièrement partout dans le monde au cours des dix prochaines années. Toutefois, dans la plupart des régions, l’augmentation de la production devrait venir davantage de la hausse des rendements que de l’expansion des cheptels (Graphique 7.4). Cette croissance des rendements sera rendue possible par l’optimisation des systèmes de production laitière, une meilleure santé animale, des gains d’efficience en matière d’alimentation animale et l’amélioration génétique.
L’Inde est le premier producteur de lait et devrait enregistrer une augmentation soutenue et continue de sa production. La production repose sur de petits exploitants qui travaillent avec des coopératives pour la transformation et la distribution. Cette intégration dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement joue également un rôle important dans la valeur ajoutée de la production laitière en Inde. La croissance de la production devrait découler de l’augmentation du nombre de vaches et de bufflonnes laitières et d’une hausse des rendements.
Dans l’UE, les projections indiquent une baisse de la production, en raison d’une réduction du nombre de vaches laitières et d’un ralentissement de la croissance des rendements. Les cheptels laitiers sont nourris à l’herbe et avec des aliments pour animaux. La part du lait bio ou produit dans des systèmes non conventionnels devrait augmenter dans la production totale. À l’heure actuelle, plus de 10 % des vaches laitières sont élevées dans des exploitations bio en Autriche, au Danemark, en Grèce, en Lettonie et en Suède. L’Allemagne, la France et l’Italie ont aussi enregistré une hausse de leur production laitière bio. Toutefois, étant donné que les rendements des exploitations biologiques sont inférieurs d’environ 25 % à ceux des exploitations conventionnelles et que les élevages biologiques entraînent des coûts de production plus importants, il est nécessaire de fixer des prix de vente sensiblement plus élevés pour compenser.
Le rendement moyen par vache en Amérique du Nord est quatre fois plus élevé que la moyenne mondiale : la production à l’herbe y est très minoritaire et l’alimentation du bétail est axée sur l’obtention de rendements élevés dans des cheptels laitiers spécialisés (Graphique 7.1). Aux États-Unis et au Canada, les cheptels laitiers devraient demeurer relativement stables, et la croissance de la production serait donc favorisée par de nouvelles hausses des rendements. Compte tenu des prévisions concernant la demande intérieure qui resterait plus forte pour les matières grasses du lait, les États-Unis continueront à développer leur production de lait écrémé en poudre.
Bien que la Nouvelle-Zélande ne représente que 2.5 % de la production mondiale de lait aujourd’hui, elle est le pays qui exporte le plus sa production. Après avoir fortement augmenté au cours des vingt dernières années, la production connaît un ralentissement depuis quelques années, et devrait progresser de 0.5 % par an au cours de la décennie à venir. Les cheptels laitiers sont nourris principalement à l’herbe et les rendements sont beaucoup plus faibles qu’en Amérique du Nord et en Europe. Cependant, une gestion efficace des prairies permet à la Nouvelle-Zélande d’être compétitive. Les principaux obstacles à la croissance sont le manque de terres disponibles, les restrictions environnementales grandissantes et la tarification du méthane entérique à partir de 2025 (loi Neutralité carbone de 2019 portant modification de la loi de 2002 sur la lutte contre le changement climatique). Malgré cela, il est peu probable que le modèle d’alimentation animale évolue vers une production davantage fondée sur les aliments pour animaux.
En Afrique, la production laitière devrait afficher une forte croissance, due principalement à l’expansion des cheptels. Les rendements sont généralement bas, et les laits de chèvre et de brebis occupent une place très importante. La plupart des vaches, des chèvres et des brebis pâturent et sont aussi élevées pour la production de viande, la traction ou comme actif financier (épargne). Les animaux supplémentaires se nourrissent sur les mêmes pacages, entraînant une utilisation plus intensive qui pourrait conduire localement à des surpâturages. Au cours de la période de projection, environ un tiers du cheptel laitier mondial devrait se trouver sur le continent africain et fournir environ 6 % de la production mondiale de lait.
Environ 30 % de la production mondiale de lait devraient être transformés en beurre, fromage, lait écrémé ou entier en poudre, ou poudre de lactosérum au cours de la décennie à venir. Néanmoins, il existe des différences d’une région à l’autre. Dans les pays à revenu élevé, la production de lait est majoritairement transformée en produits laitiers. Le beurre et le fromage représentent actuellement une grande partie de la consommation de lait (matière sèche) en Europe et en Amérique du Nord en raison de l’importance de la demande directe. Le lait en poudre entier ou écrémé est principalement produit pour l’exportation et utilisé dans le secteur agroalimentaire, notamment en pâtisserie-confiserie, pour les laits maternisés et en boulangerie. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure, l’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits frais.
7.3.3. Échanges
La hausse des échanges sera alimentée par un accroissement de la demande d’importations émanant de divers pays de destination
La majorité des produits laitiers est consommée dans le pays de production. Seule une petite part (environ 7 %) de la production mondiale de lait fait l’objet d’échanges internationaux, ce qui s’explique principalement par la nature périssable du lait et par sa teneur élevée en eau (plus de 85 %). Plus de 50 % de la production mondiale de lait en poudre entier ou écrémé est échangée sur les marchés, car ces poudres sont souvent produites dans le seul but de pouvoir stocker et vendre le lait plus longtemps ou le transporter sur de plus longues distances. Les produits laitiers frais tels que les produits laitiers fermentés s’échangent en petites quantités entre pays voisins (Canada et États-Unis, ou UE et Suisse, par exemple). La seule exception concerne les importations de lait liquide en Chine, en provenance de l’UE et de la Nouvelle-Zélande, ces échanges étant facilités par la capacité des produits laitiers et crémiers pasteurisés à ultra-haute température à être transportés sur de longues distances, mais aussi, dans certains cas, par les tarifs favorables du fret chinois. Les importations chinoises nettes de produits laitiers frais s’élevaient à 1.2 Mt sur la période de référence, et elles ne devraient pas augmenter sensiblement au cours de la prochaine décennie.
Les échanges mondiaux de produits laitiers devraient augmenter au cours de la prochaine décennie pour atteindre 13.9 Mt en 2033, soit 12 % de plus que pendant la période de référence. Cette croissance se traduira surtout par une hausse des exportations des États‑Unis, de l’Union européenne et de la Nouvelle-Zélande. Ensemble, ces trois producteurs devraient réaliser environ 65 % des exportations de fromage, 70 % de celles de lait entier en poudre, 75 % de celles de beurre et 80 % de celles de lait écrémé en poudre en 2033 (Graphique 7.5). L’Australie a perdu des parts de marché mais reste un gros exportateur de fromage et de lait écrémé en poudre. L’Argentine est également un important exportateur de lait entier en poudre et devrait compter pour 6 % des exportations mondiales à l’horizon 2033. Ces dernières années, le Bélarus a également acquis une certaine stature en tant qu’exportateur, principalement tourné vers le marché russe en raison de l’embargo décrété par la Russie qui touche plusieurs grands exportateurs de produits laitiers depuis 2015.
L’Union européenne restera le principal exportateur mondial de fromage, suivie des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande. Le Royaume-Uni, la Russie, le Japon, l’Arabie saoudite et la Chine devraient être les cinq premiers importateurs de fromage en 2033. Étant donné que les consommateurs apprécient la variété, ces pays sont souvent aussi exportateurs de fromage et leur participation aux échanges commerciaux internationaux devrait se traduire par un choix plus vaste sur les marchés intérieurs.
La Nouvelle-Zélande reste la principale source de beurre et de lait entier en poudre sur le marché international, et ses parts de marché devraient se situer respectivement autour de 45 % et 60 % d’ici 2033. La Chine est le premier importateur de lait entier en poudre en provenance de Nouvelle-Zélande, mais les échanges entre les deux pays devraient être moins dynamiques au cours de la période de projection. La hausse anticipée de la production laitière intérieure en Chine limitera la croissance des importations de lait entier en poudre. Toutefois, la Chine ayant supprimé ses droits de douane sur la poudre de lait néo-zélandaise cette année, certains exportateurs pourraient commencer à en tirer parti. La Nouvelle-Zélande devrait également diversifier et accroître légèrement sa production de fromage sur la période considérée. Ensemble, la Russie, deuxième importateur de beurre, et la Chine devraient représenter 25 % des importations mondiales.
Parmi les grands exportateurs, les États-Unis devraient être le pays le plus dynamique au cours des dix prochaines années et augmenter en particulier ses exportations de lait écrémé en poudre. Pour ce faire, le pays devra investir davantage qu’actuellement dans l’augmentation de sa capacité de séchage. Les importations de lait écrémé en poudre sont dispersées à l’échelle mondiale, car il s’agit souvent du produit laitier le plus facile à échanger pour être utilisé par l’industrie agroalimentaire.
Les importations de produits laitiers sont plus largement réparties entre les pays, mais les principales destinations pour tous les produits sont le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, les pays à revenu élevé, l’Asie du Sud-Est et la Chine (Graphique 7.6). La Chine devrait rester le premier importateur mondial de produits laitiers. Les importations de lait entier en poudre de la Chine devraient représenter 14 % des importations mondiales en 2033, soit une baisse de 10 % par rapport à la période de référence. L’Afrique devrait dépasser la Chine et devenir la principale destination du lait entier en poudre en 2033. La consommation de produits laitiers par habitant dans ce pays est relativement modeste par rapport aux marchés traditionnels, mais la demande a notablement augmenté au cours de la décennie passée, et la croissance devrait se poursuivre. La Chine se procure ses produits laitiers essentiellement auprès des pays d’Océanie, mais elle a néanmoins développé ses achats de beurre et de lait écrémé en poudre auprès de l’Union européenne ces dernières années.
Le marché mondial de la poudre de lactosérum progresse, tiré par l’augmentation de la demande de régimes alimentaires riches en protéines et d’aliments pour animaux. Les échanges de poudre de lactosérum devraient croître à moyen terme, la Chine constituant le principal marché d’importation, majoritairement pour les additifs alimentaires destinés aux animaux. L’Union européenne devrait rester le principal exportateur de poudre de lactosérum. Avec les États-Unis, elle représente plus de 40 % des exportations mondiales.
Si certains pays, comme l’Inde et le Pakistan, sont autosuffisants, dans d’autres régions du monde telles que l’Afrique, l’Asie du Sud-Est ainsi que le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, la consommation de produits laitiers devrait augmenter plus vite que la production et se traduire par une hausse des importations. Le lait liquide coûtant cher à importer et exporter (ratio volume/valeur élevé), la demande supplémentaire devrait être satisfaite par les laits en poudre, auxquels on ajoute de l’eau pour la consommation finale ou la transformation. Les importations du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord devraient provenir essentiellement de l’UE, tandis que les États-Unis et l’Océanie devraient être les principaux fournisseurs de lait en poudre de l’Asie du Sud-Est.
7.3.4. Prix
En valeur nominale, les cours mondiaux des produits laitiers augmenteront légèrement de manière progressive
Les cours mondiaux des produits laitiers correspondent aux prix des produits transformés des principaux exportateurs d’Océanie et d’Europe. Les deux principaux cours de référence pour les produits laitiers sont ceux du beurre et du lait écrémé en poudre, le premier pour les matières grasses du lait, et le second pour les autres constituants solides du lait. Les matières grasses et les autres constituants solides représentent environ 13 % du poids total du lait, le reste étant constitué d’eau. Depuis 2015, le prix du beurre a augmenté beaucoup plus que celui du lait écrémé en poudre. La demande accrue en matières grasses du lait a créé un écart de prix entre les deux produits et continuera de soutenir le prix du beurre tant qu’elle restera supérieure à la demande pour les autres constituants solides sur le marché international. Cette différence de prix devrait donc persister au cours des dix années à venir (Graphique 7.7). Les prix du beurre et du lait écrémé en poudre devraient légèrement remonter en valeur nominale au cours de la période de projection, après un net recul en 2023 par rapport aux niveaux record atteints, les prix des intrants repartant progressivement à la hausse. Les prix mondiaux du lait entier en poudre et du fromage devraient être affectés par l’évolution des cours du beurre et du lait écrémé en poudre, selon leur teneur respective en matières grasses et en autres matières sèches.
La forte volatilité des cours internationaux des produits laitiers s’explique par le faible pourcentage de ces produits qui est échangé sur les marchés mondiaux, par la prédominance d’un petit nombre d’exportateurs, et par des politiques commerciales très restrictives. La plupart des marchés intérieurs sont relativement déconnectés de ces cours internationaux puisque l’on consomme surtout des produits laitiers frais et que seule une petite partie de la production de lait est transformée, le reste étant fermenté ou pasteurisé.
7.4. Risques et incertitudes
Copier le lien de 7.4. Risques et incertitudesLes préoccupations relatives à la santé et à l’environnement revêtent une importance croissante
Les substituts végétaux des produits laitiers (boissons à base de soja, d’amande, de riz ou d’avoine, par exemple) ont gagné en importance dans de nombreuses régions du monde, en particulier en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est. L’offre de substituts s’est élargie : outre les options traditionnelles, on trouve désormais des produits dérivés de divers fruits à coque, légumineuses et autres cultures. Cette évolution s’explique principalement par les préoccupations des consommateurs concernant la santé et leur prise de conscience des conséquences de la production de lait sur l’environnement, ainsi que par l’intolérance au lactose. Si les substituts végétaux de produits laitiers affichent des taux de croissance vigoureux, en partant certes de très bas, la réalité de leurs effets sur l’environnement et de leurs relatifs bienfaits pour la santé fait débat. La durabilité environnementale de substituts très prisés comme les boissons à l’amande ou au soja suscite des interrogations, les consommateurs étant plus nombreux à prendre en compte, outre les émissions de GES, des problèmes écologiques tels que la consommation d’eau et la déforestation. De même, l’intolérance au lactose est un problème pour certains consommateurs et l’on trouve de plus en plus de produits laitiers sans lactose pour ceux qui ne préfèrent pas les substituts végétaux. Globalement, l’incertitude prévaut quant à l’incidence à long terme des substituts végétaux sur la filière lait.
La législation environnementale pourrait avoir des répercussions majeures sur l’évolution future de la production laitière. Les émissions de GES dues au secteur laitier représentent une part non négligeable des émissions totales dans certains pays (en Nouvelle‑Zélande et en Irlande, par exemple), et un durcissement des politiques et des initiatives publiques en la matière, comme l’initiative pour la neutralité GES du secteur laitier (Pathways to Dairy Net Zero) lancée en septembre 2021, pourrait avoir une incidence sur le niveau et la nature de la production laitière dans le but de réduire ces émissions. D’autres domaines dans lesquels des changements de politique pourraient jouer un rôle sont, par exemple, l’accès à l’eau et la gestion des effluents d’élevage, qui s’orientent de plus en plus vers des pratiques durables. Cependant, une législation environnementale plus stricte pourrait aussi conduire à la mise au point de solutions novatrices améliorant la compétitivité de la filière à long terme. Globalement, le niveau des émissions mondiales de GES dépendra en grande partie des gains d’efficacité qui pourront être obtenus en Inde et dans les autres pays ayant des cheptels bovins importants et pratiquant l’élevage extensif. De plus, le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes, auxquels certains pays et régions sont déjà confrontés, pourraient menacer encore davantage la viabilité de la production laitière dans les pays touchés.
La guerre de la Russie contre l’Ukraine a considérablement exacerbé les incertitudes concernant les approvisionnements en énergie, en engrais et autres produits agricoles, et pourrait ralentir la croissance économique. Le renchérissement du coût des intrants pourrait se répercuter sur d’autres marchés connexes comme celui des produits laitiers. Cela pourrait également accroître l’intérêt pour l’agriculture circulaire mettant l’accent sur une moindre utilisation d’intrants externes, une solution disponible et largement utilisée dans la production laitière.
L’évolution des politiques nationales constitue un autre motif d’incertitude. Dans le cadre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), le Canada a réorganisé les exportations de lait écrémé en poudre, autorisant une plus grande ouverture des marchés. Dans l’UE, les achats d’intervention de lait écrémé en poudre et de beurre à des prix déterminés, qui ont eu des répercussions majeures sur les marchés ces dernières années, restent possibles dans certaines situations.
Les échanges de produits laitiers pourraient être profondément modifiés par les évolutions de l’environnement commercial. La modification des accords commerciaux en vigueur ou la conclusion de nouveaux accords pourrait entraîner des conséquences sur la demande et les échanges de produits laitiers. En outre, l’Inde et le Pakistan, grands consommateurs de produits laitiers, ne sont pas présents sur le marché international, puisque la production nationale devrait se développer assez rapidement pour répondre à la demande intérieure en plein essor. De futurs investissements dans les infrastructures de la chaîne du froid contribueront à accroître le degré d’autosuffisance en produits laitiers dans ces régions. Le risque de flambée épizootique constitue un autre défi pour le secteur. Le monde étant de plus en plus interconnecté du fait des échanges, notamment des mouvements transfrontaliers des animaux, une maladie du bétail pourrait se propager rapidement par-delà les frontières et perturber la croissance du secteur laitier.
← 1. Les produits laitiers frais comprennent tous les produits laitiers et le lait qui ne sont pas inclus dans les produits transformés (beurre, fromage, lait écrémé en poudre, lait entier en poudre, poudre de lactosérum et, dans quelques cas, caséine). Les quantités sont exprimées en équivalent lait de vache.