Sur la trajectoire actuelle, l'activité totale des transports aura plus que doublé en 2050 par rapport à 2015. Le volume du transport de voyageurs aura été multiplié par 2.3, et celui de fret par 2.6. La demande totale devrait donc croître plus lentement qu’initialement annoncé dans l’édition précédente des Perspectives, qui prévoyait une multiplication par trois de son volume. Les projections de croissance économique revues à la baisse et les nouveaux engagements de décarbonation pris en 2018/19 en sont la principale explication. Une fois passé la pandémie de Covid-19, l'évolution de la demande de transport suivra le chemin incertain de la reprise, d'où la difficulté d'établir des projections robustes. Néanmoins, la demande est globalement appelée à grimper sous l’effet conjugué de la poursuite du développement des économies et de la croissance démographique.
Les politiques de décarbonation actuellement mises en œuvre dans les transports ne suffiront pas pour orienter le transport de voyageurs et de marchandises sur une voie durable. La réalisation de tous les engagements contractés jusqu’ici n’empêchera pas les émissions de CO2 imputables aux transports de croître de 16 % d'ici à 2050, dans la mesure où les effets des réductions d'émission attendues seront largement atténués par la hausse de la demande de transport.
À l’inverse, des politiques plus ambitieuses de décarbonation des transports pourraient faire diminuer les émissions de près de 70 % par rapport aux niveaux de 2015, ce qui rendrait dès lors possible de limiter à 1.5 °C le réchauffement planétaire, tel que prévu dans l’Accord de Paris. Il s'agirait donc d’intervenir davantage et de façon mieux ciblée pour réduire les déplacements non nécessaires, déplacer l’activité de transport vers des modes plus durables, améliorer l’efficacité énergétique et généraliser rapidement l’utilisation des véhicules électriques et des carburants bas carbone.
Avec d’ambitieux programmes de décarbonation, les villes pourraient abaisser les émissions de CO2 liées à la mobilité urbaine jusqu’à 20 % des niveaux de 2015. Leur forte densité de population de services et d'infrastructures les positionnent en première ligne pour adopter des solutions de transport à émissions limitées ou nulles et instaurer un système efficace de gestion de la demande qui réduirait de 22 % l'activité de transport urbain par rapport au niveau escompté sur la trajectoire actuelle.
Le transport régional et interurbain est difficile à décarboner. Pourtant, avec les bonnes politiques, il serait possible de diviser par deux ses émissions de CO2 d’ici à 2050, par rapport aux niveaux de 2015. La demande en transport aérien, automobile sur longues distances ou ferroviaire régional est plus difficile à contrôler que la demande de mobilité urbaine. Toutes les mesures prises pour la déplacer, lorsque cela est possible, vers des modes durables, des technologies basse consommation et des carburants améliorés doivent contribuer à enrayer la hausse tendancielle des émissions liées au transport non urbain de voyageurs.
S'agissant du transport de marchandises, l’essor de l’activité impose que l’on s'attache davantage à décarboner ce secteur. Avec les politiques en place, il émettra, en valeurs absolues, 22 % de CO2 de plus en 2050 qu’en 2015 et sa part continuera de croître, quoique lentement, dans le total des émissions liées aux transports. À l’inverse, ses émissions pourraient être inférieures de 72 % aux niveaux de 2015 si des mesures étaient prises pour stimuler le groupage de fret, renforcer la collaboration dans les chaînes logistiques, faire avancer la normalisation et promouvoir les technologies bas carbone à l’échelle sectorielle.
Encourager l’évolution des comportements et tirer parti des plans de relance post-pandémie pour accélérer la décarbonation des transports hâtera le passage à une mobilité durable. En couplant la reprise économique avec la décarbonation des transports, on serait en position d'atteindre plus rapidement et de façon plus certaine les objectifs climatiques définis dans l’Accord de Paris.
Il ne faut pas que les politiques de décarbonation pèsent exagérément sur certains citoyens. Il est essentiel de les mettre en œuvre avec soin afin d'éviter tout effet redistributif néfaste. En effet, ce sont surtout les groupes et les régions les moins bien lotis qui font les frais du changement climatique et qui pâtissent des choix de mobilité opérés par les segments les plus aisés de la population. L'action menée contre le changement climatique doit renforcer l'équité sociale, et non aggraver le sort des personnes vulnérables. C’est en s’employant davantage à améliorer l’accessibilité que l’on réussira à la fois à rendre la mobilité plus efficace, et partant moins polluante, et à faciliter l’accès des citoyens aux ressources.