Ce chapitre montre que le transport urbain de voyageurs joue un rôle essentiel pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, pour favoriser l’accès aux ressources et pour dynamiser la reprise de l’activité économique suite à la pandémie de Covid-19. Il présente trois scénarios relatifs à la demande en transport urbain de voyageurs et aux émissions de CO2 et de polluants locaux en résultant, ainsi qu’aux conséquences en termes d’accessibilité des citoyens. Il examine également comment les mesures de décarbonation peuvent contribuer à réduire les inégalités et à rendre les systèmes de transport urbain plus résilients.
Perspectives des transports FIT 2021
3. Transport urbain de voyageurs : les villes peuvent rendre la mobilité durable, équitable et résiliente
Abstract
En résumé
La poursuite de l’urbanisation exige des transports durables, accessibles et résilients
Les déplacements urbains sont à l’origine de 40 % des émissions de gaz à effet de serre liées au transport de personnes. Malgré un fléchissement temporaire dû au Covid-19, la demande es transport urbain de voyageurs aura plus que doublé entre 2015 et 2050. Si les villes ne parviennent pas à faire baisser les émissions des transports, la croissance de la mobilité urbaine pourrait compromettre la réalisation des objectifs climatiques énoncés dans l’Accord de Paris.
Les émissions dues au transport urbain de personnes pourraient diminuer de près de 80 % d’ici à 2050 si les mesures finalement adoptées étaient plus ambitieuses que celles prévues au titre des engagements actuels, et ce même si les villes doivent s’adapter à la hausse de la demande de mobilité consécutive à l’urbanisation. Les scénarios ambitieux voient les individus se déplacer de façon plus intelligente et durable vers des destinations mieux accessibles. Avec les politiques en place, en revanche, le niveau des émissions dues au transport urbain n’aura guère évolué dans 30 ans puisqu’il n’aura baissé que de 5 %.
Éviter les trajets non nécessaires, opter pour des solutions de transport plus durables et améliorer les technologies des véhicules et des carburants, telles seront les grandes orientations à suivre. Décarboner la mobilité urbaine implique de réduire la dépendance automobile en ville. Les véhicules individuels sont en effet responsables des trois quarts des émissions du transport urbain de voyageurs. En 2015, la moitié des déplacements urbains effectués dans le monde l’étaient par ce mode de transport ; c’est 2.6 fois plus que par les transports publics. Cela a un coût économique, environnemental et social non négligeable : un usage excessif de l’automobile engendre des problèmes de santé, accentue les inégalités sociales, renforce notre dépendance envers les énergies fossiles et pérennise la congestion.
L’amélioration des services de transport assurés par les modes publics, actifs et partagés, conjuguée à la réduction des incitations en faveur de l’usage des véhicules individuels en ville permettrait d’accélérer la décarbonation et d’accroître l’accès aux ressources offertes par les villes. Par ailleurs, l’association de l’aménagement de l’espace aux politiques de transport favoriserait les modes de déplacement moins coûteux, moins polluants et moins encombrants que les automobiles.
Nos systèmes de transport urbain deviendraient par ailleurs plus résilients en présence de politiques climatiques contraignantes. Plus l’offre de mobilité est diverse, moins un système est tributaire d’un mode en particulier et donc plus à même d’absorber des perturbations. Les voies à suivre pour disposer de transports urbains durables, équitables et résilients sont toutes tracées : il faut désormais des politiques ambitieuses qui nous conduisent dans la bonne direction.
Orientations recommandées :
Donner aux villes le moyen de décarboner la mobilité urbaine et d’améliorer l’accessibilité au profit du bien-être.
Donner la priorité au financement de transports urbains durables sur l’investissement dans le réseau routier urbain.
Améliorer la qualité des transports publics pour instaurer des services plus inclusifs et plus fiables.
Penser l’aménagement de l’espace et des transports ensemble pour un urbanisme de proximité durable.
Créer des incitations pour rendre les parcs automobiles urbains propres.
Favoriser l’innovation dans les transports et collaborer avec les fournisseurs de nouveaux services de mobilité urbaine pour en maximiser les avantages et minimiser les coûts.
Allier dès à présent les mesures de décarbonation des transports et celles en faveur de leur résilience pour pouvoir satisfaire la demande de façon pérenne demain et résister aux perturbations.
À mesure que l’urbanisation progresse, la demande en transport de voyageurs augmente dans les villes du globe. À l’échelle mondiale, le transport urbain dépasse de loin toutes les autres catégories de transport de personnes. Dans le cadre des politiques actuelles, le FIT prévoit une progression de 163 % de l’activité des transports à l’horizon 2050, par rapport à 2015. Depuis longtemps, les villes constituent des plateformes de créativité et d’innovation, grâce à leur densité d'infrastructures, de population et de services. Malgré les incertitudes relatives à la reprise post-pandémie, elles figurent en première ligne des solutions équitables d’atténuation du changement climatique à même de répondre à l’augmentation de la demande de manière durable. Dans de bonnes conditions, l’urbanisation pourrait être non pas un obstacle, mais une occasion à saisir pour décarboner les transports.
Le transport urbain de voyageurs représente 40 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) causées par l’ensemble du transport de voyageurs. Les scénarios élaborés par le FIT montrent qu’en adoptant des mesures de décarbonation très ambitieuses et en veillant à ce que la reprise post-pandémie cible la décarbonation de l’économie, les émissions de CO2 du transport urbain de voyageurs pourraient reculer de près de 80 % par rapport à 2015, d’ici à 2050. Pour réduire la durée des trajets et rendre les modes de déplacement durables plus pratiques, il conviendra impérativement d’associer la planification des transports aux plans d’urbanisme afin de créer des quartiers à plus forte densité, dont l’aménagement est axé sur les transports collectifs (TOD), d’une part, et de prendre des mesures en faveur de la sécurité des modes actifs de déplacement et de la micromobilité, d’autre part. On estime que les ruptures telles que la mobilité partagée et la micromobilité ont un rôle de plus en plus important à jouer en matière de mobilité durable, sous réserve d'une bonne intégration avec les modes de déplacement publics et actifs. Il est par ailleurs impératif d’améliorer les technologies des parcs de véhicules privées comme publiques, ainsi que de réaffecter et de repenser l’espace routier de manière à favoriser davantage les modes de transport durables.
Le Covid-19 a eu des conséquences sans précédent pour le transport urbain. Dans les villes, la fréquentation des transports en commun, le trafic routier et la mobilité quotidienne se sont effondrés à la suite des mesures de confinement pour atteindre des niveaux historiquement bas. Cependant, cette suppression de la demande ne perdurera probablement pas sur le long terme. Dans de nombreuses villes, les déplacements en véhicules individuels sont très nettement repartis à la hausse entre les différentes périodes de confinement, ce qui n’a pas été le cas des transports publics. Sans intervention publique, ces derniers pourraient subir des pertes à plus long terme. Malgré les difficultés qu’occasionne la pandémie, le retour à la normale peut être l’occasion d’amorcer un tournant. La capacité à tirer parti des opportunités ainsi créées dépendra des initiatives que prendront les différents pays ainsi que des fonds alloués aux plans de relance nationaux.
Les villes se trouvent à la croisée des chemins. Elles tentent de se remettre de la pandémie sur le plan économique, sont confrontées aux conséquences grandissantes du changement climatique et figurent en première ligne de la lutte contre l’intensification des inégalités sociales. Les transports urbains ont un rôle crucial à jouer dans ces trois domaines. Pour cela, les politiques économiques, environnementales et sociales doivent concorder. Cet alignement contribuera également à renforcer l’adhésion du public et le rapport coût-efficacité des mesures. Pour faire coïncider leurs objectifs, les pouvoirs publics devront opérer un changement de point de vue, qui consistera à délaisser les approches compartimentées comportant un unique objectif et des externalités négatives, au profit d’une démarche globale qui analyse les répercussions des mesures pour de multiples objectifs et tient compte de leurs interdépendances.
Que suppose ce changement de perspective pour l’élaboration des politiques des transports ?
Les décideurs devraient, non plus accompagner la croissance du trafic et des volumes de transport, mais améliorer l’accès aux opportunités. Pour cela, ils peuvent encourager les approches mêlant urbanisme et planification des transports, et donner la priorité aux politiques d’action sur la demande réduisant les besoins en transport ou les réorientant vers des modes de déplacement plus durables. Un système plus équitable permettant aux habitants d’accéder à toute une variété d’opportunités et de services via des modes de déplacement durables, pratiques et accessibles financièrement tout en parcourant de plus courtes distances, sera également déterminant pour réaliser les objectifs environnementaux. Tandis qu’ils élaborent de nouveaux programmes d’action, les pouvoirs publics doivent relever des défis considérables liés aux incertitudes qui entourent la reprise post-pandémie. Les présentes Perspectives investiguent à quoi pourrait ressembler le transport urbain en fonction de trois scénarios mondiaux de politique publique. Selon les mesures mises en œuvre, les résultats pointent de possibles mutations au niveau de l’activité des transports, des émissions de CO2 et de polluants locaux. Les émissions de CO2 correspondent aux émissions de GES totales exprimées en équivalent CO2. Ces résultats servent de point de départ à ces décisions.
Décarboner le transport urbain de voyageurs : l’état des lieux
En 2015, les trois quarts des émissions de GES des transports urbains provenaient du transport de voyageurs, d’après des estimations du FIT. En ville, la forte densité d’infrastructures, de population et de services offre davantage de possibilités en matière de transport non motorisé, de mobilité partagée et de transport en commun que dans les zones non urbaines. Pourtant, on y fait souvent la part belle aux moyens de transports individuels motorisés, avec tous les problèmes d’émissions de GES, de pollution atmosphérique, de bruit, d’accidents corporels et de congestion que l’on connaît. Ces externalités ont des effets préjudiciables en termes de santé et d'inégalités sociales et nuisent au bien‑être de la population citadine de manière générale. Les conséquences en découlant pour l’économie, l’environnement et la société sont trop importantes pour être négligées.
Dans le monde entier, les décideurs prêtent davantage attention à la décarbonation du transport urbain dans le cadre de leurs engagements plus larges en matière de politique des transports. En vertu de l’Accord de Paris de 2015, près de 40 % des pays font état de mesures relatives au transport urbain de personnes dans leurs Contributions Déterminées au niveau National (CDN) (FIT/OCDE, 2018[1]). Parmi eux figurent 54 économies en développement et à croissance rapide (GIZ, 2017[2]). Dans certaines zones urbaines, les mesures proposées par les autorités locales dépassent les engagements pris à l’échelle nationale. Par exemple, 167 villes se sont engagées à coopérer autour d’initiatives de réduction des émissions de GES dans l’ensemble des grands secteurs de l’économie, dont les transports. Cinquante-quatre d’entre elles se sont dotées de plans d’action en faveur du climat compatibles avec l’Accord de Paris (C40, 2020[3]).
Les systèmes de transport urbain sont exposés aux ruptures qui pourront accompagner le changement climatique et d’autres événements, tels que les pandémies. À l’heure où les catastrophes naturelles se multiplient sous l’effet du changement climatique, il importe de plus en plus de disposer de systèmes résilients conçus pour résister, absorber et s’adapter aux conséquences de ces ruptures, sans discontinuité des services de transports (Ahmed and Dey, 2020[4]). En ville, les inondations, les tempêtes ou les variations de température supérieures à la normale ont des effets négatifs immédiats et à long terme sur les infrastructures et les services de transport (Zhou, Wang and Yang, 2019[5]; CDP, 2020[6]). De plus, le secteur des transports dépend plus que jamais des technologies de l'information et de la communication (TIC). En cas de rupture des systèmes de transport, de communication ou de distribution d’électricité, les habitants des zones urbaines touchées pourraient rencontrer des difficultés d’accès à la mobilité, voire se retrouver temporairement bloqués.
En vue d’opérer une transition équitable vers des modes de transport durables, les objectifs environnementaux et la promotion du bien‑être doivent aller de pair. Les efforts consentis pour décarboner le secteur ne doivent pas privilégier certains groupes d’individus au détriment des autres. Le passage d’une planification traditionnelle axée sur la mobilité à une planification centrée sur l’accessibilité pourra encourager la réalisation de ce double objectif. La mobilité n’est pas une fin en soi mais plutôt un outil. Elle permet d’accéder à l’emploi, à l’éducation, aux centre de santé et à d’autres lieux essentiels, et contribue en ce sens à améliorer le bien‑être des citoyens (OCDE/FIT, 2019[7]; OCDE, 2019[8]). Les populations vulnérables sont déjà les plus désavantagées pour ce qui concerne l’accès aux transports et les impacts climatiques, et elles subissent de façon disproportionnée les décisions de transport prises par les autres (Banister, 2018[9]; Sustainable Development Commission, 2011[10]; Gough, 2011[11]). Les villes devraient donc s’attacher tout particulièrement à renverser cette tendance, plutôt que de l’exacerber, en adoptant des mesures de décarbonation.
Le cheminement vers la décarbonation variera selon les pays et les villes. Les difficultés à surmonter pour mettre au point des systèmes de transport urbain équitables, durables et résilients fluctuent selon les pays et les villes. Les niveaux actuels d’émissions par habitant diffèrent considérablement entre les pays membres et non membres de l’OCDE, tout comme les formes d’implantation urbaines qui dictent la demande en transport.
Dans les pays de l’OCDE, ce sont les citadins qui présentent l’empreinte carbone la plus importante. Les villes les plus polluantes produisent 28 fois plus d’émissions que les villes les moins émettrices. Les citadins de la zone OCDE sont ceux qui émettent le plus de CO2 par personne, tandis que les citoyens d’Afrique et de certaines régions d’Asie sont ceux qui en émettent le moins. Les mesures prises au sein de l’OCDE et dans quelques-unes des économies à croissance rapide devront cibler une réduction des émissions par habitant liées au transport urbain. Les économies non membres devront quant à elles s’attacher à limiter l’augmentation des émissions par habitant tout en satisfaisant la demande croissante de transport. Le Graphique 3.1 présente les niveaux de CO2 par habitant émis par le transport urbain de personnes en 2015, répartis dans huit catégories différentes.
La croissance démographique mondiale conjuguée à une urbanisation rapide va inévitablement faire croître la demande en transport dans les villes. D’ici 2050, près de sept milliards de personnes vivront en ville, ce qui correspond approximativement à la totalité de la population mondiale de 2015 (ONU, 2018[12]). C’est dans les pays en développement que les villes se développeront le plus au cours des 30 prochaines années. La population urbaine des pays d’Afrique subsaharienne connaîtra la croissance la plus rapide, et sera presque multipliée par trois entre 2020 et 2050. En Asie, la population urbaine doublera presque au cours de la même période. Dans ces régions, les pouvoirs publics auront du mal à satisfaire cette demande grandissante de façon durable.
Le transport individuel motorisé s’impose dans la plupart des villes. En 2015, plus d’un tiers des déplacements ont été effectués en véhicules individuels, qui ont été utilisés 2.5 fois plus que les transports en commun. Ces déplacements ont représenté plus de la moitié des passagers-kilomètres parcourus en milieu urbain cette année-là. Les effets néfastes d’une utilisation excessive de l’automobile en termes de santé, d’inégalités sociales, de dépendance à l’égard des combustibles fossiles et de congestion engendrent des coûts élevés pour l’économie, l’environnement et la société. Pourtant, les projections tendent vers une augmentation de plus de 30 % de la flotte mondiale de véhicules de transport individuel entre 2020 et 2030, qui atteindra 1.4 milliards de véhicules à l’horizon 2050 (AIE, 2020[13]). En 2015, déjà, les véhicules particuliers étaient à l’origine des trois quarts des émissions des GES du transport urbain de voyageurs à travers le monde (Graphique 3.2). Cela s’explique principalement par la croissance continue du taux de motorisation individuelle et l’augmentation de la taille moyenne des véhicules. Ensemble, les États-Unis et le Canada comptent 733 véhicules pour 1 000 habitants et présentent le taux d’émissions imputable à l’utilisation des voitures particulières le plus élevé du monde (OICA, 2020[14]). La demande croissante de véhicules tout-terrain de loisir (SUVs) représente un défi supplémentaire à relever du point de vue de la réduction des émissions. En 2018, près de la moitié des automobiles vendues aux États-Unis étaient des SUVs et, à l’échelle mondiale, la part de nouveaux SUVs a doublé par rapport à il y a dix ans (AIE, 2019[15]).
Comment les villes peuvent-elles gérer la demande croissante de mobilité ?
Les mesures destinées à éviter les déplacements non nécessaires ou à raccourcir les trajets sont essentielles mais doivent continuer à garantir une bonne accessibilité. Certaines stratégies de décarbonation déployées en milieu urbain reposent en grande partie sur le développement et la diffusion de technologies à zéro émission. Pour réaliser les objectifs climatiques énoncés dans l’Accord de Paris, les mesures prises en faveur de l’évitement et du changement devront être équilibrées si l’objectif est de mettre en place un système de transport à la fois équitable et durable. Le fait d’opter pour des modes à plus faible intensité de carbone et plus économes en espace réduit les retombées néfastes pour l’environnement, la société et l’économie. Les villes devront aussi encourager les progrès technologiques et la réduction de la consommation moyenne de carburant. Toutes ces mesures sont complémentaires et doivent être appliquées de façon équilibrée (Gota et al., 2019[16]), en tenant compte des besoins de la région considérée.
Il est indispensable d’associer les mesures de planification des transports à l’aménagement urbain pour raccourcir les déplacements et les rendre durables. L’aménagement de villes compactes conjugué à la planification des transports publics permet d’éviter les schémas de développement inefficaces et coûteux. La mixité fonctionnelle et le développement urbain compact permettent aux habitants de satisfaire à leurs besoins sans avoir à parcourir de longues distances. L’aménagement axé sur les transports collectifs (TOD) se caractérisant généralement par un développement urbain privilégiant la mixité fonctionnelle et la proximité d’un réseau de transports en commun (accessible à pied) peut permettre d’atteindre cet objectif. Il repose sur une densité plus forte et une diversité d’activités à proximité de points d’accès aux transports publics. Rendre les transports publics pratiques à utiliser, encourage leur fréquentation et réduit la dépendance automobile.
L’espace accordé aux différents modes de transport ne rend pas compte de leur importance relative en termes de durabilité
L’automobile devrait bénéficier d’un espace urbain plus restreint. L’espace accordé aux différents modes de déplacement ne rend pas compte de leur importance relative dans une offre de transport durable. Ainsi, c’est l’automobile, mode de transport exigeant le plus d’espace, qui occupe une place centrale dans de nombreuses villes. À Fribourg (Allemagne), par exemple, près de 60 % de l‘espace routier était réservé aux automobiles en 2016, alors que ces dernières n’assuraient que 30 % des déplacements. Le vélo était utilisé quant à lui pour environ 30 % des déplacements, alors que les pistes cyclables représentaient autour de 4 % des infrastructures routières seulement. (Gössling et al., 2016[17]). Cette répartition de l’espace entraîne des conséquences négatives non seulement pour l’environnement mais aussi sur le plan socio-économique. Ainsi, les voitures particulière sont des véhicules à la fois lourds et rapides, les rendant potentiellement dangereuses pour des usagers de la route plus vulnérables tels que les piétons, les cyclistes et les adeptes de la micromobilité, dont le nombre augmente (FIT, 2021[18]). Le réaménagement de l’espace routier à la faveur de modes actifs de déplacement, avec la création de voies prioritaires pour les transports publics et la limitation du nombre de places de stationnement, peut aider les villes à réduire la part modale de l’automobile. Du fait de sa popularité grandissante, la micromobilité met à rude épreuve les routes existantes et les pistes cyclables, dont le nombre est limité. Son intégration aux réseaux de transport rend le réaménagement de l’espace d’autant plus important. La mobilité partagée va elle aussi modifier la gestion de la chaussée dans les villes. À mesure que les priorités en matière de stationnement changeront dans les villes à forte densité, la chaussée va de plus en plus regrouper des espaces flexibles et à usages multiples permettant de prendre en charge et déposer des voyageurs (FIT, 2018[19]).
La gestion de l’espace routier dépendra de l’évolution des besoins en matière de transport de voyageurs et de marchandises. D’une part, les utilitaires légers sont de plus en plus utilisés pour assurer la livraison de marchandises. D’autre part, les coursiers à vélo et le développement de la micromobilité exercent une pression supplémentaire sur l’espace urbain. Cependant, la gestion conjointe du transport urbain de personnes et de marchandises donne la possibilité de mieux affecter l’espace routier tout en réduisant la congestion. Parallèlement, elle améliore la répartition des flux de transport (Pimentel and Alvelos, 2018[20]). Les principales tendances s’agissant du transport urbain de marchandises observées dans le monde sont étudiées au chapitre 5. L’approfondissement de la recherche permettra de mieux comprendre la relation entre les activités et les mesures relatives au transport urbain de personnes et de marchandises.
Les automobilistes doivent supporter le coût réel du stationnement et de la conduite. Étant donné que la plupart des conducteurs ne paient qu’une partie des coûts liés à la circulation automobile en ville, l’automobile est utilisée bien au-delà des limites acceptables (FIT, 2021[18]). Ce problème perdurera tant que les prix ne reflèteront pas les coûts marginaux pour la société ou que d’autres mesures ne seront pas prises pour contenir le trafic automobile. Divers instruments économiques et réglementaires peuvent optimiser la demande et atténuer la congestion. Ils comprennent différentes formes de redevances routières, de tarification du stationnement et de dispositifs de restriction de la circulation, notamment. La tarification du carbone pourrait s’appliquer à l’ensemble des modes de transport émettant du CO2, mais elle cible plus particulièrement les voitures particulières à moteur à combustion interne, qui émettent le plus de CO2 par passager-kilomètre. Toutes les mesures prises pour réduire l’utilisation de l’automobile devraient s’accompagner d’investissements dans des modes de déplacement de substitution bas carbone.
La diffusion de nouvelles technologies implique des investissements et des incitations. Parmi les mesures de promotion des technologies pouvant se substituer aux véhicules individuels, on retrouve les incitations à l’achat de véhicules électriques ou bas carbone, les investissements dans les infrastructures de recharge et les normes relatives à la consommation de carburant (GIZ, 2019[21]). Par ailleurs, de nouveaux services tels que la mobilité partagée peuvent se révéler plus efficaces que les véhicules individuels du fait de l’optimisation des itinéraires, de l’amélioration du taux d’occupation des véhicules et d'une meilleure utilisation de la charge utile.
En matière de réduction des émissions, les voitures autonomes et les véhicules électriques ne sont pas la panacée. À elles seules, l’automatisation et l’électrification des véhicules ne suffiront pas à faire baisser les émissions liées aux transports en dessous des seuils requis (Fulton et al., 2017[22]). Les voitures automatisées et électriques ne peuvent être qu'une partie de la solution, en raison des problèmes de mise en œuvre et des externalités qu’elles créent. Par exemple, la part grandissante de véhicules électriques dans certaines économies développées et à croissance rapide ne résout pas la problématique des externalités négatives liées à la congestion, quand bien même ces véhicules permettent d’économiser du carburant. De même, les véhicules électriques permettent de réduire les émissions et d’améliorer la qualité de l’air au niveau local, mais ils ne contribueront à décarboner l’économie que s'ils sont alimentés en électricité propre. De plus, les voitures autonomes risquent d’accroître la congestion dans les villes, notamment, en favorisant les trajets à vide. Du fait de leurs limites, les avancées technologiques telles que l’automatisation et l’électrification ne se traduiront par des progrès durables en termes de décarbonation des transports qu’à condition d’être associées à d’autres mesures dans le cadre d'une démarche globale. Cette dernière devra inclure des mesures de réduction de la demande ainsi que la transition vers des modes de transport durables.
Dans les pays en développement, l’amélioration du parc de véhicules du transport en commun de voyageurs sera déterminant. En 2015, l’Amérique latine et les Caraïbes, d’une part, et l’Afrique subsaharienne, d’autre part, étaient les deux seules régions du monde dans lesquelles les transports publics produisaient la majeure partie des émissions, compte tenu des technologies des transports formels et semi-collectifs (voir Graphique 3.2). Dans ces régions, le parc de véhicules présente un âge moyen variable, qui peut atteindre 20 ans dans des villes telles que Lima (Pérou) ou Conakry (Guinée) (Salazar Ferro, 2015[23]). Des programmes de modernisation et d’électrification devront impérativement y être conduits pour faire baisser les émissions. Cependant, l’ambiguïté réglementaire entourant actuellement les services de transport semi-collectif soulève des questions quant au renouvellement du parc de véhicules (Banque mondiale, 2019[24]).
Les nouveaux services de mobilité partagée ouvrent de larges perspectives de réduction de la demande de véhicules individuels. Utilisés en complément de carburants de remplacement, des nouveaux services pourraient faire baisser considérablement les émissions. La généralisation de la mobilité partagée laisse toutefois planer de nombreuses incertitudes (Fulton et al., 2017[22]). Des dispositifs concrets d’accompagnement et des incitations financières devront être mis en place afin de privilégier les services garantissant un taux d’occupation des véhicules supérieur, plutôt que ceux générant du trafic supplémentaire (FIT, 2020[25]; FIT, 2016[26]). À l’heure actuelle, l’offre de services de mobilité partagée est principalement détenue par des opérateurs privés. Il existe toutefois des exemples de coopération avec des autorités locales. Au Mexique, par exemple, l’entreprise Jetty et la municipalité de Mexico se sont associées pour combler les lacunes qui existaient au niveau de l’offre de transports publics. Cela a permis de faire reculer le nombre de voitures particulières au profit du service de transport en minibus proposé par Jetty, en particulier parmi les utilisateurs à revenu élevé. D’autres formes de mobilité « agile », à l’instar des deux et trois-roues électriques, font leur apparition dans les zones urbaines de pays en développement, comme le Népal et la Colombie. Souvent, elles peuvent compléter les services de transports publics existants pour parcourir le dernier kilomètre (FIT, 2019[27]).
Les pouvoirs publics doivent encadrer l’innovation dans le transport urbain, de manière à ce qu’elle produise le maximum de résultats aux niveaux social et environnemental (FIT, 2019[28]). Cela suppose une intégration des technologies numériques en vue de simplifier la coordination de la billetterie, de la tarification et des itinéraires dans l’offre de transports publics existante, ainsi que l’intégration des horaires et un aménagement de l’espace urbain favorisant l’intermodalité. Les solutions de mobilité-service (MaaS) sont prometteuses et pourraient faire office d’exemple en la matière, mais aucune pratique de références n’est disponible dans ce domaine. Faute de cadre réglementaire, des conséquences néfastes pour l’environnement pourraient être observées. Les simulations du FIT montrent que, selon le mode de transport retenu, la mobilité partagée pourrait entraîner une réduction des émissions de CO2 allant de 28 % à 62 %, respectivement, dans les aires métropolitaines de Helsinki et de Lisbonne, sous réserve de son intégration et d’une bonne coordination avec les services de transport public existants (FIT, 2020[25]).
Au cours de la reprise qui suivra la pandémie de Covid-19, certaines mesures relatives aux transports publics seront difficiles à mettre en œuvre. À l’inverse, d’autres mesures pourraient être plus faciles à appliquer compte tenu des changements d’attitude survenus au cours de la pandémie et des investissements massifs réalisés en vue de la reprise. La section ci-après passe en revue les conséquences de la pandémie sur le transport urbain, et révalue les mesures dans le contexte d’une reprise.
Maîtriser la pandémie : Défis et opportunités pour la mobilité urbaine au sortir de la pandémie de Covid-19
À l’échelle mondiale, les mesures prises pour contrer la pandémie de Covid-19 sont allées de la limitation des rassemblements à des confinements nationaux stricts. Ces dispositifs ont eu pour effet d’interrompre presque totalement les activités du transport urbain de voyageurs. En avril 2020, les niveaux de mobilité relevés dans des villes telles que Milan, New York ou Londres ont atteint moins de 10 % du niveau habituellement observé (Citymapper, 2020[29]). Le FIT estime qu’en 2020, l’activité mondiale du transport urbain a atteint 19 % de ce qui avait été prévu. Tandis que la pandémie perdure, de nombreuses incertitudes demeurent quant à ses conséquences pour la mobilité urbaine. Les transports publics font partie des secteurs les plus touchés. À l’inverse, la marche, le vélo et la micromobilité sont en plein essor, soutenus par de nombreuses municipalités. La pandémie amorcera probablement une dynamique de transformation, que les décideurs devront canaliser pour obtenir des résultats plaçant la planète sur une bonne trajectoire. Les mesures appliquées dans le cadre de la reprise post-pandémie détermineront si la décarbonation des transports est vouée à l’échec ou, au contraire, si elle a des chances d’aboutir rapidement. Le Tableau 3.1 ci-après énumère les difficultés et les perspectives relatives à la décarbonation sur le long terme, et synthétise les conséquences de la Covid-19 pour le transport urbain à court terme.
Tableau 3.1. Défis et opportunités potentiels pour décarboner les transports urbains de voyageurs à l’issue de la pandémie de Covid-19
Effets |
Potentielles opportunités pour la décarbonation |
Potentiels défis pour la décarbonation |
---|---|---|
Effets à court terme |
|
|
Changements à long terme/structurels |
|
|
Note : les effets à court terme sont liés aux changements qui, observés pendant la pandémie dans les comportements en matière de mobilité, mettent à mal ou empêchent les efforts de décarbonation. La plupart des opportunités à long tertmes et structurelles reposent sur des politiques de relance bien conçues ; en revanche, les défis compliquent la décarbonation future.
Les villes en situation de statu quo
Le télétravail est devenu la norme en période de confinement. Aux États-Unis et dans l’Union européenne, la population active a eu recours au télétravail à hauteur de 48 % et 42 % environ, respectivement (Sostero et al., 2020[30]; Bloom, 2020[31]). Les mesures de confinement ont fait nettement reculer les déplacements domicile-travail ou de loisirs (Google LLC, 2020[32]). Les individus en incapacité de télétravailler ont subi de lourdes conséquences économiques. Dans les pays en développement, où le travail informel est plus répandu, les consignes de confinement au domicile ont eu des effets particulièrement néfastes sur les revenus.
De Manchester à Bombay, l’atténuation du trafic a rapidement fait baisser le niveau de pollution atmosphérique. Une étude menée dans 34 pays a révélé que les différents confinements ont entraîné une réduction des niveaux de dioxyde d’azote (NO2) et de particules de l’ordre de 60 % et 31 %, respectivement. Les baisses de NO2 sont plus particulièrement imputables à l’effondrement du trafic (Venter et al., 2020[33]). Dans des villes telles que Pékin ou Bombai, la congestion et ses externalités ont pratiquement disparu. D’autres centres urbains ont également connu de fortes baisses, au plus fort du confinement tout au moins (TomTom, 2020[34]).
Les transports publics sont l’un des secteurs les plus touchés par la pandémie. Le nombre de voyageurs, qui constitue généralement la clé de voûte d’un système de transport urbain durable et efficient, s’est littéralement effondré et n’est pas encore revenu à la normale. Pour limiter la propagation du Covid-19, les pouvoirs publics ont invité les citoyens à se tourner vers d’autres modes de déplacement, de manière à mieux respecter les règles de distanciation sociale. La fréquentation des transports publics a ainsi chuté de 70 à 95 % dans de nombreuses villes, et même atteint 97 % dans certains cas (Puentes, 2020[35]). La baisse des recettes qui en a découlé a été drastique et les services de transport public ont parfois dû être considérablement réduits. Dans ce cadre, des itinéraires ont été supprimées, les horaires ont été réduits et certains transports en commun ont même été complètement suspendus (Dormer, 2020[36]; de la Garzia, 2020[37]; BBC, 2020[38]).
La réduction des services de transport a frappé de plein fouet les travailleurs essentiels et les groupes vulnérables. Une étude menée aux États-Unis montre qu’en temps normal, 36 % des navetteurs empruntant les transports publics sont des travailleurs essentiels, issus de minorités ethniques pour 67 % d’entre eux (TransitCenter, 2020[39]). Par ailleurs, des services de transport semi-collectif aux mains d’opérateurs privés ont été supprimés faute de fréquentation suffisante. Cette conséquence se révèle préjudiciable en termes de connectivité, notamment dans les quartiers pauvres de nombreux pays en développement, et oblige de nombreux travailleurs à faible revenu à parcourir de longues distances à pied ou à vélo (IGC, 2020[40]).
Les opérateurs de transports publics se sont adaptés de manière à maintenir leurs services au cours de la pandémie de Covid-19. Des mesures ont été prises pour garantir la continuité des services essentiels, en particulier pour les travailleurs essentiels. Dans de nombreuses villes, les bus et les trains ont continué à circuler mais à capacité réduite, en n’excédant souvent pas 15 % de la jauge maximale. Des vitres de protection en plastique ont rapidement été installées afin de garantir la séparation et la protection du personnel de transport. Parmi les autres mesures fréquemment mises en place, on retrouve la suppression de la vente de tickets à bord et de l’embarquement par les portes avant, ainsi que les marquages au sol matérialisant les distances à respecter entre chaque voyageur (McArthur and Smeds, 2020[41]; UITP, 2020[42]).
La mobilité partagée n’a pas été épargnée par la pandémie. La demande de covoiturage et de véhicules partagés a drastiquement baissé, entraînant une interruption temporaire de ces services dans la plupart des villes au plus fort de la pandémie. Un grand nombre d’opérateurs ont rétabli leurs services après avoir renforcé le protocole sanitaire et les mesures barrière en place. Pour compenser leurs pertes financières, certaines sociétés de covoiturage ont décidé de proposer de nouveaux services, tels que la livraison de plats (Ibold et al., 2020[43]).
La marche et le vélo sont en plein essor. Les citoyens frileux à l’idée d’emprunter les transports publics, par peur de s’exposer au Covid-19, se sont tournés vers la mobilité active. Un grand nombre de personnes a ainsi investi les rues vides pour faire des courses ou de l’exercice. Depuis le début de la pandémie, 1 800 villes ont mis en place des infrastructures temporaires dédiées aux cyclistes et aux piétons, fermé des rues à la circulation, modifié la signalisation et pris d’autres mesures pour accompagner cette transition (Goetsch and Quiros, 2020[44]). Les vendeurs de vélos, les opérateurs de vélopartage, les ateliers de réparation et les dispositifs favorisant les trajets domicile-travail à vélo ont quant à eux fait face à un fort surplus de demande (BBC, 2020[45]). Les données relatives à la marche font cependant défaut.
Risques et perspectives liés à la reprise
Jamais aupravant les pouvoirs publics n’avaient eu à organiser la reprise à la suite d’une pandémie mondiale. L’incertitude règne, tant au niveau de la durée de la pandémie que de l’organisation du quotidien à mesure que nous apprenons à vivre avec le virus. Le Covid-19 fait peser une menace non négligeable sur les programmes des villes en matière de transport durable, comme en témoignent les transports publics lourdement touchés par la crise. Les décideurs font toutefois face à un ensemble d’opportunités à saisir, notamment pour pérenniser les nouveaux comportements positifs adoptés par les citoyens dans le contexte de la pandémie.
Le télétravail et son interdépendance avec les transports dominent le débat qui entoure la reprise post-pandémie dans les villes. Pour l’heure, les discussions portent majoritairement sur la capacité du télétravail à réduire les trajets domicile-travail et, partant, le niveau des émissions urbaines. Ses conséquences nettes demeurent toutefois incertaines. En effet, la baisse du nombre de trajets domicile-travail s’accompagne souvent d’une hausse des déplacements effectués à titre personnel, ce qui pourrait atténuer les progrès réalisés dans ce domaine (Hook et al., 2020[46]; Zhu et al., 2018[47]). De même, l’instauration du télétravail pourrait faire augmenter la consommation d’énergie au sein du domicile, ce qui viendrait compenser en partie la baisse des émissions de CO2 (AIE, 2020[48]). Même si le télétravail entraîne une réduction nette des émissions de CO2, cette dernière se cantonnera à la population très éduquée et bien rémunérée des économies développées, où la part des travailleurs opérant dans des secteurs à forte activité intellectuelle est plus élevée (Dingel and Neiman, 2020[49]). En termes d’équité sociale, les conséquences négatives du télétravail se sont révélées au cours de la pandémie, quand seuls les travailleurs ayant le privilège de pouvoir travailler de chez eux n’ont pas eu à supporter de pertes de revenus (Bloom, 2020[31]; Guyot and Sawhill, 2020[50]).
La pandémie offre l’occasion d’opter pour un mode de financement plus durable rendant compte des avantages sociaux et économiques que seuls les transports publics sont susceptibles d’apporter
Les opérateurs de transports publics sont durement touchés par la perte de revenus liée à l’effondrement de la billetterie durant la pandémie. Ces pertes vont perdurer dans un avenir proche, les opérateurs devant composer avec les règles de distanciation sociale, qui font baisser la fréquentation et augmenter les coûts d’exploitation. Cette situation a occasionné une grosse crise budgétaire dans le secteur des transports publics. Par exemple, la régie des transports londoniens (Transport for London – TfL) estime un déficit de 6.4 milliards GBP (8.9 milliards USD) pour la période 2020-22. La compagnie de métro de Hong Kong (Hong Kong Mass Transit Railway) estime quant à elle avoir subi des pertes de 400 millions HKD (51.6 millions USD) au premier semestre 2020 (McArthur and Smeds, 2020[41]). Au Brésil, l’Association nationale des opérateurs de transports urbains (Associação Nacional das Empresas de Transporte Urbanos – NTU) prévoyait des pertes quotidiennes de plus de 1 milliard BRL (184 millions USD) parmi ses membres (Ibold et al., 2020[43]). Des plans de sauvetage sont en cours de négociation. Au-delà de l’urgence, la crise met en lumière des problématiques fondamentales au niveau du financement des transports publics, qui dépendraient trop largement des recettes de tarification. La pandémie offre l’occasion d’opter pour un mode de financement plus durable rendant compte des avantages sociaux et économiques que seuls les transports publics sont susceptibles d’apporter.
Le retour aux dispositifs de financement en vigueur avant la pandémie est incompatible avec le maintien d’un niveau de service acceptable. Certaines villes annoncent d’ores et déjà une réduction des services en raison de la baisse des recettes de tarification (CBC, 2020[51]; de la Garzia, 2020[37]). À l’heure actuelle, le financement des services de transports repose sur un ensemble composé des recettes de tarification, de fonds publics, de taxes diverses et d’autres sources qui varient selon les villes. Dans les pays en développement, où les transports semi-collectifs sont très présents, les opérateurs disposent uniquement des recettes de tarification. Pour se relever de la crise, les transports publics devront s’écarter du système actuel qui fait la part belle à la vente de billets, pour privilégier des sources de revenus plus stables (McArthur and Smeds, 2020[41]). La récupération des plus-values foncières pourrait être une solution. Ce mécanisme cherche à capter les plus-values exceptionnelles que les propriétaires terriens peuvent tirer des terrains situés à proximité de nouveaux réseaux de transport public et à les intégrer dans leurs sources de financement (Medda, 2012[52]; Transport for London, 2017[53]). Le soutien apporté par les instances nationales aux autorités locales dans le financement de services de qualité est une autre possibilité qui profite également à l’économie en ce qu'elle permet de créer des emplois et de les mettre à la portée des travailleurs, faisant ainsi augmenter le taux d’activité (Sclar, Lönnroth and Wolmar, 2016[54]).
La réduction des services de transport public remettrait en cause des années de progrès. Il sera très difficile pour les transports publics de regagner un niveau de fréquentation équivalent à celui relevé avant la pandémie. Si le manque de financements conduit les opérateurs à réduire leurs services ou à augmenter leurs tarifs, cela pourrait même devenir impossible (Steer, 2020[55]). Cela anéantirait des années de progrès s’agissant de la transition de la mobilité urbaine vers des modes de transport plus durables (McArthur and Smeds, 2020[41]). Le renouvellement des parcs de véhicules de transport public, qui consistait à acheter des véhicules plus propres, pourrait être remis en question, ce sujet reculant dans l’ordre des priorités vu l’importance des restrictions budgétaires.
Le financement des transports publics n’exige pas de fonds supplémentaires, mais plutôt de redéfinir les priorités. Le montant des économies liées à la baisse du nombre de routes en construction, du recul du taux de motorisation et des économies d’énergies dépassera celui des besoins d’investissement dans les transports publics (Fulton et al., 2017[22]) Quand bien même les habitudes vont changer, les transports publics conserveront leur rôle de service essentiel et continueront de figurer parmi les modes de déplacement les plus durables (FIT, 2020[56]). Les transports publics permettent aux personnes dépourvues de véhicule individuel de pouvoir satisfaire à leurs besoins. Les habitués des transports publics sont en grande majorité des femmes ainsi que des personnes jeunes ou âgées ayant de faibles revenus, confrontées à des restrictions de mobilité et issues de minorités (Banister, 2019[57]).
L’adaptation à de nouvelles habitudes de déplacement offre l’occasion d’aller vers un aménagement de l’espace et des transports plus intégrés et plus durables. La physionomie des déplacements, des trajets domicile-travail et du développement urbain à venir est très incertaine. L’essor du télétravail laisse présager un effondrement du volume de déplacements vers les quartiers centraux d’affaires. La stratégie actuelle de planification des transports publics se concentrant sur les heures de pointe et les trajets domicile-travail devra être revue pour s’adapter aux trajets de proximité réalisés en heures creuses, qui pourraient devenir la nouvelle norme. Cette transition pourrait aboutir à un système de transports publics plus équitable qu’auparavant. La mise en place de services disponibles tout au long de la journée et reliant les centres secondaires entre eux renforcerait le rôle névralgique des transports publics au sein d’un système garantissant l’accès de tous aux opportunités. Souvent, les usagers issus de groupes marginaux se déplacent en dehors des heures pointe, or la priorité n’est généralement pas donnée à leurs besoins dans la planification des transports publics (Sustainable Development Commission, 2011[10]). La mise en place de dessertes dans les centres secondaires tout au long de la journée permettrait aux personnes en travail posté de se rendre sur leur lieu de travail à des horaires inhabituels, à un senior de se rendre chez le médecin en milieu d’après-midi ou à une mère de famille de faire des courses au terme de sa journée de travail, avant de retrouver son enfant, sans avoir à attendre le bus pendant 20 minutes.
En termes d’aménagement urbain, la décentralisation ne renforcera pas nécessairement la dépendance à l’égard de la voiture. Si le télétravail entre dans les mœurs, les citoyens pourraient décider de quitter les centres-villes pour s’installer dans les banlieues, qui sont parfois moins bien desservies par les transports publics. Ce facteur, conjugué à l’étalement urbain, pourrait renforcer la dépendance à l’égard de l’automobile. La durée des trajets domicile-travail s’en retrouverait allongée, tandis que la moindre densité des centres urbains pourrait imposer aux habitants d'utiliser l’automobile pour faire leurs courses. Malgré tout, les principes de décentralisation et de ville durable ne sont pas incompatibles en soi. En effet, une stratégie de décentralisation bien menée et donnant lieu à des changements de comportement pourrait ouvrir la voie à plus d’équité dans les systèmes de transport urbain (Chu, 2020[58]). Ainsi, la ville de Paris a publiquement présenté son projet de « ville du quart d’heure », dont l’objectif est de permettre aux habitants d’accéder à tout ce dont ils ont besoin depuis leur domiciel en moins de 15 minutes (Moreno, 2020[59]; Paris en Commun, 2020[60]). Cette idée de centre secondaire n’est pas nouvelle, mais la reprise de l’activité économique au terme de la pandémie pourrait être une occasion unique de donner un coup d’accélérateur à ces initiatives. Les changements de pratiques en matière d’aménagement urbain, qui consistent notamment à créer des centres secondaires dans des zones résidentielles, pourraient encourager l’installation de nouvelles entreprises et de nouveaux services autour des pôles d’échange multimodaux, qui tendent de plus en plus à relier les centres urbains entre eux plutôt que d’assurer la liaison avec le centre-ville. Encourager un aménagement axé sur les transports collectifs permettra aux transports publics de rester le premier choix pour effectuer des trajets inadaptés à la marche, au vélo ou à la trottinette.
Relier les différents modes de transports entre eux donnera de l’élan aux transports publics. L’intégration des différents modes de transports sera indispensable pour relancer la fréquentation des transports publics. Pour cela, les réseaux de bus et de train peuvent offrir une base solide, autour de laquelle viendront s’articuler des services de mobilité partagée et micromobilité permettant de parcourir le premier et le dernier kilomètre et pouvent se substituer aux transports publics moyennant un coût abordable lors des périodes de faible demande. Les plateformes de mobilité-service (MaaS), qui utilisent les technologies numériques pour proposer des services d'itinéraire et de billetterie intégrés applicables à divers moyens de transport, en vue de simplifier l’intermodalité, sont appelées à se développer.
Conserver et encourager la confiance à l’égard des transports publics relèvera du défi. Une étude suisse montre que 22 à 28 % des individus prévoient d’emprunter les transports publics et les modes partagés moins souvent qu’avant la pandémie (Deloitte, 2020[61]). Un sondage Ipsos (2020[62]) réalisé en République populaire de Chine a par ailleurs révélé qu’environ la moitié des répondants qui se déplaçaient en bus et en métro avant la pandémie, ne le faisaient plus. Donner la priorité aux conditions sanitaires et à la protection des voyageurs pourrait permettre de regagner en partie la confiance du public à court terme (UITP, 2020[42]). À plus long terme, il importera de conserver, voire d’améliorer, le niveau des services malgré la pression budgétaire et d’accroître l’attractivité de l’offre de transports publics, grâce à une bonne intégration avec les autres modes de transport, notamment.
En ville, l’utilisation de la voiture particulière repart rapidement à la hausse, au détriment des transports publics. D’après l’enquête suisse citée ci-dessus, jusqu’à un quart des personnes interrogées (24 %) se disent prêtes à utiliser davantage leur voiture ou leur moto à l’avenir (Deloitte, 2020[61]). En Chine, où la pandémie a atteint son pic plusieurs mois avant le reste du monde, le trafic observé en mars 2020 à Pékin, Shanghai et Guangzhou a dépassé le volume moyen relevé pour l’ensemble de l’année 2019, tandis que la fréquentation des métros a enregistré un recul compris entre 29 et 53 % par rapport à la période pré-Covid-19 (Bloomberg News, 2020[63]). Les intentions d’achat de nouvelles voitures sont également en hausse, et motivées à 77 % par des préoccupations sanitaires (Ipsos, 2020[62]). À l’issue de la pandémie, les opérateurs de transports publics devront impérativement proposer des services perçus comme étant sûrs, efficients et abordables afin d’éviter que la circulation en ville ne se motorise davantage.
Les investissements publics dans les technologies propres demeurent essentiels. La généralisation des technologies propres et la diminution des coûts d’entrée pour les consommateurs seront impossibles sans Recherche et Développement (R&D) (AIE, 2020[64]). Dans un contexte de baisse des financements privés alloués à la R&D, en raison de la pandémie, les plans de relance publics représentent une véritable bouée de sauvetage. Les dépenses publiques en faveur des technologies énergétiques propres offrent un bon retour sur investissement pour les contribuables et coïncident avec la croissance de l’emploi (Calvino and Virgillito, 2018[65]; Dowd, 2017[66]). Les incitations et subventions dans le domaine des technologies automobiles profiteront d’abord aux consommateurs à haut revenu désireux d’acquérir une voiture plus respectueuse de l’environnement (PWC Strategy, 2020[67]). En subordonnant les mesures de relance à l’incitation des ventes et des investissements dans des infrastructures de recharge et des flottes de véhicules partagés, les pouvoirs publics seraient en meilleure voie pour atteindre les objectifs sociaux et environnementaux de la mobilité équitable (Buckle et al., 2020[68]; Goetz, 2020[69]).
Les villes ont pris une longueur d’avance s’agissant des infrastructures dédiées à la mobilité active et à la micromobilité, qu’il convient à présent de pérenniser. Avant la pandémie, nombreuses étaient les villes à avoir adopté des projets à long terme en faveur de la mobilité active. Elles doivent désormais tirer parti du succès des initiatives prises durant la crise et pérenniser ces installations temporaires de manière à accélérer la concrétisation des projets établis avant la pandémie.
Recover, Reshape ou Reshape+ : trois avenirs sont possibles pour le transport urbain de voyageurs
La présente section étudie les évolutions possibles de la mobilité urbaine à l’horizon 2050. Ses projections, présentées ci-après, reposent sur trois scénarios de modélisation de l’action publique : les scénarios Recover, Reshape et Reshape+. Ces derniers classent par degré d’ambition les mesures que pourraient prendre les pouvoirs publics pour réduire les émissions de CO2 dans les villes et décarboner le transport urbain.
La définition des mesures prises dans le cadre de ces scénarios repose sur les recherches du FIT, sur les contributions d’experts recueillies à l’occasion d'une enquête conduite aux quatre coins du monde début 2020, et sur des ateliers organisés en 2020 par le FIT dans le cadre de son projet sur la décarbonation des transports. Le Tableau 3.3 précise le niveau supposé de mise en oeuvre des différentes mesures selon les scénarios. Tous reprennent les mêmes hypothèses économiques de référence pour rendre compte des conséquences de la pandémie de Covid-19, à savoir un ralentissement de la croissance du PIB et des projections d’échanges commerciaux pendant cinq ans par rapport à la période pré-Covid-19.
Les résultats reposent sur le modèle de transport urbain de voyageurs mis au point par le FIT, qui simule l’évolution de l’activité de transport et la répartition modale dans les villes ainsi que les émissions de CO2 et de polluants locaux imputables aux transports dans les zones urbaines en 2050 par rapport à l’année 2015, prise pour référence. L’Encadré 3.1 décrit plus en détail le modèle de transport urbain de voyageurs du FIT ainsi que les modifications qui y ont été apportées.
Encadré 3.1. Le modèle de transport urbain de voyageurs 2020 du Forum international des transports
Le modèle de transport urbain de voyageurs mis au point par le Forum international des transports (FIT) permet d’évaluer l’offre et la demande de transport dans toutes les régions du monde. Plus de 9 200 macro-zones urbaines fonctionnelles (ZUF) ont été prises en compte jusqu’à présent. Ce modèle estime, par tranches de cinq années, le volume de déplacements, la répartition modale, le volume de l’activité de transport (exprimé en passagers-kilomètres et en véhicules-kilomètres, la consommation d’énergie et les émissions de CO2, de SO4, de NOx et de particules (PM) pour 18 modes1 sur la période 2015-2050. Dans sa version actuelle, le modèle permet d’évaluer les conséquences de 23 mesures et évolutions technologiques précisées pour chacun des 19 marchés régionaux qu’il recouvre. Ce modèle élaboré par le FIT, présenté pour la première fois en 2017, est constamment mis à jour et amélioré. Certaines de ses caractéristiques essentielles, qui ont été actualisées depuis 2019, sont présentées ci-après. Ces modifications expliquent en partie les différences constatées au niveau des hypothèses et des valeurs de référence retenues dans les éditions 2021 et 2019 des Perspectives des transports.
Le cas échéant, le modèle utilise les données socio-économiques et de mobilité collectées dans les ZUF considérées, y compris des données au format GTFS. Lorsqu’elles sont indisponibles, il les remplace par des données synthétiques obtenues grâce à une régression portant sur des ZUF semblables. Les données d’entrée telles que le PIB par habitant, la zone géographique et les coûts liés à l’énergie sont actualisées à chaque itération du modèle.
À chaque itération, le modèle commence par actualiser les caractéristiques de l’offre de transport, en particulier le taux de motorisation et la disponibilité des infrastructures routières, des transports publics et d’autres services de mobilité. Il génère ensuite des déplacements. Un module de ventilation permet alors de calculer la répartition modale à l’aide d'un modèle de choix discret qui tient compte du coût, de la durée et de l’accessibilité des différents modes de transport. Enfin, les émissions liées au transport sont estimées à partir du taux d’occupation et des émissions moyennes des véhicules en circulation dans la région considérée.
Tableau 3.2. Synthèse des mises à jour du modèle urbain
Version de 2019 |
Version de 2021 |
|
---|---|---|
Population urbaine et villes |
3.3 milliards de personnes dans 11 099 villes |
3.6 milliards de personnes dans 9 234 macro-zones urbaines fonctionnelles1 (ZUF) (Nations Unies, 2019[70]; OCDE/Commission européenne, 2020[71]) |
Modèle démographique |
Données externes |
Modèle démographique interne représentant l’évolution de la population urbaine pour 36 classes d’âge et de sexe2 (WorldPop, 2020[72]), pour chaque macro-ZUF |
Évolution de l’aménagement de l’espace |
Un taux de croissance est estimé pour chaque ZUF. |
Des taux de croissance différenciés sont estimés pour le centre et les banlieues de chaque macro-ZUF |
Performances environnementales |
Émissions moyennes du réservoir à la roue, d’après le modèle Roadmap de l’International Council on Clean Transportation (ICCT, 2019[73]), pour les polluants locaux, et le Mobility Model de l’AIE (AIE, 2020[13]), pour le CO2. |
Prise en compte des émissions du réservoir à la roue et des émissions du puits à la roue d’après le Mobility Model de l’AIE (AIE, 2020[13]). Prise en compte des polluants locaux d’après le modèle Roadmap de l’ICCT (ICCT, 2019[73]). |
Modèle de génération des déplacements |
Taux moyens de déplacements |
Taux de déplacements calculés pour cinq distances, cinq classes d’âges, et pour chaque sexe |
Estimation de la demande en automobiles et en motocycles |
Surestimation du volume de déplacements (pkm) en voiture et en motocycle, notamment pour ce qui concerne l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes |
Révision à la baisse et à la hausse du volume de déplacements (pkm) en voiture et en motocycles, respectivement, dont il ressort une demande totale équivalente mais des émissions de CO2 plus basses dans les régions du monde concernées. |
Accès et sortie à pied |
Non pris en compte |
Les modes non actifs de déplacement sont assortis d’une estimation des temps d’accès et de sortie à pied. |
1. Une macro-ZUF correspond à la réunion de ZUF telles que définies dans le cadre du projet CE-OCDE Cities in the World et recensées en 2018 dans le projet World Urbanization Prospects du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat de l’ONU.
2. Décomposition de la population urbaine en 36 classes, selon l’âge et le sexe
1. Les 18 modes pris en compte dans le modèle sont les suivants : marche, vélo, motocycle individuel, voiture particulière, taxi, train, métro, métro léger, bus à haut niveau de service, bus, bus informel, trois-roues informel, véhicules partagés (trottinette, vélo, moto, voiture), covoiturage et taxi collectif.
La mobilité urbaine dans le scénario Recover
Dans le scénario Recover, la vision qui prévalait avant la pandémie en termes de politiques, de priorités d’investissement et de technologies façonne la mobilité urbaine au cours de la décennie à venir. Les pouvoirs publics privilégient et renforcent les activités économiques bien établies pour soutenir la reprise. L’objectif principal est de revenir à la situation « normale » observée avant la pandémie. Le scénario Recover se veut plus ambitieux que le scénario d’ambitions inchangées présenté dans l’édition 2019 des Perspectives des transports du FIT.
Dans le scénario Recover, les conséquences de la pandémie, dont ont souffert les déplacements urbains en 2020, s’estompent peu à peu à l’horizon 2030. Du côté positif, des mesures sont prises afin que la fréquentation des transports publics regagne les niveaux relevés par le passé. En revanche, les changements de comportement, à la faveur d’un plus grand respect de l’environnement, reviennent eux aussi progressivement à ce qu'ils étaient avant la pandémie : par exemple, l’essor de la mobilité active, qui avait contribué à faire baisser les émissions de CO2 pendant la pandémie, n’est que temporaire.
Du point de vue de l’atténuation des émissions de CO2, les mesures déjà en vigueur ou sur le point d’être mises en œuvre avant la pandémie sont honorées. Les mesures prises avant la pandémie pour réduire l'utilisation des voitures particulières sont maintenues, par exemple. La tarification du carbone s’applique à tous les modes de transport, de sorte que leur coût d'utilisation reflète leurs niveaux d’émissions de CO2. Aucune mesure supplémentaire n’est cependant appliquée pour décarboner les transports.
Les avancées technologiques présentées dans le scénario Recover se concrétisent à un rythme modéré. L’électrification du parc de véhicules suit les projections formulées dans le scénario des politiques déclarées (STEPS) de l’Agence internationale de l'énergie (AIE) (AIE, 2020[13]).
Quelques villes continuent de lutter contre l’utilisation excessive de l’automobile sans qu’aucun changement de grande ampleur ne soit observé. Certaines villes et banlieues se densifient, tandis que d’autres s’étalent. Les quartiers construits autour des pôles d’échange voient leur densité et leur diversité croître modestement. Dans certaines rues, l’aménagement de nouvelles infrastructures cyclables et piétonnes, la limitation de la vitesse et la place centrale accordée aux transports en commun contribuent à poursuivre l’abandon progressif de la voiture particulière. Ces exemples restent toutefois exceptionnels. Certaines villes limitent également l’utilisation de l’automobile en s’appuyant sur des mesures de restriction de la circulation, sur la tarification et la réglementation du stationnement ainsi que sur des péages urbains. Une fois encore, ces dispositifs ne sont pas très répandus.
Quelques villes font la promotion des véhicules à faibles émissions au moyen d’incitations et d’investissements dans les infrastructures. L’autopartage, le covoiturage et les modes de transport partagés sont encouragés en tant que solutions de substitution aux véhicules individuels. Les transports publics bénéficient d’investissements modérés. En moyenne, les couloirs ferroviaires subissent peu de modifications. Le transport en bus et les transports semi-collectifs s’améliorent légèrement. Quelques villes étendent leur réseau de services mais ne l’intègrent pas efficacement aux autres modes de transport.
Changement de paradigme : la mobilité urbaine dans le scénario Reshape
Dans le scénario Reshape, les conséquences du Covid-19 pour les déplacements urbains disparaissent peu à peu jusqu’en 2030, comme dans le scénario Recover. Cependant, les décideurs fixent des objectifs climatiques ambitieux, qu’ils cherchent à concrétiser à l’aide de mesures contraignantes. Ces dernières sont instaurées à l’échelle mondiale, dans des proportions variables selon les régions. Le scénario Reshape va plus loin que le scénario d’ambitions élevées, présenté dans l’édition 2019 des Perspectives des transports du FIT.
Par rapport au scénario Recover, le scénario Reshape table sur une hausse des prix du carbone dans toutes les régions du monde et pour l’ensemble des modes de transport.
L'étalement urbain est stoppé. La densité urbaine se maintient ou s’accroît, tant au niveau des centres-villes que des banlieues. L’aménagement axé sur les transports collectifs (TOD) est davantage plébiscité que dans le scénario Recover, ce qui a pour effet d'intensifier la densité et la diversité autour des pôles d’échanges.
La voiture particulière n’a plus la priorité. Dans les villes, le réaménagement des rues écarte les automobiles de manière plus radicale. Les limitations de vitesse sont revues à la baisse. Dans toutes les villes, la priorité est donnée – au moins en partie – aux réseaux de transport public grâce à des voies réservées ou à la signalisation. Les infrastructures cyclables et piétonnes se développent et s’améliorent sensiblement dans un plus grand nombre de villes. Les dispositifs de restriction de la circulation, les péages urbains ainsi que la tarification et la réglementation du stationnement font reculer l’utilisation de la voiture bien plus nettement que dans le scénario Recover.
La capacité de transport existante est utilisée de manière plus efficiente. Les initiatives en faveur du covoiturage, de l’autopartage et, plus généralement, du partage de véhicules ont des répercussions plus visibles sur les taux d’occupation moyens et la disponibilité de la mobilité partagée.
Les infrastructures destinées aux véhicules électriques et à faibles émissions s’améliorent, grâce à des initiatives et à des investissements ciblés, ce qui se traduit par une baisse marquée des émissions moyennes de CO2 dans certaines villes. La composition du parc de véhicules suit les hypothèses relatives au progrès technologique formulées dans le scénario de développement durable de l’AIE (SDS) (AIE, 2020[13]).
Grâce aux applications de mobilité-service (MaaS), les transports publics offrent des services très intégrés et permettent des correspondances plus fluides avec les autres modes de transport. Peu à peu, les services de transport semi-collectif sont réglementés et intégrés aux systèmes officiels de transport public ou de mobilité partagée, ce qui permet d’assainir le parc de véhicules dans les régions en développement.
Aller encore plus loin avec le scénario Reshape+
Dans le scénario Reshape+, des mesures sont prises pour pérenniser les avancées réalisées en matière de décarbonation dans le contexte de la pandémie. Comme dans les deux autres scénarios, les conséquences négatives du Covid-19 pour la mobilité urbaine disparaissent à l’horizon 2030. À l’image de ce qui est observé dans le scénario Reshape, les pouvoirs publics définissent des objectifs ambitieux de décarbonation et mettent en place les mesures nécessaires pour y parvenir. Ils vont même plus loin en saisissant les occasions créées par la pandémie en matière de décarbonation. En faisant coïncider des incitations économiques avec leurs objectifs dans les domaines du climat et de l’équité, ils tirent parti du redémarrage de l’économie pour atteindre la durabilité environnementale et sociale. Pour cela, ils reprennent certaines mesures du scénario Reshape, dont ils durcissent le contenu ou raccourcissent le calendrier de mise en œuvre.
L’essor du télétravail réduit le nombre de trajets domicile-travail tout en favorisant la productivité économique.
Mené à grande échelle, l’aménagement axé sur les transports collectifs (TOD) favorise les attitudes positives à l’égard des transports publics et neutralise les conséquences pouvant découler des mouvements de population hors des centres-villes.
Les infrastructures cyclistes et piétonnes sont très développées. Les aménagements temporaires en faveur de la mobilité active réalisés durant la pandémie sont pérennisés.
L’augmentation des aides à l’achat de véhicules à faibles émissions est financée par les plans de relance. Les retombées positives du scénario Reshape sont amplifiées, ce qui permet aux villes d’atteindre leurs objectifs de décarbonation plus rapidement et de façon plus certaine.
Les scénarios Reshape et Reshape+ offrent une vision optimiste de ce à quoi nous pourrions prétendre en faisant évoluer le secteur des transports dans le contexte de la reprise post-pandémie. Si les mesures présentées ici sont techniquement applicables, le FIT reconnaît qu’elles peuvent présenter des limites, qui pourraient empêcher les régions de les mettre en œuvre en totalité. Les orientations du FIT quant aux mesures à adopter ne sont en aucun cas contraignantes. Elles mettent en lumière les priorités pouvant être définies dans le cadre des plans de relance économique pour parvenir à des villes équitables tout en atténuant les émissions.
Tableau 3.3. Caractéristiques des scénarios applicables au transport urbain de voyageurs
Les cases grisées désignent les mesures dont l’application est renforcée dans le scénario Reshape+.
Mesure/facteur exogène |
Description |
Recover |
Reshape |
Reshape+ |
---|---|---|---|---|
Instruments économiques |
||||
Tarification du carbone |
Tarification des carburants à base de carbone en fonction des émissions produites |
Selon les régions, le tarif est compris entre 150 et 250 USD par tonne de CO2 en 2050 |
Selon les régions, la tarif est compris entre 300 et 500 USD par tonne de CO2 en 2050 |
|
Péages urbains |
Redevances appliquées aux véhicules à moteur en contrepartie de l’utilisation des infrastructures routières. |
Hausse de 0 à 7 % des coûts d’utilisation non liés à la consommation de carburant pour les voitures, la moitié pour les motocycles. |
Hausse de 2.5 à 25 % des coûts d’utilisation non liés à la consommation de carburant pour les voitures, la moitié pour les motocycles. |
|
Tarification et restriction du stationnement |
Contrôle de la disponibilité et du tarif des places de stationnement réservées aux véhicules à moteur. |
Application de mesures de restriction du stationnement dans 5 à 50 % de chaque zone urbaine, et augmentation des tarifs de stationnement allant jusqu’à 60 % d’ici à 2050. |
Application de mesures de restriction du stationnement dans 7 à 75 % de chaque zone urbaine, et augmentation des tarifs de stationnement comprise entre 20 % et 150 % d’ici à 2050. |
|
Amélioration des infrastructures |
||||
Aménagement urbain |
Densification des villes |
Variation de la densité comprise entre -10 % et +20 % dans le centre des zones urbaines de plus de 300 000 habitants. Variation de la densité comprise entre -10 % et +10 % dans les villes de moins de 300 000 habitants et dans les banlieues des zones urbaines de plus de 300 000 habitants. |
Variation de la densité comprise entre 0 % et +40 % dans le centre des zones urbaines de plus de 300 000 habitants. Variation de la densité comprise entre 0 % et +20 % dans les villes de moins de 300 000 habitants et dans les banlieues des zones urbaines de plus de 300 000 habitants. |
|
Aménagement axé sur les transports collectifs (TOD) |
Accroissement de l’urbanisation diversifiée dans les quartiers situés autour de pôles d’échanges. |
Accroissement de la diversité et de l'accessibilité des transports collectifs de 5 % d’ici à 2050. |
Accroissement de la diversité et de l'accessibilité des transports collectifs de 7.5 % d’ici à 2050. |
Accroissement de la diversité et de l'accessibilité des transports collectifs de 10 % d’ici à 2050. |
Priorité aux transports publics et création de voies rapides |
Priorité aux transports publics moyennant la signalisation ou les voies rapides. |
Priorité aux réseaux de bus, de tram et de bus à haut niveau de service : de 0 % à 40 % à l’horizon 2050. |
Priorité aux réseaux de transport publics par voie de surface : de 10 à 60 % à l’horizon 2050. |
|
Amélioration des services de transport public |
Amélioration de la fréquence et de la capacité des services de transport public |
Amélioration des services de transport empruntant les réseaux ferroviaires ou les grands axes comprise entre -10 % et +10 %, induisant une variation de la vitesse comprise entre -1 % et +1 % à l’horizon 2050. Amélioration des services offerts par les systèmes de bus ou de transport semi-collectif comprise entre 10 % et 30 %, induisant une variation de la vitesse comprise entre 0.25 % et 0.7 % à l’horizon 2050. |
Amélioration des services de transport empruntant les réseaux ferroviaires ou les grands axes comprise entre 10 % et +15 %, induisant une variation de la vitesse comprise entre 1 % et +1.5 % à l’horizon 2050. Amélioration des services offerts par les systèmes de bus ou de transport informel comprise entre 20 % et 50 %, induisant une variation de la vitesse comprise entre 0.5 % et 1.25 % à l’horizon 2050. |
|
Amélioration des infrastructures de transport public |
Amélioration de la densité et de la taille des réseaux de transport public |
Croissance du réseau de transport public comprise entre 0 et 100 % à l’horizon 2050. |
Croissance du réseau de transport public comprise entre 0 et 200 % à l’horizon 2050. |
|
Intégration de la billetterie dans les transports publics |
Intégration des systèmes de billetterie des transports publics |
Baisse du coût des tickets comprise entre 1.5 et 4.5 %, et recul de 2.5 à 7.5 % des frais d’abonnement mensuels. |
Baisse du coût des tickets comprise entre 1.5 et 7.5 %, et recul de 2.5 à 12.5 % des frais d’abonnement mensuels. |
|
Amélioration des infrastructures cyclistes et piétonnes |
Développement des infrastructures dédiées à la mobilité active. |
Accroissement de 20 à 300 % de l’espace routier accessible aux modes actifs de déplacement d’ici à 2050 et hausse simultanée de leur vitesse, notamment pour ce qui concerne la micromobilité |
Accroissement de 40 à 500 % de l’espace routier accessible aux modes actifs de déplacement d’ici à 2050 et hausse simultanée de leur vitesse, notamment pour ce qui concerne la micromobilité. |
Accroissement de 50 à 600 % de l’espace routier accessible aux modes actifs de déplacement d’ici à 2050 et hausse simultanée de leur vitesse, notamment pour ce qui concerne la micromobilité. |
Limitations de vitesse |
Modération du trafic dans le but de réduire la vitesse et la domination des véhicules à moteur, grâce à la mise en place de zones ou d'infrastructures à faible vitesse de circulation. |
Réduction de la vitesse comprise entre 2 et 30 % sur les axes principaux d’ici à 2050 |
Réduction de la vitesse comprise entre 5 et 50 % sur les axes principaux d’ici à 2050 |
|
Instruments réglementaires |
||||
Dispositif de restriction de la circulation en zone urbaine |
Restriction de la circulation automobile dans certains quartiers et à certaines heures de la journée, de manière à limiter la congestion. Ce dispositif est généralement appliqué en centre-ville. |
Réduction du taux de motorisation compris entre 0 et 17.5 % à l’horizon 2050. Révision à la baisse de la vitesse maximale autorisée pour les voitures particulières et partagées, parallèlement à l’augmentation du temps d’accès aux voitures et motocycles. |
Réduction du taux de motorisation compris entre 3.5 et 25 % à l’horizon 2050. Révision à la baisse de la vitesse maximale autorisée pour les voitures particulières et partagées, parallèlement à l’augmentation du temps d’accès aux voitures et motocycles. |
|
Promotion des véhicules à faibles émissions et des investissements dans les infrastructures |
Incitations financières en faveur de l’achat et de l'utilisation de véhicules alternatifs et de l’investissement dans des infrastructures de recharge. |
Baisse de 0 à 4 % du volume moyen de déplacements (en vkm) réalisés au moyen de véhicules roulant au gazole, à l’essence ou au moyen de carburants à base de méthane d’ici à 2050. |
Baisse de 0 à 36 % du volume moyen de déplacements (en vkm) réalisés au moyen de véhicules roulant au gazole, à l’essence ou au moyen de carburants à base de méthane d’ici à 2050. |
Baisse de 0 à 45 % du volume moyen de déplacements (en vkm) réalisés au moyen de véhicules roulant au gazole, à l’essence ou au moyen de carburants à base de méthane d’ici à 2050. |
Stimulation de l’innovation et du progrès |
||||
Entrée sur le marché de véhicules électriques/alternatifs |
Niveau d’adoption des véhicules électriques/alternatifs dans un parc urbain de véhicules |
Suit le scénario STEPS de l’AIE |
Suit le scénario SDS de l’AIE |
|
Initiatives en faveur de l’autopartage |
Promotion des dispositifs de location courte durée de voiture dans le cadre desquels les membres ont accès à un parc de véhicules selon leurs besoins, faisant ainsi baisser le taux de motorisation |
Augmentation de 0 à 15 % et de 0 à 40 %, respectivement, du nombre de voitures ou de motocycles disponibles par habitant dans le cadre d'un dispositif d autopartage ou de motopartage, à l’horizon 2050. |
Augmentation de 5 à 30 % et de 10 à 60 %, respectivement, du nombre de voitures ou de motocycles disponibles par habitant dans le cadre d'un dispositif d autopartage ou de motopartage, à l’horizon 2050. |
|
Mesures relatives au covoiturage |
Les mesures en faveur du covoiturage encouragent le regroupement des trajets effectués au moyen de véhicules de transport individuel présentant les mêmes origines et destinations. |
Augmentation de 3.5 à 8.3 % du taux moyen d’occupation des véhicules à l’horizon 2050. |
Augmentation de 7.6 à 16.7 % du taux moyen d’occupation des véhicules à l’horizon 2050. |
|
Partage de véhicules/mobilité partagée |
Augmentation de la fréquentation des transports routiers urbains (voiture et bus) |
Augmentation de 25 à 200 % du nombre de véhicules partagés par habitant à l’horizon 2050. Évolution du taux d’occupation des véhicules comprise entre -50 % et + 25 % à l’horizon 2050. |
Augmentation de 25 à 300 % du nombre de véhicules partagés par habitant à l’horizon 2050. Augmentation de 0 à 100 % du taux d’occupation des véhicules à l’horizon 2050. |
|
Mobilité-service (MaaS) et déplacements multimodaux |
Meilleure intégration des transports publics et de la mobilité partagée (intégration des applications ainsi que des infrastructures, de la billetterie et des horaires). Hausse de la disponibilité et du taux d’occupation des véhicules prenant part à des dispositifs de mobilité partagée |
Baisse de 1.7 à 10 % du prix des tickets valables dans les transports publics, et réduction de 1 à 6 % du coût de la mobilité partagée à l’horizon 2050. Augmentation significative du nombre de véhicules partagés et de la quantité de stations qui leur sont dédiées |
Baisse de 3.3 à 20 % du prix des tickets valables dans les transports publics, et réduction de 2 à 12 % du coût de la mobilité partagée à l’horizon 2050. Augmentation significative du nombre de véhicules partagés et de la quantité de stations qui leur sont dédiées |
|
Facteurs exogènes |
||||
Véhicules autonomes* |
Mise en circulation de véhicules autonomes de niveau 5 |
Le pourcentage de véhicules autonomes en circulation varie selon les régions : il est compris entre 0 et 3 % pour les voitures, 0 et 1.5 % pour les bus et 0 et 6 % pour les véhicules partagés. |
||
Télétravail |
Réduction des déplacements professionnels et des trajets domicile-travail, et augmentation des déplacements courts à caractère privé. |
Entre 2.5 et 20 % de la population active pourrait télétravailler en 2050. |
Entre 3.5 et 30 % de la population active pourrait télétravailler en 2050. |
Entre 5 et 40 % de la population active pourrait télétravailler en 2050. |
Note : les fourchettes de valeurs traduisent les différents degrés de mise en œuvre des mesures dans les différentes régions du monde et pour chaque scénario. Sauf indication contraire, une variation de pourcentage met en évidence la modification d'une variable pour une année donnée comparé à l’absence de mesure. Par exemple, la modélisation calcule les coûts des tickets de transport public, qui sont indexés sur le PIB, de façon endogène pour chaque ville et chaque année, en partant du principe qu’aucune mesure ne sera prise. Un % de baisse s’appliquerait au prix du ticket pour une ville et une année données.*Les véhicules autonomes sont pris en compte mais ne sont pas considérés comme un facteur primaire dans aucun scénario. Tous les scénarios tablent sur un même niveau de mise en circulation de véhicules autonomes de niveau 5. L’édition 2019 des Perspectives des transports du FIT ciblait plus particulièrement les technologies de rupture dans le domaine des transports, notamment les véhicules autonomes, et examinait des scénarios s’y rapportant.
Demande de déplacements urbains : gérer la mobilité dans des villes en pleine croissance
La demande de mobilité urbaine dépend de plusieurs facteurs. Les plus importants d’entre eux sont la taille de la population, l’activité économique et les schémas d’aménagement urbain. La croissance démographique fait augmenter la mobilité totale (mesurée en passagerrs‑kilomètres), tandis que le nombre de déplacements par habitant tend à progresser parallèlement à la hausse des revenus (Rodrigue, Comtois and Slack, 2009[74]). La manière dont sont entrepris les déplacements – en d’autres termes, le choix du mode de transport et des destinations – influence le volume total de déplacements et les émissions qui en résultent, ainsi que d’autres paramètres pertinents en matière de bien‑être.
Les distances réellement parcourues dépendent principalement des schémas d’aménagement urbain et de la densité des zones d’aménagement à usage mixte. Dans les villes où les emplois se trouvent à proximité des quartiers d’habitation et des zones commerciales, les distances parcourues seront moins importantes que dans les villes présentant un étalement important ainsi que des schémas d’aménagement non mixtes. Une activité de transport plus importante ne traduit donc pas un bien‑être supérieur. La qualité de vie dépend de l’accessibilité, qui englobe des notions telles que la satisfaction des besoins individuels ainsi que la localisation des ressources et des services de transport permettant de les atteindre. Des volumes de transport plus importants s’expliquent souvent par une accessibilité limitée, qui a pour effet d’allonger les distances parcourues et de faire augmenter les coûts tant du point de vue du temps que du budget. Ils engendrent également une hausse des émissions de CO2 et de la pollution atmosphérique.
Dans le scénario Recover, la demande totale de transport urbain de voyageurs devrait croître de 59 % et 163 % d’ici à 2030 et 2050, respectivement, par rapport à 2015. Ces projections, qui sont plus élevées que par le passé (ITF, 2019), s’expliquent notamment par les améliorations apportées à la modélisation (voir Encadré 3.1), qui table sur une population urbaine plus importante et tient compte des temps d’accès liés aux déplacements motorisés. Ces modifications font augmenter le volume de déplacements (en pkm), tandis que la révision à la baisse des projections relatives à la croissance économique, du fait de la pandémie de Covid-19 et des nouveaux engagements pris par les pouvoirs publics ces deux dernières années, fait baisser la demande.
Quand bien même des mesures plus ambitieuses seraient prises entre 2015 et 2050, l’accroissement de la demande de déplacements urbains se limiterait à 116 %, dans le cadre du scénario Reshape, et à 104 % dans Reshape+. Ce résultat s’explique par le raccourcissement des déplacements, lié aux modifications apportées à l’aménagement urbain, conjugué à la baisse du nombre de déplacements domicile-travail lié à l’essor du télétravail. Il en découle des progrès dans les domaines de l’accessibilité, du bien-être et de la croissance économique, malgré une baisse globale des volumes de transport. Les hypothèses les plus ambitieuses concernant l’évolution de l’aménagement urbain et des taux de télétravail sont présentes dans le scénario Reshape+. Quand bien même certains déplacements professionnels laissent la place à davantage de déplacements locaux réalisés à titre privé, il est supposé que dans un scénario d’aménagement convenablement mené, ces trajets seront plus cours et donneront lieu à un recul net du nombre de kilomètres urbains parcourus.
Le raccourcissement des distances parcourues est indispensable au recul de l’automobile en ville. En 2015, plus de la moitié des déplacements urbains effectués dans le monde l’ont été en véhicules individuels. D’ici à 2050, les mesures plus ambitieuses imaginées dans le scénario Reshape+ pourraient limiter à un tiers de la demande totale le volume de déplacements en véhicule de transport individuel (Graphique 3.3). Ce sont les dispositifs visant à limiter l'utilisation des véhicules individuels et à faire reculer le taux de motorisation qui entraînent le report modal le plus marqué. Les mesures de restriction de la circulation automobile, la tarification du stationnement, les péages urbains, la tarification du carbone et la fin du monopole de la voiture au niveau de l’espace urbain sont tous susceptibles de faire reculer l’attractivité relative de la voiture particulière par rapport à la mobilité active, aux transports publics et à la mobilité partagée.
Le réaménagement de l’espace urbain et l’aménagement axé sur les transports collectifs permettent de raccourcir les distances parcourues et pourraient peser sur la décision des citoyens d’utiliser ou non leur voiture particulière pour se déplacer. Dans ce cadre, les véhicules individuels sont plus attractifs pour les individus ayant peu d’autres solutions pour se déplacer, ceux qui sont amenés à parcourir de plus longues distances ou devant rallier plusieurs destinations.
Dans le scénario Reshape+, l’association des mesures d’urbanisme et d’aménagement axé sur les transports collectifs donne des résultats particulièrement encourageants en dissociant les courts trajets de l’utilisation des voitures particulières. Ainsi, pour les distances comprises entre 1 et 10 km, le scénario Reshape+ part du principe qu’en 2050, le pourcentage de véhicules de transport individuel sera de 7 à 9 points inférieur à ce qui est relevé dans le scénario Recover (Graphique 3.4). Lorsqu’il s’agit de parcourir de courtes distances, les véhicules de transport individuel sont principalement délaissés au profit de la mobilité active et de la micromobilité, tandis que les moyens de transport partagés sont privilégiés pour les trajets plus longs.
Dans les scénarios ambitieux, les modes actifs de déplacement, la mobilité partagée et les transports publics gagnent du terrain. La voiture particulière est principalement remplacée par le taxi, le covoiturage et le taxi-collectif ainsi que par des véhicules relevant de dispositifs d’autopartage ou de motopartage lorsque les distances à parcourir sont plus longues. La mobilité partagée prend de l’ampleur, passant de 1 % du volume de la demande de transport (passagers-kilomètres) en 2015 à 10 % en 2050, dans le scénario Recover. Les véhicules partagés conservent une part de 2 % entre 2015 et 2050. Dans le cadre des scénarios Reshape et Reshape+, la demande de transport est satisfaite par des véhicules partagés à hauteur de 3 % et 20 %, respectivement. La fréquentation des transports en commun progresse quant à elle de 184 % dans le scénario Recover. Sa part dans la demande totale de déplacements reste stable à l’horizon 2050, étant donné que les trajets les plus courts sont davantage effectués au moyen de modes actifs, et ce d’autant plus que des mesures ambitieuses de décarbonation sont mises en œuvre. Dans le scénario Reshape comme dans Reshape+, la marche, le vélo et la micromobilité sont plus de 2.5 fois plus sollicités, et représentent 18 % de la demande totale de transports en 2050, contre 15 % en 2015.
Selon toute vraisemblance, les transports semi-collectifs seront absorbés par les solutions de mobilité partagée et les transports publics. Les transports semi-collectifs sont un mode de transport informel. Ils dominent la mobilité urbaine dans de nombreux pays en développement. Dans le scénario de Recover, leur part progresse pour s’établir à 13 % du volume total de transports à l’horizon 2050. Toutefois, dans les scénarios Reshape et Reshape+, elle s’effondre pour atteindre 5 % seulement, en grande partie du fait de la régularisation de ces services dans les pays en développement.
L’Asie demeure la principale région génératrice de demande en transport urbain. Selon les projections, la demande totale en transport urbain de voyageurs, qui varie considérablement selon les régions, devrait progresser dans l’ensemble d’entre elles et dans tous les scénarios (Graphique 3.5). En 2015, 40 % de l’activité du transport s’est concentrée en Asie, ce qui correspond à la part la plus élevée pour l’ensemble des régions. L’activité totale du transport urbain de voyageurs, appelée à tripler d’ici à 2050 selon le scénario Recover, est dictée par la forte croissance économique, ainsi que l’urbanisation et la motorisation rapides de la Chine et, dans une moindre mesure, de l’Inde. D’ici à 2050, les mesures reprises dans le scénario Reshape et Reshape+ pourraient permettre de réduire la demande de 17 % et 21 %, respectivement, par rapport au scénario Recover.
En Amérique du Nord, les pouvoirs publics bénéficient d’une marge de manœuvre considérable pour limiter la croissance de la mobilité urbaine. En 2015, les États-Unis et le Canada étaient à l’origine de 20 % du volume mondial de déplacements urbains, en raison de la faible densité urbaine et de plus longues distances à parcourir. Dans cette région, les villes sont souvent décentralisées, ce qui occasionne de longs déplacements domicile-travail. Les mesures contenues dans le scénario Reshape limiteraient la croissance de la demande de déplacements urbains à 13 % d’ici à 2050, par rapport au niveau de 2015. Dans le scénario Reshape+, la croissance de la demande pourrait plafonner à un niveau proche de celui relevé en 2015. Sous réserve de l’application de mesures plus ambitieuses, la région regroupant l’Espace économique européen et la Turquie, ainsi que la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord pourraient elles aussi limiter considérablement la croissance de la demande. Par rapport à 2015, cette dernière pourrait atteindre respectivement 19 % et 30 % dans ces régions, selon le scénario Reshape, contre 8 % et 20 % selon Reshape+.
Dans les autres régions, la demande de mobilité urbaine repose sur la croissance démographique et le développement économique. C’est dans les régions de l’Amérique latine et des Caraïbes et de l’Afrique subsaharienne que les projections de croissance de l’activité de transport sont les plus élevées, en raison d’une forte croissance économique, dans le premier cas, et d’une progression significative de la population urbaine, dans le second. Dans le cadre des politiques actuellement menées, l’activité de transport urbain devrait être multipliée par 3.5 en Amérique latine et dans les Caraïbes et par 6.2 en Afrique subsaharienne, entre 2015 et 2050. Dans ces régions, les possibilités d’atténuation sont plus limitées dans ces régions en raison de contraintes financières, des schémas d’urbanisation et de la hausse du niveau de vie. L’application des mesures du scénario Reshape+ leur permettrait cependant de faire baisser la demande de 18 % et 25 % respectivement par rapport au scénario Recover. En optant pour des solutions durables, ces régions pourraient faire un grand bond en avant par rapport aux pays développés, qui se retrouvent coincés avec des systèmes de transport non durables fondés sur l’utilisation de véhicules de transport individuel. Dans le scénario Reshape+, la demande ne serait multipliée que par 2.7 par rapport à 2015, pour l’Amérique latine et les Caraïbes, contre 4.9 s’agissant de l’Afrique subsaharienne.
La demande en transport par habitant est la plus élevée aux États-Unis et au Canada. En 2015, le volume moyen de déplacements par habitant (exprimé en passagerrs-kilomètres) a été 2.7 fois plus important aux États-Unis et au Canada qu’en Asie, région dans laquelle la demande totale de déplacements urbains est la plus élevée au monde (Graphique 3.6). Dans la région OCDE-Pacifique (Australie, Corée, Japon et Nouvelle-Zélande), la mobilité urbaine par habitant est également 1.7 fois plus élevée qu’en Asie. Comparé à l’Afrique subsaharienne, qui présente le volume de déplacements urbains par habitant le plus faible, le citadin moyen génère 3.8 fois plus de demande aux États-Unis et au Canada, et 2.3 fois plus dans la région OCDE-Pacifique. Même si cet écart est amené à se resserrer d’ici à 2050, le niveau de demande de déplacements par habitant restera 2.3 fois supérieur aux États-Unis et au Canada, et 1.9 fois supérieur dans la région OCDE-Pacifique. D’après le scénario Reshape+, les États-Unis et le Canada réduiront leur demande par habitant de 21 % en 2050 par rapport à 2015 La région de l’Espace économique européen et de la Turquie se classera en deuxième position, avec une baisse de 13 %. À l’horizon 2050, la plupart des autres régions verront leur activité de transport croître par rapport à 2015, y compris dans Reshape+.
Émissions de CO2 liées à la mobilité urbaine : amélioration des services et empreinte carbone réduite
Dans le scénario Recover, les émissions de CO2 du réservoir à la roue devraient reculer de 5 % entre 2015 et 2050. Elles passeraient ainsi de 1 755 millions de tonnes à 1 674 millions de tonnes. Les améliorations de la modélisation, rendues possibles par l’ajout de données de calibrage (voir Encadré 3.1), ont permis de revoir à la baisse les émissions totales de CO2 du transport urbain de voyageurs pour l’année de référence 2015 par rapport aux estimations figurant dans l’édition 2019 des Perspectives des transports du FIT. Avec des mesures plus ambitieuses, les émissions attendues à l’horizon 2050 pourraient chuter à 394 millions de tonnes dans le scénario Reshape et à 373 millions de tonnes dans Reshape+, soit un recul respectif de 78 % et 79 % par rapport à 2015.
Les mesures du scénario Reshape+ permettent une décarbonation plus rapide. Par rapport au scénario Reshape, ce dernier table sur une adoption plus précoce de mesures de décarbonation ainsi que sur une modification plus profonde des comportements. Entre 2015 et 2030, les émissions de CO2 liées à la mobilité urbaine reculent de 28 % dans le scénario Reshape+, tandis que dans Reshape, la baisse atteint 25 % seulement. À l’horizon 2050, les deux scénarios aboutissent à un fléchissement équivalent, de 78 % et 79 %, respectivement. Toutefois, en matière d’objectifs climatiques, il convient de comparer le niveau d’émissions cumulées. Cela permet de constater qu’à l’horizon 2050, les mesures prises dans le cadre du scénario Reshape+ permettraient au secteur d’émettre 1.26 gigatonne de CO2 de moins que dans Recover.
La hausse du taux d’occupation des véhicules et la baisse de la consommation de carburant font reculer le niveau des émissions. Les émissions ne dépendent pas uniquement de la demande en transport motorisé, mais également du nombre de voyageurs partageant le même véhicule, qui correspond au taux d’occupation du véhicule, ainsi que de la consommation de carburant de ce dernier. La section ci-dessus présente les projections de croissance de la demande pour la période 2015-2050. Dans le scénario Recover, les déplacements motorisés représentent 87 % du volume de déplacements (exprimé en passagers-kilomètres) à l’horizon 2050, tandis que dans les scénarios Reshape et Reshape+, cette part tombe à 82 % grâce au report modal et aux modes actifs de déplacement. Le Graphique 3.7 présente les émissions de CO2 imputables à chaque mode dans les différents scénarios. Dans le scénario Recover, la consommation de carburant faiblit, de telle sorte qu’en moyenne, les véhicules émettent 57 % de CO2 en moins en 2050 qu’en 2015, pour une même distance parcourue. Dans Reshape et Reshape+, les émissions par véhicule-kilomètre chutent de 86 % entre 2015 et 2050. De plus, les mesures prises pour accroître le taux d’occupation des véhicules, qui reposent sur un recours massif et bien intégré aux transports partagés et au covoiturage, induisent une augmentation moyenne de 22 % du taux d’occupation des véhicules entre 2015 et 2050 dans le scénario Recover, et de 28 % et 29 % respectivement dans les deux scénarios plus ambitieux. Par voie de conséquence, les émissions de CO2 par passager-kilomètre baissent de 65% d’ici à 2050 dans le scénario Recover et de 89 % dans Reshape et Reshape+.
En ville, les émissions des véhicules individuels peuvent être réduites de plus de moitié. En 2015, les trois quarts des émissions imputables au transport urbain de voyageurs provenaient de véhicules individuels. Dans le scénario Recover, cette part baisse de 50 %, du fait principalement des avancées technologiques et du report modal. Dans les scénarios Reshape et Reshape+, elle chute de 56 % et 57 % respectivement, à la faveur d'un report modal plus franc, d’une hausse du taux d’occupation des véhicules et de prévisions plus ambitieuses concernant la pénétration des nouvelles technologies dans le parc de véhicules.
Une mobilité partagée bien intégrée pollue nettement moins. Dans tous les scénarios, la plupart des modes de transport motorisés voient leurs émissions baisser modestement entre 2015 et 2050. La mobilité partagée et les services de transport semi-collectif font figure d’exception. La mobilité partagée, dont le taux de pénétration du marché était très faible en 2015, semble produire davantage d’émissions à mesure que sa part augmente dans la répartition modale. En optant, comme dans le scénario Recover, pour une intégration et une gestion minimales des services de mobilité partagée, les émissions imputables à la mobilité partagée sont en effet multipliées par dix entre 2015 et 2050. Lorsque la mobilité partagée est bien gérée et pleinement intégrée dans le système de transports, la hausse de ses émissions n’atteint que 57 % dans Reshape et 55 % dans Reshape+. Dans le scénario Recover, les transports semi-collectifs produisent eux aussi davantage d’émissions sous l’effet de la croissance de la demande, qui baissent lorsque des mesures plus ambitieuses sont appliquées, puisque ces services informels rejoignent les réseaux de transport officiels.
Les véhicules et la mobilité partagés permettent une diffusion plus rapide des technologies propres. Par rapport à ce qui est traditionnellement observé pour les voitures particulières, ces deux modes impliquent une utilisation matérielle plus intensive, qui nécessite un renouvellement plus fréquent du parc de véhicules. Dans un système bien intégré, la mobilité partagée vient combler les lacunes du réseau de transports en commun et accroît ainsi l’offre de transports. Pour convaincre les usagers d’abandonner leur voiture particulière au profit de la mobilité partagée, il conviendra de regrouper les tarifs, les itinéraires et les horaires des dispositifs proposés avec ceux des transports publics, au moyen d’applications mobiles. La reconfiguration de l’espace urbain en vue faciliter l’intermodalité sera également déterminante. La possibilité, pour la mobilité partagée, de représenter une solution de transport durable dépendra de son intégration avec les transports publics, qu’elle devra compléter plutôt que remplacer. Un système mal géré dans lequel la mobilité partagée finirait par se substituer aux transports en commun pourrait facilement produire des effets inverses à ce qui était escompté, à l’instar de ce qui est observé dans le scénario Recover, avec une augmentation des émissions à l’horizon 2050. L’Encadré 3.2 présente quelques-uns des facteurs pouvant participer à la hausse ou à la baisse des émissions de GES imputables aux services de mobilité partagée et de micromobilité.
Encadré 3.2. Conséquences de la micromobilité sur le cycle de vie
Dans son rapport (2020[56]) intitulé Good to Go? Assessing the Environmental Performance of New Mobility, le FIT évalue la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre (GES) des nouvelles formes de mobilité, notamment les trottinettes électriques individuelles et partagées, les vélos, les vélos électriques, les scooters électriques et les services de voitures de transport avec chauffeur (VTC), qui reposent sur des applications sur smartphone mettant en relation des conducteurs et des passagers.
Les principales conclusions de cette étude montrent que la consommation d’énergie et les émissions de GES de ces modes de transport partagés sont comparables à celles des métros et des bus à condition que les véhicules dédiés à la micromobilité atteignent un kilométrage suffisamment élevé au cours de leur vie et que la consommation d’énergie et les émissions de GES liés à leur utilisation soient réduits au minimum.
Par ailleurs, ce rapport souligne qu’à moins que la circulation augmente, les trajets à vide sont réduits et les opérateurs optent pour des véhicules sobres en énergie et en émissions de GES. Parmi toutes les solutions de mobilité urbaine, ce sont les VTC (comme les taxis) qui présentent les conséquences les plus préjudiciables en termes de consommation d’énergie et d’émissions de GES par passager-kilomètre.
Pour que le déploiement des nouvelles solutions de mobilité ait des avantages nets sur le plan de la décarbonation des transports, le rapport formule les recommandations suivantes :
Maximiser la fréquentation, réduire les trajets à vide au minimum et, s’agissant des VTC (et des taxis), opter pour des véhicules à faibles émissions et sobres en énergie.
Commencer par s’attaquer aux véhicules présentant un kilométrage élevé, non seulement parce que ce sont eux qui ont le plus d’effets néfastes, mais aussi en raison des retombées économiques et positives plus importantes liées à la diffusion de technologies ayant un rôle majeur à jouer dans le domaine de la décarbonation des transports et de la diversification du mix énergétique, comme les véhicules électriques.
Veiller à ce que les informations permettant d’évaluer les conséquences de la micromobilité sur le cycle de vie soient plus transparentes et accessibles.
Rationaliser les pratiques suivies s’agissant de l’entretien des véhicules dédiés à la micromobilité.
Saisir les occasions de décarboner les transports via une plus grande intégration des transports publics et de la micromobilité partagée (y compris les mesures liées à l’aménagement urbain et la mobilité-service).
Tandis que les carburants alternatifs se généralisent, les émissions du puits au réservoir entrent plus largement dans la composition des émissions totales des véhicules. Tous les véhicules, y compris ceux dont les gaz d’échappement ou les émissions du réservoir à la roue sont nulles ou faibles, produisent indirectement des émissions du puits au réservoir durant la production, le traitement et la livraison de carburant. À mesure que les émissions directes de CO2 des parcs de véhicules baissent, la part de CO2 produite du puits au réservoir augmente. En 2015, un quart (23 %) des émissions totales liées au transport urbain étaient indirectes. À l’horizon 2050, leur part pourrait progresser pour atteindre plus d’un tiers (36 %) dans le scénario Recover, et près de la moitié (45 %) dans les scénarios plus ambitieux. Si la mobilité électrique gagne du terrain, son niveau d’émissions indirectes dépendra du degré de durabilité du réseau électrique dans la région ou le pays concernés. C’est pourquoi, dans le cadre de la réalisation d’objectifs climatiques, le développement de carburants alternatifs, comme l’électricité, n’est pas la panacée. Par définition, un parc de véhicules propres nécessite une production d’énergie respectueuse de l’environnement, et les secteurs des transports et de l’énergie doivent travailler de concert pour réaliser cet objectif. Le Graphique 3.7 présente les résultats de la simulation réalisée concernant les émissions du réservoir à la roue dans les trois scénarios. Cette dernière ne tient pas compte de l’énergie nécessaire à la production d’électricité et à l’extraction des combustibles ou à leur transport. Le Graphique 3.8 renseigne sur la répartition des émissions indirectes du puits au réservoir et des émissions du réservoir à la roue.
À l’échelle des régions, la réduction des émissions requiert une double stratégie. Dans les différentes régions du monde, l’examen des émissions urbaines par mode de transport révèle deux tendances. D’une part, même si elles se contentent de suivre la trajectoire décrite dans le scénario Recover, les régions développées parviendront à faire baisser les émissions liées au transport urbain de voyageurs, mais ce recul ne leur permettra pas pour autant d’atteindre leurs objectifs climatiques. D’autre part, en l’absence de programme d’action, les régions en développement verront leurs émissions de CO2 augmenter d’ici à 2050 sous l’effet d’une croissance démographique et économique rapide.
En 2015, près de la moitié des émissions mondiales du transport urbain de voyageurs provenaient des États-Unis et du Canada (Graphique 3.9). Ces deux pays pourraient cependant faire reculer leurs émissions de plus de 90 % en mettant en œuvre les mesures décrites dans les scénarios Reshape et Reshape+. Avec une baisse supérieure à 730 millions de tonnes de CO2 en 2050, ils obtiendraient la réduction la plus importante en valeur absolue, toutes régions confondues. En termes de composition, les émissions liées aux véhicules particuliers devraient dominer dans l’ensemble des scénarios, du fait de la forte dépendance à l’égard de l’automobile dans ces deux pays.
Dans le classement des régions selon les émissions des transports urbains en 2015, l’Asie arrivait en deuxième position. Quand bien même la demande de mobilité était plus importante dans les villes asiatiques qu’aux États-Unis et au Canada, la part des émissions de CO2 qui en ont découlé étaient deux fois moins élevées, à 20 % contre 45 %. En Asie, les citoyens recourent en effet plus massivement aux modes actifs de déplacement, à la micromobilité et aux transports publics et partagés. Il ne faut pas non plus oublier que dans cette région, le parc de véhicules de transport individuel est en grande partie composé de véhicules motorisés à deux ou trois roues, dont les émissions sont relativement faibles, contrairement aux véhicules plus imposants traditionnellement rencontrés aux États-Unis et au Canada.
Dans le cadre des politiques actuelles, les hypothèses du scénario Recover indiquent que la plus importante baisse des émissions de CO2 en valeur relative serait observée dans l’Espace économique européen et en Turquie. Dans les scénarios de Reshape et Reshape+, ce seraient l’Espace économique européen et la Turquie qui produiraient le moins de CO2 en 2050 parmi toutes les régions du monde, avec des émissions 95 % à 96 % plus basses qu’en 2015. Selon les projections, les États-Unis et le Canada et l’OCDE-Pacifique seront les seules autres régions à voir leurs émissions reculer, y compris dans Recover.
C’est en Afrique subsaharienne que les émissions urbaines augmenteront le plus au cours des décennies à venir. Selon le scénario Recover, la demande de déplacements motorisés devrait y être multipliée par six d’ici à 2050, sous l’effet d'une croissance démographique et économique rapide. Dans cette région, les émissions de CO2 liées au transport urbain devraient être, par conséquent, cinq fois plus importantes qu’en 2015. Les mesures contenues dans les scénarios Reshape et Reshape+ renverseraient cette tendance en faisant baisser les émissions de 87 % par rapport au scénario Recover à l’horizon 2050. Dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et les pays en transition, les résultats observés en matière de décarbonation pourraient également varier considérablement selon les politiques mises en œuvre. Les économies en transition sont les pays de l’ex-Union soviétique et les pays d’Europe du Sud-Est non membres de l’UE. Dans le scénario Recover, ces régions verront leurs émissions de CO2 croître à l’horizon 2050, tandis que dans Reshape+, ces dernières reculeraient de l’ordre de 82 à 90 %. De même, l’Asie pourrait faire baisser ses émissions de CO2 de plus de 230 millions de tonnes à l’horizon 2050 en appliquant les mesures contenues dans les scénarios Reshape et Reshape+.
Dans les scénarios Reshape et Reshape+, la part des émissions liées à la mobilité partagée augmente à mesure que cette dernière progresse dans la répartition modale. Cela s’explique par le fait que la mobilité partagée gagne en popularité auprès des usagers cessant d'utiliser leur voiture particulière. La mobilité partagée produit des effets remarquables en matière de réduction des émissions des voitures particulières dans l’Espace économique européen et en Turquie, dans la région OCDE-Pacifique et dans les pays en transition.
Dans les scénarios Reshape et Reshape+, la régularisation des services de transport semi-collectif fait également baisser le niveau des émissions urbaines dans certaines régions du monde. L’Amérique latine et les Caraïbes, en particulier, devraient aller vers une formalisation presque totale du transport semi-collectif et opérer une transition vers la mobilité partagée, ce qui aura pour effet de réduire considérablement le niveau d’émissions. Cela permettra d'introduire des normes de performance et de rendre le parc de véhicules plus propre pour ainsi parvenir, à terme, à la décarbonation du secteur. Outre ses retombées positives pour l’environnement, cette démarche de formalisation soulève des questions d’équité qui doivent être prises en compte et sont examinées plus en détail ci-après.
En valeur absolue, les États-Unis et le Canada pourraient réduire considérablement leurs émissions urbaines par habitant. Dans tous les scénarios et pour toutes les régions du monde, on observe une réduction des émissions liées au transport urbain de voyageurs entre 2015 et 2050 (Graphique 3.10). L’examen des émissions par habitant fait apparaître un contraste frappant entre les États-Unis et le Canada et les autres régions du monde. En 2015, les citadins de ces deux pays produisaient en moyenne 19 fois plus de CO2 lors de leurs déplacements que la population des villes asiatiques, dont le niveau total d’émissions se classait en deuxième position cette même année. D’ici à 2050, les émissions liées au transport urbain auront beau avoir augmenté en Asie, les États-Unis et le Canada produiront toujours 12 fois plus de CO2 par personne. La baisse observée n’en demeurera pas moins importante, puisqu’elle atteindra 2.5 tonnes par habitant, soit la plus forte réduction en valeur absolue pour l’ensemble des régions.
Des mesures ambitieuses pourraient faire chuter les émissions par habitant de plus de 90 % d’ici à 2050 dans certaines régions, en particulier celle de l’Espace économique européen et de la Turquie, suivie par les États-Unis et le Canada et l’OCDE-Pacifique. Dans le scénario Reshape+, l’Espace économique européen et la Turquie pourraient même s’imposer comme la région du monde présentant le niveau d’émissions le plus bas. Ce sera en Afrique subsaharienne, où les émissions par habitant sont les plus faibles, que la baisse sera la moins marquée, même si cette dernière pourrait atteindre 66 % d’ici à 2050.
Le transport motorisé constitue une source conséquente de polluants locaux provenant non seulement des gaz d’échappement mais aussi de l’usure des freins, des pneumatiques et du revêtement routier. Le transport urbain participe aux émissions d’oxydes d’azote (NOx), de sulfate (SO4) et de particules de diamètre égal ou inférieur à 2.5 microns (PM2.5). Les polluants locaux ont des conséquences graves pour la santé. Les villes peuvent tirer parti des synergies qu’offrent la baisse des émissions de CO2 et l’amélioration de la qualité de l’air pour les combattre.
La pollution atmosphérique a des effets néfastes en termes de santé et d’équité. En 2016, l’exposition aux particules (PM2.5) a occasionné 4.6 millions de décès prématurés liés à des maladies cardiovasculaires ou respiratoires et à des cancers. Environ 91 % des victimes de ces pathologies vivaient dans des pays en développement (OMS, 2018[75]), révélant des inégalités manifestes à l’échelle mondiale. En tant que contributeur à la pollution atmosphérique au même titre que la production d’électricité, la gestion des déchets et l’industrie, le secteur des transports doit prendre sa part de responsabilité dans la gestion de cette problématique.
La pollution atmosphérique imputable aux transports pose davantage de problèmes en ville. La concentration de population exposée à des niveaux élevés de pollution et la concentration des sources de pollution elle-même sont fortes (Slovic et al., 2016[76]). Les communautés présentant de plus forts taux de minorités ethniques, d’enfants et de bas revenus sont nettement plus exposées à la pollution atmosphérique que les cohortes de population blanche et prospères (Reichmuth, 2019[77]; Barnes, Chatterton and Longhurst, 2019[78]). Ce phénomène n’épargne pas les villes des pays développés car partout dans le monde, les communautés plus pauvres tendent à s’établir à proximité de grands axes routiers et d’autres sources de pollution.
Le type de motorisation est un élément déterminant, tant pour les émissions de CO2 que pour celles de polluants atmosphériques. Dans un passé proche, le fait de privilégier les moteurs diesel dans certaines régions a permis de faire baisser les émissions de CO2 tout en faisant naître des craintes au sujet de la pollution atmosphérique dans les zones urbaines. Outre la réduction de la consommation de combustibles fossiles, les solutions bas carbone permettent de lutter contre les polluants issus des gaz d’échappement. Cependant, elles ne peuvent pas, à elles seules, porter l’intégralité du changement. En effet, les particules PM2.5 ne trouvent pas uniquement leur origine dans les gaz d’échappement, mais aussi d’autres l’usure des freins, des pneumatiques et du revêtement routier, notamment (Panko et al., 2019[79]; Amato et al., 2014[80]). Le poids des véhicules est par ailleurs un élément à prendre en compte pour déterminer le niveau des émissions. Les véhicules électriques étant généralement plus lourds que les véhicules traditionnels, ils présentent un avantage négligeable pour ce qui concerne la réduction des particules non issues des gaz d’échappement (Soret, Guevara and Baldasano, 2014[81]). Le Graphique 3.11 présente les niveaux d’émission de NOx, de PM2.5 et de SO4, selon les régions. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, qui affichent les niveaux d’émission de PM2.5 et de SO4 les plus élevés au monde, sont dépassés par l’Amérique latine et les Caraïbes s’agissant des émissions de NOx. D’après les projections des trois scénarios, le renouvellement des parcs de véhicules et le recul des véhicules motorisés dans la répartition modale engendreront un net recul des émissions. Dans le scénario Reshape+, c’est dans l’Espace économique européen et en Turquie que les niveaux de NOx, de PM2.5 et de SO4 baisseront le plus fortement en 2050 par rapport à 2015, en s’établissant à 7 %, 5 % et 12 %, respectivement.
S’agissant de la qualité de l’air, quelques-unes des améliorations les plus notables observées dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes et en Afrique subsaharienne s’expliquent par la formalisation des services de transport collectif présentée dans les scénarios les plus ambitieux. Cette dernière permet en effet de mieux réglementer les parcs de véhicules. À Bogota, par exemple, elle a permis de diffuser de nouvelles technologies, et donc d’atteindre une réduction globale des émissions de polluants de 40 %. Cette différence est davantage perceptible dans les quartiers défavorisés, qui dépendent le plus des transports collectifs et où les niveaux de pollution sont les plus élevés (Bocarejo and Urrego, 2020[82]).
Les émissions moyennes de polluants présentées au Graphique 3.11 ne donnent pas une représentation complète de l’exposition de la population sur le terrain. Le risque d’exposition est en effet très localisé et peut varier considérablement au sein d’une même ville. Des évaluations in situ plus précises doivent être menées pour déterminer les conséquences et les perspectives offertes par des interventions individuelles. En outre, les conséquences sanitaires réelles de l’exposition aux polluants locaux dépendent de plusieurs facteurs, notamment géographiques et climatiques, qui n’entrent pas en ligne de compte ici.
Équité et bien‑être : des villes accessibles et des réseaux résilients
La section ci-après tente de répondre aux questions suivantes : Quelles sont les conséquences des mesures de décarbonation des transports sur l’accessibilité et le bien‑être ? En quoi l’abandon des véhicules individuels et l’amélioration des transports publics et de la mobilité partagée influencent-elles l’équité ? Comment l’urbanisation et les politiques d’allocation de l’espace urbain affectent-elles les différents groupes de population ? À quel point les systèmes de transport à faibles émissions sont-ils résilients ?
Les mesures prises pour décarboner les transports ne devraient pas mettre à mal les objectifs poursuivis en termes d’équité. Il importe de faire coïncider la décarbonation et le bien‑être pour garantir l’équité tout en améliorant les possibilités de déplacement des individus dont les besoins sont habituellement négligés. Le grand public n’acceptera la mise en œuvre de mesures très ambitieuses que si ces dernières semblent porteuses d’améliorations en termes de qualité de vie. Les décideurs devront aussi réfléchir à comment répartir équitablement les coûts et les avantages de ces mesures parmi les différents groupes socio-économiques.
Les systèmes de transport urbain sont indissociables des notions de bien-être et d’équité sociale. Les populations économiquement défavorisées sont également confrontées à des inégalités en matière de transport et bénéficient de possibilités limitées de se déplacer. En élargissant l’accès aux opportunités - biens, services et personnes - les services de transport peuvent contribuer à améliorer le bien‑être social et économique (OCDE, 2019[8]). Par exemple, des études montrent qu’en ayant davantage accès aux transports publics, les communautés à faible revenu d’Amérique latine (Moreno-Monroy, 2016[83]), d’Asie et du Pacifique (Baker and Gadgil, 2017[84]), et d’Afrique (Chen et al., 2017[85]).pouvaient accéder plus largement aux offres d’emploi officielles.
Une décarbonation ambitieuse et l’accessibilité pour tous
L’amélioration durable de l’accès aux transports implique de renforcer l’accessibilité et la qualité des transports publics et des modes durables tout en incitant les usagers à délaisser les options moins respectueuses de l’environnement. Plus largement, cela signifie qu’il faudra s’employer en priorité à améliorer les transports publics et la mobilité active tout en dissuadant les citoyens de prendre la voiture particulière. L’objectif est de proposer des modes de déplacement plus abordables, produisant moins d’émissions et nécessitant moins d’espace, sans toutefois porter atteinte à l’accessibilité et, partant, au bien‑être.
L’accessibilité peut se mesurer de plusieurs manières. En général, les indicateurs d’accessibilité tiennent compte des temps de trajet ou de la distance entre deux lieux ayant un certain pouvoir d’attraction. Le modèle de transport urbain de voyageurs mis au point par le FIT propose de calculer de façon simplifiée le temps moyen nécessaire pour parcourir la distance séparant la périphérie d'une ville de son centre, en voiture et en empruntant les transports en commun. Un temps de trajet plus court traduit de plus grandes possibilités d’accès. Cet indicateur très simplifié ne tient pas compte de la répartition spatiale des individus et des ressources (FIT, 2019[86]; Geurs and van Wee, 2004[87]). Toutefois, il participe à la mise au point d'un indicateur mondial qui compare l’évolution des possibilités d’accès qu’offrent l’automobile et les transports publics dans les villes.
Dans le scénario Reshape+, les transports publics deviennent plus compétitifs que la voiture en termes d’accès. En général, les transports publics sont moins onéreux que les voitures individuelles, ce qui en fait un mode de transport plus abordable pour l’ensemble des usagers. Ils peuvent néanmoins se révéler moins attractifs notamment parce qu'ils impliquent des temps de trajet généralement plus longs. Le Graphique 3.12 représente l’amélioration de l’accessibilité, ou la réduction des temps de parcours moyens, en transports publics et en automobile dans différentes régions du monde jusqu’en 2050, et compare les résultats obtenus avec Reshape+ par rapport à Recover. Les points figurant au-dessus de la ligne en pointillés traduisent une amélioration plus sensible pour les transports publics que pour la voiture. Ce graphique montre que dans le scénario Reshape+, les temps de trajet diminuent davantage dans les transports publics qu’en voiture, dans la plupart des régions du monde. En général, la durée des trajets en voiture s’améliore lorsque des mesures plus ambitieuses sont mises en place, mais à un rythme moins soutenu que ce qui est observé pour les transports publics, du fait du recul des voitures particulières et, partant, de la congestion. L’Espace économique européen et la Turquie font toutefois figure d’exception : dans cette région, les temps de trajet en voiture sont rallongés, tandis que l’accessibilité des transports publics demeure inchangée.
Dans le scénario Reshape+, les pays en développement bénéficient d'une nette amélioration de l’accessibilité par les transports publics. Les mesures prises pour stimuler les investissements dans les transports publics produisent davantage de résultats dans les pays en développement. En Asie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en Amérique latine et dans les Caraïbes, en Afrique subsaharienne et dans les pays en transition, les temps de trajet en transports publics sont de 17 % à 21 % plus courts dans le scénario Reshape+ que dans Recover. Dans les pays développés, l’amélioration est plus modeste. Dans les villes européennes, cela peut s’expliquer par l’existence d’infrastructures de transport déjà bien développées. Aux États-Unis et au Canada, en revanche, ces progrès limités peuvent résulter des longues distances à parcourir, qui entravent les efforts déployés pour encourager la fréquentation des transports publics au-delà des valeurs retenues dans le scénario. Cette évolution de l’accessibilité relative des transports publics et des véhicules individuels repose en partie sur des mécanismes de tarification, qui dissuadent la population d'utiliser des véhicules de transport individuel, ainsi que sur l’amélioration simultanée des transports publics. Les caractéristiques de ces deux catégories de mesures en termes d’équité sont étudiées dans les sous-sections ci-après.
Le coût de l’utilisation de la voiture est artificiellement bas. Sous réserve d’être correctement mis en œuvre, les dispositifs de tarification peuvent internaliser les externalités sociale négatives de la conduite aux niveaux social, économique et environnemental (Litman, 2020[88]) et en faire supporter le coût aux automobilistes. Les mesures de tarification pourraient encourager l’utilisation de modes de déplacement plus durables, y compris durant les heures creuses. Leurs effets de répartition dépendent des caractéristiques socio-spatiales des villes, des habitudes de déplacement de leurs habitants, et de l’utilisation des fonds récoltés (Taylor, 2010[89]). Ces mesures devront garantir un certain équilibre entre l’efficacité du report modal, les temps de trajet et de possibles conséquences négatives sur le plan de l’équité. Dans les quartiers défavorisés, où la disponibilité des transports publics est plus restreinte, elles peuvent empêcher les citoyens à faible revenu d’utiliser des véhicules individuels, mais aussi restreindre l’accès aux ressources (Di Ciommo and Lucas, 2014[90]). Les dispositifs comportant plusieurs tranches de tarification en fonction des revenus pourraient être plus équitables. Cependant, ils pourraient s’avérer moins efficaces pour réduire l'utilisation de l’automobile dans les zones où vivent majoritairement des populations défavorisées (TransForm, 2019[91]).
Les décideurs doivent s’attacher à proposer des solutions de remplacement à la voiture particulière tout en veillant à ce que les groupes les plus défavorisés puissent conserver leur niveau d’accessibilité. Dans les régions mal desservies par les transports publics, les véhicules individuels peuvent être le principal, voire l’unique moyen d’accéder aux opportunités essentielles. Les populations à faible revenu sont les plus touchées par cette situation, qui les oblige à conserver un véhicule individuel dont le coût de revient élevé limite le budget à consacrer aux autres postes de dépense essentiels, tels que le logement ou la santé (Mattioli, 2017[92]). Seule l’association de mesures visant à dissuader l’usage de véhicules individuels et de dispositifs améliorant l’accès aux opportunités grâce à des modes de transport durables permettra de remédier à cette situation. En l’absence de solutions de transport de substitution, le simple fait d’alourdir le coût de revient des déplacements en voiture pourrait engendrer une levée de bouclier de la part des populations à revenu faible ou intermédiaire, dont l’accessibilité serait réduite. À l’opposé, les populations à revenu élevé profiteraient de routes peu encombrées et de temps de trajet raccourcis. Des solutions bien pensées en matière de transports publics et de mobilité partagée permettraient de redistribuer les avantages découlant des mesures de tarification entre les différentes catégories de revenus (Crozet and Mercier, 2018[93]).
L’amélioration des transports publics sera indispensable pour garantir un accès abordable, durable et universel à la mobilité. Pour lutter contre les inégalités dans le secteur des transports, les décideurs devront veiller à ce que les populations marginalisées puissent accéder plus facilement aux ressources. Cela suppose souvent d’étendre la portée des services publics de transport de bonne qualité pour les rendre accessibles à la périphérie des villes. Dans une étude récente, le FIT a analysé les différences d’accès aux opportunités entre les centres urbains et les zones d’attraction de 121 villes européennes, pour divers modes de transport. Il en est ressorti que l’accessibilité des transports publics est plus limitée dans les zones d’attraction des villes européennes que dans leurs centres urbains. Il s’agit pourtant des zones réunissant le plus grand nombre de ménages à faible revenu. Moins de 20 % des individus vivant en périphérie des douze villes figurant en queue de classement ont accès à des services publics de transport à proximité de chez eux. En lançant de nouveaux projets d’infrastructures, ces villes pourraient devenir plus rapidement accessibles et avec davantage de fiabilité (FIT, 2019[94]).
Le prix d’accès est un élément central de l’accessibilité des transports publics. La proximité géographique des transports publics ne présente aucun intérêt si les usagers n’ont pas les moyens de profiter de ces services. À Bogota (Colombie), la perte d’accès aux opportunités peut atteindre 54 % lorsque l’on se penche sur le prix des titres de transport et le budget des ménages à faible revenu (Peralta Quiros and Rodríguez Hernández, 2016[95]). De nombreux pays recourent à des subventions pour venir en aide aux usagers à faible revenu (Li, 2019[96]). Ces aides ciblées fondées sur le revenu, la composition des ménages et d’autres critères socio-économiques permettent de concilier au mieux l’accessibilité et la viabilité financières du système. L’octroi de subventions en fonction de critères plus généraux, tels que l’âge, n’est pas pertinent en ce que ces derniers ne sont pas toujours représentatifs des besoins financiers du public ciblé. Ce type de subventions peut cependant présenter d’autres avantages, à l’image des subventions réservées aux étudiants, qui favorisent le développement d’habitudes de transport durables chez les jeunes.
Les avancées technologiques, telles que les passes de transport et les outils de gestion des données, permettent de cibler plus précisément les usagers vulnérables. Dans la capitale colombienne, les autorités ont commencé à accorder des subventions aux usagers des transports publics en fonction des données tirées du Système d’identification des bénéficiaires de prestations sociales (Sistema de Identificación de Potenciales beneficiarios de Programas Sociales – Sisbén). Ce système, qui repose sur une stratification de la population, est déjà utilisé pour l’octroi de subventions dans les secteurs de l’eau, de l’électricité et de la santé. À Bogota, Les bénéficiaires du Sisbén ont accru leurs déplacements mensuels de plus de 50 % par rapport aux autres usagers (Peralta Quiros and Rodríguez Hernández, 2016[95]). Ce dispositif a également renforcé l’accès aux opportunités des citoyens vivant en périphérie de la ville, contribuant ainsi à réduire les inégalités spatiales (Guzman and Oviedo, 2018[97]).
Des services de meilleure qualité favorisent l’accessibilité. Le renforcement des capacités et de la fiabilité conjugué à l’étalement des horaires de service contribuerait à rendre les transports publics plus pratiques et attractifs pour les usagers, en particulier ceux qui dépendent exclusivement de ce système. Au-delà de ces améliorations d'ordre général, des mesures ciblées peuvent faire progresser la fréquentation des transports publics ainsi que la satisfaction de groupes d’usagers particuliers, dont les besoins sont le plus souvent ignorés ou moins pris en compte par des mesures à portée universelle (van Lierop and El-Geneidy, 2016[98]). Par exemple, les mesures relatives à la sécurité et au sentiment de sécurité sont essentielles pour inciter les femmes à fréquenter davantage les transports publics (Shibata, 2020[99]; Badiora, Wojuade and Adeyemi, 2020[100]; Chant and Mcllwaine, 2016[101]).
L’intégration de la mobilité partagée pourrait encourager la mobilité durable pour tous. Afin d’exploiter au mieux les avantages environnementaux et sociaux de la mobilité partagée, cette catégorie de services devrait être intégrée aux transports publics sur le plan des infrastructures, des horaires, de la billetterie et de la structure tarifaire. Les applications de mobilité-service (MaaS) pourraient faciliter cette intégration. Pour l’heure, aucune pratique de référence n’est encore appliquée dans ce domaine. Au niveau de la société, les principales retombées seront liées à l’instauration d'un cadre réglementaire, qui fera coïncider les mesures relatives à la tarification, à l’aménagement urbain et à la conception des infrastructures, ainsi que celles qui encadreront les contrats de concession et les activités de surveillance (FIT, 2018[102]). Une attention particulière doit être portée au rôle des systèmes MaaS dans l’amélioration de la mobilité des populations défavorisées, ainsi qu’à la manière dont ces services pourraient être conçus pour répondre précisément à ces besoins (Pangbourne et al., 2020[103]).
La mobilité partagée peut apporter des solutions pour parcourir le dernier kilomètre et ainsi améliorer l’accessibilité des transports dans les zones urbaines et dans les banlieues moins denses
La mobilité partagée peut rapprocher les villes de leur périphérie. En termes de rapport coût‑efficacité, les services de transport en minibus pourraient être le meilleur moyen d’assurer la liaison entre les quartiers périphériques et les principales stations de transports en commun. Les simulations du FIT montrent qu’à Lyon (France), la mise en place d’un système intégrant des services de transport partagé en minibus pouvait potentiellement faire doubler la superficie du bassin d’emploi. Les avantages découlant d’une meilleure accessibilité sont particulièrement visibles à la périphérie des villes (FIT, 2020[25]). La micromobilité partagée pourrait améliorer les possibilités de déplacement dans les zones urbaines à forte densité ainsi que, dans une certaine mesure, les banlieues moins denses, en offrant des solutions pour parcourir le dernier kilomètre. Dans les villes de Chicago et Philadelphie, par exemple, les populations à faible revenu ont profité bien plus largement de la mise en place de services de vélopartage en termes d’accès à l’emploi que d’autres catégories de citoyens (Qian and Niemeier, 2019[104]).
Les solutions de mobilité et de micromobilité partagées ne peuvent être équitables que si les groupes de population à faible revenu peuvent y accéder financièrement. À San Francisco, les services de vélopartage sans station permettent aux habitants des quartiers défavorisés d’accéder plus facilement à la mobilité du fait de l’élargissement du périmètre couvert et du repositionnement fréquent des véhicules (Qian, Jaller and Niemeier, 2020[105]). Les municipalités devront prendre des mesures afin de ne pas négliger ces quartiers. À Denver, par exemple, la Direction des travaux publics impose aux opérateurs d’autopartage de s’implanter dans les « quartiers à fort potentiel », dans lesquels la part des ménages pauvres atteint au moins 30 %. (Kodransky and Lewenstein, 2014[106])
La mobilité partagée peut pâtir d’un manque d’accès à internet, aux smartphones et aux services de paiement en ligne. Dans les pays développés et en développement, le taux de pénétration des téléphones portables avoisine les 90 % (Deloitte, 2019[107]). Toutefois, à l’échelle des individus, des caractéristiques telles que le sexe, l’emploi, la maîtrise de la langue ou l’âge peuvent compliquer l’accès aux smartphones (UIT and UNESCO, 2019[108]). D’autres obstacles existent et concernent les paiements par téléphone mobile. Aux États-Unis, par exemple, 17 millions de personnes, soit approximativement 8 % de la population, ne possèdent pas de compte bancaire (Kodransky and Lewenstein, 2014[106]). Les opérateurs de mobilité partagée devront tenir compte de ces inégalités afin qu’aucun citoyen ne soit mis de côté (Cohen and Shirazi, 2017[109]).
Les pouvoirs publics, comme les opérateurs, doivent se préoccuper de l’accessibilité financière des services de mobilité partagée. Dans la plupart des pays, de nouvelles applications dédiées à la mobilité partagée ont vu le jour suite à des initiatives privées. Or, ces services nécessitent d’importants investissements initiaux, et les systèmes de paiement numériques engendrent des coûts de transaction élevés. De ce fait, de nombreux modèles économiques ciblent les segments de population à haut revenu, en particulier dans les pays en développement. Dans ces conditions, les opérateurs privés peuvent avoir du mal à étendre leurs services aux populations à faible revenu, malgré tous les avantages qui peuvent en découler en termes d’environnement et d’équité. À Mexico, la startup Jetty, qui évolue dans le secteur du covoiturage, a tenté d’élargir ses services ultérieurement réservés aux ménages de la classe moyenne supérieure, aux ménages à faible revenu. Pour cela, elle a cherché à faire baisser ses prix pour les ramener autour de 5 MXN (0.23 USD), ce qui correspond au coût moyen d’un trajet en bus. S’agissant de la mise en œuvre du dispositif, l’une des difficultés rencontrées concernait le coût élevé des commissions prélevées pour chaque paiement électronique (Flores, 2020[110]). En effet, lorsque le montant des transactions est bas, les frais de commission pèsent lourdement sur les recettes réalisées. Face à ce problème, la solution pourrait être de mettre au point de nouveaux modèles économiques adaptés au profil de revenus des usagers (Wiprächtiger et al., 2019[111]). Compte tenu des avancées pouvant être réalisées tant au niveau de l’accessibilité que de l’environnement, les opérateurs de mobilité partagée gagneraient à renforcer leur collaboration avec les pouvoirs publics afin d’étendre leurs services aux segments de population à faible revenu.
De nouveaux cadres réglementaires pourraient rendre les services de mobilité partagée plus accessibles financièrement pour les usagers. Dans les quartiers moins bien desservis par les moyens de transports traditionnels, les services de mobilité partagée pourraient renforcer l’accès aux opportunités. Dans ce cas de figure, il pourrait être opportun d’accorder à certains services, tels que le transport partagé en minibus, des subventions dont seuls les transports publics bénéficient d’ordinaire (FIT, 2019[112]). Cela supposerait de négocier des accords avec les opérateurs privés et, dans de nombreux cas, d’assouplir la définition juridique des services pouvant prétendre à des subventions. Dans de nombreux pays, les services de mobilité partagée ne sont pas encore réglementés ou se trouvent dans une zone de flou juridique. Pour que la mobilité partagée puisse s’inscrire dans une offre de transport multimodale, abordable et durable, les autorités concernées et les opérateurs de mobilité partagée doivent travailler de concert pour définir un cadre de référence et établir de nouvelles règlementations. Cette coopération sera déterminante lors de la reprise qui suivra la pandémie de Covid-19.
À la périphérie des villes, les services de transport semi-collectif assurent une connectivité précieuse aux populations à faible revenu, en particulier dans les pays en développement (BID and FIT, 2020[113]). Cette fois encore, cela pose question sur le plan réglementaire. En effet, les services de transport semi-collectif ne rentrent pas dans le même cadre que les systèmes officiels de transport public. Si certains d’entre eux échappent à tout contrôle réglementaire, d’autres sont soumis à des règles plus ou moins claires convenues officiellement ou non avec les autorités (Salazar Ferro, 2015[23]). Selon la modélisation conduite par le FIT, l’intégration des services de transport semi-collectif informels dans l’offre réglementée pourrait aboutir aux meilleurs résultats s’agissant de la décarbonation de la mobilité partagée. Il en découlerait également d’autres effets positifs, comme une amélioration de la qualité de service, de la sécurité routière et de la qualité de l’air (Bocarejo and Urrego, 2020[82]). Si le processus de régularisation intègre les questions de la tarification et des subventions, la mobilité pourrait même devenir plus abordable (Bocarejo and Urrego, 2020[82]). Dans le cas contraire, le coût des déplacements pourrait augmenter (Bocarejo and Urrego, 2020[82]). L’abandon des paiements en espèces au profit de systèmes de billetterie numérique pourrait faire naître des tensions : en effet, les systèmes de paiement dématérialisés facturent d’importantes commissions. De même, la réception des paiements en décalé pourrait donner l’impression aux conducteurs d’être moins en contrôle (Flores, 2020[110]).
La densification urbaine poursuivie en vue de raccourcir les distances ne doit conduire à une surpopulation. Dans le cadre des politiques urbanisme et de l’aménagement axé sur les transports collectifs, la création de quartiers plus sains, durables et équitables dépend essentiellement de deux facteurs : la densité de population, d’une part, et la qualité de vie et le prix des logements, d’autre part. La densité et la diversité de l’aménagement urbain sont synonymes de courtes distances à parcourir, ce qui peut se traduire par des émissions de carbone plus basses. Les transports publics peuvent également se montrer plus efficients. Cependant, lorsque que la densification tourne au surpeuplement, les conséquences peuvent être néfastes sur les plans de la santé et, plus généralement, de la qualité de vie en milieu urbain. La pandémie de Covid-19 s’est caractérisée par une propagation rapide du virus dans les quartiers pauvres et surpeuplés. Cela s’explique en partie par de piètres conditions de vie, qui ne permettent pas aux habitants de ces quartiers de prendre les mesures de précaution qui s’imposent. Au niveau des loyers, des prix élevés poussent par ailleurs les individus à se concentrer dans des espaces plus restreints. Des logements abordables et décents sont incontournables pour résoudre la problématique du surpeuplement.
En l’absence de garde-fous, l’aménagement axé sur les transports collectifs peut faire grimper les prix des logements. La proximité de réseaux de transports publics de bonne qualité peut faire augmenter les prix des loyers ainsi que la valeur du foncier dans les quartiers visés par les investissements. Le processus de gentrification pourrait déplacer les citoyens les moins aisés vers des quartiers moins accessibles et bénéficiant d’une quantité plus limitée de services. Les investissements dans les transports publics pourraient ne pas profiter aux habitants de quartiers visés par un programme d’aménagement axé sur les transports collectifs, à moins que des mesures soient prises pour éviter les déplacements de population. Il est primordial de soutenir les habitants déjà sur place en encadrant les loyers et en veillant à la mixité dans l’habitat. Au cours du processus de planification, il pourra être utile de travailler avec les habitants des quartiers concernés.
En réduisant l’espace qu’elles réservent aux automobiles, les villes deviendront plus sûres et plus justes. À l’heure actuelle, une grande partie de l’espace urbain est dédié aux automobiles. Le fait de donner la priorité à la voiture particulière privilégie injustement les automobilistes au détriment des autres usagers de la route, dont les possibilités de déplacement sont limitées par l’espace urbain résiduel disponible. Les modes de déplacement plus durables sont plus souvent utilisés par les jeunes ou les senior, les femmes ainsi que les individus à faible revenu et issus de minorités ethniques. Par ailleurs, une affectation excessive de l’espace routier aux automobilistes présente un coût d’opportunité élevé, tandis que les équipements urbains et les ensembles résidentiels profitent à un pan plus large de la société. Ce constat s’applique tout particulièrement aux villes dans lesquelles les terrains et les logements abordables se font de plus en plus rares.
Réserver l’espace routier à la mobilité durable produit des avancées significatives sur le plan social, en améliorant la sécurité routière, notamment. Les scénarios Reshape et Reshape+ comprennent des mesures visant à affecter une part plus grande de l’espace routier à la mobilité durable, de manière à accroître sa part modale. Ces mesures consistent à allonger les voies de circulation réservées aux transports publics et à prolonger et élargir les voies piétonnes ainsi que les pistes cyclables. Des études montrent que dans les zones urbaines, les automobilistes et motocyclistes sont respectivement confrontés à un risque d’accident mortel trois fois ou onze fois plus élevé que les cyclistes (FIT, 2020[114]).
Les pratiquants de mobilités actives vont devoir continuer à partager l’espace routier avec des poids lourds, y compris dans un contexte de report modal. En 2050, près de 40 % de la population mondiale sera constituée d’enfants de moins de 15 ans ou de citoyens de plus de 65 ans. La mobilité active et la micromobilité permettent à ces groupes d’individus de se déplacer en toute indépendance et de façon économique. La sécurité de ces déplacements ne dépendra pas uniquement de l’existence d’infrastructures sûres dédiées à la protection des piétons, des cyclistes et des autres adeptes de la micromobilité. L’amélioration de la sécurité dans les zones urbaines reposera également sur l’abaissement de la vitesse maximale autorisée (Encadré 3.3).
Encadré 3.3. Pratiques de références pour la sécurité routière dans les zones urbaines
Dans les villes ambitionnant de devenir plus agréables à vivre, la sécurité routière est devenue une priorité. La réduction des risques liés au trafic sauve non seulement des vies, mais permet aussi à la population de sentir plus en sécurité et d’oser se déplacer à pied ou à vélo. Or, ces modes de déplacement durables ont des effets positifs sur la pollution, la congestion et les problèmes de santé publique. La sécurité constitue un élément essentiel des plans de déplacements urbains durables.
Les décideurs ont beaucoup à apprendre des villes ayant réussi à faire nettement baisser le nombre d’accidents de la route. Dans sa publication intitulée Best Practice for Urban Road Safety, le FIT (2020[115]) cite des exemples de mesures pertinentes dans ce domaine. Parmi elles, on retrouve la collecte de données fiables relatives aux accidents de la circulation, la mise en œuvre de limitations de vitesse, un aménagement des rues axé sur la sécurité, ainsi que la prévision et la prévention des accidents.
Parmi les villes mises en avant dans ce rapport, Londres ambitionne d’éliminer les accidents graves et mortels d’ici 2041. Pour parvenir à cet objectif, la Mairie de Londres a mis en place une stratégie pour les transports, qui prévoit de réorganiser l’espace routier en accordant davantage de place aux piétons et aux cyclistes, ce qui fera reculer l'utilisation de la voiture particulière. Cette mesure aura donc pour effet de réduire les émissions de GES. Elle contribuera par ailleurs à lutter contre la pollution locale ainsi que l’obésité, deux problématiques qui touchent en premier lieu les communautés défavorisées. En réduisant l’utilisation de l’automobile et en faisant la part belle à la marche, au vélo et aux transports publics, cette stratégie privilégie les utilisations les plus efficientes de l’espace public et permet ainsi à la ville de croître sans arriver à saturation. Le fait de donner la priorité aux moyens de transports plus abordables permet également d’aller vers une ville plus inclusive. Enfin, le recul de la voiture particulière rend les rues plus sures, encourageant la population à se tourner davantage vers la mobilité active. Tout cela créé un cercle vertueux et accélère le changement.
Le rapport met également en avant Fortaleza, une des rares villes à avoir réduit de moitié le nombre d’accidents mortels de la circulation au cours de la dernière décennie. Pour atteindre ce résultat, cette ville brésilienne a étendu son réseau cyclable et ses voies de circulation réservées aux bus, investi dans des dispositifs de modération du trafic, réaménagé les passages piétons et abaissé les limitations de vitesse au niveau de ses artères principales. Parallèlement à la réduction des dangers de la route, ces mesures ont fait baisser le niveau de dépendance à l’égard de l’automobile.
Le genre façonne notre manière de nous déplacer ; il devrait également guider la planification des transports. Les habitudes de déplacement varient considérablement selon le genre des usagers. Les catégories d’emplois occupés par les femmes impliquent souvent des les schémas de déplacement en dehors du domicile-travail habituel. Les femmes sont surreprésentées dans les secteurs des services et de l’aide à la personne, par exemple, et assument des responsabilités souvent plus importantes que les hommes au sein des ménages. De ce fait, leurs schémas de déplacement sont souvent plus compliqués et comportent de multiples finalités, ce qui se traduit par une multiplicité de trajets et de destinations. Les femmes tendent à se déplacer sur de plus courtes distances, à privilégier l’intermodalité, à emprunter plusieurs modes au cours d’un même trajet et à se déplacer en dehors des heures de pointe. Elles recourent également davantage à la mobilité active, et notamment la marche (Miralles-Guasch, Melo and Marquet, 2015[116]). Pour toutes ces raisons, les femmes sont généralement plus sensibles à la fiabilité des services de transport public que les hommes. Cela révèle l’importance de la résilience des services de transport selon le genre (Ng and Acker, 2018[117]; FIT, 2019[118]). Le même constat s’applique s’agissant de la sécurité. Dans les lieux publics, les femmes sont généralement confrontées à des risques plus importants que les hommes, alors qu’elles se déplacent davantage à pied. Cette situation est d’autant plus vraie dans les pays en développement, y rendant la mobilité active moins sûre pour les femmes que pour les hommes (Chant and Mcllwaine, 2016[101]).
Opter pour un approche considérant les problématqieus de genrepeut contribuer à adapter les espaces publics et les infrastructures pour satisfaire les schémas de mobilité et la demande des femmes. Au niveau de la répartition modale, les inégalités sont plus ou moins perceptibles selon les modes de transport, les segments de revenus et les régions du monde (Gauvin et al., 2020[119]). Par exemple, dans les villes d’Amérique latine, 30 % des déplacements à vélo sont effectués par des femmes, tandis qu’en Europe, les femmes recourent davantage au vélo que les hommes (Montoya-Robledo et al., 2020[120]). Y compris dans les zones urbaines où la part des déplacements à vélo est plus importante chez les femmes, ces dernières peuvent avoir du mal à utiliser les infrastructures de mobilité active, qui ont été élaborées sans tenir compte de leurs besoins. Le manque d’infrastructures permettant aux cyclistes de se déplacer avec un enfant, pourrait notamment constituer un obstacle (Montoya-Robledo et al., 2020[120]).
Plus les mesures de décarbonation seront ambitieuses, plus le système sera résilient
Dans le monde entier, les villes sont de plus en plus confrontées à la nécessité de rendre leurs systèmes de transports plus résilients face aux perturbations externes. La résilience désigne la capacité, pour un système de transport, de résister à des chocs pouvant frapper un mode plus durement que les autres. Ces perturbations externes peuvent être liées à des catastrophes naturelles ou à des phénomènes météorologiques extrêmes susceptibles d’empêcher la circulation des véhicules. Dans le cadre d’une étude de 2018 portant sur plus de 500 villes, plus de la moitié des municipalités interrogées ont déclaré que les systèmes de transport figurent parmi les services publics les plus exposés aux menaces du changement climatique à court et moyen terme (Ahmed and Dey, 2020[4]) Les perturbations dont il est question ici peuvent également revêtir un caractère inattendu, à l’image des pandémies, qui mettent à mal l’ensemble des modes de transport partagés. Les ruptures d’approvisionnement en carburant ou de la production d’énergie peuvent aussi toucher un élément précis au sein des systèmes de transport, d’où la nécessité pour ces derniers d’élaborer des stratégies garantissant leur résilience face à ces situations.
La disponibilité modale est un indicateur qui permet de quantifier la résilience des réseaux de transport urbain. Le modèle de transport urbain de voyageurs du FIT détermine la probabilité, pour des individus, d’opter pour un autre mode transport lorsque le mode initialement choisi subit des perturbations dans une zone urbaine donnée. Pour cela, il tient compte de la répartition modale observée dans chaque ville et propose un indicateur dont la valeur est comprise entre 0 et 1. Lorsque pour une zone urbaine donnée, la résilience reçoit la note de 1, tous les moyens de transports présentent une part modale ou une utilisation identiques. Un niveau de résilience égal à 0 indique que l’ensemble de l’activité de transport repose sur un unique mode, ce qui signifie qu’en cas de rupture, tout le système cesse de fonctionner. Cette méthode fournit des indicateurs de mesure simplifiés de la résilience des systèmes de transports au cours du temps, qui permettent d’établir des comparaisons entre différentes régions du monde. Elle vient compléter d’autres systèmes ou méthodes de mesure des niveaux de résilience (Ahmed and Dey, 2020[4]; Jaroszweski, Hooper and Chapman, 2014[121]; Arup, 2018[122]; Temmer and Venema, 2017[123]). Ces derniers reposent notamment sur l’examen des similitudes entre les différents composants d’un système de transport, l’efficience et l’interdépendance des différents modes composant un système, la capacité du système à supporter les perturbations et le niveau de coordination entre les parties prenantes (Ahmed and Dey, 2020[4]).
La mise en œuvre de mesures de décarbonation ambitieuses favorise la diversité modale et améliore la résilience de l’écosystème de transport
L’adoption de mesures de décarbonation plus ambitieuses accroît la résilience des systèmes de transport en encourageant la diversité du choix modal. Dans la plupart des régions, c’est dans le scénario Reshape+ que les mesures mises en œuvre permettent de parvenir au niveau de résilience le plus élevé. Ce constat est particulièrement flagrant dans les pays développés. Comme le montre le Graphique 3.13, le scénario Reshape obtient les meilleurs résultats à l’horizon 2050 aux États-Unis et au Canada, dans l’Espace économique européen et en Turquie ainsi que dans la région OCDE-Pacifique. C’est dans ces régions que, dans le cadre du scénario Recover, le transport urbain de voyageurs repose principalement sur les véhicules individuels. Lorsque leur niveau d’ambition est élevé, les mesures de décarbonation viennent diversifier le choix modal et renforcent la résilience dans ces régions. Il s’agit là d’une évolution positive, qui pourrait aller de pair avec d’autres mesures plus directes ciblant l’amélioration de la résilience des infrastructures et des services.
Même dans le cadre de la promotion de modes de transport durables, la résilience d’un système de transport pourrait être supérieure en privilégiant une plus grande variété modale. Le Graphique 3.13 montre que, dans les pays en développement, la résilience connaît une progression limitée, voire recule dans certaines régions telles que l’Asie ou l’Afrique subsaharienne, dans le scénario Reshape. Dans les deux régions précitées, l’activité de transport telle que projetée dans le scénario Reshape+ privilégie davantage la mobilité partagée qu’ailleurs. Cela s’explique notamment par l’intégration des services de transport semi-collectifs dans l’offre de mobilité partagée. Du point de vue de la décarbonation, cela pourrait être encourageant. Cependant, du point de vue de la résilience, ces résultats soulignent l’importance de la diversité modale dont peuvent tirer parti les systèmes résilients pour résister et s’adapter aux perturbations externes.
Orientations recommandées
Les conclusions des présentes Perspectives des transports doivent être interprétées comme un appel à l’action, dans la mesure où le simple fait de poursuivre les engagements pris dans une trajectoire Recover ne suffira pas à produire les effets escomptés. Les transports urbains affichent des perspectives très prometteuses s’agissant de la réduction de leur empreinte carbone. En appliquant les bonnes mesures, leurs émissions pourraient reculer de près de 80 %. Pour y parvenir, les villes devront cependant relever le niveau d’ambition de leurs plans d’action climat. Les autorités nationales peuvent les y aider, en leur fournissant les financements et les leviers politiques dont elles ont besoin pour relever le défi de la décarbonation. Dans celle optique, et en vue de mettre en œuvre efficacement les mesures adoptées, une bonne gouvernance des transports à l’échelle des métropoles sera essentielle (FIT, 2018[124]).En matière de décarbonation du transport urbain de voyageurs, la pandémie de Covid-19 peut être à double tranchant. Les recommandations formulées ci-après peuvent aider les pouvoirs publics à transformer leurs systèmes de transport urbain de manière à abaisser durablement et équitablement le niveau des émissions au cours de la reprise qui suivra la pandémie.
Donner aux villes le moyen de décarboner la mobilité urbaine et d’améliorer l’accessibilité au profit du bien‑être
Les gouvernements nationaux doivent veiller à ce que les autorités locales disposent des bons outils et soient en capacité de produire des actions plus ambitieuses pour atteindre leurs objectifs de décarbonation et aller vers un secteur des transports plus résilient. Pour leur donner les moyens d’y parvenir, ils peuvent leur octroyer des fonds supplémentaires dédiés à des politiques de transport inclusives et durables. Les gouvernements nationaux permettre juridiquement aux municipalités de mettre en œuvre des mesures plus larges, à l’échelle de leur aire urbaine. Au niveau local, les municipalités devraient prendre des mesures complémentaires coïncidant avec les objectifs nationaux définis comme suite à la révision des Contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN), en vertu de l’Accord de Paris, voire les dépassent. Les villes doivent faire évoluer leurs pratiques en matière de mobilité, et passer ainsi de la maximisation de la mobilité individuelle à l’élargissement de l’accès aux opportunités pour tous. Cette transition doit être conduite pour que les mesures de décarbonation puissent produire des effets durables en termes de bien‑être économique et social.
Donner la priorité au financement de transports urbains durables sur l’investissement dans le réseau routier urbain
Financièrement, les villes doivent se donner les moyens de parvenir à leurs objectifs. Pour devenir durables, inclusives et agréables à vivre, elles devront consacrer une part importante de leur budget à l’amélioration des transports publics et de la mobilité active plutôt qu’à la construction d’infrastructures dédiées aux voitures particulières. En procédant ainsi, elles soutiendront d’autres solutions de mobilité partagée qui pourront se substituer efficacement aux voitures particulières. L’augmentation et l'homogénéisation des structures de financement pour des transports durables garantiront aux villes de sortir de la pandémie de Covid-19 en disposant de tous les outils nécessaires pour bâtir un système plus durable et équitable. La pénurie de financements destinés aux transports publics et à la mobilité partagée pourrait mettre à mal la durabilité et réduire considérablement l’accès à la mobilité des citoyens dépourvus d’automobile. Une dépendance excessive à l’égard des recettes de billetterie pourrait également nuire aux services de transport public, en particulier lors de ruptures telles qu’une pandémie. Les fonds peuvent provenir de péages urbains et de taxes sur les carburants, mais aussi de mécanismes de récupération des plus-values foncières. Le phénomène de gentrification, qui pourrait survenir comme suite à l’application de ces derniers, ne devra pas être négligé.
Améliorer la qualité des transports publics pour instaurer des services plus inclusifs et plus fiables
Des transports publics de meilleure qualité attireront davantage d’usagers. Cette hausse de la fréquentation se traduira par une mobilité urbaine plus durable. Par ailleurs, l’extension du réseau et l’augmentation de la fréquence des dessertes pourraient renforcer l’accès aux opportunités offertes par les villes. En améliorant la fiabilité, la sûreté et la sécurité, les régies des transports renforceront l’attractivité des transports publics pour les usagers, tout comme sous l’effet de l’intégration de la billetterie et des horaires, de stations plus facilement accessibles et de véhicules plus propres. Ces améliorations permettront également de regagner la confiance des usagers dans le système, qui avait en partie baissé durant la pandémie de Covid-19 dans de nombreuses villes à travers le monde. De même, des transports publics de bonne qualité jouent en faveur de l’équité de la mobilité urbaine – sous réserve que les autorités veillent parallèlement à ce que les titres de transport restent abordables.
Penser l’aménagement de l’espace et des transports ensemble pour un urbanisme de proximité durable
L’essor du télétravail fait planer le spectre d’un renforcement de l’étalement urbain. La possibilité de travailler à distance rend la question des déplacements domicile-travail moins centrale, ce qui pourrait pousser les citoyens à s’éloigner davantage des quartiers centraux d’affaires. Bien encadré, ce changement d’habitudes pourrait être l’occasion de mettre l’accent sur les quartiers et des axes de transport public.
Pour une croissance urbaine durable, il est impératif de traiter les questions des transports, de l’aménagement urbain et de la planification dans une démarche intégrée. La mixité fonctionnelle, la densification et l’aménagement axé sur les transports collectifs raccourcissent les distances à parcourir, ce qui profite à la marche ou au vélo pour les déplacements locaux, et promeut les transports publics pour les trajets plus longs.
À l’échelle micro, l’intégration de la planification des transports et de l’aménagement urbain devrait permettre d’affecter l’espace urbain à la faveur de tous les citoyens et de reconsidérer, par exemple, l’intérêt pour la société de consacrer une partie de l’espace public au stationnement de voitures particulières. Les villes ont la possibilité de pérenniser la réaffectation de la voirie au profit des piétons et des cyclistes, qui avait été mise en œuvre pendant la crise. En saisissant cette occasion, les pouvoirs publics pourraient accélérer les projets d’extension des infrastructures en faveur d’une mobilité sûre, simple et abordable.
Grâce à l’apparition de nouveaux schémas d’aménagement, les services de transports publics seront moins axés sur les déplacements domicile-travail et deviendront plus équitables. L’aménagement axé sur les quartiers permettrait aux services de transport de s’adapter aux besoins des groupes d’usagers grâce à des comportements de mobilité à la fois plus locaux et plus complexes que ceux empruntés par les personnes qui se rendent dans les quartiers centraux d’affaires pour travailler. Cette nouvelle forme d’aménagement tient compte des besoins des femmes, des seniors et des enfants.
Créer des incitations pour rendre les parcs automobiles urbains plus propres
En 2020, un tiers au moins des déplacements urbains seront toujours effectués au moyen de véhicules individuels. La réduction des émissions imputables à ces déplacements nécessite des progrès technologiques permettant des économies de carburant. Pour décarboner le transport de voyageurs, ces nouvelles technologies devront absolument être accessibles sur le plan financier, en particulier lorsque les habitants de certains quartiers n’ont pas d’autre choix que d'utiliser des véhicules individuels pour se déplacer. L’amélioration des parcs de véhicules de transport public sera également déterminante dans les pays en développement. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les pouvoirs publics devraient mettre au point des plans de relance axés sur le financement de la recherche-développement autour de ces nouvelles technologies, tout en encourageant leur diffusion dans les parcs de véhicules privés, publics et partagés, via le développement des infrastructures de recharge et des incitations financières à l’achat.
Favoriser l’innovation dans les transports et collaborer avec les fournisseurs de nouveaux services de mobilité urbaine pour en maximiser les avantages et réduire les coûts au minimum
Des solutions de mobilité partagée bien organisées peuvent venir compléter et étendre la portée des transports publics, avec des retombées positives importantes telles qu’une réduction des émissions liées aux transports et l’amélioration de l’accès aux opportunités. À l’inverse, l’émergence d’une rivalité entre les solutions de mobilité partagée et les transports publics pourrait avoir des conséquences néfastes en termes de durabilité.
Les autorités et les opérateurs doivent coopérer afin de garantir l’accessibilité de ces services, en particulier dans les zones où les services de transport public font défaut. Lorsque la mobilité partagée offre des solutions pour parcourir le dernier kilomètre, la mise en place de subventions habituellement réservées aux transports publics pourrait être envisagée dans certaines zones ou pour certains groupes d’usagers. La mobilité partagée peut également apporter des solutions intéressantes du point de vue du rapport coût-efficacité dans les quartiers peu denses ou aux heures creuses. La coordination de ces services avec l’offre de transports publics peut être assurée par une plateforme de mobilité-service (MaaS).
Allier dès à présent les mesures de décarbonation des transports et celles en faveur de leur résilience pour pouvoir satisfaire demain à la demande de façon pérenne et résister aux perturbations
Dans le domaine de la mobilité urbaine, d’ambitieuses mesures de décarbonation peuvent renforcer la résilience des systèmes de transport face aux perturbations. Les mesures d’atténuation du changement climatique réduiront quant à elles la dépendance excessive à l’égard des voitures particulières, en donnant naissance à un réseau de transport multimodal. Les systèmes multimodaux sont plus souples et à même de s’adapter à l’évolution de la demande de transport ainsi qu’aux ruptures inattendues telles que des phénomènes météorologiques extrêmes ou des pandémies. Au-delà de la diversité modale, les pouvoirs publics doivent se pencher sur la capacité du système de transport à s’adapter aux aléas extérieurs et à reprendre ses fonctions une fois ceux-ci passés. La résilience de activités et des infrastructures doit également être prise en compte.
Références
[4] Ahmed, S. and K. Dey (2020), “Resilience modeling concepts in transportation systems: a comprehensive review based on mode, and modeling techniques”, Journal of Infrastructure Preservation and Resilience, Vol. 1/1, http://dx.doi.org/10.1186/s43065-020-00008-9.
[64] AIE (2020), Clean energy innovation in the Covid-19 crisis – Analysis - AIE, https://www.iea.org/articles/clean-energy-innovation-in-the-covid-19-crisis (accessed on 9 October 2020).
[13] AIE (2020), IEA Mobility Model, https://www.iea.org/areas-of-work/programmes-and-partnerships/the-iea-mobility-model.
[48] AIE (2020), Working from home can save energy and reduce emissions. But how much? Analysis - AIE, https://www.iea.org/commentaries/working-from-home-can-save-energy-and-reduce-emissions-but-how-much (accessed on 9 October 2020).
[15] AIE (2019), Growing preference for SUVs challenges emissions reductions in passenger car market – Analysis, https://www.iea.org/commentaries/growing-preference-for-suvs-challenges-emissions-reductions-in-passenger-car-market (accessed on 28 October 2020).
[80] Amato, F. et al. (2014), Urban air quality: The challenge of traffic non-exhaust emissions, Elsevier, http://dx.doi.org/10.1016/j.jhazmat.2014.04.053.
[122] Arup (2018), Cities: Qualitative Resilience Profile, https://www.cityresilienceindex.org/#/city-profiles.
[100] Badiora, A., C. Wojuade and A. Adeyemi (2020), “Personal safety and improvements concerns in public places”, Journal of Place Management and Development, Vol. 13/3, pp. 319-346, http://dx.doi.org/10.1108/jpmd-03-2019-0013.
[84] Baker, J. and G. Gadgil (2017), East Asia and Pacific Cities: Expanding Opportunities for the Urban Poor, Banque mondiale, Washington, D.C., http://dx.doi.org/10.1596/978-1-4648-1093--0.
[57] Banister, D. (2019), Transport for all, Routledge, http://dx.doi.org/10.1080/01441647.2019.1582905.
[9] Banister, D. (2018), Inequality in Transport, Alexandrine Press, https://books.google.ch/books?id=NOKHuwEACAAJ.
[24] Banque mondiale (2019), GREEN YOUR BUS RIDE: Clean Buses in Latin America - Summary report, http://documents1.worldbank.org/curated/en/410331548180859451/pdf/133929-WP-PUBLIC-P164403-Summary-Report-Green-Your-Bus-Ride.pdf.
[78] Barnes, J., T. Chatterton and J. Longhurst (2019), “Emissions vs exposure: Increasing injustice from road traffic-related air pollution in the United Kingdom”, Transportation Research Part D: Transport and Environment, Vol. 73/juin, pp. 56-66, http://dx.doi.org/10.1016/j.trd.2019.05.012.
[45] BBC (2020), Coronavirus: Boom time for bikes as virus changes lifestyles - BBC News, https://www.bbc.com/news/business-52564351 (accessed on 7 October 2020).
[38] BBC (2020), Coronavirus: Wuhan shuts public transport over outbreak - BBC News, https://www.bbc.com/news/world-asia-china-51215348 (accessed on 7 October 2020).
[113] BID and FIT (2020), Measuring accessibility in Latin American cities: the case of Bogota, Mexico City and Santiago.
[63] Bloomberg News (2020), The Car Is Staging a Comeback, Spurring Oil’s Recovery, https://www-bloomberg-com.cdn.ampproject.org/c/s/www.bloomberg.com/amp/news/articles/2020-05-10/the-car-is-staging-a-comeback-spurring-oil-s-recovery (accessed on 8 October 2020).
[31] Bloom, N. (2020), How working from home works out, Stanford Institute for Economic Policy Research, https://siepr.stanford.edu/research/publications/how-working-home-works-out (accessed on 9 October 2020).
[82] Bocarejo, J. and L. Urrego (2020), “The impacts of formalization and integration of public transport in social equity: The case of Bogota”, Research in Transportation Business & Management juin, p. 100560, http://dx.doi.org/10.1016/j.rtbm.2020.100560.
[125] Bocarejo, J. and L. Urrego (2020), “The impacts of formalization and integration of public transport in social equity: The case of Bogota”, Research in Transportation Business & Management, p. 100560, http://dx.doi.org/10.1016/j.rtbm.2020.100560.
[68] Buckle, S. et al. (2020), Draft discussion paper: Addressing the COVID and climate crises: potential economic recovery pathways and their implications for climate change mitigation, NDCs and broader socio-economic goals.
[3] C40 (2020), Climate Action Planning Resource Centre, https://resourcecentre.c40.org/.
[65] Calvino, F. and M. Virgillito (2018), “The innovation-employment nexus: A critical survey of theory and empirics”, Journal of Economic Surveys, Vol. 32/1, pp. 83-117, http://dx.doi.org/10.1111/joes.12190.
[51] CBC (2020), TransLink says it’s losing $75M a month and faces ’really unpleasant options’ without emergency funding | CBC News, https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/translink-seeking-emergeny-funding-coronavirus-pandemic-1.5531302 (accessed on 9 October 2020).
[6] CDP (2020), Cities at risk: dealing with the pressures of climate change, https://www.cdp.net/en/research/global-reports/cities-at-risk.
[101] Chant, S. and C. Mcllwaine (2016), Cities, Slums and Gender in the Global South: Towards a feminised urban future, Routledge.
[85] Chen, Y. et al. (2017), Unequal commutes: Job accessibility and employment in Accra, https://www.theigc.org/wp-content/uploads/2017/08/Chen-et-al-2017-Final-report.pdf.
[58] Chu, T. (2020), Covid-19 Is Not The ‘Death Of The City’ - It’s The Rise of The Neighborhood Center, Forbes, https://www.forbes.com/sites/tiffanychu/2020/10/01/covid-19-is-not-the-death-of-the-cityits-the-rise-of-the-neighborhood-center/#70556ab32491 (accessed on 15 October 2020).
[29] Citymapper (2020), Citymapper Mobility Index, https://citymapper.com/cmi (accessed on 7 October 2020).
[109] Cohen, S. and S. Shirazi (2017), Can We Advance Social Equity with Shared, Autonomous and Electric Vehicles?, ITS UC Davis Institute or Transportation Studies.
[93] Crozet, Y. and A. Mercier (2018), “Urban Toll: Rethinking Acceptability Through Accessibility”, Documents de travail du Forum international des transports, No. 2018/16, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/af22477a-en.
[37] de la Garzia, A. (2020), COVID-19 Has Been ’Apocalyptic’ for Public Transit | Time, https://time.com/5869375/public-transit-coronavirus-covid/ (accessed on 7 October 2020).
[61] Deloitte (2020), Mobility after coronavirus – from public to private, https://www2.deloitte.com/ch/en/pages/public-sector/articles/mobilitaet-nach-der-corona-krise.html (accessed on 8 October 2020).
[107] Deloitte (2019), Global mobile consumer trends.
[90] Di Ciommo, F. and K. Lucas (2014), “Evaluating the equity effects of road-pricing in the European urban context – The Madrid Metropolitan Area”, Applied Geography, Vol. 54, pp. 74-82, http://dx.doi.org/10.1016/j.apgeog.2014.07.015.
[49] Dingel, J. and B. Neiman (2020), How Many Jobs Can be Done at Home?, Becker Friedman Institute, Chicago, https://github.com/jdingel/DingelNeiman-workathome. (accessed on 9 October 2020).
[36] Dormer, D. (2020), Calgary Transit reducing frequency of buses and trains in response to COVID-19 | CTV News, https://calgary.ctvnews.ca/calgary-transit-reducing-frequency-of-buses-and-trains-in-response-to-covid-19-1.4877748 (accessed on 7 October 2020).
[66] Dowd, J. (2017), Aggregate Economic Return on Investment in the U.S. DOE Office of Energy Efficiency and Renewable Energy, US Department of Energy, https://energy.gov/sites/prod/files/2015/05/f22/evaluating_realized_rd_mpacts_9-22-14.pdf (accessed on 9 October 2020).
[18] FIT (2021), Avoiding Car Dependency, Éditions OCDE, Paris.
[115] FIT (2020), Best Practice for Urban Road Safety Case Studies, https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/best-practice-urban-road-safety.pdf.
[56] FIT (2020), Good to Go? Assessing the Environmental Performance of New Mobility Corporate Partnership Board Report, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/f5cd236b-en. (accessed on 15 October 2020).
[114] FIT (2020), Safe Micromobility, https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/safe-micromobility_1.pdf.
[25] FIT (2020), “Shared Mobility Simulations for Lyon”, International Transport Forum Policy Papers, No. 74, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/031951c3-en.
[94] FIT (2019), Benchmarking Accessibility in Cities: Measuring the impact of proximity and transport performance.
[86] FIT (2019), Improving Transport Planning and Investment Through the Use of Accessibility Indicators, https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/improving-transport-planning-investment-accessibility-indicators.pdf.
[28] FIT (2019), Perspectives des transports FIT 2019, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/transp_outlook-en-2019-en.
[112] FIT (2019), Regulating App-Based Mobility Services: Summary and Conclusions.
[118] FIT (2019), Transport Connectivity: A Gender Perspective, Éditions OCDE, Paris, http://www.itf-oecd.org (accessed on 26 January 2021).
[27] FIT (2019), “Transport Innovations from the Global South: case studies, insights, recommendations”, https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/transport-innovations-global-south.pdf.
[124] FIT (2018), Policy Directions for Establishing a Metropolitan Transport Authority for Korea’s Capital Region, Éditions OCDE, Paris.
[102] FIT (2018), Shared Mobility Simulations for Dublin Case-Specific Policy Analysis, OCDE, Paris, http://www.itf-oecd.org (accessed on 2 October 2020).
[19] FIT (2018), The Shared-Use City: Managing the Curb, Éditions OCDE, http://www.itf-oecd.org.
[26] FIT (2016), “Shared mobility: innovation for liveable cities”, International Transport Forum Policy Papers n° 21, http://dx.doi.org/10.1787/24108871.
[1] FIT/OCDE (2018), Transport CO2 and the Paris Climate Agreement Reviewing the Impact of Nationally Determined Contributions, https://www.itf-oecd.org/transport-co2-paris-climate-agreement-ndcs.
[110] Flores, O. (2020), ITF Interview to Onésimo Flores (CEO) on impacts of Covid-19 to Jetty.
[22] Fulton, L. et al. (2017), Three Revolutions in Urban Transportation, UC Davis.
[119] Gauvin, L. et al. (2020), “Gender gaps in urban mobility”, Humanities and Social Sciences Communications, Vol. 7/1, http://dx.doi.org/10.1057/s41599-020-0500-x.
[87] Geurs, K. and B. van Wee (2004), “Accessibility evaluation of land-use and transport strategies: review and research directions”, Journal of Transport Geography, Vol. 12/2, pp. 127-140, http://dx.doi.org/10.1016/j.jtrangeo.2003.10.005.
[21] GIZ (2019), Sustainable Urban Transport: Avoid-Shift-Improve (A-S-I), https://www.transformative-mobility.org/assets/publications/ASI_TUMI_SUTP_iNUA_No-9_April-2019.pdf.
[2] GIZ (2017), Transport in Nationally Determined Contributions (NDCs): Lessons learnt from case studies of rapidly motorising countries, https://www.international-climate-initiative.com/fileadmin/Dokumente/2017/171115_Publikation_EN_TransportInNDCs.pdf.
[44] Goetsch, H. and T. Quiros (2020), COVID-19 creates new momentum for cycling and walking. We can’t let it go to waste!, blogs de la Banque mondiale, https://blogs.worldbank.org/transport/covid-19-creates-new-momentum-cycling-and-walking-we-cant-let-it-go-waste (accessed on 7 October 2020).
[69] Goetz, M. (2020), Policy Brief Electric Vehicle Charging Considerations for Shared, Automated Fleets Introduction and Background, UC Davis Institute of Transportation Studies.
[32] Google LLC (2020), COVID-19 Community Mobility Reports, https://www.google.com/covid19/mobility/ (accessed on 7 October 2020).
[17] Gössling, S. et al. (2016), “Urban Space Distribution and Sustainable Transport”, Transport Reviews, Vol. 36/5, pp. 659-679, http://dx.doi.org/10.1080/01441647.2016.1147101.
[16] Gota, S. et al. (2019), Decarbonising transport to achieve Paris Agreement targets, http://dx.doi.org/10.1007/s12053-018-9671-3.
[11] Gough, I. (2011), Climate Change, Double Injustice and Social Policy: A Case Study of the United Kingdom.
[50] Guyot, K. and I. Sawhill (2020), Telecommuting will likely continue long after the pandemic, Brookings, https://www.brookings.edu/blog/up-front/2020/04/06/telecommuting-will-likely-continue-long-after-the-pandemic/ (accessed on 9 October 2020).
[97] Guzman, L. and D. Oviedo (2018), “Accessibility, affordability and equity: Assessing ‘pro-poor’ public transport subsidies in Bogotá”, Transport Policy, Vol. 68, pp. 37-51, http://dx.doi.org/10.1016/j.tranpol.2018.04.012.
[46] Hook, A. et al. (2020), “A systematic review of the energy and climate impacts of teleworking”, Environmental Research Letters, Vol. 15, p. 93003, http://dx.doi.org/10.1088/1748-9326/ab8a84.
[43] Ibold, S. et al. (2020), The COVID-19 outbreak and implications to sustainable urban mobility – some observations | Transformative Urban Mobility Initiative (TUMI), TUMI, https://www.transformative-mobility.org/news/the-covid-19-outbreak-and-implications-to-public-transport-some-observations (accessed on 6 October 2020).
[73] ICCT (2019), Transportation Roadmap, https://www.theicct.org/transportation-roadmap (accessed on 13 March 2019).
[40] IGC (2020), Impact of COVID-19 on public transport, https://www.theigc.org/blog/impact-of-covid-19-on-public-transport/ (accessed on 29 October 2020).
[62] Ipsos (2020), Impact of Coronavirus to new car purchase in china.
[121] Jaroszweski, D., E. Hooper and L. Chapman (2014), “The impact of climate change on urban transport resilience in a changing world”, Progress in Physical Geography: Earth and Environment, Vol. 38/4, pp. 448-463, http://dx.doi.org/10.1177/0309133314538741.
[106] Kodransky, M. and G. Lewenstein (2014), Connecting Low-Income People to Opportunity with Shared Mobility, Institute for Transportation & Development Policy (ITDP), https://itdpdotorg.wpengine.com/wp-content/uploads/2014/10/Shared-Mobility_Full-Report.pdf.
[96] Li, M. (2019), Measuring Public Transport Fare Affordability, https://thredbo-conference-series.org/downloads/thredbo16/Fare-Affordability-Benchmarking-Study.pdf.
[88] Litman, T. (2020), “Evaluating Transportation Equity Guidance For Incorporating Distributional Impacts in Transportation Planning”, World Transport Policy & Practice, Vol. 8/2, pp. 50-65, https://www.vtpi.org/equity.pdf.
[92] Mattioli, G. (2017), “‘Forced Car Ownership’ in the UK and Germany: Socio-Spatial Patterns and Potential Economic Stress Impacts”, Social Inclusion, Vol. 5/4, pp. 147-160, http://dx.doi.org/10.17645/si.v5i4.1081.
[41] McArthur, J. and E. Smeds (2020), Coronavirus showed the way cities fund public transport is broken – here’s how it needs to change, https://theconversation.com/coronavirus-showed-the-way-cities-fund-public-transport-is-broken-heres-how-it-needs-to-change-145136 (accessed on 7 October 2020).
[52] Medda, F. (2012), “Land value capture finance for transport accessibility: A review”, Journal of Transport Geography, Vol. 25, pp. 154-161, http://dx.doi.org/10.1016/j.jtrangeo.2012.07.013.
[116] Miralles-Guasch, C., M. Melo and O. Marquet (2015), “A gender analysis of everyday mobility in urban and rural territories: from challenges to sustainability”, Gender, Place & Culture, Vol. 23/3, pp. 398-417, http://dx.doi.org/10.1080/0966369x.2015.1013448.
[120] Montoya-Robledo, V. et al. (2020), “Gender stereotypes affecting active mobility of care in Bogotá”, Transportation Research Part D: Transport and Environment, Vol. 86, p. 102470, http://dx.doi.org/10.1016/j.trd.2020.102470.
[59] Moreno, C. (2020), Proximité urbaine et l’amour des lieux, http://www.moreno-web.net/proximite-urbaine-et-lamour-des-lieux-chrono-urbanisme-chronotopie-topophilie-par-carlos-moreno/ (accessed on 15 October 2020).
[83] Moreno-Monroy, A. (2016), “Access to public transport and labor informality”, IZA World of Labor, http://dx.doi.org/10.15185/izawol.274.
[70] Nations Unies, D. (2019), World Urbanization Prospects: The 2018 Revision, Nations Unies, New York.
[117] Ng, W. and A. Acker (2018), Understanding Urban Travel Behaviour by Gender for Efficient and Equitable Transport Policies, OCDE, Paris, http://www.itf-oecd.org (accessed on 26 January 2021).
[8] OCDE (2019), “Delivering accessible and sustainable mobility”, in Accélérer l’action pour le climat : Remettre le bien-être des personnes au centre des politiques publiques, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/7dfbd08d-en.
[71] OCDE/Commission européenne (2020), Cities in the World: A New Perspective on Urbanisation, OECD Urban Studies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/d0efcbda-en.
[7] OCDE/FIT (2019), Benchmarking Accessibility in Cities: Measuring the Impact of Proximity and Transport Performance, https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/accessibility-proximity-transport-performance_2.pdf.
[14] OICA (2020), Motorization Rate 2015 - Worldwide, http://www.oica.net/world-vehicles-in-use-all-vehicles-2/.
[75] OMS (2018), Qualité de l’air ambiant et santé, https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ambient-(outdoor)-air-quality-and-health (accessed on 12 October 2020).
[12] ONU (2018), World Urbanization Prospects: The 2018 Revision, https://population.un.org/wup/ (accessed on 29 April 2019).
[103] Pangbourne, K. et al. (2020), “Questioning mobility as a service: Unanticipated implications for society and governance”, Transportation Research Part A: Policy and Practice, Vol. 131, pp. 35-49, http://dx.doi.org/10.1016/j.tra.2019.09.033.
[79] Panko, J. et al. (2019), “Evaluation of tire wear contribution to PM2.5 in urban environments”, Atmosphere, Vol. 10/2, pp. 1-14, http://dx.doi.org/10.3390/ATMOS10020099.
[60] Paris en Commun (2020), Le programme - Anne Hidalgo 2020, https://annehidalgo2020.com/le-programme/ (accessed on 19 October 2020).
[95] Peralta Quiros, T. and C. Rodríguez Hernández (2016), To measure the real impact of transport services, affordability needs to be part of the equation, https://blogs.worldbank.org/transport/measure-real-impact-transport-services-affordability-needs-be-part-equation.
[20] Pimentel, C. and F. Alvelos (2018), Integrated urban freight logistics combining passenger and freight flows - Mathematical model proposal, Elsevier B.V., http://dx.doi.org/10.1016/j.trpro.2018.09.010.
[35] Puentes, R. (2020), COVID’s Differing Impact on Transit Ridership – The Eno Center for Transportation, https://www.enotrans.org/article/covids-differing-impact-on-transit-ridership/ (accessed on 7 October 2020).
[67] PWC Strategy (2020), The Impact of COVID-19 on the European Automotive Market Learnings from past crises, future market outlook and recommended actions for OEMs.
[105] Qian, X., M. Jaller and D. Niemeier (2020), “Enhancing equitable service level: Which can address better, dockless or dock-based Bikeshare systems?”, Journal of Transport Geography, Vol. 86, p. 102784, http://dx.doi.org/10.1016/j.jtrangeo.2020.102784.
[104] Qian, X. and D. Niemeier (2019), “High impact prioritization of bikeshare program investment to improve disadvantaged communities’ access to jobs and essential services”, Journal of Transport Geography, Vol. 76, pp. 52-70, http://dx.doi.org/10.1016/j.jtrangeo.2019.02.008.
[77] Reichmuth, D. (2019), Inequitable Exposure to Air Pollution from Vehicles in California, Union of Concerned Scientists, Cambridge, Massachusetts, https://www.ucsusa.org/sites/default/files/attach/2019/02/cv-air-pollution-CA-web.pdf (accessed on 12 October 2020).
[74] Rodrigue, J., C. Comtois and B. Slack (2009), The geography of transport systems, https://transportgeography.org/?page_id=9422 (accessed on 20 January 2019).
[23] Salazar Ferro, P. (2015), The Challenge of Finding a Role for Paratransit Services in the Global South, https://www.codatu.org/wp-content/uploads/Pablo-Salazar-Ferro.pdf.
[54] Sclar, E., M. Lönnroth and C. Wolmar (2016), Improving Urban Access: New Approaches to Funding Transport Investment, Routledge, https://books.google.ch/books?id=eX6VAQAACAAJ.
[99] Shibata, S. (2020), “Are women-only cars (WOC) a solution to groping? A survey among college students in Tokyo/Kanagawa, Japan”, International Journal of Comparative and Applied Criminal Justice, Vol. 44/4, pp. 293-305, http://dx.doi.org/10.1080/01924036.2020.1719533.
[76] Slovic, A. et al. (2016), “How Can Urban Policies Improve Air Quality and Help Mitigate Global Climate Change: a Systematic Mapping Review”, Journal of Urban Health, Vol. 93/1, pp. 73-95, http://dx.doi.org/10.1007/s11524-015-0007-8.
[81] Soret, A., M. Guevara and J. Baldasano (2014), “The potential impacts of electric vehicles on air quality in the urban areas of Barcelona and Madrid (Spain)”, Atmospheric Environment, Vol. 99/2, pp. 51-63, http://dx.doi.org/10.1016/j.atmosenv.2014.09.048.
[30] Sostero, M. et al. (2020), “Teleworkability and the COVID-19 crisis: a new digital divide?”, Eurofound.
[55] Steer (2020), The Covid-19 Funding Gap: The Case for Continuing Support for Urban Public Transport, http://www.steergroup.com (accessed on 9 October 2020).
[10] Sustainable Development Commission (2011), Fairness in a Car-dependent Society - Fairness in Transport: Finding an alternative to car dependency.
[89] Taylor, B. (2010), How Fair is Road Pricing? Evaluating Equity in Transportation Pricing and Finance, Bipartisan Policy Center.
[123] Temmer, J. and H. Venema (2017), Building a Climate-Resilient City: Transportation infrastructure, Institut international du développement durable, https://www.iisd.org/system/files/publications/pcc-brief-climate-resilient-city-transportation-infrastructure.pdf.
[34] TomTom (2020), Tracking the impact of COVID-19 through traffic, https://www.tomtom.com/covid-19/ (accessed on 7 October 2020).
[91] TransForm (2019), Pricing Roads, Advancing Equity.
[39] TransitCenter (2020), Transit Is Essential: 2.8 Million U.S. Essential Workers Ride Transit to Their Jobs - TransitCenter, https://transitcenter.org/2-8-million-u-s-essential-workers-ride-transit-to-their-jobs/ (accessed on 7 October 2020).
[53] Transport for London (2017), Land value capture - Final report.
[42] UITP (2020), COVID-19 pandemic: Resuming public transport services post-lockdown - UITP, https://www.uitp.org/publications/covid-19-pandemic-resuming-public-transport-services-post-lockdown/ (accessed on 7 October 2020).
[108] UIT and UNESCO (2019), The State of Broadband: Broadband as a Foundation for Sustainable Development.
[98] van Lierop, D. and A. El-Geneidy (2016), “Enjoying loyalty: The relationship between service quality, customer satisfaction, and behavioral intentions in public transit”, Research in Transportation Economics, Vol. 59, pp. 50-59, http://dx.doi.org/10.1016/j.retrec.2016.04.001.
[33] Venter, Z. et al. (2020), “COVID-19 lockdowns cause global air pollution declines”, Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, Vol. 117/32, pp. 18984-18990, http://dx.doi.org/10.1073/pnas.2006853117.
[111] Wiprächtiger, D. et al. (2019), “Access-based business model innovation in frontier markets: Case study of shared mobility in Timor-Leste”, Technological Forecasting and Social Change, Vol. 143, pp. 224-238, http://dx.doi.org/10.1016/j.techfore.2019.02.004.
[72] WorldPop (2020), WorldPop datasets, https://www.worldpop.org/ (accessed on 3 November 2020).
[5] Zhou, Y., J. Wang and H. Yang (2019), “Resilience of Transportation Systems: Concepts and Comprehensive Review”, IEEE Transactions on Intelligent Transportation Systems, Vol. 20/12, pp. 4262-4276, http://dx.doi.org/10.1109/tits.2018.2883766.
[47] Zhu, P. et al. (2018), “Metropolitan size and the impacts of telecommuting on personal travel”, Transportation, Vol. 45/2, pp. 385-414, http://dx.doi.org/10.1007/s11116-017-9846-3.