L’écart d’émissions observé entre les scénarios d’ambitions inchangées et élevées tient principalement au recours aux nouvelles technologies de propulsion de véhicule et aux carburants alternatifs bas carbone. Ce chapitre décrit les engagements et dispositions (mesures répondant au principe « Améliorer ») susceptibles d’ouvrir la voie à la transition vers les véhicules et carburants à émissions nulles. Des sections de ce chapitre analysent spécifiquement la transition vers des véhicules routiers propres, le défi posé par la décarbonation des transports aérien et maritime et l’importance de prendre en considération les disparités régionales.
Perspectives des transports FIT 2023
4. Des parcs de véhicules plus propres, la clé pour décarboner les transports
Abstract
En résumé
Il est impératif de respecter un calendrier ambitieux pour le déploiement des véhicules et carburants de substitution à émissions nulles
Un avenir où les véhicules et les carburants propres sont monnaie courante est atteignable. Pour atteindre les objectifs énoncés dans l’Accord de Paris, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures qui améliorent les véhicules et sources d’énergie nécessaires à leur fonctionnement mais aussi fixer un calendrier très ambitieux pour opérer la transition. La priorité doit être donnée aux mesures qui influent sur les instruments de gestion de la demande de transport et en multiplient les avantages ainsi qu’aux mesures favorisant le transfert modal vers les solutions plus propres.
La mise en œuvre accélérée de mesures liées aux véhicules et carburants propres explique aux trois quarts la différence de réduction d’émissions mesurée entre les scénarios d’ambitions inchangées et élevées. Elle dépend toutefois du soutien et du financement publics et appelle une collaboration et coordination intersectorielles plus étroites.
Les progrès en matière de véhicules propres sont tangibles dans de nombreux pays. La transition est incontestablement en marche, compte tenu de la solidité des engagements pris par les pouvoirs publics dans certaines régions. En fait, il est possible que le parc mondial de véhicules thermiques dédié au transport de voyageurs culmine dès les années 2020, même dans le scénario d’ambitions inchangées (fondé sur l’hypothèse que les pays honorent les engagements existants).
Dans plusieurs marchés dominants, l’objectif est que les véhicules zéro émission représentent 100 % des ventes de voitures neuves en 2035. Cela ne suffira pas pour décarboner les transports routiers : le mouvement doit s’étendre à d’autres pays et types de véhicules. Dans le scénario d’ambitions élevées, il est supposé que l’objectif de 100 % de ventes de véhicules zéro émission aura été partout atteint en 2050. À mesure que l’écart de prix se réduira entre les véhicules zéro émission et les véhicules thermiques, il faudra cibler davantage les incitations pour que la transition soit plus équitable.
Une bonne connaissance du renouvellement des flottes et du marché mondial de la voiture d’occasion peut aider les responsables en charge de l’élaboration des politiques publiques à cerner les mesures de décarbonation à prendre à titre provisoire en fonction du contexte. Les pouvoirs publics devront aborder autrement la décarbonation des plus gros véhicules, comme les bus et les poids lourds. Un moyen d’en réduire le coût de fonctionnement est des équiper de motorisation électrique, moins coûteux à exploiter et à entretenir.
Les transports aérien et maritime sont difficiles à décarboner. Dans ces secteurs, réduire les émissions de CO₂ coûte cher et les progrès technologiques sont lents. Il va falloir que les carburants alternatifs y deviennent plus largement disponibles et affichent une plus grande compétitivité-coûts que les carburants classiques, ce qui suppose une action publique ciblée.
Les exemptions de taxes sur les carburants dont bénéficient les secteurs du transport aérien et maritime nuisent à la réalisation de leurs objectifs de décarbonation. Il faudrait les suspendre. La tarification carbone sera essentielle pour remédier à ces obstacles structurels et les supprimer. De même, le rapprochement des prix des carburants classiques, bas carbone et zéro émission pourrait engendrer de nouvelles sources de recettes qui permettront de financer la mise en place des infrastructures nécessaires à la décarbonation.
Il n’empêche que la décarbonation des transports aérien et maritime ne se fera pas en un jour. Pour maximiser les émissions évitées dans l’ensemble de l’économie, les responsables en charge de l’élaboration des politiques publiques doivent donner la priorité aux carburants alternatifs dès lors que les solutions employées ailleurs (notamment l’électrification totale) ne sont pas applicables, compte tenu en particulier de la concurrence qui s’exerce entre les secteurs autour des carburants de substitution.
Orientations recommandées
Fixer des objectifs et instaurer une collaboration intersectorielle en vue de décarboner tous les parcs de véhicules.
Cibler les incitations et restreindre l’accès des véhicules fortement émetteurs dans les villes de façon à encourager le recours aux véhicules routiers à émissions nulles.
Pour accélérer ce mouvement, déployer des infrastructures de recharge publiques.
S’appuyer sur les mesures de tarification pour améliorer la viabilité commerciale des carburants de substitution bas carbone.
Pour contrôler les émissions liées au transport et atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, le secteur transport au niveau mondial devra mettre en œuvre toute une série de mesures et d’améliorations technologiques. Ce chapitre s’intéresse tout particulièrement aux efforts qui devront être déployés pour traduire en actions concrètes les engagements en faveur d’une transition vers des parc de véhicules plus propres, ainsi qu’aux avantages et défis potentiels de cette transition.
S’appuyant sur les principes bien connus « éviter, changer et améliorer », il aborde la transition vers des véhicules routiers propres dans les secteurs du transport de voyageurs et du transport de marchandises. Il examine ensuite les difficultés spécifiques que représente la décarbonation des secteurs du transport aérien et maritime. Pour une analyse des mesures relatives à la gestion de la demande (relevant de la stratégie « Éviter ») et au report modal (relevant de la stratégie « Changer »), reportez-vous au chapitre 3.
Même dans le scénario d’ambitions élevées, les contextes locaux peuvent limiter le niveau de transformation permis par les seules politiques fondées sur les principes « Éviter » et « Changer ». Pour parvenir à une décarbonation de ces secteurs, les pouvoirs publics devront prendre des engagements relevant de la stratégie « Améliorer », axés sur une réduction de la dépendance des véhicules et des navires aux combustibles fossiles. L’adoption de technologies propres et le remplacement des sources d’énergie en faveur de solutions renouvelables s’avèrent également essentiels, mais devront passer par une collaboration intersectorielle.
Amélioration des véhicules et des carburants : il est temps d’agir
Les Perspectives des transports du FIT assurent un suivi sur la durée des émissions de dioxyde de carbone (CO₂) liées au secteur des transports au niveau mondial. Le Graphique 4.1 illustre le volume total d’émissions projetées pour les différents types de véhicules à l’horizon 2050 selon les deux scénarios d’action retenus dans ce rapport (voir le chapitre 2 pour une description complète de ces scénarios).
Les véhicules de transport routier (dont les voitures particulières, les deux et trois-roues, les autobus, les véhicules utilitaires légers et les véhicules utilitaires lourds) sont à l’origine de la majorité des émissions liées au transport selon les deux scénarios d’ambitions inchangées et élevées (voir le Graphique 4.1). La prépondérance des véhicules de transport routier en termes d’émissions de CO₂ est particulièrement prononcée dans les zones urbaines pour les modes de transport de voyageurs et de marchandises.
Les mesures favorisant un report vers des modes de transport plus propres peuvent être plus facilement mises en place dans les milieux urbains, où il existe une offre variée de modes de transport. Les émissions urbaines ne comptent toutefois que pour 32 % de l’ensemble des émissions de CO₂ liées au transport de voyageurs et 28 % de celles liées au transport de marchandises. Dans le cas de trajets de plus longue distance ou dans le contexte du transport non urbain, et donc lorsque les modes de transport aérien et maritime sont prédominants, la capacité des pouvoirs publics à mettre en œuvre des politiques de report modal est plus limitée.
La modélisation réalisée aux fins de la présente édition des Perspectives montre également que, dans le contexte non urbain, la plupart des produits de base sont déjà acheminés par les modes de transport les plus économiques (voir le chapitre 3). Les efforts visant à décarboner les transports en dehors des milieux urbains dépendront par conséquent des progrès réalisés dans le report vers des véhicules et carburants moins polluants.
À mesure que les pays mettent en œuvre des politiques en faveur de véhicules, d’avions et de navires plus propres, les émissions de certains types de véhicules commenceront à baisser, même selon le scénario d’ambitions inchangées, mais cette baisse ne sera pas suffisamment rapide pour obtenir le niveau nécessaire de réduction des émissions. Comme le montrent les politiques sur lesquelles s’appuie le scénario d’ambitions élevées, il sera nécessaire d’accélérer et de généraliser l’adoption de flottes de véhicules plus propres.
La rapidité de la transition du parc mondial vers des véhicules moins polluants dépendra de la disponibilité des technologies, or cette disponibilité varie selon les différents types de véhicules. Elle dépend toutefois également du taux de renouvellement du parc de véhicules existants, des investissements dans les infrastructures sous-jacentes (p. ex. : renforcement du réseau électrique et développement des infrastructures de recharge) et de la mise en place de mesures réglementaires ou d’incitations fortes pour promouvoir les véhicules plus propres.
Les responsables en charge de l’élaboration des politiques publiques qui envisagent l’adoption de mesures plus rapides ou plus ambitieuses pour décarboner le secteur des transports de leur pays doivent aussi tenir compte des interdépendances qui existent dans les chaînes d’approvisionnement en énergie et en technologies. Le mix énergétique mondial repose principalement sur les énergies fossiles et doit évoluer vers les énergies propres. Il conviendra par ailleurs de renforcer les réseaux électriques afin de fournir les capacités supplémentaires suffisantes pour soutenir les projets d’électrification.
Une quantité considérable de matières premières, et plus particulièrement de ressources minérales critiques pour les batteries, sera nécessaire pour répondre à la demande de technologies rendant possible la transition vers un parc de véhicules plus propres. Cette transition dépendra donc, de façon importante, à la fois du calendrier et du niveau d’investissement dans l’exploitation minière, la production de matériaux critiques et la fabrication de technologies énergétiques propres (FIT, 2021[1]).
Transition vers des véhicules routiers propres : un objectif essentiel et réalisable
Dans les deux scénarios d’action examinés dans la présente édition des Perspectives, les véhicules routiers représentent la part la plus importante d’émissions de CO₂ pour les secteurs du transport de voyageurs et de marchandises, soit 71 % des émissions liées au transport en 2019 (voir le Graphique 4.1). Les déplacements en voiture particulière ou en autobus comptent pour la majorité de l’activité de transport de voyageurs en milieu urbain et non urbain. Les voitures particulières sont à l’origine de 33 % des émissions, soit la part la plus importante de tous les types de véhicules. Les autobus, à l’inverse, ne génèrent que 7 % des émissions, bien qu’ils permettent de répondre à la forte demande de transport de voyageurs. Les poids lourds représentent quant à eux 23 % des émissions du secteur des transports, soit la deuxième part la plus importante de tous les types de véhicules. Les véhicules utilitaires légers, en comparaison, ne sont responsables que d’une faible part des émissions routières (6 %).
L’électrification des véhicules jouera un rôle déterminant dans la décarbonation du secteur des transports. Une augmentation de la part des véhicules zéro émission permet de réduire l’intensité en carbone des activités de transport dans la mesure où ces véhicules génèrent moins d’émissions sur l’ensemble de leur cycle de vie que les technologies conventionnelles de motorisations qui utilisent des combustibles fossiles qui utilisent des combustibles fossiles. Même en tenant compte du mix électrique mondial moyen actuel, l’intensité en carbone des véhicules électriques sur l’ensemble de leur cycle de vie est environ 40 % inférieure à celle des véhicules utilisant des combustibles fossiles (FIT, 2021[1]).
Des mesures d’action publique en faveur de la transition vers des véhicules zéro émission (afin, par exemple, de décarboner les réseaux électriques) peuvent contribuer à réduire davantage les émissions liées au transport. Cependant, ces politiques doivent également permettre de lutter contre les effets d’autres émissions associées au cycle de vie des véhicules, et notamment d’émissions générées par la production et la distribution de carburants, les processus de fabrication et la mise au rebut des véhicules hors d’usage.
La fin annoncée des voitures particulières à moteur à combustion interne
Les véhicules à moteur à combustion interne constituent encore la majorité du parc automobile dans le monde. De nombreux pays ont néanmoins déjà mis en œuvre des politiques en faveur d’une accélération de l’adoption de véhicules plus propres. Une mesure en particulier consiste à définir des objectifs de ventes pour les voitures particulières à faibles émissions et zéro émission. Sur la base des engagements d’action publique existants, les véhicules zéro émission devraient représenter un quart du parc de véhicules particuliers au niveau mondial en 2035.
Bien que le rythme d’adoption des véhicules plus propres varie d’une région à l’autre, le pic mondial de ventes de voitures particulières à moteur à combustion interne pourrait déjà avoir été atteint (voir le Graphique 4.2). Même si le parc de véhicules devrait continuer de se développer dans les deux scénarios, il convient de noter que la part des véhicules à moteur thermique dans le parc de voitures particulières au niveau mondial ne devrait plus augmenter si les ambitions inchangées sont atteintes. D’après le scénario d’ambitions inchangées, la moitié des voitures particulières à l’échelle mondiale seront des véhicules zéro émission en 2050. À titre de comparaison, dans le scénario d’ambitions élevées, la part des véhicules zéro émission dans le parc mondial de voitures particulières devrait être d’au moins de 80 % (voir l’encadré 4.1).
Encadré 4.1. Hypothèses du scénario d’ambitions élevées concernant l’adoption des véhicules zéro émission
Les résultats présentés dans ce chapitre supposent que tous les véhicules neufs mis en vente dans les économies émergentes seront des véhicules zéro émission à l’horizon 2040, conformément à la trajectoire très ambitieuse d’émissions nulles de la Global Fuel Economy Initiative (Cazzola et al., 2021[2]). La vitesse à laquelle s’opèrent ces changements suppose également que les économies émergentes atteindront l’objectif de 100 % de ventes de véhicules zéro émission avec un certain décalage par rapport aux économies développées, et que tous les pays ne seront pas en mesure de réaliser cette transition au même rythme.
Dans de nombreuses économies émergentes, les véhicules d’occasion provenant d’économies développées constituent une part importante des nouvelles immatriculations qui rejoignent chaque année leur parc de véhicules. Un rapport récent du Programme des Nations Unies pour l’Environnement s’est penché sur la réglementation encadrant l’importation de véhicules d’occasion dans 146 pays à travers le monde, y compris les dispositions d’interdiction, les limites d’âge, les normes d’émission ou encore les mesures budgétaires. Sur l’ensemble des pays examinés, ils étaient 61 (principalement en Afrique) à ne prévoir aucune restriction à l’importation et 18 à restreindre l’importation de véhicules au-delà d’un certain âge, fixé entre 9 et 15 ans maximum (PNUE, 2020[3]).
Ces Perspectives partent de l’hypothèse que les véhicules d’occasion exportés vers les économies émergentes ont en moyenne 15 ans d’âge. Autrement dit, l’adoption des véhicules à émissions nulles dans les économies émergentes dépendra en très grande partie des exportations de véhicules d’occasion en provenance d’économies développées. En cas d’augmentation particulièrement forte de la demande de mobilité dans les économies émergentes, de nombreuses ventes concerneront des véhicules supplémentaires qui viendront s’ajouter au parc existant, plutôt qu’ils ne remplaceront d’anciens véhicules dans une logique de renouvellement. Ce phénomène entraînera une augmentation rapide de la part des véhicules zéro émission dans le parc de véhicules des économies émergentes. Le marché mondial des véhicules d’occasion et ses incidences sur l’adoption des technologies à émissions nulles sont cependant généralement mal compris.
Au moment de la rédaction du présent rapport, des travaux sont en cours au sein du FIT pour mieux déterminer l’ampleur du marché des véhicules d’occasion et ses effets sur l’adoption des véhicules électriques dans les économies émergentes.
Le scénario d’ambitions élevées s’appuie sur plusieurs hypothèses. On présuppose ainsi que les autorités respectent leurs engagements d’action publique et que les objectifs des Breakthrough Agenda 2030 (voir le chapitre 1) sont atteints dans leur grand majorité. L’un de ces objectifs est que les véhicules zéro émission représentent 100 % des ventes de véhicules utilitaires légers à l’horizon 2035 dans quatre principaux marchés (République populaire de Chine, États-Unis, Japon et Union européenne). La réalisation de cet objectif permettrait d’atteindre une part de 30 % à 40 % de véhicules utilitaires légers zéro émission à l’horizon 2035.
Parmi les principaux marchés identifiés dans les Breakthrough Agenda 2030, seule l’Union européenne a adopté une politique en phase avec cet objectif sous la forme d’un accord visant à arrêter progressivement la vente de véhicules à moteur thermique jusqu’en 2035 dans le cadre des propositions législatives de l’« Ajustement à l’objectif 55 » (CE, 2022[4]). Les ÉtatsUnis ont établi un objectif intermédiaire de 50 % de ventes de véhicules zéro émission pour 2030, lequel est intégré dans le scénario d’ambitions inchangées. En avril 2023, cet objectif a été porté à 60 %. Le Japon a également fixé un objectif de ventes pour 2035, mais celui-ci inclut les véhicules électriques hybrides non rechargeables bien qu’ils n’entrent pas dans la catégorie des véhicules zéro émission (METI, 2020[5]).
En termes de parts des ventes, la Chine et l’Union européenne sont bien plus avancées que d’autres marchés. En Chine, le parc de voitures particulières représente 73 % de l’ensemble des voitures particulières de l’Asie de l’Est et du Nord-Est (région « ENEA »). En 2022, les ventes de véhicules électriques comptaient déjà pour plus de 20 % des voitures particulières en Chine (EV Volumes, 2022[6]), soit un objectif à l’origine établi pour 2025 (Chinese State Council, 2021[7]). L’Union européenne a aussi déjà dépassé son objectif pour 2025 (Agence européenne pour l'environnement, 2022[8]). Les quatre principaux marchés identifiés dans les Breakthrough Agenda 2030 représentaient ensemble plus de la moitié des ventes de voitures particulières neuves en 2021 et ont la capacité d’accélérer la transition vers les véhicules zéro émission à l’échelle mondiale grâce aux économies d’échelle.
À quelques rares exceptions près (comme le Canada, la Corée ou la Norvège), les véhicules électriques représentaient en 2022 seulement 1 % à 3 % du parc automobile dans les autres régions. Même dans les régions où des politiques publiques ont été mises en œuvre pour accélérer l’adoption des véhicules électriques à batterie, le rythme d’adoption n’est pas suffisamment soutenu pour atteindre le niveau de décarbonation défini dans le scénario d’ambitions élevées. La trajectoire actuelle n’a pas l’ambition nécessaire et n’inclut pas les objectifs intermédiaires concrets ou les mécanismes spécifiques à l’échelle mondiale pour permettre une réduction des émissions en phase avec les objectifs de l’Accord de Paris (CCNUCC, 2021[9]).
Sur la base des engagements d’action publique actuels, à partir de 2035 les ventes de véhicules à moteur à combustion interne se feront principalement dans les économies émergentes, créant par là même occasion un marché mondial des voitures particulières à deux vitesses. Ces résultats reflètent le soutien limité des pouvoirs publics et les nombreuses difficultés qui se posent en termes de fiabilité du réseau électrique, de pouvoir d’achat et d’infrastructures de recharge. La transition vers un parc de véhicules plus propres devra donc passer par la mise en place de mesures provisoires dans les économies émergentes, parmi lesquelles le remplacement des flottes anciennes, le contrôle des importations de véhicules d’occasion ou encore l’introduction de normes d’émissions (lorsque celles-ci ne sont pas déjà adoptées).
Axer uniquement les mesures sur les voitures particulières n’est toutefois pas la solution miracle pour engager la transition vers un parc de véhicule plus propre. Cette approche peut en effet générer d’autres problèmes, comme une consommation de l’espace et un encombrement importants en milieu urbain. L’intégration de véhicules zéro émission dans le parc de véhicules de transport de voyageurs se fait plus rapidement pour les voitures que les autres types de véhicules (dont les deux et trois-roues, et les autobus). En effet, les dispositifs d’incitation visant à accélérer l’adoption de véhicules électriques à batterie en tant que voitures particulières ont porté leurs fruits dans de nombreuses régions et font partie des contributions déterminées au niveau national de nombreux pays (voir le chapitre 1).
À mesure que se réduit l’écart entre le coût d’acquisition des véhicules électriques à batterie et celui des véhicules à moteur thermique, l’application généralisée des incitations à l’achat de véhicules électriques devra être réexaminée. En effet, ces incitations pourraient ne plus correspondre aux objectifs d’une transition plus équitable. Les consommateurs à faible revenu ont tendance à être plus sensibles aux prix et sont susceptibles de dépendre davantage d’un véhicule particulier dans l’accès aux possibilités d’emploi. Des niveaux de remise progressifs établis en fonction des revenus pourraient permettre d’obtenir des résultats plus équitables, et s’avérer plus économiques que d’autres types d’incitations (DeShazo, Sheldon et Carson, 2017[10]).
Malgré l’importance des mesures d’action publique visant à accélérer l’adoption de voitures particulières plus propres en milieu urbain, celles-ci devraient s’inscrire en complément de mesures destinées à réduire l’utilisation de voitures particulières, comme les restrictions d’accès ou de stationnement. Des incitations à l’achat de deux et trois-roues pourraient également être envisagées par les responsables en charge de l’action publique. La part de ces modes de transport dans le parc véhicules urbains a en effet progressé de manière positive dans certains contextes et ils occupent en outre une surface plus faible de l’espace urbain. De la même manière, la demande de vélos à assistance électrique peut s’avérer plus élastique que celle des véhicules zéro émission. Les incitations à l’achat de vélos électriques pourraient par conséquent être plus rentables et équitables que des incitations comparables en faveur des voitures particulières (Bigazzi et Berjisian, 2021[11]).
Les flottes de transport collectif et en commun constituent une opportunité pour faire progresser l’adoption des véhicules à faibles émissions
Selon le scénario d’ambitions inchangées, les émissions générées par l’ensemble des modes de transport urbain (hors voitures particulières) devraient augmenter sous l’effet de la croissance de la demande de déplacement. Cependant, même si les émissions issues des modes de transport collectif et en commun (soit les trains de voyageurs et les autobus) sont vouées à augmenter, ces modes de transport génèrent un volume plus faible d’émissions de CO₂ par passager-kilomètre que les voitures particulières. Les autobus sont en effet trois fois plus performants que les voitures particulières pour cet indicateur, et les trains de voyageurs produisent sept fois mois d’émissions de CO₂ par passager-kilomètre.
Environ 30 % du total mondial de kilomètres par chemin de fer sont déjà électrifiés (UIC, 2022[12] ; RailwayPro, 2021[13]). La grande partie des flottes d’autobus à l’échelle mondiale utilisent toutefois des combustibles fossiles (voir le Graphique 4.3). Le principal engagement d’action publique axé sur la décarbonation des autobus est un protocole d’accord mondial soutenu par plus de 25 pays en vue d’atteindre 100 % de ventes de véhicules zéro émission pour le segment des véhicules utilitaires lourds et moyens à l’horizon 2040 (TDA, sans date[14]). D’autres autorités nationales et infranationales se sont engagées à n’acquérir que de flottes de véhicules publics zéro émission. En Inde par exemple, un programme coordonné au niveau infranational a validé l’achat de plus de 5 000 autobus électriques, faisant du pays l’un des principaux marchés pour ce type de véhicules zéro émission (UITP, 2020[15]).
L’Amérique latine s’efforce également de développer des flottes d’autobus propres : de nombreuses villes accélèrent ainsi le déploiement d’autobus zéro émission, et plus particulièrement Santiago (Chili) (Galarza, 2020[16]) et Bogota (Colombie) (Bedoya, 2021[17]). Néanmoins, compte tenu des engagements existants en faveur de la transition vers des flottes zéro émission au niveau mondial, environ un quart uniquement des autobus dans le monde devraient être des autobus électriques à batterie à l’horizon 2050 (voir le Graphique 4.3). Le scénario d’ambitions inchangées est donc très en retard par rapport aux Breakthrough Agenda 2030, lesquelles définissent en matière d’autobus un objectif de vente de 100 % de véhicules à zéro émission en 2030 dans quatre principaux marchés (Chine, ÉtatsUnis, Japon et Union européenne). Afin de réaliser les objectifs de réduction des émissions du scénario d’ambitions élevées, il est essentiel que les flottes d’autobus soient constituées de véhicules à faibles émissions et zéro émission.
Les modes de transport collectif public et réglementé constituent pour les responsables en charge de l’action publique un moyen direct de jouer sur le renouvellement du parc de véhicules grâce à des véhicules à faibles émissions et l’application de normes plus strictes pour les flottes de véhicules partagés. Les flottes d’autobus urbains se prêtent donc tout particulièrement à la transition en faveur de véhicules plus propres. Elles sont en effet parfaitement adaptées à une électrification directe en raison de l’intensité et de la prévisibilité de leur utilisation quotidienne. Par ailleurs, la centralisation des infrastructures de recharge des flottes d’autobus urbains s’avère particulièrement avantageuse dans les zones urbaines denses où l’espace disponible est limité.
Compte tenu des possibilités de déploiement de flottes d’autobus urbains électriques, le scénario d’ambitions élevées estime que plus de 80 % des autobus dans le monde pourront être électriques à l’horizon 2050, ce qui entraînera une baisse sensible des émissions dues à ces flottes en milieu urbain. La réalisation de cet objectif passe par la mise en place d’incitations à l’achat et par l’adoption de normes d’émissions plus contraignantes pour les autobus urbains. Ces mesures peuvent être associées à des investissements dans les infrastructures de sorte à améliorer les opérations de transport dans les zones urbaines (par exemple, sous forme de voies réservées ou de mesures de priorisation).
Étant donné la part de déplacements de voyageurs assurés par les transports publics informels dans les économies émergentes, le remplacement de véhicules très anciens devrait avoir une incidence sensible sur les émissions. Les programmes de mise au rebut peuvent par conséquent accélérer le report vers les véhicules plus propres dans ces contextes spécifiques. La croissance économique devrait en outre conduire à une formalisation plus marquée des modes de transport. En conséquence de cette évolution, les flottes d’autobus urbains relèveront de règlementations et de normes qui entraîneront une amélioration de leurs performances en termes d’émissions.
Les responsables en charge de l’action publique peuvent également améliorer l’accès au financement aux fins du renouvellement des flottes en coordonnant la passation des marchés publics, comme démontré en Inde, et en ciblant les incitations à l’achat sur les coopératives d’épargne et de crédit ou sur d’autres micro et petites entreprises exploitant des flottes de véhicules dédié au transport informel. Dans les zones non urbaines, les leviers d’action en faveur de la décarbonation de l’activité de transport de voyageurs reposent de façon importante sur une transition réussie vers une flotte de véhicules plus propres, et ce, en raison de la disponibilité limitée de solutions de transport de substitution. Les dispositifs d’incitation devraient cibler les exploitants d’autocars de courte et de longue distance dans ces environnements afin de leur permettre de renouveler leurs flottes de véhicules.
Les autorités de transport peuvent intégrer des normes d’émissions plus strictes, ainsi que des critères d’émission et de durabilité, pour l’acquisition de véhicules de transport collectif public et réglementé. Dans leurs contrats de concession, les autorités peuvent également prévoir des incitations financières pour les opérateurs qui exploitent des véhicules à faibles émissions ou encore définir des critères minimums pour les véhicules utilisés par les offrants retenus (FIT, 2020[18]).
Les réglementations encadrant l’octroi de licences pour les taxis, les véhicules de tourisme avec chauffeur ou les flottes de véhicules partagés peuvent également intégrer des normes d’émission. Au RoyaumeUni par exemple, Transport for London (TfL) exige des conducteurs de taxi titulaires d’une licence depuis 2018 que leurs véhicules soient « capables de n’émettre aucune émission » (zero-emission capable, ZEC) et a progressivement cessé d’octroyer des licences de taxi en cas d’utilisation d’un véhicule équipé d’un moteur diesel. Entre 2018 et 2021, TfL a accordé plus de 4 000 licences pour des véhicules ZEC neufs, lesquels représentaient alors près de 30 % de la flotte de véhicules de tourisme avec chauffeur. Avant la fin 2023, l’ensemble des nouveaux véhicules de tourisme avec chauffeur devraient être des véhicules capables de n’émettre aucune émission (TfL, 2020[19]). L’âge limite autorisé des véhicules utilisés en tant que taxis est fixé à 15 ans.
TfL a également prévu des subventions pour aider les conducteurs dans l’acquisition de véhicules à moindres émissions et travaille actuellement avec ses partenaires pour permettre l’installation de plus de 300 bornes publiques de recharge rapide (TfL, sans date[20]). En Belgique, la Région de Bruxelles-Capitale a intégré un « Ecoscore » dans les réglementations régissant les systèmes d’autopartage (Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2013[21]).
Une mue bas-carbone progressive est possible dans le secteur du transport de marchandises
La décarbonation du transport routier de marchandises a suscité moins d’intérêt que celle des modes de transport de voyageurs mais tous les prérequis sont désormais en place pour que puisse s’opérer une mue progressive en faveur d’un système logistique à faibles émissions de carbone. Pour les exploitants de véhicules commerciaux, la décision de remplacer une flotte existante par de nouveaux véhicules repose avant tout sur des critères financiers. Les technologies des véhicules électriques se sont développées de telle manière que de nombreux cas d’utilisation devraient bientôt être concurrentiels en termes de coût par rapport aux véhicules conventionnels utilisant des combustibles fossiles.
L’électrification du transport routier de marchandises devrait vraisemblablement commencer par les petits véhicules et changer progressivement d’échelle pour couvrir à terme les poids lourds les plus gros (voir le Graphique 4.4). Compte tenu du prix actuel des batteries, les véhicules utilitaires légers produits à grande échelle peuvent déjà être concurrentiels en termes de coût par rapport aux véhicules conventionnels à moteur diesel pour de nombreuses applications (FIT, 2020[22]). Leurs conditions d’exploitation, qui incluent un kilométrage annuel élevé et des exigences d’autonomie prévisible, en font un type de véhicules parfaitement adapté à l’utilisation de motorisations électriques, en particulier en milieu urbain et pour des déplacements de courte distance. L’électrification a la capacité de réduire les coûts de fonctionnement des véhicules, dans la mesure où les véhicules électriques engendrent des coûts d’exploitation et de maintenance bien plus faibles que les véhicules conventionnels.
En Europe, les véhicules électriques d’un poids supérieur à 7.5 tonnes devraient atteindre la parité du coût total de possession avec les véhicules conventionnels à moteur diesel dans les années 2030 (FIT, 2022[23]). Cependant, des mesures d’action publique destinées à réduire les obstacles à l’adoption de ce type de véhicules doivent être mises en place afin de consolider la confiance dans la transition et limiter les incertitudes. Les Breakthrough Agenda 2030 définissent un objectif de vente de 100 % de poids lourds électriques en 2040 dans les principaux marchés (Chine, ÉtatsUnis, Japon et Union européenne). Reprenant le même objectif, le protocole d’accord mondial relatif aux véhicules utilitaires lourds et moyens a déjà été signé par pas moins de 25 pays (TDA, sans date[14]).
Le scénario d’ambitions élevées considère que les principales économies qui n’ont pas encore signé ce protocole d’accord mondial vont atteindre des objectifs tout aussi ambitieux et que l’ensemble des autres pays atteindront cet objectif avec un retard d’une dizaine d’années en raison d’obstacles liés à leurs situations spécifiques. L’adoption des véhicules de transport de marchandises zéro émission est par conséquent plus rapide dans le scénario d’ambitions élevées que dans le scénario d’ambitions inchangées (voir le Graphique 4.4).
Si les mesures d’action publique appropriées sont mises en place pour justifier économiquement le recours au transport routier de marchandises à faibles émissions de carbone, il est possible d’accélérer la généralisation des véhicules zéro émission, comme le présuppose le scénario d’ambitions élevées. Les politiques permettant la réalisation du scénario d’ambitions élevées incluent les primes à l’achat, les mesures de tarification des usagers de la route, ainsi que les taxes sur les carburants et les émissions de carbone. Ces instruments d’actions devront toutefois évoluer à mesure des différentes étapes de la transition.
Durant les premiers temps, les incitations à l’achat et la gratuité des péages routiers peuvent accroître l’adoption initiale des véhicules à émissions nulles, mais aussi stimuler les économies d’échelle de sorte à réduire les coûts d’acquisition. Ces mesures devraient également cibler les petites entreprises individuelles afin de compenser les coûts d’acquisition initiaux plus élevés des véhicules à émissions nulles. En milieu urbain, l’activité de transport de marchandises repose très largement sur les véhicules particuliers à moteur, même dans le cas des livraisons du premier et du dernier kilomètre. La demande devrait également augmenter et les incitations en faveur des véhicules à émissions nulles devront par conséquent prendre en compte les règlementations relatives aux espaces urbains afin que ces activités soient à terme assurées par des deux et trois-roues et des vélos cargos à émissions nulles (voir le chapitre 3).
À un stade avancé de cette transition, les instruments d’action pourront intégrer des mesures visant à décourager activement l’utilisation de véhicules à moteur thermique, voire à interdire tout simplement la vente de nouveaux véhicules à moteur à combustion interne, et ce, afin d’atteindre les objectifs suggérés par les pouvoirs publics. En plus politiques régionales ou nationales visant à la fin progressive de la vente de véhicules neufs à moteur thermique, les autorités publique à l’échelle urbaine peuvent mettre en œuvre des mesures destinées à encourager une adoption plus rapide des véhicules propres.
Les zones d’accès restreint, également appelées « zone à faibles émissions » ou « zones environnementales », limitent l’accès de certains véhicules à certaines zones de manière à réduire la pollution et autres émissions nocives pour l’environnement. Les véhicules autorisés dans les zones à faibles émissions doivent respecter certains critères ou normes en matière d’émissions, lesquels dépendent de l’objectif à atteindre et de la manière dont chaque zone a été conçue.
Une nouvelle génération de zones zéro émission commencera à voir le jour dans les prochaines années, à mesure que les pays mettent en œuvre des réglementations nationales afin de promouvoir la généralisation des véhicules zéro émission au sein des villes. Auparavant, le principal objectif de ces zones consistait souvent à réduire les émissions de polluants (particules, par exemple) en encourageant une baisse du trafic et un renouvellement du parc de véhicules (Ellison, Greaves et Hensher, 2013[24]). À l’avenir, elles pourront également avoir pour objectif de réduire les émissions de CO₂ afin de stimuler le remplacement du parc de véhicules.
Si elles sont mises en œuvre par les autorités urbaines, de telles politiques pourront présenter un double intérêt : d’une part, en réduisant les embouteillages susceptibles de découler de la baisse des coûts associés à l’exploitation de véhicules à émissions nulles et, d’autre part, en donnant la priorité aux modes de transport partagé et collectif en milieu urbain. Le chapitre 5 aborde de manière plus approfondie les différents avantages du déploiement de flottes de véhicules plus propres dans les zones urbaines.
Le pari des infrastructures de recharge et de ravitaillement
Le rythme auquel sont déployées les infrastructures de recharge et de ravitaillement pourrait entraver la transition vers des véhicules plus propres. Pour remédier à cette situation, les responsables en charge de l’action publique devront renforcer non seulement leur engagement mais aussi les investissements dans ces infrastructures. En 2021, il y avait dans le monde environ 10 véhicules utilitaires légers pour chaque borne de recharge accessible au public et un peu plus de 2.4 kW de puissance électrique disponible par véhicule électrique. La croissance des infrastructures de recharge dans le monde tient principalement au déploiement massif de chargeurs rapides en Chine (AIE, 2022[25]).
L’installation de bornes de recharge pour les véhicules électriques peut nécessiter jusqu’à une année entière et même bien plus longtemps dans le cas des chargeurs rapides. Dans la mesure où un soutien renforcé des politiques publiques en faveur des véhicules électriques à batterie entraîne une augmentation des ventes, l’écart entre le nombre de véhicules électriques à batterie en circulation et le nombre de bornes de recharge accessibles au public risque de se creuser de plus en plus. Bien que les bornes de recharge à domicile constituent une partie de la réponse à ce problème, des solutions publiques de recharge devront être mises en place afin de réduire l’angoisse liée à l’autonomie limitée des véhicules.
Plusieurs pays se sont engagés à investir dans les infrastructures de recharge des véhicules électriques par le biais de subventions en capital ou de fonctionnement, à travers des partenariats public-privé ou encore par le développement de réglementations ou l’élaboration de programmes pilotes. Plus de 1.8 million de bornes de recharge accessibles au public pour véhicules électriques étaient ainsi déjà installées en 2021 dans le monde (AIE, 2022[25]). Il faudra cependant du temps pour renforcer le réseau électrique de sorte à accompagner l’élargissement du réseau de bornes de recharge, dans la mesure où la plupart des pays ne disposent encore que de moins de la moitié de la puissance nécessaire à l’horizon 2030 pour prendre en charge le parc de véhicules électriques (Rajon Bernard et al., 2022[26]).
Le déploiement d’infrastructures de recharge nécessite également une approche en réseau, s’appuyant sur des normes et des politiques complètes, ainsi que sur une coordination des processus entre les différentes juridictions (par exemple, entre les secteurs des transports, de l’aménagement du territoire et de l’énergie). Il conviendra par ailleurs de veiller à ce que le déploiement de ces infrastructures ne retarde pas l’adoption de flottes de véhicules propres. Dans le cadre de la planification et du financement de solutions de recharge des véhicules électriques, les responsables en charge de l’action publique devront donc chercher à mieux comprendre les besoins des utilisateurs et des opérateurs (FIT, 2022[23]).
S’agissant des classes de véhicules de plus grand gabarit et l’activité de transport de marchandises de plus longue distance, les exigences en termes d’autonomie rendent les solutions de recharge plus difficiles à mettre en œuvre. Pour les autres véhicules, dont les voitures particulières, les flottes d’autobus urbains et les véhicules utilitaires légers intervenant en ville, une recharge de nuit peut suffire. Pour les autorités de transport public et les prestataires de transport de marchandises dans ces mêmes contextes, une recharge au dépôt ou à l’entrepôt peut également s’avérer suffisante. Les responsables en charge de l’action publique pourraient plutôt cibler les mécanismes d’incitation sur les petites et moyennes entreprises, lesquelles peuvent mettre davantage de temps à installer ces infrastructures en raison des dépenses d’investissement sous-jacentes (FIT, 2022[23]).
Lorsqu’une recharge au dépôt ou à l’entrepôt ne permet pas d’assurer les besoins en matière d’autonomie, des infrastructures publiques de recharge en cours d’itinéraire devront être déployées. Les bornes de recharge filaires fixes constituent l’option la plus répandue, mais cela pourrait présenter des difficultés en termes d’exploitation des véhicules et retarder la transition pour les autocars de longue distance ou pour les prestataires de transport de marchandises qui ont besoin de flexibilité dans leurs activités. Les infrastructures de recharge installées le long d’axes essentiels assurant les déplacements en milieu non urbain pourraient permettre d’accélérer la transition vers des véhicules zéro émission.
Par exemple, dans le cadre de son programme de couloirs dédiés aux carburants alternatifs (Alternative Fuels Corridor, AFC), l’agence fédérale américaine en charge des autoroutes (Federal Highway Administration, FHWA) développe un réseau inter-États d’équipements de recharge et de ravitaillement de véhicules utilisant les carburants alternatifs (p. ex. : pour la recharge des véhicules électriques ou le ravitaillement en hydrogène). À travers ce programme, la FHWA peut collaborer avec des partenaires des secteurs public et privé afin de déployer une infrastructure de ravitaillement dans des zones pour lesquelles une coopération entre plusieurs juridictions est nécessaire. Ce programme adopte également une approche en réseau pour la mise en œuvre de l’infrastructure de ravitaillement, et ce, dans le but d’atténuer les préoccupations liées à l’autonomie des véhicules pour les utilisateurs qui envisagent d’opter pour un véhicule à émissions nulles (USDoT FHWA, 2021[27]).
La proposition de règlement de la Commission européenne relative aux infrastructures et aux carburants de substitution (composante du paquet « Ajustement à l’objectif 55 ») prévoit des règles contraignantes en faveur des infrastructures de recharge et de ravitaillement pour les véhicules routiers. Les approches coordonnées et transjuridictionnelles de déploiement d’infrastructures de recharge peuvent permettre de lever des obstacles importants qui auraient autrement nuit à une adoption accélérée des véhicules zéro émission. Ces obstacles incluent la capacité du réseau électrique, les procédures complexes d’autorisation, l’occupation des sols ou encore les contraintes en matière de financement.
Certains pays envisagent également la mise en place de systèmes de routes électriques, lesquels permettent le transfert d’électricité entre la route et les véhicules en circulation, et ce, en raison de leurs avantage potentiels (en termes de réduction de la taille des batteries des véhicules utilitaires lourds) et de leur efficacité (par opposition aux bornes de recharge fixes). La Chine, l’Europe et les ÉtatsUnis mènent tous les trois des expérimentations à partir de différents types de systèmes de routes électriques. Bien que ces systèmes impliquent des coûts d’investissement particulièrement élevés, ils pourraient néanmoins constituer la voie technologique la moins onéreuse par rapport aux bornes de recharge fixes à haute puissance (Rogstadius, 2022[28]).
La possibilité de recouvrer ces coûts dépendra du taux d’utilisation des systèmes de routes électriques. La collaboration transversale avec le secteur de l’énergie et entre les juridictions sera une condition préalable au déploiement réussi des systèmes de routes électriques. La France, par exemple, travaille actuellement à l’élaboration d’une stratégie nationale de déploiement d’un système de routes électriques, comparable à l’approche en réseau du programme AFC de la FHWA (Ministère de la Transition écologique, 2021[29]).
Ces systèmes présentent un risque financier potentiel lié à une faible utilisation dans les premiers temps de l’adoption des véhicules zéro émission. Pour parer à ce risque, les autorités responsables du domaine public routier peuvent également envisager d’établir des contrats de concession avec des entités privées pour la conception, le financement, la construction, l’exploitation et la maintenance des systèmes de routes électriques. Ces contrats pourraient en outre être accompagnés de mesures de tarification des usagers de la route afin de financer les infrastructures, lesquelles mesures pourraient être adaptées de sorte à cibler les utilisateurs des systèmes de routes électriques. Les incidences financières du déploiement d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques sont décrites plus en détail dans le chapitre 6 du présent rapport.
Un long chemin à parcourir : le défi de la décarbonation des secteurs maritime et aérien
Les secteurs maritime et aérien sont considérés comme « difficiles à décarboner » en raison du coût élevé des mesures de réduction des émissions et de leur niveau de préparation technologique relativement faible. La plupart des émissions imputables aux navires et aux avions sont générées sur des trajets de longue distance, lesquels sont difficiles à électrifier et nécessitent des carburants à haute densité énergétique.
Le secteur aérien représente ainsi 14 % des émissions mondiales liées au transport. Les émissions dues au transport aérien de voyageurs et de marchandises sont étroitement liées, dans la mesure où près de la moitié du transport aérien de marchandises est acheminé sur des vols réguliers de passagers (JADC, 2021[30]). En 2050, selon le scénario d’ambitions inchangées, les émissions du transport aérien devraient baisser de 24 % (voir le Graphique 4.5). Les améliorations considérables réalisées en matière d’intensité carbone du bouquet de carburants retenu dans le scénario d’ambitions inchangées constituent le principal facteur de cette baisse.
Le scénario d’ambitions inchangées s’appuie sur des hypothèses fondées sur des politiques extrêmement ambitieuses en faveur d’une baisse de l’intensité en carbone des carburants, et en particulier l’initiative « ReFuel EU » de l’Union européenne et l’initiative « Sustainable Aviation Fuel Grand Challenge » des États-Unis. Ces politiques prévoient une augmentation massive de la part des carburants d’aviation bas carbone dans leurs régions respectives. Ces politiques ambitieuses et les améliorations continues dont bénéficient les avions en matière d’efficacité énergétique ont la capacité de compenser amplement la forte augmentation de la demande. Le scénario d’ambitions élevées intègre des niveaux comparables d’ambition pour la décarbonation des carburants d’aviation à l’échelle mondiale, plutôt que de les limiter uniquement à la région UCAN et à l’Europe.
Bien que le secteur maritime ne soit pas à l’origine d’une part importante des émissions liées au transport de voyageurs à l’échelle mondiale, il comptait néanmoins pour 29 % des émissions liées au transport de marchandises en 2019. Selon le scénario d’ambitions inchangées, les émissions liées au transport maritime de marchandises devraient augmenter de 35 % à l’horizon 2050 (voir le Graphique 4.5). Ces estimations sont établies à partir d’une évaluation fondée sur les voyages en mer, laquelle prend en compte les émissions depuis le port d’origine jusqu’au port de destination pour le transport maritime de marchandises. Ces évolutions s’expliquent principalement par une augmentation de l’activité de transport dans ce secteur.
Les efforts déployés pour décarboner les secteurs maritime et aérien devraient s’appuyer sur l’adoption à grande échelle de carburants alternatifs bas carbone, notamment pour les trajets de longue distance (AIE, 2020[31]). Ces carburants alternatifs incluent par exemple les biocarburants compatibles avec les infrastructures existantes et les carburants de synthèse (ou « e-carburants »), lesquels ne sont encore qu’à un stade précoce de développement. Accroître la production de carburants alternatifs bas carbone par le biais d’un soutien ciblé des pouvoirs publics permettra de baisser les coûts et d’augmenter par là même la pénétration du marché grâce à une réduction des incertitudes à long terme.
La capacité des carburants alternatifs à éviter les émissions dépend toutefois de leurs modes de production. Dans le cas des carburants alternatifs d’origine biologique (biocarburants), leur empreinte carbone doit prendre en compte les modifications indirectes qu’ils suscitent en termes d’occupation des sols, ainsi que l’électricité nécessaire à la production d’hydrogène. Dans le cas des carburants de synthèse, produits au moyen d’électricité, c’est l’intensité carbone du mix énergétique utilisé qui détermine leur empreinte carbone. L’approvisionnement en carbone (p. ex. : extraction directe dans l’air) et la production d’hydrogène (p. ex. : électrolyse de l’eau) sont des processus qui nécessitent d’importantes quantités d’énergie.
Réglementer de manière adaptée l’intensité en carbone des carburants de substitution sera donc essentiel pour assurer une réduction nette des émissions par rapport aux combustibles fossiles. Il conviendra également que les responsables de l’action publique introduisent des « critères d’additionnalité », de sorte à garantir la création de nouvelles capacités d’énergie renouvelable pour la production d’hydrogène plutôt que l’affectation d’électricité verte existante, ce qui entraînerait une détérioration de l’intensité en carbone du mix énergétique (FIT, 2023[32]).
Les carburants alternatifs feront enfin l’objet d’une vive concurrence entre les différents secteurs d’activité. Pour maximiser la réduction des émissions dans l’ensemble de l’économie, les responsables en charge de l’action publique doivent donner la priorité aux carburants alternatifs dès lors que certains obstacles financiers et technologiques rendent inexploitables d’autres technologies (électrification, par exemple).
L’accès à des technologies susceptibles d’être déployées à l’échelle requise dans le secteur aérien constitue un obstacle majeur à la transition vers un parc de véhicules zéro émission. La viabilité commerciale des carburants et des sources d’énergie alternatives constitue un obstacle plus important pour le secteur maritime. Pour assurer la transition de ces secteurs vers un modèle zéro émission, les responsables en charge de l’action publique doivent étudier toute une série de mesures susceptibles d’accélérer le développement de solutions technologiques adaptées, et ce, tout en répondant à la demande. Ces mesures incluent notamment l’investissement dans la recherche et le développement (R&D), la mise en place d’objectifs d’incorporation de carburants alternatifs afin de réduire l’intensité en carbone des combustibles fossiles, ou encore des dispositifs de tarification visant à réduire l’écart de prix entre les combustibles fossiles et les carburants alternatifs.
Les carburants durables pour l’aviation seront l’un des piliers de la réduction des émissions
Le secteur aérien reconnaît la nécessité d’une décarbonation de ses activités. La plupart des pays et de nombreux groupes sectoriels se sont ainsi engagés à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les représentants des principales associations du secteur de l’aviation dans le monde et des plus grands constructeurs et motoristes aéronautiques ont ainsi concrétisé cet engagement en signant en 2021 la déclaration « Commitment to Fly Net Zero 2050 » (Engagement pour la neutralité carbone des vols à l’horizon 2050) (ATAG, 2021[33]).
De nombreux pays ont par ailleurs adhéré en 2022 à l’« objectif ambitieux mondial à long terme pour l’aviation civile internationale » de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI, 2022[34] ; IATA, 2021[35]). Cet objectif de zéro émission nette est particulièrement ambitieux, puisqu’il nécessitera la mise en œuvre de différentes évolutions en matière de réduction des émissions, comme l’adoption de carburants d’appoint à faibles émissions de carbone, le développement d’aéronefs et d’activités plus performants, la conception de nouvelles technologies de propulsion, ou encore la mise en place d’une tarification du carbone et de compensations carbone pour les émissions résiduelles (FIT, 2021[36] ; FIT, 2023[32]).
Le secteur considère que les carburants d’aviation durables, soit des carburants d’appoint liquides compatibles avec les avions existants, seront le principal moteur de la réduction des émissions. Les carburants d’aviation durables sont produits directement à partir de biomasse ou de façon synthétique à partir d’hydrogène et de carbone capté, grâce à un procédé de conversion d’électricité en liquide (power-to-liquid, PtL). Parmi les différents types de carburants d’aviation durables, les mieux adaptés au marché sont ceux qui sont produits à partir de bioénergie de première génération. Ces carburants pourraient constituer une solution de réduction des émissions à court terme s’ils sont produits à partir de matières premières durables. La bioénergie avancée et le PtL sont les sources de production qui permettent généralement les réductions d’émissions les plus importantes, mais leur développement technologique n’en est encore qu’à ses prémices.
Aujourd’hui, le coût des carburants d’aviation durables s’élève à plusieurs fois le coût du kérosène conventionnel et la production disponible de carburants d’aviation durables reste relativement limitée, ce qui explique pourquoi ces carburants représentent à l’heure actuelle moins de 0.01 % du marché des carburants d’aviation (FIT, 2023[32]). Certaines annonces des acteurs du secteur et des pouvoirs publics laissent toutefois penser que cette part devrait fortement augmenter dans les années à venir. La Commission européenne, par exemple, prépare actuellement une législation qui permettrait d’atteindre une part de marché de 85 % de carburants d’aviation durables en 2050 (Parlement européen, 2022[37]).
Les ÉtatsUnis ont quant à eux défini un objectif encore plus ambitieux et prévoient ainsi une transition complète vers les carburants d’aviation durables à l’horizon 2050. Ces ambitions sont reflétées dans les hypothèses retenues pour les deux scénarios d’action examinés dans la présente édition des Perspectives. Le scénario d’ambitions élevées prévoit également une augmentation de la part des carburants moins polluants, en phase avec un niveau d’adoption plus ambitieux des carburants d’aviation durables à l’échelle mondiale (voir le Graphique 4.6).
Les avions à hydrogène et à propulsion électrique, qui tirent parti de technologies de propulsion innovantes, pourraient également contribuer aux avancées réalisées dans la décarbonation du secteur par les avions conventionnels utilisant des carburants d’aviation durables. Les avions à hydrogène peuvent soit disposer d’un turboréacteur à hydrogène (comparable à un moteur à réaction classique), soit intégrer des piles à combustible pour transformer l’hydrogène en électricité. Compte tenu des limitations technologiques, ces avions ne peuvent assurer que des vols court-courriers et moyen-courriers, et sont donc moins susceptibles de constituer une solution de substitution pour les lignes long-courriers (voir l’encadré 4.2).
Plusieurs constructeurs travaillent actuellement au développement d’avions exploitant les technologies de propulsion électrique et à hydrogène, pour une possible entrée sur le marché dans les années 2030. Bien que ces technologies ne soient pas disponibles pour le moment, les analyses existantes estiment que selon le taux de développement technologique escompté dans le scénario d’ambitions élevées, la distance franchissable maximale des avions à hydrogène capables d’assurer le transport de 165 passagers pourrait s’élever à 3 400 km, alors que celle des avions à propulsion électrique alimentés par batteries et transportant 19 passagers pourrait s’élever à 350 km (Mukhopadhaya et Graver, 2022[38] ; Mukhopadhaya et Rutherford, 2022[39]).
Le scénario d’ambitions élevées examiné dans cette édition des Perspectives s’appuie également sur un taux de développement technologique particulièrement ambitieux. Selon ce scénario, on estime qu’en 2050 les avions à hydrogène pourraient représenter 8 % du total mondial de passagers-kilomètres pour les lignes moyen-courriers et 4 % du total mondial de passagers-kilomètres pour les lignes court-courriers. Dans les mêmes conditions, on estime que les avions à propulsion électrique alimentés par batteries pourraient représenter 18 % des passagers-kilomètres du transport aérien court-courriers (voir le Graphique 4.7). Ces chiffres couvrent une part importante des vols, mais seulement une faible part de la consommation d’énergie et des émissions générées par le secteur aéronautique, lesquelles restent en grande partie imputables aux lignes long-courriers.
Le scénario d’ambitions élevées ne tient toutefois pas compte de plusieurs difficultés associées aux nouvelles technologies de propulsion des avions. Ces difficultés ne font qu’accroître les incertitudes quant à la disponibilité effective de ces technologies. Les aéroports devront par exemple être équipés en temps opportun de nouvelles infrastructures de ravitaillement afin de prendre en charge les aéronefs exploitant ces nouvelles technologies. La mise en œuvre de ces technologies pourrait en outre nécessiter une adaptation des pratiques opérationnelles actuelles (FIT, 2023[32]).
La mise en place d’incitations pourrait aider l’industrie des carburants d’aviation durables à assurer les réductions d’émissions nécessaires pour atteindre l’objectif de zéro émission nette du secteur aérien à l’horizon 2050. Un soutien en faveur d’une intensification anticipée de la production et du déploiement des carburants d’aviation durables permet d’encourager une réduction des coûts dès aujourd’hui pour contribuer demain à leur adoption généralisée. Des exigences strictes en matière de transparence des réductions d’émissions et autres critères de durabilité permettraient par ailleurs de garantir les performances environnementales des carburants d’aviation durables. Outre le fait qu’ils ne génèrent qu’un faible taux d’émissions, les carburants d’aviation durables offrent des possibilités de développement industriel et peuvent contribuer à renforcer la résilience de l’approvisionnement en carburant. Les pays qui investissent dans la production de ces carburants peuvent créer de la valeur au niveau national et même passer du statut d’importateurs à celui d’exportateurs de carburant (FIT, 2022[40]).
La transition vers des avions plus performants sera complémentaire à l’adoption des carburants d’aviation durables. Les nouvelles générations d’avons affichent généralement des performances énergétiques 25 % à 30 % supérieures à celles des modèles de la génération précédente. Les compagnies aériennes ont tendance à investir dans des avions plus performants dans le but de réduire leurs coûts en carburant, à mesure que les constructeurs aéronautiques y apportent de nouvelles améliorations, notamment afin de renforcer les performances des moteurs (Eurocontrol, 2020[41]). Il restera important d’améliorer l’efficacité énergétique des technologies aéronautiques existantes, et ce, malgré l’augmentation de la part de marché des carburants à faibles émissions de carbone. La raison à cela est que la disponibilité d’avions plus performants peut servir de rempart contre l’augmentation du coût des carburants sous l’effet du prix plus élevé des carburants d’aviation durables.
Une réduction de la consommation de carburant peut également permettre d’éviter les difficultés d’approvisionnement en produits de base pour la production de carburants d’aviation durables. Une amélioration de l’exploitation des avions peut également contribuer à réduire les émissions imputables au secteur aéronautique. À titre d’exemple, le partage des responsabilités touchant au contrôle du trafic aérien entre les pays peut permettre l’établissement de trajectoires de vol plus directes. Cette amélioration opérationnelle pourrait ainsi réduire la consommation de carburant de 9 % à 11 % rien qu’en Europe (Eurocontrol, 2020[41]).
Encadré 4.2. Modélisation des nouvelles technologies de propulsion et des carburants d’aviation
Présenté pour la première fois en 2019, le modèle de transport non urbain de voyageurs du FIT permet de simuler le développement de l’activité des transports, de la répartition modale et des émissions de dioxyde de carbone (CO₂) dues au transport régional et interurbain à l’horizon 2050. Ce modèle segmente le monde en près de 1 200 zones différentes, toutes centrées autour d’un aéroport ou des aéroports d’une même ville. Il donne ensuite une estimation du nombre personnes, du nombre de voyageurs-kilomètres, des combinaisons des modes de transport, de la consommation d’énergie et des émissions de CO₂ par mode, et ce, pour chaque zone et chaque itinéraire entre ces zones. Le modèle prend en compte les modes de transport aérien, ferroviaire, routier (y compris automobile et par motocycle), par autobus et par ferry. Dans le cas des modes de transport aérien et par ferry, seules les données relatives à l’activité de transport interurbain sont disponibles.
Le modèle est en permanence mis à jour et amélioré. Pour cette nouvelle édition des Perspectives, celui-ci a été adapté de sorte à mieux refléter l’utilisation des nouvelles technologies de propulsion, comme les avions à hydrogène et à propulsion électrique, et des carburants d’aviation durables. L’avenir des avions électriques et à hydrogène dépend dans une large mesure des coûts et du développement de leurs technologies respectives. La disponibilité d’électricité et d’hydrogène d’origine renouvelable et bon marché sont des conditions indispensables à une utilisation à grande échelle de ces technologies.
Les limitations technologiques inhérentes aux avions électriques et à hydrogène, leur efficacité énergétique et les dépenses d’investissements nécessaires au remplacement des avions sont des facteurs essentiels qui permettront de déterminer quelles lignes aériennes conventionnelles sont adaptées à cette nouvelle génération d’avions. Les taxes sur les émissions de carbone augmentent également l’avantage de coût des avions électriques et à hydrogène par rapport aux avions conventionnels alimentés en kérosène. La généralisation des carburants d’aviation durables dépend en outre de la décision des pouvoirs publics et des acteurs du secteur d’imposer progressivement l’utilisation de mélanges de carburants sur les lignes assurées par les aéronefs conventionnels.
Pour chaque ligne aérienne, le modèle détermine la technologie et le type de carburant les mieux adaptées, à intervalles de cinq ans et en trois étapes :
1. Le modèle vérifie que la ligne est adaptée aux limitations technologiques des avions électriques et à hydrogène (distance franchissable et capacité d’accueil par vol).
2. Lorsque des normes de carburants d’aviation durables sont appliquées au point d’origine, le modèle met à jour le coût en carburant pour les avions conventionnels de sorte à prendre en compte le coût supplémentaire inhérent à l’utilisation de carburants d’aviation durables.
3. Il évalue ensuite si le coût en carburant des avions conventionnels et des taxes sur les émissions de carbone dépassent les coûts associés aux avions électriques et à hydrogène (dépenses d’investissement et coûts en carburants). Le cas échéant, les nouveaux avions remplacent les avions conventionnels sur l’ensemble des vols assurant la ligne aérienne concernée.
Le scénario d’ambitions élevées examiné dans cette édition des Perspectives rend compte d’aspirations plus élevées en termes de développement technologique, d’application de normes en matière de carburant, de taxation du carbone et d’évolution du coûts des carburants. Dans le scénario d’ambitions élevées, les technologies des batteries des avions à propulsion électrique permettent d’atteindre une puissance de 500 Wh/kg et d’assurer ainsi le transport de 19 passagers sur des lignes aériennes d’une distance de 350 km, et de 90 passagers sur une distance de 300 km à l’horizon 2050 (Mukhopadhaya et Graver, 2022[38]).
Parallèlement à cela, les avion à hydrogène d’une capacité de 165 passagers et assurant une distance franchissable de 3 400 km devraient être disponibles à partir de 2035 (Mukhopadhaya et Rutherford, 2022[39]). Toutefois, le coût élevé des carburants par rapport au kérosène ordinaire, d’une part (Mukhopadhaya et Rutherford, 2022[39]), et les dépenses d’investissement supplémentaires nécessaires en comparaison avec les avions conventionnels, d’autre part, pourraient ralentir l’adoption généralisée des avions à hydrogène jusqu’en 2050 (Fuel Cells and Hydrogen 2 Joint Undertaking, 2020[42]).
L’accès à des carburants alternatifs bas carbone sera essentiel pour le transport maritime
À l’instar du secteur aérien, le secteur maritime et son autorité de réglementation, l’Organisation maritime internationale (OMI), reconnaissent tous deux la nécessité de réduire les émissions générées par le transport maritime et les activités connexes. Adoptée en 2018, la stratégie de réduction des émissions de l’OMI définit pour 2050 un niveau d’ambition de réduction d’au moins 50 % en valeur absolue par rapport à 2008 (IMO, 2020[43]). Cette stratégie identifie des mesures potentielles à court, moyen et long terme afin d’atteindre ce niveau d’ambition. Plusieurs autres mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique des navires ont été mises en œuvre depuis 2015 et durcies tous les cinq ans par la suite. Des orientations non contraignantes relatives aux mesures opérationnelles visent quant à elles à augmenter les gains d’efficience.
L’OMI a également adopté des mesures complémentaires en 2021, parmi lesquelles l’obligation technique d’améliorer l’efficacité énergétique des navires existants, ainsi que des prescriptions en matière de réduction de l’intensité carbone opérationnelle des navires existants. Cependant, la réduction des émissions permise par ces mesures complémentaires devrait être relativement limitée et il est peu probable qu’elles contribuent aux efforts nécessaires pour atteindre le niveau d’ambition défini dans le cadre de la Stratégie initiale de l’OMI concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre (FIT, 2022[44]).
Le scénario d’ambitions élevées suppose que l’adoption généralisée des carburants alternatifs bas carbone pour l’ensemble de l’activité de transport maritime permet la mise en place d’une flotte de navires moins polluants pour 2050, conformément aux objectifs des Breakthrough Agenda 2030. Il considère également que 15 % à 20 % du transport maritime sera assuré par des navires à propulsion électrique, s’appuyant sur les projets existants d’électrification du transport maritime de courte distance et des activités de cabotage.
À l’instar du secteur aérien, le secteur maritime doit s’appuyer sur un ensemble de mesures qui permettront d’atteindre le niveau de réduction des émissions défini dans le scénario d’ambitions élevées. Ces mesures incluent notamment le déploiement de carburants d’appoint bas carbone, des investissements dans les technologies de propulsion zéro émission (y compris à propulsion vélique), des mesures d’efficacité énergétique à bord, une rénovation des navires, ou encore des investissements dans les infrastructures portuaires. Les responsables de l’action publique devront tenir compte de la disponibilité et de l’intensité en carbone de carburants de substitution, de la viabilité commerciale des navires à émissions nulles et du coût des infrastructures portuaires sous-jacentes.
Bien que ces carburants soient encore peu utilisés, les compagnies de transport maritime manifestent un intérêt croissant pour les carburants alternatifs et bas carbone. Ceux-ci incluent les biocarburants, largement utilisés dans le transport routier et compatibles avec les technologies et les infrastructures existantes, et les carburants de synthèse produits à l’aide procédés PtL. Bien que ces derniers puissent également être compatibles avec les infrastructures et technologies existantes, ils sont beaucoup plus onéreux que d’autres types de carburants et leur niveau de préparation technologique reste encore relativement limité. Les responsables en charge de l’action publique pourraient, d’une part, envisager d’imposer des obligations d’incorporation de biocarburants pour les carburants d’appoint, et ce, afin d’encourager une utilisation croissante des carburants de substitution à faibles émissions de carbone dans le transport maritime et, d’autre part, commencer à encourager le développement de carburants de synthèse en soutenant les efforts de R&D.
Le méthanol, qui a fait l’objet d’expérimentations dans le cadre de différents projets pilotes, constitue également une application prometteuse des carburants alternatifs bas carbone. Celui-ci est d’ailleurs compatible avec les moteurs classiques modifiés et peut être utilisé seul ou incorporé à des mélanges de diesel conventionnel. L’OMI a approuvé le méthanol en tant que carburant exploitable dans ses orientations provisoires relatives aux carburants à faible point d'inflammabilité (Interim Guidelines for Low Flash Point Fuels). Plusieurs compagnies de transport maritime ont passé commande de navires à méthanol et ce carburant est disponible dans plusieurs ports à travers le monde à partir des infrastructures existantes. Néanmoins, compte tenu des techniques et des niveaux de productions actuels, les émissions sur l’ensemble du cycle de vie du méthanol seraient supérieures à celles des carburants conventionnels du transport maritime (FIT, 2023[32]).
Ces carburants alternatifs ne contribueront de manière sensible à la décarbonation du secteur maritime que si l’énergie nécessaire à leur production provient de sources bas carbone. Compte tenu de la forte intensité carbone de la production actuelle de ce type de carburants, les responsables en charge de l’action publique ont un rôle à jouer pour faire en sorte que leur production soit davantage vertueuse. Des normes de plus en plus contraignantes pourraient par exemple être introduites dans le cadre d’un paquet de mesures visant à encourager l’utilisation de carburants de substitution. L’initiative FuelEU Maritime en est un exemple et s’inscrit dans la lignée d’une proposition de norme mondiale sur les carburants présentée à l’OMI (FIT, 2022[44]).
Les responsables en charge de l’action publique peuvent également collaborer avec les acteurs du secteur privé afin d’établir un socle de données pour les nouvelles technologies et d’identifier les possibilités de développement à grande échelle des options les plus viables. En Norvège par exemple, le gouvernement et les compagnies de transport maritime se sont associés en 2015 dans le cadre d’un partenariat public-privé, appelé « Green Shipping Programme » afin d’établir un banc d’essai pour la décarbonation du transport maritime. Ce programme a permis la réalisation de plusieurs projets pilotes et il continue de développer une base de données pour le déploiement de solutions évolutives (Green Shipping Programme, s.d.[45]).
Le taux de renouvellement des navires constitue une autre difficulté dans l’accélération de l’adoption des carburants alternatifs bas carbone. Les navires ont une durée de vie maximale de 25 ans, ce qui veut dire qu’une part importante des navires en circulation aujourd’hui devraient le rester encore une dizaine d’années (FIT, 2020[46]). Par conséquent, la faible viabilité commerciale des navires zéro émission pourrait créer un goulet d’étranglement qui freinerait l’adoption des carburants et des technologies à émissions nulles. Pour garantir que l’ensemble des navires auront accès aux carburants à émissions nulles, un soutien des pouvoirs publics s’avérera nécessaire, que ce soit sous la forme d’investissements dans les infrastructures portuaires ou d’une modification de ces infrastructures de sorte à accompagner cette transition.
Les modifications nécessaires peuvent notamment inclure, de façon plus précise, le déploiement de nouvelles infrastructures de soutage, la mise en place de systèmes de recharge électrique au sein desquels les navires alimentés par batteries peuvent opérer, ou encore l’installation d’infrastructures d’approvisionnement en énergie. Dans la mesure où les coûts associés aux infrastructures portuaires devraient être particulièrement élevés, les investissements devront être échelonnés de manière coordonnée afin de faciliter l’adoption des navires à faibles émissions. Les propriétaires de navires doivent aussi moderniser leurs flottes afin de les équiper de technologies économes en énergie et les préparer à la transition vers des navires zéro émission.
Il conviendra également d’assurer la formation des marins dans l’utilisation des nouveaux carburants et des nouvelles technologies dans le cadre de toute stratégie mise en œuvre pour décarboner le secteur des transports maritimes. Plusieurs centaines de milliers de marins pourraient être amenés à suivre une formation supplémentaire, à mesure que les nouveaux carburants et types de moteurs sont introduits. Les incertitudes relatives à l’avenir des carburants dans le secteur du transport maritime retardent cependant la mise en place de ces formations. Il demeure possible de commencer à préparer les établissements de formation en prévision de ces besoins spécifiques, dans la mesure où, quels que soient les types de carburants utilisés, il apparait qu’à l’avenir la tendance générale sera à la recherche de marins « hautement qualifiés » (Kaspersen, Kalsen et Helgensen, 2022[47] ; Maritime Just Transition Task Force, 2022[48]).
Les responsables en charge de l’action publique devront collaborer avec les acteurs du secteur privé en vue de limiter certains des coûts de la transition. Ils pourront en outre jouer un rôle essentiel en assurant un soutien transjuridictionnel face aux exigences techniques en matière de conception. Une série de mesures devront être mises en œuvre dans le but d’accélérer la décarbonation du secteur maritime. Compte tenu du rythme de renouvellement des flottes, les normes sur les carburants et les mesures techniques et liées à la conception qui visent avant tout à améliorer l’efficacité énergétique des navires devraient être associées à des mesures fondées sur le marché, lesquelles peuvent améliorer la compétitivité-coûts des carburants alternatifs.
La tarification et les réglementations joueront un rôle central dans la décarbonation des secteurs difficiles à décarboner
À court terme, au-delà de chercher à augmenter les capacités de production de carburants alternatifs bas carbone, les mesures d’action publique peuvent se concentrer sur le rapprochement des prix de ces carburants et des carburants à forte intensité carbone. Les mesures de tarification du carbone, en particulier, peuvent contribuer à combler les différences de prix dans les secteurs maritime et aérien, deux secteurs où les carburants sont actuellement exonérés de taxes. Par ailleurs, les dispositifs de tarification du carbone aujourd’hui en vigueur excluent souvent le transport maritime ou sont limités aux vols régionaux (FIT, 2020[46] ; FIT, 2021[36]).
Tant que ce type d’exonérations (constituant une forme de subventionnement) resteront appliquées pour les avions et les navires, les solutions de substitution aux carburants conventionnels seront désavantagées. Ces exonérations vont ainsi à l’encontre de l’objectif de décarbonation et devraient être suspendues. La tarification du carbone est également un moyen de générer d’importantes recettes. Associée à des objectifs plus contraignants en matière de production de carburants à faibles émissions de carbone, cette tarification peut encourager l’amélioration des carburants et des flottes exploitées dans les secteurs maritime et aérien (FIT, 2022[44] ; FIT, 2021[36]).
Des dispositifs de tarification du carbone sont appliqués dans le secteur aérien aux niveaux national et régional. Cependant, comme l’illustre le Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, l’efficacité de tels instruments dépend d’une fixation adaptée des prix. Ainsi, une sous-tarification du carbone ne permettra pas de donner l’impulsion nécessaire pour susciter un véritable changement (FIT, 2021[36]). La modélisation réalisée aux fins de cette édition des Perspectives, qui suggère qu’une sous-tarification du transport aérien par comparaison à d’autres modes de transport entraîne une légère augmentation (0.2 point) de la part modale du transport aérien, confirme donc ces conclusions.
Quel que soit le dispositif, le prix du carbone doit être établi à un niveau suffisamment élevé pour être efficace et soutenir le développement continu des carburants de substitution, notamment dans les premières années où un tel dispositif de tarification du carbone est mis en œuvre (FIT, 2021[36]). Une approche mondiale de tarification, plutôt qu’une fixation des prix régionale ou multilatérale, permettrait d’éviter les distorsions du marché. Cette approche mondiale permettrait également de limiter le risque que des activités de production ne soient délocalisées vers des régions où sont appliquées des politiques climatiques moins contraignantes ou que des avions ne transportent un excédent de carburant afin d’éviter d’avoir à se ravitailler dans des pays où le coût des carburants est plus élevé, entraînant par là même une surconsommation de carburant et des émissions de CO₂ supplémentaires (FIT, 2021[36]).
Dans le cas du secteur maritime, la mise en œuvre d’un mécanisme mondial de tarification par un organisme tel que l’OMI permettrait de limiter l’incidence d’une tarification du carbone sur la compétitivité relative. Un tel mécanisme pourrait être mieux accepté que des dispositifs nationaux ou supranationaux qui couvrent accessoirement le transport maritime (FIT, 2022[44]). Il conviendra également que les transporteurs aient accès aux carburants à faibles émissions de carbone et que la mise à disposition d’infrastructures de ravitaillement et de recharge soit exigée dans les ports.
La possibilité d’affecter les recettes générées à ces améliorations constitue un autre avantage de l’introduction d’une tarification mondiale du carbone pour le secteur maritime, notamment dans les petits États insulaires en développement et les pays les moins développés qui sont fortement exposés aux effets du changement climatique. Les recettes de la tarification du carbone peuvent également aider à renforcer les capacités de production de technologies et de carburants de substitution à faibles émissions de carbone (Dominioni et Englert, 2022[49]).
L’OMI examine actuellement plusieurs propositions de tarification du carbone visant à corriger le déficit de recettes créé par l’exonération de taxes sur les émissions de carbone dont bénéficie le secteur du transport maritime. Ces propositions ont été évaluées dans le cadre des travaux du Groupe d’intérêt commun consacré à la décarbonation du transport maritime (voir l’encadré 4.3). Les mécanismes de tarification du carbone conçus sur le principe des systèmes de taxation avec remise (visant à récompenser les précurseurs dans le report vers des activités zéro émission), ainsi que les réglementations définissant les exigences techniques en matière de conception de navires et les normes encadrant les carburants à faibles émissions de carbone, pourraient constituer un arsenal complet de mesures d’action (FIT, 2022[44]). L’introduction d’un système de taxation avec remise à court terme pourrait s’avérer particulièrement efficace pour remédier au problème de la viabilité commerciale des nouvelles technologies et des nouveaux carburants alternatifs.
Encadré 4.3. Le projet du FIT en faveur de la décarbonation du secteur des transports
Le projet «Transport Decarbonisation: Driving Implementation » (Favoriser la décarbonation des transports) du FIT a pour objectif d’aider à recenser les moyens de réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO₂) dans trois domaines des transports reconnus comme difficiles à décarboner, soit le transport aérien, le transport maritime et le transport routier de marchandises lourdes. Il est en effet essentiel de réussir la transition vers des transports à faibles émissions de carbone et, à terme, zéro émission pour atteindre les objectifs climatiques fixés par la communauté internationale.
La décarbonation de ces trois domaines nécessitera des approches différentes de celles qui ont été adoptées pour d’autres modes de transport. Leur transition efficace et économe constitue une tâche autrement plus ardue que la gestion de la demande urbaine ou l’électrification du parc automobile privé. La question des technologies à exploiter fait débat, certaines n’étant d’ailleurs pas encore prêtes à être déployées. Par conséquent, il ne pourra donc pas y avoir de décarbonation sans soutien des pouvoirs publics et sans coopération internationale.
L’exécution de ce projet a été confiée à trois « groupes d’intérêt commun », chacun chargé d’un secteur et placé sous l’égide d’un pays. Ces groupes d’intérêt réunissent des experts des administrations, du secteur concerné, des milieux de la recherche et d’organisations non gouvernementales. À travers des échanges entre pairs, ces groupes permettront d’identifier les domaines dans lesquels un accord peut être trouvé et dans lesquels les travaux devront être poursuivis
Le but est de définir les priorités communes de recherche et d’innovation qui favoriseront la décarbonation du transport aérien, du transport maritime et du transport routier de marchandises lourdes, ainsi que de faciliter le déploiement et la commercialisation de solutions utiles. Les groupes d’intérêt commun sont ouverts aux pays membres du FIT, aux pays invités, aux acteurs du secteur concerné et autres grandes parties prenantes des transports. Pour l’heure, 31 pays y sont représentés.
Financé par la Commission européenne, ce projet s’inscrit dans le cadre de l’initiative plus large du FIT en faveur de la décarbonation du secteur des transports.
Source : www.itf-oecd.org/dtimplement.
Des différences qui font la différence : en quoi les disparités régionales pourraient ralentir la décarbonation
L’Europe et la région UCAN ont depuis toujours été à l’origine de la plus grande part des émissions liées au transport, mais elles commencent aujourd’hui à découpler les émissions dues au transport de voyageurs et les activités de transport associées (Saidi Kais, 2016[50]). Elles ont également pris des engagements d’action publique ambitieux afin de favoriser la transition vers des véhicules à émissions nulles. À mesure que les revenus et la population augmentent dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire inférieur, la demande de transport ne fera qu’augmenter. Sans la mise en place de politiques plus ambitieuses et sans soutien à la transition en faveur d’un parc de véhicules moins polluants dans ces régions, les émissions augmenteront également.
Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, un découplage des activités de transport et des émissions doit être opéré plus rapidement dans l’ensemble des régions et des secteurs du transport. C’est dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire inférieur que la différence de volume d’émissions entre les deux scénarios est la plus importante, ce qui souligne l’ampleur des changements qui doivent être opérés pour s’écarter de la trajectoire actuelle et atteindre les objectifs retenus dans le scénario d’ambitions élevées (voir le Graphique 4.8).
Les responsables de l’action publique ont la possibilité de remédier à cette situation en mettant en œuvre des mesures ciblées. Les milieux urbains continuent de présenter certaines des meilleures opportunités pour réussir la transition vers un parc de véhicules moins polluants. À titre d’exemple, les flottes de transport collectif, qui sont généralement sous le contrôle direct des autorités publiques, offrent la possibilité d’optimiser les infrastructures de recharge (FIT, 2021[1]).
L’appui financier de partenaires au développement s’avérera essentiel pour réunir une décarbonation du secteur à l’échelle mondiale. Le montant élevé des dépenses d’investissement reste un obstacle à la transition, d’autant qu’il peut être difficile d’attirer les investissements en raison des risques perçus. Les capacités apparentes des pays bénéficiaires en matière institutionnelle et de réglementation peuvent donner une indication sur la viabilité financière nécessaire pour attirer les investissements institutionnels (OCDE, 2022[51]). Les achats coordonnés d’autobus électriques au Chili, en Colombie et en Inde sont une parfaite illustration de cadres réglementaires favorables et d’une capacité à mettre en œuvre un tel projet.
Des approches comparables peuvent être appliquées dans d’autres contextes, à condition de disposer des sources de financement appropriées. Le financement climatique public joue un rôle essentiel dans le renforcement de la viabilité financière des investissements conséquents et dans la mobilisation de financements privés. En 2010, la Conférence des Parties (COP) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a entériné l’objectif de lever 100 milliards de dollars chaque année pour soutenir les initiatives climatiques dans les économies émergentes, et ce, dans tous les secteurs.
Cet objectif annuel avait été fixé jusqu’en 2020 mais a depuis été prolongé jusqu’en 2025. À ce jour, l’objectif de financement n’a jamais été atteint. Le secteur des transports au niveau mondial a toutefois bénéficié de 17 % des financements dévolus à l’atténuation du changement climatique, contre 46 % pour le secteur de l’énergie (OCDE, 2022[51]). Sur la période 201620, les pays à revenu intermédiaire inférieur et supérieur ont été les principaux bénéficiaires des financements climatiques, le plus souvent pour des projets « prêts à être mis en chantier » générant des flux de recettes.
L’accent mis sur les projets prêts à démarrer peut néanmoins nuire à l’accès des pays à revenu faible, lesquels peuvent subir des contraintes institutionnelles et nécessiter une adaptation de leurs activités (renforcement des capacités, par exemple) avant de s’engager dans des projets de grande ampleur. De nombreux pays ont mis en avant le manque de ressources techniques et humaines comme obstacles à l’établissement de rapports réguliers sur les activités financées, ce qui a pour effet de créer un manque de transparence, qui à son tour constitue un autre obstacle à l’accès au financement.
Dans ces situations, le financement climatique devrait également viser à permettre aux acteurs locaux de développer des plans globaux et des cadres de hiérarchisation des projets afin d’identifier les projets « à gains rapides » lorsque des fonds sont disponibles (OCDE, 2022[51]). Les responsables en charge de l’action publique peuvent quant à eux tirer parti de divers instruments afin d’éclairer les décisions d’investissement dans les secteurs du transport et d’établir les bases de l’accès au financement (voir l’encadré 4.4).
Le découplage des émissions liées au transport de marchandises et de l’activité de transport s’avère plus complexe compte tenu du rôle des échanges internationaux sur les émissions liées à la production, par rapport aux émissions liées à la consommation. Les émissions générées par le transport de marchandises peuvent en effet être affectées soit au lieu où ces marchandises sont produites, soit au lieu où elles sont consommées. Il est intéressant de noter que les données historiques montrent que l’élasticité des émissions et de la production a diminué au cours des années passées (dans le cas des activités de production), notamment dans les pays qui ont mis en œuvre des politiques nationales pour décarboner leur économie (Gail Cohen, 2018[53]).
Dans les économies émergentes, les émissions sont par conséquent inférieures, ou comparables, à celles observées dans les économies développées lorsque celles-ci étaient au même niveau de développement. Les obstacles restent toutefois plus importants dans les pays où une part élevée du PIB repose sur les secteurs primaire et secondaire, comme l’extraction et la fabrication (Gail Cohen, 2018[53]). Grâce à la mise en œuvre de politiques ambitieuses dans les économies émergentes et aux technologies à faibles émissions de carbone, il sera néanmoins possible de définir à l’avenir des trajectoires de développement à plus fiable intensité de carbone.
Encadré 4.4. Analyse du cycle de vie des modes de transport de voyageurs en Inde
Dans le cadre de son projet de décarbonation des transports dans les économies émergentes (Decarbonising Transport in Emerging Economies) et de l’initiative pour les transports en Asie à l’appui des contributions déterminées au niveau national (NDC Transport Initiative for Asia), le FIT a développé un outil d’analyse en cycle de vie spécifiquement pour le secteur des transports indien. Cet outil peut être utilisé pour évaluer la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre (GES) imputables à différents modes de transport. Il prend en compte les caractéristiques des véhicules, la technologie de motorisation, les vecteurs énergétiques, les processus de fabrication et de mise au rebut, ainsi que les infrastructures nécessaires à leur exploitation.
Dans le cadre d’une étude conjointe récente, le FIT et la Banque mondiale ont examiné dans quelle mesure les véhicules électriques à batterie indiens peuvent être considérés comme des véhicules propres, ainsi que les incidences du mix énergétique et des conditions d’exploitation locales sur les émissions de GES de différents modes de transport (ITF/World Bank, à paraître[54]). Dans cette étude sont examinés 25 véhicules électriques à batterie de transport de voyageurs et modes de transport à moteur thermique (véhicules à moteur à combustion interne), dont différents modèles de deux et trois-roues, de voitures individuelles, des taxis, de métros et d’autobus assurant des déplacements urbains et interurbains.
Les premiers résultats de l’enquête semblent indiquer que leur fabrication peut représenter environ 37 % des émissions de GES sur le cycle de vie dans le cas des véhicules électriques à batterie, et ce, en raison de l’intensité en émissions de la production des batteries. Dans le même temps, si l’Inde parvient à atteindre ses objectifs actuels en matière d’énergies propres, les émissions de GES des véhicules électriques à batterie seront plus faibles que celles des véhicules à moteur à combustion interne, tous types de véhicules confondus.
Les trois-roues affichent par ailleurs le plus fort pourcentage (environ 57 %) de réduction des GES par véhicule en opérant une transition des véhicules à moteur à combustion interne aux véhicules électriques à batterie. Le volume d’émissions de GES par passager-kilomètre généré par les nouveaux autobus urbains à moteur à combustion interne sur l’ensemble de leur cycle de vie est en outre inférieur à celui des différents modèles de voitures, taxis et motocycles individuels électriques à batterie. Autrement dit, en Inde, les investissements dans les autobus électriques à batterie et à moteur à combustion interne sont susceptibles de permettre une réduction des GES supérieure à l’électrification des voitures et des deux et trois-roues.
Cette étude met également en évidence une autre application pratique de cet outil, puisque celui-ci peut également être utilisé pour évaluer la part d’un mode de transport donné dans la consommation d’énergie et dans les émissions associées. Les enseignements tirés de ces résultats offrent des éléments probants pour orienter l’élaboration des politiques et éclairer les décisions d’investissement dans le secteur des transports.
Orientations recommandées
La rapidité de la transition vers des technologies zéro émission du parc de véhicules de transport à l’échelle mondiale repose sur une approche coordonnée entre les différents secteurs concernés. L’efficacité de cette approche déterminera également la mesure dans laquelle le scénario d’ambitions élevées peut être réalisé.
Fixer des objectifs et instaurer une collaboration intersectorielle en vue de décarboner tous les parcs de véhicules
Le mix énergétique mondial repose principalement sur les énergies fossiles et devra évoluer vers les énergies propres. Il conviendra par ailleurs de renforcer les réseaux électriques afin de fournir les capacités supplémentaires suffisantes pour soutenir les projets d’électrification. Pour satisfaire la demande des technologies nécessaires pour opérer la transition vers des parcs de véhicules moins polluants, un approvisionnement massif en matières premières devra être assuré, notamment de ressources minérales critiques pour la fabrication de batteries. La mise en œuvre des capacités suffisantes pour permettre cette transition dépendra du calendrier et du niveau d’investissement dans l’exploitation minière, la production de matériaux critiques et la fabrication de technologies énergétiques moins émissives. La mise en œuvre de politiques plus ambitieuses nécessitera également une collaboration intersectorielle, compte tenu des interdépendances qui existent dans les chaînes d’approvisionnement en énergie et en technologies.
Cibler les incitations et restreindre l’accès des véhicules fortement émetteurs dans les villes de façon à encourager le recours aux véhicules routiers zéro émission
La décarbonation des transports routiers représente un véritable défi dans certaines régions, que ce soit en termes de fiabilité du réseau électrique, de pouvoir d’achat, de manque d’infrastructures de recharge ou encore de soutien limité des pouvoirs publics. Il apparaît donc que tous les pays ne pourront pas atteindre les objectifs de décarbonation au même rythme. Il conviendra alors de déployer un arsenal complet d’instruments d’actions, lequel devra évoluer à mesure qu’avance le processus de transition.
Aux premiers stades de la transition, lorsque l’écart des coûts d’acquisition se resserre entre les véhicules électriques à batterie et les véhicules à moteur thermique, la mise en place d’incitations globales peut soutenir les primo-adoptants dans l’acquisition de véhicules propres. Lors des phases ultérieures de la transition, ces incitations pourraient être remplacées par des mesures plus ciblées, comme des remises progressives en fonction des revenus (p. ex., pour les voitures particulières, les deux et trois-roues ou les vélos électriques). Ces mesures devraient en outre être conçues de sorte à produire des résultats plus équitables. Des travaux complémentaires devront cependant être menés pour développer des mesures d’incitation à la fois justes et efficaces. Les incitations à l’achat de véhicules de transport de marchandises peuvent également cibler les petites entreprises individuelles, de sorte à compenser les coûts d’acquisition initiaux plus élevés des véhicules propres. Les restrictions d’accès et la tarification différenciée des usagers de la route pourraient ensuite constituer des mesures d’action sur le plus long terme.
En milieu urbain, il serait judicieux d’introduire des dispositifs d’incitation axés sur les flottes de véhicules de transport partagé et collectif, ainsi que sur les infrastructures sous-jacentes, afin de réduire les embouteillages provoqués par les voitures particulières. Les autorités de transport peuvent intégrer des normes d’émissions plus strictes, ainsi que des critères d’émission et de durabilité, pour l’acquisition de véhicules de transport collectif public et réglementé. Les zones d’accès restreint, par exemple, permettent de limiter l’accès de zones spécifiques à certains types de véhicules, et ce, de manière à limiter la pollution et autres émissions nocives pour l’environnement. De telles politiques pourront présenter un double intérêt : d’une part, en réduisant les embouteillages susceptibles de découler de la baisse des coûts associés à l’exploitation de véhicules zéro émission et, d’autre part, en donnant la priorité aux modes de transport partagé et collectif en milieu urbain.
Pour assurer une transition équitable, il sera nécessaire de mieux comprendre les obstacles spécifiques aux différents environnements. Les économies émergentes peuvent associer des programmes de coordination des achats et de mise au rebut avec des incitations ciblées sur les micro et petites entreprises exploitant des flottes de véhicules dédiées de transport informel. Disposer d’une meilleure compréhension des taux de renouvellement des parcs de véhicules et du fonctionnement du marché mondial des véhicules d’occasion peut permettre aux responsables en charge de l’action publique d’identifier les mesures provisoires de décarbonation ne risquant pas de pérenniser des solutions sous-optimales pour certains contextes.
Déployer des infrastructures de recharge publiques pour accélérer le rythme d’adoption
Le manque d’infrastructures de recharge accessibles au public peut retarder l’adoption des véhicules zéro émission. Les investissements dans les réseaux publics de bornes de recharge pour véhicules électriques permettent de réduire les préoccupations liées à l’autonomie des véhicules et d’encourager l’adoption de véhicules zéro émission, notamment pour les activités de transport de marchandises et les déplacements non urbains de longue distance. Différents obstacles entravent néanmoins le déploiement d’infrastructures de recharge, comme les capacités existantes du réseau électrique, les procédures complexes d’autorisation, la destination de l’usage des sols et les contraintes en matière de financement. Les responsables en charge de l’action publique devront ainsi chercher à mieux comprendre les besoins des utilisateurs et des opérateurs dans le cadre de la planification et du financement des solutions de recharge.
Une approche en réseau, reposant sur des normes et des politiques complètes, ainsi que sur une coordination des processus entre les différentes juridictions, sera donc nécessaire. Le réseau électrique devra par ailleurs être renforcé pour accompagner le déploiement des infrastructures de recharge. Ces efforts devront également pouvoir s’appuyer sur une collaboration intersectorielle. Les autorités responsables du domaine public routier peuvent aussi envisager d’établir des contrats de concession avec des entités privées afin de parer au risque d’une faible utilisation dans les premiers temps de l’adoption des véhicules à émissions nulles. Ces contrats (p. ex., pour la conception, le financement, la construction, l’exploitation et la maintenance des infrastructures publiques de recharge de véhicules électriques) pourraient en outre être accompagnés de mesures de tarification des usagers de la route afin de financer les infrastructures, lesquelles mesures pourraient être adaptées de sorte à cibler spécifiquement les utilisateurs de ces infrastructures.
S’appuyer sur les mesures de tarification pour améliorer la viabilité commerciale des carburants alternatifs bas carbone
Dans le secteur aérien, les nouvelles technologies aéronautiques de propulsion qui permettront une évolution vers des flottes de véhicules moins polluants en sont encore à un stade précoce de développement, et certaines incertitudes demeurent quant à leur autonomie et à leur capacité à passer à l’échelle. De la même manière, même si le niveau de préparation technologique n’est pas un facteur aussi déterminant que dans le secteur maritime, la viabilité commerciale des navires zéro émission reste un obstacle important.
La décarbonation de ces deux secteurs dépend de l’adoption généralisée des carburants alternatifs bas carbone. Cela pose toutefois deux difficultés majeures, liées aux capacités de production de ces carburants et à leur déploiement à grande échelle. Pour que ces carburants alternatifs contribuent de manière sensible aux efforts de décarbonation, les importantes quantités d’énergie nécessaires à leur production devront provenir de sources à bas carbone. Une collaboration avec le secteur de l’énergie sera donc indispensable pour réduire l’intensité carbone de la production de carburants.
L’accès aux carburants alternatifs fera également l’objet d’une certaine concurrence entre les secteurs concernés. Les responsables en charge de l’action publique devront donc accorder la priorité de l’utilisation de ces carburants aux applications pour lesquelles des technologies comme l’électrification ne peuvent être exploitées. Ceci contribuera à maximiser la réduction des émissions dans l’ensemble de l’économie. Enfin, les mesures en faveur de flottes de véhicules moins polluants et d’une adoption généralisée des carburants alternatifs bas carbone ne pourront porter leurs fruits tant que les combustibles fossiles continueront de bénéficier de subventions directes ou indirectes. Les mesures de tarification du carbone auront donc un rôle à jouer pour remédier à cette difficulté en permettant un rapprochement des prix des carburants conventionnels et des carburants à faibles émissions de carbone.
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[12] UIC (2022), Railisa UIC Statistics, https://uic-stats.uic.org (consulté le 21 avril 2023).
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