Ce chapitre présente les estimations des investissements à réaliser dans les infrastructures de transport qui découlent des scénarios d’ambitions inchangées et élevées. Il expose ensuite brièvement les différences que l’on observe entre les profils d’investissement propres à chaque mode sur la base des prévisions de la demande de transport. L’analyse porte également sur les investissements à réaliser pour déployer des réseaux de bornes de recharge pour véhicules électriques afin d’accompagner les politiques prévues dans le scénario d’ambitions élevées. Enfin, ce chapitre s’intéresse aux répercussions de l’électrification sur le produit de la fiscalité des carburants.
Perspectives des transports FIT 2023
6. Investir dans l’avenir : les implications financières de la décarbonation des transports
Abstract
En résumé
Dans la course aux investissements, les transports sont en concurrence avec d’autres services et réseaux essentiels (santé, énergie, eau, etc.). Bien souvent, le débat sur la décarbonation, tous secteurs confondus, se concentre sur les fonds publics et privés nécessaires au financement de la transition vers la neutralité carbone. Lorsque les fonds disponibles sont limités, il la comparaison entre les besoins en investissements nécessaires à la concrétisation d’un scénario zéro émission nette aux investissements en infrastructures résultant du scénario tendanciel peut fournir des éléments importants pour appuyer des décisions stratégiques importantes.
Dans le cas des transports, la comparaison des besoins en investissements prévus dans les scénarios d’ambitions inchangées et élevées montre qu’en définitive, cela ne coûte pas plus cher de donner une forte impulsion à la décarbonation des transports : lorsqu’ils relèvent de politiques ambitieuses, le total des investissements à réaliser dans les infrastructures essentielles des secteurs routier, ferroviaire, aéroportuaire et portuaire est inférieur de 5 % à ce qu’il serait en cas de politiques inchangées.
Des politiques d’investissement ambitieuses sont par exemple celles qui reposent sur l’approche « décider et fournir ». Cette approche consiste, non pas à fournir des infrastructures en fonction des prévisions de la demande (principe « prédire et fournir »), mais à inscrire les investissements dans une vision, en vue d’atteindre des objectifs d’action publique bien précis. Dans le contexte de la décarbonation des transports, cela signifie investir dans les infrastructures de transport public et dans les politiques qui accompagnent la densification des villes ainsi que l’adoption des modes caractérisés par des taux d’occupation ou coefficients de remplissage, de fréquentation et de chargement plus élevés. Ce faisant, les pouvoirs publics pourraient économiser 4 000 milliards USD en dépenses d’investissement et d’entretien de la voirie (hors investissements en faveur de l’adaptation).
En revanche, la décarbonation des transports impose d’investir massivement dans les infrastructures de recharge et de ravitaillement. Par exemple, l’électrification des flottes de véhicules ne pourra pas se faire sans réseau de bornes de recharge. Dans le scénario d’ambitions élevées, son déploiement coûtera à peu près l’équivalent de 0.4 % du PIB mondial sur la période 2019-50.
La décarbonation des transports rejaillit aussi sur les recettes des taxes liées aux carburants. Cette ressource fiscale commence déjà à s’amenuiser dans un grand nombre de pays à mesure que les moteurs à combustion interne deviennent plus efficace et que la part des véhicules électriques augmente dans le parc des voitures particulières. Dans le scénario d’ambitions élevées, la baisse des recettes et le déploiement des véhicules zéro émission s’accélèrent parallèlement. Il en résulte un manque à gagner pour les pouvoirs publics, qui perdent aussi un moyen d’agir sur les comportements en taxant l’utilisation automobile sur la base de la consommation de carburant.
Il est par conséquent nécessaire de réformer la fiscalité sur les carburants. Les systèmes de tarification kilométrique constituent un levier pour orienter les choix de déplacements vers des modes durables. En outre, il convient de maintenir les taxes sur les carburants tant qu’il restera des véhicules thermiques en circulation, afin d’accompagner la disparition progressive des véhicules polluants. Il n’en convient pas moins de veiller à concevoir des régimes de tarification qui ne perpétuent pas les inégalités.
Orientations recommandées
Adopter une conception de la planification des infrastructures qui repose, non pas sur le principe « prédire et fournir », mais sur l’approche « décider et fournir » dans le cadre d’une vision.
Prendre en compte les importants investissements supplémentaires à réaliser dans les infrastructures de recharge pour véhicules électriques.
Réformer la méthode d’imposition de l’utilisation automobile actuellement fondée sur les droits d’accise et recourir davantage aux redevances kilométriques.
Les décisions prises par les responsables en charge de l’action publique pour décarboner les transports s’inscrivent dans un contexte de disponibilité budgétaire et de concurrence des priorités. En outre, les investissements réalisés aujourd’hui auront des conséquences tant pour les choix de transport que pour l’accès aux opportunités, la capacité à organiser les activités quotidiennes et le maintien des relations sociales dans les années à venir. Comme démontré lors du Sommet du FIT en 2022, les infrastructures de transport du futur seront en compétition avec d’autres services essentiels (comme l’assainissement) pour obtenir les ressources budgétaires disponibles. Ce constat concerne davantage les économies émergentes, dans lesquelles tous les secteurs se développeront simultanément (Cunha Linke, 2022[1]).
Le présent chapitre met en évidence les éléments des investissements dans les infrastructures et des recettes fiscales qui seront le plus probablement affectés par le passage du scénario d’ambitions inchangées au scénario d’ambitions élevées. Les financements disponibles pour les projets d'infrastructures à venir sont également déterminants. La décarbonation du parc de véhicules fera baisser le montant des recettes tirées de la fiscalité automobile (notamment le produit des taxes dues au titre de l’acquisition, de la possession et de l’utilisation des véhicules) fondée sur la consommation de carburant et les émissions de dioxyde de carbone (CO₂). Cette affirmation se vérifiera tant dans le scénario d’ambitions inchangées que dans celui d’ambitions élevées.
Les approches en matière de fiscalité automobile varient selon les pays ; certains régimes seront plus sensibles que d’autres à l’évolution du parc de véhicules. Cependant, dans le scénario d’ambitions élevées, toutes les régions œuvreront de concert à réduire la longueur des trajets et les déplacements motorisés (ou au moins le recours aux modes de transport individuel motorisé). Dans ce contexte, il conviendra de planifier les futures réformes fiscales à l’avance.
Investir dans des transports moins polluants : décarboner coûtera-t-il plus cher ?
Dans le scénario d’ambitions élevées décrit dans la présente édition des Perspectives, les transports publics bénéficieraient d’investissements plus conséquents. Cependant, toute réflexion portant sur l’investissement dans des transports moins polluants devrait inclure une analyse des investissements à effectuer dans les réseaux existants, dans l’hypothèse de business-as-usual.
La section ci-dessous présente les investissements à réaliser en matière d’infrastructures de transport qui découlent des scénarios d’ambitions inchangées et élevées. Elle examine l’ampleur des modifications à apporter aux infrastructures fixes essentielles en fonction de la demande prévisionnelle, ainsi que les coûts d’entretien des réseaux d’infrastructures existants et à venir.
Il importe de souligner que ces estimations n’incluent pas les coûts d’infrastructure supplémentaires associés aux nouveaux carburants alternatifs utilisés dans les ports et les aéroports. Elles ne tiennent pas non plus compte des possibles coûts d’adaptation à supporter pour accroître la résilience des infrastructures de transport aux effets du changement climatique.
Les besoins en infrastructures varieront selon les pays et les régions
Il est difficile d’obtenir des données exhaustives sur les investissements dans les infrastructures. Les décisions relatives aux investissements et à leur planification étant prises à divers échelons de l’administration et par différents services, il n’existe souvent pas de bureau unique chargé de la collecte et du traitement de ces informations (Fay et al., 2019[2]). De plus, les données relatives aux biens privés et à leur entretien ne se trouvent pas dans le domaine public. Le manque de données disponibles en termes de kilomètres parcourus pour les différents modes de transport ne facilite pas non plus l’estimation des futures dépenses.
Toutefois, diverses sources offrent un aperçu des dépenses moyennes globales qu’il faudra consacrer aux infrastructures de transport (voir encadré 6.1).
Encadré 6.1. Estimer les coûts d’infrastructure pour les deux scénarios d’action considérés
Les calculs des coûts d’infrastructure retenus dans les scénarios d’ambitions inchangées et élevées examinés dans ce chapitre reposent sur un ensemble de données nationales, de projets divers et d’études de cas. La majeure partie des données relatives aux investissements dans les réseaux de transport est issue de la base de données de l’OCDE (OCDE, s.d.[3]). Les données relatives aux modes urbains, notamment les projets liés aux bus à haut niveau de service (BHNS) et au métro léger, proviennent de l’Institute for Transportation and Development Policy (ITDP) (ITDP, s.d.[4]). Les projets urbains ont été évalués et décomposés afin de servir d’indicateurs pour les pays dotés de systèmes de transports publics moins développés.
S’agissant des aéroports, les informations relatives aux coûts des projets d’infrastructure récents englobent l’investissement total, la capacité aéroportuaire et la part modale du transport de voyageurs et de marchandises. Le Centre for Aviation (CAPA) étudie les grands projets aéroportuaires à l’échelle mondiale et en extraient les calendriers, les sources de financement et les capacités (CAPA, s.d.[5]). Les estimations de coûts portuaires proviennent de la Commission économique des Nations Unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), d’agences publiques et de services d'information régionaux (CAAR, 2022[6] ; Energy, Capital and Power, 2022[7] ; UN ECLAC, 2012[8] ; Liang, 2019[9]). Les systèmes routiers urbains ont fait l’objet d’une analyse semblable reposant sur des données issues d’agences nationales de développement économique ainsi que de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures.
Le gouvernement britannique et la Fédération européenne des cyclistes collectent des données sur les coûts respectifs des différents types d’aménagements cyclables, qui servent de point de départ aux calculs relatifs aux infrastructures liées aux pistes cyclables (Taylor et Hiblin, 2017[10] ; ECF, 2021[11]). Les taux d’imposition applicables à l’utilisation et à l’achat de voitures correspondent aux valeurs communiquées par l’International Council on Clean Transportation (ICCT) (Chen, Yang et Wappelhorst, 2022[12]), l’OCDE et des études universitaires (OCDE, s.d.[13] ; Zahedi et Cremades, 2012[14] ; PwC, 2019[15]).
En règle générale, la disponibilité des données varie, ces dernières étant parfois très disparates ou, au contraire, plutôt homogènes. Une variable de remplacement a été mise en place pour pallier l’absence de données dans certains pays à partir des coûts d'investissement calculés pour des États présentant des similitudes sur les plans économique et géographique. Les fourchettes de valeurs varient selon le niveau des infrastructures existantes, l’ampleur des investissements actuels et à venir, la composition démographique et géographique, et le développement économique. Enfin, les données relatives à certaines catégories d'investissements (comme les pipelines et les voies navigables) sont actuellement disponibles en quantité limitée.
Le Graphique 6.1 présente des données sur les dépenses d’investissement dans les infrastructures terrestres qui ont été déclarées au FIT au titre des années 2010 et 2020. La Banque mondiale a également procédé à des évaluations complètes des dépenses d’infrastructure (Rosenberg et Fay, 2018[16] ; Foster, Rana et Gorgulu, 2022[17] ; Fay et al., 2019[2]) tout en reconnaissant qu’il est difficile de rassembler des données précises et détaillées dans ce domaine.
Les besoins en infrastructures varieront selon les régions et les pays. Ainsi, les pays à revenu faible et intermédiaire pourront avoir besoin de renouveler le revêtement des routes existantes, tandis que les régions émergentes chercheront à renforcer leur connectivité dans un contexte de croissance économique. Par ailleurs, les tendances mondiales en matière de décisions d’investissement évoluent au profit de modes de transports plus respectueux de l’environnement. Le développement des infrastructures sera indispensable, tant pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) que pour la croissance économique des pays émergents (OCDE, 2018[18]).Les pays développés étant dotés de réseaux de transports bien établis, leurs dépenses d'infrastructures sont généralement moins élevées qu’ailleurs, voire parfois insuffisantes (FIT, 2013[19]). Une évaluation des besoins mondiaux en investissements conduite par Oxford Economics (2017[20]) révèle que les infrastructures de transport (routier, ferroviaire, aéroportuaire et portuaire), nécessiteraient environ 1.9 % du PIB mondial entre 2016 et 2040. Ce chiffre est moins élevé dans les pays développés que dans les économies émergentes. Toutefois, l’écart entre les niveaux de dépense actuels et les besoins futurs en Europe et aux États-Unis, par exemple, représentent respectivement de 0.3 % et 0.6 % du PIB mondial (Oxford Economics, 2017[20]).
Les pays à faible revenu étant dotés d’un stock d'infrastructures de départ moins important ainsi que d’un budget global plus restreint, on peut s’attendre à ce que les investissements dans les infrastructures essentielles captent une plus grande part des fonds disponibles. Malgré tout, certaines estimations montrent que le niveau actuel des dépenses – en particulier pour ce qui concerne les routes – est inférieur à ce qui serait nécessaire (Foster, Rana et Gorgulu, 2022[17]). Selon Rozenberg et Fay (2018[16]), le montant des investissements à réaliser dans les infrastructures des pays à revenu faible et intermédiaire devrait se situer dans une fourchette comprise entre 0.9 et 3.3 % du PIB entre 2015 et 2030, en fonction des modes d’investissement retenus. La Banque interaméricaine de développement (BID) estime quant à elle que la région de l’Amérique latine et des Caraïbes (LAC) devra investir 1.4 % de son PIB dans les secteurs des routes, des transports publics et des aéroports (Brichetti et al., 2021[21]).
La Banque mondiale estime que dans les économies émergentes, l'État finance plus de 80 % des investissements dans les infrastructures soit directement, soit par l’intermédiaire d’organismes publics créés à cet effet (Banque mondiale, 2017[23]). Cette tendance se reflète dans le financement de la lutte contre le changement climatique. Selon l’OCDE, 82 % des fonds mobilisés dans le cadre de l’engagement consistant à consacrer 100 milliards USD par an à la décarbonation dans les économies émergentes proviennent de sources publiques, dont des banques multilatérales de développement (OCDE, 2022[24]). Le secteur privé est plus susceptible d’intervenir dans les régions à revenu intermédiaire supérieur et reste presque invisible en Afrique (OCDE, 2018[18]).
L’écart entre les secteurs public et privé est également perceptible au niveau des modes de transport. Ainsi, les fonds privés alimentent la majorité des investissements en faveur du développement des routes, des aéroports et des ports dans les économies émergentes. À l’inverse, les projets liés au ferroviaire longue distance tendent à attirer des financements de banques multilatérales de développement ou d’entreprises publiques. Par exemple, des entreprises publiques chinoises ont financé des projets en Afrique dans le cadre de l’initiative « Ceinture et Route » (anciennement « Les Nouvelles Routes de la Soie »). L’instauration d’un « environnement plus favorable » aux investissements privés dans les infrastructures de transport semble être l’un des moyens par lesquels les partenaires du développement peuvent aider les économies émergentes, outre les mesures que doivent prendre les pouvoirs publics eux-mêmes (OCDE, 2018[18]). Compte tenu de la durée de vie de la plupart des infrastructures, les investissements privés doivent cependant être bien gérés pour éviter que les États se retrouvent liés par des accords qui ne leur sont pas favorables (FIT, 2018[25]). La meilleure façon d’y parvenir dans le contexte des économies émergentes est une question qui doit faire l’objet d’un examen plus approfondi.
Les besoins d'investissement dans les infrastructures essentielles sont moins importants dans le scénario d’ambitions élevées
Au niveau mondial, les investissements à consentir pour les infrastructures essentielles sont inférieurs de 5.2 % dans le scénario d’ambitions élevées par rapport au scénario d’ambitions inchangées. Cet écart s’explique principalement par une baisse globale d’environ 4 000 milliards USD de la somme à consacrer aux investissements dans les infrastructures routières. Quand bien même les investissements à réaliser pour d’autres modes de transport sont plus conséquents dans le cadre du scénario d’ambitions élevées, leur montant, y compris cumulé, demeure loin d’être comparable.
Cela souligne l’importance d’adopter des mesures de gestion de la demande et de report modal (voir chapitre 3) conjuguées à des mesures relatives aux transitions technologique et énergétique (voir chapitre 4). Cette combinaison de mesures permet de réduire le nombre de véhicules-kilomètres ainsi que les besoins correspondants en termes de capacité routière pour les véhicules particuliers à moteur, tout en accélérant la transition vers des modes de transport avec des taux d’occupation plus élevés et des trajets urbains plus courts.
Le Graphique 6.2 donne une répartition régionale des investissements de fonctionnement et d'infrastructure dans le secteur des transports. Les pourcentages du PIB correspondent aux dépenses d’infrastructures moyennes réalisées tout au long de la période 2019‑50. Cependant, dans la plupart des régions, les coûts se concentrent dans les années 2020, décennie durant laquelle une part plus importante du PIB sera nécessaire, dans un scénario comme dans l’autre. Dans la majorité des régions, les investissements à réaliser dans le cadre du scénario d’ambitions élevées seront inférieurs de 0.1 % du PIB en moyenne par rapport au scénario d’ambitions inchangées. Des exceptions s’observeront dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), où les baisses attendues pourraient avoisiner 0.2 % du PIB, ainsi que dans les économies en transition et autres États d’Asie-Pacifique (TAP), où ce recul pourrait être pratiquement nul.
Les estimations présentées ici tiennent compte de l’évolution prévue des nouvelles infrastructures et des actifs nécessaires pour répondre à la demande prévisionnelle par mode dans le cadre des deux scénarios considérés. Elles prennent également en considération les coûts d’entretien estimatifs des infrastructures essentielles existantes et à venir. Dans les présentes Perspectives, les infrastructures lourdes rassemblent les infrastructures dédiées aux modes de déplacement actif, les aéroports, les bus, les bus à haut niveau de service (BHNS), le ferroviaire interurbain, le métro léger et le métro (ferroviaire urbain), les ports, les routes et les voies navigables.
« Décider et fournir » : une nouvelle conception de la planification et des investissements relatifs aux infrastructures
Dans une série de rapports publiés ces dernières années, le FIT recommande aux pouvoirs publics d’élaborer leurs projets d’infrastructures en suivant une approche dite « décider et fournir » (FIT, 2021[26] ; OCDE, 2023[27]). Cette dernière consiste à planifier des systèmes de transport durables en réponse à un souhait formulé pour l’avenir, plutôt que de mettre en place des infrastructures pour répondre à la demande effective ou prévisionnelle (Lyons et al., s.d.[28]). En continuant à construire des infrastructures en se fondant sur des projections de croissance de la demande existante (approche « prédire et fournir »), les problématiques engendrées par la planification axée sur la voiture – au nombre desquelles figurent les coûts environnementaux et les conséquences négatives en termes d’accessibilité et d’équité – ne feront que perdurer.
Les responsables en charge de l’action publique peuvent également subir des pressions lorsque des gains à court terme ou des cycles politiques entrent en jeu. Cette pression peut donner lieu à des décisions peu cohérentes, qui auront des conséquences pour les systèmes de transport pendant des décennies (Rosenberg et Fay, 2018[16]). Outre ses retombées positives pour l’environnement, l’approche « décider et fournir », qui est axée sur les résultats plutôt que sur des prévisions fondées sur les tendances actuelles des transports, peut favoriser une prise de décision efficace, y compris dans un climat d'incertitude (FIT, 2021[26] ; OCDE, 2023[27]).
Évaluer les scénarios d'ambitions inchangées et élevées sur la même base de coûts laisse supposer que leur coût total présente très peu de différence. Cependant, cette conclusion part du principe que les pouvoirs publics commencent à mettre en œuvre les mesures comprises dans le scénario d’ambitions élevées (voir chapitre 2) au cours des années 2020. En d’autres termes, les planificateurs des transports doivent décider dès à présent quels sont les systèmes de transport durables qu'ils souhaitent voir se développer à l’avenir. Ils doivent ensuite prendre des décisions d’investissement stratégiquement cohérentes pour les modes qui nécessiteront la construction d’infrastructures.
O’Broin et Guivarch (2017[29]) affirment qu’en limitant le développement des capacités des modes de transport à forte intensité carbone, on obtient une plus forte réduction des émissions qu’en se contentant d’instaurer des mesures telles que la tarification carbone. Le fait de limiter l’expansion de ces modes de transport se révèlerait également moins préjudiciable pour le PIB et permettrait d’éviter les émissions de dioxyde de carbone (CO₂) imputables aux excédents de capacité (O’Broin et Guivarch, 2017[29]).
Comment l’argent sera-t-il utilisé en fonction des différents profils d'investissement ?
À l’échelle mondiale, le secteur routier bénéficie, de loin, de la plus grande part des investissements dans les infrastructures, dans le scénario d’ambitions inchangées (voir Graphique 6.3) comme dans celui d’ambitions élevées. Considérés dans leur ensemble, l’entretien et les investissements dans les infrastructures routières dépasseront toujours 60 000 milliards USD au cours des trois prochaines décennies, y compris dans le scénario d’ambitions élevées. Le chemin de fer bénéficiera de la deuxième part des investissements en termes d'importance, quel que soit le scénario retenu.
En matière d’infrastructures, la longueur des délais de planification requis ainsi que les prévisions établies en termes de durée de vie font que les décisions prises aujourd’hui pèseront sur les solutions disponibles à l’avenir, ce qui risque de maintenir l'utilisation des voitures particulières (Fisch-Romito et Guivarch, 2019[30]), surtout si les décisions à court terme sont prises dans un contexte de demande croissante. Il importe de préciser ici que l’évolution des investissements concerne uniquement les sommes à investir pour répondre à la demande prévisionnelle concernant les différents modes de transport dans le cadre des deux trajectoires étudiées. Ces chiffres ne traduisent aucune décision de construire ou d’entretenir une ligne de chemin de fer, une route ou toute autre liaison en vue d’améliorer la connectivité (plutôt que de répondre à la demande).
Une approche « décider et fournir » consisterait à faire reposer les stratégies à long terme sur une vision de ce que devrait être le futur système de transports plutôt que de réagir aux projections de l’évolution de la demande. Elle contribuerait à la prise de décisions en matière d’investissements dans les infrastructures en donnant une vision prospective de la manière dont la répartition modale et la demande pourraient évoluer dans le cadre d’un scénario d’ambitions élevées. Selon les régions, il se peut que les nouveaux investissements doivent s’écarter des schémas traditionnellement observés en matière de hiérarchisation des modes de déplacement et de planification des transports. Les stratégies à long terme fondées sur cette approche peuvent contribuer à garantir que l’ensemble des investissements réalisés poursuivent les mêmes objectifs et favorisent des décisions d’investissement efficaces.
L’évolution de la demande de transport de voyageurs et de marchandises observée dans le scénario d’ambitions élevées pour divers modes laisse entrevoir une modification possible des investissements à réaliser (voir Graphique 6.4). Par exemple, les investissements à effectuer dans les infrastructures routières seraient 6.5 % moins élevés que dans le scénario d’ambitions inchangées, soit une économie de plus de 4 000 milliards USD entre 2020 et 2050, en raison d’une baisse du nombre de véhicule-kilomètres parcourus par les modes de transport routiers.
Cette diminution est due à un ensemble de facteurs. Pour le transport de marchandises, le recours à des véhicules de plus grande capacité, la hausse des coûts et l’évolution des produits échangés (avec en particulier le recul des combustibles fossiles) font baisser le nombre de tonnes-kilomètres parcourus dans le cadre du scénario d’ambitions élevées à l’horizon 2050 ainsi que le nombre de véhicules-kilomètres sur route. S’agissant du transport de voyageurs, ce recul s’explique surtout par le passage à des véhicules avec un taux d’occupation plus élevé, en particulier des bus et des modes de transport ferroviaires, ainsi que par un recours plus massif aux modes actifs. Dans ce chapitre, les investissements dans les Bus à haut niveau de service (BHNS) entrent dans une catégorie différente infrastructures routières. Cependant, des investissements devront également être réalisés dans le réseau routier urbain en vertu du soutien apporté aux bus et au parc de véhicules partagés.
Les présentes Perspectives partent du principe que les mesures prioritaires visant les bus constituent des investissements d’exploitation, tandis que les investissements dans les infrastructures routières englobent les coûts d’équipement correspondants. Les investissements dans les modes de transports publics ou collectifs sont plus importants. Ainsi, les couloirs d’autobus, les lignes de BHNS, le transport ferroviaire urbain - dont le métro et le métro léger - et interurbain bénéficient tous d'investissements plus conséquents dans le scénario d’ambitions élevées, en raison d’une demande prévisionnelle plus forte. L’évolution la plus nette s’observera du côté des bus et des BHNS, avec des investissements supérieurs de 33.6 % (10.4 milliards USD) au cours des trois décennies précédant 2050. Du côté du transport ferroviaire, les investissements devraient se monter à plus de 1 000 milliards USD, toutes catégories confondues. Ainsi, les investissements réalisés dans les transports ferroviaire urbain et non urbain devraient connaître une augmentation respective d’environ 15.5 % et 14.8 %.
Encadré 6.2. Quelles sont les conséquences de la décarbonation et du changement climatique sur les infrastructures portuaires ?
L’ampleur des ambitions en matière de décarbonation est une information fondamentale pour la planification à long terme des infrastructures portuaires, pour trois raisons. Premièrement, le degré de décarbonation détermine le niveau et la composition des flux commerciaux maritimes à venir. De ce fait, il pèse sur les décisions relatives à l’emplacement des nouvelles infrastructures portuaires et au type de terminaux requis. Deuxièmement, la décarbonation et ses implications sur la gravité du changement climatique influencent les risques climatiques physiques auxquels sont confrontés les ports.
Ces risques concernent les infrastructures existantes ainsi que toutes celles qui devront être construites pour répondre à la demande future. Troisièmement, la décarbonation du transport maritime sera déterminante pour la planification des infrastructures, en particulier les installations de soutage et de recharge.
En 2022, des chercheurs du FIT et de l’Université d’Oxford ont mené une étude conjointe portant sur ces deux premières relations entre décarbonation et infrastructures portuaires. Pour cela, ils ont mis au point 14 scénarios commerciaux assortis d'un modèle de planification et de coûts portuaires qu’ils ont utilisés pour déterminer la superficie des terminaux et l’ampleur des investissements nécessaires pour répondre à la demande commerciale en 2050. Ils ont par la même occasion modélisé les risques climatiques physiques pour les infrastructures portuaires dans le cadre de trois scénarios de décarbonation.
Les résultats de cette étude montrent qu’une décarbonation de grande ampleur se traduit par des avantages considérables pour la société. Les scénarios davantage axés sur la durabilité limitent les besoins d’échanges futurs, ce qui contribue à réduire le déficit d'investissement potentiel, dans les pays en développement plus particulièrement. Par exemple, dans le cadre des scénarios les plus durables, le montant des investissements n’atteindrait que 40 % de ce qui serait nécessaire dans des scénarios moins durables.
En outre, une plus forte décarbonation vient modérer l’amplification des risques physiques liés au changement climatique. Ainsi, dans un scénario de décarbonation tablant sur un réchauffement de l’ordre de 2 °Celsius (° C) d’ici à 2100, les risques climatiques à venir augmentent de 74 %. En considérant que l’hypothèse de réchauffement est de 5° C à l’horizon 2100, ce risque atteint 118 %. Cet écart se creuse si l’on tient compte de la demande d’échanges à venir (ce qui implique que davantage de nouvelles infrastructures pourraient être à risque). Les scénarios plus durables conduisent à une augmentation du risque comprise entre 155 et 190 %, contre une fourchette de 270 à 470 % le reste du temps.
Par conséquent, le degré de décarbonation donne lieu à des incertitudes quant à la planification à long terme des projets d’expansion portuaire. Les incertitudes entourant le scénario commercial sont liées à une surcapacité ou, au contraire, à une sous-capacité des nouveaux terminaux, tandis que les incertitudes relatives au scénario de changement climatique pointent un surdimensionnement ou un sous-dimensionnement des terminaux. Le Graphique 6.5 présente le degré relatif d’incertitude du point de vue des échanges ou du climat.
Certains ports (au Japon, en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, notamment) sont confrontés à des incertitudes en matière de planification du fait de leur sensibilité à l’égard du scénario de changement climatique. D’autres (au Chili, dans le golfe du Mexique et en mer Méditerranée) sont plus sensibles au futur scénario commercial. Dans certaines régions (dont certaines parties de l’Inde, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique subsaharienne, notamment), ces deux catégories d’incertitudes en matière de planification se conjuguent et font peser des risques financiers sur les nouveaux investissements.
Les résultats indiquent que les incertitudes entourant la décarbonation doivent être prises en compte lors la planification à long terme des infrastructures. Les projets doivent être suffisamment souples pour permettre un changement de trajectoire en cas de modification des scénarios futurs. Cela dit, ils doivent aussi être solides pour permettre aux décisions de planification de porter leurs fruits dans de nombreux scénarios. Par exemple, le port de Rotterdam fait évoluer le schéma directeur du projet d’aménagement Maasvlakte 2 chaque année en fonction des nouvelles informations disponibles. Dans ce cadre, les terminaux conçus pour les containers peuvent également être transformés pour prendre en charge d’autres types de marchandises.
La réduction des dépenses consacrées aux pistes cyclables dans le scénario d’ambitions élevées peut paraître paradoxale mais elle part de l’hypothèse que les villes vont se densifier de plus en plus, donnant lieu à une réduction de l’étalement urbain. Cette diminution de la tâche urbaine signifie que si davantage de voyageurs circuleront à vélo dans le cadre du scénario d’ambitions élevées, les distances parcourues en ville et les kilomètres d’infrastructures nécessaires vont tous deux baisser. Dans ce scénario, les coûts d’entretien découlant de l’usure des équipements causée par les déplacements des cyclistes, exprimés en voyageurs-kilomètres, seront également moins importants que pour les autres modes de transport, les vélos étant bien plus légers que les autres véhicules.
Dans le scénario d’ambitions élevées, les investissements à effectuer pour les aéroports reculent de 9.8 % par rapport au scénario d’ambitions inchangées. Cette baisse résulte de l’effondrement de la demande de transport de voyageurs et de marchandises. Le fléchissement du fret aérien traduit une hausse de la tarification carbone dans le scénario d’ambitions élevées. Il s’explique également par des changements au niveau des catégories de produits transportés ainsi que par une plus grande régionalisation des échanges, qui favorise le recours à des modes terrestres.
Ces projections rendent uniquement compte des investissements à réaliser pour répondre à la demande. Elles n’incluent pas les investissements qui devront être effectués dans les aéroports pour accompagner la transition vers des carburants alternatifs ou la réduction des émissions imputables aux activités aéroportuaires. Toutefois, les projections donnent à penser que certains coûts pourraient être compensés par ceux relatifs à une expansion et à l’entretien correspondant, à condition de les planifier à long terme.
Toujours dans le scénario d’ambitions élevées, les investissements portuaires diminuent de 9.9 %. Cette baisse provient de gains d’efficience, notamment d’une plus grande mutualisation des actifs et de la réduction des déplacements qui s’ensuit. Elle reflète aussi des changements au niveau des volumes d’échange de certains produits. Les activités de transport liées à l’extraction et à la distribution des combustibles fossiles perdent du terrain en raison d’un fléchissement de la demande. Comme pour les aéroports, cette diminution des investissements ne tient cependant pas compte des nouvelles infrastructures destinées aux carburants de substitution, ni des investissements en faveur de la modernisation des ports et de la transformation numérique.
Le déclin de la demande de combustibles fossiles entraîne également une réduction des volumes transportés par voie fluviale, exprimés en tonnes-kilomètres, ce qui a des conséquences en termes d’investissements à réaliser pour répondre à la demande sur les voies navigables. L’adaptation des infrastructures en vue d'une plus grande résilience au changement climatique constitue un poste de dépense essentiel, qui ne figure pas dans ces estimations. L’encadré 6.2 présente une vue d’ensemble des travaux réalisés dans ce domaine pour les ports.
Les modes prioritaires en termes d'investissement varient selon les régions
Même si les enveloppes globales à consacrer aux investissements dans les scénarios d’ambitions inchangées et élevées sont semblables (voir Graphique 6.6), les sommes à accorder aux différents modes de transport varient considérablement selon les scénarios et les régions. Du point du vue du transport de voyageurs, ces différences traduisent souvent une nouvelle approche en matière de planification, qui consiste à retirer les voitures particulières du sommet de la hiérarchie. Cependant, la construction de routes continue d’attirer la majeure partie des investissements dans l’ensemble des régions, tant dans le scénario d’ambitions inchangées que dans celui d’ambitions élevées.
S’agissant du transport de marchandises, la connectivité reste essentielle pour la croissance économique ; la réduction des investissements dans les modes concernés s’explique à la fois par l’évolution de la gamme de produits transportés ainsi que par le report modal. Dans les pays développés, les changements de priorités consisteront à faire en sorte que les individus modifient leur choix modal. Parallèlement, les régions confrontées à un développement des zones urbaines et à une croissance démographique rapides devraient opter pour une stratégie consistant à prévenir la dépendance à l’égard de la voiture en planifiant des transports durables par défaut.
Dans toutes les régions, les investissements dans les transports publics urbains devraient être plus importants dans le scénario d’ambitions élevées que dans celui d’ambitions inchangées (voir Graphique 6.7). Dans plusieurs régions, les évolutions les plus spectaculaires proviennent des investissements dans les bus ou les BHNS. Ces derniers devraient plus que doubler aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande (UCAN), ainsi que dans les économies en transition et les autres pays d’Asie-Pacifique (TAP), presque doubler en Afrique subsaharienne (SSA), et progresser de plus de 400 % au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA).
Les investissements en faveur du métro et du métro léger s’accroissent aussi considérablement dans le scénario d’ambitions élevées. Ainsi, en Amérique latine et dans les Caraïbes (LAC), en Asie du Sud-Est (SEA) et en SSA, on entrevoit des augmentations respectives de 17.2 %, 22.1 % et 24.7 %. En Asie du Sud et du Sud-Ouest (SSWA), les investissements dans le ferroviaire urbain devraient être 39.7 % plus élevés dans le scénario d’ambitions élevées. Dans la région MENA, la comparaison des deux scénarios révèle un écart de 89.8 % entre les sommes investies, au profit du scénario d’ambitions élevées. En Asie de l’Est et du Nord-Est (ENEA), le métro et le métro léger, d’une part, et les bus et les BHNS, d’autre part, sont les deux seules catégories d'infrastructures à bénéficier d’investissements plus importants dans le scénario d’ambitions élevées.
La forte croissance des investissements dans les transports publics urbains, en particulier dans la région MENA et en SSA, met en évidence les mesures en faveur d’une mobilité urbaine durable du scénario d’ambitions élevées pouvant contribuer à des villes plus durables et agréables à vivre (voir chapitre 5). Dans un contexte d’urbanisation de la population, ces investissements sont importants en ce qu’ils permettront d’éviter l’étalement urbain et la dépendance à l’égard de la voiture (Stucki, 2015[32] ; ICA et al., 2016[33]). En SEA, ils devraient aussi favoriser une croissance de la population urbaine plus respectueuse de l’environnement.
Les villes de ces régions présentent déjà des niveaux de congestion parmi les plus élevés au monde (FIT, 2022[34] ; FIT, 2022[35]). Dans le scénario d’ambitions élevées, les investissements dans les transports publics urbains favoriseraient l’accessibilité pour la population existante ainsi que l’adoption d’habitudes de déplacement durables à mesure que la population urbaine progressera (FIT, 2022[35] ; FIT, 2022[34]).
Dans la région LAC, si la qualité de l’accès aux transports publics est raisonnable, l’attractivité de ces services pourrait pâtir d’insuffisances en termes de « fréquence, de sûreté et de fiabilité » dans certaines villes (Brichetti et al., 2021[21]). Des investissements sont par ailleurs nécessaires pour réduire les temps de trajet en transports publics qui, à distance égale, sont plus longs que dans les économies développées. Dans cette même région, les investissements dans les infrastructures de transport sont également essentiels pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), notamment les ODD 9 (Industrie, innovation et infrastructure) et 11 (Villes et communautés durables) (Brichetti et al., 2021[21]).
Au sein de l’UCAN, les investissements dans les BHNS progressent de 109 % dans le scénario d’ambitions élevées, ce qui témoigne d'un engouement croissant pour les modes de déplacements par bus. Toutefois, ce chiffre révèle également des investissements plus importants dans les infrastructures – en d’autres termes des investissements dans des voies de circulation réservées aux bus et dans des services de BHNS, qui viennent s’ajouter aux investissements en faveur des bus empruntant les voies de circulation traditionnelles. Ces investissements sont nécessaires pour veiller à ce que ces modes soient suffisamment fiables et attractifs pour pouvoir se substituer aux voitures particulières.
Ces modes offrent par ailleurs davantage de souplesse que le transport ferroviaire dans des villes de moindre densité présentant un étalement important. Dans les villes à fort étalement, les investissements visent plus particulièrement à fournir des modes de transport durables en remplacement des voitures particulières qui puissent convenir dans des villes développées de plus faible densité, où la construction de lignes de métro ne pourrait pas être envisagée. La hausse des investissements dans les infrastructures de métro montre également qu’il est nécessaire d’encourager des déplacements durables en s’appuyant sur des services attractifs et avec une fréquence élevée là où la densité de population le permet.
Dans toutes les régions, c’est la construction de routes en-dehors des villes qui reçoit la part de financements la plus importante. Cependant, dans le scénario d’ambitions inchangées, le ferroviaire non urbain est le deuxième secteur en termes de financements reçus derrière les routes, dans les pays des régions LAC, SSWA et TAP. Dans le scénario d’ambitions élevées, le niveau des financements est même plus élevé dans les pays LAC et SSWA, tandis qu'il baisse légèrement dans les TAP. En SSA, le ferroviaire devient également le deuxième secteur destinataire des investissements dans les infrastructures. Dans les régions LAC et SSWA, ces derniers progressent de 35 % et 10 %, respectivement. En SSA, les investissements dans le transport ferroviaire interurbain sont 74 % plus élevés dans le cadre du scénario d’ambitions élevées que dans celui d’ambitions inchangées, tandis que dans la région MENA, les investissements dans le transport ferroviaire urbain augmentent de plus de 156 %.
Dans les régions émergentes, l’amélioration de la connectivité constitue un impératif économique, et les investissements dans les réseaux d'infrastructures, une priorité (OCDE, 2018[18]). Au-delà des transports publics urbains, il conviendra d’investir dans la connectivité routière et ferroviaire pour décarboner l’activité de transport (Rosenberg et Fay, 2018[16]). En Afrique, le manque d’infrastructures de transport de qualité fait obstacle à l’industrialisation et à la compétitivité (BAsD, 2018[36]).
La Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique des Nations Unies (CESAP) estime que le système de transport fait partie intégrante du développement de la région (CESAP, s.d.[37]), et insiste plus particulièrement sur la nécessité d’investir dans les routes et le chemin de fer et, pour le transport de marchandises, dans les ports secs pour le transbordement. Les sous-régions d’Asie profiteront des investissements prévus dans les projets de réseaux routier et ferroviaire transasiatiques, qui feront augmenter la qualité des liaisons ainsi que leur nombre (CESAP, 2021[38]). L’amélioration de la connectivité en Asie passera impérativement par une simplification des formalités transnationales ainsi que par des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux. Ces initiatives permettent également de soutenir les mesures prises pour limiter l’essor des déplacements de marchandises, comme les normes de consommation de carburant (FIT, 2022[35] ; FIT, 2022[34] ; FIT, 2022[39]).
En Europe, la grande vitesse ferroviaire présente également un intérêt en matière de transport de voyageurs. Dans sa Stratégie de mobilité durable et intelligente, la Commission européenne (CE) ambitionne en effet de multiplier par deux, puis par trois, l’utilisation des trains à grande vitesse aux horizons 2030 et 2035 (CE, 2020[40]). L’entreprise commune « Système ferroviaire européen » (Europe’s Rail) a récemment commandité des recherches autour de la possibilité d’élaborer un plan directeur pour un réseau de lignes à grande vitesse reliant toutes les capitales et grandes villes de l’Union européenne (Ernst and Young, 2023[41]).
Ces recherches estiment que la réalisation d’un tel réseau nécessiterait autour de 550 milliards EUR. Ce correspond approximativement à la somme qui devra être investie dans le transport ferroviaire non urbain en Europe dans le scénario d’ambitions élevées (cette dernière englobe l’ensemble des investissements à réaliser dans le transport ferroviaire, et pas uniquement le transport ferroviaire de voyageurs). L’étude table par ailleurs sur des retombées sociales nettes d’environ 750 milliards EUR, ce qui constitue un retour positif sur investissement (Ernst and Young, 2023[41]). La Stratégie de mobilité durable et intelligente vise également à multiplier par deux le transport ferroviaire de marchandises d’ici à 2035 (CE, 2020[40]).
Bornes de recharge pour véhicules électriques : de nouveaux réseaux indispensables à la décarbonation
Contrairement à ce qui était observé par le passé, les bornes de recharge pour véhicules électriques (VE) captent une part significative des investissements dans les infrastructures dans les deux scénarios étudiés dans la présente édition des Perspectives. En effet, quel que soit le scénario considéré, les VE joueront un rôle essentiel dans la réduction des émissions imputables au transport routier. Dans les deux scénarios, celui d’ambitions inchangées et celui d’ambitions élevées, les réseaux de bornes de recharge bénéficient, respectivement, de 9.8 % et 19 % de la totalité des investissements dans les infrastructures.
Soulignons que ces estimations ne tiennent pas compte des coûts engendrés par la construction des stations-service au cours des décennies passées. Par conséquent, elles ne permettent pas de comparer le coût de la mise en place du réseau de stations-services dont a besoin le système existant – qui repose sur l’utilisation de véhicules équipés de moteurs thermiques – et celui de la construction d'un système équivalent pour les VE.
La section ci-dessous repose sur l’hypothèse que les parcs de véhicules propres du futur seront majoritairement électriques et rend compte des connaissances des experts au moment de la rédaction du présent document. Cependant, les investissements dans les infrastructures de recharge et de ravitaillement resteront nécessaires même si les parcs de véhicules à venir utilisent plutôt des carburants alternatifs.
La construction de réseaux destinés aux véhicules lourds doit s’accélérer tandis que celle pour les véhicules de transport de voyageurs se poursuit
Selon le scénario d’ambitions élevées, les besoins en investissements liés à l’édification de réseaux de bornes de recharge pour VE sont compris entre 0.1 et 0.3 % du PIB selon les régions, ce qui est plus élevé que les estimations formulées dans le scénario d’ambitions inchangées (voir Graphique 6.8). Pour ce qui concerne les régions LAC, SEA et SSA, les investissements nécessaires dans le cadre du scénario d’ambitions élevées dépassent de 0.3 % du PIB les chiffres avancés dans le scénario d’ambitions inchangées.
Il importe de tenir compte des différents niveaux de puissance lorsque l’on cherche à estimer les coûts d’infrastructure des bornes de recharge de VE. Les bornes de recharge à domicile et publiques fonctionnent au courant alternatif (CA) et présentent une puissance comprise entre 3.7 et 22 kilowatts (kW). Avec ce type de chargeur, il faut de quatre à dix heures pour recharger la batterie électrique d’une voiture particulière et entre une et deux heures pour recharger celle d’un véhicule électrique hybride rechargeable (VHR). Des bornes de recharge rapides à courant continu (CC) à destination des voitures particulières, d'une puissance comprise entre 50 et 60 kW, sont en cours de déploiement dans les stations-service (en particulier sur les autoroutes). Grâce à ces équipements, il faut entre 20 minutes et une heure pour recharger la batterie des VE (US DoT, 2022[42]).
Les véhicules plus lourds, tels que les camions, devront être équipés de batteries de plus grande capacité que celles des voitures particulières mais qui devront toutefois pouvoir être rechargées dans des délais équivalents. Les poids lourds nécessiteront donc des bornes de recharge encore plus puissantes. Par exemple, le Règlement européen sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs (AFIR) fixe des objectifs de déploiement contraignants pour les infrastructures de recharge électrique réservées aux véhicules lourds sur le réseau routier principal d’Europe, dont la puissance minimale devra atteindre 350 kW (CE, 2021[43]). Des normes techniques sont également en cours d’élaboration pour des systèmes de recharge de 1 mégawatt (MW) (Charin, sans date[44]).
Les estimations relatives au coût des bornes de recharge sont très variables. Ainsi, les bornes installées à domicile et sur le lieu de travail sont moins gourmandes, tant du point de vue de la puissance électrique que des matériaux, pour un coût pouvant atteindre 2 000 USD seulement. À l’inverse, le coût des bornes de recharge rapide en CC de 50 kW avoisine 50 000 USD (Hecht, Figgener et Sauer, 2022[45]), tandis que celui des bornes de 350 kW peut dépasser 200 000 USD (Basma, Saboori et Rodriguez, 2021[46]), ce qui s’explique par des équipements plus onéreux et des coûts de raccordement au réseau électrique plus élevés. Les modèles conçus en interne pour les besoins de la présente édition des Perspectives du FIT ont été enrichis à l’aide de modules spécialement élaborés pour évaluer les coûts d'infrastructure. Les estimations des coûts des infrastructures publiques de recharge de VE reposent sur des projections de la demande de VE dans diverses régions, du nombre de bornes de recharge requises pour répondre à cette demande ainsi que de la puissance de ces installations.
La différence entre les scénarios d’ambitions inchangées et élevées est particulièrement marquée pour les véhicules lourds (dont les véhicules lourds dédiés au transport de marchandises et les bus) dans les économies émergentes. Dans ces régions, le fret routier zéro émission ne devrait pas se développer avant la fin des années 2040 dans le scénario d’ambitions inchangées, tandis qu’il devrait commencer à croître dès les années 2030 dans le scénario d’ambitions élevées. Dans les régions à revenu élevé, où le taux de motorisation individuelle est plus conséquent et où la transition vers les VE est déjà amorcée, des investissements plus conséquents devraient être réalisés en faveur des réseaux de bornes de recharge pour voitures particulières.
S’agissant des régions émergentes, le niveau d’ambition doit être considéré dans le contexte des besoins d’investissement déjà élevés pour les infrastructures essentielles (voir le Graphique 6.2) et pour la réalisation des ODD. Par exemple, les trois quarts des quelque 770 millions de personnes privées d’accès à l’électricité dans le monde vivent en SSA (AIE, s.d.[47]). Le coût lié à l’amélioration du réseau électrique – que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime à 35 milliards USD par an jusqu’en 2030 – viendra s’ajouter au coût lié à l’installation de bornes de recharge pour VE.
En 2018, l’OCDE estimait qu’en tenant compte des infrastructures essentielles des secteurs routier, ferroviaire, aéroportuaire et portuaire, le déficit de financement à combler pour réaliser les ODD à l’horizon 2030 s’élevait à 440 millions USD. Dans ce contexte, les investissements supplémentaires à effectuer pour doter ces pays d’infrastructures de recharge incite à la prudence eu égard au calendrier de mise en œuvre du scénario d’ambitions élevées. Des travaux nécessaires doivent être entrepris autour des modèles les plus viables pour déployer des réseaux d’infrastructures de soutien dans des régions en développement si l’on souhaite que les délais ambitieux puissent être tenus.
Les stratégies retenues pour développer les réseaux de bornes de recharge pour véhicules électriques varient
Le déploiement des infrastructures de recharge pour VE peut être un point faible dans le déploiement des véhicules zéro émission. Ce déploiement pourra être encouragé et soutenu via l’installation de bornes de recharges sur le domaine public parallèlement à la mise en place, tout aussi importante, d’un vaste réseau de bornes à domicile et sur le lieu de travail. Dans le monde entier, le développement du réseau de bornes de recharge dépend de stratégies diverses et variées, qui reposent souvent sur toute une panoplie de mesures. Parfois, le secteur public investit directement dans l’installation des équipements de recharge pour stimuler le déploiement du réseau et instaurer ainsi une dynamique et un climat de confiance.
Certains pays se tournent vers des crédits d'impôt ou des subventions pour inciter les acteurs privés et les particuliers à s’équiper en bornes de recharge, ou bien encourager la mise en place de services commerciaux de recharge de haute qualité. Des textes réglementaires fixent aussi des objectifs contraignants et définissent des normes minimales pour l’installation de bornes de recharge au sein de nouvelles constructions, ou des exigences visant à faciliter l'installation future de ces équipements (FIT, 2021[48] ; AIE, 2022[49]). Concernant les véhicules lourds, il conviendra d’insister davantage sur le déploiement d’infrastructures de recharge dans les dépôts (FIT, 2022[50]).
Aux États-Unis, les autorités fédérales se sont fixé pour objectif d’installer 500 000 bornes de recharge publiques d’ici à 2030. Le ministère américain des Transports (US Department of Transportation, DoT), par l’intermédiaire de l’administration fédérale chargée des autoroutes (Federal Highway Administration, FHWA), accorde des financements publics directs ainsi que des subventions aux projets visant à développer le réseau de bornes de recharge pour VE (US DoT FHWA, 2022[51] ; US DoT FHWA, 2022[52]). Un budget de 7.5 milliards USD a été affecté à la concrétisation de cet objectif en vertu de la loi bipartisane sur les infrastructures (Bipartisan Infrastructure Law) (US DoT FHWA, 2022[52]). Cependant, la FHWA encourage également les États américains à faire appel à des financements privés, en expliquant que « de nombreux programmes [du DoT] font l’objet d’une sursouscription, et [que] les infrastructures de recharge pour VE sont en concurrence avec de nombreux autres projets » (US DoT FHWA, 2022[51]). Le gouvernement américain propose également des crédits d’impôt destinés à encourager les investissements privés dans les infrastructures de recharge dans les zones non urbaines et à faible revenu (CleanEnergy.gov, 2022[53] ; US DoE, s.d.[54]).
En Europe, l’Union européenne (UE) adopte des règlements pour faire progresser le déploiement du réseau de bornes de recharge pour VE. Elle propose des objectifs contraignants à ses États membres pour étendre le réseau de recharge, en vue d’atteindre 3 millions de bornes installées à l’horizon 2030 (EPRS, 2022[55] ; EPRS, 2021[56] ; AIE, 2022[49]). L’UE révise également ses directives relatives à la réglementation en matière de construction pour imposer qu’un nombre minimal de bornes de recharge soit installé dans certains bâtiments et formuler des prescriptions pour que d’autres soient prêts à accueillir des VE. À l’échelle de l’UE, 1.5 milliard EUR ont été affectés au réseau transeuropéen de transport (RTE-T), bien que ces fonds doivent être partagés entre les infrastructures de recharge et de ravitaillement en hydrogène. Plusieurs États membres ont également décidé de renforcer leurs réseaux en faisant directement appel aux fonds européens (AIE, 2022[49]).
Le Royaume-Uni déploie actuellement tout un éventail d’incitations pour développer ses infrastructures de recharge publiques et privées. La subvention en faveur des bornes de recharge pour VE, qui s’adresse aux bailleurs, aux propriétaires et aux locataires peut couvrir jusqu’à 75 % du coût d’installation d’une borne de recharge à domicile (UK Office for Zero Emission Vehicles, s.d.[57]). L'État britannique octroie également des fonds aux autorités locales afin d’installer des bornes de recharge publiques destinées aux Véhicule hybride rechargeable (VHR) sur la voirie. En 2022, un projet pilote prévoyant l’installation de plus de 1 000 bornes de recharge a été lancé dans neuf collectivités locales. Cette initiative repose sur une collaboration public-privé pour un investissement d’environ 20 millions GBP, financé à hauteur de 10 millions GBP par l'État, 9 millions GBP par des fonds privés et 1.9 million GBP par les autorités publiques locales (UK Competition and Markets Authority, 2021[58]).
La République populaire de Chine associe également des réseaux financés directement et des subventions afin d’encourager l’installation de bornes de recharge pour VE. Les subventions ciblent soit les coûts d’investissement liés à l’installation, soit les coûts d’exploitation liés à la fourniture d'un service de qualité. En Chine comme aux États-Unis, les réseaux ruraux présentent un intérêt particulier. Le pays teste également des programmes d’échange de batteries (AIE, 2022[49]).
Des entreprises pourraient également mettre en place des infrastructures et des services de recharge de VE à condition de trouver un modèle économique viable. Cette démarche pourrait s’avérer particulièrement pertinente pour les compagnies pétrolières, qui commencent à se lancer sur le marché de la recharge pour assurer la pérennité de certains aspects de leur activité. Néanmoins, la prévalence des solutions de recharge privées devrait continuer de peser négativement sur ces entreprises (BloombergNEF, 2022[59]).
Fiscalité sur les carburants : éviter les manques à gagner grâce aux réformes
De nombreux pays, dont la majorité des pays de l’OCDE, taxe l’achat, la possession et l’utilisation des véhicules. Quand bien même l’ampleur de ces taxes est variable, ces dernières n’en représentent pas moins une importante source de revenus pour les États. La fiscalité sur les véhicules s’impose également comme un levier qu’il est possible d’actionner pour faire évoluer le comportement des consommateurs et des voyageurs (OCDE, 2022[60]). Les droits d’accise sur l’essence et le gazole utilisés par les véhicules thermiques en constitue un élément important.
Dans la plupart des pays, les taxes sur les carburants représentent la plus grande part des recettes fiscales issues du transport routier (FIT, 2022[61]). Elles peuvent être considérées comme relativement équitables par rapport à d’autres impôts à taux unique en ce qu’elles reposent sur le principe de l’« utilisateur-payeur », qui consiste à internaliser les coûts externes découlant de l’utilisation de la voiture (FIT, 2018[62]). Les droits d’accise intègrent aussi souvent des taxes environnementales. Par exemple, en Autriche et en Colombie, les carburants contenant une part de biocarburants sont soumis à un taux d’imposition différent (OCDE, 2022[60]).
Cependant, les recettes tirées de la fiscalité sur les carburants ont déjà amorcé une baisse qui s’explique par la place grandissante qu’occupent les VE dans les parcs de véhicules ainsi que par le renforcement des normes de consommation de carburant (FIT, 2022[61]). Au Royaume-Uni, par exemple, les pouvoirs publics estiment que la trajectoire des politiques publiques actuelles et la fiscalité appliquée aux véhicules à moteur « ne permettront vraisemblablement plus de dégager des recettes à l’horizon 2040 » (Trésor britannique, 2021[63]). Utiliser d’autres taxes pour compenser ces pertes nécessiterait probablement de relever leur taux, ce qui s’avèrerait difficile sur le plan politique. On estime ainsi qu’au Royaume-Uni, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) devrait être relevée de 4 % (Lord et Palmou, 2021[64]).
Ce fléchissement de la fiscalité sur les carburants se poursuivrait dans les deux scénarios étudiés dans la présente édition des Perspectives (voir Graphique 6.9). Cependant, les recettes baisseraient plus rapidement dans le scénario d’ambitions élevées, qui prévoit des objectifs plus ambitieux au niveau des ventes de véhicules neufs.
À mesure que la part des véhicules zéro émission progresse dans les flottes de véhicules, le non-remplacement de la fiscalité sur les carburants soulève la question de l’équité. En l’absence d’une taxe visant les acquéreurs d’un véhicule zéro émission ou d’une forme de redevance routière, les propriétaires de VE ne prendront pas part au financement des coûts d’entretien des infrastructures qu'ils utilisent. Les participants à une récente table ronde du FIT (FIT, 2022[61]) ont débattu des divers moyens d’action dont disposent les pouvoirs publics pour réformer la fiscalité automobile. L’analyse présentée ci-après porte sur les résultats des scénarios d’ambitions inchangées et élevées dans le contexte de ces échanges.
Les stratégies mises en œuvre en matière de fiscalité automobile varient considérablement selon les régions
Le Graphique 6.10 présente le niveau total de la fiscalité automobile (qui recouvre les taxes sur l’acquisition, la possession et l’utilisation des véhicules) appliquée dans les différentes régions du monde, qui découle des scénarios d’ambitions inchangées et élevées. Il compare la fiscalité automobile par véhicule-kilomètre (vkm) dans ces régions et rend compte de la taille approximative des parcs de véhicules d’après des estimations du FIT. Les taux appliqués étant supérieurs en Europe, les autres régions étudiées sont représentées par rapport à cette dernière. Pour les besoins de cette analyse, les taxes sur les carburants ont été comparées à l’aide de la base de données fiscales de l'OCDE (OCDE, 2022[60]), un rapport de l’Agence fédérale allemande de coopération internationale (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, GIZ) traitant du Projet de transport urbain durable (GIZ, 2021[65]) et les données 2019 de l’OCDE sur la taxation de l’essence super sans plomb (OCDE, s.d.[13]).
D’après les estimations du FIT, c’est en Europe que les recettes fiscales totales liées à la possession et à l’utilisation des véhicules, standardisées en fonction de la taille du parc de véhicules, ont été les plus élevées en 2019 (voir Graphique 6.10). Si les régimes fiscaux en vigueur dans ces pays étaient conservés en l’état, on estime qu’à l’horizon 2050, les recettes liées à la possession et à l’utilisation des véhicules baisseraient de près de moitié dans le scénario d’ambitions inchangées, et des deux tiers dans le scénario d’ambitions élevées. Ces chiffres sont valables si l’on part du principe que les pays de la région considérée n’appliquent pas de taxes supplémentaires aux véhicules zéro émission aux mêmes taux. En 2019, dans toutes les régions excepté l’ENEA, les véhicules constituant les assiettes fiscales étaient presque exclusivement des véhicules thermiques traditionnels (voir Graphique 6.11).
Le scénario d’ambitions élevées suppose une adoption plus rapide des véhicules zéro émission qui induirait un recul de la part des véhicules thermiques dans le parc automobile, qui aurait pour effet de réduire les recettes fiscales liées aux carburants. En 2019, les pays des régions LAC et SSA ont respectivement perçu les deuxième et troisième montants totaux des recettes fiscales issues de l'utilisation des véhicules. Les pays de l’UCAN présentent les taux d’imposition les plus faibles, les recettes tirées pour chaque véhicule équivalant à environ 12 % des montants obtenus en Europe. Soulignons que ces estimations régionales peuvent masquer des différences notables entre les pays.
Dans le scénario d’ambitions inchangées, le produit de la fiscalité automobile va considérablement baisser dans plusieurs régions d’ici à 2050. Ne seront pas concernées le SEA, le SSA et les TAP, du fait essentiellement de l’essor attendu de la demande de transport conjugué à une décarbonation plus lente. À l’opposé, dans le scénario d’ambitions élevées, toutes les régions verront leurs recettes fiscales baisser en 2050.
Dans les économies émergentes, le produit de la fiscalité automobile pourrait également être plus important que dans les pays à revenu élevé si l’on se fonde sur le PIB par habitant (Benitez, 2021[66]). De ce fait, les budgets nationaux des pays émergents dépendent davantage de la fiscalité des carburants (FIT, 2022[61]). Ce constat semble particulièrement pertinent compte tenu de l’accélération de la vitesse de déploiement des véhicules zéro émission (et notamment des VE) ainsi que de la hausse des investissements dans les transports publics dans le scénario d’ambitions élevées, qui conduiront in fine à un rétrécissement de l’assiette fiscale.
Les pouvoirs publics devront inclure des réformes fiscales dans leurs stratégies de décarbonation
Les pays vont devoir définir une stratégie pour combler le manque à gagner lié à la baisse des recettes fiscales dans les années à venir (OCDE/FIT, 2019[67]). Dans le scénario d’ambitions élevées, le déploiement des véhicules à faibles émissions et zéro émission va s’accélérer, de telle sorte que les pouvoirs publics disposeront de moins de temps pour s’adapter à la modification attendue de leur assiette fiscale. Sur les marchés dominés par les véhicules de plus grand gabarit (tels que les véhicules tout-terrain de loisir, SUV), la chute des recettes fiscales pourrait être plus prononcée encore si aucune stratégie de gestion de la transition n’est mise en œuvre suffisamment à l’avance (FIT, 2021[48]).
En outre, en l’absence de taxes supplémentaires, la réduction du coût marginal d’utilisation des véhicules pourrait, à terme, favoriser l’essor des voitures particulières. Cela compromettrait la réalisation des objectifs de report modal au cœur des politiques de mobilité durable, en améliorant la compétitivité-coûts de la voiture particulière par rapport aux transports en commun et aux solutions de mobilité active.
Le Graphique 6.12 présente une estimation de l’évolution des recettes fiscales liées à la possession et à l’utilisation des véhicules entre 2019 et 2050 dans les scénarios d’ambitions inchangées et élevées, Outre la fiscalité sur les carburants, ce graphique rend compte de l’évolution relative des recettes tirées de la TVA ou des taxes sur les ventes (et de tous les aspects liés à l’achat et à l’utilisation des voitures, dont la part moyenne est identique dans les deux scénarios), des taxes imposées ponctuellement lors de l’acquisition d’un véhicule (à l’exception de la TVA et de la taxe sur les ventes) et des taxes périodiques (telles que les redevances routières annuelles ou les taxes mensuelles sur les véhicules à moteur).
En analysant la répartition des recettes fiscales à l’échelle mondiale (voir Graphique 6.12), il apparait que les taxes sur les carburants et les taxes périodiques dues au titre de la possession et de l’utilisation des véhicules représentent la majeure partie des recettes fiscales cumulées. Les taxes sur les carburants peuvent englober des droits d’accise (c’est-à-dire, une taxe sur la production et la vente du bien) ainsi qu’une taxe carbone (OCDE, 2022[60] ; van Dender, 2019[68] ; OCDE/FIT, 2019[67]). Si les taxes carbones ciblent directement les émissions de CO2 imputables à l’utilisation du carburant, les droits d’accise constituent un levier que les pouvoirs publics peuvent actionner pour induire un changement de comportement de la part de la population.
Dans le cas des carburants, ces droits peuvent donc être considérés comme « une forme implicite de tarification du carbone » (OCDE, 2022[60]). Dans l’ensemble des scénarios d’action futurs, la diminution des émissions de CO2 dues au trafic routier conduira à une réduction rapide de l’assiette fiscale. Les taxes sur les carburants permettent également de capter les coûts externes liés aux émissions de CO2. Cependant, leur efficacité est plus limitée à l’égard des autres coûts externes (comme la congestion) qui, selon les estimations, sont supérieurs à ceux des émissions de CO2 dans les zones urbaines encombrées (FIT, 2022[61]).
Taxer l’électricité au même niveau que les carburants à l’heure actuelle ne semble pas être une solution viable. L’électricité étant utilisée dans de nombreux secteurs, les répercussions d’une telle mesure ne se limiteraient pas aux transports et pourraient venir exacerber de possibles problèmes d’équité en soulevant la question de l’accessibilité financière pour les ménages à bas revenu. De plus, puisque les VE consomment moins d’énergie que les véhicules thermiques traditionnels, les recettes fiscales demeureraient inférieures à celles obtenues en taxant les carburants fossiles (FIT, 2021[48]).
Pour encourager l’achat de véhicules à faibles émissions ou zéro émission, de nombreux pays européens et de l’UCAN ont également mis en place des structures fiscales ponctuelles ou périodiques consistant à faire varier le montant des taxes payées en fonction de la consommation de carburant ou des émissions de CO2. Dans plusieurs d’entre eux, des bonus, des remises ou des taux d’imposition préférentiels sont accordés en cas d’achat de véhicules zéro émission ou de véhicules tout électrique (OCDE, 2022[60]). Cette démarche est moins fréquemment suivie dans les autres régions.
Dans les sous-régions asiatiques, les taxes imposées périodiquement ou à l’achat d'un véhicule sont moins courantes. Les estimations du FIT montrent qu’à long terme, la part des recettes fiscales issues des taxes périodiques sera plus élevée en ENEA que dans d’autres régions. Selon une étude conduite en 2022 par l’International Council for Clean Transportation (ICCT), seul le Japon a fait le choix de faire reposer ses taxes à l’achat ou ses taxes périodiques sur les émissions de CO2 ou la consommation de carburant.
Dans les pays de SEA, seuls la Thaïlande et Singapour ont donné une dimension environnementale à leurs taxes ponctuelles et périodiques. Au moment de la rédaction des présentes Perspectives, la Chine, la Corée, le Japon et Singapour (ainsi que l’Inde en SSWA) accordaient tous également des subventions ou des rabais pour l’achat d’un véhicule électrique ou hybride (Chen, Yang et Wappelhorst, 2022[12]), ce qui signifie que l’évolution de la flotte aura toujours des conséquences pour leur recettes fiscales globales.
Bien que cette section soit axée sur la réforme de la fiscalité des carburants, les résultats des taxes à l’achat de véhicules présentés au Graphique 6.12 montrent également qu’il importe de réfléchir à la durée d’application des incitations à l’achat de véhicules zéro émission. Les projections présentées ici reposent sur l’hypothèse du maintien des régimes fiscaux existants, et donc de la conservation des exonérations fiscales à l’achat de véhicules à faibles ou zéro émissions. Il conviendrait également de réfléchir aux conditions d’octroi ou au calendrier de retrait progressif de ces initiatives au moment dès leur conception.
De nouvelles taxes peuvent pallier la baisse des recettes fiscales et soutenir les investissements en faveur de la lutte contre le changement climatique
Les décisions portant sur l’avenir de la taxation de la possession et de l’utilisation des véhicules doivent être prises en tenant compte de toutes les externalités qui en découlent. Par exemple, si la fiscalité sur les carburants présente un intérêt eu égard aux émissions de CO2, elle a peu d’effets sur la congestion ou la sécurité routière. La Commission européenne (CE) considère la congestion et les accidents de la route comme les deux principales catégories d’externalités découlant de l’utilisation des voitures particulières (CE, 2019[69]). Quand bien même la décarbonation des transports suit son cours, ces coûts externes vont perdurer. Cela dit, ils varient en fonction de l’heure de la journée et du lieu et, d’après les estimations, sont plus élevés en milieu urbain que dans les zones rurales (Proost, 2022[70]).
D’après les estimations de coût établies par la CE, les externalités liées aux VE dans les zones rurales non encombrées sont relativement faibles comparé à celles découlant de véhicules thermiques ou de toute voiture utilisée dans une zone embouteillée (CE, 2019[69]). Ces données donnent à penser qu’un système de redevance unique pour les usagers de la route pourrait être mis en place à court terme, de manière à ce que l’ensemble des conducteurs supporte les coûts de l'infrastructure. Des mesures de tarification supplémentaires, telles que des redevances de congestion, pourraient être instaurées dans les zones urbaines encombrées afin de capter convenablement les coûts externes associés à l'utilisation de la voiture (FIT, 2022[61]). Des systèmes de redevances plus sophistiqués pourraient ensuite être mis en œuvre à plus long terme Les mesures de tarification appliquées en milieu urbain sont examinées plus en détail au chapitre 3.
Parmi les pays de l’UCAN, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis ont déjà pris des mesures pour s’affranchir des taxes sur les carburants, en adoptant des systèmes kilométriques à l’échelle nationale ou infranationale. L’Australie et la Nouvelle-Zélande disposent de dispositifs de tarification fondés sur les relevés de compteur kilométrique. Aux États-Unis, l’Oregon, l’Utah et la Virginie se sont dotés de dispositifs permettant aux usagers de choisir entre une taxe annuelle ou kilométrique, en fonction de ce qui est le plus économique compte tenu de leur niveau d’utilisation (FIT, 2022[61]). Le système néo-zélandais est en vigueur depuis 1978, tandis qu’en Australie et aux États-Unis, ces systèmes ont été adoptés pour atténuer les conséquences de l’évolution du parc de véhicules sur le produit de la fiscalité.
Les taxes sur les carburants ne sont cependant pas totalement dépassées. Comme vu plus haut, il s’agit en effet d’un moyen très efficace et équitable d’appréhender les coûts externes découlant des émissions de CO2 et d’encourager la transition vers des véhicules plus respectueux de l’environnement. Les taxes sur les carburants devraient être conservées tant que les véhicules thermiques continuent de former une part importante de la flotte, et rationalisées afin d’internaliser intégralement les coûts externes de la consommation de carburants (comme les coûts des externalités négatives sur le climat et la pollution atmosphérique), toutes catégories confondues. Une hausse relative des taxes sur le gazole sera pour cela nécessaire, ce dernier ayant des conséquences plus importantes du point de vue de la pollution atmosphérique (FIT, 2022[61]).
À l’occasion d’une récente table ronde sur la décarbonation et la tarification du transport routier (FIT, 2022[61]), le FIT s’est intéressé à l'introduction de redevances kilométriques pour les VE, tout en conservant les taxes sur les carburants tant que des véhicules thermiques resteront en circulation. Le recours à des taxes sur les carburants frappant les véhicules thermiques conjugué à des redevances kilométriques pour les VE et à de péages de congestion locaux devrait permettre de capter efficacement les coûts liés à l'utilisation des véhicules pour la société et de garantir une contribution à la fois significative et proportionnelle des usagers aux coûts des infrastructures routières. De cette manière, les pouvoirs publics pourront continuer de tirer parti des redevances d’utilisation des véhicules pour encourager le report modal et les changements de comportements.
Les recommandations formulées dans le rapport issu de cette table ronde, dont la parution est prévue prochainement, indiquent qu’à moyen terme, les responsables de l’action publique devraient se doter des moyens techniques nécessaires pour adopter des dispositifs de tarification différenciés, qui pourront permettre de réaliser des gains d’efficience plus importants. Dans tous les cas, les mesures doivent être étudiées avec soin et justifiées auprès du grand public, dans un souci d’acceptabilité et de mise en œuvre facilitée. L’acceptabilité de la tarification routière ne doit également pas être oubliée. Pour cela, il pourrait bien être nécessaire de mettre en œuvre des péages de congestion dont le produit devra être réinvesti localement (pour améliorer les transports publics urbains, notamment) (FIT, 2022[61]).
Comme l’explique le chapitre 3, les recettes perçues des péages de congestion et de la tarification routière pourraient être utilisées pour améliorer l’attractivité des transports publics par rapport aux voitures particulières. La conception d’un tel système de tarification routière à long terme doit prendre en compte la faisabilité de la mise en œuvre. Il s’agira notamment de prévoir les conséquences des taxes kilométriques en termes d’équité et d’accessibilité financière, en particulier dans les zones où les populations les plus pauvres peuvent vivre à la périphérie.
Tout système nécessitera vraisemblablement de nouvelles solutions technologiques et procédures administratives. Les questions liées à la protection de la vie privée devront aussi être abordées dès lors que le système de géolocalisation par satellite (Global Positioning System, GPS) est utilisé pour estimer les distances parcourues. Les futures mesures de tarification devront enfin participer à la réalisation d’objectifs d’action plus larges, relatifs à la gestion du risque de congestion, qui perdurera si l’on se contente de remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques.
Orientations recommandées
Adopter une conception de la planification des infrastructures qui repose, sur l’approche « décider et fournir » dans le cadre d'une vision.
Décider dès à présent du système de transport durable de demain et investir dans les infrastructures correspondantes peut s’avérer déterminant pour la décarbonation des transports. En cas d’adoption du scénario d’ambitions élevées, la mise en œuvre d’une approche dite « décider et fournir » à l’égard des infrastructures essentielles nécessitera moins d'investissements que si l’on maintient les trajectoires d’action publique actuelles. Le choix d’une vision stratégique à long terme favorisera également l’intégration des politiques d’aménagement du territoire et de planification des transports, ce qui contribuera à rendre les villes plus agréables à vivre et permettra d’accéder – et de recourir – plus largement à des modes de transports durables.
Dans les années à venir, les villes pourront se développer et croître en évitant les aménagements tributaires de la voiture, à condition d’agir dès à présent en faveur d’une harmonisation des politiques d’aménagement de l’espace et d’inscrire leurs systèmes de transport dans le cadre d’une vision. Parallèlement, les villes situées dans les régions développées devront faire primer les modes de déplacement durables sur les véhicules particuliers à moteur. Le scénario d’ambitions élevées peut toujours être mis en œuvre dans ces régions moyennant des coûts d’infrastructures essentielles moins élevés que dans le scénario d’ambitions inchangées. Dans l’ensemble des régions, les transports publics et le transport ferroviaire interurbain nécessiteront des investissements plus conséquents, contrairement aux routes, même si ces dernières continueront de s’octroyer la part la plus importantes des investissements.
Pour la première fois, les Perspectives des transports du FIT tiennent compte des coûts qui devront être supportés pour répondre à la demande prévisionnelle qui découlera des scénarios d’action envisagés dans l’exercice de modélisation. Bien que soumis à des limites, comme le sont tous les exercices de modélisation, ces travaux démontrent qu’avec des hypothèses de départ identiques, le chiffrage des besoins à couvrir en matière d’infrastructures est presque le même dans les deux scénarios.
Les données relatives aux investissements à réaliser restent cependant difficiles à rassembler à une telle échelle en raison du grand nombre d’organismes, publics et privés, chargés des projets d’infrastructure de transport. La plupart du temps, aucun guichet unique ne rassemble ces informations pour toutes les catégories d'infrastructure et tous les niveaux de gouvernance. Le fait de remédier à cette absence de données marquerait une étape importante vers la production d’estimations de meilleure qualité à l’avenir. Si les données peuvent être affinées, les exercices de calcul des coûts tels que celui-ci peuvent grandement clarifier les échanges autour des différentes trajectoires existantes.
Prendre en compte les importants investissements supplémentaires à réaliser dans les infrastructures de recharge pour véhicules électriques.
L’infrastructure de recharge de véhicules électriques à mettre en place pour répondre aux besoins du scénario d’ambitions élevées constitue un volet à la fois nouveau et non négligeable des investissements dans les infrastructures. À l’échelle mondiale, on estime que les investissements à réaliser atteindront, en moyenne, 0.2 % du PIB mondial chaque année à l’horizon 2050, dans le scénario d’ambitions inchangées, contre 0.4 % dans le scénario d’ambitions élevées. Cela suppose qu’un réseau constitué de bornes de recharge soit disponible sur le domaine public ainsi qu’au domicile ou sur le lieu de travail (ou au sein des dépôts). Plusieurs régions ont imaginé des programmes d’action pour encourager et favoriser l’installation de bornes de recharge accessibles au public, tout en s’appuyant sur la réglementation et les exonérations fiscales pour inciter les installations au domicile et sur le lieu de travail.
Les investissements supplémentaires nécessaires pour installer des bornes de recharge dans les régions émergentes, en particulier, méritent d’être pris en considération. Dans plusieurs d’entre elles, les besoins d'investissement pour le développement des infrastructures essentielles dépassent d’ores et déjà ceux des pays développés. Dans le scénario d'ambitions inchangées, c’est dans ces régions que l’adoption « naturelle » des véhicules zéro émission sera la plus lente – ce qui signifie que dans le scénario d’ambitions élevées, l’accélération qui sera observée sera plus importante qu’ailleurs. Il est essentiel que les besoins en électricité des régions émergentes soient satisfaits avant que la mise en place du réseau de bornes de recharge ne devienne pertinente.
Les réseaux de recharge destinés aux véhicules lourds, notamment, nécessiteront une planification accrue. Ils représentent actuellement le premier poste d’investissements à réaliser dans le cadre du scénario d’ambitions élevées. La mise en place d’infrastructures de recharge au sein des dépôts doit s’accélérer. Les décideurs doivent à présent concentrer leurs efforts sur la planification de la transition des poids lourds avec autant de diligence que lorsqu’ils ont œuvré en faveur de l’adoption des véhicules légers particuliers par le passé.
Réformer la méthode d’imposition de l'utilisation automobile actuellement fondée sur les droits d'accise et recourir davantage aux redevances kilométriques.
L’instauration de systèmes de tarification routière bien conçus peut contribuer à pallier la baisse du produit de la fiscalité des carburants et à internaliser les coûts externes découlant de l’utilisation des véhicules. Les coûts des externalités négatives sur le climat et à la pollution diminueront sensiblement avec l’électrification. Toutefois, si aucune réforme conséquente n’est mise en œuvre, les coûts liés à la congestion routière continueront d’augmenter. Les taxes sur les carburants devraient être maintenues tant que les véhicules thermiques constitueront une part importante de la flotte de véhicules, et rationalisées de manière à internaliser complètement les coûts externes découlant de la consommation de carburant.
Les redevances kilométriques indifférenciées peuvent remplacer efficacement les taxes sur les carburants à court terme. Des redevances de congestion devraient également être adoptées à l’échelle locale lorsque cela se justifie. Lorsque les redevances routières internalisent la totalité des coûts externes, elles encouragent le report modal là où il est nécessaire, ce qui contribue pour une large part à la décarbonation des transports. Les recettes supplémentaires peuvent servir à améliorer les systèmes de transport public et à renforcer les infrastructures dédiées à la mobilité active et à la micromobilité.
Les pouvoirs publics devraient œuvrer à l’adoption d’un système de redevances kilométriques plus sophistiqué et différencié à moyen terme. Compte tenu des avantages considérables en termes d’efficience et d’équité que peut apporter une différenciation des systèmes de recharge en fonction du temps et du lieu, les pouvoirs publics devraient mettre en place les ressources techniques nécessaires à l’adoption de ces systèmes ainsi qu’un cadre juridique pour répondre aux problématiques de confidentialité. Ils devraient par ailleurs veiller à communiquer efficacement à propos de leurs mesures de tarification routière, afin que le public comprenne et accepte ces dispositifs.
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