Les prix des logements ont augmenté plus rapidement que les revenus dans la plupart des pays de l’OCDE au cours des dernières décennies ; en moyenne, le coût du logement représente aujourd’hui le premier poste de dépenses des ménages et celui qui croît le plus rapidement. L’offre de logements abordables est nettement inférieure à la demande, pour plusieurs raisons : depuis 2001, l’investissement public dans la construction de logements a reculé de plus de moitié, la construction de nouveaux logements est coûteuse, et la demande de logements abordables ne cesse d’augmenter et d’évoluer. Plusieurs mesures peuvent être adoptées par les pouvoirs publics pour améliorer l’accessibilité financière des logements.
Pierre par pierre
2. Favoriser l’accessibilité financière des logements
Abstract
Principaux enseignements pour l’action publique
En moyenne, moins de la moitié de la population de l’OCDE se déclare satisfaite de l’offre de logements abordables et de qualité dans sa ville ou sa zone de résidence. L’accessibilité financière des logements est un défi urgent et un objectif central de la politique du logement dans de nombreux pays de l’OCDE.
Compte tenu de la hausse des prix des logements constatée depuis 2005 dans la plupart des pays, le logement est le plus gros poste de dépenses des ménages en moyenne, et sa part a augmenté au fil du temps.
De nombreux ménages à faible revenu lui consacrent plus de 40 % de leur revenu et sont davantage susceptibles de vivre dans des logements de moindre qualité.
La pénurie de logements abordables risque de renforcer le problème des sans-abri qui, avant même la pandémie de COVID-19, s’était aggravé dans un tiers des pays de l’OCDE ces dernières années.
Les disparités en termes d’accessibilité financière du logement sont plus marquées dans les zones urbaines riches en emplois, et de nombreux jeunes peinent à devenir propriétaires.
La pandémie de COVID-19 a rappelé l’urgence de remédier aux problèmes persistants du coût et de la qualité des logements. De nombreux ménages subissent des pertes économiques soudaines. Un certain nombre de pays de l’OCDE ont mis en place au printemps 2020 des mesures de confinement pour gérer la crise immédiate, lesquelles ont ensuite été étendues - et/ou davantage ciblées à mesure que la pandémie s’est poursuivie.
Plusieurs pistes pourraient être envisagées pour rendre le logement plus abordable, notamment :
Investir dans des logements abordables et sociaux pour favoriser une reprise économique inclusive ; cela permettrait d’inverser la baisse prolongée de l’investissement public dans la construction de logements, en moyenne dans la zone OCDE depuis 2001.
Mieux cibler les aides publiques au logement, tout en modulant avec soin les bénéfices attendus par rapport aux arbitrages éventuels d’un ciblage renforcé. Il pourrait s’agir, par exemple, de supprimer progressivement les avantages fiscaux qui favorisent l’accession à la propriété et qui profitent généralement aux ménages à revenu élevé.
Améliorer l’accessibilité financière du marché locatif privé en éliminant les goulets d’étranglement de l’offre, en favorisant la neutralité fiscale entre location et acquisition, en établissant un meilleur équilibre dans les relations entre propriétaires et locataires et en ayant recours, le cas échéant, à des mesures de stabilisation des loyers suffisamment flexibles.
Évaluer l’accessibilité financière des logements en fonction du statut d’occupation et du type de ménage
Dans les pays de l’OCDE, de nombreux ménages peinent aujourd’hui à accéder à un logement abordable, ce qui place cette question au cœur du débat sur l’action publique. En moyenne, moins de la moitié de la population de l’OCDE se déclare satisfaite de l’offre de logements abordables et de qualité dans sa ville ou sa zone de résidence (indicateur HC1.4 de la Base de données de l’OCDE sur le logement abordable). Du fait de la hausse des prix des logements enregistrée dans la plupart des pays de l’OCDE ces vingt dernières années, les ménages consacrent, en moyenne, une part de plus en plus importante de leur budget au logement. Les défis à relever diffèrent d’un pays à l’autre et au sein d’un même pays : les écarts en matière d’accessibilité financière sont particulièrement marqués dans les zones urbaines riches en emplois, et entre les ménages modestes, les locataires sur le marché privé et les jeunes. Si ces difficultés touchent de longue date les ménages modestes et vulnérables, une proportion croissante de la classe moyenne est aujourd’hui confrontée elle aussi à des problèmes d’accès au logement abordable.
Le logement est le principal poste de dépenses du budget des ménages
En moyenne, le logement représente le plus gros poste de dépenses des ménages de la zone OCDE, et sa part dans le budget des ménages ne cesse d’augmenter. Il s’agit du premier poste de dépenses des ménages toutes catégories de revenus confondues, devant l’alimentation et l’habillement, le transport, les loisirs, la santé et l’éducation (Graphique 2.1, partie A). Par ailleurs, les dépenses des ménages allouées au logement ont augmenté : en moyenne dans 20 pays de l’OCDE, la part des dépenses de logement dans le budget des ménages a augmenté de près de 5 points de pourcentage entre 2005 et 2015 (Graphique 2.1, partie B). Au cours de cette période, la part des dépenses des ménages concernant d’autres postes de consommation clés, comme le transport, la santé et l’éducation, a également augmenté, mais dans une moindre mesure. Si l’on remonte encore plus loin (1995-2015), même si l’échantillon de pays disponibles est plus restreint, les estimations de consommation donnent à penser que les dépenses de logement des ménages ont augmenté encore davantage (OCDE, 2020[1]).
Le coût du logement augmente sans discontinuer, surtout pour les locataires
L’un des moteurs de la hausse des dépenses des ménages consacrées au logement est l’augmentation du coût du logement constatée ces vingt dernières années, surtout pour les locataires. En moyenne, les prix réels des logements ont augmenté dans 31 pays de l’OCDE entre 2005 et 2019, la Colombie, le Canada et Israël enregistrant les hausses les plus marquées (plus de 80 %) (Graphique 2.2, partie A). Sept pays de l’OCDE seulement ont enregistré une baisse des prix réels de l’immobilier sur cette période, au premier rang desquels l’Espagne, la Grèce et l’Italie. Parallèlement, les loyers ont augmenté dans tous les pays de l'OCDE à l’exception de deux entre 2005 et 2020, et ont plus que doublé en Turquie, en Lituanie, en Islande, en Estonie et en Afrique du Sud (Graphique 2.2, partie B). Compte tenu du niveau élevé des loyers, qui ne cessent d’augmenter, les locataires ont de plus en plus de difficulté à épargner suffisamment pour se constituer l’apport nécessaire à l’achat d’un bien immobilier, ce qui les rend plus vulnérables face aux chocs économiques, comme celui qu’a provoqué la pandémie de COVID‑19.
Les disparités constatées en termes de qualité amplifient le problème du coût du logement, surtout pour les ménages modestes
Dans tous les pays de l’OCDE, de nombreux ménages modestes sont confrontés à des difficultés en matière de prix et de qualité des logements. Pour une grande partie des ménages situés dans le quintile inférieur de la distribution des revenus, le coût du logement représente une charge excessive, dans le sens où ils consacrent plus de 40 % de leur revenu disponible au paiement de leur loyer ou au remboursement de leur emprunt immobilier, aux dépenses d’entretien et aux charges (Graphique 2.3, partie A). La situation est encore plus tendue pour les locataires : en moyenne, un tiers environ des locataires à faibles revenus sur le marché locatif privé font face un coût du logement excessif, contre un quart environ des propriétaires-occupants à bas revenus ayant contracté un emprunt immobilier (OCDE, 2020[4]). Par ailleurs, depuis 1995, par rapport aux ménages aux revenus intermédiaires et élevés, ce sont les ménages situés dans le bas de la distribution des revenus qui ont accusé la plus forte hausse des dépenses allouées au logement en moyenne dans tous les pays (OCDE, 2020[1]). Face au renchérissement des loyers et à la charge excessive représentée par le coût du logement, certains ménages peinent à s’acquitter de leurs loyers mensuels et sont exposés au risque d’expulsion : s'il existe peu de données comparables à l’échelle internationale (chapitre 9), on a dénombré au moins 3 millions de procédures officielles d’expulsion lancées sur le marché locatif dans les 17 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles (OCDE (2020[4]), indicateur H3.3).
Dans le même temps, les ménages modestes sont aussi plus susceptibles de vivre dans des logements de mauvaise qualité. Ils n’ont souvent pas les moyens d’entretenir régulièrement leur logement ou de l’améliorer, et se heurtent à des obstacles pour s’installer dans des logements de meilleure qualité. Dans la quasi-totalité des pays, les ménages du quintile inférieur des revenus sont davantage touchés par le surpeuplement des logements que les ménages situés dans les quintiles intermédiaire et supérieur (Graphique 2.3, partie B). La pandémie de COVID‑19 a attiré l’attention des pouvoirs publics sur le problème du surpeuplement des logements : les personnes qui vivent dans de telles conditions ont en effet plus de difficultés à s’isoler, ce qui les expose à un risque accru de contracter et de transmettre des maladies infectieuses (OCDE, 2020[5]).
Avant la pandémie de COVID-19, le nombre de sans-abri était en hausse dans un tiers des pays de l’OCDE
La hausse du coût du logement est l’un des nombreux facteurs en cause dans le problème des sans-abri, qui étaient au nombre de 1.9 million au moins dans les pays de l’OCDE avant la crise du COVID‑19. Les données disponibles pour la période antérieure à la pandémie laissent à penser que le nombre de sans-abri a augmenté dans un tiers des pays de l’OCDE au cours des dix dernières années (Encadré 2.1). Des estimations du nombre de sans-abri existent pour 2020 dans certains pays, mais il est difficile de comparer ces données avec celles qui correspondent aux années précédentes ainsi qu’entre les pays (voir l’indicateur HC3.1 de la base de données de l’OCDE sur le logement abordable). Pour autant, il est probable que les statistiques officielles sous-estiment l’ampleur de ce phénomène. En effet, le vécu des personnes sans domicile fixe est très différent (certaines dorment dans la rue, tandis que d’autres sont accueillies dans des hébergements d'urgence ou chez des amis ou de la famille), dans des conditions plus ou moins visibles pour les autorités publiques et donc plus ou moins prises en compte dans les statistiques officielles. Par ailleurs, la population de sans-abri est de plus en plus hétérogène dans certains pays : si les hommes célibataires restent les plus nombreux parmi les sans domicile fixe, la part des jeunes, des familles avec enfants et des personnes âgées augmente dans certains pays pour lesquels on dispose de données (OCDE, 2020[6]). La pandémie de COVID‑19 a incité de nombreux gouvernements à prendre des mesures d’urgence pour offrir un hébergement et d’autres services aux sans-abri (OCDE, 2020[5]; OCDE, 2020[7]). Parallèlement, la possibilité d’une hausse du nombre de sans-abri en raison des difficultés économiques persistantes auxquelles sont confrontés certains ménages suscite des inquiétudes une fois que seront levées les interdictions temporaires d’expulsion et de saisie de biens immobiliers.
Encadré 2.1. Le problème des sans-abri dans les pays de l’OCDE
Le problème des sans-abri, qui subissent la forme la plus extrême d’exclusion sociale et en matière de logement, revêt aujourd’hui un caractère d’urgence dans tous les pays de l’OCDE.
Les facteurs qui conduisent les individus à être privés de domicile fixe sont multiples et leurs interactions complexes : ils sont en effet associés à des déterminants structurels, des défaillances au niveau des institutions et des systèmes (comme l’instabilité en matière de logement subie par les personnes qui quittent des modes d’hébergement en collectivité, comme des familles d’accueil, la prison, l’armée, des structures hospitalières ou des établissements de santé mentale), et des caractéristiques individuelles – ou sont la conjugaison de tous ces éléments. Parmi les différents facteurs structurels, les recherches ont mis en évidence une corrélation entre le fait d’être sans domicile fixe et la hausse du coût du logement ; d’autres études font ressortir un lien entre le nombre de sans-abri et l’accroissement du taux de pauvreté et d’expulsions.
Le vécu des personnes sans domicile fixe diffère, d’où la nécessité de mettre en place différents types d’aides. Une proportion restreinte, mais visible, des sans-abri sont sans domicile fixe pendant de longues périodes ou alternent les périodes où ils sont hébergés et celles où ils sont à la rue pendant plusieurs semaines, mois ou années (ils sont généralement qualifiés de « sans-abri chroniques »). Dans la plupart des pays, la plus grande partie des sans-abri sont sans domicile fixe de manière transitoire ou temporaire, c’est-à-dire qu'ils sont sans domicile pendant un court laps de temps avant de trouver une solution de logement plus pérenne.
La composition de la population des sans-abri est de plus en plus hétérogène dans certains pays. Généralement, ce sont les hommes célibataires d’âge moyen qui sont les plus susceptibles d’être sans domicile fixe. Pour autant, la proportion de jeunes, de familles avec enfants et de personnes âgées parmi les sans-abri a augmenté dans certains pays pour lesquels on dispose de données. Les immigrés semblent en outre représenter une proportion significative des sans-abri dans certains pays. Par ailleurs, en Australie, au Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, les populations autochtones sont sur-représentées parmi les sans-abri.
Par nature, le phénomène des sans-abri est difficile à évaluer, puisque ces derniers sont plus ou moins « visibles » aux yeux des autorités publiques (dans la mesure où ils ne sont pas enregistrés officiellement) et des organismes d’aide. Par conséquent, il est possible d’améliorer la circulation de l’information et de développer la panoplie de mesures à la disposition des pouvoirs publics pour mieux comprendre les difficultés et les besoins des différentes populations de sans-abri.
Pour remédier efficacement au problème des sans-abri, les pouvoirs publics doivent investir dans la prévention et dispenser des aides ciblées en vue de répondre aux différents besoins des personnes qui ont perdu leur logement. Les données disponibles laissent à penser que les approches qui donnent la priorité au logement et offrent aux sans-abri des solutions immédiates et durables en matière de logement, lorsqu’elles sont couplées à une offre de services intégrés, peuvent être très efficaces pour les sans-abri chroniques, tandis que l’aide d’urgence, y compris le relogement rapide, peut être utile aux sans-abri temporaires.
1. La Base de données de l'OCDE sur le logement abordable (indicateurs HC3.1 et HC3.2) et la synthèse intitulée « Better data and policies to fight homelessness in the OECD » publiée par l’OCDE illustrent l’évolution du nombre de sans-abri à l’échelle internationale et analysent les contraintes liées aux données et aux définitions qui entravent la mesure du nombre de sans-abri dans les pays.
2. En l’absence de définition reconnue à l’échelle internationale, les pays ne définissent ni ne dénombrent les sans-abri de la même manière. Il existe en outre diverses difficultés liées au périmètre, à la fréquence, à la cohérence et aux méthodes de collecte des données susceptibles d’influer sur la mesure de l’ampleur réelle de ce phénomène.
Source : (OCDE, 2020[6])
Les moyennes nationales masquent les écarts entre populations et régions en matière d’accessibilité financière des logements
Il existe non seulement des écarts entre les pays en matière d’accessibilité financière des logements, mais aussi des différences considérables entre les groupes de population et les régions au sein des pays. Ainsi, en moyenne, la majorité des jeunes âgés de 20 à 29 ans vivent encore chez leurs parents compte tenu de la diminution de l’offre de logements abordables – une proportion qui atteint même plus de 70 % en Italie, en République slovaque, en Grèce, en Slovénie, en Espagne et au Portugal (OCDE, 2020[1]). En effet, plus de dix années de revenus annuels sont aujourd’hui nécessaires pour acheter un logement, contre moins de 7 ans il y a une génération (OCDE, 2019[2]). Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les jeunes soient la classe d’âge la plus susceptible de citer le logement abordable parmi leurs trois principales préoccupations à court terme (OCDE, 2019[8]). Les données empiriques suggèrent en outre que les coûts élevés du logement pèsent davantage sur les femmes que sur les hommes. Aux Etats-Unis, par exemple, la plus grande part des ménages bénéficiaires d’aides au logement ou de bons d’hébergement ont une femme à leur tête. (Quets, Duggan and Cooper, 2016[9])
Parallèlement, l’accessibilité financière des logements est souvent plus problématique dans les zones urbaines riches en emplois que dans les zones rurales, certains pays enregistrant des écarts très marqués dans les prix des logements entre les villes et les régions. Par exemple, les prix des logements ont augmenté deux fois plus dans le centre de Londres que dans le reste du Royaume-Uni depuis 1995 ; sur la même période, les prix des logements dans la zone métropolitaine de Los Angeles ont grimpé deux fois plus vite que dans la zone métropolitaine de Chicago (OCDE, 2020[10]). Par ailleurs, dans les pays de l'OCDE, la satisfaction des populations des zones urbaines à l’égard de l’offre de logements abordables et de qualité est, en moyenne, inférieure de 10 points de pourcentage à celle des habitants des zones rurales (Base de données de l'OCDE sur le logement abordable, Indicateur HC1.4). Les politiques nationales visant à rendre le logement plus abordable doivent donc tenir compte de ces variations démographiques et régionales.
Éliminer les obstacles au logement abordable
La demande de logements abordables est souvent supérieure à l’offre, ce qui tient à de multiples facteurs susceptibles de varier d’un pays à l’autre. Tout d’abord, l’investissement public dans le logement recule depuis vingt ans en moyenne dans la zone OCDE, tandis que l’investissement total (public et privé) est inégal. Ensuite, la construction de logements est de plus en plus coûteuse : en dépit des différences observées entre les pays, cela tient notamment à la pénurie de terrains (surtout dans les zones urbaines dynamiques), à des procédures d’urbanisme et d’aménagement du territoire trop restrictives qui font augmenter le coût de la construction de logements, et à la montée des coûts de construction, notamment ceux qui sont liés à l’efficacité énergétique et à d’autres réglementations sur la durabilité environnementale. Enfin, l’évolution démographique implique une demande croissante et évolutive en matière de logements.
Les pouvoirs publics investissent moins dans la construction de logements
Ces vingt dernières années, l’investissement global (public et privé) dans le logement s’est révélé inégal dans les pays de l’OCDE, mais l'investissement public (dépenses publiques d’équipement) dans le logement a reculé de plus de moitié en moyenne. Les dépenses publiques consacrées aux transferts en capital et à la formation brute de capital pour la construction de logements ont diminué de 0.17 % du PIB environ en 2001 en moyenne dans la zone OCDE à 0.07 % du PIB en 2018. L’investissement public direct dans le logement, en particulier, a fondu depuis la crise financière mondiale, et ne s’élevait plus qu’à moins de 0.01 % du PIB en 2018. La contraction du volume des transferts en capital (c’est-à-dire des transferts à des organismes extérieurs à l’administration publique), qui représentent la plus grosse partie de l’investissement public dans le logement, a été plus modeste. Pour autant, à moins de 0.1 % du PIB en moyenne depuis la crise financière mondiale, l’investissement public global dans le logement n’est pas élevé. En comparaison, l’aide au logement axée sur la demande, mesurée en termes de dépenses publiques consacrées aux allocations de logement, a légèrement augmenté sur la même période, passant de 0.26 % du PIB en 2001 à 0.31 % en 2017 (Graphique 2.4). Dans le même temps, la part des logements sociaux a reculé dans la plupart des pays de l’OCDE depuis 2010, réduisant du même coup l’offre de logements abordables accessibles aux ménages modestes (OCDE, 2020[11]).
La construction de logements est de plus en plus coûteuse
La construction de logements neufs est un processus long et coûteux. Une offre de logements inélastique, sous l’effet de la pénurie de terrains constructibles dans les zones urbaines ou de réglementations qui rendent la construction de logements difficile et coûteuse, peut nuire à l’accessibilité financière des logements (Bétin and Ziemann, 2019[12]; Cavalleri, Cournède and Özsöğüt, 2019[13]). En particulier, des règles d'urbanisme plus strictes et décentralisées peuvent réduire considérablement l’offre de logements et faire grimper les prix en cas d’accroissement de la demande (Bétin and Ziemann, 2019[12]; Cavalleri, Cournède and Özsöğüt, 2019[13]). Par ailleurs, l’augmentation des coûts de construction pèse aussi sur l’accessibilité financière des logements dans de nombreux pays, notamment en raison d’une réglementation de plus en plus stricte en matière d’efficacité énergétique et de durabilité environnementale. Dans la zone OCDE-UE, les coûts de construction d’immeubles d’habitation neufs ont augmenté de plus de 70 % entre 2000 et 2019, les coûts de main-d’œuvre à eux seuls ayant enregistré une hausse de plus de 110 % (Eurostat, 2020[14]). Depuis la fin des années 2000, les coûts de construction ne cessent d’augmenter, à un rythme plus modéré toutefois. Dans le cadre d’un effort national visant à diminuer les coûts de construction, l’Allemagne a par exemple mis en place une commission en charge de la baisse des coûts de construction, qui a formulé plus de 70 recommandations destinées à tous les échelons de l’administration et au secteur du BTP (OCDE, 2020[15]).
La demande de logements abordables augmente et évolue
Les ménages évoluent, ce qui a des répercussions sur la demande de logements. Dans tous les pays de l’OCDE, les individus vivent plus longtemps, d’où une hausse de la part des ménages composés d’une seule personne âgée. Par ailleurs, le nombre de mariages diminue tandis que celui des divorces augmente. Ces tendances ont des implications multiples pour la demande de logements. Une population vieillissante et l’évolution vers des ménages de plus petite taille et plus nombreux accentuent les tensions sur les marchés du logement où l’offre n’est pas suffisamment souple pour s’adapter aux mutations de la demande. Les célibataires ou les ménages monoparentaux peuvent avoir de plus en plus de mal à trouver un logement abordable dans ce contexte. Le vieillissement de la population entraîne en outre une hausse de la demande de logements accessibles et proches des services essentiels.
L’urbanisation, qui devrait se poursuivre dans les décennies à venir, modifie l’intensité et la géographie de la demande de logements, en exerçant des pressions supplémentaires sur les marchés du logement urbains, déjà touchés par une pénurie de terrains et de logements. Comme indiqué au chapitre 1, les marchés du logement réagissent différemment à l’évolution de la demande, en fonction, dans une large mesure, de l’élasticité de l’offre de logements. Une offre de logements plus élastique permet un ajustement plus rapide aux mutations de la demande ; une élasticité élevée de l’offre est donc le signe d’une plus grande efficience économique et empêche une augmentation abusive des prix des logements.
Pour autant, même avant la crise du COVID-19, de nombreux ménages étaient déjà en situation de précarité en matière de logement. C’est particulièrement vrai pour les ménages situés dans le bas de la distribution des revenus. Depuis 1985, les revenus des ménages les plus aisés augmentent plus rapidement que ceux des autres populations (OCDE, 2019[16]). Par conséquent, face à l’augmentation des prix des logements, les familles modestes consacrent une part de plus en plus importante de leur budget au logement et peinent à mettre suffisamment d’argent de côté pour accéder à la propriété ou se constituer une épargne de précaution en cas de choc économique. Ces ménages sont donc souvent plus vulnérables en période de crise. Par exemple, en Angleterre (Royaume-Uni) avant la pandémie de COVID‑19, le coût du logement était excessif pour un tiers des locataires à bas revenus qui vivaient dans un logement social, ce qui s’est traduit par 64 664 litiges pour arriérés de loyers portés devant le tribunal par les bailleurs sociaux rien qu’en 2019, et 50 845 procédures d’expulsion (OCDE, 2020[11]). Dans certains pays, il semble que la pandémie a aggravé l’instabilité subie par les ménages vulnérables en matière de logement, en particulier pour les locataires aux revenus modestes (Encadré 2.2).
Encadré 2.2. Quelles sont les implications de la pandémie de COVID-19 pour le coût du logement ?
La pandémie de COVID-19 a ravivé les inquiétudes liées aux disparités persistantes entre les ménages en termes de qualité et d’accessibilité financière du logement, et elle va probablement continuer de peser sur le coût du logement et la vulnérabilité à cet égard à moyen et à long terme.
Plusieurs dimensions de la vulnérabilité liée au logement étaient manifestes au début de la crise. La pandémie, du fait des mesures de confinement mises en place pour gérer la crise, a intensifié les risques sur les plans de la santé et de la sécurité pour les personnes vivant dans des logements de mauvaise qualité, surpeuplés ou dans des conditions de vie précaires. En outre, certains ménages ayant subi une perte soudaine de revenu ont été confrontés à une instabilité accrue en matière de logement, peinant à s’acquitter des charges mensuelles sans aide. Face à cette situation, de nombreux pays de l’OCDE ont pris des mesures d’aide d’urgence, parmi lesquelles l’interdiction temporaire des expulsions et les dispenses temporaires de remboursement des prêts hypothécaires étaient les plus courantes |voir, par exemple, OCDE (2020[5]) et (OCDE, 2021[17])].
Si une grande incertitude demeure, les effets de la pandémie de COVID-19 sur les résultats en matière de logement continueront de se faire sentir à plus long terme. L’éventualité d’une hausse des expulsions et des saisies une fois les moratoires levés suscite de fortes préoccupations, en particulier dans les pays où l’activité économique n’a pas encore totalement repris. D’après les premières données recueillies au Royaume-Uni et aux États-Unis, les locataires sont confrontés à une plus grande instabilité en matière de logement, car ils sont plus susceptibles que les propriétaires de travailler dans les secteurs les plus touchés par la pandémie (OCDE, 2020[5]). Par exemple, en février 2021, près d’un locataire sur cinq aux États-Unis déclarait avoir pris du retard dans le paiement de son loyer - soit plus de 9 millions de personnes. Plus de 40 % d’entre eux ont déclaré qu’ils seraient « probablement » ou « très probablement » tenus de quitter leur appartement au cours des deux prochains mois sous le coup d’une expulsion ; en comparaison, 17 % environ des propriétaires ayant pris du retard dans le remboursement de leurs prêts hypothécaires ont indiqué qu’ils seraient probablement contraints de quitter leur domicile sous l’effet d’une saisie au cours des deux prochains mois (United States Census Bureau, 2021[18]).
Il pourrait être nécessaire de prolonger les aides temporaires dans certains cas afin de soutenir les ménages toujours en difficulté et d’éviter une hausse soudaine des expulsions et du nombre de sans-abri. Des recherches menées aux États-Unis ont montré que les moratoires sur les expulsions et les coupures d’énergie, lorsqu’ils ont été mis en place, ont permis de réduire les infections et les décès liés au COVID-19 (Jowers et al., 2021[19]). Ces mesures devraient néanmoins être progressivement supprimées une fois que la situation s’améliorera. La demande de logements sociaux et abordables devrait également augmenter. Si la pandémie a montré la capacité de nombreux pays à mettre rapidement en place des hébergements pour les sans-abri, notamment dans des chambres d’hôtel fermées au public, il est urgent de trouver des solutions à long terme pour loger les sans-abri.
Au sortir de la crise, les pays devraient aussi chercher des solutions plus innovantes. Le Portugal a, par exemple, pour objectif d’inciter les propriétaires de locations saisonnières de courte durée, qui ont été durement touchés par la crise, à proposer leurs logements disponibles à la location de plus longue durée afin d’étoffer l’offre nationale de logements abordables. Si l’évolution générale vers du télétravail plus régulier se confirme, les politiques publiques devront de plus en plus faciliter la conversion des espaces de bureaux et locaux commerciaux inutilisés en des lieux à usage d’habitation.
Rendre le logement plus abordable
Les pouvoirs publics pourraient mettre en œuvre plusieurs stratégies pour enrichir l’offre de logements abordables, mais ces actions devront être adaptées aux différents enjeux et cadres d’action au sein des pays et entre eux. Premièrement, les pouvoirs publics pourraient investir davantage dans le logement abordable et social. Deuxièmement, des mesures supplémentaires pourraient être prises afin de mieux cibler l’aide publique au logement. Troisièmement, dans de nombreux pays, il est possible de prendre des mesures pour améliorer l’accessibilité financière des logements locatifs privés.
Redynamiser l’investissement dans le logement abordable et social
Dans le sillage de la crise du COVID-19, l’investissement dans le logement abordable et social peut être une des clés de la solution, alors que les pays tracent la voie à suivre vers la reprise économique (encadré 2.3). L’Australie, le Canada et la France, entre autres, ont annoncé d’importants investissements dans le logement abordable depuis le début de la pandémie, notamment 6 milliards AUS (environ 4.6 milliards USD) pour le projet Big Housing Build dans l’État australien de Victoria ; 1 milliard CAD (environ 0.8 milliard USD) au titre de l’Initiative canadienne pour la création rapide de logements ; et un peu moins de 3 milliards EUR (environ 3.4 milliards USD) dans le cadre du plan de relance économique France Relance (OCDE, 2021). Dans le même temps, le secteur néerlandais du bâtiment - qui compte les 25 plus grandes associations professionnelles du secteur du logement - a signé en février 2021 un accord pour construire 1 million de logements d’ici 2030. Les investissements dans le logement social et abordable peuvent aussi entraîner d’autres retombées positives, notamment en contribuant à soutenir les emplois et les PME dans le secteur du bâtiment ; en renforçant la mobilité résidentielle (Causa and Pichelmann, 2020[20]) ; et en appuyant les efforts visant à prévenir et à réduire le nombre de sans-abri, en particulier par le biais du programme Un chez soi d’abord (« Housing First ») et d’approches intégrées de prestation de services (OCDE, 2020[6]). Dans le même temps, l’investissement massif dans la rénovation des logements sociaux, qui est un élément central du Pacte vert pour l’Europe, va stimuler la reprise économique, contribuer à la réalisation des objectifs de durabilité environnementale et améliorer le bien-être des résidents dans les pays de l’OCDE et de l’UE (OCDE, 2020[11]). Pour réaliser de tels investissements, les pays pourraient envisager de mettre en place des fonds autorenouvelables dans le cadre d’une stratégie de financement du logement à long terme, à l’instar de l’Autriche et du Danemark dont l’action passe à la fois par des prêts garantis par l’État et par des prêts aux conditions du marché (Encadré 2.4).
Les investissements dans le logement social et abordable devraient s’inscrire dans une démarche élargie visant à construire des quartiers inclusifs et mixtes d’un point de vue social, en évitant toute ségrégation sociale et économique. Cela signifie, d’une part, qu’il faut intégrer des logements sociaux et abordables dans les quartiers qui n’en ont jusqu’ici jamais proposés. Cela suppose aussi de coordonner les investissements dans les quartiers existants afin d’améliorer les infrastructures et les possibilités en termes d’éducation, de transports publics, de parcs, de culture et de loisirs (OCDE, 2020[21]). Le Chili, les États-Unis, la France et le Mexique ont lancé de vastes programmes de régénération urbaine, comme l’initiative chilienne de réhabilitation des quartiers (Recuperación de Barrios) ou, en France, le Nouveau Programme national de renouvellement urbain. Les enseignements tirés de l’expérience des pays de l’OCDE indiquent que la consultation des habitants doit faire partie intégrante du processus de régénération, de façon à mieux prendre en compte leurs points de vue et leurs besoins.
Aplanir les obstacles administratifs à la construction de logements abordables permet également d’étoffer l’offre. Selon les estimations de l’OCDE, une réforme de l’occupation des sols faciliterait la reprise de la construction de logements après la crise du COVID-19, permettrait de mieux faire correspondre l’offre et la demande en évolution constante, et rendrait les marchés du logement plus abordables et plus efficients (Cournède, De Pace and Ziemann, 2020[22]). Les stratégies seraient différentes selon les pays, en fonction des besoins spécifiques et des cadres institutionnels, de même que l’intensité des effets des différents scénarios de réforme varierait en fonction des plans d’urbanisme en vigueur, mais elles pourraient notamment viser à faciliter l’aménagement du territoire urbain et territorial, simplifier le processus de délivrance des permis d’aménager, favoriser la réhabilitation des friches industrielles et modifier les règles du zonage. Aux États-Unis, par exemple, la ville de Minneapolis (Minnesota) a modifié en 2019 les règles locales en la matière, notamment en mettant fin au zonage unifamilial pour autoriser la construction d’habitations à plus forte densité et améliorer ainsi l’accessibilité financière des logements.
Encadré 2.3. Le logement social dans la zone OCDE
Représentant près de 30 millions d’habitations et environ 6 % du parc total de logements dans l’OCDE, le logement locatif social est un élément important de l’action publique en matière de protection sociale et de l’offre de logements abordables. Le logement social est défini comme un lieu d’habitation loué en-dessous des prix du marché et attribué selon des critères précis (en fonction des besoins ou sur liste d’attente), même si les définitions varient d’un pays à l’autre.1
La taille et l’étendue du parc de logements sociaux, ainsi que les catégories de fournisseurs et la population cible, sont très différents selon les pays :
Taille et évolution du parc de logements sociaux : Dans la plupart des pays de l’OCDE, le logement social représente généralement moins de 10 % du nombre total de logements. Toutefois, en Autriche, au Danemark et aux Pays-Bas, il représente un « secteur tiers » important sur le marché du logement, avec plus de 20 % du parc (Graphique 2.5). Dans tous les pays sauf six pour lesquels des données sont disponibles, la taille relative du parc de logements sociaux a diminué depuis 2010, en partie en raison d’une baisse de l’investissement public dans le logement et de la vente de logements sociaux à leurs locataires dans certains pays.
Catégories de fournisseurs : En moyenne, les autorités régionales et municipales représentent la moitié environ de l’offre de logements sociaux dans la zone OCDE ; le reste est réparti entre des organismes de logement à but non lucratif ou à lucrativité limitée et des coopératives (15 %), des administrations nationales (14 %), des fournisseurs à but lucratif (11 %) et d’autres entités.
Critères d’admissibilité et ciblage : Les conditions à remplir pour accéder à un logement social constituent une autre différence fondamentale entre les systèmes de logement social, qui peuvent être globalement classés comme étant universalistes ou ciblés. Les systèmes universalistes, qui sont généralement ouverts à un large éventail de population, sont plus fréquents dans les pays où le secteur du logement social est plus vaste. Toutefois, dans la plupart des pays de l’OCDE, les systèmes de logement social sont devenus plus ciblés au fil du temps. Si un meilleur ciblage permet d’attribuer des logements sociaux aux ménages dans le besoin, cette démarche peut poser problème en termes de viabilité économique du secteur et d’objectifs de mixité sociale, et elle risque d’accentuer la concentration spatiale de ménages pauvres et défavorisés. En tout état de cause, les mesures explicites visant à promouvoir la mixité sociale dans le secteur ont donné des résultats mitigés. (Pour un examen des effets de verrouillage susceptibles d’avoir une incidence sur la mobilité de la main-d’œuvre, voir le chapitre 6.)
Les responsables de l’action publique et les fournisseurs de logements sociaux sont confrontés à un certain nombre de défis et d’arbitrages pour mettre en place un secteur viable sur les plans écologique et budgétaire qui propose des logements abordables de qualité aux personnes qui ont du mal à se loger sur le marché privé. Les investissements nécessaires pour moderniser un parc vieillissant de logements sociaux sont considérables dans de nombreux pays, comme le sont les coûts pour lutter contre la ségrégation et la « ghettoïsation » des quartiers à forte concentration de logements sociaux. Néanmoins, ces défis ont donné lieu à de grands projets de réhabilitation des bâtiments visant à améliorer la qualité des logements et des quartiers environnants.
Si l’on veut que la reprise économique soit verte et inclusive, il est essentiel d’investir dans le logement social - à la fois pour améliorer la qualité et la viabilité écologique du parc existant et pour créer de nouveaux logements sociaux « verts ».
Encadré 2.4. Encourager les investissements à long terme dans le logement abordable et social par le biais de fonds autorenouvelables : l’expérience de l’Autriche et du Danemark
En Autriche, des fonds autorenouvelables financent la construction et l’entretien du parc de logements sociaux. Environ 40 % d’un projet type de logement social est financé par des prêts hypothécaires bancaires sur 25 ans (au taux d’intérêt de 1.5 %), le reste étant financé par des prêts publics (sur 35 ans et au taux d’intérêt compris entre 0.5 et 1.5 %) et des dotations en capital des organismes de logement. En outre, le secteur du logement social a d’emblée reçu de généreuses aides publiques et - comme une grande partie du secteur du logement - continue de bénéficier dans une certaine mesure de transferts publics, en plus d’autres sources de financement. Une loi autrichienne définit les principes de gouvernance des organismes de logement à lucrativité limitée et prévoit notamment le plafonnement à 3.5 % du capital nominal versé aux actionnaires, un calcul des prix fondé sur les coûts réels, un réinvestissement continu du capital et un contrôle régulier de l’utilisation efficace des ressources et du respect de la loi. Les organismes de logement sont exonérés de l’impôt sur les sociétés pour ce qui est de leurs activités principales. Leur modèle économique repose sur le recouvrement des coûts et le réinvestissement continu de tout excédent dans de nouvelles constructions ou dans la rénovation. Cela signifie qu’un organisme de logement est légalement tenu de facturer les coûts de construction et d’entretien d’un bâtiment. Tous les calculs sont effectués au niveau de chaque bâtiment, ce qui veut dire que chacun d’entre eux doit être financièrement viable.
Au Danemark, le Fonds national du bâtiment, créé en 1967, est la pierre angulaire du modèle national qui permet de proposer des logements sociaux et abordables et les organismes de logement y ont largement recours. Il s’agit d’une institution indépendante, qui ne relève pas du budget de l’État. Il est financé par une partie des loyers des locataires (représentant 2.8% par an du coût total d’acquisition de la propriété) et par les contributions des organismes de logement aux prêts hypothécaires (environ 2 % du coût d’acquisition de la propriété). Les versements sont ajustés tous les ans pendant les vingt premières années du prêt, puis le taux diminue légèrement jusqu’à la 45e année, où les loyers sont maintenus au montant nominal atteint. Une part du loyer des occupants sert à rembourser le prêt hypothécaire de l’organisme de logement pendant les trente premières années environ, puis elle va à l’État pendant les dix années suivantes. À l’issue de cette période, cette part est allouée au Fonds national du bâtiment.
Environ un tiers des ressources du Fonds servent à financer la construction de nouveaux logements sociaux. Ainsi, chaque organisme de logement contribue au Fonds et peut emprunter auprès de celui-ci ; le Fonds finance en effet diverses activités, notamment la rénovation du parc de logements existant et la mise en œuvre de mesures sociales et préventives dans les zones difficiles, l’élaboration de grands programmes d’action sociale cofinancés par les municipalités pour favoriser les interventions en lien avec la sécurité et le bien-être, la prévention de la criminalité, l’éducation et l’emploi, ainsi que le soutien parental. L’élaboration d’un vaste plan budgétaire, convenu avec les municipalités, est la condition sine qua non pour obtenir un financement auprès du Fonds. Le nombre d’organismes de logement ayant remboursé leurs prêts est en augmentation, ce qui signifie que dans les années à venir, les ressources générées par les loyers pourront servir à payer une plus grande part des programmes de modernisation physique et sociale arrêtés dans le secteur.
Source : Adapté de OCDE (2020[15]).
Mieux orienter l’aide publique vers les ménages à faible revenu, en portant attention aux arbitrages potentiels
Les pouvoirs publics ont à leur disposition un ensemble de mesures de soutien axées sur la demande (aides au logement, subventions pour faciliter l’accès à la propriété, par exemple) pour réduire le coût du logement pour les ménages, ainsi que des interventions axées sur l’offre (subventions et incitations à l’intention des promoteurs de logements, par exemple) pour stimuler la construction de logements abordables. La majorité des politiques du logement dans les pays de l’OCDE - et en particulier la fiscalité du logement (OCDE, à paraître[23]) – favorisent généralement l’accession à la propriété (Andrews and Caldera Sánchez, 2011[24]; Salvi del Pero et al., 2016[25]). Dans le même temps, les aides destinées aux locataires sur le marché locatif privé sont en moyenne plus fragmentées. De nombreux arguments plaident en faveur de mesures incitatives publiques pour faciliter l’accès à la propriété (par exemple, en termes d’accumulation de patrimoine, de résultats des enfants, de capital social et de mobilité sociale (voir (Andrews and Caldera Sánchez, 2011[24])). Toutefois, ces aides peuvent aussi ne pas atteindre les ménages qui en ont le plus besoin, comme les ménages jeunes et à faible revenu, entraver la mobilité et supplanter d’autres formes d’aide au logement (OCDE, 2020[1]).
Dans un contexte de ressources publiques limitées, les responsables de l’action publique pourraient réfléchir aux moyens de mieux orienter l’aide au logement vers les ménages qui en ont le plus besoin. Dans certains pays, une solution pourrait consister à supprimer progressivement les avantages fiscaux qui favorisent l’accès à la propriété aux niveaux élevés de revenu. Éliminer (ou plafonner) la déductibilité des intérêts d’emprunts immobiliers ou réduire l’exonération des plus-values sur les logements occupés par leurs propriétaires peuvent contribuer à rendre la fiscalité du logement plus progressive (Causa, Woloszko and Leite, 2019[26]). Lorsque le parc de logements sociaux est limité, il peut être utile d’encourager les locataires dont la situation s’est améliorée à passer à d’autres formes d’occupation, faisant ainsi place à des ménages plus vulnérables sur le plan économique. Il existe différentes stratégies, notamment la mise en place d’enquêtes plus régulières sur les ressources pendant toute la durée de location d’un logement social, et pas seulement au moment de l’entrée dans les lieux. Outre les difficultés pratiques et politiques associées à la mise en œuvre de telles mesures, il convient d’évaluer avec soin les conséquences négatives d’une réduction de la mixité sociale dans les logements sociaux (y compris le risque d’accentuer la concentration spatiale des populations vulnérables) par rapport aux gains attendus (OCDE, 2020[11]).
Améliorer l’accessibilité financière du marché locatif privé
Dans de nombreux pays, les pouvoirs publics pourraient faire davantage pour rendre le marché locatif privé plus abordable et atténuer les difficultés que rencontrent de nombreux ménages vulnérables et à faible revenu pour s’acquitter de loyers élevés et en hausse. Une stratégie consiste à trouver un meilleur équilibre entre propriétaires et locataires. Cela signifie garantir à la fois un investissement sûr aux propriétaires et aux investisseurs et un logement sûr et de qualité aux locataires. Dans le cas des marchés locatifs tendus, des mesures de stabilisation des loyers pourraient être un moyen de garantir une plus grande sécurité tant aux propriétaires qu’aux locataires (OCDE, 2020[1]). Contrairement aux mesures strictes de gel des loyers, qui plafonnent les loyers à un niveau inférieur au taux du marché, les mesures de stabilisation des loyers limitent les hausses de loyer durant le bail d’occupation (et parfois entre plusieurs locations). Il serait important de mettre en balance les avantages attendus de ces mesures - qui peuvent notamment être ressentis par les locataires existants à court et moyen terme - et les inconvénients possibles à plus long terme, notamment une baisse potentielle de l’offre de logements locatifs et des difficultés d’accès au logement pour d’éventuels futurs locataires. Néanmoins, des données préliminaires donnent à penser que les mesures temporaires de protection des locataires mises en place pendant la crise du COVID-19, comme les moratoires sur les expulsions, ont permis de réduire la propagation de la maladie et de maintenir les ménages vulnérables dans leur foyer (voir, par exemple (Jowers et al., 2021[19]) aux États-Unis). Lorsque les conditions le permettront, ces mesures devraient être progressivement supprimées pour limiter tout effet négatif à long terme (OCDE, 2020[27]). En attendant, il importera d’anticiper les stratégies d’accompagnement pour les ménages ayant accumulé d’importants arriérés de loyer pendant la période prolongée de la crise une fois les aides temporaires levées, afin d’éviter une vague d’expulsions et de saisies.
References
[24] Andrews, D. and A. Caldera Sánchez (2011), “The Evolution of Homeownership Rates in Selected OECD Countries: Demographic and Public Policy Influences”, OECD Journal: Economic Studies, Vol. 1, https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/eco_studies-2011-5kg0vswqpmg2.pdf?expires=1568809412&id=id&accname=ocid84004878&checksum=BD80B53B366EB54B6A4F571327AD1B20 (accessed on 18 September 2019).
[12] Bétin, M. and V. Ziemann (2019), “How responsive are housing markets in the OECD? Regional level estimates”, Documents de travail du Département des Affaires économiques de l’OCDE, No. 1590, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/1342258c-en.
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[21] OCDE (2020), Housing and Inclusive Growth, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/6ef36f4b-en.
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[16] OCDE (2019), Panorama de la santé 2019 : Les indicateurs sociaux de l’OCDE, https://www.oecd-ilibrary.org/social-issues-migration-health/panorama-de-la-societe-2019_e9e2e91e-fr (accessed on 14 May 2019).
[8] OCDE (2019), Risks that Matter, https://www.oecd.org/els/soc/Risks-That-Matter-2018-Main-Findings.pdf (accessed on 2 May 2019).
[2] OCDE (2019), Sous pression : la classe moyenne en perte de vitesse, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/2b47d7a4-fr.
[23] OCDE (à paraître), “Measuring effective taxation of housing: Building the foundations for policy reform”, Documents de travail de l’OCDE sur la fiscalité.
[3] OCDE et al. (2013), Handbook on Residential Property Prices Indices (RPPIs), https://doi.org/10.1787/9789264197183-en (accessed on 16 March 2020).
[9] Quets, G., A. Duggan and G. Cooper (2016), Le logement abordable sous le prisme du genre, https://www.icrw.org/publications/a-gender-lens-on-affordable-housing-2.
[25] Salvi del Pero, A. et al. (2016), “Policies to promote access to good-quality affordable housing in OECD countries”, Documents de travail de l’OCDE sur les questions sociales, l’emploi et les migrations, No. 176, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jm3p5gl4djd-en.
[18] United States Census Bureau (2021), Household Pulse Survey Data Tables (Week 24: February 3 - February 15, 2021), https://www.census.gov/programs-surveys/household-pulse-survey/data.html (accessed on 20 July 2020).