En 2021, le monde, de même que l’OCDE, se trouvent à un moment charnière. La pandémie mondiale de COVID‑19 a marqué une rupture et n’a fait que renforcer le climat d'incertitude ambiant, venant s'ajouter à des changements porteurs de transformations comme l’essor du numérique, les reconfigurations géopolitiques, le creusement des inégalités et des divisions sociales, les crises environnementales et les nouvelles menaces qui pèsent sur la gouvernance démocratique. Dans ce contexte, les organisations partout dans le monde doivent relever le défi de la modernisation et s'adapter pour rester pertinentes, sans savoir à quoi l’avenir ressemblera et ce qu'il réserve. L'OCDE, en particulier, entre dans une période de réflexion cruciale pour son avenir, qui coïncide avec le 60ème anniversaire de l’Organisation et l’arrivée d'un nouveau Secrétaire général à sa tête.
Le présent rapport utilise la prospective stratégique pour étayer la réflexion sur la meilleure façon de préparer l’OCDE à répondre aux besoins dans le contexte d'un futur hautement imprévisible. Il a été élaboré par l’Unité de prospective stratégique de l’OCDE dans l’optique de montrer pourquoi une exploration continue et un dialogue constant autour de ce qui sera possible, et souhaitable, dans le futur est indispensable pour appréhender l’avenir de la collaboration internationale et du rôle de l’Organisation en son sein.
Le rapport commence par étudier les facteurs de changement susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'avenir de la collaboration internationale en matière d’action publique. À titre d’exemple, des reconfigurations géopolitiques et des rivalités exacerbées risquent d’éroder la confiance au moment même où les menaces qui pèsent sur l’humanité rendent la collaboration internationale plus essentielle que jamais. Le caractère de plus en plus central des technologies numériques peut amener des pays à mettre au point des écosystèmes numériques séparés, mettant ainsi à mal l'interconnexion et l'interdépendance entre les États. Les plateformes numériques prennent de plus en plus d’importance dans nos vies – et leur influence va croissant – et elles seront probablement amenées à jouer un rôle encore plus marqué dans l’évolution des normes mondiales et des phénomènes de société. L'accélération de l’utilisation qui est faite de la réalité virtuelle pourrait avoir pour effet de créer de nouveaux modèles d'interactions et d’établissements humains, et de favoriser de nouveaux mouvements sociaux puissants et de nouvelles identités sociales affirmées. Enfin, l’apparition d’une bioéconomie ainsi que l’économie circulaire pourraient transformer les chaînes de valeur mondiales alors même qu'une rapide expansion de la participation du secteur privé dans l’espace ouvre de nouveaux domaines d'activité économique.
Le rapport présente trois scénarios qui décrivent en quoi le monde de 2035 pourrait être très différent de ce à quoi nous nous attendons. Même s'ils ne représentent que trois options sur un nombre infini de possibilités, ces scénarios ont été retenus et mis au point du fait de leur potentiel à mettre à l’épreuve nos hypothèses actuelles et à soulever des questions importantes pour l'avenir de la collaboration internationale et pour l’OCDE.
1. Monde à voies multiples : dans ce scénario, l’humanité s’est organisée en plusieurs groupements d’Etats distincts qui évoluent en parallèle, chacun fonctionnant dans son propre écosystème numérique et sa propre infrastructure de données. Ce scénario soulève des questions quant à la façon dont l’OCDE pourrait le mieux servir de passerelle entre des entités concurrentes, et aux moyens à mettre en œuvre pour faire avancer des principes mondiaux universels dans un contexte où les valeurs et les définitions du bien-être peuvent diverger.
2. Mondes virtuels : dans ce scénario, la majeure partie de l’expérience humaine se déroule dans des espaces de réalité virtuelle très immersifs et mobilisateurs, et les citoyens font pression pour que de tels espaces soient connectés et interopérables à l’échelle mondiale. Ce scénario soulève des questions quant aux modes de gouvernance qui pourraient s’avérer nécessaires face à des enjeux stratégiques dans l’espace virtuel ou en rapport avec des espaces virtuels, et quels types de relations avec les acteurs non étatiques l’OCDE pourrait avoir besoin d'instaurer pour apporter une contribution effective à la collaboration internationale dans cette dimension de la vie humaine devenue dominante.
3. Monde vulnérable : dans ce scénario, l'humanité est confrontée à diverses menaces/opportunités critiques pour son existence qui exige un niveau sans précédent de collaboration internationale presque parfaite pour préserver des intérêts communs vitaux. Ce scénario soulève des questions quant aux moyens d'assurer une gouvernance efficace des biens communs mondiaux dans ces domaines clés, et à la contribution qui pourrait être celle de l’OCDE à cet égard.
Dans leur globalité, ces trois scénarios ouvrent la voie à un certain nombre de considérations stratégiques quant à la façon dont l’OCDE pourrait se préparer à répondre aux besoins évolutifs de la communauté mondiale face à un futur incertain et hautement dynamique. Ces considérations renvoient à la mission, aux valeurs, à la représentation, à la dimension opérationnelle et à la préparation de l’Organisation face à l’avenir.
S’agissant de sa mission, la possibilité de différentes divisions ou alliances futures dans le système mondial laissent penser que l’OCDE pourrait avoir besoin de renforcer son rôle de médiateur, en particulier face à des enjeux essentiels de dimension mondiale. Dans ce processus, il faudra s'attacher à déterminer quelles valeurs devraient guider les différents aspects des travaux de l’Organisation, en mettant l’accent sur l’analyse fondée sur des données probantes et sur le bien-être comme possible cadre permettant de naviguer entre des systèmes économiques et politiques concurrents.
En termes de représentation, l’OCDE pourrait avoir besoin d’être mieux à même de travailler en étroite collaboration avec les gouvernements de pays non Membres et avec divers acteurs non étatiques dans un monde où ceux-ci exercent une influence croissante sur les normes et les résultats à l'échelle mondiale. Ces scénarios soulèvent par ailleurs des questions d'ordre opérationnel, notamment comment assurer que l’OCDE a la capacité de jouer un rôle de chef de file dans un espace virtuel. Enfin, ces scénarios mettent en relief la nécessité pour l’OCDE de faire en sorte d’être mieux préparée à l’incertitude et mieux à même de répondre à des priorités émergentes telles que des menaces proprement existentielles.
Ce rapport a pour objet d’étayer la réflexion sur la façon de préparer au mieux l’OCDE à répondre aux besoins dans le contexte d'un futur hautement imprévisible. Il s'adresse à tous ceux qui sont partie prenante ou ont un rôle à jouer dans les décisions relatives à l'avenir de l’Organisation. Il s'agit en priorité des pays Membres ainsi que de la direction et des membres du personnel de l’OCDE, mais le rapport s'adresse également à la communauté plus large des pays, organisations et citoyens qui participent aux activités de l'OCDE et en bénéficient.