La science, la technologie et l’innovation (STI) ont été mises à contribution pour apporter des solutions à la pandémie de COVID-19. Dans le même temps, celle-ci pose des défis de taille aux systèmes STI et des incertitudes demeurent sur ses incidences à court et long termes. Ce chapitre expose les réponses apportées par les pouvoirs publics dans le domaine de la STI pour faire face au choc du COVID-19 et les incidences de la crise sur les systèmes STI. Il esquisse un cadre structuré que les gouvernements peuvent utiliser pour suivre en permanence l’évolution de la crise et ses conséquences du point de vue des politiques STI. Il examine une série d’« étapes charnières critiques » à partir desquelles les évolutions pourraient suivre des trajectoires radicalement différentes. Il conclut en examinant le rôle que les politiques STI peuvent jouer pour aider à négocier au mieux ces étapes charnières de manière à favoriser une transition vers un avenir plus équitable, durable et résilient.
Science, technologie et innovation : Perspectives de l'OCDE 2021 (version abrégée)
1. Crise du COVID-19 : un tournant pour la science, la technologie et l’innovation ?
Abstract
Principales conclusions
La réponse des systèmes de recherche et d’innovation face à la pandémie a été remarquable et a joué un rôle central dans la résilience dont les pays ont fait preuve. Les acteurs privés comme publics des systèmes STI ont apporté des solutions à la crise, avec évidemment la mise au point à bref délai de vaccins, mais aussi le déploiement de technologies numériques qui ont aidé à atténuer l’impact de la pandémie. La crise du COVID-19 a donné un coup d’accélérateur à des évolutions déjà à l’œuvre, telles l’ouverture de l’accès aux publications scientifiques, l’utilisation accrue des outils numériques, le renforcement de la collaboration internationale dans le domaine de la STI, ou encore la multiplication des partenariats public-privé.
La pandémie continue de poser des difficultés de taille aux systèmes STI, mettant à mal les capacités de production et d’innovation clés, en particulier dans les secteurs frappés de plein fouet. D’importants segments des systèmes STI ont été durement touchés, notamment une grande partie des petites et moyennes entreprises (PME), les startups en phase de démarrage, les jeunes chercheurs en début de carrière, et les femmes, qui, en moyenne, ont consacré durant le confinement plus de temps aux obligations familiales, au détriment de leurs activités STI. À court terme, les pouvoirs publics devraient continuer de soutenir les activités de science et d’innovation destinées à apporter des solutions à la pandémie et en limiter les impacts négatifs, tout en prêtant attention aux effets redistributifs inégaux de la crise du COVID-19.
De nombreuses incertitudes demeurent, qui façonneront les systèmes de recherche et d’innovation et la contribution qu’ils pourront apporter à la gestion des grands défis sociétaux à plus long terme. Ce chapitre examine une série d’« étapes charnières critiques » à partir desquelles les évolutions pourraient suivre des trajectoires radicalement différentes. Leur surveillance peut servir de système d’alerte précoce à même d’avertir les décideurs (et les autres acteurs) des évolutions qui se profilent. Elle leur permet en outre de garder un œil sur les scénarios et les résultats alternatifs qu’ils peuvent viser ou, au contraire, souhaitent éviter, favorisant ce faisant l’agilité et la résilience des politiques STI.
Introduction
La pandémie de COVID-19 constitue une menace sanitaire mondiale et a provoqué la plus vaste crise économique que la planète ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale. En l’absence d’immunité collective et de traitement efficace contre la maladie, des confinements généralisés et des mesures sanitaires et de distanciation physique se sont avérés nécessaires, avec à la clé un coût socio-économique élevé. Compte tenu de cette situation, une attention particulière a été accordée à la science, la technologie et l’innovation (STI), qui ont été appelées à apporter rapidement des solutions, alors même que les activités STI ont été durement frappées par la crise du COVID-19. Dans un contexte marqué par des incertitudes quant à l’évolution de la pandémie et une intervention massive des gouvernements pour protéger la santé publique et l’économie, l’économie mondiale se trouve aujourd’hui face à plusieurs étapes charnières critiques qui façonneront les impacts de la crise sur le long terme. Les systèmes et les politiques STI peuvent aider à agir sur l’orientation à donner à partir de ces points d’aiguillage.
L’objectif de ce chapitre est de dresser une synthèse de la situation de la STI durant la pandémie de COVID-19. Il expose dans un premier temps la façon dont les systèmes STI se sont mobilisés pour trouver des solutions face au défi sanitaire que représente la pandémie de COVID-19 et dont les divers acteurs de ces systèmes – l’industrie, les universités, les établissements publics de recherche et les personnels de recherche – ont été affectés par la pandémie. Il donne ensuite un bref aperçu des différents types de mesures STI mises en œuvre dans la zone OCDE pour affronter la crise. Troisièmement, il examine les étapes charnières critiques auxquelles se trouve l’économie mondiale, leurs implications pour la STI et le rôle des politiques STI pour y répondre au mieux.
Les acteurs privés comme publics des systèmes STI ont déployé des efforts soutenus pour apporter des solutions à la crise du COVID-19. Cela a donné lieu certes à des investissements massifs dans la recherche de vaccins et de traitements, mais aussi à des innovations pour faire face aux répercussions des mesures de distanciation physique – l’amélioration des outils numériques pour le télétravail en est un exemple. On a observé, durant les premiers mois de l’épidémie, une multiplication rapide des articles sur la recherche liée au COVID-19 dans le domaine médical et d’autres disciplines, auxquels sont venus s’ajouter de nombreux documents de recherche qui ont étayé les débats scientifiques (voir Chapitre 2). Des initiatives destinées à faciliter le partage des données et l’accès aux infrastructures de recherche critiques ont également été lancées dans le but d’accélérer les réponses, et de nouveaux processus ont vu le jour, à l’instar des marathons de programmation (hackathons), afin de solliciter des contributions et des mesures à l’appui de collaborations efficaces. Néanmoins, alors que le monde s’est lancé dans une course effrénée pour trouver des solutions probantes à la crise du COVID-19, on peut se demander si ces collaborations ont eu lieu à une échelle suffisamment mondiale, et si les financements ont été à la hauteur des besoins et correctement alloués.
Le choc soudain et la première vague de la pandémie de COVID-19 ont mis à mal le fonctionnement des systèmes STI, bien qu’à des degrés variables. Les activités de recherche et d’innovation des entreprises, des établissements de recherche et des universités ont été fortement perturbées par les mesures de confinement et de distanciation physique. Passé le choc initial, plusieurs pans des systèmes STI – notamment le financement par le capital-risque, les brevets et l’entrepreneuriat, ainsi que les investissements colossaux dans la recherche et le développement (R-D) par les poids lourds des secteurs du numérique et de la santé – se sont rapidement redressés dès que les gouvernements ont levé les mesures de confinement à l’issue de la première vague de l’épidémie. Nombre d’entreprises du numérique – qui étaient déjà les principaux investisseurs dans la R-D avant la crise – ont prospéré sous l’effet de la pandémie de COVID-19, les outils numériques s’étant révélés indispensables pour limiter les coûts induits par les mesures de distanciation physique. La reprise relativement rapide de certaines parties des systèmes STI est également imputable au fait qu’en dehors des perturbations initiales des chaînes logistiques mondiales, nombre de grandes entreprises ont pu reprendre leurs activités et ont observé un retour de la demande après la levée des mesures de confinement prises lors de la première vague de la pandémie. Le financement de l’innovation s’est également maintenu grâce à des interventions résolues des gouvernements et à des renforts de moyens apportés par des investisseurs en capital à un certain nombre d’entreprises.
Dans le même temps, d’importants segments des systèmes STI ont été durement frappés, notamment une grande partie des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes, les startups en phase de démarrage, les jeunes chercheurs en début de carrière, et les femmes, qui, en moyenne, ont consacré durant le confinement plus de temps aux obligations familiales, au détriment de leurs activités STI. Les secteurs ayant le plus souffert – tels que le divertissement, le tourisme, la vente au détail et l’aviation, par exemple – comptent parmi les acteurs qui mènent le moins d’activités d’innovation technologique à forte intensité de R-D.
Les premières réponses apportées à la crise dans le domaine de la STI étaient essentiellement centrées sur le financement des activités de recherche et d’innovation liées au COVID-19, les pouvoirs publics, les fondations et l’industrie ayant réuni plusieurs milliards de dollars pour financer les nouveaux vaccins et traitements. Les pouvoirs publics ont en outre apporté leur soutien aux acteurs STI les plus durement touchés par la crise. Une panoplie impressionnante de mesures adoptées via des procédures accélérées a été déployée pour mobiliser l’écosystème STI dans le but d’apporter des solutions à la pandémie, solliciter la contribution de divers acteurs, faciliter la coopération et le partage de connaissances, lever les freins à l’innovation (en offrant une flexibilité réglementaire, en accélérant les examens de propriété intellectuelle, etc.) et renforcer la collaboration internationale sur la gestion de ce défi mondial. Pour autant, compte tenu des incertitudes actuelles, il pourrait, à plus long terme, être difficile à la STI de conserver son rôle de moteur de relance.
La crise a en outre favorisé l’innovation publique, comme en témoignent le recours à des applications numériques de traçage des cas contacts (bien qu’avec des résultats mitigés) et l’exploitation sans précédent d’analyses des données en temps réel pour étayer les décisions des pouvoirs publics. Les gouvernements mettent sur pied des dispositifs destinés à aider les entreprises innovantes à se maintenir à flot (en facilitant l’accès au financement des entreprises et des startups innovantes, par exemple), et les chercheurs et établissements de recherche à s’adapter au contexte inédit (OCDE, 2020[1]). Par ailleurs, la plupart des pays préparent ou ont adopté récemment des plans de relance pour stimuler l’économie et, en particulier, protéger les emplois dont dépendent directement ou indirectement les acteurs STI.
La pandémie de COVID-19 fait planer de lourdes incertitudes sur l’avenir de la STI. Outre l’évolution de la pandémie elle-même, plusieurs sont abordées dans le présent chapitre : (1) la valeur que la société attribue à la durabilité, l’inclusivité et la résilience pour forger l’avenir, mais aussi le rôle que les pouvoirs publics et la STI devraient jouer dans sa construction ; (2) le rythme et l’orientation de la transformation numérique, qui influent à la fois sur les processus STI eux-mêmes, et sur les besoins à venir en matière d’innovation ; (3) les préférences sociales quant à l’importance des résultats économiques et sociétaux inclusifs, qui pourraient radicalement changer et affecter le caractère inclusif des processus d’innovation ; et (4) l’évolution de l’économie politique internationale – tirée notamment par la volonté de réduire à l’avenir les vulnérabilités –, qui modèlera la division du travail au sein des systèmes STI aux niveaux national, régional (supranational) et mondial.
Les politiques STI sont affectées par ces incertitudes alors même qu’elles peuvent contribuer à les façonner. Elles peuvent en effet impulser le déploiement de la STI pour apporter des solutions, organiser un dialogue efficace entre les citoyens et les organismes publics pour affronter la crise du COVID-19 (y compris pour les décisions relatives aux mesures de confinement et les arbitrages connexes), gérer les effets redistributifs potentiels de la crise du COVID-19 sur les systèmes STI et mobiliser la capacité de réaction des systèmes STI. Les politiques STI seront également influencées par la manière dont la crise du COVID-19 et ces incertitudes clés évolueront conjointement, notamment en termes de disponibilité des financements pour la recherche et l’innovation, et par les priorités des gouvernements et des autres acteurs.
Une analyse plus approfondie des questions abordées ici est proposée dans deux documents d’orientation sur les impacts de la crise du COVID-19 sur la STI entre janvier 2020 et septembre 2020 (Paunov et Planes-Satorra, à paraître[2]), et sur les possibles impacts et les implications du point de vue des politiques STI à plus long terme (Paunov et Planes-Satorra, à paraître[3])1. L’analyse se nourrit par ailleurs des informations sur les politiques des pays, recueillies par le biais de l’Enquête de l’OCDE sur les mesures prises dans le domaine de la STI pour faire face à la crise du COVID-19 (OCDE, 2020[4]).
Réponses STI à la crise du COVID-19 et incidences sur les systèmes STI
Dans de nombreux pays, la pandémie de COVID-19 a donné lieu à une cascade de réponses de l’écosystème STI – et d’impacts sur ledit écosystème – (Graphique 1.1). Cette section examine la situation dans les secteurs de la recherche publique et celui des entreprises ; elle souligne non seulement le rôle croissant des avis des scientifiques et des chercheurs, mais aussi les perturbations qu’ont subies les activités de recherche et les incidences inégales sur les chercheurs et les entreprises.
Réponses des organismes publics de recherche et des chercheurs et impacts sur ces acteurs
Activités de recherche apportant des réponses à la crise du COVID-19
Déploiement rapide de la recherche pour apporter des solutions à la crise du COVID-19
Les universités, les établissements publics de recherche et les entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques – parfois dans le cadre de collaborations – ont entrepris des activités de R-D pour mettre au point rapidement de nouveaux traitements et vaccins contre le COVID-19. Plusieurs mécanismes de suivi fournissent des informations en temps réel sur le développement des vaccins, dont le Coronavirus Vaccine Tracker du New York Times2, d’après les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dès la fin du mois de mai 2020, 131 vaccins expérimentaux (dont 10 faisaient l’objet d’une évaluation clinique) étaient à l’étude. Début septembre 2020, on dénombrait 180 vaccins expérimentaux, dont 35 en phase d’évaluation clinique (OMS, 2020[5]). Mi-octobre 2020, selon la base de données des National Institutes of Health, aux États-Unis, plus de 3 600 essais cliniques sur le COVID-19 avaient été ou étaient menés dans le monde (NIH, 2020[6]). La grande majorité de ces essais portaient sur des médicaments destinés à traiter la maladie ; environ 30 % d’entre eux étaient enregistrés aux États-Unis (Chapitre 5). Alors que 2020 touchait à sa fin, des campagnes de vaccination avaient été lancées dans un premier groupe de pays, suscitant l’espoir prudent d’une sortie de crise, même si l’on n’atteindra pas une masse critique de personnes vaccinées avant des mois, voire des années.
L’engagement soutenu de la communauté scientifique transparaît également dans l’explosion du nombre de publications scientifiques liées au virus. Mi-avril 2020, plus de 3 500 articles liés au COVID-19 avaient déjà été publiés dans des revues scientifiques de médecine – soit un nombre plus élevé que lors des précédentes pandémies, selon PubMed, une base de données d’accès gratuite du National Center for Biotechnology Information (États-Unis), qui permet de rechercher des publications dans les domaines de la biomédecine et des sciences du vivant et d’y accéder (Bryan, Lemus et Marshall, 2020[7]). Fin novembre 2020, PubMed recensait environ 75 000 articles liés au COVID-19 (la ventilation détaillée des publications sur le COVID-19 est exposée au Chapitre 2). D’autres éléments attestent de cet engagement massif et rapide. Ainsi de l’enquête internationale menée du 24 mai au 18 juin par Springer Nature and Digital Science auprès de chercheurs de différentes disciplines, qui révèle que 43 % des 3 436 sondés avaient réaffecté leurs subventions à la recherche sur le COVID-19 ou envisageaient de le faire (Baynes et Hahnel, 2020[8]).
Sur le Graphique 1.2 sont représentés les pays dans lesquels sont menés les travaux de recherche sur le COVID-19. Il en ressort que les États-Unis et la République populaire de Chine (ci-après dénommée la Chine) sont les deux principaux contributeurs aux publications sur le COVID-19 enregistrées dans PubMed. Les deux pays sont également le principal partenaire de collaboration l’un de l’autre (voir Chapitre 5). D’autres travaux de recherche confirment ce constat : ils montrent en effet que les États-Unis et la Chine ont resserré leur collaboration dans le sillage de la pandémie (en comparaison des travaux de recherche sur les coronavirus menés avant l’épidémie de COVID-19) (Fry et al., 2020[9]). Les autres pays affichant un nombre élevé de collaborations internationales en matière de recherche sur le COVID-19 sont le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Australie, le Canada et l’Inde.
Formulation d’avis scientifiques à l’intention des décideurs et du public
Les pays disposent de différents systèmes permanents pour la formulation des avis scientifiques à l’intention des décideurs, auxquels viennent s’ajouter des mécanismes ad hoc en temps de crise. Si la plupart des pays de l’OCDE s’appuient sur l’expertise nationale, nombre d’économies moins développées se tournent davantage vers des sources internationales telles que l’OMS, par exemple. Au fil de l’évolution de la pandémie, les besoins en avis scientifiques ont dépassé les frontières des ministères et transcendé les échelles géographiques – locale, nationale et internationale.
Les données scientifiques qui étayent les réponses à la crise du COVID-19 restent incomplètes et conditionnelles ; de fait, à mesure que des volumes de données croissants sont collectés, la compréhension scientifique du COVID-19 progresse. Cette situation évolutive représente un défi pour la communauté scientifique à une période où les décideurs et le public sont en quête d’assurance et de certitudes. S’il reste difficile de dégager un consensus scientifique, la transparence sur les incertitudes et les opinions alternatives peut saper la confiance dans les avis scientifiques et les politiques connexes (voir Chapitre 8).
Dans de nombreux pays, les experts scientifiques sont devenus des porte-parole nationaux dont on attend non seulement qu’ils communiquent des données scientifiques, mais aussi qu’ils justifient l’action des pouvoirs publics. Ce qui a parfois brouillé la distinction entre les rôles de conseiller et de décideur. La deuxième vague de contaminations au COVID-19 s’accompagne d’un débat public intense sur les données et informations scientifiques qui aident à déterminer les mesures à prendre. La confiance est une condition indispensable pour garantir l’acceptation et le respect des mesures, telles que le port du masque obligatoire et la distanciation physique. À plus long terme, elle sera également essentielle à la solidarité et au soutien de l’opinion publique en faveur des interventions à l’appui de la relance socio-économique.
Le libre accès aux articles publiés dans les revues atteint des niveaux sans précédent
L’une des évolutions majeures induites par la pandémie tient au raccourcissement des délais de publication des résultats des travaux de recherche scientifique, soulignant par là même le rôle de la science ouverte. De nombreuses revues ont accéléré leurs processus d’examen par un comité de lecture pour garantir une diffusion rapide. Une étude fondée sur les données relatives à 669 articles publiés dans 14 revues médicales pendant et avant la pandémie révèle que le délai de publication a diminué de 49 % en moyenne, passant de 117 jours à 60 jours (Horbach, 2020[10]).
En l’espace de quelques semaines, on a constaté, dans le domaine de la recherche médicale, une circulation accrue de versions préliminaires de documents scientifiques n’ayant pas encore été examinés par un comité de lecture ou publiés. Cela permet à la fois d’accélérer la diffusion de ces documents (y compris entre les disciplines scientifiques) et d’atteindre un plus large éventail de pairs susceptibles de les examiner. La forte proportion de documents en libre accès témoigne également de cette adoption rapide : l’analyse des données de PubMed réalisée par l’OCDE révèle en effet que la part des travaux de recherche sur le COVID-19 en libre accès est de 76 % (contre par exemple 43 % pour les publications sur le diabète et 40 % pour celles sur la démence au cours de la même période – voir Chapitre 2).
Incidences de la crise du COVID-19 sur le secteur de la recherche publique
Un accès limité aux infrastructures et aux outils de recherche pendant le confinement
À l’exception des activités directement liées à l’urgence sanitaire du COVID-19 et d’autres considérées comme essentielles pour la protection du public, les activités de recherche et d’innovation nécessitant un accès physique aux laboratoires et aux autres installations de recherche, ainsi que celles impliquant la conduite de travaux sur le terrain ou des essais cliniques, ont été fortement perturbées par les mesures de confinement (Banque mondiale, 2020[11]). Il s’agissait notamment d’activités pour lesquelles une interruption entrave gravement la production de résultats de recherche (par exemple, les expériences de longue durée pour lesquelles l’observation temps-fréquence est essentielle) et de celles qui nécessitent une surveillance permanente pour satisfaire aux exigences liées à la réglementation, la sécurité ou la santé (par exemple, la prise en charge de spécimens vivants ou les travaux de recherche qui utilisent des matières dangereuses)3.
Là où des restrictions d’accès s’appliquaient, de nombreux chercheurs se sont tournés vers des activités de recherche qui peuvent être menées depuis leur domicile (Stenvot, 2020[12]). Une enquête menée par ResearchGate sur la base de données fournies par 3 000 chercheurs internationaux dans tous les domaines de la recherche universitaire indiquait qu’au cours de la première vague de confinement près de la moitié d’entre eux ont remplacé les activités sur site par des activités plus ciblées de rédaction, d’analyse, de publication et de planification de travaux de recherche à venir. En l’absence de données de recherche nouvelles, certains ont également passé plus de temps à analyser des ensembles de données plus anciens qui n’avaient pas été exploités auparavant (Research Gate, 2020[13] ; Baynes et Hahnel, 2020[8]). D’autres ont mis leur temps et leur expertise au service de la lutte contre le coronavirus, en réaménageant leurs installations et leurs équipements afin de répondre aux besoins liés au COVID-19. Par exemple, l’Institut Francis Crick à Londres, un centre de recherche sur le cancer, s’est en partie transformé en centre de dépistage du coronavirus (Viglione, 2020[14] ; Baker, 2020[15]). Les résultats de l’enquête éclair 2020 de l’OCDE sur la science4 font écho à ces constats, plus des trois quarts des scientifiques indiquant qu’ils sont passés au télétravail (Graphique 1.3, partie A).
Plus de la moitié d’entre eux ont observé ou s’attendent à observer une baisse de l’utilisation des équipements et des installations de recherche, et environ 40 % ont constaté une diminution du temps disponible pour la recherche. Plus de la moitié ont également observé ou s’attendent à observer une réduction du financement de la recherche (Graphique 1.3, partie B).
La « COVID-isation » de la recherche
Les mesures de confinement ont affecté les disciplines scientifiques de manière inégale en détournant les efforts de recherche vers le COVID-19. Basée sur les réponses données par 3 436 chercheurs, une enquête internationale menée du 24 mai au 18 juin 2020 par Springer Nature et Digital Science a révélé que les disciplines les plus perturbées, par exemple en raison de la fermeture des laboratoires, incluaient la chimie, la biologie, la médecine et la science des matériaux, tandis que les sciences humaines et sociales ont fait état d’un impact plus limité (Baynes et Hahnel, 2020[8]). L’enquête éclair 2020 de l’OCDE sur la science lancée en avril 2020, qui s’appuie sur les réponses fournies par près de 1 300 chercheurs, a révélé que l’ampleur des perturbations était plus importante dans les domaines de l’immunologie et de la microbiologie, les professions de santé et les produits pharmaceutiques, tandis que la physique et l’astronomie, ainsi que les sciences de la terre et des planètes, ont enregistré un degré plus faible de perturbations.
En revanche, il convient de relever que l’engagement généralisé de la communauté des chercheurs dans la conception de solutions au COVID-19 présente le risque de détourner les efforts de recherche des sujets non liés au COVID-19. L’Institut de recherche sur le cancer (Cancer Research Institute) a, par exemple, enregistré, entre mars et septembre 2020, l’interruption de 958 essais cliniques en raison du COVID-19 (Cancer Research Institute, 2020[16]). Ce phénomène s’applique non seulement au domaine médical, mais aussi à d’autres domaines scientifiques (voir le chapitre 2). Madhukar Pai, directeur des programmes de santé mondiale de l’Université McGill, a qualifié cette menace de « COVID-isation » de la recherche, un phénomène qui pousse les chercheurs de toutes les disciplines à s’engager dans de telles activités (Pai, 2020[17]).
La baisse des revenus provenant de la recherche et des droits d’inscription
Les universités sont également confrontées à d’importants défis financiers à court terme du fait de la pandémie. Certains étudiants pourraient reporter ou abandonner leurs projets de participer à des programmes d’enseignement supérieur en 2020/21 (Jaschik, 2020[18]). Certains peuvent également abandonner ou reporter leurs projets d’études à l’étranger. Par conséquent, les universités fortement dépendantes des droits d’inscription des étudiants, en particulier celles avec une proportion importante d’étudiants étrangers, subiront des réductions de revenus. Cela pourrait également avoir un impact sur les dépenses en matière de recherche, car les revenus de l’enseignement servent souvent à subventionner les activités de recherche. Sans compter de possibles réductions du financement de la recherche (par exemple, les revenus de la recherche sous contrat des entreprises) et d’autres activités génératrices de revenus, telles que l’hébergement et les conférences.
L’effet des mesures de confinement sur les chercheurs et le succès du recours aux substituts numériques
Les restrictions sévères aux déplacements imposées par les mesures de confinement ont interrompu la mobilité des ressources humaines dans le domaine de la STI (chercheurs invités, échanges de personnel avec l’industrie, par exemple). Au cours des premiers mois de la pandémie, de nombreuses manifestations et conférences scientifiques ont été reportées ou annulées, et l’incertitude règne toujours quant à la date à laquelle elles reprendront pleinement. En remplacement, certaines de ces conférences et manifestations (notamment les grandes conférences phares) sont de plus en plus souvent organisées par voie numérique, enregistrant parfois une très forte participation. Par exemple, la Société américaine de physique (American Physical Society) a compté au total plus de 7 000 participants lors de sa réunion en ligne d’avril 2020, un nombre nettement supérieur à la moyenne de 1 700 participants qui assisteraient normalement à la réunion en personne (Castelvecchi, 2020[19]). Cette évolution a mis en évidence les avantages présentés par les conférences numériques, notamment en termes d’amélioration de l’accessibilité, d’accès à un public plus diversifié, de réduction des coûts et de diminution de l’empreinte carbone des déplacements. Néanmoins, les échanges virtuels ne remplacent pas entièrement les conférences en présentiel, qui débouchent souvent sur des collaborations et des relations de confiance à long terme, et représentent également une opportunité pour les chercheurs en début de carrière de trouver un emploi et d’améliorer la visibilité de leurs travaux.
Incidences négatives sur les jeunes chercheurs et les femmes chercheurs
Les contraintes posées par les environnements virtuels ont favorisé les relations déjà existantes, au détriment de la création de liens nouveaux. Elles ont également désavantagé ceux qui font leurs premiers pas dans la vie active, notamment les chercheurs en début de carrière avec des contrats à durée déterminée, qui ont besoin de nouer des relations et de partager leurs travaux. Plus de la moitié des scientifiques qui ont répondu à l’enquête éclair 2020 de l’OCDE sur la science menée en octobre 2020 s’attendaient à ce que la crise ait des effets délétères sur la sécurité de l’emploi et les perspectives professionnelles (Graphique 1.4, partie A). Il a également été plus difficile de mettre un pied dans le secteur de la recherche industrielle au début de la crise du COVID-19. Des données en provenance des États‑Unis suggèrent que les entreprises ont considérablement réduit les offres d’emploi pour les postes hautement qualifiés en mars et avril 2020 (Campello, Kankanhalli et Muthukrishnan, 2020[20]). Le choc lié au COVID-19 a généralement aidé les chercheurs de renom, mais a compliqué les tentatives des chercheurs en début de carrière de se positionner dans le domaine. La nécessité de trouver des solutions rapides et la capacité des événements virtuels à attirer davantage de « vedettes » ont réduit les possibilités offertes aux chercheurs moins connus d’exprimer leurs points de vue, conduisant à une plus forte domination de ceux désignés comme superstars au sein de leurs réseaux respectifs (voir Chapitre 2).
Les femmes chercheurs ont également été particulièrement touchées, car, lors de la première vague de COVID-19, elles ont passé plus de temps à s’occuper des enfants et des personnes âgées pendant le confinement (OCDE, 2020[21] ; Minello, 2020[22]). Une analyse de plus de 300 000 publications préliminaires et rapports enregistrés montre que la production scientifique des femmes a sensiblement diminué en mars et avril 2020 par rapport aux deux mois précédents et aux deux mêmes mois de 2019, avec un impact disproportionné sur les chercheuses en début de carrière (Vincent-Lamarre, Sugimoto et Larivière, 2020[23]). Une autre analyse basée sur les données de publication des documents de travail montre que, bien que le COVID-19 ait stimulé la recherche dans le domaine de l’économie, la proportion moyenne de femmes chercheurs (en particulier en début et en milieu de carrière) qui mènent des travaux liés à la pandémie est nettement inférieure (12 % du nombre total d’auteurs) à leur participation moyenne à d’autres sujets (21 %). Toutefois, l’étude constate également que les femmes ont continué à travailler sur leurs recherches en cours, ce qui laisse à penser qu’elles ont moins contribué aux nouveaux travaux publiés sur l’économie des pandémies (Amano-Patiño et al., 2020[24]).
Malgré ce tableau sombre, les personnes interrogées lors de l’enquête éclair 2020 de l’OCDE sur la science se sont montrées plus optimistes quant à l’attrait des carrières scientifiques sur le long terme, près de la moitié d’entre elles s’attendant à une augmentation (Graphique 1.4, partie B).
Mobiliser l’innovation des entreprises
Activités liées à l’innovation mises en œuvre par les entreprises en réponse au COVID-19
Outre les recherches menées par le secteur de la santé – souvent en lien avec des organismes publics de recherche –, l’industrie a également pris des mesures pour répondre aux défis du COVID-19. Une enquête menée auprès des professionnels de la R‑D et des décideurs de 247 entreprises déposant des brevets a montré que près d’un quart (23 %) des entreprises avaient reconverti leurs innovations en direction de marchés tels que les services internet, les communications, l’assainissement et les services de santé/hospitaliers, même s’il ne s’agissait pas de leur secteur d’activité principal (Kanesarajah et White, 2020[25]). La forte augmentation des demandes de brevets sur les technologies favorisant le télétravail déposées entre janvier et mai 2020 auprès du United States Patent and Trademark Office (USPTO) illustre la mobilisation du secteur économique (Bloom, Davis et Zhestkova, 2020[26]).
Un autre phénomène observé au cours des premiers mois de la pandémie a été le développement rapide d’innovations frugales visant à remédier aux pénuries d’approvisionnement en matériel médical et autres produits d’urgence (Harris et al., 2020[27]). À la mi-mars 2020, une nouvelle entreprise italienne a rétroconçu une version imprimée en 3D d’une valve de respirateur et en a fourni 100 à l’hôpital de Chiari en quelques jours. Peu de temps après, l’équipe a conçu un masque respiratoire d’urgence, modifiant un masque de plongée déjà disponible sur le marché auprès du détaillant français d’articles de sport Decathlon (Isinnova, 2020[28]). Certaines entreprises des secteurs de l’automobile, de l’aviation ou des biens de consommation ont reconverti (une partie de) leurs lignes de production pour fabriquer des équipements médicaux dont le besoin était urgent, tels que des respirateurs et des appareils respiratoires, des masques, des écrans de protection du visage et des désinfectants pour les mains.
Les jeunes entreprises universitaires ont également joué un rôle important en répondant aux besoins immédiats posés par le défi sanitaire du COVID-19. Zentech5, une société de biotechnologie fondée en 2001 en tant qu’entreprise dérivée de l’Université de Liège, a développé « QuickZen », un kit de détection des anticorps destiné à être utilisé par les professionnels de la santé. AdaptVac6, une entreprise commune entre ExpreS2ion Biotech et NextGen, société issue de l’Université de Copenhague, concentre actuellement ses travaux sur la mise au point d’un vaccin contre le COVID-19. Dans le secteur technologique, la start-up indienne Azimov Robotics7 a mis au point des robots au service des patients atteints du COVID-19 (par exemple pour leur apporter de la nourriture et des médicaments, effectuer des désinfections et permettre des appels vidéo entre le médecin et le patient).
Incidences de la crise du COVID-19 sur la recherche et l’innovation des entreprises
Les entreprises innovantes ont été frappées par le confinement
De nombreuses entreprises ont réduit leurs activités liées à l’innovation au plus fort du confinement. Selon une enquête menée en avril 2020 auprès des entreprises innovantes par le ministère fédéral allemand de l’Économie et de l’Énergie, qui a reçu 1 800 réponses (86 % de PME), 54 % des entreprises avaient suspendu des projets de recherche et d’innovation en cours, et 24 % envisageaient de mettre fin à un ou plusieurs projet(s) (BMWi, 2020[29]). Une enquête internationale et des entretiens ultérieurs menés par McKinsey en avril 2020 auprès de plus de 200 cadres de différents secteurs ont révélé que l’attention portée par les entreprises à l’innovation en tant que priorité essentielle avait diminué dans la plupart des secteurs – à l’exception des secteurs pharmaceutique et de la fourniture médicale – car les entreprises cherchaient à relever les défis immédiats liés au COVID-19 (McKinsey, 2020[30]).
La forte baisse de la demande pendant la période de confinement de la première vague et l’accès limité aux infrastructures de recherche ont eu un impact sur l’innovation. Comme c’est le cas ailleurs, les mesures de confinement ont entraîné la fermeture de la plupart des centres d’innovation et d’essai, des laboratoires et des parcs scientifiques. Cette situation a eu un impact direct sur la capacité de nombreuses entreprises à poursuivre leurs activités de recherche, de développement de produits et de commercialisation, telles que prévues dans les plans d’entreprise et accords avec les investisseurs. Plus généralement, les premières estimations pour la zone OCDE indiquaient qu’en l’absence d’intervention des pouvoirs publics, 30 % des entreprises seraient à court de liquidités après deux mois de confinement (OCDE, 2020[31]). Une enquête menée en Israël en mai 2020 auprès de 414 entreprises technologiques a révélé que 54 % des entreprises (et 65 % des entreprises de moins de dix salariés) ne seraient pas en mesure de maintenir leurs activités pendant plus de six mois (Solomon, 2020[32]).
Les activités d’innovation se sont poursuivies et redressées
À ce jour, les observations tirées des données relatives aux brevets indiquent que la première vague de la pandémie a produit des effets modérés et de courte durée. Si l’on compare les tendances sur les demandes de brevet déposées au titre du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) entre novembre 2019 et juin 2020 avec la même période d’une année sur l’autre, les pays de l’OCDE ont connu en moyenne un ralentissement des dépôts de brevet à la suite de l’épidémie de COVID-19. Toutefois, la pandémie elle-même n’a pas entraîné de rupture radicale dans les tendances relatives aux dépôts de brevets. Dans le cas de la Chine, les dépôts de brevets au titre du PCT effectués en mars 2020 sont même revenus aux niveaux enregistrés en mars 2019, et dans l’ensemble de la zone OCDE, l’écart avec l’année précédente semblait se réduire à partir de juin 2020. En revanche, la réduction des activités d’innovation due au COVID-19 pourrait se refléter dans les demandes de brevet dans les mois ou les années à venir. La crise financière de 2008-09 a fait ressortir ce schéma dans de nombreux pays. La demande liée aux innovations numériques pourrait toutefois présenter des tendances différentes pour ces inventions. Par exemple, le constat que le nombre de dépôts de brevets sur le télétravail dans les dépôts de brevets effectués auprès de l’USPTO a augmenté au début de la première vague de COVID-19 (Bloom, Davis et Zhestkova, 2020[26]) laisse entrevoir un schéma différent. Des entretiens menés auprès de 247 grandes entreprises déposantes montrent également qu’elles ont maintenu leurs activités d’innovation, souvent en répondant à de nouvelles demandes pendant la première vague de la pandémie de COVID-19 (Kanesarajah et White, 2020[25]).
Les incidences inégales de la crise du COVID-19 dans les différents secteurs
La crise du COVID-19 a eu des effets inégaux sur les différentes économies. Des entreprises et secteurs ont en effet été frappés plus durement, notamment ceux présentant des degrés d’innovation comparativement plus faibles. Dans les secteurs des services, du tourisme, des voyages et des loisirs, ainsi que dans les activités nécessitant un contact entre les consommateurs et les prestataires de services (par exemple, les coiffeurs et les détaillants), les entreprises ont été fortement touchées par les restrictions de déplacement et la distanciation physique. Ces mêmes services sont pour la plupart directement affectés par les mesures de reconfinement adoptées pour répondre à la deuxième vague de contaminations au COVID-19. L’impact global sur la R‑D des entreprises sera probablement mineur, car l’investissement moyen des entreprises de ces secteurs dans la R‑D est faible. Toutefois, les activités à plus forte intensité de R‑D ont également été touchées, notamment les secteurs manufacturiers avec de longues chaînes logistiques mondiales (par exemple, l’automobile et l’électronique), car la demande de biens durables a momentanément chuté. La demande a de nouveau augmenté progressivement à mesure que les mesures de confinement étaient levées, sauf dans les industries manufacturières directement liées aux secteurs du tourisme et des transports.
Dans ce contexte, certaines entreprises, en particulier dans le secteur numérique (par exemple, les services infonuagiques, les outils de visioconférence et de collaboration numérique, le streaming vidéo, les achats en ligne, l’apprentissage en ligne et la télémédecine), prospèrent et continuent à innover, avec une demande croissante de leurs produits. Le Graphique 1.5 présente les investissements en R‑D correspondants dans les secteurs numérique et pharmaceutique, et la réduction des dépenses pour les grandes entreprises des secteurs de l’automobile, de l’aérospatiale et de la défense.
La création d’entreprises lors de la première vague de COVID-19
Comme c’est souvent le cas en période de crise, une baisse des enregistrements de nouvelles entreprises et une augmentation des faillites ont été observées au premier semestre 2020 par rapport à 2019 (Graphique 1.6). Les enregistrements d’entreprises ont diminué en Allemagne, en France, en Belgique et en Islande, mais pas en Norvège, au Japon, en Suède et aux Pays‑Bas, où la création d’entreprises a été plus importante qu’au premier semestre 2019.
Les premières données concernant les États‑Unis montrent que le choc initial de la première vague de COVID-19 a été de courte durée, avec un rebond et un essor rapides des demandes des entreprises (Dinlersoz et al., forthcoming[33]). Le Bureau des statistiques nationales (Office for National Statistics) du Royaume‑Uni a également indiqué que le nombre de créations d’entreprises au Royaume‑Uni au troisième trimestre 2020 était légèrement supérieur à celui de la même période en 2019, après une légère baisse au deuxième trimestre 2020 (Office for National Statistics, 2020[34]). Bien qu’il s’agisse d’un phénomène positif, il ne peut être que temporaire compte tenu des incertitudes à venir. En outre, une partie de la création d’entreprises peut provenir du fait que des personnes touchées par le chômage optent temporairement pour des activités commerciales privées.
Financement du capital-risque pour l’entrepreneuriat innovant
Les premières indications suggèrent que le choc lié au COVID-19 a affecté le capital-risque et l’investissement providentiel/d’amorçage, une source de financement essentielle pour les jeunes entreprises innovantes (OCDE, 2020[1]). Selon les analyses d’Ipsos MORI, le nombre de transactions de capital-risque à l’échelle mondiale a diminué entre janvier et août 2020, pour atteindre son niveau le plus bas depuis février 2013 (Ipsos MORI, 2020[36]). Une enquête menée auprès de 1 000 investisseurs en capital-risque publics et privés, pour la plupart basés aux États‑Unis, a également révélé qu’ils avaient ralenti leur rythme d’investissement (71 % de la normale) au cours du premier semestre 2020 (Gompers et al., 2020[37]). Des données provenant de nombreux pays suggèrent que les entreprises en phase de démarrage ont été plus durement touchées par la baisse des investissements, notamment en Chine (Brown et Rocha, 2020[38]), en Irlande (ICVA, 2020[39]) au Royaume‑Uni (Ipsos MORI, 2020[36]) et aux États‑Unis (Howell et al., 2020[40]).
Toutefois, le choc global subi par le capital-risque a été beaucoup plus faible que pendant la crise financière de 2008‑09, et l’activité dans le secteur du capital-risque s’est rétablie relativement rapidement dès juillet 2020. En effet, l’analyse d’Ipsos MORI montre que la valeur des transactions était déjà revenue à des niveaux élevés à cette date, bien qu’elle soit basée sur un nombre réduit de grandes transactions (Ipsos MORI, 2020[36]). L’étude de Gompers et al. (Gompers et al., 2020[37]) indique également que le ralentissement des investissements a été plus modeste que lors de l’éclatement de la bulle internet en 2001-02 (période à laquelle les investissements ont diminué de plus de 50 %) et de la crise financière mondiale de 2008‑09 (lorsque les investissements ont diminué de 30 %). Il existe toutefois d’importantes disparités en matière de financement, une plus grande part des fonds étant allouée aux grandes entreprises établies et aux sociétés opérant dans des secteurs qui ont bénéficié de la pandémie de COVID-19. Ce changement dans la répartition du financement par le capital-risque peut encore remettre en question la dynamique à venir de l’innovation entre différents secteurs et acteurs, notamment les entreprises en phase de démarrage.
Mobiliser les politiques STI pour combattre la pandémie de COVID-19
Les réponses à la pandémie de COVID-19 apportées par les politiques STI
Les responsables de l’élaboration des politiques STI ont rapidement intensifié leurs réponses à la pandémie de COVID-19, cherchant à la fois à mobiliser et à protéger les systèmes STI. Les premiers efforts ont permis de consacrer des ressources à la recherche de solutions médicales (vaccins et traitements) et de soutenir les acteurs de l’innovation dans la recherche et l’industrie touchés par le choc lié à la pandémie. Pour faire face aux coûts socio-économiques de la crise, les pouvoirs publics ont investi dans les STI, notamment par des initiatives visant à stimuler les services numériques, à renforcer la capacité des organisations publiques et privées à les utiliser dans l’éducation et l’industrie, et à lutter contre la diffusion de fausses informations. Les pouvoirs publics ont également mis en place des mécanismes de coordination afin de garantir l’efficacité des réponses en matière de STI et la mise en œuvre des mesures à différents niveaux d’administration (voir le chapitre 8). Par exemple, l’Irlande a adopté un plan d’action national interministériel sur le COVID-19, et l’Afrique du Sud a créé un Conseil national de commandement. Les différents pays ont mis en œuvre un large éventail de mesures. Le Graphique 1.7 illustre les mesures adoptées par le gouvernement fédéral allemand de janvier à septembre 2020.
Accélération des initiatives de recherche
Les pouvoirs publics, les entreprises et les fondations ont alloué des fonds importants aux activités de R‑D destinées à la mise au point de vaccins, traitements et tests de diagnostic dans le cadre du COVID-19. Aux États‑Unis, les Instituts de recherche spécialisés (National Institutes of Health - NIH) avaient consacré à eux seuls 1.8 milliard USD à la recherche sur le COVID-19 en avril 2020 (Lauer, 2020[41]). La Commission européenne avait mobilisé 1 milliard EUR (soit 1.2 milliard USD) en mai 2020 au titre du programme-cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation dénommé « Horizon 2020 » (Union européenne, 2020[42]). Plusieurs outils de suivi du financement en matière de R‑D offrent des estimations régulièrement mises à jour des montants totaux de financement alloués aux projets de R‑D liés au COVID-19. Selon l’outil de suivi développé par le Policy Cures Research8, un groupe de réflexion sur la santé mondiale, le 18 septembre 2020, les pouvoirs publics, l’industrie et les organisations philanthropiques avaient déjà engagé plus de 9.1 milliards USD dans des projets de R‑D liés au COVID-19. Près de 60 % de ces financements concernaient la R‑D destinée à la mise au point de vaccins, et environ la moitié des fonds provenaient d’organisations situées aux États‑Unis (Policy Cures Research, 2020[43]). L’outil de suivi des projets de recherche liés au COVID-19 (COVID-19 Research Project Tracker)9, géré conjointement par la UK Collaborative on Development Research et la Global Research Collaboration for Infectious Disease Preparedness, montre un nombre notable de projets consacrés à l’étude des réponses sociétales à la crise du COVID-19 (voir Chapitre 2). En septembre 2020, les données du recueil de l’OCDE sur le financement de la R‑D liée au COVID-19 montrent que le total des investissements publics et philanthropiques dans les projets de R‑D s’élevait à 6.6 milliards USD (voir Chapitre 2) (OCDE, 2020[4]).
Comme décrit au chapitre 2, de nombreux gouvernements ont accéléré les initiatives de financement de la recherche basées sur une mise en concurrence pour soutenir la mise au point de vaccins, de tests de diagnostic et de traitements liés au COVID-19. En mars 2020, l’Agence nationale de la recherche en France a lancé un appel « Flash COVID-19 »10 d’un montant de 3 millions EUR (rapidement porté à 14.5 millions EUR) permettant l’évaluation, la sélection et le financement de projets de recherche dans un délai très court. Dans certains cas, le soutien est acheminé par le biais de mécanismes de financement existants afin d’accélérer les réponses. Au Canada, l’une des mesures du plan de mobilisation du secteur industriel11 consiste à recentrer des programmes industriels et d’innovation existants (par exemple, le Fonds stratégique pour l’innovation et l’Initiative des supergrappes d’innovation) sur la lutte contre le COVID-19. Certains appels des pouvoirs publics encouragent également les bénéficiaires de subventions en cours à réorienter leurs activités de recherche et d’innovation. Le programme de subventions à la recherche et à l’innovation du Royaume‑Uni (UK Research and Innovation - UKRI) pour les projets liés au COVID-1912 invite les chercheurs titulaires de subventions ordinaires accordées par l’UKRI à orienter le financement vers les domaines prioritaires du COVID-19 (UKRI, 2020[44]).
Les gouvernements ont également investi dans l’amélioration de la visibilité des possibilités de financement de la recherche, souvent en créant des plateformes en ligne qui répertorient toutes les informations pertinentes sur les activités STI liées au COVID-19, telles que la plateforme corona de l’Espace européen de la recherche (EER) de la Commission européenne13 et le portail Science 4 COVID-19 du Portugal14 (OCDE, 2020[45]).
Accélérer l’innovation pour répondre à la crise du COVID-19
La plupart des pays ont également mis en œuvre des mesures visant à stimuler la proposition de réponses innovantes rapides au large éventail de défis posés par le COVID-19 – de la prévention de la transmission du virus à la production de matériel essentiel, en passant par la lutte contre la désinformation et le traitement des effets du confinement. Les différentes approches adoptées par les pays prévoient notamment :
De lancer des concours accélérés ouverts à tous. Ceux-ci visent à stimuler une réflexion originale en s’appuyant sur les contributions de tous les éléments des systèmes STI, y compris celles des entreprises, des équipes de recherche et des inventeurs individuels. L’appel à réponses rapides sur le COVID-19 en Irlande (COVID-19 Rapid Response Call) et le concours accéléré sur l’innovation menée par les entreprises en réponse à la perturbation mondiale au Royaume-Uni sont relativement ouverts, et demandent aux candidats de démontrer la pertinence du défi lié au COVID-19 qu’ils relèvent dans le cadre de leurs innovations.
D’organiser ou de soutenir des marathons de programmation (hackathons) virtuels. Les hackathons sont généralement des événements de 24 à 48 heures au cours desquels les participants reçoivent des données qu’ils doivent utiliser pour créer un produit innovant. Les gagnants sont récompensés par l’octroi d’un financement pour développer et agrandir l’échelle de leurs idées. Fin avril 2020, plus de 30 000 participants à travers l’Union européenne ont rejoint le hackathon « EUvsVirus » organisé par la Commission européenne et le Conseil européen de l’innovation pour relever une vingtaine de défis liés au COVID-19. Plus de 2 100 solutions ont été soumises à travers les différentes catégories de défis, les contributions les plus importantes ayant porté sur la santé et la vie (898), la continuité des activités des entreprises (381), le travail à distance et l’éducation (270), la cohésion sociale et politique (452) et le financement numérique (75). Au total, 117 solutions innovantes ont été identifiées, dont un système de surveillance des patients facilement modulable à différentes échelles qui réduit au minimum le besoin de contact physique entre les infirmières et les patients (Commission européenne, 2020[46]). Les vainqueurs ont été invités à un « Matchathon » (et à une journée de démonstration) en mai 2020 pour aider les équipes gagnantes à se mettre en rapport avec des entreprises, des investisseurs et des accélérateurs du monde entier en vue de mettre en production leurs solutions innovantes. Cet exercice de mise en correspondance a généré plus de 2 000 nouveaux partenariats (Commission européenne, 2020[47]).
De promouvoir les collaborations en matière de recherche. Les gouvernements lancent également des initiatives pour encourager la collaboration en matière de recherche et d’innovation. Au Canada, par exemple, le programme « Défi en réponse à la pandémie »15 du Conseil national de recherches du Canada vise à mobiliser les chercheurs canadiens et internationaux des universités, des entreprises et des pouvoirs publics afin qu’ils travaillent ensemble sur les défis spécifiques liés au COVID-19 identifiés par les experts canadiens de la santé (Gouvernement du Canada, 2020[48]).
De soutenir le partage des données et des connaissances. Des initiatives de partage des données ont été lancées afin de partager des données épidémiologiques, cliniques et génomiques, ainsi que des études connexes (voir le chapitre 5). Les protocoles et les normes utilisés pour la collecte des données sont également partagés. L’ensemble de données de recherche ouvert sur le COVID-19 (COVID-19 Open Research Dataset - CORD-19)16, créé par le Allen Institute for artificial intelligence (AI2) en collaboration avec le gouvernement américain et plusieurs entreprises, fondations et éditeurs, contient17 plus de 200 000 articles scientifiques lisibles par machine sur le COVID-19 et les coronavirus associés (dont plus de 100 000 en texte intégral), et sert de base à l’application de techniques d’apprentissage automatique pour générer de nouvelles connaissances pour la recherche sur le COVID-19. Parmi les autres initiatives, nous pouvons citer les dépôts de données sur le génome (par exemple Nextstrain18 et Gisaid)19, les données sur la structure chimique (par exemple l’ensemble de données sur le COVID-19 de CAS sur les composés antiviraux candidats)20, les études cliniques (par exemple ClinicalTrials.org) et les données pour la recherche sur la modélisation (par exemple MIDAS)21.
D’introduire des mesures d’assouplissement en matière de réglementation le cas échéant pour assurer des réponses rapides tout en maintenant des garanties. Dans le contexte d’urgence du COVID-19, un assouplissement en matière de réglementation a été introduit dans la mesure du possible. En Australie, l’Administration sur les produits thérapeutiques (Therapeutic Goods Administration), qui fait partie du ministère de la Santé, a donné la priorité à l’évaluation réglementaire des demandes portant sur les produits thérapeutiques liés au COVID-19. Au Royaume-Uni, l’Agence de régulation des médicaments et des produits de traitement (Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency) a publié un ensemble de mesures d’assouplissement en matière de réglementation afin de soutenir la réponse sanitaire au COVID-19, notamment par des conseils scientifiques accélérés et des examens rapides des demandes d’essais cliniques, et des enquêtes cliniques accélérées sur les dispositifs médicaux22.
De lancer des initiatives visant à faciliter l’accès aux infrastructures de recherche, telles que les laboratoires, les bases de données et les outils, ont été lancées pour aider les chercheurs à accélérer leurs activités (voir le chapitre 2). Par exemple, le consortium public-privé aux États-Unis COVID-19 High Performance Computing Consortium permet aux chercheurs en matière de COVID-19 du monde entier d’accéder au calcul hautes performances23, tandis que l’ERIHPA (European Research Infrastructure on Highly Pathogenic Agents) offre un accès aux capacités de recherche in vitro et in vivo aux chercheurs qui mènent des études sur le COVID-1924.
De mettre en place des systèmes d’incitation en matière de droits de propriété intellectuelle (DPI) pour faire face à la pandémie de COVID-19. En mai 2020, l’USPTO a lancé un programme pilote d’examen prioritaire sur le COVID-19 afin d’accélérer l’examen des demandes de brevet liées au COVID-19 soumises par des petites et micro-entités, sans exiger de frais supplémentaires (USPTO, 2020[49]). Un débat est en cours concernant la recherche de solutions liées au COVID-19 portant sur la manière d’exploiter les incitations en matière de DPI afin de développer de telles solutions sans en restreindre l’accès.
Soutenir les systèmes STI afin de résister au choc lié à la pandémie
Outre l’action politique en matière de STI visant à soutenir la recherche et l’innovation en réponse aux défis posés par le COVID-19, la réponse immédiate en matière de politique STI a consisté à maintenir à flot les entreprises innovantes et à aider les chercheurs et les organismes publics de recherche à s’adapter rapidement au nouveau contexte. Ces mesures font souvent partie de plans de relance plus larges destinés à stimuler l’économie (par exemple, la loi CARES (Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security) aux États‑Unis)25, qui renforcent également, directement ou indirectement, les acteurs dans le domaine des STI. Par rapport à la crise financière de 2008-2009, l’ampleur et la rapidité du soutien de l’activité par la voie budgétaire apporté par de nombreux pays pendant la crise du COVID-19 ont été exceptionnelles (FMI, 2020[50]). Toutefois, il est important de noter que les pays à moyen et faible revenu ont des capacités financières beaucoup plus limitées pour fournir un tel soutien, et certains pays auront probablement besoin d’une aide internationale afin de surmonter les crises auxquelles ils sont confrontés.
Les mesures politiques immédiates visant à parer aux effets négatifs du COVID-19 en matière de STI comprennent les suivantes26 :
Suivre de près les incidences de la crise sur les différents acteurs dans le domaine des STI. Par exemple, Israël mène des enquêtes mensuelles et a organisé des tables rondes avec les principales parties prenantes afin d’obtenir un tableau complet des principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises innovantes et de leur évolution dans le temps.
Introduire des mesures d’assouplissement en faveur des bénéficiaires actuels des programmes de recherche et d’innovation. La plupart des organismes de financement de la recherche ont introduit des mesures d’assouplissement, tout en reportant les dates limites de dépôt des demandes.
Soutenir les établissements d’enseignement supérieur et les chercheurs – y compris les chercheurs en début de carrière – qui font face à des défis à court terme. Les mesures ont notamment consisté à aider les établissements d’enseignement supérieur à fournir au personnel universitaire les outils et la formation nécessaires pour qu’il puisse dispenser efficacement des activités d’enseignement en ligne. Plusieurs mesures visent à soutenir les étudiants en doctorat : par exemple, l’UKRI accorde des prolongations de bourse allant jusqu’à six mois aux étudiants en doctorat financés en dernière année dont les études ont été perturbées par la pandémie (voir le chapitre 3). En Allemagne, le programme Erasmus+ et les organismes allemands octroyant des bourses ont révisé de manière flexible leurs conditions applicables aux étudiants nationaux et internationaux.
Soutenir l’enseignement supérieur et les instituts de recherche pour protéger les emplois et les projets de recherche touchés par la pandémie. Compte tenu de la perte de revenus attendue du fait de la diminution du nombre d’étudiants étrangers, le Royaume‑Uni a lancé un programme de 280 millions GBP (361 millions USD) prévoyant d’octroyer des prêts à faible taux d’intérêt aux universités pour couvrir les salaires des chercheurs et d’autres frais, tels que l’équipement de laboratoire et le travail sur le terrain, et pour financer les projets de R‑D en cours27.
Faciliter l’accès au financement pour les entrepreneurs et les entreprises innovantes. Ce soutien peut prendre différentes formes, telles que des prêts, des subventions et des avances remboursables. La France a lancé un plan d’urgence de soutien dédié aux entreprises qui démarrent à hauteur de 4 milliards EUR (4.75 milliards USD), qui prévoit des prêts de trésorerie garantis par l’État, des avances de trésorerie par le biais du remboursement accéléré des créances d’impôt sur les sociétés qui sont remboursables en 2020 (y compris le crédit d’impôt en matière de R‑D de 2019) et des versements anticipés de subventions à l’innovation dans le cadre du programme d’investissements d’avenir28.
Aider les entreprises – en particulier les PME et les entreprises qui démarrent – à s’adapter au contexte du COVID-19. Enterprise Ireland fournit des bons de continuité d’activité (Lean Business Continuity Vouchers) à hauteur de 2 500 EUR (3 200 USD) aux entreprises afin qu’elles puissent acquérir une formation ou obtenir des conseils sur la manière de poursuivre leurs activités pendant la pandémie.
Utiliser les outils numériques afin de concevoir et mettre en œuvre une politique de recherche et d’innovation. Ces outils favorisent une prise de décision plus rapide et plus efficace, sur la base de données plus solides. Le ministère italien de l’Enseignement supérieur et de la recherche a lancé une activité de cartographie visant à recueillir des informations sur tous les projets de recherche en cours et prévus sur le COVID-19, dans le but de réduire la fragmentation et de prévenir les dédoublements inutiles.
Principaux facteurs d’incertitude, étapes charnières critiques et implications pour les systèmes STI et les choix politiques
La réponse à la pandémie soulève plusieurs questions essentielles dont l’évolution future est très incertaine. Le Graphique 1.8 présente les principales questions liées aux organismes publics de recherche et aux chercheurs, tandis que le Graphique 1.9 fait de même concernant les principales questions liées à la recherche et à l’innovation des entreprises.
Outre ces questions propres à un domaine, des « facteurs d’incertitude principaux » plus larges existent, à l’instar de ceux liés à la dynamique sociétale et économique, à l’évolution technologique et aux relations internationales. Ces facteurs façonneront les activités et politiques STI au cours des mois et des années à venir. Il est essentiel d’élargir la réflexion stratégique sur les évolutions futures, car les changements extérieurs à son propre domaine de spécialisation peuvent souvent constituer la plus grande source de surprise et de perturbation. Les effets d’un changement perturbateur comme le COVID-19 se feront largement sentir. De nombreux impacts touchant d’autres secteurs déborderont et se répercuteront en cascade dans les paysages de la STI, avec des implications pour les politiques STI. Certains de ces facteurs d’incertitude principaux plus larges se manifestent de manière particulièrement aiguë dans le contexte de la pandémie et présentent des « étapes charnières critiques », à partir desquelles les évolutions futures pourraient prendre des directions radicalement différentes. La cartographie de ces points d’aiguillage et la présentation de visions de l’avenir plausibles mais suffisamment divergentes qui tiennent compte d’un large éventail d’évolutions possibles, peuvent rendre la politique STI plus agile et plus résiliente.
Cette partie offre un cadre structuré pour le suivi systématique de l’évolution de la crise et de ses incidences du point de vue des politiques STI (Graphique 1.10). Étant donné la rapidité des changements pendant la crise, il peut être utile de disposer d’un tel cadre, plutôt que d’une simple série de prévisions ad hoc. Combiné à un suivi régulier à l’aide d’indicateurs, il peut servir de système d’alerte précoce qui avertit les décideurs (et d’autres acteurs) des évolutions qui se profilent. Il leur permet en outre de garder un œil sur les scénarios et les résultats alternatifs qu’ils peuvent viser ou, au contraire, souhaitent éviter. En effet, l’évolution des facteurs d’incertitude est déterminée par des choix sur la direction à prendre afin d’éviter des solutions manifestement mauvaises et de privilégier les plus prometteuses.
Ce cadre est composé de quatre éléments principaux :
1. Les facteurs d’incertitude principaux : la première étape consiste à partir d’un ensemble limité de facteurs d’incertitude principaux de haut niveau liés à la crise pandémique susceptibles d’avoir des répercussions importantes, notamment en matière de STI et de politique STI, comme le montre le Graphique 1.10. La manière dont ces facteurs d’incertitude principaux se manifestent peut être influencée par les STI et la politique STI, mais elle dépend aussi dans une certaine mesure de facteurs exogènes. D’autres facteurs d’incertitude principaux pourraient être ajoutés ultérieurement, au fur et à mesure que les utilisateurs déploient le cadre. Dans la version ci-dessous, d’autres crises et défis, tels que l’urgence climatique, sont introduits comme faisant partie de la question de la stabilité économique et des plans de relance, mais ils pourraient être inclus en tant qu’éléments autonomes.
2. Les étapes charnières critiques : la plupart des facteurs d’incertitude principaux abordés ici comportent des étapes charnières critiques, qui font référence à des aspects de l’incertitude où des trajectoires radicalement différentes restent possibles. Pour l’instant, chaque étape charnière critique comporte seulement deux « mini-scénarios » opposés, généralement de quelques phrases seulement, pour transmettre l’idée principale. D’autres mini-scénarios pourraient être élaborés pour chaque étape dans le cadre d’un exercice plus complet.
3. Les implications pour les STI : cet élément présente très brièvement certaines des implications des mini-scénarios opposés relatifs aux étapes charnières critiques pour les STI et la politique STI. Ceux-ci sont présentés à un niveau élevé et sont quelque peu spéculatifs, comme c’est le cas dans ce genre d’exercice. L’approfondissement de ces implications constituerait une partie importante d’un processus plus complet et plus délibératif.
4. Le suivi des évolutions : si le cadre doit être utilisé pour suivre les évolutions naissantes, il devra identifier des « indicateurs avancés » au niveau du facteur d’incertitude principal en tant que tel mais également concernant les effets plus spécifiques sur les STI. Dans la mesure du possible, ces indicateurs devraient également être quantitatifs, mais ils pourraient aussi être qualitatifs (par exemple, des reportages sur les effets de la crise sur les entreprises ou leurs activités et de nouvelles annonces politiques), signalant les orientations des évolutions futures. Compte tenu des délais d’apparition des effets et de leur évaluation, les prévisions immédiates et à court terme seraient utiles, bien qu’elles ne soient pas particulièrement développées dans le domaine de la politique STI. D’autre part, les activités liées aux STI ont tendance à réagir lentement, en particulier au niveau de la recherche publique et de l’innovation, où les engagements à long terme, les coûts irrécouvrables et les blocages sont courants. La partie ci-dessous examine brièvement certaines options d’indicateurs. Elle comprend des graphiques d’indicateurs quantitatifs avancés concernant plusieurs facteurs d’incertitude principaux, à la fois pour attirer l’attention sur des phénomènes particuliers et pour expliquer le cadre en action.
Les parties suivantes explorent six facteurs d’incertitude principaux, comme le montre le Graphique 1.10. Le premier facteur d’incertitude principal est l’évolution de la pandémie. Deux scénarios fondamentaux sont présentés ; ils servent davantage de toile de fond aux autres facteurs d’incertitude, et leurs implications pour la politique STI ne sont pas explorées. Les quatre facteurs d’incertitude principaux qui suivent – sur les préférences sociétales, le rythme et l’orientation de la transformation numérique, l’inclusivité et les relations internationales – et leurs étapes charnières critiques sont présentés dans des tableaux qui exposent également brièvement les implications pour les STI et proposent de possibles indicateurs avancés afin de suivre les évolutions futures. Les tableaux sont accompagnés d’une introduction sur les enjeux et de leurs implications pour les STI, suivie d’un bref résumé des évolutions à ce jour. Le dernier facteur d’incertitude principal – qui porte sur l’orientation future des politiques STI – est abordé de manière différente des autres, dans un style plus discursif, car il est plus endogène au domaine des STI et constitue une préoccupation centrale de nombreux décideurs STI. Même dans ce cas, l’incertitude concernant l’ampleur du soutien futur des pouvoirs publics en matière de STI reste considérable, compte tenu de la détérioration de la situation économique, et en fonction du degré de polarisation du soutien des pouvoirs publics aux défis tels que la « transition verte », qui est inscrite dans plusieurs plans de relance nationaux (OCDE, 2020[51]).
Ce cadre est susceptible d’évoluer à mesure qu’il est utilisé et que la crise prend de l’ampleur. Cette première version est donc très préliminaire et sujette à des évolutions ultérieures au fur et à mesure de son adoption et de son utilisation. Les décideurs et les acteurs du système STI pourraient utiliser le cadre afin de mener à bien un exercice visant à offrir une perspective internationale sur les facteurs d’incertitude principaux et les étapes charnières critiques, en cartographiant leur évolution en complément des efforts nationaux. Ces éléments pourraient également servir de base à l’élaboration de scénarios exploratoires des futurs systèmes STI, qui aideraient les pouvoirs publics à procéder à une évaluation systématique d’un large éventail de moyens d’action possibles afin de façonner la situation et la dynamique à venir des paysages STI29.
Évolution incertaine de la pandémie de COVID-19
Alors même que les premiers vaccins ont reçu l’approbation des autorités, nul ne sait quel sera le cours de la pandémie de COVID-19. Les pouvoirs publics font face à la « deuxième vague » par des mesures de confinement qui pèsent sur les activités socio-économiques, telles que l’obligation de fermeture des restaurants et des bars, la publication de mises en garde et de limitations en matière de déplacements, et des régimes d’état d’urgence plus ou moins sévères. L’incertitude sur la propagation du virus, la durée potentielle et la nature des restrictions, ainsi que l’éventualité de nouvelles restrictions à venir, ont empêché un retour complet aux activités d’avant la crise, en particulier pour celles qui comportent des interactions sociales et des déplacements.
Cette incertitude a eu un impact négatif sur l’optimisme sociétal et économique, en dépit de performances relativement bonnes, à divers égards, de la science, de la technologie et de l’innovation (STI) durant les premiers mois de la pandémie, et d’une reprise soutenue des échanges commerciaux et de l’activité économique lorsque la demande est repartie. Les plans de relance massifs mis en place dans les pays développés ont limité la survenue de chocs encore plus importants, du moins dans la période initiale.
Divers types de changements pourraient être apportés à la vie sociale et économique, selon que des vaccins ou des traitements efficaces éliminent le danger du COVID-19 (signant « la fin du COVID-19 »), ou que le virus reste une menace pour les années à venir (« vivre avec le virus »). Des scénarios multiples peuvent également être envisagés quant au cours de la pandémie (Scudellari, 2020[52]). On en décrira brièvement deux :
Une solution mettant fin à brève échéance au COVID-19, que ce soit par des vaccins et/ou des traitements efficaces, pourrait signifier un retour, à peu de choses près, au statu quo ante. On reviendrait pour l’essentiel sur des pratiques qui ont vu le jour par nécessité lors de la pandémie, comme le télétravail, la limitation ou la suppression des déplacements professionnels et l’utilisation de services en ligne dans la santé et l’éducation. Cependant, les expériences positives liées à certaines de ces pratiques pourraient conduire à les prolonger, y compris une fois passée la crise pandémique. Une pandémie de plus courte durée offrirait en outre la possibilité d’une reprise économique plus rapide. L’industrie et les pouvoirs publics auraient les moyens d’entreprendre les investissements nécessaires pour améliorer les technologies permettant de développer pleinement ces pratiques. Ils pourraient aussi prendre des mesures de préparation aux chocs et aux bouleversements futurs, tels que ceux qui découleront probablement de l’urgence climatique.
Vivre avec la pandémie pourrait conduire à des changements contraints sur le long terme. Il peut aussi en résulter un retour aux pratiques antérieures, malgré la persistance des risques liés à la pandémie, en raison des coûts économiques considérables et d’une moindre acceptation des mesures de confinement par les opinions publiques. Dans le contexte de la deuxième vague de pandémie, de nombreux gouvernements s’efforcent de mettre en place une distanciation physique efficace pour réduire le nombre de cas de COVID-19 tout en limitant autant que possible les conséquences néfastes pour l’économie. Si « vivre avec la pandémie » se traduit par une période prolongée de récession économique, cela pourrait avoir une incidence sur les investissements dans les transitions socio-techniques axées sur la durabilité.
L’évaluation de ce que de tels scénarios peuvent signifier pour les activités STI n’est pas une tâche aisée. La section suivante présente certains des principaux facteurs d’incertitude liés à la pandémie et leurs étapes charnières critiques pour l’économie mondiale, ainsi que leurs implications et leur signification pour la STI.
Principaux facteurs d’incertitude et étapes charnières critiques liés au COVID-19
Préférences et valeurs sociétales
Les enjeux et leurs implications pour la STI
La pandémie de COVID-19 et les restrictions qu’elle a entraînées – aboutissant en avril 2020 au confinement à domicile de plus de 3.9 milliards de personnes – ont affecté la vie de la majeure partie de la population mondiale. Dans un tel contexte, les préférences sociétales et leur traduction en priorités d’action pour l’avenir peuvent changer. Ainsi, l’expérience de l’action collective durant la crise a pu faire naître de nouvelles formes de solidarité, tandis que les récits collectifs sur la crise du COVID-19 mettaient en évidence le lien entre durabilité environnementale et résilience sociétale, conduisant les sociétés à chercher un meilleur équilibre des priorités environnementales, économiques et sociales (OCDE, 2020(OECD, 2020[53]). Dans le même temps, l’opinion publique et les points de vue sociétaux sont loin d’être monolithiques dans les systèmes démocratiques. Les opinions, valeurs et intérêts les plus divers entrent en jeu, souvent concurrents mais aussi complémentaires. Ces dernières années ont été marquées par une polarisation accrue de la société dans de nombreux pays de l’OCDE, se manifestant parfois par des « guerres culturelles » ou des conflits intergénérationnels dus pour une part à des inégalités croissantes, et par l’émergence de politiques identitaires et de partis politiques « populistes ».
L’opinion publique et les préférences sociétales sont façonnées par de multiples facteurs qu’il est souvent impossible d’individualiser, mais dont l’influence sur les politiques publiques n’en est pas moins importante. La gestion de la pandémie de COVID-19 (notamment les restrictions mises en œuvre et leur efficacité dans le contrôle de la propagation du virus, et la communication d’avis scientifiques en direction du grand public), ainsi que les impacts socio-économiques de la crise (en particulier le niveau de dépendance de l’économie vis-à-vis de secteurs globalement peu affectés par la crise, et les impacts sur l’inclusivité) auront vraisemblablement des conséquences sur la façon dont les sociétés considèrent l’intervention des pouvoirs publics en général, le rôle de la science dans la société, et la nécessité de prêter une attention accrue à la durabilité, à l’inclusivité et à la résilience. Le Tableau 1 présente plusieurs étapes charnières critiques quant aux impacts du COVID-19 sur les préférences sociétales, et leurs implications possibles pour la STI.
Tableau 1.1. Étapes charnières critiques pour ce qui est des préférences et valeurs sociétales
Impacts de la crise du COVID-19 : étapes charnières critiques |
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Perspectives sur la nécessité de rendre l’économie plus résistante aux chocs et résiliente face aux crises Facteurs favorables à la résilience comme objectif politique clé : la crise du COVID-19 a entraîné une sensibilisation accrue de la société à la vulnérabilité de l’économie réelle aux chocs, favorable à une action publique visant à rendre les économies plus résilientes. Facteurs défavorables à la résilience comme objectif politique clé : la crise est perçue comme un phénomène exceptionnel, qui ne se répétera pas, et les changements nécessaires pour rendre les économies plus résilientes sont considérés comme trop coûteux. En conséquence, il y a peu de demande sociale pour une amélioration de la résistance de l’économie aux chocs. |
Points de vue sociétaux sur la nécessité d’une plus grande inclusion Facteurs favorable à l’inclusion comme objectif politique clé : les problèmes d’exclusion sociale et économique ont été mis en évidence et exacerbés pendant la crise. L’inclusivité en tant qu’objectif occupe une place croissante dans les programmes politiques, et des mouvements sociaux tels #MeToo et Black Lives Matter gagnent les sphères politique et sociale. Dans la sphère économique, la domination des grandes entreprises est perçue comme préjudiciable au bien-être socio-économique et conduit à appeler largement à soutenir les PME. Facteurs défavorables à l’inclusion comme objectif politique clé : la nécessité d’une reprise après un choc économique considérable relègue l’inclusivité au rang des priorités de moindre importance. Des mouvements tels que les groupes nationalistes prônant l’exclusion gagnent du terrain. Les grandes entreprises répondent aux besoins des consommateurs et utilisent leurs ressources/capacités pour relever les défis du COVID-19, ce qui induit un cautionnement implicite de leur domination par le public. |
Position de l’opinion publique sur l’importance relative de la durabilité environnementale Facteurs favorables à la durabilité comme objectif politique clé : le choc du COVID-19 sensibilise le public à la nécessité de faire une priorité politique clé de la lutte contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement, en raison des risques de chocs d’une ampleur sans précédent qu’ils comportent pour l’avenir. Facteurs favorisant un moindre soutien du public : l’opinion publique minimise les enjeux climatiques à l’heure où les questions de santé et la reprise économique (notamment la préservation des emplois à tout prix) prennent plus d’importance. |
Points de vue sociétaux sur le rôle de la STI Facteurs favorables à la STI : le soutien du public à la STI augmente lorsqu’il constate qu’elle apporte les seules solutions durables au COVID-19, notamment par la mise au point rapide d’un vaccin efficace. Facteurs défavorables à la STI : l’opinion publique se retourne contre la STI, par exemple lorsque l’avis des scientifiques est considéré comme « responsable » des mesures de confinement et autres restrictions impopulaires. |
Position de l’opinion publique sur le pilotage de l’économie par le gouvernement Facteurs en faveur d’un « pilotage » renforcé par le gouvernement : l’expérience du choc incite à considérer que le gouvernement doit aider à « piloter » les marchés pour protéger les économies vulnérables sujettes aux crises. La confiance dans les interventions du gouvernement croît lorsque les actions menées pour contrebalancer les impacts négatifs du COVID-19 sont perçues comme utiles et efficaces. Facteurs incitant l’opinion publique à ne pas approuver le pilotage par le gouvernement : des confinements impopulaires et des taux de mortalité élevés induisent une perception défavorable de l’action du gouvernement en réponse au choc du COVID-19, par conséquent un moindre soutien du public à un rôle clé du gouvernement dans le pilotage de l’économie. |
Exemples d’implications pour la STI |
Des politiques STI transformatrices : des visions sociétales sur la nécessité de transformer les systèmes socio-techniques afin de les rendre plus résilients, inclusifs et durables lors de la reprise influeraient sur les objectifs des politiques STI et les instruments d’action qu’elles utilisent. Les politiques STI seraient plus nettement orientées vers des objectifs sociaux, par exemple, si la société accorde plus de valeur aux questions de durabilité et d’inclusivité. Niveau de soutien politique aux STI : l’opinion de la société sur le niveau d’intervention des pouvoirs publics et le rôle de la STI déterminerait le soutien à la STI dans les plans de stabilité et de relance. Ainsi, si la société a une vision positive de l’action de la STI et des pouvoirs publics, la STI jouerait un rôle majeur dans des plans de relance ambitieux. Portée des systèmes STI : au-delà de l’influence sur les politiques, les changements dans les perceptions sociétales de la STI affecteront l’influence de la STI sur la société (notamment la confiance des individus dans les avis scientifiques et, par conséquent, leurs comportements), ainsi que la capacité de la STI à attirer de nouveaux talents (plus d’étudiants s’engageant dans des carrières scientifiques, par exemple). |
Suivi des évolutions –exemples d’indicateurs |
Principaux facteurs d’incertitude : sondages d’opinion sur les priorités, sondages d’opinion sur la confiance dans les pouvoirs publics et la confiance dans les avis scientifiques ; réseaux sociaux et recherches en ligne ; recensement des politiques publiques et de la législation ; analyse des activités de la société civile (mouvements sociaux, manifestations, réponses à des enquêtes). Implications pour la STI : inventaire des dépenses en R-D par objectifs socio-économiques, etc. ; cartographie de la place accordée à la STI dans les plans de stabilité et de relance et les orientations stratégiques en découlant ; déclarations des associations professionnelles/syndicales sur l’orientation des innovations vers des objectifs de durabilité, de résilience et d’inclusion. |
Suivi des évolutions dans la perception par le public du rôle de la STI et des pouvoirs publics
La perception du rôle de la STI dans la première phase de la crise semble positive. Ainsi, d’après les résultats d’une enquête réalisée entre le 30 mars et le 26 avril 2020 sur 2 651 personnes en Angleterre, au Pays de Galles et en Écosse, 72 % des répondants faisaient entièrement ou largement confiance aux scientifiques et aux chercheurs dans le domaine de la santé pour faire face à la crise (Craig et al., 2020[52]). Selon les réponses aux questions de l’Enquête éclair 2020 de l’OCDE sur la science, qui portait sur la confiance accordée aux avis scientifiques, les chercheurs s’attendent à un recours accru à des données scientifiques probantes, à une amélioration de la réputation de la science et à une utilisation plus large des avis des scientifiques après la crise (voir Chapitre 8). Ils s’attendent également à ce que les carrières scientifiques deviennent plus attractives.
Cependant, ces perceptions positives ne sont pas nécessairement appelées à durer. Les nouvelles mesures de distanciation physique adoptées sur la base d’avis scientifiques pour contrer la deuxième vague contaminations par le COVID-19 ont entraîné des manifestations publiques dans un certain nombre de pays. Les débats ont fait rage sur la proportionnalité des mesures de confinement compte tenu de l’évolution de l’infection, et une résistance active s’est développée parmi ceux qui étaient le plus touchés par les décisions de confinement.
En ce qui concerne l’opinion du public sur la gestion de la pandémie par les pouvoirs publics, le Baromètre régional et local annuel de l’UE, une enquête conduite en septembre 2020, a montré qu’en moyenne (sur 26 381 réponses provenant de tous les pays de l’UE), 44 % des citoyens de l’Union européenne faisaient confiance à leur gouvernement national pour prendre les bonnes décisions afin de surmonter les impacts socio-économiques de la crise du COVID-19, alors que 48 % disaient ne pas faire confiance à leur gouvernement national sur ce point. Les niveaux de confiance varient toutefois considérablement d’un pays à l’autre et sont généralement plus élevés au Nord et plus faibles en Europe centrale et orientale. Ces niveaux devraient évoluer dans le temps, à mesure que la crise se propage.
Rythme et orientation de la transformation numérique
Les enjeux et leurs implications pour la STI
Le rôle joué par les technologies numériques, l’analytique des données massives et l’IA dans l’économie et la société durant la crise constitue également une étape charnière critique. Les changements dans l’organisation du travail (avec le développement du télétravail et des interactions virtuelles), l’expansion rapide des services numériques (dans le domaine de la santé et de l’éducation, par exemple) et le recours croissant à l’analytique des données massives, à l’IA et aux outils numériques par les entreprises et les pouvoirs publics mettent ces technologies à rude épreuve.
Ces évolutions ont également des conséquences importantes sur la STI, à la fois parce qu’elles sont la marque de nouveaux processus qui peuvent avoir une incidence sur la productivité des systèmes STI, et parce qu’elles modifient les attentes vis-à-vis de ces derniers (amélioration des technologies utilisées pour le télétravail, par exemple, et progrès en matière de réalité virtuelle), suscitant potentiellement de nouvelles vagues d’innovation technologique dans ces domaines.
Les technologies numériques, l’analytique des données massives et l’IA pourraient jouer un rôle plus important dans la société et l’économie ; cela dépendra de plusieurs facteurs, notamment de leur contribution à la résolution de la crise du COVID-19. Le succès du télétravail, des conférences virtuelles, de la robotique (voir Chapitre 6) et des services virtuels dans les domaines de la santé, de l’éducation et du divertissement joueront également un rôle. L’expérience acquise, lors de la gestion de la crise, dans le maniement des outils numériques influera aussi sur l’utilisation de ces outils à l’avenir par les pouvoirs publics. Le Tableau 1.2 présente plusieurs étapes charnières critiques quant aux impacts du COVID-19 sur le rôle socio-économique des technologies numériques, et leurs implications possibles pour la STI.
Tableau 1.2. Étapes charnières critiques pour ce qui est du rôle socio-économique des technologies numériques, de l’analytique des données massives et de l’IA
Impacts de la crise du COVID-19 : étapes charnières critiques |
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Télétravail et interactions virtuelles au travail Facteurs favorables à une augmentation du travail à domicile et du travail virtuel : l’expérience du confinement consécutive à la pandémie conduit à expérimenter largement le télétravail et les échanges virtuels. Un grand nombre de professionnels privilégient le télétravail au moins à temps partiel. Les entreprises voient leurs structures de coûts évoluer, les surfaces de bureaux étant réduites et aménagées de façon flexible pour accueillir moins de personnel à la fois sur site. Facteurs défavorables au développement du travail et des modèles de consommation numériques : des expériences de télétravail négatives, en particulier les difficultés à instaurer des échanges efficaces lors des réunions virtuelles, réduisent l’intérêt pour le télétravail et conduisent à en limiter le développement et l’adoption. Des contraintes d’infrastructure et des craintes en matière de sécurité suscitent également des réserves et freinent la généralisation de ces technologies. |
Rôle de l’analytique des données massives, de l’IA et de l’automatisation dans l’économie Facteurs favorables à une adoption plus large des technologies numériques dans l’économie : le choc de disponibilité de la main-d’œuvre – lié au confinement imposé pour réduire la propagation du virus lors de la première vague de la pandémie de COVID-19 – conduit à accroître l’automatisation des usines. La relocalisation éventuelle de certaines activités économiques peut aussi induire un renforcement de l’automatisation, visant à réduire les coûts du travail en cas de relocalisation sur des sites où le coût de la main-d’œuvre est élevé. Dans le même temps, les expériences positives des entreprises en matière d’analytique des données massives et d’IA se traduisent par un intérêt croissant et une adoption plus large de ces technologies. Facteurs faisant obstacle à l’adoption des technologies numériques : le sentiment que l’IA et les technologies numériques n’ont pas d’impact sur la gestion de la crise du COVID-19 peut limiter leur généralisation. L’accent mis sur d’autres priorités – par exemple les investissements dans l’innovation en matière de santé – détourne l’attention de l’IA et de l’automatisation. Les violations de la vie privée ; la domination des grands acteurs de l’économie ; les menaces numériques ; l’utilisation abusive de modèles linguistiques de qualité à des fins de désinformation, les messages indésirables, l’hameçonnage ; la violation de procédures juridiques et gouvernementales, peuvent réduire leur application, de même que les biais dans les applications de l’IA. |
Importance des services numériques par rapport aux services analogiques Facteurs favorables à une percée des services numériques : l’expérience généralisée des services numériques dans l’éducation, la santé et le commerce de détail est positive et conduit à en étendre l’application. Facteurs défavorables à un déploiement accru des services numériques : les expériences de services numériques ont été généralement peu satisfaisantes durant la pandémie, ce qui a conduit à un retour aux services traditionnels. Cela peut être renforcé par des inquiétudes quant à la confidentialité des données (en particulier dans le domaine de la santé) et par la concentration croissante sur le marché des prestataires de ces services. |
Utilisation d’outils numériques par les services publics Facteurs favorisant l’utilisation croissante d’outils numériques dans les services publics : la crise du COVID-19 a montré l’intérêt des données en temps réel pour garantir l’agilité dans l’élaboration des politiques. Cela conduit à l’usage accru de nouvelles applications numériques en temps réel dans les administrations, faisant appel à de multiples sources de données. Facteurs faisant obstacle à l’adoption d’outils numériques dans les services publics : des expériences négatives dans l’utilisation des outils numériques, dues par exemple à des problèmes techniques, à la qualité des données, à des questions de confidentialité, au manque de compétences numériques chez le personnel, et à des inquiétudes relatives à l’intervention du secteur privé, conduisent à limiter l’adoption de ces outils par les administrations, jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus. |
Exemples d’implications pour la STI |
Demande accrue d’innovations numériques : si l’usage des technologies numériques s’intensifie, une demande accrue d’outils numériques améliorés pourrait générer de nouvelles vagues d’innovation technologique. Changements touchant aux modes opératoires et aux performances des systèmes STI : les changements en faveur du télétravail et des interactions virtuelles pourraient affecter les modes opératoires des systèmes STI. Ils pourraient par exemple se traduire par une automatisation accrue dans le domaine des sciences. Les progrès en STI sont largement tributaires des possibilités de contacts : si les technologies numériques peuvent apporter une ouverture à cet égard, la réduction potentielle des échanges en présentiel risque d’être préjudiciable. Changements dans l’intensité d’innovation des services : la transformation numérique peut accroître l’intensité d’innovation de cet ensemble de secteurs traditionnellement peu innovants, et entraîner une diversification des types d’entreprises opérant dans les services. Changements dans la focalisation des politiques STI : la politique STI gagnerait elle-même en agilité et en réactivité en appliquant de nouveaux outils numériques, et les améliorations apportées à son efficacité pourraient avoir à leur tour une incidence sur les performances des systèmes STI. |
Suivi des évolutions – exemples d’indicateurs |
Principaux facteurs d’incertitude : résultats d’enquêtes sur l’adoption du télétravail, des données massives, des services en nuage et des applications de l’IA ; diffusion des technologies numériques dans des entreprises de différentes tailles, dans les ménages/par individus et dans les administrations/par entreprises. Implications pour la STI : indicateurs d’innovation numérique et d’innovation basée sur l’IA ; technologies des outils de télétravail et d’enseignement en ligne (applications logicielles et brevets, par exemple), distribution géographique des collaborations (internationales et nationales, par exemple, etc.) dans la recherche. |
Suivi des évolutions dans l’adoption des technologies numériques
Le COVID-19 a été qualifié de « grand accélérateur », en particulier pour ce qui est des technologies numériques30 destinées au commerce électronique, au télétravail, à la téléprésence et à l’automatisation. De premières données montrent que les acteurs des systèmes STI ont adopté de nouveaux outils numériques durant la crise. Ainsi, une enquête du Centre for Economic Performance de la Confédération de l’industrie britannique réalisée en juillet 2020 sur 375 entreprises britanniques a établi que de fin mars 2020 à juillet 2020, plus de 60 % de ces entreprises avaient adopté de nouvelles technologies numériques et de nouvelles pratiques de gestion, et que près d’un tiers d’entre elles avaient investi dans de nouveaux moyens numériques (Riom et Valero, 2020[53]). La transformation numérique a également eu un impact sur la recherche. Plus de la moitié des répondants à une enquête auprès de professionnels et de décideurs de 247 entreprises déposant des brevets citaient le développement du numérique comme le changement le plus significatif (Kanesarajah et White, 2020[25]). Des outils fondés sur l’IA ont en outre été utilisés pour aider à accélérer la mise au point de médicaments et de vaccins, identifier les chaînes de transmission du virus, diagnostiquer rapidement les cas de COVID-19, suivre les répercussions économiques générales et lutter contre les fausses informations (OCDE, 2020[54]). Ainsi, sur la base d’un ensemble de données comprenant 1.8 million d’articles provenant de trois référentiels de prépublications (arXiv, bioRxiv et medRxiv), réunis à la fin du mois de mai 2020, Mateos-Garcia, Klinger et Stathoulopoulos (Mateos-Garcia, Klinger et Stathoulopoulos, 2020[55]) ont établi que plus d’un tiers des publications d’IA relatives au COVID-19 traitaient d’analyses prédictives des données des patients, en particulier des scanners médicaux. Ces documents étaient toutefois moins souvent cités que des articles comparables sur le même sujet.
Les services numériques ont été très largement utilisés dans l’éducation, la santé, le divertissement, le commerce de détail et la restauration lors des confinements, et ont connu une demande sans précédent qui s’est poursuivie même après la levée des mesures de confinement strict. Il semble actuellement peu probable que tous ces services soient maintenus dans l’éventualité d’une sortie de la crise du COVID-19 : une certaine réduction de la demande est à prévoir dans les cas où les services virtuels sont considérés comme un substitut imparfait de leur variante en présentiel.
Les pouvoirs publics eux-mêmes ont fait preuve d’une agilité sans précédent dans l’usage des outils numériques, dont les applications de traçage des contacts, créées pour contrôler la propagation de la maladie, sont un exemple notable. La crise du COVID-19 a aussi montré combien l’élaboration des politiques avait évolué, elle aussi, par rapport à la crise financière de 2008-09, comme en témoigne l’utilisation de données en temps réel (telles que les statistiques de mobilité de Google) et d’autres outils permettant de mieux suivre la crise et y répondre. Une série de sondages éclairs ont également permis d’orienter les politiques STI. La publication en libre accès d’articles sur le COVID-19, grâce à des initiatives telles que CORD-19, a non seulement soutenu les activités scientifiques, mais a aussi aidé à identifier la nature des collaborations scientifiques sur le COVID-19. Une première analyse de ce type de données a mis en évidence un recul de la présence des femmes dans les activités de recherche et une dépendance marquée aux réseaux existants pour les collaborations entre chercheurs, notamment. De tels outils pourraient être utilisés de manière plus systématique à l’avenir en soutien à la réactivité et à l’agilité des politiques STI. Ainsi, la Fondation portugaise pour la science et la technologie a lancé AI 4 COVID19, une compétition dotée d’un budget de 3 millions EUR (3.6 millions USD) pour des projets de R-D sur la science des données et l’IA contribuant à améliorer la réponse des organismes de l’administration publique à l’impact du COVID-19 et des futures pandémies.
Échelle et répartition des impacts socio-économiques
Les enjeux et leurs implications pour la STI
La question de savoir dans quelle mesure les actions des pouvoirs publics contribuent à éviter des effets négatifs marqués sur la répartition des ressources constituera une étape charnière critique importante pour le devenir des systèmes et des politiques STI. Cela dépendra de plusieurs facteurs, en particulier de l’intensité du choc du COVID-19 et des mesures de confinement en découlant, et de la disponibilité et de l’adoption des technologies et pratiques numériques par différents acteurs. L’exclusion socio-économique influe sur le fonctionnement des systèmes STI et la diffusion des nouvelles technologies. La restriction des moyens disponibles pour investir dans les technologies de pointe, associée à une capacité limitée à retenir du personnel qualifié pour faire fonctionner ces technologies en période de difficultés, expliquent pourquoi l’exclusion a un impact négatif sur la diffusion. Le Tableau 1.3 présente plusieurs étapes charnières critiques quant aux impacts du COVID-19 sur l’inclusion et l’exclusion, et leurs implications possibles pour la STI.
Suivi des évolutions pour ce qui est de l’échelle et de la répartition des impacts socio-économiques liés au COVID-19
Comme on l’a vu précédemment dans ce chapitre, les impacts inégaux du choc du COVID-19 sur les entreprises innovantes, les universités et les établissements publics de recherche, les personnels de la recherche et les entrepreneurs mettent en évidence les différents problèmes de répartition posés par le choc du COVID‑19. Il existe notamment un risque que les écarts existants dans l’adoption et l’utilisation des technologies numériques ne se creusent, en particulier entre les grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises (PME), mais aussi entre secteurs. Si rien n’est fait pour y remédier, cette diffusion inégale pourrait avoir des incidences notables sur la productivité des entreprises, dans la mesure où la transformation numérique continue de s’accélérer sous l’effet de la pandémie. Cela pourrait contribuer à creuser les écarts de productivité entre les entreprises qui prennent le virage du numérique et celles qui restent à la traîne, accroître la vulnérabilité de ces dernières et réduire la résilience économique. Les pouvoirs publics devront donc redoubler d’efforts pour stimuler l’adoption et la diffusion des outils numériques, en particulier au sein des PME.
La répartition géographique des impacts du COVID-19 constitue une dimension supplémentaire. Les différences entre secteurs ont eu des répercussions sur l’intensité des effets au niveau régional (Bailey et al., 2020[56]). Ainsi, les régions hautement spécialisées dans le secteur du tourisme sont parmi les plus durement frappées par la crise (Gössling, Scott et Hall, 2021[57] ; OCDE, 2020[58]). Ces secteurs ont été aussi particulièrement touchés par les mesures de « distanciation sociale » visant à réduire les déplacements nationaux et internationaux et les échanges sociaux. Alors que la crise suit son cours et que d’autres secteurs sont durement frappés par la récession qui en résulte, de nouvelles régions risquent de souffrir plus que d’autres.
Tableau 1.3. Étapes charnières critiques pour ce qui est de la répartition des impacts socio-économiques
Impacts de la crise du COVID-19 : étapes charnières critiques |
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COVID-19 et inclusivité sociale Facteurs présageant davantage d’exclusion : la pandémie réduit les possibilités de nouveaux contacts pour les jeunes diplômés et les personnes en recherche d’emploi ou en contrats précaires (souvent des jeunes travailleurs et des personnes exerçant leur profession sur une base contractuelle) et a un effet négatif sur la main-d’œuvre féminine, qui doit souvent s’occuper de personnes à charge (enfants et personnes âgées). L’exigence d’une présence en ligne constante peut en outre exacerber les difficultés pour ceux qui ont des personnes à charge. Facteurs présageant davantage d’inclusion : le choc induit une sensibilisation accrue aux problèmes d’inclusion, parfois moins visibles avant la pandémie de COVID-19. C’est pourquoi les plans de stabilité et les actions publiques en découlant ont pour objectif explicite de favoriser l’inclusion. Certains changements de pratiques liés au COVID-19, comme le télétravail et le recours aux services numériques, offrent des possibilités d’inclusion accrues. L’objectif d’amélioration de la résilience est en cohérence avec la promotion de processus économiques inclusifs au niveau des entreprises, des régions et des individus. |
COVID-19 et inclusion industrielle Facteurs présageant une moindre inclusivité : les plans de relance des pouvoirs publics mettent l’accent principalement sur les gros employeurs (compagnies aériennes, grandes entreprises industrielles, etc.). De grandes firmes technologiques, mais aussi d’autres grandes entreprises ont bénéficié d’une demande accrue pour leurs produits lors des confinements, ce qui a pu réduire les opportunités d’accès au marché pour les entreprises plus modestes du secteur du numérique et d’autres secteurs. Facteurs présageant davantage d’inclusivité : les réponses des pouvoirs publics visant à protéger l’économie de la crise ont ciblé efficacement les fragilités financières des PME, notamment des jeunes entreprises innovantes, qui émergent comme catalyseurs d’innovations radicales. La pandémie offre de nouvelles possibilités d’entrepreneuriat, et de jeunes pousses aident à faire face aux contraintes créées par des conditions difficiles pour la santé et l’économie en apportant des réponses adaptées à l’évolution des préférences et des besoins. |
COVID-19 et inclusion géographique Facteurs présageant une moindre inclusivité : la crise du COVID-19 a été géographiquement inégale, les flambées de cas différant d’un pays à l’autre et au sein d’un même pays, avec des effets variables selon les secteurs (tourisme comparé aux technologies numériques, par exemple) et les régions, les mesures de confinement ont été plus ou moins sévères, et les capacités de réponse variaient selon les pays (le niveau d’endettement/la capacité d’emprunt des États, notamment). Facteurs présageant davantage d’inclusivité : les efforts des pouvoirs publics pour soutenir les régions et les secteurs les plus touchés, et les mesures régionales visant à contrôler les flambées de cas et à atténuer les effets négatifs de la pandémie, ont été mis en œuvre. De nouvelles modalités de fourniture de biens et de services (telles que les offres en ligne dans le domaine du divertissement) ont contribué à réduire l’inégalité des effets selon les secteurs. La fracture entre milieux urbain et rural, également, n’est peut-être plus aussi profonde, les zones rurales étant plus recherchées du fait d’une exposition plus élevée à la pandémie dans les villes et de la possibilité de poursuivre son activité professionnelle à distance, grâce aux outils numériques, à moindre coût et en évitant les trajets quotidiens chronophages. |
Exemples d’implications pour la STI |
Impacts sur les performances des systèmes STI : la crise présente des possibilités d’innovation différentes pour les différents acteurs des entreprises, des régions, des pays et des groupes sociaux. La diversité favorise l’innovation, tandis que la concentration a des effets contrastés en matière d’innovation. Une inclusivité accrue peut renforcer la compétition et stimuler l’innovation (quoique de façon non linéaire). Impacts sur la politique STI : si l’inclusivité est prise au sérieux, les politiques STI seront plus attentives que par le passé aux premières victimes de l’exclusion, à savoir notamment les femmes et les minorités, mais aussi l’innovation dans les secteurs dont le niveau de technologie est faible ou moyen et les régions « à la traîne ». Cela suppose une focalisation accrue sur les politiques de diffusion des technologies, et des politiques STI soutenant plus largement l’inclusion. |
Suivi des évolutions – exemples d’indicateurs |
Principaux facteurs d’incertitude : indices de Gini et mesures de répartition au niveau des régions, des entreprises et des individus en réponse au COVID‑19. Implications pour la STI : divers indicateurs de performance de la STI (en particulier importance et portée des publications, diplômés, PI, etc.) par régions (y compris fracture milieu rural – milieu urbain), entreprises (par taille, secteur, âge) et individus (profils d’entrepreneurs et de chercheurs). |
Relations internationales et ordre mondial
Enjeux et implications pour la STI
Les incertitudes sont considérables en ce qui concerne l’avenir du système multilatéral actuel et les conséquences possibles sur la coopération et la mobilité internationales en matière de STI. D’une part, des signaux indiquent que la mondialisation a franchi son « point culminant », et qu’un nouvel ordre mondial fragmenté – marqué par une montée de l’ethno-nationalisme, par des échanges commerciaux et des investissements plus encadrés et par une compétition stratégique renforcée entre « grandes puissances » – est en train d’émerger. De plus, la crise actuelle peut contribuer à miner la confiance dans les solutions de gouvernance mondiale, alimentant le mécontentement déjà grandissant avant la crise et conduisant à terme à un glissement vers des approches nationales, à mesure que les pays – particulièrement les grandes économies – s’efforcent de devenir plus autosuffisants. Ces tendances pourraient être renforcées par des entreprises multinationales cherchant à être moins dépendantes de chaînes de valeur mondiales, afin de limiter les incertitudes et d’améliorer leur résilience, cela se traduisant par de nouvelles relocalisations de la production.
D’autre part, les cadres multilatéraux pourraient être renforcés du fait d’une meilleure appréciation des risques et des enjeux qui transcendent les frontières nationales et requièrent des réponses coordonnées, en particulier si les acteurs transnationaux des secteurs public et privé gagnent la bataille contre la pandémie. Le Tableau 1.4 présente plusieurs étapes charnières critiques quant aux impacts du COVID‑19 sur l’économie politique internationale.
Tableau 1.4. Étapes charnières critiques pour ce qui est des relations internationales et de l’ordre mondial
Impacts de la crise du COVID-19 : étapes charnières critiques31 |
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Relations internationales et multilatéralisme Facteurs présageant un multilatéralisme fort : les effets systémiques en cascade de la pandémie et son caractère universel sont un argument fort pour une adhésion renouvelée à la coopération multilatérale. Il apparaît clairement que des réponses mondiales doivent être apportées aux crises mondiales, et les pays sont incités à renforcer la collaboration internationale. L’urgence sanitaire mondiale et son contrecoup économique suscitent un nouvel engagement majeur en faveur de la coopération, qui dépasse la démarche Nord-Sud traditionnelle pour privilégier l’apprentissage mutuel et la solidarité multidirectionnels. La vision holistique du développement dans les Objectifs de développement durable (ODD) est renforcée par une nouvelle appréciation de l’interconnexion et de l’interdépendance des avancées en matière de développement humain et de sécurité. Facteurs présageant un multilatéralisme hésitant : le multilatéralisme commence à se fissurer, en raison d’une perte de crédibilité et de ressources, et les actions et décisions unilatérales ou bilatérales prédominent, ouvrant la voie à des institutions, des acteurs et des alliances nouvelles mais concurrentes. Les économies émergentes et en développement assistent à la montée en puissance du multilatéralisme régional, tandis que les « vieilles puissances », préoccupées par des problèmes et des divisions internes, renoncent au leadership au niveau international. |
Échanges commerciaux et investissements internationaux Facteurs présageant des échanges commerciaux et des investissements internationaux soutenus : la crise du COVID-19 catalyse de nouvelles relations en matière d’échanges et d’investissements mondiaux, visant à faire face aux chocs touchant l’approvisionnement local. L’accélération de la transformation numérique débouche sur une nouvelle vague de mondialisation, plus transparente et plus efficiente. Les gains en efficience résultant de la collaboration internationale et de la division internationale des activités de production rendent extrêmement coûteux un comportement autarcique, particulièrement dans une période où il est essentiel de rétablir la croissance économique. Facteurs présageant des préférences pour des approches nationales ou régionales supranationales : la crise du COVID-19 a déjà induit une compétition internationale dans l’accès à des ressources mondiales rares. Des tensions géopolitiques de grande ampleur conduisent à une intensification des initiatives nationales ou supranationales pour se préserver de chocs futurs, y compris pour l’approvisionnement en biens essentiels. Le choc créé par la pandémie et la pénurie de produits essentiels pendant la crise peut amplifier la demande d’accès à des domaines technologiques clés tels que la 5G et l’IA, pour des raisons liées à la sécurité nationale, au risque de dépendance future vis-à-vis de fournisseurs de technologie étrangers, et à la crainte que des monopoles mondiaux puissent avoir un impact préjudiciable sur le progrès technologique. |
Exemples d’implications pour la STI |
Impacts sur les systèmes STI : les perturbations affectant la collaboration scientifique internationale et la division internationale des activités de production porteraient atteinte aux performances des systèmes STI et conduiraient à modifier les orientations de la STI nationale (afin de remplacer ou compléter les efforts mondiaux). Impacts sur les politiques STI : les politiques STI peuvent se focaliser sur les spécialisations nationales existantes et apporter leur soutien aux collaborations scientifiques internationales pour optimiser le système STI mondial. Alternativement, les politiques STI peuvent être spécifiques par technologies ou par produits, afin de garantir l’accès national à des technologies ou à des produits essentiels. Des alliances STI stratégiques avec des pays choisis peuvent aussi être recherchées afin de tirer parti de valeurs partagées et de la réciprocité des collaborations pour ce qui est des bénéfices et des coûts. |
Suivi des évolutions – exemples d’indicateurs |
Principaux facteurs d’incertitude : mesures de l’évolution des barrières à la collaboration internationale et aux échanges économiques, en particulier données sur les échanges et les investissements, données sur les chaînes de valeur mondiales, financements publics d’organisations multilatérales, etc. Implications pour la STI : mesures de la nature et de l’ampleur de la collaboration STI internationale, notamment données sur les brevets et les publications, données sur le financement de la recherche. |
Suivi des évolutions en matière de relations internationales et d’ordre mondial
En coopération avec les gouvernements nationaux, une série de fondations et d’organisations internationales se sont engagées activement dans des actions STI pour répondre au COVID-19. L’OMS, la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies et la Collaboration mondiale en matière de recherche pour la préparation aux maladies infectieuses (pour n’en citer que quelques-unes) jouent un rôle de tout premier plan dans la coordination du développement de vaccins et de traitements (voir le Chapitre 5). Parmi les fondations participant à cette entreprise, on trouve la Fondation Bill et Melinda Gates, le Wellcome Trust et la Fondation Novo Nordisk. Entre autres objectifs, ces fondations opérant à l’échelle mondiale s’emploient à mobiliser la science et l’innovation pour la lutte contre les maladies infectieuses. Dans le contexte du COVID-19, elles ont non seulement apporté des financements pour la recherche mais aussi assuré la promotion de réponses STI au COVID-19 à l’échelle mondiale, en mettant l’accent sur les défis rencontrés par les pays en développement.
Plusieurs démarches régionales bilatérales ou supranationales ont également soutenu des collaborations en matière de recherche. Ainsi, la Fondation nationale pour la recherche de Corée et le Conseil suédois de la recherche ont lancé un programme de subventions pour des projets de recherche conjoints entre chercheurs suédois et sud-coréens sur le contrôle et la prévention du COVID-19, et le Nordic Health Data Research Projects on COVID-19 est un appel à propositions de financements destinés à promouvoir la coopération en matière de recherche et le partage de données de santé entre la Suède, la Finlande, le Danemark, la Norvège, l’Islande, l’Estonie et la Lettonie32.
Bon nombre de résultats de recherche sont issus d’une coopération internationale. L’analyse des articles scientifiques publiés sur le COVID-19 entre janvier 2020 et septembre 2020 montre que près de la moitié des auteurs établis au Royaume-Uni, un quart des auteurs établis aux États-Unis et un quart des auteurs établis en Chine ont cosigné leurs articles avec un auteur étranger. Les chercheurs chinois sont, de loin, les plus nombreux parmi les co-auteurs aux États-Unis, et réciproquement (voir le Chapitre 5).
Dans le même temps, la crise du COVID-19 a aussi montré qu’une composante importante de la réponse scientifique se trouvait au niveau national. Les instituts nationaux travaillant sur les maladies infectieuses, tels que l’Institut Pasteur en France et le Robert Koch Institut en Allemagne, ont joué un rôle central de conseil aux décideurs politiques de leurs pays sur les mesures à prendre pour faire face à l’épidémie de COVID-19 au niveau national.
L’orientation future des politiques STI
La politique STI est façonnée par les principaux facteurs d’incertitude décrits précédemment, mais influe également sur ces facteurs. Si l’on compare avec la situation lors de la crise financière mondiale de 2008‑09, la STI est au cœur des solutions à la crise du COVID-19 et prend une part particulièrement visible à l’élaboration des politiques visant à contenir la propagation du virus. Le rôle joué par la STI dans ce contexte devrait par conséquent avoir une incidence sur le positionnement futur des politiques STI. Toutefois, des incertitudes pèsent aussi sur les objectifs et les pratiques des politiques STI à l’avenir, et sur les ressources dont elles disposeront. Cette section traite des niveaux de soutien futur des pouvoirs publics à la STI, eu égard aux contributions remarquables de la STI à la résolution de la pandémie, mais aussi à l’endettement croissant du secteur public. On examinera en outre si la politique STI deviendra plus directive et imposera des transitions en matière de durabilité et de transformation numérique à moyen et long terme.
Soutien des pouvoirs publics à la STI
Les niveaux de soutien futur des pouvoirs publics seront déterminés par les préférences sociétales et la reconnaissance de la STI comme acteur essentiel des transitions socio-techniques nécessaires pour répondre aux objectifs de durabilité, d’inclusivité et de résilience. Une approbation et une reconnaissance fortes de la STI pourraient conduire à des augmentations significatives de la R-D publique – l’équivalent, peut-être, de la réaction du bloc de l’Ouest à Spoutnik, qui a déclenché la course à l’espace entre Américains et Soviétiques (Subbaraman, 2020[59]). Cela pourrait devenir une réalité, car les États-Unis, la Chine, d’autres pays asiatiques industrialisés et l’Europe se battent pour occuper la position de leader dans l’IA, l’informatique quantique, la superinformatique, la robotique (voir le Chapitre 6)) et d’autres technologies, notamment dans le domaine de la santé (voir le Chapitre 7 sur la biologie de synthèse). La plupart des gouvernements de pays de l’OCDE mettent en place des plans de relance pour aider à surmonter les conséquences à long terme de la crise pandémique. Beaucoup ont de grandes ambitions en matière de modernisation des économies nationales, notamment par la transformation numérique, et mènent une transition verte vers une production et une consommation plus durables. Certains affichent aussi comme objectif une plus grande « souveraineté technologique ».
Toutefois, rien ne permet de dire dans quelle mesure de telles ambitions se traduiront en actions amenant des changements structurels. Il faut aussi que l’intervention des pouvoirs publics soit financièrement supportable, ce qui constituera une difficulté majeure pour de nombreux pays, les coûts de la pandémie pesant de plus en plus sur l’économie. Après la première vague de COVID-19, la dette des États atteignait déjà dans tous les pays des niveaux sans précédent, bien au-delà de ceux atteints lors de la crise financière mondiale (Graphique 1.11). Le niveau actuel de soutien à la recherche et à l’innovation rejoint la situation de 2008-09, lorsque les financements étaient impressionnants juste après la crise mais ont fortement baissé dans un certain nombre de pays, les niveaux d’endettement public étant insupportables. Si certains pays n’ont pas trop de mal à obtenir des crédits, d’autres n’auront pas cette chance. Les impacts du COVID-19 sont d’ores et déjà considérables, et tous les pays n’ont pas été en mesure de venir en aide à ceux qui étaient le plus durement touchés par le COVID-19. Cela a été le cas, notamment, pour les pays en développement, qui n’ont pas pu soutenir certaines de leurs industries. Cela a des conséquences également pour la STI, car l’ampleur et la cible des plans de relance auront des incidences sur les objectifs et la nature des mesures de soutien à la recherche et à l’innovation que les pouvoirs publics choisiront de mettre en œuvre, ainsi que sur le niveau des financements.
Dans le même temps, le montant des financements publics n’est pas nécessairement synonyme de soutien aux systèmes STI, car l’industrie et la société civile sont également concernées. Un remède possible aux contraintes de financement serait que des acteurs de l’industrie et de la société civile – des fondations, notamment – joignent leurs efforts à ceux des agences de financement public de la recherche et de l’innovation, amplifiant ainsi les effets des financements publics.
Aspects directionnels des politiques STI
Les préférences sociétales quant à la nécessité d’édifier des sociétés plus résilientes, durables et inclusives, ainsi que les points de vue prévalant sur les limites de l’intervention des pouvoirs publics, détermineront les objectifs des politiques STI et les outils dont elles disposeront. L’évolution vers un modèle plus proactif de « transformation des systèmes », par opposition à un modèle centré principalement sur les remèdes aux défaillances du marché, pourrait s’accélérer. Cela pourrait se traduire par des projets ambitieux, orientés sur des missions, visant à impliquer une grande diversité d’acteurs de l’ensemble du système STI (voir le Chapitre 8). De tels projets peuvent figurer en bonne place dans des plans de reprise et de relance publics, notamment ceux qui privilégient les transformations verte et numérique. La politique STI a des rôles bien établis à jouer dans le soutien au développement de technologies durables (en investissant, par exemple, dans les technologies respectueuses de l’environnement) et dans la réponse aux besoins en matière d’inclusivité (en favorisant par exemple la participation des groupes exclus à la STI) (OCDE, 2011[60] ; Planes-Satorra et Paunov, 2017[61] ; Borowiecki et al., 2019[62]). Les pays de l’OCDE ont intensifié leurs programmes de soutien dans ce sens ces dix dernières années au moins, et pourraient à présent les étendre. Si la politique STI doit sans doute évoluer compte tenu de l’importance accordée actuellement à la résilience socio-économique, ses contributions à cet égard sont déjà significatives, comme le montre l’Encadré 1.1.
Encadré 1.1. Contributions de la STI au développement de la résilience
Les systèmes STI peuvent contribuer à développer la résilience de différentes manières :
Un système STI agile opérant efficacement peut aider à trouver les réponses et les solutions à des défis inattendus. Dans le contexte de la crise du COVID-19, le système STI est capable de mettre au point rapidement des vaccins et des traitements (grâce à des plateformes technologiques innovantes, par exemple) et des techniques de gestion du virus (telles que les applications de traçage et les méthodes permettant de réduire les taux de contamination tout en maintenant une activité économique). Il a également développé une série de technologies numériques qui ont aidé l’économie et la société à poursuivre pour une large part leurs activités grâce au télétravail et à la cyberactivité. Cependant, les systèmes STI doivent rester agiles, car les crises futures – crises sanitaires et autres chocs – exigeront probablement des réponses très différentes de celles appliquées au COVID-19.
La STI joue un rôle important dans le lancement de la production de biens et de services qui peuvent aider à faire face à une crise. Lors du déferlement initial de la pandémie de COVID-19, plusieurs pays ont été en mesure de dynamiser la production de biens essentiels, grâce à une infrastructure technologique et industrielle forte et à l’utilisation d’outils et de technologies nouveaux comme l’impression 3D et les programmes et logiciels libres. Plus largement, les atouts technologiques dans des domaines essentiels tels que la biotechnologie, le numérique et l’IA donnent les moyens de répondre à des chocs affectant la production mondiale.
S’il n’est pas possible de prédire le moment exact et la nature des prochains chocs, des crises sont prévisibles. Les mesures de préparation peuvent bénéficier des efforts STI visant à prévenir ces crises avant qu’elles ne surviennent et à acquérir une résilience à leurs conséquences. Les chocs futurs seront peut-être dus aux changements climatiques et à leurs impacts sur la santé, la biodiversité et la production alimentaire. Pour faire face à ces éventualités, la STI doit contribuer à la durabilité.
Des conseils scientifiques sont en outre essentiels pour concevoir des réponses efficaces aux crises futures. Ces conseils peuvent contribuer à préparer les systèmes de recherche en anticipant les besoins de connaissances et d’infrastructures de façon à soutenir les systèmes socio-économiques en temps de crise. Des structures de conseil multidisciplinaires qui simulent les crises futures peuvent contribuer aux efforts nationaux de planification des mécanismes d’intervention en cas d’urgences.
Conclusions
La science est la seule porte de sortie de la crise du COVID-19 et ce chapitre montre que la pandémie a donné lieu à une mobilisation sans précédent de la communauté scientifique. La science et l’innovation ont joué un rôle essentiel en aidant à mieux comprendre le virus et sa transmission, et à mettre au point des centaines de traitements et de vaccins expérimentaux sur une très courte période. Plus que toutes les crises survenues récemment, la pandémie a montré l’importance de la science et de l’innovation sur le plan aussi bien de la préparation que de la réaction. Elle a également mis à rude épreuve les systèmes de recherche et d’innovation, révélant des lacunes qui devront être corrigées si l’on veut améliorer la résilience globale des systèmes et la préparation aux crises futures. Elle fait office de signal d’alarme et souligne la nécessité de repenser les politiques STI de manière à doter les pouvoirs publics des instruments et des capacités dont ils ont besoin pour axer les efforts d’innovation sur les objectifs de durabilité, d’inclusivité et de résilience.
Une série d’objectifs et d’actions relevant des politiques STI, qui aideront à mettre en œuvre cette orientation à l’appui de la reprise et à relever les défis de la crise actuelle, sont présentés au Tableau 1.5.
Tableau 1.5. Grands objectifs et actions d’envergure des politiques STI pour la lutte contre la crise et la reprise
Objectifs des politiques STI |
Exemples d’actions des politiques STI |
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Axer la STI sur l’identification de solutions à la pandémie de COVID-19 |
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Atténuer les impacts négatifs sur les systèmes STI, y compris les effets redistributifs inégaux du COVID‑19 |
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Formuler des avis scientifiques à l’intention des décideurs et du public sur les réponses à apporter au COVID-19 |
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Développer l’agilité et la réactivité des systèmes STI |
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La recherche et l’innovation médicales restent essentielles pour apporter des solutions à la pandémie, et il importe de continuer à les soutenir – sans négliger la collaboration internationale, compte tenu de l’échelle planétaire des enjeux. Les partenariats de collaboration apportent aux systèmes STI une plus grande agilité pour faire face aux défis à venir. Les pouvoirs publics devraient également continuer à soutenir d’autres domaines de la science et de l’innovation pouvant contribuer à atténuer les effets de la crise, en prêtant attention aux effets redistributifs inégaux de la crise du COVID-19. Avec l’arrivée de la deuxième vague de la pandémie, les avis scientifiques formulés à l’intention des décideurs et des citoyens sont de plus en plus contestés. Il convient donc de rappeler l’importance de la transparence et d’une approche pluridisciplinaire, ainsi que d’une présentation claire des avis scientifiques, qui n’est qu’un aspect, mais non des moindres, de la contribution au processus d’élaboration des politiques. Enfin, si la reprise post‑COVID-19 doit promouvoir les réformes structurelles requises pour respecter un programme privilégiant la transition vers la durabilité, les politiques STI devront réformer les systèmes de recherche et d’innovation. Les pouvoirs publics devront en outre se préparer plus efficacement aux chocs futurs, en évaluant les évolutions touchant aux principaux facteurs d’incertitude et leurs implications pour la STI. Les décideurs et les acteurs des systèmes STI pourraient s’appuyer sur le cadre d’évaluation des principaux facteurs d’incertitude présenté dans ce chapitre pour étudier un large éventail d’options politiques et façonner l’état et la dynamique futurs des paysages STI.
Vue d’ensemble de la publication
La suite de l’ouvrage approfondit certains des thèmes traités dans ce chapitre. Le Chapitre 2 examine la pression intense à laquelle le COVID-19 soumet les systèmes de recherche, révélant leur capacité de réponse et leur flexibilité intrinsèques. La production scientifique, en termes de publications, a été impressionnante. Les opérateurs de bases de données de recherche et les éditeurs scientifiques ont levé les barrières traditionnelles pour permettre à la communauté scientifique de partager rapidement les données et les publications sur le COVID-19. Des outils numériques et des infrastructures de données ouvertes ont permis à de nombreux scientifiques de continuer à travailler efficacement en dehors de leur laboratoire ou de leur environnement de travail habituel. Le COVID-19 a aussi mis en lumière des domaines qu’il conviendra de renforcer pour améliorer l’état de préparation global des systèmes de recherche (et leur résilience) face aux crises futures, mettant en évidence des problèmes préexistants en matière de prise de risque dans la recherche et de qualité de la recherche. Dans la hâte de comprendre et de trouver des solutions au COVID-19, la tendance bien compréhensible a été de soutenir la recherche classique, « sûre », mais il est également nécessaire de prendre des risques calculés et d’explorer de nouvelles idées pouvant déboucher sur des avancées décisives. L’impérieuse nécessité de publier rapidement les données et les résultats a conduit à écourter ou contourner les procédures habituelles d’examen par des comités de lecture, mais la mise en circulation d’un nombre considérable de versions prépubliées n’a posé, semble-t-il, que relativement peu de problèmes, et des expériences de « revue accélérée » avant publication sont en cours.
Même avant le COVID-19, de nombreux chercheurs en début de carrière étaient en situation de précarité, employés pour des contrats de courte durée, sans garantie qu’ils débouchent sur un poste universitaire permanent (Chapitre 3). Cet environnement hyper-compétitif et le manque de sécurité ont dissuadé les femmes, en particulier, de poursuivre une carrière dans la recherche. La plupart des chercheurs en début de parcours s’attendent aujourd’hui à avoir encore moins de possibilités de carrière universitaire, et cette situation est exacerbée par un coup d’arrêt brutal à la mobilité internationale des chercheurs. D’où l’importance de proposer des évolutions de carrière nouvelles et plus attractives, offrant une plus grande sécurité et des possibilités de mobilité au sein et en dehors des secteurs universitaires et de recherche.
En ce qui concerne la recherche et l’innovation privées, la crise du COVID-19 ne constitue pas seulement une menace majeure pour la capacité des systèmes d’innovation à fonctionner normalement, mais aussi une incitation à mobiliser ces systèmes pour apporter des solutions nouvelles aux problèmes immédiats posés par la pandémie dans les domaines sanitaire, sociétal et économique (Chapitre 4). Les investissements agrégés des entreprises dans la recherche et l’innovation suivent l’évolution du cycle économique et tendent par conséquent à se contracter en période de crise. Il est difficile d’imaginer qu’il en aille autrement pour la crise actuelle, compte tenu des conséquences économiques extrêmement profondes – bien qu’inégales – qu’elle a eues jusqu’à présent. Néanmoins, les pouvoirs publics ne peuvent conduire seuls des programmes politiques ambitieux (de transition vers la durabilité, notamment) : ils ont besoin, pour réussir, de partenariats forts avec les entreprises et la société civile. Les plans de reprise devront inclure un arsenal de mesures incitant le secteur privé à investir dans des projets de recherche et d’innovation appropriés. Un objectif politique important sera de réduire les incertitudes en signalant les intentions d’investissement et les engagements futurs en termes de demande, en soutien aux objectifs de transition. La crise actuelle est également l’occasion de rappeler que les politiques de soutien à l’innovation devraient être capables de guider les efforts d’innovation vers les domaines où les besoins sont les plus impérieux. Les gouvernements doivent définir un arsenal de mesures de soutien en faveur de l’innovation intégrant des mécanismes, des instruments et des capacités qui leur permettent de guider les efforts d’innovation, en particulier vers les domaines où le gouvernement est le principal utilisateur ou client des innovations. À cet égard, les incitations fiscales ne constituent pas un moyen suffisant pour guider l’innovation vers les besoins de la société dans son ensemble, et ne sont pas non plus un moyen optimal d’encourager l’investissement dans des domaines de connaissance à l’interface de la recherche fondamentale et du développement de produits ou de procédés concrets. Des subventions directes peuvent soutenir la recherche à plus long terme, présentant un risque élevé, et cibler des domaines spécifiques, soit parce qu’ils donnent lieu à la production de biens collectifs (dans le domaine de la santé ou de la défense, par exemple), soit parce qu’ils recèlent un fort potentiel d’externalités de connaissances. Les gouvernements devraient en outre revoir l’arsenal de leurs mesures de soutien à la recherche et à l’innovation privées pour s’assurer d’un juste équilibre entre mesures directes et indirectes.
La pandémie touchant l’ensemble de la planète, elle exige des solutions mondiales fondées sur la coopération et la collaboration internationales (Chapitre 5). Aucun pays ne saurait vaincre à lui seul le COVID-19. La collaboration en matière de recherche, tant entre le public et le privé qu’au niveau international, est peut-être sans précédent parce que la communauté scientifique mondiale s’est serré les coudes pour trouver des solutions à la pandémie. La vitesse à laquelle les groupes de recherche et entreprises pharmaceutiques mettent au point des vaccins contre le COVID-19 est le fruit d’années d’investissements dans la recherche fondamentale, ainsi que de la récente institutionnalisation des efforts de coordination internationale pour concevoir des plateformes technologiques agiles pouvant être activées lorsque de nouveaux agents pathogènes voient le jour. Ces dispositifs relativement nouveaux sont performants, mais bénéficient de financements insuffisants et sont tributaires à cet égard d’une poignée de pays et d’organisations philanthropiques. Les pouvoirs publics devraient envisager d’en augmenter l’échelle et d’étendre leur champ à d’autres défis mondiaux nécessitant une capacité d’intervention dans le domaine de la R-D, en capitalisant sur la dynamique impulsée par la réponse à la pandémie de COVID‑19. La capacité d’intervention en matière de R-D recouvre les plateformes technologiques, les infrastructures et les réseaux collaboratifs sur lesquels les pays peuvent s’appuyer pour répondre efficacement à un large éventail de risques. Les pouvoirs publics doivent en outre travailler de concert à la mise au point de nouveaux mécanismes de financement et de gouvernance, au sein desquels les entreprises et les acteurs du financement privé collaborent avec des banques de développement multilatérales et nationales pour cofinancer des solutions STI à l’appui de la gestion des défis planétaires. La mobilisation rapide et sans précédent de financements publics et privés pour la mise au point de vaccins contre le COVID-19 et leur distribution à l’échelle mondiale a apporté la preuve qu’il était possible de déployer de nouveaux modèles de financement innovants pour affronter des défis mondiaux grâce à la coopération internationale dans le domaine de la STI.
Les technologies numériques et biomédicales jouent un rôle essentiel et particulièrement visible dans la lutte contre les conséquences de la pandémie et la recherche de solutions médicales, notamment dans le cadre de la course aux vaccins. Deux technologies émergentes, à savoir la biologie de synthèse et la robotique, promettent d’aider à améliorer la résilience sanitaire des sociétés. La biologie de synthèse (Chapitre 7) a pour objet de faire de la biotechnologie une discipline plus proche de l’ingénierie que de la biologie et plus résolument axée sur la production industrielle. La biofonderie, récente percée technologique, est à même de réduire considérablement les délais de l’idée d’origine au produit, et d’améliorer la fiabilité et la reproductibilité de la biofabrication. Installations hautement automatisées, les biofonderies mettent en œuvre des flux de travail précis et complexes reposant sur l’utilisation coordonnée de robots de laboratoire. Les vaccins à ARN messager contre le COVID-19 (tels que ceux qui sont mis au point par les laboratoires Pfizer et Moderna, qui ont été les premiers à voir les résultats de leurs essais cliniques validés) se prêtent particulièrement bien à cette approche. Au-delà de son utilisation dans les biofonderies, la robotique offre également des perspectives d’amélioration de la résilience sanitaire des sociétés (Chapitre 6), de l’aide à la recherche en laboratoire, la chirurgie et la rééducation fonctionnelle à la livraison de médicaments, en passant par le transport des déchets, la lutte contre la solitude, ou encore l’amélioration du diagnostic médical et des traitements. Les pouvoirs publics disposent de plusieurs outils pour accélérer la mise au point et le déploiement de telles technologies : recherche fondamentale et appliquée dans les organismes publics de recherche et les entreprises ; partenariats public-privé et plateformes collaboratives ; recherche interdisciplinaire et transdisciplinaire pour les technologies convergentes ; bancs d’essai, démonstrateurs et bacs à sable réglementaires pour aider les entreprises à dérisquer leurs investissements. Le développement des compétences est également une exigence importante, de même que l’assistance en matière de normes et de diffusion des technologies.
Les systèmes de gouvernance des pays façonnent leurs réponses à la crise actuelle du COVID-19 en termes de recherche et d’innovation, et influeront sur la contribution de la STI à la reprise (Chapitre 8). Ces systèmes couvrent un large spectre et déterminent notamment la façon dont les gouvernements fixent des orientations et définissent des priorités, leurs relations avec les autres acteurs au sein du système d’innovation, ainsi que les technologies qu’ils utilisent pour gouverner. L’un des aspects les plus visibles – et les plus controversés – de la réponse des gouvernements à la pandémie est le recours aux avis des scientifiques dans l’élaboration des politiques. L’OCDE a formulé par le passé des directives sur la consultation d’experts et l’utilisation des avis scientifiques lors de crises internationales telles que celle du COVID-19. Ce chapitre reprend ces directives et analyse dans quelle mesure les gouvernements les ont suivies lors de l’élaboration des politiques. L’efficacité des politiques STI dépend aussi des outils d’informatique décisionnelle utilisés, comprenant des systèmes de gestion de données et des services informatiques qui détectent, suivent et communiquent les évolutions au sein des systèmes STI. Ils permettent de localiser les dépendances des systèmes, alertent les décideurs sur les chocs et communiquent les conséquences en temps réel de futurs chocs possibles à un niveau granulaire. La crise du COVID-19 a conduit à une utilisation sans précédent de nouveaux outils et de données numériques pour orienter les politiques, qui pourrait accélérer la transformation numérique de la politique elle-même dans le domaine de la science et de l’innovation.
L’expérimentation par les gouvernements de politiques d’innovation axées sur des missions, qui ont eu tendance à cibler de grands enjeux de société, pourrait figurer en meilleure place dans l’arsenal des politiques STI, et être intégrée par exemple aux plans de relance ciblant les transitions vertes. Les gouvernements vont devoir renouveler leurs cadres politiques et leurs capacités à mettre en œuvre un programme politique plus ambitieux en matière de science et d’innovation. Le Chapitre 8 invite les gouvernements à lier le soutien aux technologies émergentes à des missions plus larges englobant des principes d’innovation responsable. Cela contribuerait à mettre en adéquation le développement des technologies émergentes avec les objectifs des politiques d’innovation axées sur des missions. Il sera primordial de développer les capacités des gouvernements à livrer des programmes politiques plus ambitieux, en particulier leurs aptitudes à utiliser les outils d’analyse avancée de manière plus efficace, étendue à l’ensemble des pouvoirs publics. La priorité donnée à la résilience, qui suppose de renforcer l’agilité de l’action publique, exige des gouvernements qu’ils disposent de « capacités dynamiques » d’adaptation et d’apprentissage dans des environnements en rapide mutation.
Références
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[2] Paunov, C. et S. Planes-Satorra (à paraître), Science, technology and innovation in the time of COVID-19, Éditions OCDE, Paris.
[3] Paunov, C. et S. Planes-Satorra (à paraître), What future for science, technology and innovation after COVID-19?, Éditions OCDE, Paris.
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[49] USPTO (2020), USPTO announces COVID-19 Prioritized Examination Pilot Program for small and micro entities, USPTO, https://www.uspto.gov/about-us/news-updates/uspto-announces-covid-19-prioritized-examination-pilot-program-small-and (consulté le 25 May 2020).
[14] Viglione, G. (2020), « Tens of thousands of scientists are redeploying to fight coronavirus », Nature, http://dx.doi.org/10.1038/d41586-020-00905-9.
[23] Vincent-Lamarre, P., C. Sugimoto et V. Larivière (2020), « The decline of women’s research production during the coronavirus pandemic », Nature Index, https://www.natureindex.com/news-blog/decline-women-scientist-research-publishing-production-coronavirus-pandemic.
Notes
← 1. Les deux documents d’orientation sont le fruit de travaux sur la crise du COVID-19 menés sous les auspices du Groupe de travail de l’OCDE sur la politique de l’innovation et de la technologie.
← 3. Les impacts sur les infrastructures de recherche ont été multiples, avec des effets parfois étendus et durables. À titre d’illustration, la capacité d’observation de l’océan a été touchée de manière sans précédent. Au cours du deuxième trimestre 2020, les pouvoirs publics et les institutions océanographiques ont rappelé presque tous les navires de recherche océanographique dans leurs ports d’attache, et les bouées océaniques ainsi que d’autres systèmes n’ont pas pu être entretenus, ce qui a entraîné une défaillance prématurée. Les observations effectuées à partir de ces systèmes sont essentielles pour les prévisions et les alertes maritimes, climatiques et météorologiques, et du temps et des coûts supplémentaires seront nécessaires afin de pouvoir rétablir ces capacités (Heslop et al., 2020[64]).
← 4. Cette enquête éclair 2020 de l’OCDE sur la science est mise en œuvre par le biais d’un questionnaire en ligne à lien ouvert, invitant les scientifiques ou toute autre personne ayant un intérêt pour la science ou la politique scientifique à répondre à des questions sur l’impact de la crise du COVID-19 d’un point de vue scientifique. L’enquête a été initialement promue par le réseau du Comité de la politique scientifique et technologique de l’OCDE et par les anciens participants à l’enquête internationale de 2018 de l’OCDE auprès des auteurs scientifiques. Elle est réalisée en collaboration avec la Banque interaméricaine de développement. Au 12 octobre 2020, plus de 2 600 réponses provenant de près de 100 pays avaient été recueillies ; 45 % des réponses provenaient de personnes qui s’identifient comme des scientifiques ; le reste correspond à des conseillers en politique scientifique (20 %), à des professionnels impliqués dans les sciences (15 %), à des spécialistes de la communication dans le domaine des sciences (10 %) et à des personnes effectuant un travail administratif lié à la science (10 %). L’enquête ne demande aucune information permettant d’identifier les personnes interrogées. Par conséquent, les résultats ne peuvent pas être considérés comme représentatifs d’une population bien définie et doivent être utilisés avec une extrême prudence, en complément d’autres éléments probants.
← 7. https://www.thehindu.com/news/national/kerala/kerala-government-hospital-deploys-robot-to-serve-covid-19-patients/article31432663.ece.
← 10. https://anr.fr/fr/detail/call/appel-a-projets-flash-covid-19/.
← 11. https://pm.gc.ca/fr/nouvelles/communiques/2020/03/20/premier-ministre-annonce-plan-canadien-de-mobilisation-du-secteur.
← 12. https://www.ukri.org/funding/funding-opportunities/ukri-open-call-for-research-and-innovation-ideas-to-address-covid-19.
← 15. https://nrc.canada.ca/fr/recherche-developpement/recherche-collaboration/programmes/programme-defi-reponse-pandemie.
← 17. À fin septembre 2020.
← 22. https://www.gov.uk/guidance/mhra-regulatory-flexibilities-resulting-from-coronavirus-covid-19.
← 23. https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/white-house-announces-new-partnership-unleash-u-s-supercomputing-resources-fight-covid-19/.
← 26. Une analyse plus complète est proposée dans (Paunov et Planes-Satorra, à paraître[2]).
← 27. https://www.gov.uk/government/news/government-to-protect-uk-research-jobs-with-major-support-package.
← 29. Un tel exercice ne partirait pas de zéro et examinerait les analyses prospectives existantes, y compris les exercices nationaux de prévision et les études de scénarios futurs, afin d’identifier et d’explorer les principales tendances, prévisions et scénarios futurs qui pourraient utilement nourrir la réflexion stratégique à long terme en matière de politique STI dans un monde post-COVID-19. Grâce à des ateliers spécialisés organisés au cours des années 2021 et 2022, l’exercice offrirait une perspective mondiale unique et fournirait des ressources utiles pour l’élaboration des politiques STI et d’autres études stratégiques de prévision. Il constituerait également une base utile pour l’édition 2022 de la publication Science, technologie et innovation : Perspectives de l’OCDE, qui pourrait offrir des visions communes convaincantes sur l’avenir de la politique STI.
← 30. Certaines des questions soulevées dans cette section sont étudiées de manière plus approfondie dans la dernière édition en date des Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE (OCDE, 2020[66]).
← 31. Ces étapes charnières critiques s’appuient sur (Paunov et Planes-Satorra, à paraître[3]).