L’OCDE est à l’avant-garde des travaux menés pour décrire la montée des inégalités de revenu et le ralentissement de la mobilité sociale dans de nombreux pays de l’OCDE depuis une trentaine d’années. À travers ses analyses et ses publications, l’OCDE montre que les ménages de la classe moyenne, qui font l’objet du présent rapport Sous pression : la classe moyenne en perte de vitesse, ont vu leur niveau de vie stagner ou baisser dans de nombreux pays de l’OCDE, tandis que les catégories de revenu supérieures ont continué d’accumuler revenu et patrimoine.
Une classe moyenne forte et prospère est essentielle à la réussite de l’économie et à la cohésion de la société. La classe moyenne soutient la consommation, stimule en grande partie l’investissement dans l’éducation, la santé et le logement, et elle joue aussi un rôle majeur dans le maintien des systèmes de protection sociale grâce aux impôts dont elle s’acquitte. Les sociétés qui reposent sur une classe moyenne forte affichent des taux moindres de criminalité et des niveaux supérieurs de confiance et de satisfaction à l’égard de la vie, et elles jouissent aussi d’une plus grande stabilité politique et d’une meilleure gouvernance.
Il ressort toutefois des données disponibles que les 10 % situés au sommet de la distribution des revenus détiennent près de la moitié de la richesse totale, tandis que les 40 % situés au bas de l’échelle n’en possèdent que 3 %. L’OCDE a également mis en évidence qu’un large pan de la population est touché par l’insécurité économique : en effet, plus d’un individu sur trois est vulnérable sur le plan économique, c'est-à-dire qu’il ne dispose pas des actifs financiers liquides nécessaires pour conserver un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté pendant au moins trois mois.
Nous avons également observé que les enfants dont les parents n’ont pas achevé leurs études secondaires n’ont que 15 % de chances d’atteindre l’université, par rapport à une probabilité de 63 % chez les enfants dont les parents ont fait des études supérieures. Les résultats sur le plan de la santé, et même de l’espérance de vie, sont aussi largement influencés par le milieu socioéconomique.
Ces résultats ont incité les pouvoirs publics à prendre des mesures pour redresser une situation devenue intolérable aussi bien sur le plan économique que politique, étant donné qu’elle sape la confiance des citoyens dans l’action publique et les institutions.
Pour sa part, l’OCDE préconise de suivre une nouvelle logique de croissance qui place le bien-être au centre des préoccupations. Ses initiatives relatives aux Nouvelles approches face aux défis économiques et à la Croissance inclusive visent à améliorer les modèles d’analyse et les outils de mesure de l’OCDE, à mieux comprendre le fonctionnement de nos économies et à promouvoir des politiques qui intègrent d’emblée des considérations relatives à l’équité. L’OCDE a également défini un Cadre d’action pour les politiques de croissance inclusive, qui fournit aux gouvernements des orientations pratiques pour concevoir et mettre en œuvre des politiques qui profitent à l’ensemble des individus, des entreprises et des régions, en particulier à celles et ceux qui sont en difficulté ou à la traîne.
L’OCDE a également placé la question des inégalités et de la nécessité d’une croissance inclusive au centre des préoccupations internationales, ce qui a contribué à éclairer les travaux du G7 et du G20.
Le rapport Sous pression : la classe moyenne en perte de vitesse est le cinquième d’une série de publications phares que l’OCDE consacre aux tendances, causes et conséquences des inégalités, ainsi qu’aux solutions pour y faire face. Croissance et inégalités (2008) et Toujours plus d’inégalités (2011) analysaient les principales caractéristiques et les causes profondes du creusement des écarts de revenu dans les économies avancées et les grandes économies émergentes. Tous concernés (2015) étudiait les conséquences des inégalités, notamment leurs effets sur la croissance économique, l’impact des politiques d’assainissement budgétaire et de redistribution sur ces tendances, et l’influence des changements structurels enregistrés sur le marché du travail sur les inégalités de revenu des ménages.
Le rapport de l’OCDE le plus récent de cette série, L’ascenseur social en panne ? Comment promouvoir la mobilité sociale (2018), met en lumière le ralentissement progressif de la mobilité sociale dans nos sociétés. Par exemple, dans les pays de l’OCDE, il faudrait entre quatre et cinq générations (ou jusqu’à 150 ans), pour qu’un enfant né dans une famille à faible revenu atteigne le niveau de revenu moyen. Dans ce contexte, il est clair que le statut socioéconomique influence largement les perspectives de revenu et d’emploi, la qualité des emplois, les résultats en termes de santé, l’éducation et d’autres dimensions encore.
Le rapport Sous pression : la classe moyenne en perte de vitesse propose une analyse approfondie de la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui la classe moyenne en tant que groupe économique et social. Il contient en outre des informations sur les pressions et les risques grandissants auxquels ce groupe est exposé.
En effet, depuis une trentaine d’années, la croissance du revenu des ménages intermédiaires est en berne, voire au point mort, dans quelques pays. Cette morosité entretient la perception que le système socioéconomique actuel est inéquitable et que la classe moyenne n’a pas tiré parti de la croissance économique de façon proportionnelle à sa contribution. En outre, le coût de la vie est de plus en plus cher pour la classe moyenne, étant donné que le prix des services et produits de base, comme le logement, a augmenté plus vite que le revenu. Les possibilités traditionnelles de mobilité sociale pour la classe moyenne se réduisent également à mesure que les perspectives d’emploi deviennent plus incertaines : un travailleur à revenu intermédiaire sur six occupe un emploi exposé à un risque d’automatisation élevé. La classe moyenne, dont les propres perspectives sont incertaines, est également préoccupée par celles de ses enfants ; la génération actuelle, qui est l’une des plus instruites, a paradoxalement moins de chances d’atteindre le même niveau de vie que ses parents.
Le rapport fournit des informations détaillées sur ces tendances. Il montre par exemple que chaque nouvelle génération depuis le baby-boom a vu la catégorie de population à revenu intermédiaire se rétrécir et son influence économique diminuer. Il y a trente ans, le revenu global de tous les ménages à revenu intermédiaire était quatre fois supérieur au revenu global des ménages situés dans la tranche supérieure ; aujourd'hui, ce ratio est inférieur à trois.
Les chapitres examinent si la classe moyenne est en perte de vitesse, pourquoi les emplois de la classe moyenne sont en voie de disparition, et dans quelle mesure le coût du mode de vie de la classe moyenne a augmenté. Le dernier chapitre présente les mesures et les initiatives censées améliorer les perspectives et les possibilités de la classe moyenne : rendre le système fiscal plus équitable, faire face à la hausse du coût de la vie à la fois dans le domaine du logement et dans celui de l’éducation, consolider les compétences des ménages de la classe moyenne, réduire les risques de surendettement et améliorer l’accès aux opportunités commerciales.
En faisant connaître la situation d’une catégorie de la population qui est traditionnellement le principal moteur de la croissance économique et un pilier de la stabilité sociale, le présent rapport apporte une contribution clé à l’argumentaire et à la vision de l’OCDE en faveur de la croissance inclusive. Les résultats de nos travaux vont, nous l’espérons, continuer de soutenir avec force l’action des pouvoirs publics, aider les pays à élaborer des politiques qui atténuent les pressions exercées sur les ménages de la classe moyenne et favoriser la création d’économies qui soient à nouveau capables de réaliser « le rêve de la classe moyenne ».
Gabriela Ramos, Directrice du Cabinet de l’OCDE et Sherpa, Responsable de l’Initiative sur la croissance inclusive et de l’Initiative relative aux Nouvelles approches face aux défis économiques