Ces dix dernières années, l’OCDE a analysé dans le détail l’évolution des écarts de revenu et de l’inégalité des chances à travers une série de publications phares, depuis Croissance et inégalités (2008) et Toujours plus d’inégalités (2011) jusqu’à Tous concernés (2015) et la dernière publication L’ascenseur social en panne qui est axée sur la mobilité sociale et qui montre que les possibilités d’ascension sociale pour les familles à revenu faible et intermédiaire ont diminué ces dernières décennies. Le présent rapport, qui s’intéresse tout particulièrement à la classe moyenne, fournit des informations sur les multiples pressions qui s’exercent sur cette catégorie de la population.
Pourquoi s’intéresser à la classe moyenne ? La classe moyenne était auparavant une aspiration. Pour bon nombre de générations, elle signifiait l’assurance de vivre dans une maison confortable et de mener une vie épanouissante, grâce à un emploi stable offrant des possibilités d’évolution de carrière. Elle constituait aussi un socle sur lequel les familles s’appuyaient pour rêver d’un avenir encore meilleur pour leurs enfants. Au niveau macroéconomique, la présence d’une classe moyenne forte et prospère favorise la réussite des économies et des sociétés. Par le biais de leur consommation, des investissements dans l’éducation, la santé et le logement, de leur soutien en faveur de services publics de qualité, de leur intolérance vis-à-vis de la corruption, et de leur confiance dans autrui et dans les institutions démocratiques, les individus de la classe moyenne sont les fondements mêmes de la croissance inclusive. Pourtant, certaines tendances donnent aujourd'hui à penser que cette base si solide de nos démocraties et de la croissance économique n’est plus aussi stable que par le passé.
Les revenus intermédiaires sont-ils en train de perdre du terrain ? En moyenne, dans les pays de l’OCDE, la part d’individus appartenant à des ménages à revenu intermédiaire, définis comme gagnant entre 75 % et 200 % du revenu médian national, est passée de 64 % à 61 % entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 2010. L’influence économique de la classe moyenne et son rôle en tant que « centre de gravité économique » se sont également affaiblis. Le revenu global de l’ensemble des ménages à revenu intermédiaire était quatre fois supérieur au revenu global des ménages à revenu élevé il y a trente ans ; aujourd'hui, ce ratio est inférieur à trois. La catégorie de population à revenu intermédiaire rétrécit à chaque nouvelle génération : 70 % des individus de la génération du baby-boom faisaient partie de la classe moyenne quand ils avaient une vingtaine d’années, par rapport à 60 % des jeunes de la génération Y. Les personnes appartenant à la génération du baby-boom ont occupé des emplois plus stables au cours de leur vie active que les générations plus jeunes.
La classe moyenne est-elle sous pression ? Dans la plupart des pays de l’OCDE, les revenus intermédiaires ont à peine augmenté, à la fois en termes relatifs et absolus. Dans l’ensemble, depuis trente ans, les revenus médians ont progressé un tiers de moins que le revenu moyen des 10 % les plus riches. En parallèle, le coût des éléments essentiels au mode de vie de la classe moyenne a augmenté plus vite que l’inflation. Cette envolée des prix est intervenue dans le contexte d’une précarité croissante de l’emploi sur des marchés du travail en mutation rapide. Aujourd'hui, un emploi à rémunération moyenne sur six est exposé à un risque élevé d’automatisation. Plus d’un ménage à revenu intermédiaire sur cinq dépense plus qu’il ne gagne. Le surendettement concerne davantage les ménages à revenu intermédiaire que les ménages à revenu faible et à revenu élevé. Par conséquent, la classe moyenne ressemble aujourd'hui de plus en plus à un bateau qui naviguerait en eaux troubles.
Quels sont les moyens d’action des pouvoirs publics ? Parmi les ménages de la classe moyenne, ceux qui se situent au bas de l’échelle sont davantage susceptibles de pâtir de cette instabilité croissante. Ils ont le sentiment que le système socioéconomique actuel est inéquitable. Une solution pourrait consister à réviser et à adapter le système de prélèvements et de prestations. Le rapport envisage aussi des réformes des systèmes du logement et de l’éducation qui rendraient le mode de vie de la classe moyenne plus accessible. De manière plus fondamentale, les mesures prises devraient viser les causes profondes de ces facteurs de vulnérabilité. C’est pour cette raison que les systèmes d’enseignement et de formation devraient offrir des possibilités élargies d’apprentissage à des âges différents, en vue de favoriser la mobilité.