Ce chapitre présente un état des lieux de la tarification carbone et de la fiscalité énergétique ainsi qu’une description des méthodes retenues pour élaborer la série de publications Tarification des émissions de gaz à effet de serre. Il s’ouvre sur une vue d’ensemble de la Base de données sur la tarification du carbone et la fiscalité des énergies, en particulier des instruments, des pays et des secteurs considérés. Une description détaillée des méthodes utilisées pour calculer les principaux indicateurs – le taux effectif net sur le carbone et le taux effectif net sur l’énergie – qui montrent l’évolution de la tarification carbone et de la fiscalité énergétique à l’échelle mondiale. Le champ d’études comprend les taxes carbone, les systèmes d’échange de quotas d’émission, les droits d’accise sur les produits énergétiques, les taxes sur l’électricité et les subventions qui diminuent le prix de l’énergie avant impôts. Dans la présente édition, 79 pays sont étudiés, qui représentent 82 % des émissions mondiales.
Tarification 2024 des émissions de gaz à effet de serre (version abrégée)
1. Introduction et méthodologie
Copier le lien de 1. Introduction et méthodologieAbstract
1.1. Le temps presse pour réduire fortement les émissions
Copier le lien de 1.1. Le temps presse pour réduire fortement les émissionsIl est largement admis que les risques liés au changement climatique appellent d’importantes transformations économiques et structurelles et que celles-ci peuvent être favorisées par la mise en place d’instruments de tarification carbone et d’autres mesures climatiques de nature à guider l’économie vers un avenir neutre en carbone. Dans ses dernières conclusions, le GIEC indique, avec un niveau élevé de confiance, que le réchauffement planétaire a incontestablement été causé par les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues au caractère non durable de l’utilisation énergétique et des modes de vie, de consommation et de production (GIEC, 2023[1]). Face à ce constat, l’Accord de Paris confère aux pays la souplesse nécessaire pour qu’ils définissent eux-mêmes la trajectoire à suivre pour concrétiser ses ambitieux objectifs. L’économie mondiale pourrait ainsi atteindre son pic d’émissions avant 2030 (AIE, 2023[2]). Pour continuer de faire baisser les émissions tout en gérant l’évolution des approvisionnements totaux en énergie, les autorités doivent absolument combler l’écart qui existe entre les politiques en place et celles en cours d’élaboration (c’est-à-dire le « déficit de mise en œuvre ») ainsi que l’écart qui existe entre le niveau d’ambition actuellement affiché et celui qu’il faudrait fixer pour remplir les objectifs climatiques planétaires (c’est-à-dire le « déficit d’ambition »). Comme indiqué dans ce rapport, la réalisation des objectifs climatiques impose de réduire radicalement les émissions, c’est-à-dire de diminuer leur volume de manière rapide et drastique par le biais des politiques climatiques (GIEC, 2023[3]).
1.2. Méthodologie : inventaire systématique des dispositifs de tarification carbone et de fiscalité énergétique
Copier le lien de 1.2. Méthodologie : inventaire systématique des dispositifs de tarification carbone et de fiscalité énergétique1.2.1. Vue d’ensemble des séries de rapport, des bases de données et des instruments considérés
Le rapport Tarification des émissions de gaz à effet de serre, dont la première édition date de 2022, s’inscrit dans le prolongement de Taxer la consommation d’énergie. Il reprend les données et conclusions de la publication Tarifs effectifs du carbone, avec laquelle il forme la Série de publications sur la tarification du carbone et la fiscalité des énergies. Les bases de données des deux séries de publications ont fusionné dans la Base de données sur la tarification du carbone et la fiscalité des énergies (Graphique 1.1). Même si Tarification des émissions de gaz à effet de serre s’appuie sur les données les plus à jour de Taux effectifs sur le carbone, les deux rapports diffèrent par les modalités de collecte de données et l’angle retenu. Ainsi, la série Taux effectifs sur le carbone s’intéresse à l’évolution des taux effectifs sur le carbone, principalement sous l’angle des SEQE, et notamment à l’interaction entre l’allocation gratuite de quotas et les taux effectifs sur le carbone (OCDE, 2023[4]). De son côté, la série Tarification des émissions de gaz à effet de serre couvre un champ d’études plus large : les données collectées concernent les taxes carbone, les droits d’accise sur les produits énergétiques et les taxes énergétiques ; elles sont complétées par des données sur les SEQE tirées de la base de données Tarifs effectifs du carbone, des données sur les subventions aux énergies fossiles tirées de la base de données de l’OCDE Inventaire des mesures de soutien aux énergies fossiles et des données de l’AIE sur d’autres types d’émission et d’utilisation d’énergie. Les données relatives aux subventions aux énergies fossiles se rapportant à une année différente (2022, en l’occurrence), il convient de noter que l’évolution décrite dans la présente édition à propos de ces mesures ne correspond pas nécessairement à la situation la plus récente. Les principales sources de données susmentionnées servent à l’établissement de deux indicateurs distincts : le taux effectif net sur le carbone (TEC net) et le taux effectif net sur l’énergie (TEE net), qui constituent le fondement d’une analyse détaillée des dernières évolutions des politiques menées dans le monde en matière de tarification carbone et de fiscalité de l’énergie.
1.2.2. Évolution du champ d’études
La base de données sur la tarification du carbone et la fiscalité des énergies concerne les instruments de tarification qui appliquent un montant proportionnel à une assiette énergétique ou à une assiette d’émissions de GES. Sont donc exclus les impôts, taxes et redevances qui ne sont que partiellement corrélés à la consommation d’énergie ou aux émissions de GES. Des exemples courants sont les taxes sur l’achat de véhicules, les taxes d’immatriculation ou de circulation et les taxes directement prélevées au titre d’autres émissions que celles de GES. S’y ajoutent les taxes qui sont appliquées dans certains pays au titre de l’extraction ou de l’exploitation de ressources énergétiques (par exemple, le pétrole). Ces dispositifs axés sur l’offre ne concernant pas directement la consommation intérieure d’énergie ou les émissions nationales, ils ne sont pas pris en considération dans la base de données.
Sont également exclues les taxes sur la valeur ajoutée (TVA) ou les taxes sur les ventes, car, en principe, elles s’appliquent de manière égale à un large éventail de produits et de services, dont, par conséquent, elles ne modifient pas le prix relatif. Des exceptions existent dans la pratique, lorsque l’application d’un taux préférentiel modifie le prix des produits en fonction de leur intensité carbone ou énergétique. Bien que cela ne justifie pas d’inclure expressément la TVA dans la base de données, son rôle est brièvement étudié dans le présent rapport afin de montrer comment, dans certains cas, les taux de TVA peuvent intervenir dans la tarification carbone.
Par ailleurs, la tarification explicite du carbone et la fiscalité de l’énergie ne sont pas les seuls instruments requis ou disponibles pour atteindre zéro émission nette. Nombre de pays font le choix d’employer une combinaison complexe de mesures qui ne consistent pas à fixer directement un prix en fonction d’une assiette d’émissions ou d’une assiette énergétique. Un exemple est le subventionnement des investissements à faibles émissions. De telles mesures peuvent aussi influer sur les prix relatifs des émissions et des produits énergétiques par d’autres voies et, ce faisant, sur le comportement des ménages et des entreprises. Il importe donc de les considérer comme faisant partie intégrante des trains de mesures climatiques qui, au même titre que la tarification carbone et la fiscalité de l’énergie, vont permettre de réaliser les objectifs climatiques selon des considérations et par des moyens variables en fonction des pays.
1.2.3. Présentation et composition des indicateurs de la tarification des émissions de gaz à effet de serre
Le rapport Tarification des émissions de gaz à effet de serre repose sur deux grands indicateurs : le taux effectif net sur le carbone (TEC net) et le taux effectif net sur l’énergie (TEE net). Le TEC net rend compte du taux effectif d’imposition des émissions de GES (en EUR/t. éq. CO2), et le TEE net du taux effectif d’imposition de la consommation d’énergie (en EUR/GJ), dans les deux cas, hors subventions. Bien que ces indicateurs soient liés entre eux du fait du caractère imbriqué des instruments concernés, les valeurs recueillies se rapportent à des éléments de nature différente : les émissions dans le premier cas, l’énergie utilisée dans le second. Comme ces éléments ne font pas intervenir les mêmes activités économiques, ils ne peuvent faire l’objet d’une comparaison ou conversion directe, indépendamment du lien de corrélation existant entre consommation d’énergie et émissions. Il n’est donc pas possible de comparer les valeurs de TEC net et de TEE net (Graphique 1.2). C’est pourquoi les deux indicateurs sont traités ici séparément : le chapitre 2 est consacré aux TEC nets et à l’évolution des politiques de tarification carbone, et le chapitre 3 aux TEE nets et aux tendances de la fiscalité de l’énergie.
Les deux indicateurs rendent compte du niveau effectif des taux, ce qui signifie qu’il est tenu compte des exonérations fiscales, des réductions et remboursements et autres formes de traitement préférentiel dans le calcul des estimations finales. Ces mesures sont courantes dans les systèmes de tarification carbone et de fiscalité énergétique. Il n’est pas rare, en effet, que certains émetteurs ou consommateurs d’énergie bénéficient d’un traitement préférentiel qui se traduit par une réduction du montant de l’impôt réellement versé au titre des émissions ou de la consommation d’énergie.
Les taux nets effectifs tiennent compte des prix négatifs qui résultent des instruments de tarification carbone et de politique énergétique (subventions à la consommation) qui font passer les prix de l’énergie avant impôts sous les prix de référence. Les subventions évoluent non seulement du fait de l’action des pouvoirs publics (par exemple, modification du prix réglementé avant impôts), mais aussi sous l’effet des variations des prix de référence, en conséquence de quoi elles fluctuent en fonction des conditions du marché. Ainsi, l’augmentation du prix de référence, toutes choses égales par ailleurs, accroît le montant versé au titre de la subvention et est donc synonyme d’un prix négatif plus élevé. À l’inverse, les instruments de type taxe carbone et droit d’accise sur les produits énergétiques échappent normalement aux forces du marché et relèvent davantage de l’intervention des pouvoirs publics. Comme toutes formes de traitement préférentiel, les subventions font baisser le prix payé au titre des émissions et de l’utilisation d’énergie.
Taux effectif sur le carbone (TEC) et taux effectif net sur le carbone (TEC net)
Le TEC correspond à la somme des montants dus au titre des taxes carbone, des prix des permis d’émission négociables dans le cadre des SEQE et des droits d’accise sur les produits énergétiques ; il désigne le taux effectif du carbone payé au titre des émissions. Afin que les signaux-prix marginaux des différents instruments puissent être combinés, les taux des droits d’accise et des taxes carbone spécifiques à un produit énergétique donné (généralement exprimés sous la forme d’un montant par unité physique comme le litre ou le kilogramme) sont convertis en un montant par tonne d’équivalent CO₂ en fonction du contenu carbone du produit énergétique concerné. Les taxes carbone assises sur les émissions d’autres GES que le CO₂ et les systèmes de permis négociables ne requièrent pas cette conversion dans la mesure où les taux concernés sont généralement exprimés en tonne d’équivalent CO₂.
L’indicateur TEC employé dans le présent rapport est principalement le taux effectif marginal du carbone (TEC marginal, appelé ici « TEC » sauf indication contraire), à distinguer du tayx effectif moyen du carbone (TEC moyen). À la différence du TEC marginal, le TEC moyen tient compte des droits d’émission alloués gratuitement dans le cadre de SEQE, car les émissions visées par ces droits gratuits font partie du périmètre total des émissions couvertes. Le prix moyen appliqué aux émissions visées par les SEQE est donc inférieur au TEC marginal. Cette question est exposée plus en détail dans l’édition 2023 du rapport (OCDE, 2023[4]).
Le TEC net est différent en ce qu’il vise à rendre compte des prix carbone négatifs, qui sont appliqués par le biais des subventions aux énergies fossiles, lesquelles diminuent le prix avant impôts de la consommation intérieure d’énergie fossile et peuvent atténuer le signal-prix envoyé par les droits d’accise sur les produits énergétiques, les taxes carbone et les prix des permis d’émission négociables. Les valeurs correspondantes sont calculées dans la base de données sur la tarification du carbone et la fiscalité des énergies, à partir des données relatives aux transferts budgétaires directs des pays de l’OCDE et du G20 qui proviennent de l’Inventaire des mesures de soutien aux énergies fossiles, tenu par l’OCDE, et sur la base d’autres études documentaires. Ces valeurs sont ensuite rattachées aux émissions de CO₂ dues à la consommation intérieure d’énergie qui sont directement touchées par les mesures, puis elles sont converties en un taux d’imposition négatif par tonne de CO₂. Sont donc exclues les dépenses fiscales qui sont déjà prises en compte, au titre des réductions fiscales, des exemptions et des remboursements, dans le calcul des valeurs des tarifs effectifs figurant dans la base de données sur la tarification du carbone et la fiscalité des énergies. En revanche, cela permet de prendre en considération les transferts budgétaires à destination des fournisseurs d’énergie, des fournisseurs d’électricité et des consommateurs finals (Garsous et al., 2023[5]). Il en résulte un indicateur distinct du TEC. En effet, le TEC net intègre les instruments qui ne s’appliquent pas de manière strictement proportionnelle aux émissions visées. En outre, il repose sur une estimation des prix négatifs résultant des subventions et tient compte de leur évolution temporelle par pays, par type d’énergie et par secteur.
Taux effectif sur l’énergie (TEE) et taux effectif net sur l’énergie (TEE net)
Le TEE englobe les taxes carbone, les prix des permis d’émission négociables, les droits d’accise sur les produits énergétiques et les droits d’accise sur l’électricité qui s’appliquent à une assiette énergétique sous la forme d’un taux effectif. Les valeurs de ce taux sont converties en un taux d’imposition par gigajoule d’énergie en fonction du contenu énergétique du produit considéré. Comme dans le cas du TEC, les valeurs de TEE indiquées ici correspondent, sauf indication contraire, aux taux effectifs marginaux et ne tiennent donc pas compte de l’allocation gratuite de quotas.
Le TEE net est un indicateur distinct, dont l’objectif est d’estimer le montant des subventions aux énergies fossiles et à l’électricité et d’en rendre compte sous la forme de taux énergétiques négatifs. En général, les accises et subventions mises en place à l’égard de l’électricité s’appliquent de manière indifférenciée selon que l’électricité est d’origine fossile ou qu’elle a été produite à partir d’une source d’énergie moins émettrice, de même qu’elles s’appliquent à l’électricité issue des filières hydraulique, solaire et nucléaire (OCDE, 2019[6] ; OCDE, 2022[7]). En somme, le TEE net intègre l’interaction des signaux donnés par les prix positifs et négatifs des consommations d’énergie, électricité incluse, sans toutefois tenir compte du large éventail de prélèvements qui concernent l’électricité.