Ce chapitre présente la tarification du carbone et le contexte actuel de la politique énergétique. Il analyse ensuite l’évolution de la tarification des émissions de gaz à effet de serre (GES) entre 2018 et 2021 dans 71 pays. La tarification du carbone est envisagée au sens large, puisqu’elle tient compte à la fois de ses formes explicites (systèmes d’échange de quotas d’émission et taxes carbone) et des instruments de tarification implicite qui modifient directement les prix des combustibles fossiles (droits d’accise sur les combustibles et prix négatifs du carbone résultant de subventions qui abaissent les prix de ces combustibles hors taxes). Les résultats sont ventilés par instrument, par secteur (transport routier, transport non routier, industrie, agriculture et pêche, bâtiments et autres émissions de GES), par pays, par combustible fossile et par centile des émissions de GES. Ce chapitre présente des estimations des recettes que pourraient procurer certaines modalités de réformes envisageables des subventions aux énergies fossiles et de la tarification du carbone, décrit le lien entre la tarification du carbone et les objectifs de développement durable et explique comment les pouvoirs publics pourraient susciter de nouveaux efforts d’atténuation.
Tarification des émissions de gaz à effet de serre
2. Tarification des émissions de gaz à effet de serre. Qu’est-ce qui a changé ? Qu’est-ce qui doit changer ?
Abstract
La tarification du carbone, un mécanisme qui fonctionne
La tarification du carbone peut aider les pays à atteindre leurs objectifs climatiques et à lever des recettes publiques pour financer la réalisation d’objectifs sociaux, environnementaux et de développement. La tarification du carbone désigne l’application d’un prix positif aux émissions de CO2 et, s’agissant des autres gaz à effet de serre (GES), aux émissions d’équivalent CO2 par le biais de taxes ou de systèmes d’échange de quotas d’émission (on trouvera dans le chapitre 1 les définitions des instruments d’action pertinents et une présentation générale des instruments connexes qui ne sont pas traités dans le présent chapitre). Elle encourage les particuliers et les entreprises à faire des choix plus respectueux de l’environnement, tout en générant des recettes publiques (Encadré 2.1). Par conséquent, elle renforce et rend possible la dépense publique tant que les émissions demeurent significatives (OCDE, 2020[1]).
Encadré 2.1. Les points forts de la tarification du carbone
La tarification du carbone :
Incite l’ensemble des entreprises et des ménages sans exception à réduire leurs consommations énergétiques fortement émettrices de carbone et à passer à des énergies plus propres, et ce en augmentant le prix des combustibles à forte teneur en carbone, ainsi que de l’électricité et des biens de consommation produits à l’aide de ces combustibles.
Engendre un signal-prix essentiel pour mobiliser des investissements privés dans les énergies propres. La tarification rend les conditions plus équitables pour les technologies peu émettrices et contribue à éviter des investissements pérennisant la dépendance aux énergies fossiles (dans les centrales électriques au charbon, par exemple), ce qui concourt à une réduction des émissions rentable.
Offre plus de souplesse que les approches réglementaires. Contrairement aux normes d’efficacité énergétique et autres mesures réglementaires, la tarification permet aux ménages et aux entreprises de choisir parmi un éventail de solutions pour réduire leurs émissions. Cette flexibilité accrue est source de réduction des coûts, sachant que les pouvoirs publics sont généralement moins bien informés sur les solutions dont disposent les émetteurs et que ceux-ci ne privilégient pas forcément tous la même.
Crée une incitation continue à réduire les émissions. Alors qu’avec d’autres outils, comme les normes, cette incitation disparaît une fois la mise en conformité assurée, la tarification la maintient aussi longtemps que les émissions sont positives.
Réduit les effets rebonds. Certains instruments, comme les normes d’efficacité énergétique, peuvent entraîner une hausse des consommations énergétiques. Par exemple, lorsque le rendement d’un climatiseur s’améliore, son coût de fonctionnement baisse et cela peut inciter à l’utiliser plus souvent. Une partie des économies d’énergie réalisées grâce au meilleur rendement énergétique est ainsi annulée, à moins que le prix de la consommation d’énergie ou des émissions qu’elle occasionne augmente parallèlement.
Procure des recettes publiques. Contrairement à la plupart des autres instruments d’atténuation, la tarification du carbone augmente les recettes publiques, et les coûts administratifs de recouvrement peuvent être plus faibles que ceux de beaucoup d’autres instruments fiscaux.
Produit des avantages environnementaux secondaires, par exemple en allégeant la charge de mortalité et de morbidité imputable à la pollution atmosphérique locale. À l’instar d’autres instruments d’atténuation, la tarification du carbone fait baisser la pollution de l’air : c’est un effet tangible et immédiat de la diminution de la combustion de charbon et de carburants automobiles, notamment dans les aires métropolitaines.
Source : D’après (FMI/OCDE, 2021[2]).
La tarification du carbone est un mécanisme qui fonctionne concrètement. Une récente revue des travaux empiriques consacrés à la question confirme que « la tarification du carbone a des effets normalisés significatifs et relativement importants (au regard du faible niveau des prix observé jusqu’ici) en termes de réduction générale des émissions (évolution des comportements, adoption et remplacement de technologies) et d’innovation pure » (van den Bergh et Savin, 2021[3]). Les données factuelles disponibles au sujet du prix plancher du carbone appliqué au secteur de l’électricité au Royaume-Uni montrent que, même à court terme, la tarification du carbone peut susciter une forte baisse des émissions, de 20 à 26 % par an en moyenne (Leroutier, 2022[4]). L’OCDE a récemment estimé la réactivité à long terme des émissions à la tarification du carbone, et il en ressort qu’en moyenne, une hausse des taux effectifs du carbone de 10 EUR par tonne de CO2 fait baisser ces émissions de 3.7 % à long terme dans les conditions technologiques existantes (voir aussi Encadré 2.5)1. La tarification du carbone fait donc partie des méthodes de réduction qui reviennent le plus souvent dans les contributions déterminées au niveau national des pays (CCNUCC, 2021[5]).
La tarification du carbone n’est pas le seul élément nécessaire pour accélérer la transition vers la neutralité GES. Plusieurs autres leviers d’action fondés ou non sur les prix seront essentiels pour permettre aux pays d’atteindre cette neutralité (voir chapitre 1). C’est le cas des normes et de la réglementation, ainsi que d’autres politiques de nature à favoriser une telle évolution : mécanismes de soutien à l’innovation, investissement dans les infrastructures et mesures d’aide aux populations en transition (D’Arcangelo et al., 2022[6]). Le rapport (FMI/OCDE, 2021[2]) souligne qu’« une tâche essentielle à accomplir au niveau national consiste à judicieusement panacher les systèmes de tarification du carbone et autres instruments complémentaires d’application sectorielle. Il s’agit notamment des surtaxes et subventions à l’achat d’un véhicule neuf selon la consommation énergétique et des dispositions réglementaires, qui sont potentiellement moins efficaces, mais seront, selon toute vraisemblance, plus largement acceptées dans l’opinion du fait qu’elles pèseront plus faiblement ou de façon moins directe sur les prix de l’énergie ». Il arrive que les gouvernements prennent des mesures qui abaissent concrètement le prix du carbone, ce qui entraîne une hausse des émissions de GES et fait diminuer les recettes publiques ou impose des dépenses publiques supplémentaires. Les mesures de soutien aux combustibles fossiles qui sont parfois appliquées pour protéger les ménages fragiles ou les industries énergivores ont aussi pour effet de rendre la consommation de ces combustibles meilleur marché (Encadré 2.2).
Encadré 2.2. Soutien aux énergies fossiles et taux effectifs sur le carbone
Les indicateurs utilisés dans ce chapitre prennent en compte deux types courants d’aides aux énergies fossiles1. Premièrement, ils intègrent les mesures de soutien comme les exonérations ou allégements fiscaux, qui réduisent les prix marginaux positifs du carbone découlant d’un des trois éléments composant l’indicateur des taux effectifs sur le carbone (TEC). En l’occurrence, le TEC correspond à la somme des prix du carbone qui résultent des systèmes d’échange de quotas d’émission, des taxes carbone et des droits d’accise sur les combustibles et carburants.
Deuxièmement, les indicateurs tiennent compte des transferts budgétaires directs aux producteurs de combustibles fossiles (ou aux utilisateurs finaux si les transferts sont attachés à la consommation de combustibles fossiles) qui réduisent les prix intérieurs hors taxes de ces combustibles. Cela comprend, par exemple, les transferts budgétaires aux producteurs qui viennent compenser la fourniture de combustibles fossiles à des prix réglementés inférieurs à ceux du marché. Ces transferts sont rapportés à la consommation intérieure de combustibles fossiles achetés à prix réduit. Cela permet d’estimer la quantité d’émissions qui est tarifée concrètement à prix réduit, afin de calculer le taux par tonne de CO2 correspondant, en s’appuyant sur les méthodes élaborées dans le contexte du projet intitulé Taxer la consommation d’énergie au service du développement durable (TEU-SD) (OCDE, 2021[7]), et en puisant dans les données sur les transferts budgétaires de l’Inventaire des mesures de soutien aux énergies fossiles (OCDE, 2015[8]). Dans ce rapport, conformément à la méthodologie TEU-SD, toute mesure qui abaisse des prix énergétiques hors taxe est qualifiée de « subvention », que ce terme soit ou non utilisé par les pays ou dans l’Inventaire.
Les subventions aux énergies fossiles sont exprimées dans la même unité et rapportées à la même base que le TEC. Elles sont retranchées du TEC pour obtenir le TEC net, c’est-à-dire déduction faite de ces subventions.
Le montant du soutien aux énergies fossiles pris en compte est plus élevé dans le TEC net que dans le TEC standard. Le calcul du TEC net fait intervenir un plus grand nombre d’hypothèses. En particulier, les taux des subventions aux énergies fossiles ne sont généralement pas observés directement, mais doivent être estimés. À l’inverse, le montant des éléments du TEC standard est directement observable. Dans le cas des droits d’accise sur les produits énergétiques ou des taxes carbone, les taux sont fixés par les pouvoirs publics. Dans celui des systèmes d’échange de quotas d’émission, les prix sont observés sur le marché.
1. On trouvera dans l’Inventaire OCDE des mesures de soutien aux énergies fossiles des informations complémentaires sur la nature et l’ampleur des mesures de soutien public qui n’entrent pas dans le périmètre des indicateurs des tarifs effectifs nets du carbone, à savoir les subventions à la production sans lien direct avec les prix intérieurs des énergies fossiles, l’abaissement de la TVA sur l’énergie et le soutien aux services d’intérêt général (par exemple, soutien à la mise en place d'infrastructures propres à un secteur, comme les terminaux charbonniers ou gaziers).
Source : (OCDE, à paraître[9])
Les mesures prises récemment en réaction à la montée des prix de l’énergie qui a débuté au deuxième semestre 2021 et s’est amplifiée au premier semestre 2022 n’apparaissent pas encore dans les données. On peut néanmoins supposer qu’elles ont entraîné une diminution notable des taux effectifs sur le carbone. La France, par exemple, a mis en place temporairement une remise de 15 centimes par litre sur les carburants routiers (essence et gazole). Dans le cas de l’essence, cela correspond à une réduction de la taxe carbone d’environ 66 EUR par tonne de CO2. À titre de comparaison, en France, la taxe carbone à proprement parler (qui est une composante des taxes intérieures sur les consommations de produits énergétiques) s’établit actuellement à 44,6 EUR/t CO2 (voir aussi Encadré 2.2).
Encadré 2.3. Réactions des pouvoirs publics aux récentes hausses des prix énergétiques
La fiscalité de l’énergie est l’un des principaux leviers actionnés par les gouvernements en réaction à l’augmentation des prix de l’énergie. Pour protéger les consommateurs des effets de cette augmentation, les pouvoirs publics ont le plus souvent abaissé les droits d’accise, principalement sur les produits pétroliers. Dès le milieu de l’année 2021, l’Estonie a décidé que les droits d’accise minorés appliqués aux combustibles et à l’électricité en 2020 dans le contexte de la pandémie de COVID-19 resteraient en vigueur au moins jusqu’en 2022, avant d’augmenter progressivement pour retrouver leur niveau normal en 2026. À partir de mars 2022, beaucoup d’autres pays ont également abaissé les droits d’accise sur les produits pétroliers. Dans le cas de l’essence, cette baisse a été de 0.3 EUR par litre en Allemagne, 0.25 EUR en Italie et 0.2 EUR en Irlande, ce qui correspond à une diminution du taux par tonne de CO2 de respectivement 133 EUR, 111 EUR et 89 EUR. Dans d’autres pays, les baisses ont été plus limitées, ce qui tient aussi au fait que la fiscalité était plus faible au départ (Hongrie, Pologne...).
Par ailleurs, plusieurs pays ont décidé de mettre en place des subventions aux énergies fossiles ou de les augmenter, en ayant recours à des mécanismes de remboursement ad hoc (comme la France, par exemple) ou à des fonds de stabilisation des prix préexistants (Chili, Pérou...).
Certains pays, comme la Macédoine du Nord et le Kenya, ont également décidé de baisser la TVA (mesure non représentée dans le graphique ci-dessus). Des mesures de réduction de la TVA ont aussi été prises à partir de la fin 2021 en ce qui concerne le gaz naturel utilisé pour le chauffage, surtout dans des pays membres de l’UE (Croatie, Italie, Pologne et République tchèque, par exemple).
L’abaissement de la fiscalité, au même titre que les mesures de contrôle des prix, peut être classé dans la catégorie des mesures de stabilisation des prix. D’après les estimations, les mesures en ce sens prises depuis octobre 2021 jusqu’à décembre 2022 par 42 pays de l’OCDE et économies partenaires (y compris pour l’électricité) ont coûté plus de 160 milliards USD, et 94 % du soutien correspondant était non ciblé (Van Dender et al., 2022[10]). Ces mesures peuvent certes être justifiées à court terme pour protéger les ménages et les entreprises de la hausse soudaine des prix de l’énergie, mais elles ne sont sans doute pas viables à plus long terme en cas de persistance de prix élevés et peuvent avoir plusieurs autres effets négatifs :
Si les prix sont maintenus artificiellement bas, les ménages et les entreprises sont moins incités à s’adapter en réduisant leur consommation et en privilégiant des énergies peu carbonées.
La réglementation des prix peut infliger des pertes aux acteurs du marché de l’énergie et les dissuader d’investir à l’avenir.
La diminution de la fiscalité a un coût important pour les finances publiques du fait des recettes fiscales non perçues, et elle risque d’être inefficiente, car non répercutée pleinement sur les prix au consommateur final du fait des tensions sur l’offre.
Enfin, les mesures non ciblées profitent de façon disproportionnée aux consommateurs aisés.
Au vu des possibles effets néfastes des allégements fiscaux, il serait préférable de recourir à d’autres mesures plus ciblées, comme l’aide au revenu (transferts monétaires ciblées et limitées dans le temps, par exemple). Cela étant, certaines mesures de ce type peuvent exiger des capacités administratives relativement perfectionnées pour identifier et cibler convenablement, en fonction de différents critères (revenu, besoins énergétiques, etc.), ceux qui en ont le plus besoin.
Note : État au 10 mai 2022.
Source : OCDE (2022[11]), Tax Policy Reforms 2022. (Van Dender et al., 2022[10])
Évolution du périmètre : dans plusieurs pays, la part des émissions soumises à une tarification explicite du carbone a progressé
Dans les 71 pays examinés dans ce rapport, un taux effectif sur le carbone net (TEC net) positif s’applique à plus de 40 % des émissions de GES, contre 32 % en 20182. Le Graphique 2.2 montre comment cette part y a évolué entre 2018 et 2021 pour chaque composante de l’indicateur de TEC net (voir chapitre 1). C’est la composante « systèmes d’échange de quotas d’émission » qui a enregistré la progression la plus importante, d’environ neuf points de pourcentage, du fait des nouveaux marchés du carbone apparus en Allemagne, au Canada et en Chine3. La part des émissions couvertes par la fiscalité carbone a augmenté d’environ un point de pourcentage, suite à l’instauration de prélèvements carbone au Canada et au Luxembourg, ainsi que d’une taxe carbone en Afrique du Sud en 20194. En conséquence, 25 % des émissions de GES étaient concernées en 2021 par un système d’échange de quotas d’émission (SEQE), une taxe carbone ou les deux. La part des émissions de GES visées par les droits d’accise sur les combustibles et carburants, qui constituent une forme implicite de tarification du carbone couramment employée dans le secteur des transports routiers (mais qui concerne aussi les combustibles de chauffage, surtout en Europe), est restée à 24 %5. Il y a désormais, en proportion, à peu près autant d’émissions de GES soumises aux taxes carbone ou systèmes d’échange de quotas d’émission (ou aux deux à la fois)6 qu’aux droits d’accise sur les produits énergétiques. Les subventions aux énergies fossiles qui contrecarrent le signal-prix du carbone émanant des autres instruments concernent quelque 22 % des émissions de GES, proportion inchangée par rapport à 2018.
La part des émissions visées par les instruments de tarification du carbone continue de varier d’un secteur à l’autre, et les hausses récemment observées se concentrent dans le secteur de l’électricité. Le Graphique 2.3 montre comment la part des émissions faisant l’objet d’une tarification a évolué par secteur dans les 71 pays étudiés entre 2018 et 2021. Dans le secteur de l’électricité, 64 % des émissions sont désormais concernées, contre 34 % auparavant. Cette hausse découle de l’établissement d’un SEQE dédié au secteur en Chine et à l’expansion du régime canadien de tarification du carbone, qui ont augmenté de 20 % à 54 % la proportion des émissions des 71 pays soumises à un prix explicite du carbone. En outre, aux États-Unis, la part des émissions du secteur de l’électricité intégrées aux marchés carbone est passée de 7 % à presque 10 % avec l’adhésion du New Jersey et de la Virginie, respectivement en 2020 et 2021, à l’initiative régionale de réduction des gaz à effet de serre (RGGI). Au Mexique, la réforme de la tarification du carbone menée au niveau infranational a fait passer la part des émissions du secteur de l’électricité couvertes de 45 % à 49 %7.
Dans le transport routier, les droits d’accise continuent de couvrir la quasi-totalité des émissions (91 %). Le principal changement observé dans ce secteur est la mise en place, en Afrique du Sud, en Allemagne, au Canada et au Luxembourg, de systèmes de tarification explicite du carbone, en complément des droits d’accise sur les carburants déjà existants.
Dans l’agriculture et la pêche, la part des émissions de CO2 provenant des énergies fossiles auxquelles est appliqué un TEC net positif est passée de 34 % à 48 %. Cette hausse doit beaucoup à la diminution des subventions sectorielles au gazole en Chine (en lien avec la baisse des prix du pétrole), sachant que ces subventions se traduisaient auparavant par des TEC nets inférieurs à zéro pour leurs bénéficiaires. Les émissions de GES du secteur sont dominées par le méthane, qui entre dans la catégorie des « autres GES » et n’est généralement pas visé par les instruments de tarification du carbone (Encadré 2.4).
Dans les transports non routiers, les bâtiments et l’industrie, la part des émissions couvertes a peu évolué. Ce sont les émissions d’« autres GES » qui affichent avec 4 % la plus faible couverture. Il est à noter que cette catégorie comprend les émissions de CO2 de la fabrication de ciment qui ne proviennent pas de combustibles fossiles, et qui sont visées, par exemple, par le SEQE-UE. En outre, certains pays appliquent des taxes spécifiques aux gaz fluorés ou intègrent ceux-ci dans leurs systèmes d’échange de quotas d’émission8.
Encadré 2.4. Politiques influençant les émissions de GES autres que le CO2 dans le secteur AFAT
Le secteur de l’agriculture, de la foresterie et des autres affectations des terres (AFAT) devrait jouer un rôle de plus en plus important dans l’atténuation du changement climatique et les trajectoires d’évolution des pays vers la neutralité GES. Très variables d’un pays à l’autre, ces émissions de GES sont composées de méthane (CH4) provenant surtout de l’élevage et de la riziculture, d’oxyde nitreux (N2O) dégagé par les sols, en raison notamment de l’épandage d’engrais, et de CO2 libéré principalement lors de changements d’affectation des terres. Elles progressent lentement dans les pays de l’OCDE depuis quelques années, mais ont été en partie découplées de la production1.
Estimée à 22 % par le GIEC, la part du secteur AFAT dans les émissions mondiales de GES devrait augmenter sous l’effet de la hausse des émissions agricoles et de la baisse des émissions ou du ralentissement de leur croissance dans d’autres secteurs. Parallèlement, ce secteur peut jouer un rôle clé dans la séquestration du carbone grâce aux sols agricoles, aux forêts et à la biomasse, et aider ainsi à réaliser les ambitions de neutralité GES.
À l’heure actuelle, les pouvoirs publics ne déploient que des efforts limités pour réduire les émissions de GES du secteur AFAT, surtout en agriculture (qui est à l’origine de plus de la moitié des émissions du secteur). Sur les 54 pays dont l’OCDE assure le suivi systématique des politiques agricoles, seuls 16 ont défini sous une forme ou une autre un objectif d’atténuation pour leur secteur agricole. Ceux qui l’ont fait ont surtout eu recours à des mesures facultatives, consistant par exemple à rémunérer les exploitants qui adoptent des pratiques potentiellement respectueuses du climat, plutôt qu’à des mesures de tarification du carbone obéissant au principe pollueur-payeur. Le Tableau 2.1 montre les principaux instruments employés pour réduire les émissions de GES du secteur qui ciblent la production. L’évolution des régimes alimentaires, en particulier la diminution de la consommation de viande rouge, pourrait également faire baisser sensiblement les émissions de GES d’origine agricole. Les instruments agissant sur la demande, comme ceux visant à réduire les pertes et le gaspillage alimentaires et à faire évoluer les préférences des consommateurs (y compris par la sensibilisation), sont sans doute plus efficaces à long qu’à court terme et n’ont pas été appliqués assez souvent (que ce soit dans le cadre d’études de modélisation ou en pratique) pour qu’on puisse en apprécier l’efficacité.
Instrument d’action |
Exemples d’application au secteur AFAT |
---|---|
Systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE) |
Nouvelle-Zélande (horizon 2025) : prix du marché appliqué par exploitation agricole (CH4) et taxe sur les engrais appliquée à l’industrie (N2O) |
Subventions au titre de l’atténuation |
Fonds de réduction des émissions (ERF) en Australie (crédits d’émission attribués par voie d’enchères) |
Compensation carbone |
Alberta et Québec, Californie |
Soutien à l’agriculture |
Programmes de paiements agroenvironnementaux dans le cadre de la politique agricole commune de l’Union européenne (UE), Canada et autres pays de l’OCDE |
Programmes de boisement |
Irlande, Nouvelle-Zélande, Chine (programme de boisement de surfaces céréalières « Grains for Green ») |
Primes |
États-Unis (biogaz), Chine (engrais), Australie (énergie) |
Prêts à conditions préférentielles |
Brésil (programme ABC) |
REDD+ (paiements liés à l’utilisation des terres) |
Certains pays en développement élaborent leurs stratégies |
Réglementation du déboisement |
Brésil (code forestier) et Indonésie (interdiction) |
Réglementations antipollution |
Directive nitrates et lutte contre la pollution par les nitrates (UE) |
R-D |
De nombreux pays – Alliance mondiale de recherche |
Transfert de connaissances aux exploitants |
Irlande, France et autres pays |
Les initiatives fondées sur le marché qui aboutissent directement ou par le jeu de la concurrence à une tarification des émissions sont notamment les suivantes :
le plan de la Nouvelle-Zélande visant à instaurer d’ici à 2025 une tarification des émissions agricoles au niveau des exploitations concernant l’élevage (CH4) et sous l’impulsion des industriels concernant les engrais (N2O) ;
le Fonds de réduction des émissions en Australie ;
les systèmes de compensation carbone en Amérique du Nord.
Si les efforts d’atténuation sont relativement lents, c’est en partie parce que le secteur agricole est censé contribuer à plusieurs autres Objectifs de développement durable (ODD) – qu’il s’agisse de faire progresser la sécurité alimentaire et la nutrition dans le monde, de faire refluer la pauvreté ou de favoriser la réalisation d’autres objectifs concernant l’environnement et les ressources naturelles – et résister parallèlement à une multitude de risques liés au climat et aux marchés.
Les gouvernements doivent donc redoubler d’efforts pour atteindre leurs objectifs de plus en plus ambitieux et faire en sorte que le secteur AFAT contribue concrètement à la réduction des émissions de GES sans nuire à la sécurité alimentaire ni à la concrétisation de leurs autres ambitions déclarées.
En premier lieu, cela nécessite l’adoption d’ensembles de mesures d’atténuation à la fois efficaces et équilibrés. Comme le montre une étude publiée en 2021 par l’OCDE (Henderson et al., 2021[15]), en recourant à une panoplie complète de mesures associant des taxes sur les émissions et des récompenses au titre de la séquestration du carbone, il serait possible de réduire de jusqu’à 90 % les émissions mondiales du secteur AFAT d’ici à 2050, moyennant des prix du carbone compatibles avec des efforts macroéconomiques de limitation du réchauffement planétaire à 2 °C.
Parallèlement, le choix des instruments et la conception des politiques comptent. Un système efficace de tarification des émissions de GES d’origine agricole pourrait créer des incitations à opérer la transition vers une agriculture à faibles émissions. Il apparaît qu’une taxe carbone mondiale ciblant le secteur AFAT serait deux fois plus efficace pour faire reculer les émissions qu’une subvention d’une valeur équivalente au titre de l’atténuation, car la seconde n’empêcherait pas les gros émetteurs de poursuivre leur activité (Henderson et al., 2021[15]). Cela étant, comme la taxation des émissions fait aussi baisser de 3-8 % la production agricole mondiale et de 2-4 % la consommation par habitant, elle suscite, contrairement aux subventions au titre de l’atténuation, des préoccupations pour la sécurité alimentaire. Par ailleurs, si les taxes produisent des recettes, les subventions occasionnent des dépenses publiques qui peuvent être difficilement soutenables dans le temps à l’échelle nécessaire. Pour maximiser le potentiel de séquestration du carbone, il faut en outre définir des contrats qui garantissent l’additionnalité, la permanence et des coûts de transaction peu élevés.
En second lieu, les gouvernements devraient aussi réformer les mesures de soutien à l’agriculture qui peuvent être préjudiciables à l’environnement, pour tout à la fois limiter les émissions, stimuler des activités d’innovation, de recherche et de développement qui font progresser la productivité agricole de façon durable et, le cas échéant, financer les paiements au titre de l’atténuation évoqués plus haut.
En troisième lieu, une application efficace de règlements environnementaux bien conçus et d’instruments d’information comme l’étiquetage peut contribuer largement à limiter les changements d’affectation des terres et à réduire les émissions correspondantes, notamment en faisant baisser le gaspillage et les déchets alimentaires et en misant sur les synergies entre les régimes alimentaires plus sains et ceux qui occasionnent moins d’émissions.
1. Dans la base de données sur la taxation de la consommation d’énergie et les taux effectifs sur le carbone (Taxing Energy Use et Effective Carbon Rates), les seules émissions de GES du secteur de l’agriculture et de la pêche qui étaient comptabilisées étaient celles de CO2 imputables à la consommation d’énergie (voir chapitre 1). Après l’incorporation des données sur les « autres GES » provenant de l’ensemble de données CAIT, la base de données comprend également les émissions de CH4 de l’élevage et de la riziculture, ainsi que les rejets de N2O depuis les sols agricoles. En revanche, les émissions de GES imputables aux changements d’affectation des terres et à la foresterie (CATF) ne sont actuellement pas prises en compte dans le présent rapport. L’ensemble de données CAIT comprend certes des estimations des émissions de GES de la foresterie et des autres affectations des terres (FAT), mais elles sont pour l’instant ignorées dans le présent rapport, car « ces données sont utiles à titre de référence uniquement et peuvent ne pas coïncider avec les données sur les émissions du secteur CATF notifiées par les pays à la CCNUCC », et « les erreurs et incertitudes associées à ces estimations (et à d’autres concernant le secteur CATF) peuvent être significatives ».
La part des émissions de GES soumises à des prix nets du carbone positifs varie grandement au niveau mondial. C’est en Islande que cette part culmine, à 99 % ; elle y a même augmenté d’un point de pourcentage à la suite de l’instauration d’une taxe sur les gaz à effet de serre fluorés (HFC, PFC et SF6) en 2020.
Les changements observés récemment en Afrique du Sud, en Allemagne, au Canada, en Chine, au Luxembourg, au Mexique et aux Pays-Bas9 sont le résultat de la mise en place de nouvelles formes de tarification explicite du carbone. Au total, 39 des 71 pays examinés dans ce rapport sont à présent dotés d’instruments de tarification explicite du carbone, au niveau national ou infranational, ou participent au SEQE-UE.
L’élargissement de la tarification peut aussi découler de celui du champ d’application d’instruments déjà en place. Ainsi, le Portugal a commencé en 2018 à supprimer un certain nombre d’exonérations de droits d’accise et de taxe carbone, notamment sur le charbon, ce qui a contribué à l’arrêt de la production d’électricité à partir de charbon à la fin 2021 (AIE, 2021[20]). En Colombie et en Égypte, la révision à la baisse des subventions aux énergies fossiles a été pour beaucoup dans l’augmentation de la part des émissions de GES ayant un TEC net positif.
Évolution des niveaux de prix du carbone : des progrès inégaux selon les instruments, les secteurs, les combustibles et les pays
Les prix explicites du carbone ont beaucoup augmenté dans certains pays. Dans le cadre du SEQE-UE, le prix moyen s’est élevé à 53 EUR par tonne d’équivalent CO2 en 2021, soit plus de trois fois celui relevé en 2018 en termes réels (17 EUR)10. Sur le nouveau marché carbone du Royaume-Uni, les quotas se sont échangés à environ 56 EUR en 2021. La hausse est également importante au Canada, où le prix du carbone fixé au titre du « filet de sécurité » a été porté à 40 CAD (soit environ 30 EUR). En Chine, le prix sur le nouveau marché carbone, qui concerne dans un premier temps le secteur de l’électricité, était de 50 CNY (environ 6 EUR) par tonne d’équivalent CO2 en moyenne. Les émissions non couvertes par le SEQE-UE que cible le nouveau SEQE allemand se sont échangées au prix de 25 EUR/t éq CO2.
Tous pays confondus, l’évolution du prix explicite moyen du carbone est moins marquée. Comme indiqué dans le Graphique 2.5, il est passé de 1.78 EUR à 4.29 EUR en moyenne entre 2018 et 2021, tandis que le prix moyen défini par les SEQE est passé de 1.20 EUR à 3.59 EUR. Les taxes carbone se sont élevées à 0.71 EUR en moyenne en 2021, en hausse de 0.13 EUR par rapport à 2018. Si cette augmentation a été plus faible, c’est avant tout parce que les prix explicites du carbone ont concerné un quart seulement des émissions de GES en 2021 (voir Graphique 2.2) et sont restés relativement bas dans plusieurs grands pays.
Malgré l’évolution favorable des prix explicites du carbone observée depuis peu, les TEC nets restent dominés par les droits d’accise sur les carburants et combustibles, dont le montant moyen, en léger recul par rapport à 2018 en valeur réelle, s’est élevé à 13 EUR en 2021. Tous pays confondus, le TEC net moyen – somme des prix explicites du carbone et des droits d’accise sur les produits carburants et combustibles, déduction faite des subventions aux énergies fossiles – a atteint 17 EUR en 2021, ce qui représente environ 3 EUR de plus qu’en 2018. Les subventions aux énergies fossiles et les taxes carbone sont d’ampleur équivalente, si bien que l’effet net des unes et des autres est quasiment nul en moyenne.
Le TEC net le plus élevé est toujours enregistré dans le transport routier. Comme le montre le Graphique 2.6, dans ce secteur, le TEC net tous pays confondus s’élève en moyenne à 89 EUR par tonne d’équivalent CO2, valeur quasiment inchangée par rapport à 2018. Cela tient au niveau relativement élevé des droits d’accise appliqués dans ce secteur (Graphique 2.10) et à leur vaste champ d’application évoqué précédemment.
En dehors du secteur routier, le TEC net moyen demeure nettement plus bas. Les émissions des « autres GES » sont celles qui sont soumises au TEC net le plus faible, même s’il est passé de 0.5 à 1 EUR/t éq CO2. Viennent ensuite l’industrie (où le TEC net est passé de 3 EUR à 6 EUR) et le secteur de l’électricité (où il est passé de 3 à 8 EUR, avec cependant une forte hétérogénéité entre les pays, comme on le verra plus loin). Les prix explicites du carbone montent dans tous les secteurs, et surtout dans celui de l’électricité, où ils ont augmenté de 5 EUR par tonne d’équivalent CO2 entre 2018 et 2021.
Les prix du carbone ont augmenté pour tous les combustibles fossiles, comme le montre le Graphique 2.7. Les hausses enregistrées récemment sont souvent dues à des augmentations des prix explicites du carbone. Cela étant, les carburants utilisés principalement dans les transports routiers restent soumis à un TEC net moyen notablement plus élevé que les autres carburants. Le TEC net s’établit à 72 EUR dans le cas du gazole et à 88 EUR dans celui de l’essence, soit plus de dix fois celui appliqué au charbon (6 EUR), qui est pourtant souvent considéré comme le combustible fossile le plus polluant en raison de sa contribution à la pollution atmosphérique, qui vient s’ajouter à ses effets sur le climat.
Les prix du carbone ont évolué différemment selon les pays depuis 2018. Le Graphique 2.7 montre que les prix effectifs ont continué d’augmenter dans les pays où ils culminaient déjà en 2018. Cette évolution s’explique avant tout par l’augmentation des prix explicites du carbone, principalement sous l’effet du renchérissement des quotas sur les marchés carbone, dans les pays participant au SEQE-UE, mais aussi au Canada, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni. En 2021, l’Allemagne a ajouté au SEQE-UE un SEQE national qui cible les combustibles de chauffage et les carburants de transport. L’évolution de la fiscalité du carbone a également joué dans certains pays, que ce soit parce qu’ils ont instauré des taxes carbone (le Luxembourg en 2021, et l’Islande en 2020 pour les gaz fluorés), relevé leur taux (la Finlande, l’Irlande, l’Islande et la Norvège, par exemple) ou supprimé progressivement les exonérations (le Portugal et la Suède, par exemple). Au Canada, l’augmentation des prix explicites du carbone découle des normes nationales minimales de tarification plus strictes du modèle fédéral, devenues exécutoires avec l’entrée en vigueur du système de filet de sécurité fédéral concernant la pollution par le carbone11.
Les droits d’accise sur les combustibles et carburants et les fluctuations des taux de change ont eu un effet mitigé sur l’évolution du TEC net dans les pays où celui-ci était déjà relativement élevé au départ ; l’inflation a exercé des pressions à la baisse sur le TEC net moyen (qui est exprimé en EUR réels). Parmi ces pays, ce sont surtout les Pays-Bas qui ont enregistré un effet positif notable des droits d’accise sur les produits énergétiques, ceux frappant le gazole, l’essence et le gaz naturel ayant augmenté. Le montant de certains droits d’accise a aussi augmenté au Danemark, en Lettonie et en Suisse, mais pas autant qu’aux Pays-Bas. À l’inverse, plusieurs pays ont abaissé le montant des droits d’accise sur certains carburants et combustibles, en particulier la Belgique, Chypre et l’Estonie. Comme ces droits ne sont souvent pas indexés sur l’inflation, certains ont diminué en termes réels. Dans certains cas, les pressions à la hausse exercées sur les TEC nets par le relèvement des taxes carbone ont été en partie compensées par l’allégement des droits d’accise (c’est le cas pour l’essence au Luxembourg et au Portugal, par exemple). L’appréciation de la monnaie nationale par rapport à l’euro explique la moitié environ de l’augmentation du TEC net moyen en Suisse, et la quasi-totalité de sa hausse en Israël, où le montant des droits d’accise exprimé en nouveaux shekels n’a presque pas varié à prix constants. Au contraire, le TEC net moyen aurait augmenté plus fortement en Islande, et dans une moindre mesure en Hongrie et en Norvège, si la monnaie de ces pays ne s’était pas dépréciée par rapport à l’euro.
Dans l’ensemble, le TEC net moyen a moins souvent augmenté dans les pays où il était relativement bas en 2018. Cependant, les subventions aux énergies fossiles ont baissé sensiblement en Colombie, en Équateur, en Égypte, au Panama, en Malaisie et au Nigéria, où le TEC net moyen a de ce fait augmenté. En Colombie, ce sont avant tout les subventions aux carburants automobiles qui ont baissé, en conséquence de la faiblesse des prix internationaux du pétrole enregistrés en 2020 par rapport à 2018. L’Égypte a mené à bien une grande réforme des subventions aux énergies fossiles en 2019 et instauré un mécanisme d’indexation des prix de l’énergie. L’Équateur s’est doté d’un nouveau système d’ajustement mensuel des prix des carburants qui, conjugué à la baisse des prix internationaux du pétrole, explique le recul des subventions. Au Panama, les subventions au GPL ont diminué. En Malaisie, les subventions aux énergies fossiles ont baissé, sans que les pouvoirs publics interviennent, sous l’effet du recul des prix du pétrole. Quant au Nigéria, il a temporairement mis fin aux subventions pétrolières en 2020 (mais les a rétablies depuis lors). Par ailleurs, l’Inde, le Kirghizistan et les Philippines ont relevé les droits d’accise sur les produits énergétiques. Le cas de l’Inde est intéressant, dans la mesure où ce pays a augmenté le montant des droits d’accise pour lever des recettes en 2020, à un moment où les prix internationaux du pétrole étaient bas.
Dans les pays où le TEC net moyen était déjà peu élevé en 2018, il a parfois accusé une nouvelle baisse. Dans certains cas, c’est parce que les droits d’accise sur les carburants ont diminué. Au Chili et en Côte d’Ivoire, par exemple, les droits d’accise sur l’essence automobile ont été réduits. Dans d’autres cas, comme en Indonésie, ce sont les subventions aux énergies fossiles qui ont augmenté.
Dans les pays où les taux en euros réels (représentés dans le Graphique 2.8) ont baissé, ce n’est pas toujours parce que les TEC nets nominaux dans la monnaie nationale ont diminué. Cette baisse peut aussi résulter de l’inflation ou d’une dépréciation de la monnaie par rapport à l’euro, qui peut compenser en partie, voire en totalité la hausse des prix nominaux intérieurs. C’est ce qui s’est passé en particulier en Argentine, où une forte dépréciation du peso par rapport à l’euro – conjuguée à l’inflation intérieure – a plus que compensé le relèvement des taxes. En effet, les taux nominaux des droits d’accise et de la taxe carbone exprimés en pesos ont tous les deux augmenté, et les subventions aux énergies fossiles ont en outre légèrement diminué. De même, en Afrique du Sud, l’augmentation des droits d’accise et de la taxe carbone a été légèrement supérieure à l’inflation, mais le TEC net moyen est resté en gros inchangé parce que le rand a perdu de sa valeur face à l’euro. Au Ghana, au Kenya et en Uruguay, le montant nominal des droits d’accise sur les carburants a progressé grosso modo au rythme de l’inflation, mais le TEC net moyen a reculé pour cause de dépréciation de la monnaie nationale. En Türkiye, malgré la hausse des droits d’accise sur les carburants, le TEC net moyen est en baisse en raison de l’inflation et de la dépréciation du taux de change.
La tarification du carbone reste hétérogène, y compris dans l’industrie et le secteur de l’électricité
Etant donné que les avancées intervenues en matière de tarification du carbone et de réforme des subventions aux énergies fossiles sont très variables, la forte asymétrie de la distribution des prix effectifs du carbone n’est guère surprenante. Le Graphique 2.9 montre que moins de 9 % des émissions de GES font l’objet d’un TEC net supérieur à 60 EUR, valeur qui correspond à l’estimation moyenne des coûts induits par le carbone à l’heure actuelle (OCDE, 2021[22]).
Les prix effectifs du carbone les plus élevés résultent généralement de taxes relativement fortes sur les carburants routiers. En règle générale, les émissions de l’industrie, du secteur de l’électricité et des « autres GES » sont tarifées surtout au travers des SEQE ou des taxes carbone, à des taux plus faibles que les carburants routiers, voire échappent à toute tarification. C’est pourquoi le TEC net moyen est plus faible dans ces trois secteurs que dans les autres (Graphique 2.10) Les trois secteurs soumis aux plus bas TEC nets sont aussi ceux qui émettent le plus de GES. Dans tous les autres secteurs, les droits d’accise sur les combustibles et carburants restent prédominants par rapport aux prix explicites du carbone et aux subventions aux énergies fossiles. Les plus fortes subventions aux énergies fossiles sont relevées dans le secteur de l’agriculture et de la pêche, devant ceux du transport routier et des bâtiments12.
Dans les débats sur les fuites de carbone et la compétitivité, l’industrie et le secteur de l’électricité occupent une place centrale. Le Graphique 2.11 montre que la tarification dans ces secteurs est de fait très variable selon les pays13.
Le relèvement des prix effectifs du carbone pourrait procurer des recettes non négligeables en plus de faire baisser les émissions
L’augmentation des prix effectifs du carbone peut procurer des recettes, ce que ne permettent pas les normes et les réglementations. L’effet précis d’une réforme de la tarification du carbone sur les recettes publiques varie dans le temps et dépend de la vitesse à laquelle l’assiette fiscale s’érode. Il n’en reste pas moins utile de donner quelques indications sur le niveau de recettes que pourrait produire la tarification du carbone, au moins à court et moyen termes. Même si elles ne sont pas pérennes, ces recettes peuvent jouer un rôle important durant la période de transition, où des coûts d’ajustement considérables devront être supportés. De combien les recettes augmenteraient-elles si les TEC nets étaient portés à la valeur de référence de 120 EUR par tonne de CO2 pour l’ensemble des combustibles fossiles ? Le niveau de 120 EUR par tonne correspond à l’estimation moyenne du prix du carbone qui devra être atteint en 2030 (OCDE, 2021[12]).
Le montant des recettes susceptibles de découler d’une hausse des prix effectifs du carbone au niveau de référence de 120 EUR par tonne varie sensiblement d’un pays à l’autre. Comme l’indique le Graphique 2.12, il représenterait en moyenne l’équivalent d’environ 2.2 % du PIB des 71 pays examinés. Cependant, il s’agit là d’une moyenne et le potentiel de recettes varie en fait sensiblement selon les pays. Dans certains d’entre eux (Costa Rica, Danemark, Ouganda, Suisse), les recettes ainsi levées représenteraient moins de 0.3 % du PIB, alors que dans d’autres (Afrique du Sud, Inde et Kirghizistan, par exemple), elles pourraient être supérieures à 5 % du PIB. Le graphique montre également que les recettes nettes générées par les instruments existants de tarification du carbone augmenteraient de près de 100 % en moyenne, avec là encore de fortes disparités selon les pays.
Les recettes potentielles diffèrent selon les pays pour trois raisons principales. Premièrement, les TEC nets en vigueur avant la réforme sont très différents (voir Graphique 2.8). Or, plus ils sont élevés (ou plus les subventions aux énergies fossiles sont faibles), plus les recettes potentielles qui peuvent encore être levées par la tarification du carbone à un taux de référence donné sont réduites. Deuxièmement, certains pays recourent aux systèmes d’échange de quotas d’émission pour tarifer le carbone : la distribution gratuite des quotas y reste fréquente dans l’industrie et, dans une moindre mesure, dans le secteur de l’électricité. La disparition progressive de cette gratuité ferait sensiblement croître les recettes et pourrait renforcer le potentiel de réduction des émissions des marchés carbone (Flues et van Dender, 2017[23]). Troisièmement, l’intensité carbone du PIB varie d’un pays à l’autre.
Afin que les ménages et les entreprises aient le temps de s’adapter, les pouvoirs publics augmentent généralement les prix du carbone de façon graduelle. Le Graphique 2.12 montre le potentiel de recettes de réformes plus modestes par étapes, consistant d’abord à réformer les subventions aux énergies fossiles (de façon à éliminer les prix négatifs du carbone), puis à supprimer la gratuité des quotas et enfin à porter les prix du carbone au niveau de référence de 60 EUR. Ce niveau de référence est une estimation basse du coût des répercussions climatiques de l’émission d’une tonne de CO2 en 2030 et des prix du carbone nécessaires à cet horizon pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. Il s’agit également d’une estimation intermédiaire de la valeur actuelle des coûts du carbone (OCDE, 2021[12]). En plus d’illustrer l’effet de ces réformes par étapes sur les recettes, le graphique met en lumière une série de pays dans lesquels les élasticités estimées impliquent de très fortes hausses des recettes. Des hausses de cette ampleur sont particulièrement incertaines du fait qu’elles dépendent en partie de la possibilité pour les pays de répercuter le renchérissement du carbone sur les prix à l’exportation.
Encadré 2.5. Estimation des effets de la tarification du carbone sur les émissions de CO2 et les recettes : nouveaux éléments factuels apportés par les trois premières séries de données sur les taux effectifs sur le carbone.
À l’aide de l’ensemble de données de l’OCDE sur les taux effectifs du carbone, D’Arcangelo, Pisu, Raj et Van Dender ont estimé la réactivité à long terme des émissions de CO2 imputables à la consommation de combustibles fossiles et des recettes publiques qui en découlent à la tarification du carbone (à paraître[24]).
D’après les estimations qu’ils ont établies à partir des bases de données des TEC de 2012, 2015 et 2018, et en exploitant les variations transversales entre 37 pays de l’OCDE et du G20, une hausse de 10 EUR des tarifs effectifs du carbone fait baisser en moyenne les émissions de CO2 imputables aux énergies fossiles de 3.7 % à moyen terme.
En l’occurrence, le modèle utilisé pour obtenir ces estimations procède à une régression du logarithme naturel des émissions de CO2 imputables à la consommation de combustibles fossiles sur les taux effectifs sur le carbone (comme dans Sen et Vollebergh (2018[25])) et tient compte en outre d’un vaste ensemble d’effets fixes. L’équation de cette régression est la suivante :
où est le logarithme des émissions imputables à la consommation de combustibles fossiles pour le pays , l’utilisateur et la catégorie de combustibles durant l’année , est le TEC correspondant moyen au niveau des pays-utilisateur-catégorie de combustibles l’année t, et sont les effets fixes, et est le terme d’erreur. Grâce au vaste ensemble d’effets fixes permis par l’éventail de variables temps, secteur, utilisateur, catégorie de combustibles et pays à l’intérieur de l’ensemble de données sur les TEC, il est possible de prendre en compte de nombreux facteurs de confusion.
La réactivité des émissions varie selon les secteurs et les catégories de combustibles. Le Tableau 2.1 présente les estimations de semi-élasticité au niveau sectoriel issues de la régression (1) pour tout l’échantillon de pays utilisé dans D’Arcangelo et al. (à paraître[24]).
Tableau 2.1. Réactivité des émissions au TEC par secteur
Semi-élasticités estimées et erreurs types (multipliées par 100).
Semi-élasticité |
|
---|---|
Transport routier |
-0.439*** |
(0.135) |
|
Électricité |
-0.452 |
(0.511) |
|
Industrie |
-0.369*** |
(0.112) |
|
Bâtiments |
-0.282 |
(0.182) |
|
Transport non routier |
0.017 |
(0.207) |
|
Agriculture et pêche |
-0.907*** |
(0.238) |
|
Constante |
5.585*** |
(0.026) |
|
Observations |
4899 |
effets fixes utilisateur×combustible×année (δuct) |
✓ |
effets fixes pays×utilisateur×année (δput) |
✓ |
Note : *p ≤ 0.1, **p ≤ 0.05, *** p ≤ 0.01. Le logarithme des émissions est la variable dépendante, TEC est la variable indépendante. Les erreurs types regroupées au niveau utilisateur×combustible×année et pays×utilisateur×année sont indiquées entre parenthèses. Pour la régression, 348 singletons ont été ignorés. Les estimations sont à interpréter de la façon suivante : dans l’industrie, une hausse du TEC de 1 EUR fait baisser les émissions de 0.37 % dans l’échantillon de pays de l’OCDE et du G20 pris en compte dans l’analyse.
Source : OCDE.
La tarification du carbone et les Objectifs de développement durable
La tarification du carbone et la réforme des subventions aux énergies fossiles interviennent dans plusieurs Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Les deux contribuent non seulement à une consommation et une production durables (ODD 12) et à la lutte contre les changements climatiques (ODD 13), mais aussi à la bonne santé et au bien-être (ODD 3), à une énergie propre et d’un coût abordable (ODD 7) et, à condition d’être bien conçues, à la réduction des inégalités (ODD 10) et à l’émergence de villes et de communautés plus durables (ODD 11) (OCDE, 2021[7]). En outre, la tarification du carbone a un rôle à jouer dans la mobilisation de ressources nationales (cible 17.1 des ODD). De façon plus générale, les synergies entre les solutions d’atténuation et les ODD ont également été mises en avant dans la contribution du Groupe de travail III au Sixième Rapport d’évaluation du GIEC (GIEC, 2022[26]).
Les avantages de la tarification du carbone et de la réforme des subventions aux énergies fossiles ne se résument pas à leur contribution à une bonne politique climatique et valent pour tous les pays, pas seulement pour les économies avancées. À cet égard, la base de données sur les taux effectifs du carbone et la taxation de la consommation d’énergie contient désormais des données qui peuvent permettre d’identifier des possibilités de tarification du carbone et de réforme des subventions aux énergies fossiles pour un plus large éventail de pays qu’avant. En plus de 45 pays de l’OCDE et du G20, elle prend en compte 26 pays de différentes régions du monde ayant atteint des stades et niveaux de développement économique variés. Cette démarche s’inscrit dans le prolongement d’un premier élargissement de la base de données à 15 économies en développement et émergentes dans le cadre de l’édition 2021 (OCDE, 2021[7]).
Le faible niveau des émissions de GES produites par les pays en développement et émergents peut signifier que leur capacité à agir pour freiner le changement climatique dans un proche avenir est restreinte. La tarification du carbone et la réforme des subventions aux énergies fossiles leur permettent toutefois de répondre à plusieurs défis urgents en plus du changement climatique. La réduction des émissions de GES contribue grandement à faire baisser la pollution atmosphérique locale, et ces avantages annexes peuvent contrebalancer en partie les coûts immédiats de l’action en faveur du climat (ceux liés au renchérissement de l’énergie et des produits alimentaires, par exemple).
La tarification du carbone peut aussi amplifier les efforts des pays en développement visant à améliorer la mobilisation de ressources nationales. Bien que variable selon les pays, le potentiel de recettes est souvent considérable, comme le montre le Graphique 2.12. Les recettes tirées de la tarification du carbone pourraient servir à financer des aides plus ciblées afin d’améliorer l’accès à l’énergie et de la rendre plus abordable, renforcer les filets de protection sociale et promouvoir d’autres priorités économiques et sociales. En Égypte, par exemple, grâce aux économies budgétaires générées par la réforme des subventions aux énergies fossiles, les pouvoirs publics ont pu allouer davantage de ressources à l’éducation et à la santé et déployer un programme de relance économique destiné à surmonter la crise.
La possibilité d’utiliser les recettes de la tarification du carbone pour financer l’amélioration des filets de protection sociale est particulièrement bienvenue dans les pays en développement, où ces filets sont insuffisants pour beaucoup de citoyens. Steckel et al. (2021[27]) ont simulé les incidences de possibles réformes de la tarification du carbone dans huit pays en développement et émergents (Bangladesh, Inde, Indonésie, Pakistan, Philippines, Thaïlande, Türkiye et Viet Nam), et constaté que, dans tous ces pays, une redistribution égale des recettes entre tous les citoyens ferait plus que compenser le coût induit par la tarification du carbone pour les ménages les plus pauvres. Cela s’explique par le fait que les ménages aisés ont tendance à consommer davantage de combustibles fossiles.
Il convient de souligner qu’il est généralement plus difficile d’échapper aux taxes sur le carbone qu’aux impôts directs sur les personnes physiques ou sur les sociétés, et que ces taxes peuvent donc constituer des instruments efficaces dans les économies où le secteur informel est important. C’est le cas tout particulièrement dans les pays en développement, où 70 % des emplois sont informels (OCDE/OIT, 2019[28]).
En s’engageant à relever progressivement les prix du carbone et à investir dans les technologies bas carbone, les pays en développement peuvent éviter de nombreux coûts de transition auxquels les économies développées sont aujourd’hui confrontées, dont les actifs échoués et les destructions d’emplois dans les régions productrices de charbon. En effet, beaucoup de pays en développement comptent aujourd’hui moins d’actifs hérités à forte intensité de carbone que les pays développés. Avec des émissions de 3.45 tonnes d’équivalent CO2 par habitant en 2018, l’Afrique subsaharienne est la région la plus proche de la neutralité GES par habitant. À titre de comparaison, les émissions de GES par habitant atteignent 18.03 t éq CO2 en Amérique du Nord14. Des pays comme le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, l’Équateur, le Ghana et l’Ouganda, par exemple, n’utilisent pas actuellement le charbon15. La réforme de la tarification du carbone ou l’application d’autres mesures environnementales, comme l’interdiction de la consommation de charbon, pourrait permettre à certains pays de sauter purement et simplement l’étape des énergies fossiles les plus polluantes16.
Malgré le regain d’intérêt pour la réforme des prix du carbone, dont témoigne le développement des systèmes de tarification explicite (Encadré 2.6), les prix du carbone restent relativement bas dans beaucoup d’économies en développement et émergentes (Graphique 2.8). Les obstacles à la réforme de la tarification du carbone ne sont pas principalement d’ordre administratif : pratiquement tous les pays ont l’expérience des droits d’accise sur les carburants et seraient donc capables, d’un point de vue administratif, de mener cette réforme. Des avancées de taille seraient possibles si les pouvoirs publics alignaient les droits d’accise sur la teneur en carbone des combustibles. Par exemple, une taxe carbone de 30 EUR par tonne de CO2 correspond à une taxe sur l’essence de 7 centimes d’euro par litre et à une taxe sur le charbon d’environ 6 centimes d’euro par kilogramme. Ces taxes carbone assises sur les carburants pourraient être perçues auprès des fournisseurs de la même façon que les droits d’accise existants.
Les principaux freins à la mise en place d’une tarification du carbone sont liés à la nécessité de faire en sorte que le changement soit équitable et en phase avec les objectifs de développement du pays, condition indispensable pour obtenir une large adhésion du public à la réforme des prix du carbone. La réforme des subventions aux combustibles fossiles menée avec succès par l’Égypte est encourageante parce qu’elle montre que les incidences négatives sur les ménages et les entreprises fragiles peuvent être atténuées. Comme dans les économies avancées, la tarification du carbone doit s’inscrire dans un éventail plus large de mesures budgétaires et climatiques. À titre d’exemple, le Kenya prend actuellement des mesures pour garantir aux citoyens et aux entreprises un accès abordable à des options plus propres. Les initiatives de plus vaste portée qui encouragent l’électrification constituent un développement prometteur. Il n’existe pas de taxe carbone au Kenya, mais le pays réfléchit à l’application d’un système d’échange de quotas d’émission et perçoit des droits d’accise sur les combustibles et carburants. À la suite du renchérissement de l’énergie, il a rétabli en 2021 des subventions et abaissé les droits d’accise et la TVA sur les produits pétroliers (voir Encadré 2.3).
Il existe un vrai risque de voir la tarification du carbone entraîner un plus large recours au bois-énergie disponible sur place, généralement difficile à taxer. En plus d’affaiblir l’effet de la taxe carbone sur les émissions de GES, l’utilisation de biocombustibles classiques est souvent à l’origine de pollutions locales qui ont un important coût sanitaire et environnemental. Ce problème concerne tout particulièrement les pays en développement qui ont moins de moyens administratifs pour concevoir, mettre en œuvre et faire appliquer les mesures de compensation. C’est pourquoi il est essentiel que la réforme de la tarification du carbone s’accompagne de mesures visant à prévenir de tels effets de substitution (par exemple, en soutenant la diffusion de technologies de chauffage et de cuisson plus propres ; voir aussi le chapitre 3).
Encadré 2.6. Tarification explicite du carbone dans les économies en développement et émergentes
Appliqués pour la première fois au début des années 90 dans les pays scandinaves, les mécanismes de tarification explicite du carbone ont depuis essaimé en Europe (en particulier avec l’instauration du SEQE-UE en 2005) et dans beaucoup de pays à revenu élevé ailleurs dans le monde. En outre, de plus en plus d’économies émergentes, mais aussi de pays en développement, les emploient ou envisagent d’y recourir. Les taxes carbone assises sur les carburants et combustibles sont relativement simples à mettre en place, mais restent souvent peu élevées ou limitées à des combustibles ou usages particuliers. En Uruguay, par exemple, la taxe carbone s’applique uniquement à l’essence. En Albanie, son montant par tonne de CO2 varie selon les combustibles. Quant aux mécanismes qui assoient la tarification sur les émissions, ils nécessitent un système de mesure, notification et vérification, ce qui peut poser des difficultés de mise en œuvre supplémentaires, mais permet de cibler un plus large éventail de GES (OCDE, 2019[29]). Les systèmes d’échange de quotas d’émission intéressent de plus en plus de pays à revenu intermédiaire, en particulier en Asie et en Europe orientale. La récente proposition de l’UE d’instaurer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) a suscité un intérêt grandissant pour les systèmes de tarification explicite du carbone chez un grand nombre de ses partenaires commerciaux.
Tableau 2.2. Tarification explicite du carbone dans certaines économies en développement et émergentes
Prix explicite du carbone en vigueur |
Prix explicite du carbone à l’étude |
|
---|---|---|
Albanie |
Taxe carbone en place depuis 2008, son montant par tonne de CO2 varie selon les combustibles |
|
Argentine* |
Taxe carbone appliquée depuis 2018 aux combustibles liquides, au taux de 519 ARS (4,6 EUR environ) en avril 2021 |
|
Bosnie-Herzégovine et autres pays des Balkans occidentaux |
Mécanismes de taxation du carbone à l’étude |
|
Brésil* |
Mécanisme de taxation du carbone à l’étude |
|
Chine* |
SEQE en place depuis 2021 ; il concerne dans un premier temps le secteur de l’électricité et son élargissement à d’autres secteurs est prévu |
|
Côte d’Ivoire |
Taxe carbone à l’étude |
|
Indonésie* |
Taxe carbone assise sur les émissions entrée en vigueur le 1er juillet 2022, ciblant les émissions des centrales électriques au charbon au-dessus d’un certain plafond et s’élevant à 30 IDR par kilogramme (soit environ 1,9 EUR par tonne), avant l’instauration d’un système de plafonnement et d’échange plus vaste en 2025. |
|
Kazakhstan |
SEQE en vigueur depuis 2013 ciblant la production d’électricité et de chaleur et certaines industries extractives et manufacturières ; le prix moyen sur le marché secondaire s’élevait à 504 KZT (environ 1 EUR) par tonne de CO2 en 2021. |
Taxe carbone à l’étude |
Kenya* |
. |
SEQE à l’étude |
Maroc* |
Le principe d’une taxe carbone a été acté dans une loi fiscale de juillet 2021, mais aucun calendrier concret de mise en œuvre n’a été défini |
|
Pakistan |
SEQE à l’étude |
|
Philippines* |
SEQE à l’étude |
|
Sénégal |
Taxe carbone à l’étude |
|
Afrique du Sud* |
Taxe carbone en vigueur depuis 2019 ; elle s’élève actuellement à 144 ZAR (environ 8,6 EUR) par tonne d’équivalent CO2 et augmente progressivement |
|
Thaïlande |
SEQE à l’étude |
|
Ukraine* |
Taxe carbone en vigueur depuis 2011, s’élevant à 30 UAH (environ 1 EUR) par tonne de CO2 |
SEQE en cours d’élaboration |
Uruguay* |
Taxe carbone de plus de 100 EUR par tonne de CO2 frappant l’essence, instaurée en 2022 |
|
Viet Nam |
SEQE en cours d’élaboration |
Note : Les pays examinés dans le présent rapport sont repérés par un astérisque.
Source : Auteurs, Carbon pricing dashboard (Banque mondiale), ICAP.
Susciter de nouveaux efforts d’atténuation
Pour atteindre leurs objectifs de réduction des émissions de GES à moyen et long termes, les pays devront redoubler d’efforts (FMI/OCDE, à paraître[30]). Comme expliqué dans le chapitre 1, ils peuvent et doivent faire appel à toute une série d’instruments pour surmonter les divers obstacles à la transition vers la neutralité GES, et ce en procédant d’une manière adaptée à leur situation particulière. L’augmentation graduelle des prix du carbone conjuguée à l’arrêt progressif des subventions aux énergies fossiles contribue à une action climatique plus ambitieuse, efficace et efficiente, et constitue un levier d’action particulièrement puissant lorsqu’elle s’accompagne de mesures qui soutiennent l’offre de technologies et d’infrastructures peu ou pas émettrices de carbone.
La part des émissions concernées par les prix du carbone a progressé ces dernières années, car un certain nombre de pays ont instauré des dispositifs de tarification explicite du carbone ou élargi le périmètre de ceux qui existaient déjà. Il reste néanmoins beaucoup de chemin à parcourir pour exploiter pleinement le potentiel de la tarification du carbone. Près de 60 % des émissions de GES font l’objet d’un TEC net nul, voire négatif. Qui plus est, même lorsque le prix du carbone est positif, il n’est souvent pas assez élevé pour faire baisser les émissions dans des proportions permettant une véritable transition vers la neutralité GES (Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone, 2021[31] ; OCDE, 2021[12]). Pour progresser, les pays doivent veiller à ce que cette transition soit inclusive et en phase avec leurs priorités en matière de croissance et de développement.
L’économie politique de la tarification du carbone et de la réforme des subventions aux énergies fossiles peut être compliquée. Des programmes de réforme équitables sont essentiels pour assurer une transition juste qui ne laisse pas les groupes vulnérables sur le bord de la route. L’intégration de la réforme de la tarification du carbone et des subventions aux énergies fossiles dans des trains de mesures plus vastes peut permettre d’amortir les répercussions défavorables à court terme en apportant des avantages immédiats aux groupes vulnérables, qu’il s’agisse de ménages, de travailleurs, d’entreprises ou de régions. L’utilisation stratégique des recettes tirées de la tarification du carbone peut rendre la politique climatique plus inclusive et efficace. L’affectation la plus productive de ces recettes dépend du contexte local (Marten et van Dender, 2019[32] ; OCDE, 2021[7] ; FMI/OCDE, 2021[2]). Il est possible de renforcer l’adhésion politique en les consacrant à des projets climatiques (Maestre-Andrés et al., 2021[33]) ou en les fléchant vers des usages qui correspondent aux préférences des citoyens en matière d’équité (Sommer, Mattauch et Pahle, 2022[34]). Pour autant, redistribuer les recettes de la tarification du carbone aux citoyens par le biais de transferts forfaitaires ciblés n’est pas la panacée, surtout lorsque le débat sur la politique climatique est très polarisé et voit s’opposer des groupes d’intérêts (Mildenberger et al., 2022[35]). Bien entendu, ces défis sont amplifiés dans un contexte économique général où les prix de l’énergie s’envolent sous l’effet de chocs externes. L’usage qui est fait des recettes peut certes contribuer à renforcer l’adhésion à l’action climatique, mais cela ne suffit pas pour assurer un large courant favorable dans l’opinion publique. Il est au contraire nécessaire de donner confiance dans le fait que la transition vers la neutralité GES est indispensable et peut être réalisée dans le respect de la cohésion sociale.
La réforme de la tarification du carbone est souvent freinée par des préoccupations pour la compétitivité et par la crainte de transferts d’émissions de carbone. Les données concernant les pays de l’OCDE permettent de constater que, dans le contexte des niveaux de prix et des faibles différences de tarification du carbone entre les pays enregistrés dans le passé, il n’y a pas eu d’effets perceptibles (Dechezleprêtre et al., 2022[36] ; OCDE, 2021[37] ; Venmans, Ellis et Nachtigall, 2020[38]). Toutefois, les prix sont peu élevés et, dans le cadre des SEQE, c’est souvent la gratuité des quotas qui prévaut, notamment dans l’industrie (Encadré 2.7) et le secteur de l’électricité (OCDE, 2021[22]). Les règles d’allocation gratuite des quotas peuvent avantager des technologies à forte émission de carbone et étouffer concrètement le signal-prix du carbone (Flues et van Dender, 2017[23]). Ces mesures et d’autres dispositions adoptées pour gérer le risque d’impact sur la compétitivité et de transfert d’émissions que pose la tarification du carbone sont donc difficilement conciliables avec l’ambition de neutralité carbone à long terme. L’attribution d’une plus grande part des quotas par voie d’enchères dans le cadre des SEQE renforcerait l’incitation à réduire les émissions et procurerait parallèlement plus de recettes publiques pouvant être mises au service d’une transition verte et inclusive. Cela étant, si certaines juridictions durcissent leurs politiques sans que les autres leur emboîtent le pas, cela pourrait accentuer la crainte d’effets sur la compétitivité et de transfert d’émissions, du moins pour un nombre restreint de secteurs à fortes émissions de carbone et exposés aux échanges internationaux, comme les industries du ciment, de l’acier et de l’aluminium (OCDE, 2020[39]).
Encadré 2.7. Gratuité des quotas dans le cadre du SEQE-UE : le cas de l’industrie chimique néerlandaise
Dans leur loi sur le climat de 2019, les Pays-Bas se fixent des objectifs ambitieux, notamment des objectifs chiffrés juridiquement contraignants de réduction des émissions de GES de 49 % d’ici à 2030 et de 95 % d’ici à 2050 par rapport à 1990. La loi s’accompagne d’un Plan climat et d’un Accord climatique qui définissent la panoplie de mesures mise au service de la réalisation de ces objectifs. Dans l’industrie, les Pays-Bas prévoient ainsi de relever les prix du carbone et de déployer parallèlement d’ambitieux efforts de soutien technologique. Une nouvelle taxe carbone portera ainsi le prix du carbone dans ce secteur progressivement à 125 EUR par tonne d’équivalent CO2 d’ici à 2030 (en tenant compte du prix défini par le SEQE-UE). Cette taxe carbone s’ajoute aux instruments de tarification du carbone existants : le SEQE-UE, la taxe énergétique sur le gaz naturel et la surtaxe énergie durable qui frappe également le gaz naturel1.
La crainte d’effets sur la compétitivité des entreprises nationales face à celles des pays appliquant des politiques de tarification du carbone moins ambitieuses a conduit les autorités néerlandaises à accorder un traitement préférentiel généralisé aux gros consommateurs d’énergie. Ainsi, la taxe carbone est appliquée de façon progressive seulement. Du fait de la gratuité des quotas du SEQEUE et de l’existence de généreuses exonérations fiscales, certains importants consommateurs d’énergie échappent entièrement à la tarification des émissions. Enfin, la taxe énergétique et la surtaxe sont régressives, puisque leurs taux diminuent avec la consommation d’énergie. Ce dispositif aboutit à une tarification du carbone très hétérogène selon les secteurs industriels, les consommateurs et les produits énergétiques, et il favorise les gros consommateurs d’énergie par rapport aux petits.
Le Graphique 2.13 présente le profil de la tarification du carbone dans l’industrie chimique en 2021. Seul le gaz naturel est soumis à la taxe énergétique, et ce principalement au taux le plus bas applicable puisque la majorité de la consommation entre dans la tranche de consommation la plus élevée. Le SEQE-UE s’applique à une grande partie des autres combustibles fossiles, mais l’allocation massive de quotas à titre gratuit affaiblit le signal-prix dans le secteur. Le graphique fait apparaître le signal-prix émanant du SEQE-UE (représenté en vert) et une estimation de la proportion des émissions couvertes respectivement par des quotas attribués par voie d’enchères (vert foncé) et par des quotas attribués à titre gratuit (vert clair). Cette approche se différencie de celle fondée sur le prix marginal adoptée dans le reste du présent rapport, qui assigne les prix des quotas, qu’ils soient alloués gratuitement ou non, aux bases d’émissions respectives. La seconde approche repose sur l’idée que les quotas alloués à titre gratuit incitent malgré tout à réduire les émissions de CO2 à la marge en raison du coût d’opportunité (le prix des quotas) qu’ils induisent.
La prise en compte de la gratuité rétrécit notablement la base du TEC. En l’occurrence, l’industrie chimique se voit allouer à titre gratuit des quotas qui couvrent 96 % de ses émissions. Il y a donc un écart entre le prix marginal payé par les émetteurs pour le rejet d’une unité d’émissions supplémentaire (le taux effectif marginal du carbone) et le prix moyen qu’ils paient pour leur base d’émissions tout entière (le taux effectif moyen du carbone). En 2021, le taux effectif marginal du carbone était estimé à 37 EUR par tonne en moyenne dans l’industrie chimique, mais à seulement 13 EUR par tonne en moyenne compte tenu des allocations à titre gratuit.
1. La surtaxe énergie durable et la taxe énergétique s’appliquent également à la consommation d’électricité. Cependant, elles sont alors assises sur la consommation en kWh et ne sont pas modulées en fonction du type de produit énergétique ou de sa teneur en carbone. Elles ne sont pas considérées comme des instruments de tarification du carbone.
Source : Anderson et al. (2021[42]) et OCDE (2021[41])
Les ajustements carbone aux frontières (ACF) sont l’un des outils proposés pour répondre aux craintes d’effets sur la compétitivité et de fuite de carbone. Selon leur conception, ils créent des incitations en faveur de l’instauration de prix explicites du carbone dans les juridictions qui n’en appliquent pas encore. Toutefois, comme l’éventail des produits auxquels ils s’appliqueraient serait limité, seule une partie des émissions de GES incorporées dans les biens échangés serait ainsi tarifée. Étant donné que les ACF ne ciblent pas les émissions sans lien avec les échanges, la probabilité de les voir ouvrir la voie à une action globale en faveur de l’atténuation du changement climatique est faible (Parry, Black et Roaf, 2021[43]). En revanche, la coordination internationale est de nature à stimuler une action climatique plus vaste. Cette coordination doit être juste et devrait tenir compte des responsabilités différenciées et des capacités respectives des pays. Elle doit aussi être pragmatique et reconnaître que le point de départ, sur le plan des réalités économiques et politiques, est très différent selon les pays, de sorte que chacun devra faire appel à des panoplies différentes d’instruments d’atténuation (FMI/OCDE, 2021[2]). Il faudra donc prendre en compte un large éventail d’instruments, ce qui accentuera sensiblement la complexité de la coordination.
Pour traiter les retombées négatives dans les pays, il pourrait être important d’améliorer la mesure des différents leviers d’action et stratégies mis au service de l’atténuation du changement climatique. Pour cela, il faudra sans doute regarder au-delà des instruments traités dans ce rapport que sont la tarification explicite du carbone, sa tarification implicite au travers des droits d’accise sur les combustibles et carburants et les subventions aux énergies fossiles. Le chapitre 3 présente une première tentative d’élargissement en se penchant sur les taxes sur l’électricité et les subventions connexes. Une évaluation plus large encore des politiques d’atténuation sera toutefois nécessaire pour faire avancer le dialogue dans ce domaine.
Références
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Notes
← 1. Par long terme, on entend le laps de temps durant lequel s’opère l’adaptation complète à un changement de prix, compte tenu des solutions technologiques et comportementales disponibles au cours de la période étudiée – en fonction du secteur, du combustible et du pays, il s’agit d’une durée pouvant s’échelonner de 3 à 10 ans. L’estimation donnée est une estimation basse, car il est plausible que, dans les années à venir, les changements technologiques résultant en partie de la politique climatique rendent les émissions de CO2 dues à la consommation d’énergie plus réactives aux prix du carbone. La réactivité varie selon les secteurs. Dans trois des plus importants secteurs – transport routier, industrie et électricité –, une hausse du taux effectif du carbone de 10 EUR fait baisser les émissions d’environ 4 %, bien que l’évolution des prix en pour cent soit très différente. La réactivité à une hausse de 10 EUR du taux effectif du carbone est beaucoup plus forte dans le secteur de l’agriculture et de la pêche, légèrement inférieure à 4 % dans le secteur des bâtiments et nulle dans celui du transport non routier (D’Arcangelo et al., à paraître[24]).
← 2. Toutes les comparaisons présentées dans ce rapport portent sur des éléments comparables et reposent sur les spécifications et le périmètre définis pour la présente série de données – les données de 2018 ont été actualisées rétroactivement. Néanmoins, ces chiffres ne sont pas directement comparables aux valeurs principales des précédents rapports. Par rapport aux chiffres présentés dans le rapport de l’OCDE Effective Carbon Rates 2021, il existe quatre différences principales (voir aussi le chapitre 1). Premièrement, cette édition tient compte des subventions aux énergies fossiles qui résultent de transferts budgétaires. Deuxièmement, elle intègre 27 pays supplémentaires. Troisièmement, elle prend en considération les émissions d’« autres GES » en plus de celles de CO2 provenant de la combustion d’énergies fossiles, et elle ignore les émissions de CO2 imputables à la combustion de biocombustibles. Quatrièmement, tous les prix sont exprimés en EUR réels de 2021, alors qu'ils sont exprimés en EUR réels de 2018 dans le rapport Effective Carbon Rates 2021.
← 3. Le Royaume-Uni s’est également doté d’un nouveau système d’échange de quotas d’émission, mais celui-ci a remplacé le SEQE-UE en vigueur auparavant et la couverture est restée inchangée.
← 4. En outre, les États mexicains de Basse-Californie et de Tamaulipas ont instauré des taxes carbone entre 2018 et 2021. De telles taxes sont également entrées en vigueur en 2022 en Autriche, en Indonésie et en Uruguay.
← 5. La hausse de la part globale des émissions visées par tous ces instruments a été inférieure à la somme des variations enregistrées pour chaque type d’instrument. Cela tient au fait que certaines émissions relèvent de plusieurs instruments. Par exemple, le SEQE allemand et la taxe carbone sud-africaine s'appliquent aux émissions imputables au secteur du transport routier, qui sont par ailleurs soumises aux droits d'accise sur les carburants.
← 6. Au Royaume-Uni, par exemple, le secteur de l’électricité est non seulement soumis au SEQE, mais aussi à la taxe carbone.
← 7. La proportion des émissions couvertes ne permet pas en soi d’apprécier si un système de tarification du carbone est adapté aux objectifs climatiques d’un pays.
← 8. Des taxes sur les gaz fluorés étaient en vigueur aussi bien en 2018 qu’en 2021 au Danemark, en Espagne, en Norvège et en Pologne. En 2021, les Pays-Bas et l’Islande s’étaient également dotés de taxes applicables à ces gaz. En ce qui concerne les systèmes d’échange de quotas d’émission, celui de l’UE intègre les émissions d’hydrocarbures perfluorés (PFC) de la production d’aluminium. Parmi les autres systèmes ciblant les gaz fluorés figurent le SEQE pilote de Chongqing, les SEQE de la Corée, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et de la Suisse, ainsi que les systèmes de plafonnement et d’échange de la Californie, du Québec et de la Nouvelle-Écosse.
← 9. Aux Pays-Bas, l’élargissement de la tarification est la conséquence de la nouvelle taxe carbone appliquée dans l’industrie. Cette taxe et le SEQE-UE se recoupent en grande partie, mais la première cible en plus les émissions d’oxyde nitreux des installations et incinérateurs de déchets qui n’entrent pas dans le champ d’application du second (le SEQE-UE vise uniquement les émissions d’oxyde nitreux provenant de la production d’acide nitrique, d’acide adipique, de glyoxal et d’acide glyoxylique).
← 10. Sauf indication contraire, les prix sont exprimés en EUR réels de 2021 par tonne d’équivalent CO2 (t éq CO2).
← 11. Le filet de sécurité fédéral est composé d’une redevance réglementaire sur les combustibles fossiles et d’un système de tarification fondé sur le rendement pour les installations industrielles, qui s’applique en totalité ou en partie dans les provinces et territoires qui l’ont demandé et dans les provinces et territoires qui ne se sont pas dotés d’un système de tarification du carbone satisfaisant aux exigences de rigueur du modèle fédéral.
← 12. Étant donné la distribution asymétrique et les modalités de tarification inégales entre les secteurs, les indicateurs de tarification moyenne du carbone au niveau des pays sont à interpréter avec prudence. Dans les pays où le transport routier représente une part relativement importante des émissions et où les émissions des secteurs industriel et électrique – tous deux généralement soumis à des prix du carbone plus faibles (Figure 2.11) – sont plus basses, le TEC net moyen pondéré en fonction des émissions au niveau national est généralement assez élevé. Le Luxembourg en est la parfaite illustration. Le secteur routier y représente une part importante des émissions, ce qui tient aussi au tourisme à la pompe depuis les pays voisins. En outre, les émissions des secteurs industriel et électrique, dans lesquels le Luxembourg est largement importateur, sont plutôt faibles. L’ensemble de données OECD.STAT publié avec ce rapport contient des données fines sur le TEC net par produit énergétique et par secteur qui permet des comparaisons à ces niveaux sans effets de composition. Le TEC net du Luxembourg au niveau sectoriel n’est, par exemple, pas particulièrement élevé pour l’Europe.
← 13. Les risques de conséquences pour la compétitivité et de fuite de carbone varient suivant les secteurs. Au Chili, par exemple, il ressort de travaux sur les risques liés à la transition climatique que les secteurs les plus touchés seraient l’industrie cimentière et la sidérurgie (https://4echile.cl/publicaciones/desarrollo-bajo-en-carbono-para-sectores-con-riesgo-de-transicion-climatica-en-chile).
← 15. De même, la consommation est très faible au Paraguay (0,1 % des approvisionnements totaux en énergie).
← 16. Les prix du carbone doivent être suffisamment élevés et crédibles pour faire obstacle à des investissements dans la production d’électricité à partir de charbon. À cet égard, il convient de noter que de nouvelles centrales au charbon sont mises en service dans des pays où des mécanismes de tarification explicite du carbone ont été mis en place (Afrique du Sud, Chine, Indonésie) ou sont à l’étude (Pakistan, Philippines, Thaïlande) (Global Energy Monitor, 2022[44]).