Ce chapitre examine les avantages et les inconvénients économiques, sociaux et environnementaux liés à l’essor du tourisme, et la nécessité pour les responsables publics et le secteur de mieux en cerner les conséquences pour les destinations qui s’efforcent d’assurer un développement touristique plus durable. L’analyse montre que dans de nombreux pays, régions et destinations, la croissance du tourisme demeure déséquilibrée sur ces trois plans, souvent en raison d’une progression rapide et non maîtrisée du nombre de visiteurs. Il n’existe cependant pas de solution universelle à ce problème car les débouchés et les enjeux que présente le développement touristique varieront selon les caractéristiques propres à chaque destination. Un éventail de considérations stratégiques sont mises en exergue pour aider les destinations traditionnelles et nouvelles à concilier les avantages et les inconvénients de l’intensification touristique, et à concrétiser une vision durable de l’avenir.
Tendances et politiques du tourisme de l'OCDE 2020
Chapter 3. Redéfinir le succès du tourisme dans une optique de croissance durable
Abstract
Le tourisme est l’un des secteurs les plus importants de l’économie mondiale, et de ceux qui enregistrent la croissance la plus rapide, offrant de nouveaux débouchés à de nombreux pays, villes et régions, et leur posant dans le même temps de nombreux défis. Ce développement soutenu exerce des pressions sur l’infrastructure, l’environnement, les populations locales, d’autres secteurs économiques, et l’ensemble de la société. Lorsqu’il n’est pas encadré, il peut avoir des répercussions considérables sur les sites culturels, patrimoniaux et naturels sensibles, ainsi que sur la vie quotidienne des habitants, ce qui se traduit souvent par des sentiments négatifs, voire du ressentiment, envers les touristes et, plus généralement, le tourisme.
Toutes les destinations ressentent les effets économiques, sociaux et environnementaux du tourisme, indépendamment du nombre de visiteurs ou du lieu. S’il est parfois possible d’estimer l’incidence (positive ou négative) et l’ampleur d’effets précis à un moment donné, celles-ci varieront aussi en fonction des caractéristiques propres à chaque destination, comme l’aptitude des sites naturels et culturels fragiles à gérer les volumes de touristes, et la capacité, ou la disposition, des communautés concernées à s’adapter. L’idée fait son chemin selon laquelle la réussite du tourisme ne doit pas être mesurée uniquement à l’aune du nombre de visiteurs, mais plutôt en fonction de son apport à l’économie locale et des avantages nets qu’il procure aux destinations.
Ce chapitre examine les avantages et les inconvénients économiques, sociaux et environnementaux liés à l’essor du tourisme, et la nécessité pour les responsables publics et le secteur de mieux en cerner les conséquences pour les destinations à l’heure où celles-ci s’appliquent à assurer un développement touristique plus durable, un développement qui ne tient pas seulement compte des incidences économiques, sociales et environnementales actuelles et futures, mais satisfait également aux besoins des visiteurs, du secteur, de l’environnement et des populations hôtes. Il se fonde sur les réponses à une enquête menée par l’OCDE auprès des pays membres et partenaires, des travaux récents du Comité du tourisme de l’OCDE, et des retours d’information des participants à un atelier de l’OCDE sur le tourisme en tant que catalyseur de développement régional (organisé en coopération avec l’Autriche) qui a réuni des responsables publics nationaux et régionaux, des institutions internationales, et des représentants du secteur et des milieux universitaires.
Le chapitre présente d’abord brièvement les tendances qui stimuleront l’expansion soutenue du tourisme mondial au cours des prochaines décennies, et s’efforce de mieux en cerner les conséquences pour les villes, les régions et les populations. Il s’interroge ensuite sur la nécessité de repenser le cadre d’action pour le tourisme de manière à mieux gérer la durabilité environnementale et sociale au niveau des destinations, et de réfléchir à la façon dont le tourisme peut apporter une contribution plus efficace aux mesures en faveur d’une croissance durable. Il présente diverses considérations stratégiques pour remédier aux pressions accrues que l’essor du tourisme fait peser sur les destinations, mais aussi pour donner aux destinations existantes et nouvelles les moyens d’éviter d’éventuelles chausse-trapes dans le cadre des efforts qu’elles déploient pour concilier les avantages et les inconvénients dérivant du développement touristique et concrétiser une vision durable de l’avenir.
Le tourisme, catalyseur d’une croissance durable et inclusive
Le tourisme mondial connaît depuis maintenant plus de soixante ans une croissance régulière, qui a atteint son plus haut niveau en 2019, avec un nombre d’arrivées internationales estimé à 1.5 milliard, soit une hausse de 3.8 % en glissement annuel, chiffre nettement supérieur aux prévisions à long terme antérieures. Cette forte progression devrait se poursuivre, l’augmentation escomptée des arrivées touristiques internationales étant deux fois plus rapide dans les pays émergents que dans les pays avancés. Suivant un schéma analogue, les dépenses mondiales consacrées aux voyages ont plus que triplé entre 2000 et 2018, passant de 495 milliards USD à 1 500 milliards USD et représentant 7 % des exportations mondiales de biens et de services (OMT, 2019). Dans les pays de l’OCDE, le tourisme compte directement, en moyenne, pour 4.4 % du PIB, 6.9 % de l’emploi et 21.5 % des exportations de services.
Encadré 3.1. Le tourisme renforce l’attrait des sites
Des débouchés professionnels divers – Le tourisme est à l’origine directe de 6.9 % de l’emploi dans les pays de l’OCDE. C’est un secteur à forte intensité de main-d’œuvre, qui offre à ses employés des horaires de travail variables dans de nombreux sous-secteurs et des cadres très divers. Il fait appel à différents types et niveaux de qualifications (des plus faibles aux plus pointues), ainsi qu’à diverses compétences personnelles ou sociales, techniques ou pas, et, de plus en plus, à des compétences numériques et écologiques.
Des retombées positives pour les économies urbaines, régionales et rurales – En milieu urbain, le tourisme peut favoriser la mise en place d’activités, d’attractions, d’infrastructures et d’équipements pour attirer et accueillir les visiteurs internes et étrangers. En milieu rural, il est un important levier de développement et de croissance économiques, souvent axés sur la gastronomie, l’agriculture, la culture (art et artisanat) et les activités de plein air locales, et offre aux entreprises rurales la possibilité de diversifier leurs revenus (séjours à la ferme par exemple) et de participer aux chaînes d’approvisionnement locales.
Des créneaux pour les petites entreprises innovantes – Le tourisme crée une demande de biens spécifiques et de services spécialisés, notamment en matière de transport, d’hébergement, de voyage et de services auxiliaires, afin de répondre aux besoins de marchés de niche et émergents (tourisme d’aventure, de santé et de bien-être, créatif et sportif). Lorsque les petites et moyennes entreprises (PME) saisissent ces occasions de satisfaire les besoins particuliers des voyageurs, l’effet cumulé sur les communautés et économies locales peut être sensible, d’autant que les PME représentent 85 % environ des entreprises qui jouent un rôle de premier plan dans la prestation de services touristiques dans les pays de l’OCDE (hébergement et restauration, agences de voyage, voyagistes, etc.), alors qu’elles en représentent à peu près les deux tiers pour l’ensemble de l’économie.
Un appui à la promotion de l’authenticité culturelle et des atouts naturels – L’authenticité et les richesses culturelles sont d’importants atouts sur lesquels les pays et les destinations peuvent s’appuyer pour attirer les touristes. Lorsqu’il se fonde sur une large participation des parties prenantes et sur les principes d’un développement durable, le tourisme peut sensibiliser aux valeurs culturelles et environnementales et concourir au financement de la protection et de la gestion des espaces protégés et des sites fragiles. Il peut aussi remplir une fonction importante en mettant en évidence l’intérêt économique que présente la préservation du patrimoine environnemental et culturel et de l’authenticité de la destination, essentiellement par le niveau d’activité qu’il peut motiver dans l’économie locale, régionale et nationale.
Dans de nombreux pays, dont l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Finlande, la Nouvelle-Zélande et la Suède, le tourisme contribue en outre fortement à la promotion et au maintien des traditions, de l’art et de la culture indigènes, qui constituent généralement un attrait majeur pour les touristes et, partant, représentent une source essentielle de recettes pour de nombreuses communautés autochtones.
Une aide au développement et à l’entretien des infrastructures qui lui sont associées – L’amélioration des infrastructures de transport ne permet pas seulement d’attirer les touristes : elle influe également sur la qualité de vie de la population locale. Elle favorise en outre la répartition des avantages socio-économiques liés aux dépenses des touristes (revenus, emplois, etc.) et les contacts avec les résidents locaux (diffusion et entretien du patrimoine culturel, nouvelles compétences linguistiques, etc.). Le tourisme peut aussi apporter des fonds supplémentaires pour le développement et l’entretien du système de transport (Albalate et Bel, 2010), des espaces publics, des sites culturels, et des centres de conférence, éléments qui rehaussent tous l’attrait des destinations.
La croissance substantielle du tourisme mondial a grandement bénéficié de l’essor de la mondialisation et des progrès technologiques, qui ont diminué les prix des billets d’avion et permis aux individus de planifier et de réserver plus facilement leurs voyages, puis de partager leurs expériences en temps réel avec leurs amis. Cette expansion devrait se poursuivre, mais les mutations démographiques, la meilleure connectivité des destinations, les innovations technologiques et la prise en considération de la nécessité d’une croissance plus durable et inclusive vont sans doute bouleverser le visage du tourisme à l’horizon 2040, présentant un éventail de possibilités et de défis aux destinations (OCDE, 2018).
Les retombées spécifiques de ces évolutions demeurent incertaines et varieront d’un pays et d’une destination à l’autre, mais il apparaît nettement que pour s’y préparer et prendre les mesures adéquates, les pouvoirs publics de tous niveaux devront définir une orientation stratégique claire, assortie d’objectifs rationnels, et adopter une démarche intégrée associant les principales parties prenantes. L’élaboration d’une stratégie globale à long terme, accompagnée de plans d’action à court et moyen termes offrant la souplesse nécessaire pour déceler rapidement les tendances nouvelles et les priorités mouvantes, et s’y adapter, fournira une assise stable pour une croissance durable et inclusive (OCDE, 2018).
Le tourisme est l’un des secteurs qui affichent la croissance la plus forte, la plus rapide, et la plus régulière ; à ce titre, son rôle central dans l’activité économique mondiale, par sa contribution substantielle à la création d’emplois, aux recettes d’exportations et à la valeur ajoutée intérieure notamment, est largement reconnu. Dans ce contexte, il peut fortement contribuer à renforcer l’attrait et la qualité de vie des destinations touristiques, mais aussi à en faire des lieux où il est agréable de vivre, de travailler et d’investir, ce qui permet d’attirer les jeunes professionnels qualifiés dont les secteurs à forte valeur ajoutée dépendent de plus en plus (Glaeser, 2010). Le tourisme est de ce fait en mesure de favoriser considérablement le développement socioéconomique des zones urbaines et rurales, ainsi qu’une croissance économique inclusive en offrant i) des débouchés professionnels divers ; ii) des retombées bénéfiques pour les économies urbaines et régionales ; iii) des créneaux pour les petites entreprises innovantes ; iv) un appui à la promotion de l’authenticité culturelle et des atouts naturels ; v) une aide au développement et à l’entretien des infrastructures qui lui sont associées (Encadré 3.1).
Le tourisme durable ne doit pas être considéré comme une forme particulière de tourisme ; ce sont plutôt toutes les formes de tourisme qui doivent s’efforcer d’être plus durables. La viabilité à long terme du développement touristique suppose un équilibre idoine entre ses composantes environnementales, économiques et socioculturelles. Elle appelle la participation éclairée de toutes les parties intéressées, ainsi qu’une forte détermination politique pour assurer une large mobilisation et l’élaboration de consensus. La mise en place d’un tourisme durable est un processus permanent qui nécessite un suivi constant de ses retombées (économiques, sociales et environnementales) de manière à exploiter les possibilités et à remédier aux problèmes à mesure qu’ils surgissent, et à éclairer les stratégies ultérieures (OCDE, 2018b ; PNUE et OMT, 2005 et 2012).
Des pressions croissantes sur les destinations
Si, à l’évidence, le tourisme peut amener des évolutions favorables, il est communément reconnu que sa croissance rapide et non maîtrisée peut avoir diverses conséquences négatives. Ainsi, le surpeuplement et l’encombrement des infrastructures touristiques, souvent qualifiés de surtourisme ou de tourisme déséquilibré, peuvent entraîner une dégradation des sites naturels et historiques, des monuments, des paysages et des espaces publics et, partant, une perte d’identité et d’authenticité des destinations, ce qui a une incidence négative sur l’expérience touristique, mais aussi sur l’environnement et les populations hôtes dont dépend manifestement le secteur (OCDE, 2018b ; Peeters et al., 2018 ; OMT et al., 2018 et 2019 ; WTTC-McKinsey, 2017).
Encadré 3.2. Effets observés associés à une croissance rapide ou non maîtrisée du tourisme
Les retombées environnementales dues à l’intensification de la fréquentation résultent généralement de l’augmentation progressive du nombre de visiteurs, des pointes saisonnières ou de chocs plus soudains, de courte durée, comme l’arrivée d’un grand navire de croisière ou l’organisation de manifestations d’envergure. De hauts niveaux d’encombrement peuvent entraîner la dégradation des infrastructures et équipements touristiques, ainsi que de la flore et de la faune locales, et dépasser la capacité des services auxiliaires, comme l’infrastructure de transport, la gestion de l’eau et des déchets (déchets plastiques, alimentaires, solides, et eaux usées) à gérer la demande. La surfréquentation touristique peut provoquer l’érosion de ressources fragiles comme les sites naturels et historiques. L’accroissement de la pollution atmosphérique, lumineuse et sonore et les émissions de gaz à effet de serre sont d’autres effets que peuvent générer le transport de touristes à destination et en provenance des sites, et sur place, ainsi que des approvisionnements nécessaires.
Les conséquences socioculturelles de la hausse de la demande et du volume de visiteurs consistent notamment en obstacles aux activités quotidiennes des habitants dus à la surfréquentation et à l’engorgement des attractions touristiques, des espaces et des transports publics. L’augmentation du nombre de touristes au-delà de la capacité d’accueil des destinations peut aussi accentuer les pressions sur l’infrastructure et les services existants, et avoir ainsi une incidence négative sur le vécu des populations locales et des visiteurs. Dans les zones urbaines, le déploiement des touristes dans des quartiers auparavant résidentiels autres que les « zones » touristiques habituelles peut se traduire par l’aliénation des populations locales, due au comportement inapproprié des touristes, à l’intensification de la pollution sonore et de la circulation des piétons et des véhicules, et à la dégradation des infrastructures et équipements de la communauté.
L’accroissement des flux de visiteurs peut avoir d’autres effets, notamment la perte d’authenticité et l’appauvrissement de l’identité et du patrimoine culturels, par exemple lorsque le développement des services culturels, d’hébergement, et aux particuliers pour les visiteurs concurrence et supplante les services et commodités destinés aux habitants. Par ailleurs, le processus d’adaptation et d’ajustement visant à satisfaire aux besoins, aux comportements et aux valeurs des touristes peut amener une transformation des manifestations, activités ou sites culturels, ou la perte ou l’érosion des traditions et valeurs culturelles.
Les répercussions économiques peuvent dériver d’une dépendance excessive à l’égard des revenus du tourisme, les destinations qui connaissent une forte saisonnalité étant particulièrement vulnérables et exposées aux difficultés économiques en basse saison, tandis que des événements ou des chocs inattendus (phénomènes météorologiques, épidémies ou attentats terroristes par exemple) risquent pour leur part d’avoir une incidence disproportionnée sur les destinations fortement tributaires du tourisme. Un caractère très saisonnier peut aussi créer des pressions sur l’emploi dans d’autres secteurs en haute saison. En outre, bien qu’elles soient en mesure de fournir une capacité d’accueil supplémentaire en périodes de pointe et d’en distribuer les effets au-delà des hauts lieux touristiques, la croissance exponentielle des plateformes d’hébergement telles Airbnb dans de nombreuses villes a favorisé la désorganisation des marchés immobiliers locaux, et a notamment provoqué une inflation des prix immobiliers, une concurrence déloyale pour les prestataires de services d’hébergement agréés, et la gentrification des lieux très touristiques et des centres-villes, parfois jusqu’à en chasser les résidents.
Le terme fardeau invisible est un néologisme qui décrit les coûts non comptabilisés liés à l’offre d’une infrastructure locale et à la protection des systèmes environnementaux et socioculturels au profit des touristes et des résidents. Les coûts pour chaque destination se rapportent à l’infrastructure nécessaire au transport, à l’alimentation et au logement des touristes et des employés du secteur, à leur approvisionnement en énergie et en eau, et à la gestion de leurs déchets. (Epler Wood et al., 2019).
Source : González et al., 2018 ; OCDE, 2018 ; Peeters et al., 2018 ; Postma et Schmuecker, 2017 ; OMT et al., 2018 ; CMTT-McKinsey, 2017.
L’ampleur et la combinaison des retombées environnementales, socioculturelles et économiques liées à l’accroissement des effectifs touristiques varieront en fonction des caractéristiques propres à chaque destination et de multiples autres facteurs (Encadré 3.2) : répartition spatiale et temporelle des visiteurs, durée et type de séjours, aptitude des sites sensibles à gérer les volumes de touristes, et capacité ou disposition des communautés concernées à s’adapter au fil du temps. Chacun de ces facteurs peut influer sur l’incidence du tourisme sur un site ou une destination, les plus vulnérables étant souvent les régions côtières et montagneuses, les îles et les sites du patrimoine culturel.
Aujourd’hui, à l’ère du numérique, l’utilisation généralisée des médias sociaux et des plateformes collaboratives peut accélérer à la fois la croissance et la concentration temporelle et géographique des flux touristiques sur bon nombre de sites (Peeters et al., 2018). En conséquence, les comportements touristiques non conformes aux normes culturelles et sociales posent des problèmes à de nombreuses destinations urbaines confrontées au phénomène grandissant du tourisme de « mèmes », favorisé par les médias sociaux et le désir de nombreux touristes de « créer leur marque, plutôt que d’élargir leurs horizons », lequel suscite souvent des plaintes des résidents qui jugent « irrespectueux de traiter les populations comme des sujets photographiques » et estiment que les touristes sont plus soucieux de prendre des photos que d’apporter une contribution à l’économie locale (Mahdawi, 2019).
Tableau 3.1. Retombées potentielles du tourisme par type de destination
Effets potentiels |
Type de destination |
||||
---|---|---|---|---|---|
Urbaines |
Patrimoine et attractions |
Côtières et insulaires |
Rurales |
Global |
|
Environnementaux |
|||||
Saturation (infrastructure) |
X |
O |
O |
O |
X |
Surfréquentation (attractions) |
X |
X |
X |
O |
X |
Pollution |
O |
O |
X |
||
Détérioration des sites |
O |
O |
X |
||
Économiques |
|||||
Inflation |
X |
X |
X |
X |
|
Coûts d’infrastructure |
X |
||||
Image de la destination |
X |
X |
|||
Dépendance économique |
X |
||||
Socioculturels |
|||||
Marginalisation des habitants |
X |
X |
X |
X |
|
Dégradation du sentiment de sécurité |
X |
X |
|||
Expansion vers les quartiers résidentiels |
X |
||||
Dégradation de l’infrastructure |
X |
Note : à partir d’un examen de 41 études de cas internationales : X = effet présent dans 40 % des cas ou plus ; O = effet présent dans 70 % des cas ou plus.
Source : d’après Peeters et al., (2018).
La croissance exponentielle de l’économie collaborative dans le secteur en est un autre exemple. Les plateformes collaboratives peuvent stimuler la croissance économique et la création d’emplois, et produire de la valeur ajoutée en encourageant les visiteurs à se déployer sur des destinations moins connues, ce qui peut favoriser le développement régional. Néanmoins, ces avantages s’accompagnent souvent d’externalités négatives. Les services de cohébergement en particulier peuvent avoir des conséquences sur le voisinage et les habitants, en raison du bruit et d’autres désagréments, et en aggravant les tensions sur le marché local du logement et sur les prestataires traditionnels de services d’hébergement. Dans le pire des cas, une mauvaise gestion du développement de ces services peut aussi avoir des conséquences préjudiciables sur le tissu historique des destinations, en favoriser la gentrification, diminuer leur attrait et leur accessibilité financière en tant que lieux de vie et, à terme, compromettre leur viabilité en tant que destination touristique prisée (OCDE, 2016b).
En Islande, par exemple, le gouvernement s’est rendu compte que le développement du secteur touristique, pour être viable à long terme, devait intervenir en bonne entente avec la population locale. Il a donc fait adopté, en 2017, une législation qui exige la déclaration et le contrôle des activités d’hébergement collaboratif des particuliers, la durée de location autorisée d’un bien immobilier étant limité à 90 jours par an. Le renforcement de la surveillance qui a fait suite à l’entrée en vigueur de cette législation indique que le nombre de déclarations est en hausse, l’offre totale et le nombre de nuitées dans ce type d’hébergement accusant en revanche une baisse.
Encadré 3.3. Gérer la surfréquentation des falaises de Moher en Irlande
Les falaises de Moher sont l’un des sites naturels les plus visités d’Irlande. Le centre Cliffs of Moher Visitor Experience, ouvert il y a 12 ans, est soumis à une affluence croissante et fonctionne à pleine capacité neuf mois par an. Construits en grande partie sous terre pour atténuer leur impact visuel sur l’environnement naturel, l’infrastructure et les bâtiments d’accueil ont été conçus à l’origine pour recevoir 400 000 visiteurs par an ; or, en 2018, leur nombre frôlait la barre de 1.6 million, et devrait atteindre près de 2 millions par an à l’horizon 2025.
Diverses mesures ont donc été mises en œuvre pour remédier à ces problèmes de saturation critique et de gestion des visiteurs. De juin à août, une navette relie huit fois par jour le site aux villes environnantes. Ce service a pour objectif d’encourager les visiteurs des falaises à passer plus de temps dans la région, de réduire les répercussions environnementales de la circulation touristique sur les routes locales et de distribuer plus largement les avantages économiques dérivant du site.
Un système de tarification dynamique a par ailleurs été établi pour les autocaristes, qui leur offre des tarifs d’entrée réduits en basse saison afin de lutter contre la surfréquentation, d’encourager les séjours avec nuitée dans le comté de Clare, et de contribuer à réduire la saisonnalité. D’autre part, des tarifs d’entrée spéciaux au Cliffs of Moher Visitor Experience sont proposés aux prestataires locaux de services d’hébergement, qui peuvent ainsi les inclure dans leurs offres, pour encourager les séjours avec nuitées plutôt que les excursions d’un jour, et pour améliorer la compétitivité de la destination.
Par ailleurs, les autorités locales élaborent actuellement un plan directeur qui sera prêt fin 2020 et prévoit la modernisation du centre de visiteurs et la construction d’un nouveau bâtiment et d’un campus. Le défi majeur consiste à assurer aux visiteurs une excellente expérience touristique et, dans le même temps, à préserver et protéger les atouts naturels du site et à limiter les retombées négatives éventuelles sur la qualité de vie des habitants.
Source : Department of Transport, Tourism and Sport, Irlande, 2019
Des plafonds analogues sur la location de logements entiers et d’autres restrictions ont été adoptés dans de nombreuses villes, dont Paris (120 jours), Londres (90 jours), San Francisco (90 jours), et Amsterdam (30 jours). À Barcelone, le conseil municipal exige la déclaration de tout logement destiné à la location touristique et applique des mesures rigoureuses d’inspection et de contrôle pour assurer le respect des réglementations locales – en 2017, la ville a demandé à Airbnb de retirer 2 577 annonces de locations qu’elle estimait fonctionner sans autorisation municipale, sous peine d’un procès susceptible de déboucher sur une amende substantielle (O'Sullivan, 2018).
Comme mentionné plus haut, l’incidence du tourisme est fonction des caractéristiques propres à chaque destination. Une étude récente portant sur 41 cas internationaux de surtourisme a notamment analysé 18 effets potentiels distincts pour déterminer la fréquence de chacun (Peeters et al., 2018). L’étude a examiné 29 destinations de l’UE et 12 destinations hors UE, également réparties selon quatre catégories de tourisme (rural, urbain, côtier et insulaire, patrimonial et d’attractions). Bien que portant spécifiquement sur les cas de surtourisme et essentiellement sur des destinations européennes, ce type d’analyse est un instrument utile pour cerner les retombées que l’essor rapide du tourisme peut avoir sur différentes sortes de destinations. Le tableau ci-dessous présente les effets qui apparaissent dans 40 % des cas au moins, ventilés selon les catégories suivantes : environnementaux, économiques et socioculturels (Tableau 3.1).
Comme il fallait sans doute s'y attendre, les retombées environnementales sont celles qui sont le plus souvent observées dans les destinations rurales, côtières et insulaires victimes du surtourisme, les retombées socioculturelles étant plus courantes dans les destinations urbaines. L’engorgement des infrastructures et la saturation des attractions, sites naturels, historiques et architecturaux compris (deux effets qui relèvent de la catégorie des retombées environnementales), sont les seules incidences observables dans les quatre types de destinations, ce qui montre qu’il s’agit d’un problème commun aux destinations en tension, et qu’il doit être pris en considération pour les destinations en développement. Un projet visant à remédier au problème de la surfréquentation a été appliqué avec un certain succès en Irlande, aux falaises de Moher, comme expliqué ci-dessous (Encadré 3.3).
Bien qu’il n’existe pas de remède universel, l’incapacité à prendre en compte de manière adéquate les effets de l’augmentation des effectifs touristiques peut amener à s’interroger sur l’intérêt ou la valeur du tourisme pour les destinations, voire provoquer un ressentiment envers les visiteurs. Elle peut aussi avoir une incidence négative, à long terme, sur la compétitivité de la destination ; autrement dit, certaines destinations pourraient devenir victimes de leur propre succès.
Revoir le cadre d’action à l’appui de la croissance du tourisme
Le constat que les activités touristiques doivent être plus durables ne date pas d’hier. En parallèle, l’augmentation des arrivées internationales, qui ont progressé de près de 250 % au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, et l’expansion géographique du tourisme au-delà des destinations traditionnelles, au bénéfice des économies touristiques émergentes, ont accru la sensibilité aux questions de durabilité. D’abord axée sur l’environnement naturel, celle-ci s’est étendue aux sphères sociales, économiques et culturelles et à l’environnement construit (UNEP et OMT, 2005).
Cette prise de conscience de la nécessité de veiller à ce que les retombées favorables du tourisme ne s’accompagnent pas d’effets environnementaux et socioéconomiques insoutenables a motivé la définition largement reconnue du tourisme durable proposée par le Programme des Nations Unies pour l’environnement et par l’OMT en 2005. En termes simples, le tourisme durable est un tourisme qui « tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil ».
Le secteur du tourisme a ceci de particulier qu’il agit directement sur les composantes socioéconomiques et environnementale de la durabilité et qu’il est influencé par ces dernières, y compris dans le domaine du changement climatique (OCDE/PNUE, 2011). Ces 10 à 15 dernières années, les pays ont pris des mesures importantes pour mieux cerner ses retombées sur l’environnement naturel et les sociétés d’accueil, et pour intégrer la notion de durabilité dans la politique touristique, ceci afin d’atténuer les effets potentiels du tourisme et de rehausser la compétitivité des destinations. Cette évolution transparaît dans les conclusions d’un rapport récent de l’OMT et d’ONU Environnement (2019) qui passe en revue 73 politiques nationales du tourisme et constate que toutes intègrent la durabilité à leurs objectifs ou à leur vision d’ensemble, que plus de la moitié y font référence de manière plus détaillée, et que la plupart mentionnent l’efficience des ressources. De fait, de nombreux pays s’appuient désormais sur leurs références établies en matière d’environnement et de durabilité pour marquer leur différence sur un marché de plus en plus encombré (Costa Rica, Finlande, Nouvelle-Zélande et Slovénie par exemple).
Malgré ces avancées, l’apparition d’effets négatifs liés à l’accroissement rapide et non maîtrisé du volume de visiteurs, qui dépasse la capacité d’accueil des destinations, donne à penser que bon nombre d’entre elles éprouvent des difficultés à établir un juste équilibre entre les retombées environnementales, économiques et sociales.
Pour assurer avec plus d’efficacité le développement touristique harmonieux des destinations, il faudra prêter davantage attention aux composantes environnementales et socioculturelles de la durabilité. Le programme ONU Environnement a recensé cinq domaines d’action stratégique pour les responsables publics désireux d’établir et d’appliquer des mesures et des pratiques commerciales durables : i) renforcer les politiques et les partenariats à l’appui de la durabilité ; ii) donner aux PME du tourisme les moyens d’accéder aux mécanismes de financement du développement durable ; iii) encourager la prise de décisions fondée sur des données factuelles ; iv) assurer le suivi des progrès ; et v) diversifier l’offre de manière à y intégrer des produits et des services durables. À titre d’exemple, la promotion de la gastronomie, des arts, de l’artisanat et des divertissements, du patrimoine naturel et culturel d’une destination encourage la participation d’un large éventail d’intervenants, de petites entreprises, de groupes locaux et d’échelons de l’administration publique, ce qui crée de nouveaux débouchés commerciaux et des emplois (PNUE, 2017).
Un défi particulier pour les responsables publics sera d’offrir des incitations adaptées tout au long de la chaîne de valeur afin de promouvoir la durabilité, et de démontrer clairement que les politiques visant à favoriser une croissance durable et inclusive peuvent non seulement être bénéfiques aux entreprises, mais qu’elles sont nécessaires. Pour assurer l’efficacité à long terme de ces politiques, il faut d’une part que les entreprises les adoptent en tant que principe directeur de leurs activités commerciales, d’autre part qu’elles créent de la valeur pour la société en général, et pour les entreprises qui satisfont à ses besoins (Postma et al., 2017).
Évaluer le succès du tourisme – un changement de paradigme s’impose
Comme le nombre total d’arrivées internationales va sans doute dépasser l’estimation établie de longue date de 1.8 milliard en 2030, et que celui des arrivées touristiques intérieures risque d’atteindre quatre fois ce chiffre, la transition vers une économie bas carbone sobre en ressources et vers une économie inclusive est plus pressante que jamais. Il convient donc de repenser le cadre d’action pour le développement du tourisme, et de renoncer au paradigme de croissance qui fait souvent de l’augmentation du nombre de visiteurs l’objectif premier, sans tenir compte ni de la capacité des destinations à faire face à l’intensification touristique, ni d’autres objectifs de l’action publique (Peeters et al., 2018), en faveur d’un autre paradigme tenant mieux compte de l’intégration des politiques nécessaire pour surmonter des enjeux interdépendants, et capable de forger une vision durable de l’avenir. L’objectif poursuivi est un avenir où le « succès » du tourisme ne sera pas évalué par le seul nombre de visiteurs, mais plutôt par ses éventuelles retombées positives au niveau de la destination et par les avantages qu’il apportera aux économies et populations locales. Le secteur touristique ne doit pas être jugé en fonction de la demande, mais de son efficacité à fournir des moyens de subsistance, en contribuant à l’économie locale et aux avantages nets pour les destinations, les communautés et les peuples autochtones (Goodwin, 2016).
Ainsi, une analyse récente des cadres d’action pour le tourisme urbain de 11 villes européennes a révélé que les politiques touristiques, dans leur grande majorité, visent encore essentiellement à accroître les retombées bénéfiques du secteur sur l’économie, à attirer les visiteurs à fort pouvoir d’achat, et à augmenter la part de marché du tourisme, et qu’elles sont rarement accompagnées de mesures destinées à favoriser la durabilité environnementale et sociale pour atténuer ses effets négatifs. Cela dit, des villes comme Amsterdam, Barcelone et Paris s’emploient actuellement à élaborer des politiques de tourisme urbain durable fondées sur l’aménagement du territoire, la protection du logement, la réglementation du commerce de détail ou des stratégies de mobilité. Ces villes développent de nouvelles méthodes de gouvernance en intégrant les mesures en matière d’urbanisme, de logement et de mobilité dans leurs stratégies touristiques (González et al., 2018).
Encadré 3.4. Perspective 2030 – Optimiser le pouvoir de transformation du tourisme aux Pays‑Bas
En 2018, l’Office néerlandais du tourisme et des congrès (NBTC) a conduit un exercice approfondi, réunissant plus de cent participants du secteur et d’autres domaines, en vue d’élaborer une nouvelle vision d’avenir pour le tourisme et d’optimiser son pouvoir de transformation et sa contribution à la résolution des enjeux sociaux aux Pays-Bas.
Si, par le passé, les autorités et le secteur hôtelier néerlandais ont donné priorité à la promotion de la destination Pays-Bas dans le but d’attirer de plus grands nombres de visiteurs, il est apparu clairement, ces dernières années, que le « plus » n’est pas toujours synonyme de « mieux ». Dans les villes et les sites iconiques en particulier, la saturation touristique a eu une incidence négative sur la qualité de vie, alors que d’autres lieux au Pays-Bas ne tirent toujours pas suffisamment profit des débouchés et des avantages économiques que le tourisme peut apporter. Il a été constaté que, pour maîtriser les flux de visiteurs et tirer parti des possibilités qu’offre le tourisme, un changement de paradigme s’imposait – et qu’il s’agissait désormais non plus d’assurer la promotion des destinations mais leur gestion.
Adoptée en 2019, Perspective 2030, présente la nouvelle stratégie de Destination Holland, dont l’ambition est que le tourisme profite à chaque citoyen néerlandais à l’horizon 2030. Pour créer une destination aimée, appréciée et agréable à vivre, Perspective 2030 définit cinq axes stratégiques pour guider le développement du tourisme :
Assurer l’équilibre entre les avantages et les inconvénients – prendre des mesures en vue d’accroître les avantages du tourisme pour tous les citoyens néerlandais et, en parallèle, en ramener activement et visiblement les inconvénients au minimum acceptable.
Faire de tous les Pays-Bas une destination attrayante – assurer la répartition plus équitable des visiteurs sur l’ensemble du territoire, à des moments différents, en améliorant les offres existantes ou en en créant de nouvelles, et en mettant en valeur les régions inconnues.
Assurer l’accessibilité et la mobilité – mettre en place un système de transports intégré (aérien, ferroviaire, routier et fluvial) offrant à la population et aux visiteurs des moyens de transport durables et une accessibilité optimale.
Respecter l’impératif de durabilité – pour préserver le cadre de vie de tous les citoyens néerlandais, l’économie touristique a pour responsabilité d’améliorer sa durabilité, de faire un usage circulaire des matières premières, de prévenir la pollution et les déchets, ainsi que les émissions de CO2.
Créer un secteur accueillant – investir dans l’image, le professionnalisme et les atouts du secteur en tant qu’employeur au travers de nouveaux modes de formation et de perfectionnement professionnels, en attirant de nouveaux employés et en offrant des perspectives d’avancement.
Perspective 2030 recense également trois conditions préalables à la réussite de la stratégie : i) faire du tourisme une priorité politique ; ii) définir un programme d’action et d’investissement pour encourager l’investissement dans le développement (régional) ; iii) procéder au rapprochement des données nationales aux fins d’échange de données et d’informations à l’échelon régional et national.
Source : NBTC Holland Marketing (2019).
En riposte aux effets provoqués par l’engorgement touristique d’Amsterdam et de ses environs, l’Office néerlandais du tourisme et des congrès (NBTC) a introduit en 2019 la stratégie Perspective 2030 qui participe de la réorientation de sa politique de promotion du tourisme vers la gestion des visiteurs, au profit de tous les habitants (Encadré 3.4).
En Croatie, la ville de Dubrovnik a lancé le projet « Respect the City », qui vise à lutter contre les effets néfastes du surtourisme et à assurer un développement touristique durable et responsable dans le cadre d’une coopération étroite avec les principaux intervenants. Dans ce contexte, la ville travaille en partenariat avec le Comité municipal du tourisme, les autorités portuaires, les services de police et le secteur du tourisme. La saisonnalité est particulièrement élevée à Dubrovnik, les paquebots de croisière concourant largement de la surfréquentation touristique à laquelle est confrontée la Vieille ville, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Au cours de sa première année de mise en œuvre, le projet s’est essentiellement employé à mieux gérer les flux de visiteurs croisiéristes et à coordonner les arrivées d’autocars au centre de la vieille ville. Il a pour autres objectifs de collaborer avec le secteur afin d’établir des normes pour assurer un environnement touristique favorable, et de prendre des mesures pour fournir aux visiteurs des informations actualisées et encourager des comportements acceptables afin de réduire au minimum les répercussions négatives sur la population locale.
Vers une approche intégrée à la politique touristique
Comme évoqué au chapitre 1, une approche intégrée à la politique touristique, avec le concours et le soutien de la filière et de la société civile, s’impose pour tirer parti des débouchés qu’offre le tourisme et gérer les multiples enjeux auxquels le secteur est confronté. On citera notamment i) la complexité de l’élaboration des politiques du tourisme, qui s’explique par la nature transversale et fragmentée du secteur et par la multiplicité de niveaux qui le caractérise ; ii) l’infrastructure et les compétences nécessaires pour satisfaire à la demande prévue ; iii) la nécessité de protéger, gérer et enrichir les ressources naturelles et culturelles (Encadré 3.5) ; et iv) la transformation des services touristiques liée aux nouvelles technologies et à la numérisation de l’économie. En privilégiant la durabilité environnementale, l’inclusivité, la diversification, l’innovation et les améliorations stratégiques à la productivité, cette démarche permettra d’assurer la longévité du tourisme en tant que force économique et sociale, au lieu de simplement réagir ou de viser des objectifs de court terme dans un but de stabilisation, d’ajustement ou de redéploiement sur de nouveaux créneaux.
La coordination en matière d’élaboration et d’application de la politique touristique doit intervenir sur le plan horizontal, au niveau national, mais aussi vertical, entre l’administration publique, les régions et les destinations locales qui accueillent les visiteurs et concourent à la création de l’offre touristique concrète. La Suisse, par exemple, a établi le Forum Tourisme Suisse (FTS), qui offre une plateforme d’échanges, de coordination et de coopération aux intervenants du secteur. Des groupes de travail constitués de représentants du secteur privé, des cantons, des communes, des services fédéraux et d’experts des thématiques abordées se réunissent à intervalles réguliers, souvent dans un cadre temporaire. Les résultats de leurs travaux sont présentés lors de la réunion annuelle du Forum, où la marche à suivre pour l’année à venir est également définie. La durabilité est au cœur de l’activité du Forum, et le tourisme durable sera le thème central de sa réunion annuelle en 2020.
Les stratégies nationales visant à promouvoir un tourisme durable font de plus en plus valoir l’importance d’une gestion efficace des destinations, en termes de commercialisation et de développement de produits notamment. Cette démarche peut être favorisée par des organismes régionaux et locaux capables de définir et d’appliquer des mesures à destination. À ce niveau aussi, une approche partenariale s’impose pour rapprocher les pouvoirs locaux et les entreprises du secteur privé et pour donner aux collectivités locales et autres intérêts locaux un pouvoir de représentation (OCDE, 2018). À l’échelon local et régional, de nombreux pays font appel à des organismes de gestion des destinations pour servir d’intermédiaires entre divers acteurs ‑ entreprises touristiques, organismes publics, associations professionnelles, organismes de réglementation, universités et instituts de formation technique, associations de commercialisation, ONG locales et médias – et mobiliser leur coopération afin que leurs efforts concertés et conjoints aient des effets plus importants et appréciables, sur le plan économique, pour le secteur du tourisme au niveau de la destination. Cet exercice consiste en partie à faire remonter les informations relatives aux retombées et aux expériences infranationales afin d’alimenter les plans et stratégies touristiques nationaux, puis à élaborer des plans locaux et régionaux qui sont en phase avec les résultats souhaités et favorisent leur réalisation.
Encadré 3.5. L’initiative Tourism Sustainability Commitment en Nouvelle-Zélande
En Nouvelle-Zélande, le projet Tourism Sustainability Commitment, lancé par Tourism Industry Aotearoa et menée par le secteur, a pour objectif de veiller à ce que chaque entreprise de tourisme néo-zélandaise se soit engagée à assurer un développement touristique durable d’ici à 2025 (www.sustainabletourism.nz). Mis sur pied par le secteur pour le secteur, il définit huit objectifs de durabilité à l’échelon sectoriel, et 14 engagements que les entreprises s’efforcent de respecter pour favoriser leur réalisation, priorité étant donnée à quatre axes stratégiques :
Durabilité économique – les entreprises prospères sont en mesure de saisir les possibilités qu’offrent les autres composantes de la durabilité.
Durabilité du tourisme – une stratégie consistant à satisfaire et dépasser les attentes des touristes est pour le secteur un moyen essentiel de créer de la valeur ajoutée.
Pérennité des communautés d’accueil – des populations accueillantes, bien disposées à l’égard des visiteurs, sont une composante fondamentale de l’offre touristique de la Nouvelle-Zélande. Les entreprises durables doivent trouver des moyens d’ajouter de la valeur à leurs communautés pour préserver et renforcer l’approbation sociale dont elles bénéficient pour y exercer leur activité.
Tourisme écologiquement viable – le secteur touristique doit jouer un rôle phare dans la protection et la valorisation de l’environnement dont il dépend, au profit des générations futures.
L’initiative Sustainability Commitment a pour ambition de faire de la durabilité économique, environnementale et sociale un authentique fondement éthique de l’industrie touristique néo-zélandaise. Toutes les entreprises et organisations touristiques nationales peuvent y adhérer. En décembre 2019, c’était le cas de 80 % environ des 1 600 membres de Tourism Industry Aotearoa. Ces prochaines années, d’autres informations et instruments seront mis au point pour aider les entreprises à progresser dans la mise en œuvre des 14 engagements, l’objectif étant de relever progressivement les normes sectorielles et de faire de la participation au projet une composante universelle du secteur du tourisme néo-zélandais. L’objectif à terme est d’intégrer les pratiques durables de manière à ce qu’elles deviennent la norme de fonctionnement du secteur.
En Autriche, par exemple, le Plan T – Plan directeur pour le tourisme, a été publié en 2019, à l’issue d’un processus de concertation d’envergure réunissant plusieurs centaines de représentants de toutes les branches du secteur, en vue d’élaborer des lignes directrices pour le développement durable de la destination Autriche qui serviront de guide aux décisions politiques à tous les échelons (Encadré 3.6).
En Irlande, la déclaration de stratégie touristique du gouvernement, People, Place, and Policy : Growing Tourism to 2025, conforte la place centrale du tourisme danse sa stratégie économique et fonde le développement du secteur sur les normes les plus élevées de durabilité environnementale et économique. Les buts et objectifs qu’elle définit seront réalisés dans le cadre de plusieurs plans d’action. Un Tourism Leadership Group, constitué de membres d’organismes représentatifs du secteur, notamment les agences de tourisme, des autorités locales, et d’experts du commerce de détail et des technologies du tourisme, supervise l’élaboration et l’exécution de ces plans. Le plan actuel énonce les mesures jugées prioritaires à mettre en œuvre d’ici à 2021 pour préserver la croissance durable des recettes du tourisme international et de l’emploi. Il vise à renforcer les relations au sein du secteur touristique et encourage la collaboration entre tous ses acteurs, ainsi que les possibilités de convergence entre le tourisme et d’autres domaines stratégiques gouvernementaux. Le plan souligne ce qui suit :
Dans le cadre de sa participation aux forums interministériels, le ministère des Transports, du Tourisme et des Sports continuera d’examiner les possibilités qu’offre la stratégie gouvernementale globale de favoriser un développement touristique durable ;
Faisant fond sur l’efficacité des partenariats stratégiques et des solides relations de travail établies entre les agences de tourisme et d’autres organismes publics, l’agence nationale de développement touristique, Fáilte Ireland, va créer des groupes de coordination régionaux en vue de formuler une approche structurée cohérente pour ordonnancer les opérations de développement touristique.
Encadré 3.6. Une nouvelle approche à la planification du tourisme durable en Autriche
Le Plan T – Plan directeur pour le tourisme fait de la durabilité, sous toutes ces formes, le principe directeur dominant du tourisme autrichien. En l’occurrence, il vise à favoriser la mise en œuvre du Programme 2030 et des objectifs de développement durable des Nations Unies. Les destinations touristiques sont des cadres de vie qui doivent être conçus de manière à ce que les étrangers comme la population locale s’y sentent à l’aise, et sous une forme qui autorise la création de valeur ajoutée et d’emplois régionaux tout en respectant la nature et l’environnement.
L’élaboration du Plan directeur a été engagée selon le principe d’un « dialogue sur un pied d’égalité avec le secteur », dans l’idée qu’un processus participatif assorti d’une consultation d’envergure des intervenants améliore la qualité du produit final, mais favorise également l’adhésion de ces derniers au plan et met en place les conditions propices à une mise en œuvre en grande partie conjointe. L’exercice de consultation a consisté en une enquête menée auprès de plus de 600 entreprises touristiques, 30 entretiens d’ordre qualitatif avec des acteurs du secteur, et neuf ateliers organisés sur l’ensemble du territoire. Les ateliers ont réuni plus de 500 participants dans un cadre d’échanges pour examiner des idées, des propositions, des mesures et des exemples d’activités qui constitueront l’assise du développement futur du tourisme autrichien.
Le Plan directeur définitif comporte trois objectifs d’orientation et neuf domaines d’action :
Repenser le tourisme : renforcer la sensibilité au tourisme, instaurer une culture de coopération, exploiter le potentiel des outils numériques
Continuer à développer le secteur phare du XXIe siècle : établir un environnement attrayant pour les entreprises, adapter les formations et le marché du travail aux besoins futurs, pérenniser le cadre de vie autrichien
Concentrer les forces : créer de la valeur ajoutée pour tous à l’échelon régional, développer la commercialisation touristique, assouplir les méthodes de financement et de promotion.
Un autre exemple de démarche intégrée nous est offert par la Lettonie, où les actuelles Lignes directrices pour le développement du tourisme 2014–20 tiennent compte des mesures et des projets du ministère de l’Économie (ministère responsable de la politique du tourisme), mais aussi d’autres institutions en partie ou totalement impliquées dans le développement touristique. Pour la prochaine période de planification stratégique (2021–27), toutefois, le tourisme sera intégré aux Lignes directrices pour l’industrie nationale et associé à d’autres secteurs, apparentés ou pas. Figurera séparément, en annexe, un plan de développement qui lui sera propre, de sorte que le secteur disposera à la fois d’un plan détaillé définissant ses objectifs et ses activités et d’une perspective plus large sur sa collaboration avec d’autres secteurs dans le cadre des Lignes directrices.
Encadré 3.7. Orientations de l’OCDE pour aller vers des approches stratégiques cohérentes et globales à l’élaboration des politiques
Les Conclusions politiques de l’OCDE - Des politiques du tourisme pour une croissance durable et inclusive font valoir que pour être efficaces, les stratégies intégrées appellent ce qui suit :
Une reconnaissance que le tourisme ne relève pas uniquement de la compétence des administrations centrales, mais qu’il concerne tous les niveaux d’administration, lesquels n’ont pas dans ce domaine le même mandat ni le même degré d’autonomie d’un pays à l’autre.
Le soutien et l’impulsion des décideurs publics au plus haut niveau, et l’adoption d’une perspective de moyen à long terme.
Une prise de conscience de l’utilité d’un dialogue solide entre les pouvoirs publics, le secteur du tourisme et la société civile (dont les partenaires sociaux et les établissements universitaires) aux stades de l’élaboration, de l’application et du suivi des mesures.
Le recours à des données factuelles et un cadrage précis des rôles, fonctions et interactions des principaux acteurs du secteur public et du secteur privé, et l’adoption de démarches performantes pour les amener à collaborer.
Une prise en considération globale des arbitrages à opérer et des complémentarités avec les domaines connexes de l’action publique, dont les transports, l’environnement, la culture, la sécurité, l’éducation, l’agriculture, les nouvelles technologies, la transformation numérique et l’économie dans son ensemble.
La recherche de solutions mutuellement avantageuses qui apportent de la stabilité au secteur touristique et renforcent la croissance économique, les emplois de qualité et la prospérité aux niveaux national et régional.
La promotion d’une croissance écologiquement viable et le soutien des efforts déployés par les pays pour tenir les engagements nationaux et internationaux.
L’incitation au développement du tourisme et à la création de valeur ajoutée fondée sur certains atouts particuliers, la diversité d’offres touristiques de haute tenue et la gestion durable des ressources naturelles et culturelles.
La mise à profit du tourisme en tant que moteur d’une croissance inclusive, de façon à créer des emplois de qualité ainsi que des débouchés commerciaux et des possibilités de développement régional, à atténuer les effets préjudiciables pour les populations locales, et à mieux répartir les fruits du tourisme entre tous les habitants et territoires.
Source : Conclusions politiques – Des politiques du tourisme pour une croissance durable et inclusive (OCDE, 2018c)
En Espagne, le Secrétariat d’État au tourisme met actuellement au point la Stratégie 2030 pour un tourisme durable, un programme national qui vise à relever les défis du secteur à moyen et long termes et met l’accent sur les composantes socioéconomiques, environnementales et territoriales de la durabilité. Pour l’élaborer, les autorités ont opté pour un processus participatif qui a mobilisé le secteur, les communautés autonomes et les administrations locales, et fourni un exemple de coopération dans un cadre de gouvernance pluriniveaux. La nouvelle stratégie a pour objectif de jeter les bases de la transformation du tourisme pour l’inscrire dans un modèle de croissance durable, qui favorise la répartition équitable de ses bienfaits et retombées, et cherche à assurer un équilibre durable entre touristes et habitants des destinations.
En Australie, le plan stratégique pour le tourisme du gouvernement du Queensland, Advancing Tourism 2016-20, a été défini en association avec la filière et en partenariat avec les principaux organismes responsables du développement économique et des infrastructures. Il suit une approche gouvernementale intégrée pour tirer parti de la croissance projetée du tourisme selon quatre axes d’intervention prioritaires : créer des produits, des manifestations et des offres de qualité ; investir dans l’infrastructure et l’accès ; former une main d’œuvre qualifiée et renforcer les capacités des entreprises, et exploiter les débouchés qu’offre l’Asie. Les Conclusions politiques de l’OCDE – Des politiques du tourisme pour une croissance durable et inclusive (OCDE, 2018c) notent que l’adoption d’approches cohérentes et globales à l’élaboration de politiques touristiques permettra aux pays de redéfinir la croissance touristique de manière à mieux en répartir les fruits, à lutter contre les inégalités et à renforcer la résilience des économies (Encadré 3.7) :
Des stratégies et politiques visant à favoriser la création d’emplois et leur qualité, le développement des compétences, l’entrepreneuriat, l’innovation, l’efficacité des investissements et un développement régional intégré sont indispensables à la réalisation d’une croissance durable et inclusive du secteur touristique. Pour élaborer un programme porteur d’avenir pour la filière, les pouvoirs publics de tous les niveaux auraient intérêt à formuler des plans détaillés de long terme, allant au-delà du cycle politique, afin d’offrir la cohérence et la certitude dont le secteur a besoin.
Par ailleurs, dans un secteur tributaire d’une gouvernance pluriniveaux efficace, il convient de préciser le mode d’attribution des responsabilités aux différents échelons de l’administration publique, et il importe que ce processus soit explicite, compris par tous, et clair pour tous les acteurs. Compte tenu de la nature évolutive des systèmes de gouvernance pluriniveaux, un réexamen périodique des responsabilités juridictionnelles s’impose pour assurer la souplesse du système (OCDE, 2019).
Assurer aux destinations une croissance touristique durable
La section qui suit met en lumière les domaines dans lesquels le tourisme peut apporter un concours appréciable au programme de croissance durable. Elle examine les mesures innovantes que les responsables publics et le secteur peuvent adopter pour diversifier et distribuer les fruits du tourisme dans le temps et dans l’espace tout en limitant ses éventuelles retombées négatives. Ces approches peuvent contribuer à réduire la saisonnalité, amortir les pressions sur les sites fragiles et sur les habitants des destinations confrontées à des flux touristiques importants, et induire des effets favorables plus sensibles sur l’ensemble de l’économie. La section présente en outre diverses initiatives menées par les pays pour favoriser un développement plus durable et inclusif du tourisme.
Généraliser les politiques et pratiques touristiques durables
À l’instar de nombreux secteurs, le tourisme participe substantiellement de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES). Sa contribution aux émissions mondiales de GES a été estimée à 5 % environ (OMT et PNUE, 2008 ; OCDE/PNUE, 2011 ; OMT et FIT, 2019), mais une étude plus récente avance un chiffre proche de 8 % (Lenzen, M., et al. 2018). Le tourisme intervient également dans l’utilisation des sols, la consommation d’eau et de produits alimentaires, et la dégradation de l’environnement naturel. Ses interactions avec ces ressources peuvent être directes ou indirectes, et même si toutes les activités touristiques sont en définitive locales, elles concourent à des phénomènes de portée mondiale. Il apparaît toutefois clairement qu’un développement touristique stratégique et bien planifié peut aussi sensibiliser aux valeurs culturelles et environnementales, contribuer au financement de la protection et de la gestion des espaces protégés, accroître leur valeur et leur importance économiques, perçues et réelles, et influer sur le comportement de la chaîne d’approvisionnement.
Les hôtels, par exemple, détiennent de par leur importance un pouvoir considérable sur les processus de production alimentaire, réduction des déchets comprise, et peuvent exercer une influence directe sur la production alimentaire durable moyennant des politiques d’achat de produits alimentaires régionaux ou biologiques (OMT et PNUE, 2008 ; OCDE, 2018b). À vrai dire, étant donné le caractère transversal du tourisme et ses liens étroits avec de nombreux secteurs, des améliorations ou évolutions vers des politiques et pratiques plus durables, même modestes, auront des répercussions appréciables, et inciteront de nombreux acteurs publics et privés d’horizons divers à modifier leur comportement, au–delà de l’incidence directe et immédiate de l’activité touristique.
Le Programme de développement durable à l'horizon 2030, qui définit une stratégie mondiale vaste et ambitieuse de lutte contre la pauvreté mobilisant aussi bien les pays avancés qu’émergents, fait aussi directement mention de l’aptitude du tourisme à susciter une évolution positive. Le tourisme, bien qu’il puisse concourir à la réalisation des 17 objectifs de développement durable (ODD), a été intégré, assorti de cibles précises, aux objectifs 8, 12, et 14 qui portent respectivement sur la croissance économique inclusive et durable, la consommation et la production durables, et l’exploitation durable des océans et des ressources marines. La réalisation des ODD appellera un degré substantiel d’intervention publique, notamment pour assurer les conditions nécessaires à l’épanouissement du secteur privé, mais aussi pour coordonner et diffuser les stratégies, la formation et le renforcement des capacités à l’échelon national et infranational (OCDE, 2018). En Suisse, par exemple, la durabilité, en tant que principe d’action, est un thème transversal qui s’applique à tous les objectifs, instruments de financement, domaines et mesures d’intervention de la stratégie touristique de la Confédération. Il s’agit de veiller à ce que toutes les mesures mises en œuvre en matière de tourisme contribuent à la réalisation des cibles du Programme de développement durable à l'horizon 2030 de l’ONU et de ses 17 ODD dans une optique à long terme.
La logique qui sous-tend l’articulation des cibles des ODD avec les objectifs de développement du tourisme se fonde sur le caractère intrinsèquement local des activités touristiques, puisque l’attrait des communautés locales (culture, patrimoine) et de l’environnement (atouts naturels et aménagements) sont les moteurs du tourisme. La Turquie, par exemple, met actuellement en œuvre divers projets et programmes durables à l’échelon local, régional et national, dont un qui porte sur « le développement des capacités institutionnelles dans le domaine du tourisme durable » et vise à favoriser la réalisation des ODD liés au tourisme. Les autorités produisent des guides à l’intention des entrepreneurs touristiques locaux et des investisseurs, diffusent les meilleures pratiques internationales, et informent les partenaires locaux du secteur des mécanismes de financement innovants. Le programme « L’avenir est dans le tourisme » est de même nature : mis en œuvre conjointement avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), il vise à renforcer la capacité des acteurs locaux du secteur et des ONG en leur fournissant les conseils, les instruments et les moyens dont ils ont besoin pour développer leurs capacités de manière à favoriser un développement touristique durable dans le cadre de partenariats avec des institutions publiques et privées.
Par ailleurs, l’OGD officiel de la capitale danoise, Wonderful Copenhagen, a formulé la première stratégie pour le tourisme durable de Copenhague, Tourism for Good, fondée sur le principe selon lequel le tourisme n’est pas un objectif en soi, mais plutôt un moyen de parvenir à une fin durable – le secteur apportant une contribution favorable à la société, à la construction de villes et de destinations de meilleure qualité pour les résidents comme pour les visiteurs, et favorisant une évolution positive. Tourism for Good aborde la question de la durabilité sous trois angles fondamentaux, et cherche par ailleurs à concourir directement à la réalisation des 17 ODD de l’ONU. La stratégie s’articule selon quatre axes, tous assortis de cibles et de mesures précises. Le premier, par exemple, vise à atténuer la pression touristique dans le centre-ville, à distribuer plus largement les recettes du tourisme et à ouvrir des espaces plus vastes à la population, qu’il s’agisse des habitants ou de résidents temporaires (Wonderful Copenhagen, 2018). Par ailleurs, le Forum national du tourisme danois élaborera en 2020 la nouvelle stratégie nationale pour une croissance touristique durable, en étroite collaboration avec le secteur et les intervenants dans ce domaine. La stratégie établira des lignes directrices pour une croissance touristique conciliant durabilité environnementale, économique et sociale, et contribuera ainsi directement à la réalisation des ODD des Nations Unies.
Encadré 3.8. Transformer les chaînes de valeur du tourisme– ONU Environnement
ONU Environnement, avec l’appui du ministère fédéral allemand de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire, mène actuellement un projet visant à « transformer les chaînes de valeur du tourisme dans les pays en développement et les petits États insulaires en développement (PEID) pour accélérer un développement plus économe en ressources naturelles et à faible émission de carbone ». Celui-ci vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à améliorer l’efficacité des ressources dans trois chaînes de valeur touristiques : i) services de restauration ; ii) services d’hébergement ; iii) tourisme d’affaires (MICE).
Phase 1 : la phase d’évaluation a consisté à cartographier et analyser les chaînes de valeur touristiques des pays participants (Philippines, République dominicaine, Maurice et Sainte-Lucie) en procédant au recensement de tous les intervenants, de leurs activités, produits et services, et de leurs liens en amont et en aval. En complément de cet exercice, un examen et une évaluation stratégiques des produits et services durables existants et des besoins en matière de renforcement des capacités ont été conduits. Ils ont inventorié les lieux touristiques sensibles du point de vue de la prestation de services (alimentation en eau et en énergie par exemple), de l’environnement bâti (alimentation en électricité et climatisation des hôtels et restaurants), et de la production et de la consommation de produits alimentaires et de boissons.
Phase 2 : durant la phase de mise en œuvre, des feuilles de route et des plans d’action nationaux, assortis de cibles précises et d’indicateurs en matière d’atténuation des émissions et d’efficacité des ressources, seront établis pour chaque pays, avec la contribution des parties intéressées. Le projet prévoit un système de suivi, de notification et de vérification pour les feuilles de route et plans d’action, ainsi que pour les entreprises, afin de mesurer les retombées des mesures appliquées. Les pays pourront ainsi rendre compte des réductions d’émission et de l’amélioration de l’efficience des ressources qu’ils auront obtenues dans le cadre d’engagements multilatéraux.
Des campagnes de communication encourageant l’utilisation de produits et de services durables, ainsi qu’un renforcement continu des capacités des participants, compléteront ces activités. La diffusion des études de cas, rapports et enseignements dégagés du projet permettront la reproduction et l’amplification de programmes analogues dans d’autres pays.
Le projet montre clairement que si l’évolution vers des modes de consommation et de production durables dans le tourisme ouvre de vastes perspectives, elle suppose un travail sur l’ensemble de la chaîne de valeur, mobilisant tous les intervenants, et un engagement à adopter un approche fondée sur le cycle de vie pour accroître la durabilité des produits et services.
Source : ONU Environnement (2018) ; www.oneplanetnetwork.org/transforming-tourism.
La Suisse a pris des mesures en vue de généraliser les politiques touristiques durables au travers des activités de l’organisme national de promotion du tourisme, Suisse Tourisme, qui fait appel à un modèle d’impact pour mesurer sa contribution à l’amélioration de la productivité et de l’efficacité des ressources dans le tourisme national. Dans le cadre d’Innotour (qui encourage l’innovation, la coopération et la professionnalisation dans le secteur), une aide financière est apportée aux projets touristiques durables, comme Cause we care de la fondation myclimate. Cause we care est une initiative de durabilité qui mise sur l’engagement des clients et des entreprises du tourisme alpin et de plein air. Les entreprises participantes offrent à leurs clients la possibilité d’acheter un service neutre sur le plan climatique, et s’engagent en parallèle à doubler leur contribution et à appliquer des mesures à l’appui de la durabilité à l’échelon local. Le client finance ainsi la protection du climat au niveau mondial et local, et les prestataires de services perçoivent des fonds complémentaires pour investir dans des mesures de durabilité.
Une méthode probante face à l’enjeu consistant à dissocier l’utilisation des ressources naturelles et ses effets sur l’environnement de la croissance économique, tous secteurs confondus, consiste à encourager l’approvisionnement en circuit fermé et un emploi plus rationnel des ressources dans le cadre d’une approche systémique couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur. Le tourisme ne fait pas exception (Encadré 3.8). L’adoption de la circularité suppose l’élaboration de modèles économiques innovants qui créent de la valeur au travers de la régénération, la reconstitution et la réutilisation des ressources, ainsi que de nouveaux modèles de consommation qui s’éloignent de la notion traditionnelle de propriété pour aller vers l’économie du partage. La circularité offre aux entreprises touristiques, et plus particulièrement aux PME, l’occasion d’accroître leur capacité d’innovation à l’appui de la durabilité et, partant, leur compétitivité, concourant ainsi à la santé et à la résilience des activités touristiques et du secteur dans son ensemble (OCDE, 2019b ; OMT, 2018). L’intégration des PME touristiques locales dans les chaînes de valeur internationales est un autre moyen de favoriser l’évolution vers des modes de consommation et de production plus durables (OCDE, 2018).
La confiance dans la marque est un élément déterminant des décisions d’achat ; c’est pourquoi les programmes de certification par des tiers sont désormais légion dans le domaine du tourisme durable. Ceux-ci offrent en outre aux entreprises un instrument qui leur permet de mesurer et d’améliorer leur performance environnementale, de réduire les coûts, et de transmettre un message positif aux clients potentiels. Les programmes d’accréditation comme celui de TripAdvisor, GreenLeaders, et d’autres, dont Green Key, Green Tourism, et Eco-Lighthouse, ont pour double finalité d’encourager les prestataires de services d’hébergement à être plus sensibles à l’environnement et à sa durabilité et de renforcer la confiance des consommateurs dans les agréments écologiques des entreprises touristiques accréditées. Les avantages que les écolabels et les mécanismes de certification sont susceptibles de présenter pour généraliser les pratiques durables, réaliser les objectifs nationaux en matière de développement durable, et encourager des choix et des comportements plus responsables chez les consommateurs ont amené les pays à mettre au point des produits spécifiquement conçus pour satisfaire à leurs critères (Encadré 3.9).
Sous l’influence des ODD des Nations Unies, la durabilité devient un axe d’action central des entreprises. Pour autant, la réalisation de résultats véritablement durables exige une démarche intégrée et un authentique engagement du secteur. Il existe plusieurs exemple d’initiatives sectorielles visant à généraliser les pratiques touristiques durables, notamment le New Zealand Tourism Sustainability Commitment qui a pour ambition de veiller à ce que toutes les entreprises de tourisme néozélandaises se soient engagées à assurer un développement touristique durable d’ici à 2025 (Encadré 3.5), et l’International Tourism Partnership, qui propose une plateforme non concurrentielle permettant aux leaders de l’industrie hôtelière d’échanger des idées, de nouer des relations et d’unir leurs efforts pour s’attaquer aux problèmes sociaux et environnementaux de première importance. Les compagnies aériennes, qui sont à l’origine de 75 % des émissions mondiales liées au tourisme, sont la cible de nombreuses critiques quant à l’intensité carbonique de leurs activités. De ce fait, le secteur s’est fixé pour objectifs de plafonner ses émissions nettes d’ici à 2020, de neutraliser les émissions carbone des vols internationaux, et de diminuer de moitié ses émissions à l’horizon 2050 par rapport aux niveaux de 2005 dans le cadre du mécanisme Corsia des Nations Unies (Bremner, 2019).
Encadré 3.9. Utiliser les mécanismes de certification touristique pour atteindre les objectifs de développement durable
Finlande : pour aider le secteur du tourisme finlandais à adopter des pratiques durables, Visit Finland a mis sur pied le programme Sustainable Travel Finland, qui vise à proposer aux entreprises et aux destinations une trajectoire de développement durable ; un ensemble d’outils concrets leur permet d’adopter plus facilement des pratiques et des choix durables dans leur gestion quotidienne. Les entreprises et les destinations qui suivent l’intégralité du programme se voient accorder le label Sustainable Travel Finland ; elles ont également accès à un modèle de développement permanent et aux dernières nouveautés en matière de tourisme durable, et bénéficient d’un soutien marketing ainsi que d’une visibilité sur les supports de communication Visit Finland. Le programme Sustainable Travel Finland, s’il est conforme aux programmes de tourisme durable mondialement connus et aux objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, est conçu pour répondre aux besoins régionaux et nationaux en matière de développement et pour appuyer les efforts déployés par le pays en vue de respecter ses engagements nationaux et internationaux.
Norvège : le label Sustainable Destination d’Innovation Norway compte 45 critères et 108 indicateurs qui doivent être mesurés, enregistrés et suivis. Cet outil est destiné à accompagner le développement durable des entreprises et des destinations et porte sur l’environnement, les populations locales, le patrimoine culturel, l’économie et la nature. Un développement mesurable et continu est assuré moyennant une évaluation des résultats et un renouvellement de la marque tous les trois ans. Il existe actuellement 16 destinations certifiées « durables », et plusieurs autres font le nécessaire pour satisfaire aux critères de certification. Les destinations labélisées sont commercialisées comme offrant plus qu’une belle expérience dans la mesure où les visites touristiques contribueront à la préservation des populations locales et du patrimoine culturel tout en faisant des destinations un endroit agréable à vivre et à visiter.
Un autre exemple est celui de la stratégie Better Holidays, Better World du groupe TUI, qui repose sur quatre piliers fondamentaux : i) réduire l’impact environnemental des vacances ; ii) apporter des changements favorables aux populations et aux collectivités ; iii) ouvrir la voie au tourisme durable partout dans le monde ; et iv) créer un cadre de travail porteur et passionnant. Pour sa part, le Conseil mondial du tourisme et des voyages (CMTV), a lancé l’initiative Sustainable Travel & Tourism Partners (STTP) afin de susciter un engagement massif en faveur de la durabilité dans le secteur des voyages et du tourisme. Il s’agit de réunir au sein d’un même réseau toutes les entreprises du secteur qui ont mis en place des mesures appréciables à l’appui de la durabilité afin de développer les pratiques durables dans le secteur, de mieux faire connaître ces pratiques, et de constater les progrès auprès des consommateurs et des gouvernements (TUI, 2019 ; International Tourism Partnership, 2019 ; CMTV, 2019).
Investissements et financements à l’appui du tourisme durable
Étant donné la forte croissance du tourisme mondial prévue à l’horizon 2030, des investissements non négligeables s’imposeront pour fournir les hébergements, les transports et les autres services et infrastructures nécessaires pour satisfaire la demande attendue et consolider dans le même temps les résultats économiques, sociaux et environnementaux. Comme pour la politique touristique en général, cela appellera la mise en place d’une approche intégrée mobilisant de nombreux ministères (transports, environnement, agriculture, innovation, éducation, tourisme) et échelons de l’administration (national, régional, local), avec des apports et le soutien des professionnels du secteur.
Par ailleurs, pour réaliser un développement plus durable et remplir les objectifs ambitieux de réduction de la pauvreté et de lutte contre le changement climatique énoncés dans l’Agenda 2030 et dans l’Accord de Paris, il faudra, au cours des prochaines décennies, investir à bien plus grande échelle dans l’économie verte. Compte tenu de sa forte dimension locale et de sa capacité à créer des emplois, à renforcer la cohésion sociale, à améliorer la productivité et à stimuler la croissance économique dans de nombreux domaines d’action, le tourisme a un rôle essentiel à jouer à cet égard.
Malgré l’augmentation des investissements requise pour faire face à la croissance touristique prévue et le potentiel du secteur à concourir à l’évolution globale vers une économie verte, le financement de la transition vers un modèle plus durable de développement touristique se heurte à plusieurs écueils, notamment l’adéquation des instruments financiers disponibles, les informations sur les retombées de l’investissement vert dans le tourisme, les (contre-)incitations à l’adoption de pratiques commerciales écologiques, et l’efficacité de l’appui que procure le cadre de l’action publique.
Néanmoins, la sensibilité grandissante à la nécessité et à l’intérêt de préserver des actifs naturels, sociaux et culturels irremplaçables accroît la disposition des secteurs privé et public à investir dans un tourisme plus durable. Ces investissements interviennent par exemple dans les modes de transport bas carbone et la construction d’infrastructures touristiques économes en ressources, ainsi que dans des programmes qui appuient l’innovation, favorisent l’adoption par les entreprises de pratiques responsables et encouragent l’intégration des entreprises du secteur à des chaînes logistiques peu émettrices de carbone et durables.
Les approches susceptibles de favoriser l’investissement et le financement à l’appui d’un développement touristique durable sont les suivantes (OCDE, 2018) :
Favoriser l’accès à des financements pour des projets d’investissement d’ampleur diverse dans le tourisme durable.
Promouvoir la transition vers des investissements bas carbone et peu sensibles aux effets du changement climatique, et encourager des pratiques commerciales plus responsables dans le tourisme.
Renforcer les capacités et mieux coordonner les actions des différentes instances gouvernementales pour accompagner l’évolution vers des pratiques d’investissement et de financement touristiques plus durables.
Améliorer les données relatives au financement et à l’investissement dans le développement du tourisme durable et leur analyse, notamment le recours aux financements verts dans le secteur.
Pour utiliser les ressources de façon plus rationnelle, établir des structures d’investissement vert et réaliser des synergies intersectorielles, plusieurs facteurs écologiques doivent être pris en considération (PNUE, 2011). Il s’agit notamment : i) pour l’énergie, du relèvement des coûts facturés et de surtaxes sur le carbone, des incitations gouvernementales, des écolabels et des règlements ou dispositions législatives relatifs à l’efficacité énergétique ; ii) pour l’eau, des structures de prix tenant compte de la rareté de la ressource et de sa gestion responsable ; iii) pour la biodiversité, d’une réglementation portant sur les écosystèmes fragiles, ainsi que des politiques nationales productrices de recettes touristiques utilisées pour protéger un habitat biologique essentiel. Dans ce contexte, le tourisme pourrait apporter une plus forte contribution à la croissance du PIB tout en réduisant sensiblement, par rapport à un scénario de statu quo, la consommation d’eau, la consommation énergétique et les émissions de CO2.
Parmi les projets nationaux qui encouragent l’investissement à l’appui d’un développement touristique durable et inclusif figure le programme REVIVE du Portugal (Encadré 1.10), qui offre la possibilité d’investir dans des biens immobiliers pour les transformer en attractions touristiques dans le cadre d’un processus d’appel d’offres public. Cette initiative conjointe des ministères de l’Économie, de la Culture et des Finances vise à promouvoir et simplifier les processus de réaménagement et de valorisation des biens publics vacants pour créer une activité économique à vocation touristique. En rehaussant l’attrait des destinations régionales, cette initiative peut favoriser l’étalement de la demande et créer de la richesse et des emplois, et ainsi renforcer la cohésion économique et sociale du territoire national. De son côté, le Canada a introduit en 2019 sa nouvelle stratégie touristique, « Créer des emplois pour la classe moyenne : une stratégie fédérale pour la croissance du tourisme », dont deux des trois principaux piliers portent spécifiquement sur l’investissement à l’appui d’une croissance durable (Encadré 3.10).
Encadré 3.10. L’investissement à l’appui d’une croissance touristique durable au Canada
Un problème auquel se heurte actuellement le secteur canadien du tourisme est celui de la concentration saisonnière. Selon le rapport publié en 2018 Exploiter le potentiel de l’économie touristique canadienne, le Canada accueille trois fois et demie plus de voyageurs d’agrément pendant l’été que pendant l’hiver. En 2018, 1 % seulement des activités des visiteurs étaient de nature hivernale, ce qui crée des problèmes pour les exploitants d’entreprises touristiques désireux d’optimiser l’utilisation des compétences et des investissements en capital. La concentration saisonnière peut en outre créer un engorgement dans les grandes villes et leurs environs, et faire monter les prix des hébergements et des attractions touristiques compte tenu des capacités limitées.
Deux des trois principaux axes de la nouvelle stratégie touristique du Canada, Créer des emplois pour la classe moyenne : une stratégie fédérale pour la croissance du tourisme, portent notamment sur les investissements nécessaires à une croissance durable, l’un des objectifs essentiels étant de développer le tourisme international en dehors des grandes villes et des destinations les plus iconiques du pays, et en dehors de la saison d’été. Pour ce faire, la stratégie prévoit les moyens suivants :
Mise à disposition de financements à hauteur de 58.5 millions CAD par l’intermédiaire du Fonds pour les expériences canadiennes pour aider les communautés à créer, améliorer ou développer des produits, des installations et des offres touristiques. Le Fonds est administré par les six agences de développement régional qui travaillent en étroite collaboration avec les entreprises et les innovateurs pour stimuler la croissance économique locale et régionale ;
Création de groupes d’investissement en matière de tourisme pour chaque région afin de mieux coordonner les investissements dans les produits touristiques entre le gouvernement fédéral et d’autres juridictions, de satisfaire aux priorités locales, et de renforcer l’aptitude des destinations à attirer de nouveaux investissements du secteur privé ;
Mise en place d’une nouvelle Table de stratégies économiques sur l’industrie du tourisme qui offrira aux responsables publics et aux leaders du secteur une plateforme collaborative afin de vaincre les difficultés auxquelles celui-ci est confronté.
Le Fonds pour les expériences canadiennes investira dans le tourisme hivernal et en saison intermédiaire en finançant divers projets – séjours sur place, circuits, excursions, activités spéciales et installations touristiques par exemple. Ce faisant, il renforcera l’avantage concurrentiel du Canada en hiver et offrira aux touristes d’autres raisons de s’y rendre en basse saison.
Si l’afflux de recettes touristiques et la création d’emplois peuvent avoir des retombées favorables sur les économies locales, de nombreuses municipalités et destinations, souvent dans les régions reculées, ne disposent pas des ressources financières qui leur permettraient d’entretenir, et a fortiori de construire, l’infrastructure nécessaire pour satisfaire aux besoins des populations locales et des visiteurs.
Pour remédier à ce problème, la Nouvelle-Zélande a créé en 2017 le Tourism Infrastructure Fund, qui apporte des cofinancements à hauteur de 25 millions NZD par an sur quatre ans pour l’aménagement d’infrastructures touristiques (passerelles, parcs de stationnement, toilettes et installations de camping responsables par exemple). Le Fonds cible les collectivités locales situées dans des régions que la croissance touristique touche de manière disproportionnée, et qui ne sont pas en mesure de prendre les mesures nécessaires en temps opportun sans assistance – celles qui accueillent de nombreux touristes mais dont l’assiette fiscale est étroite par exemple. En 2019, la Nouvelle-Zélande a instauré une nouvelle taxe sur les visiteurs internationaux, la Visitor Conservation and Tourism Levy, qui sera investie dans des projets de tourisme durable et de préservation (Encadré 1.7). Cet instrument est jugé utile pour assurer une croissance touristique durable qui améliorera la vie des Néo-Zélandais moyennant des investissements dans des projets qui modifieront sensiblement le système, et l’instauration d’un développement productif, durable et inclusif du tourisme, qui protège et préserve l’environnement.
En Islande, l’amélioration de l’infrastructure des sites touristiques se poursuit dans le cadre du Plan national d’infrastructure et grâce au Fonds de protection des sites touristiques. Le Plan d’infrastructure, mis en œuvre en 2018, aborde le développement de l’infrastructure sur les sites touristiques naturels et culturels publics d’importance patrimoniale menacés par la surfréquentation dans une perspective globale de long terme. Il se compose d’un plan stratégique d’une durée de douze ans qui présente notamment la conception générale et des lignes directrices en matière de sécurité, et comporte des plans triennaux glissants d’investissement pour le développement de l’infrastructure (sentiers pédestres, plateformes panoramiques, parcs de stationnement, toilettes, etc.) des sites touristiques sur l’ensemble du territoire national.
Si la mise en place d’une infrastructure solide renforce l’attrait et la résilience des sites appréciés du public et rehausse la qualité des séjours touristiques, elle préserve aussi le permis social d’exploitation du secteur en garantissant aux populations locales la jouissance de leurs lieux de vie.
L’infrastructure à l’appui de la connectivité et d’une mobilité durable
Les transports remplissent une fonction cruciale en ce qu’ils assurent le transfert efficace des touristes de leur lieu de résidence à leur destination finale, puis vers les différentes attractions de la région. Ils relient les marchés des régions émettrices aux destinations, et facilitent les déplacements internes entre les divers éléments du parcours touristique (hébergement, sites, services commerciaux, etc.). Les différentes formes de transport peuvent être en elles-mêmes une composante essentielle du site ou du séjour touristiques. La localisation, les capacités, l’efficience et la connectivité des transports peuvent jouer un rôle considérable dans le développement et l’aménagement des destinations car elles influent sur la mobilité et le séjour des visiteurs sur place. La facilité d’accès est un élément déterminant de la compétitivité globale des destinations, et permet en outre d’assurer la diffusion des retombées favorables du tourisme au-delà des grands centres. La mise en place d’infrastructures adaptées et de moyens de transport adéquats est indispensable pour favoriser la mobilité des touristes (OCDE, 2018b).
Les synergies entre les politiques de transport et du tourisme sont notables et manifestes, et les autorités ont un rôle important à jouer pour exploiter les liens entre ces deux domaines d’action. Pour le touriste d’agrément, le choix d’une destination est essentiellement déterminé par ses attraits (ressources naturelles, culturelles et locales par exemple), mais les coûts, la commodité d’accès et le temps nécessaire pour se rendre sur un site, par rapport à d’autres, influeront aussi sur sa décision. En veillant à ce que la planification de l’accès aux transports et de leurs infrastructures prenne en considération les besoins à moyen et long termes du secteur du tourisme, on pourra optimiser les avantages socio-économiques du tourisme, les distribuer plus largement, et mieux en gérer les retombées sur la durée (Encadré 3.11).
Si les transports ont toujours été un maillon essentiel du tourisme international, l’afflux de touristes peut exercer de fortes pressions sur les infrastructures de transport et les services connexes, problème que la croissance projetée du nombre d’arrivées internationales au cours des prochaines décennies va sans doute accentuer. Même les économies les plus avancées, dotées d’infrastructure de transport solides et fiables, devront prendre des dispositions pour anticiper l’incidence que la demande croissante de déplacements pourrait avoir sur les systèmes de transport existants, et pour vérifier que les destinations sont prêtes à faire face à la hausse des effectifs touristiques (OCDE, 2016 ; Forum économique mondial, 2019).
Encadré 3.11. Améliorer l’accès pour favoriser le développement touristique régional
Grèce : dans le cadre d’un programme national visant à améliorer les transports sur l’ensemble de son territoire, la Grèce a donné priorité à l’infrastructure de transport pour faciliter l’accès des visiteurs à des régions reculées ou auparavant inaccessibles, par voie terrestre et/ou par voie d’eau (routes, autoroutes et ports). Des investissements de première importance sont en cours pour aménager plusieurs aéroports régionaux dans le cadre d’un contrat de licence avec Fraport – entité créée en 2015 et responsable de l’entretien, de l’exploitation, de la gestion, de la modernisation et du développement de 14 aéroports régionaux. Les travaux concernant cinq aéroports seront terminés à la fin de 2019, l’ensemble du programme de rénovation aéroportuaire étant pour sa part censé s’achever à la fin de 2021. L’amélioration de l’accès viendra appuyer l’objectif de la stratégie touristique nationale consistant à promouvoir les destinations moins connues et à faire bénéficier l’ensemble du pays des retombées favorables du tourisme.
Le ministère du Tourisme travaille en coopération avec les acteurs des secteurs public et privé, dont la Greek Marinas Association, la Hellenic Professional Yacht Owners Association, la National Association of Professional Tourist Day Boats, et les autorités portuaires faisant partie du réseau national de ports touristiques. L’adoption de mesures en vue d’assurer des liaisons plus efficaces avec les îles est indispensable pour mieux équilibrer les flux de visiteurs et répartir les fruits du développement touristique.
Canada : L’accès à des transports aériens abordables est un enjeu important au Canada, tant sur le plan national que régional, et toutes les autorités s’interrogent sur la façon de développer l’accès aux zones éloignées. Les provinces et les territoires se sont attaqués au problème et lancent de nouveaux projets visant à améliorer l’accès des touristes aux régions rurales et reculées. Le ministère du Tourisme québécois, par exemple, met actuellement en place un programme d’un montant de 9.5 millions CAD, Explore Québec, qui prendra fin en 2023. Celui-ci facilitera l’accès des visiteurs aux régions touristiques reculées en encourageant les forfaits compétitifs de manière à augmenter les dépenses dans les régions ciblées et moins visitées. Le programme s’adresse aux agences de voyage, aux voyagistes et aux organismes d’hébergement qui proposent des forfaits couvrant le transport aérien, un minimum de deux nuitées, et la visite de deux sites touristiques inclus dans les séjours thématiques faisant partie de la stratégie de promotion touristique de la province. Ce projet vise trois objectifs fondamentaux : i) favoriser la croissance de la demande ; ii) encourager la baisse des tarifs aériens à destination des régions visées ; iii) contribuer à prolonger la saison touristique des régions à forte saisonnalité.
La croissance projetée du tourisme offrira aussi des débouchés aux villes et aux régions qui aspirent à bénéficier du développement de l’économie touristique. De fait, le trafic aérien de passagers devrait quasiment doubler d’ici à 2035, passant de 3.8 milliards à 7.2 milliards de passagers (IATA, 2016). Le Forum international des transports (FIT) prévoit par ailleurs que le nombre de passagers-kilomètres va doubler pour atteindre 9 000 milliards en 2030, dopé par une forte croissance dans la région Asie-Pacifique, qui représentera 40 % du trafic mondial de passager, au lieu de 30 % en 2015, une progression tout aussi dynamique du nombre de passagers routiers et ferroviaires et de croisiéristes étant prévue (OCDE, 2018b ; OCDE/FIT, 2017).
S’agissant du tourisme de croisière, il ne représente que 5 % environ du total des arrivées internationales, mais le nombre global de passagers devrait dépasser 30 millions en 2019, cinq ans avant la date prévue auparavant (CLIA, 2019 ; OCDE, 2016). Cette forte croissance a amené de nombreuses villes portuaires à aménager des terminaux de croisière pour compléter les activités du front de mer et développer la filière du tourisme urbain (Hambourg, Liverpool). Bon nombre d’autres destinations sont toutefois mises à rude épreuve par la taille et le nombre grandissants de navires, et le volume considérable de passagers qui débarquent (d’un ou plusieurs navires) pour des visites de relativement courte durée et envahissent les centres-villes, provoquant des embouteillages et l’engorgement des espaces publics et des sites touristiques (Barcelone, Bruges, Dubrovnik, Venise).
De la même manière, l’aménagement de nouveaux aéroports en vue de répondre à une demande grandissante offrira à de nombreuses destinations, nouvelles ou futures, la possibilité de gagner un accès vital aux marchés intérieurs et internationaux. Or, une étude récente indique que près de 50 % des destinations victimes du surtourisme sont situées dans un rayon de 15 km d’un aéroport, chiffre qui passe à 80 % pour un rayon de 50 km (Peeters et al., 2018), ce qui témoigne des retombées positives et (éventuellement) négatives de l’accès aux marchés.
L’aménagement d’infrastructures comme les terminaux de croisière et les aéroports peut renforcer la notoriété d’une destination sur le marché, offrir une commodité d’accès aux touristes, et améliorer les perspectives de croissance touristique et économique. Il convient en revanche de veiller à ce que cette croissance soit stratégique, à ce que le tourisme entre dans la planification à long terme de l’infrastructure de transport, et à ce que le développement d’un tourisme durable au niveau de la destination s’inscrive dans un projet d’avenir précis – un projet qui mobilise la ferme adhésion du secteur et de la population, qui est en adéquation, tant sur le plan horizontal que vertical, avec les stratégies globales de développement économique et touristique, et qui bénéficie du soutien et de l’engagement politique nécessaires pour se concrétiser.
Étant donné le caractère fortement saisonnier du tourisme, la demande et l’offre de services de transport sont rarement en phase, ce qui met à rude épreuve les services et les infrastructures de transport existants, surtout à l’échelon local. La demande est souvent considérable pendant la haute saison ou durant les festivals ou manifestations spéciales, et diminue durant la basse saison et en période creuse. Les villes et les régions doivent donc absorber les flux touristiques saisonniers et assurer dans le même temps un fonctionnement adéquat du réseau de transport. De nombreuses zones touristiques rurales et particulièrement isolées, qui sont moins peuplées et où la demande est modérée le reste de l’année, sont confrontées aux difficultés supplémentaires que présentent d’une part l’insuffisance ou l’absence de services de transport réguliers à partir des centres urbains, d’autre part la fourniture et l’entretien de systèmes de transport viables et sans rupture pour satisfaire à la fois les populations locales et les touristes.
Une coordination renforcée des politiques de transport, de tourisme et d’autres domaines corollaires de l’action publique peut améliorer l’accès des visiteurs à leur destination et leur mobilité sur place, réduire les encombrements, accroître la satisfaction des visiteurs et assurer la viabilité économique des systèmes de transport locaux en fournissant les prestations dont les résidents et les touristes ont besoin. Par ailleurs, en favorisant la création de plateformes de correspondance et de pôles intermodaux, les politiques de transport peuvent attirer, gérer ou orienter les flux de visiteurs vers des lieux particuliers, et faciliter l’adoption de modes de transport respectueux de l’environnement qui consolident la réputation de durabilité d’une destination (Encadré 3.12).
Un autre domaine dans lequel les autorités de tous niveaux peuvent faire un usage plus efficient des infrastructures en place pour influer sur le développement de destinations, répartir les bénéfices économiques du tourisme et maîtriser ses retombées à terme est celui des circuits touristiques. Sous sa forme la plus simple, la mise en place de ces circuits est une approche relativement peu coûteuse, qui comporte quatre étapes : i) repérer les itinéraires offrant de nombreuses attractions naturelles ou culturelles ; ii) établir leur marque et leur identité ; iii) appliquer une stratégie et un système de signalisation ; iv) mettre en œuvre une stratégie de commercialisation et de communication. Les circuits ainsi définis peuvent alors, selon leur longueur, être aménagés de manière à proposer des aires de repos, des points d’intérêt ou des sous-circuits.
Encadré 3.12. Favoriser la mobilité durable en Suisse
Créé en 2008, et ne produisant pour ainsi dire aucune émission décelable, le réseau étendu de circulation non motorisée Suissemobile a contribué à donner de la Suisse l’image d’une destination « respectueuse de l’environnement », et a ainsi ouvert aux prestataires de services touristiques l’accès à un nouveau marché prometteur. Le développement réussi du tourisme à mobilité douce appelle une étroite collaboration entre les fournisseurs de transport et les autorités, locales et régionales pour mettre en place les infrastructures, les services (y compris les espaces réservés aux bicyclettes à bord des trains et des bus), la connectivité, le balisage des circuits pédestres et cyclables, les attractions et les hébergements appropriés. Des liaisons de qualité (informationnelles et physiques) avec les services de transport classiques pour les déplacements interurbains sont indispensables pour encourager une expérience touristique durable et mémorable.
Le réseau Suissemobile a pour objectif de proposer des activités touristiques aux résidents et aux visiteurs. Son action se concentre sur le développement, la coordination et la préservation des itinéraires nationaux, régionaux et locaux, classés par type d’activité – marche à pied, vélo, VTT, rollers et canoë – et la diffusion d’informations les concernant. En 2019, il comptait au total 23 circuits nationaux, 154 circuits régionaux et plus de 600 circuits locaux. Il offre en outre aux visiteurs la possibilité de planifier leur propre parcours en ligne ou au moyen de l’application Suissemobilité. Le dispositif s’articule autour d’une stratégie harmonisée de développement des déplacements non motorisés dans l’ensemble du pays, qui s’appuie sur des règles uniformes en matière de conception des itinéraires, de normes de développement, de signalisation, d’exigences environnementales, de relations avec le secteur touristique et de communication.
Source : OCDE (2016) ; https://www.schweizmobil.ch/fr/ete.html
La création de circuits touristiques vise, entre autres, à revitaliser les villes et villages des zones rurales et régionales auxquels il est difficile, sinon impossible, d’accéder autrement que par la route, en stimulant la demande de services touristiques comme l’hôtellerie et la restauration, et l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement nécessaire à ces derniers. C’est notamment le cas des Itinéraires touristiques nationaux en Norvège, du Wild Atlantic Way en Irlande, du circuit cyclable Nga Haerenga en Nouvelle-Zélande, et des véloroutes EuroVelo, un réseau qui compte actuellement 15 pistes cyclables longue distance reliant 42 pays européens. Ces circuits favorisent une mobilité durable sur le plan économique, environnemental et social, et peuvent être empruntés par les cyclotouristes et par les résidents locaux pour leurs déplacements quotidiens.
Les technologies au service de la gestion du tourisme et des flux touristiques
Les nouvelles technologies continuent de reconfigurer les marchés et les secteurs partout dans le monde, et le rythme et l’ampleur de ces bouleversements s’intensifient. De l’économie collaborative à l’internet des objets, aux véhicules autonomes et à l’intelligence artificielle, et de la technologie des chaînes de blocs à l’analyse de données massives, tout un éventail de technologies innovantes et émergentes promet de nouvelles perspectives aux destinations et aux voyageurs du monde entier.
À l’évidence, les technologies numériques et structurantes donnent à leurs usagers les moyens d’accéder plus rapidement que jamais auparavant à des informations, des personnes et des offres toujours plus nombreuses. À l’heure où les touristes sont en quête d’expériences de voyage plus authentiques, les technologies permettront de proposer des produits et des séjours fortement personnalisés aux voyageurs visitant des destinations existantes et nouvelles. De même, les touristes disposeront d’informations plus transparentes et comparables pour choisir leur destination, le moment le plus opportun pour s’y rendre et les moyens de le faire (de la façon la plus écologique possible), leur mode d’hébergement, les endroits où se restaurer et les sites à visiter.
Par ailleurs, les technologies réorganiseront progressivement les chaînes de valeur touristiques ; les entreprises de la filière devront toutefois impérativement renforcer leurs compétences en matière de gestion de la communication, des réseaux et des partenariats. L’évolution actuelle des modèles économiques dans le secteur ouvrira de nouvelles perspectives à de nombreux entrepreneurs, et en déstabilisera d’autres (Encadré 3.13).
De même, les technologies offrent au secteur et aux collectivités locales les moyens d’éclairer les choix des consommateurs et de mieux gérer le tourisme et les flux touristiques des destinations. Plusieurs approches sont envisageables : la mise en place de sites web ou d’applications communiquant des informations en temps réel sur le degré d’encombrement des sites (comme Avoid-Crowds.com) et les modes de transport durables ; l’introduction de mécanismes de tarification dynamiques pour étaler la demande et/ou mieux traduire le coût réel des activités touristiques, et le recours à la technologie pour mieux gérer le nombre de visiteurs sur les sites fragiles du point de vue environnemental ou culturel. Un exemple d’outil numérique visant à éclairer le choix des consommateurs est l’instrument Klimatsmart Semester (Vacances climato-intelligentes), fruit d’une collaboration entre des partenaires privés et publics dans le cadre du Réseau de vacances climato-intelligentes de l’Ouest de la Suède, lancé en 2018 pour aider les consommateurs à atténuer leur incidence sur le changement climatique. Ses utilisateurs peuvent calculer l’empreinte carbone d’un éventuel voyage à partir du niveau d’émissions de CO2, en tenant compte de la distance parcourue, du mode de transport et du nombre de nuitées. Le volume d’émissions estimé est alors comparé au niveau optimum requis pour limiter le réchauffement climatique à 2°C, et l’outil indique le volume de fonte des glaces (en mètres cubes) de l’Arctique résultant directement du voyage (Bremner, 2019).
Au niveau des destinations, un service dénommé Think Sustainably aide les résidents et les visiteurs à choisir des modes de vie ou de séjour plus durables à Helsinki. Inauguré en 2019, le service filtre le contenu du site MyHelsinki.fi pour suggérer à ses utilisateurs des restaurants, des boutiques, des panoramas, des manifestations et des hébergements durables, et proposera ultérieurement des modes de déplacement responsables. Sur l’île de Santorin, en Grèce, un système d’attribution des postes d’amarrage géré par le Fonds portuaire municipal de Thira, qui utilise un algorithme basé sur 14 critères fondamentaux, est en place depuis 2018 pour contrôler et organiser les arrivées et les départs des navires de croisière. Il s’agit de réguler le flux de visiteurs sur l’île durant la journée, et de disperser les touristes sur l’ensemble de l’île en leur proposant des endroits moins connus que les sites saturés d’Oia et Fira. Le système d’attribution des postes d’amarrage permet à la municipalité d’établir le calendrier des navires de croisière sur une période de deux ans ; ce sera un outil essentiel pour maintenir les flux de visiteurs à un niveau correspondant à la capacité d’accueil de l’île (Peeters et al., 2018).
Le projet japonais « Patrimoine culturel cloné » offre un autre exemple d’application technologique innovante visant à préserver les objets culturels de valeur. Grâce à l’association des technologies dernier cri comme la numérisation et l’impression 3D et des techniques artistiques traditionnelles, les biens culturels reproduits sont des clones intégraux, qui non seulement utilisent les mêmes matériaux et textures que les originaux, mais recréent leur ADN artistique en incorporant leurs contextes culturels et leurs techniques. La théorie et les technologies qui sous-tendent le projet permettent de résoudre le dilemme consistant à simultanément préserver les biens culturels et à les exposer, et offrent par ailleurs un moyen de sauvegarder la culture artistique et les techniques traditionnelles. Ainsi, des clones de la Triade de Shaka et des peintures murales du Temple Hōryū-ji, trésors nationaux, dont les originaux sont difficiles à déplacer, voyagent dans tout le Japon et sont montrés au public dans le cadre d’une exposition sur la Route de la Soie. De surcroît, les clones culturels favoriseront sans doute la gestion des flux de visiteurs au niveau de l’attraction et/ou de la destination en leur offrant une expérience « alternative » réaliste des objets culturels, sans les queues interminables, les foules et le temps d’arrêt très limité devant les œuvres.
Encadré 3.13. Les technologies reconfigurent les chaînes de valeur touristiques
Chaîne de blocs : le potentiel de la technologie des chaînes de blocs à bouleverser les secteurs du voyage et du tourisme est établi depuis un certain temps. Étant donné leur caractère décentralisé, permanent, horodaté et inaltérable, les données enregistrées dans ces chaînes sont plus sûres, traçables et transparentes. Elles sont en conséquence adaptées à divers usages : suivi des bagages ; services d’identification ; sécurité et traçabilité des paiements ; et programmes de fidélité (Barten, 2019). Cette technologie peut cependant être aussi utilisée pour proposer des voyages plus personnalisés, et accroître en parallèle les revenus des prestataires de services touristiques à l’échelon local.
Lancé en 2016 à Tel Aviv (Israël), et aujourd’hui utilisé par plus de 500 000 voyageurs partout dans le monde, Cool Cousin est un service sur application qui vise à révolutionner les voyages dans le cadre d’une économie du partage alimentée par les chaînes de blocs. L’écosystème fondé sur cette technologie proposé par l’entreprise incite les guides locaux à monétiser leurs connaissances propres pour offrir aux usagers de l’application un itinéraire plus responsable et authentique. Cette communauté de voyageurs et de « cousins » locaux participent d’une agence de voyage entièrement décentralisée au sein de laquelle la valeur circule entre les usagers au lieu d’être prélevée par des intermédiaires tout au long de la chaîne. Les retours d’information et les notes attribuées au système sont jugés plus crédibles compte tenu de la fiabilité du contenu et de la transparence inhérente à cette technologie (Liebkind, 2019).
Destinations intelligentes : une destination intelligente est une destination touristique innovante qui fait appel aux technologies de pointe pour assurer le développement durable d’une région touristique, accessible à tous, qui facilite l’intégration et le rapport des visiteurs à leur environnement, améliore la qualité de leur séjour et rehausse dans le même temps la qualité de vie de ses habitants.
En Espagne, le programme Destinations intelligentes encourage l’innovation, la durabilité et la compétitivité à l’échelon local moyennant le développement et le déploiement des TIC dans l’objectif de créer des services différenciés très compétitifs. Les destinations désireuses d’acquérir ce label doivent mettre en œuvre une stratégie en vue d’accroître leur compétitivité grâce à l’exploitation plus durable de leurs sites naturels et culturels, la création de nouvelles ressources innovantes, et une meilleure organisation de leurs processus de production et de distribution. Les éléments pris en considération dans le cadre du programme consistent notamment à assurer un développement durable, à gérer la capacité d’accueil des destinations, à favoriser la répartition saisonnière et territoriale des flux touristiques, à améliorer la rentabilité, à veiller à ce que les habitants bénéficient de la manne touristique et à augmenter la satisfaction des touristes (www.segittur.es/en/inicio/index.html).
À terme, si les destinations parviennent à coordonner les activités et à créer l’infrastructure numérique nécessaire pour connecter les plateformes de billetterie des sites les plus fréquentés, ce système devrait permettre d’assurer la gestion opérationnelle des flux de visiteurs sur une base quotidienne et/ou saisonnière. La vente de billets d’entrée horodatés au moyen d’une interface de programmation applicative (API, à savoir une interface entre logiciels) donnerait aux destinations la souplesse nécessaire pour faire face aux demandes de pointe en coopérant avec les sites afin de à modifier les prix des billets en temps réel, et ainsi déplacer la demande des touristes d’un endroit à un autre – ce qui se rapproche des méthodes de gestion de la demande appliquées par certains grands parcs thématiques. Par ailleurs, l’horodatage fournirait aux touristes les informations nécessaires pour choisir le moment de leur visite en fonction de la disponibilité des billets un jour donné (Sorrells, 2019).
Les systèmes d’information géographique (SIG) et les données de géolocalisation provenant des réseaux de téléphonie mobile sont deux autres outils qui ouvrent des perspectives intéressantes pour gérer plus efficacement le développement du tourisme et appréhender les flux de visiteurs. Le plan directeur du tourisme, par exemple, - l’instrument employé partout dans le monde pour préparer les régions au développement et à la croissance, guider la politique gouvernementale en matière de gestion touristique, et définir les ambitions et le plan stratégique pour l’avenir du tourisme dans les régions - est l’un des domaines dans lesquels les SIG pourraient être utilisés à meilleur escient. Les SIG font appel aux données géographiques et à des jeux de données pour visualiser, analyser et évaluer les multiples couches d’informations dans un modèle synthétique du monde réel. Les cartes qu’ils établissent permettent aux chercheurs, aux universitaires et aux responsables publics de repérer et de surveiller les zones d’importance stratégique. L’analyse géographique a pour objectif de transformer les données en informations utiles pour satisfaire aux besoins des décideurs à tous les niveaux. Les plans directeurs qui sont établis sur cette base et suivent les retombées sociales, environnementales et économiques du tourisme vont devenir un outil essentiel pour les villes et les régions confrontées aux pressions rapidement croissantes du tourisme sur les ressources locales (Epler Wood et al., 2019).
De manière similaire, les technologies de télécommunication mobile et de géolocalisation connaissent un développement rapide, et devraient s’avérer très utiles pour étudier la mobilité des individus et leurs comportements de voyage, surtout lorsqu’elles sont associées à des modes de collecte de données plus traditionnels. En Israël, par exemple, le ministère du Tourisme met actuellement au point un programme de suivi par réseau mobile qui permettra de contrôler les niveaux de congestion des sites les plus fréquentés tout au long de l’année. À l’avenir, ces données seront croisées avec d’autres informations, comme les ventes de billets des sites touristiques, les données hôtelières, les données relatives aux plaintes des résidents, etc., ce qui permettra de mieux cerner les retombées économiques des flux de visiteurs sur des régions données, mais aussi leurs répercussions potentielles sur la vie quotidienne des habitants. En République tchèque, CzechTourism a acquis une vaste expérience du suivi des grands événements grâce aux données de géolocalisation provenant des réseaux de téléphonie mobile, conjuguées aux traditionnels entretiens en face à face. Lorsque cette méthode sera perfectionnée, elle permettra aux analystes qui réalisent des études d’impact de conduire leurs enquêtes sur un temps plus long et de fournir des données plus précises concernant le cadre spatio-temporel des voyages (OCDE, 2017).
En Indonésie, le ministère du Tourisme a mis au point un tableau de bord numérique pour mesurer au quotidien la réputation touristique du pays (au niveau national et à celui des destinations) sur les réseaux sociaux. Le système compare l’Indonésie aux pays voisins concurrents pour évaluer sa performance relative. Des systèmes de géolocalisation mobile sont en outre utilisés pour suivre le nombre et la répartition des touristes. Ces informations permettent aux décideurs de mieux appréhender les flux de visiteurs et leurs perceptions, de réagir aux problèmes à mesure qu’ils surgissent et de prendre des décisions plus éclairées en matière de commercialisation (Ollivaud et Haxton, 2018).
Enfin, il convient de noter que si l’omniprésence des médias sociaux offre de nombreuses possibilités aux organismes de gestion et de commercialisation des destinations, elle constitue aussi une menace pour les destinations vulnérables (populations, attractions culturelles ou environnementales) qui ne sont pas préparées, ou ne se prêtent pas, à un développement rapide de la fréquentation touristique dû à leur notoriété soudaine sur une ou plusieurs plateformes. Néanmoins, à l’heure où les mesures de conservation gagnent en réactivité pour parer aux problèmes naissants, l’utilisation innovante des technologies peut aussi offrir des moyens de gérer les flux de visiteurs et d’en atténuer les effets nocifs.
Répartir les fruits du tourisme
La façon de procéder pour répartir concrètement la manne touristique au-delà des destinations habituelles qui accueillent des flux importants de visiteurs et remédier à la saisonnalité est une question qui interroge les responsables des politiques touristiques du tourisme depuis des décennies, mais qui demeure très pertinente aujourd’hui. Un nombre grandissant de destinations sont confrontées à l’augmentation continue du nombre de visiteurs, qui exerce des pressions croissantes sur l’infrastructure, l’environnement, les populations locales, d’autres secteurs économiques, et la société dans son ensemble.
Encadré 3.14. Le tourisme en tant que moteur d’un développement local et régional
Australie : le gouvernement australien a alloué 70 millions AUD à des projets touristiques dans le cadre du Building Better Regions Fund afin de favoriser l’étalement touristique à l’extérieur des grandes villes. En 2018, Tourism Australia a lancé la campagne UnDiscover Australia, d’un montant de 10 millions AUD, qui vise l’Inde, la Malaisie, l’Indonésie et Singapour dans l’objectif de remettre en cause les notions et stéréotypes des voyageurs à l’égard de l’Australie en mettant en valeur des sites et des séjours inhabituels, insolites et inattendus. Par ailleurs, les autorités du Queensland ont instauré le programme Adventure and Nature Based Tourism Opportunities (ANBTO) pour accroître le nombre de visiteurs et les recettes touristiques dans toutes les régions de l’État. S’inscrit dans ce cadre le projet Ecotourism Trails, qui vise à créer de nouveaux débouchés touristiques à faible incidence et écologiquement durables dans l’objectif d’apporter des avantages environnementaux, sociaux et économiques aux propriétaires traditionnels, aux communautés régionales et à l’économie du Queensland en général.
Pérou : depuis 2007, le ministère du Commerce extérieur et du Tourisme encourage l’entrepreneuriat dans le cadre de sa Stratégie de tourisme communautaire en améliorant la qualité des services touristiques et en les adaptant à la demande du marché, en renforçant les compétences individuelles et collectives, et en favorisant la conservation du patrimoine naturel et culturel dans 72 communautés et 11 régions. Les organismes communautaires sont de ce fait devenus les principaux promoteurs du tourisme sur leurs territoires, et sont en mesure d’établir des alliances stratégiques avec des acteurs privés et publics. Les visiteurs et les revenus produits par les entrepreneurs qui participent à la Stratégie ont eu une incidence positive directe sur le niveau de vie des familles concernées, contribuant ainsi au développement durable de leurs communautés. Après 12 années de croissance, un ensemble de « Lignes directrices pour le développement du tourisme communautaire au Pérou » a été ratifié en 2019 afin de définir une nouvelle approche tenant compte des évolutions du marché et des besoins des communautés, et d’orienter le développement du tourisme communautaire au Pérou.
En revanche, pour d’autres communautés situées à l’écart des centres urbains et, souvent, dans des régions reculées, la perspective de tirer profit d’une économie touristique en pleine expansion et des avantages, économiques et autres, qu’elle apporterait, est très attrayante, et figure aussi en bonne place parmi les priorités des responsables publics. La diversification du produit touristique en vue de répartir la demande en dehors des centres touristiques actuels et de lutter contre la saisonnalité présente souvent le double avantage de remédier à la saturation des destinations et sites très prisés et de stimuler vigoureusement les économies régionales.
Pour autant, la décentralisation, ou l’étalement temporel ou géographique du tourisme pour favoriser le développement économique et/ou lutter contre la surfréquentation, n’est pas une panacée. De telles mesures risquent de simplement déplacer les problèmes vers d’autres régions moins préparées à une poussée soudaine des effectifs touristiques, susceptibles de dépasser leur capacité d’accueil naturelle, et se traduit pour elles par des coûts substantiels liés à la mise en place d’une infrastructure locale et à la protection des systèmes environnementaux et socio-culturels dans l’intérêt des touristes et des habitants. Les responsables publics doivent donc adopter une démarche intégrée, en travaillant en étroite coopération avec d’autres branches de l’action publique, le secteur et les collectivités locales, idéalement dans le cadre de stratégies de développement économique et régional plus vastes, afin de mieux gérer les flux touristiques au sein des destinations, mais aussi d’encourager un développement touristique approprié dans les destinations nouvelles ou naissantes et de répartir la demande en dehors des périodes de pointe (Encadré 3.14).
Encadré 3.15. Approches nationales pour répartir les bénéfices du tourisme
Tourisme gastronomique : La Hongrie applique actuellement la démarche fondée sur les destinations de sa Stratégie nationale de développement touristique 2030 dans le cadre du projet « La carte des saveurs hongroises ». Des cartes dynamiques permettent aux touristes de filtrer et de rechercher des denrées et produits locaux dans une région donnée. Elles les aident à découvrir les saveurs uniques et traditionnelles des différentes régions, ce qui stimule le tourisme et soutient les chaînes d’approvisionnement locales. Le tourisme et les expériences culinaires font partie intégrante de la stratégie gastronomique de la Suède depuis 2017. Le gouvernement a également donné au tourisme gourmand une place prioritaire dans le cadre du Programme de développement rural de l’UE, qui a alloué 40 millions SEK au développement touristique des zones rurales et 60 millions SEK à celui du tourisme culinaire dans ces régions. L’entreprise de commercialisation Visit Sweden AB, en partie détenue par l’État, coopère avec les régions suédoises pour mettre sur pied une offre gastronomique propre et en assurer la promotion commerciale.
Tourisme autochtone : le Fonds pour les expériences canadiennes aide les peuples autochtones à présenter au monde leur histoire, leurs récits traditionnels, leurs arts créatifs et leurs valeurs contemporaines, et crée dans le même temps de nouveaux débouchés économiques au sein de leurs communautés. Il soutient la croissance du tourisme autochtone au Canada et répond à la demande de développement de marchés et de produits autochtones prêts à l’exportation. En Finlande, les Principes pour un tourisme sámi responsable et éthiquement durable ont été adoptés par l’assemblée plénière du parlement sámi en 2018. Ces principes reconnaissent que les Sámis sont en droit de décider quels éléments de leur culture peuvent être utilisés à des fins touristiques, par qui et de quelle manière.
Festivals et manifestations : organisé tous les trois ans sur les îles de la Mer intérieure de Seto, au Japon, le Festival d’art international de Setouchi utilise l’art contemporain pour attirer des visiteurs dans les musées, les sites culturels traditionnels comme les temples et les sanctuaires, les sites naturels des villes côtières et les restaurants de spécialités locales de l’ensemble de la région. L’un de ses principaux objectifs est de redynamiser la région, et l’un des résultats évidents du projet a été de conforter l’idée selon laquelle les échanges qui ont lieu entre résidents âgés, jeunes touristes, artistes et bénévoles dans le cadre d’activités artistiques permettent de redonner vie au milieu local.
Pôles et accélérateurs touristiques : le pôle touristique Arctic 365, en Norvège, a été établi pour résoudre les problèmes liés à la dépendance saisonnière des activités économiques du Nord du pays en encourageant et en favorisant la coopération intersectorielle. Le pôle a créé des offres expérimentales pour les marchés internationaux, mis au point de nouveaux produits et services touristiques, coordonné des programmes éducatifs, et participé à plusieurs projets de recherche et développement (Teräs et al., 2018). En Lettonie, dans le cadre du Programme national de pôles visant à soutenir les PME, deux pôles touristiques ont été créés, l’un régional, autour d’un parc national situé à l’extérieur de Riga (ENTER Gauja), l’autre national, consacré au tourisme de santé. Là où il existe un contraste marqué entre les villes et les régions, les pôles offrent un moyen efficace de stimuler le développement régional et d’intensifier les activités touristiques dans les régions moins connues. Enfin, en Israël, le ministère du Tourisme a mis en place plusieurs accélérateurs touristiques régionaux dans l’objectif d’aider les PME à i) créer de nouvelles activités touristiques (pour le tourisme interne ou récepteur) ; ii) adapter au tourisme récepteur les produits et services destinés au tourisme interne ; iii) élargir le champ de leurs opérations, augmenter leurs revenus, et créer des emplois.
D’autres méthodes sont utilisées pour diversifier le secteur touristique sur le plan géographique et temporel, et accroître son inclusivité (Encadré 3.15) :
Le tourisme thématique peut servir à promouvoir la gastronomie, l’œnologie et les produits locaux, ou à tirer profit du patrimoine naturel, culturel et industriel.
Le tourisme communautaire et autochtone peut fortement contribuer à promouvoir et préserver les arts, l’artisanat et la culture traditionnels, y compris la culture et les traditions autochtones, qui sont généralement des attractions d’intérêt majeur pour les visiteurs.
Les festivals et manifestations spécialisés et régionaux, qui entretiennent souvent des relations étroites avec la destination hôte (littérature, gastronomie, sport d’aventure, musique, comme le festival de music de Glastonbury), et que de nombreux pays utilisent pour rehausser l’attrait ou la compétitivité d’une destination, répartir la manne touristique dans les régions, et réduire la saisonnalité.
La création de pôles touristiques et d’incubateurs touristiques régionaux, pour favoriser la coopération entre les PME du secteur et les instituts de recherche, d’enseignement et de transfert de connaissances, et pour renforcer les capacités par la prestation de services de conseil professionnels.
Les circuits touristiques (routiers, cyclables, pédestres, pèlerinages, etc.) qui offrent un moyen relativement peu coûteux d’influer sur le développement d’une destination moyennant une utilisation plus efficiente des infrastructures existantes.
Les mécanismes d’achat anticipé et de tarification dynamique (Encadré 3.3) pour réduire l’encombrement et répartir la demande au sein des destinations durant les périodes de pointe, et offrir en parallèle des outils permettant de mieux tenir compte du coût réel des activités touristiques.
La décentralisation, ou répartition des fruits du tourisme, si elle est conçue et mise en œuvre dans le cadre d’un projet stratégique plus global pour une destination ou une région, peut produire des résultats favorables pour les responsables publics, le secteur et les collectivités locales. Du point de vue des responsables publics, elle peut atténuer les effets néfastes sur les destinations et les populations locales soumises à de trop fortes sollicitations, et ouvrir des perspectives de développement économique dans les régions et les zones rurales, avec des retombées positives sur les chaînes d’approvisionnement locales, ainsi que sur le secteur agricole et rural plus généralement.
Pour le secteur, l’allègement des pressions sur les destinations et sites très fréquentés permet d’empêcher qu’ils ne perdent leur attrait aux yeux des touristes en raison de leur surfréquentation et d’une perte ressentie d’authenticité. Il peut par ailleurs favoriser la diversification vers d’autres régions ou destinations, et éventuellement prolonger la saison touristique. Pour les populations touchées par les retombées du tourisme et l’encombrement qui en résulte, la baisse du nombre de visiteurs peut faciliter le déroulement de leurs activités quotidiennes, les nouvelles destinations bénéficiant pour leur part des perspectives qu’ouvre la hausse du nombre de visiteurs en termes d’emplois et de recettes.
Mieux mesurer pour mieux gérer
Le tourisme a manifestement une dimension territoriale importante, sa répartition spatiale étant inégale à l’intérieur des pays et entre eux, et donc des effets localisés. Ces derniers peuvent aussi varier substantiellement au fil du jour, du mois et de l’année, et ainsi avoir des répercussions socioéconomiques et environnementales considérables qui varient d’une destination à l’autre. Ensemble, les dimensions spatiales et temporelles du tourisme sont des éléments fondamentaux de tout effort visant à caractériser et à étudier le tourisme sur un territoire donné (Batista et al., 2018).
Un enjeu majeur pour les pouvoirs publics, à l’échelon national et infranational, consiste à mieux appréhender l’incidence du tourisme sur les destinations et les populations locales afin d’apporter des informations plus utiles au processus de décision le concernant et d’éclairer l’élaboration et la mise en œuvre de plans stratégiques de long terme, fondés sur des données factuelles, dans le but d’assurer un développement touristique durable.
Pour ce faire, les pays ont besoin d’un système d’informations et de statistiques touristiques qui produit des données solides et actualisées suffisamment détaillées et comparables au niveau régional et national. Les « destinations » touristiques – la région choisie par le visiteur en raison des attractions, des services d’hébergement et de restauration et des activités et loisirs qu’elle offre – présentent un problème particulier en ce que les données sont souvent limitées en termes de résolution spatiale et temporelle, ce qui restreint les analyses et applications susceptibles de présenter un intérêt pour la gestion et la politique du tourisme. Qui plus est, elles sont souvent difficiles à exploiter du point de vue statistique, car elles ne correspondent pas nécessairement aux frontières administratives pour lesquelles les données sont généralement disponibles (OCDE, 2016c).
Outre la nécessité de donner une place plus centrale aux composantes environnementales et socioculturelles de la durabilité, l’instauration d’une croissance touristique durable est à l’évidence un processus continu qui appelle un engagement des responsables publics, du secteur et des communautés locales, et un suivi constant de ses progrès et de ses effets. Il est néanmoins tout aussi patent que, compte tenu des caractéristiques et des besoins propres à chaque destination, il n’existe pas de solution universelle, et que des approches spécialement adaptées à l’évaluation des retombées et à la gestion des destinations s’imposent.
Une solution éventuelle à ces problèmes consiste à combiner les données statistiques usuelles aux nouvelles sources de données massives de manière à en améliorer la granularité spatio-temporelle. Cette méthode a récemment été appliquée dans le cadre d’une étude des schémas spatiotemporels du tourisme en Europe (Batista et al., 2018). L’intégration de données de sources statistiques classiques et de deux services de location en ligne de première importance indiquant l’emplacement précis et la capacité des établissements d’hébergement touristique a permis de produire un jeu de données complet et cohérent décrivant la densité touristique avec une résolution spatiale élevée et une ventilation mensuelle pour l’ensemble de l’Union européenne. Les « cartes de fréquentation » spatiotemporelles de cette nature ont des applications évidentes en ce qu’elles peuvent servir à repérer les endroits exposés à un développement touristique déséquilibré et éclairer les mesures à prendre pour y parer.
Malgré ces limitations, et soucieux de remédier aux problèmes sociaux, culturels, économiques et environnementaux, les pays prennent actuellement des dispositions afin de mieux cerner les répercussions du tourisme sur les destinations et les populations hôtes, de déterminer la capacité d’accueil leur correspondant, et d’évaluer plus globalement la durabilité du secteur. L’Islande par exemple a connu une croissance touristique exceptionnelle entre 2010 et 2017, qui lui a procuré des avantages économiques considérables tout en exerçant de fortes pressions sur son infrastructure, son environnement et la société en général. C’est pourquoi, en 2017, le ministère du Tourisme, de l’Industrie et de l’Innovation a mis au point un outil d’évaluation de l’incidence du tourisme dans l’objectif d’évaluer la capacité d’accueil du pays en tant que destination touristique (Encadré 3.16).
Le système européen d’indicateurs du tourisme (ETIS) pour la gestion durable de destinations a été mis au point par la Commission européenne dans le but d’encourager les destinations à appliquer une approche plus intelligente à la planification touristique. Il est conçu pour remplir plusieurs fonctions : celles d’un outil de gestion, pour aider les destinations désireuses d’adopter une méthode durable de gestion des destinations ; celles d’un mécanisme de contrôle, pour faciliter la collecte de données et d’informations détaillées et permettre aux destinations d’assurer le suivi de leurs résultats ; et celles d’un instrument d’information, utile aux responsables publics, aux entreprises touristiques et à d’autres intervenants. Se fondant sur l’ETIS et sur les lignes directrices de l’OMT, la Croatie a mis en place le réseau croate d’observatoires du tourisme durable (CROSTO), qui fait partie du réseau international d’observatoires du tourisme durable (INSTO), pour appuyer la stratégie qu’elle a définie pour l’avenir de sa filière touristique. Grâce à son suivi régulier et permanent du tourisme durable sur la côte adriatique du pays, l’observatoire sensibilise aux effets bénéfiques et nocifs du développement touristique dans la région. L’un des objectifs essentiels du CROSTO est de contribuer à l’élaboration de politiques de meilleure qualité et de proposer les mesures adéquates et nécessaires qui éclaireront aussi la formulation de la nouvelle stratégie touristique nationale pour 2021.
Encadré 3.16. Évaluation d’impact du tourisme en Islande
Conduit sous les auspices du ministère des Industries et de l’Innovation, le projet d’évaluation d’impact du tourisme a été mis en place par le groupe de travail sur le tourisme, en collaboration avec divers conseillers spécialisés. Il s’agissait de mesurer la capacité de certaines composantes stratégiques de l’infrastructure fréquentées par les touristes durant leur voyage. Sur la base des données disponibles, ces éléments ont été évalués, et des seuils ont été établis pour déterminer si les limites de tolérance avaient été atteintes ou risquaient de l’être dans un futur prévisible selon des scénarios de croissance touristique de 2 % et 5 % à l’horizon 2030. L’évaluation a ensuite examiné dans quelle mesure la souplesse et l’intensité en capital de ces composantes permettaient d’envisager des améliorations. Plus de 60 indicateurs relevant de diverses catégories, dont l’économie, l’infrastructure, les services auxiliaires et la société, ont été définis et mesurés pour procéder à l’évaluation.
D’après les résultats préliminaires, plusieurs composantes auraient déjà atteint ou seraient proches de leurs limites de tolérance. L’évaluation d’impact du tourisme, conjuguée à un nouveau cadre stratégique du tourisme pour 2020-30, guidera les travaux d’élaboration d’une nouvelle stratégie touristique pragmatique qui entrera en vigueur en 2020. Elle sera aussi un outil d’aide à la décision pour les futurs investissements dans l’infrastructure et le réexamen des politiques.
Les résultats seront réévalués et actualisés à intervalles réguliers, à mesure de l’enrichissement des bases de données. L’approche retenue pour l’évaluation, centrée sur les données, est jugée constituer une première étape importante dans l’élaboration d’un système de gestion global du tourisme. Elle pourrait servir de socle aux mesures visant à optimiser la contribution du tourisme à l’économie et à la société islandaises, tout en tenant compte des capacités d’accueil des ressources sur lesquelles celui-ci repose, favorisant ainsi le développement ultérieur durable du secteur.
Dans le cas de la Stratégie touristique 2027 du Portugal, l’exécution du plan d’action nécessitait la mise au point d’un dispositif de suivi afin de réaliser les objectifs stratégiques, de procéder à une évaluation de la politique touristique et de fournir au secteur privé les instruments nécessaires à la prise de décision. Dans ce contexte, un jeu d’indicateurs couvrant les trois piliers de la durabilité a été établi pour encourager l’adoption de principes de durabilité– éclairés par les lignes directrices de l’OMS et l’ETIS - dans l’ensemble du secteur. L’élaboration d’indicateurs communs à toutes les régions permet de procéder à des comparaisons et de mesurer les progrès dans le temps.
À un niveau plus local, un mécanisme de suivi intelligent, le Smart Monitoring Pilot Scheme est actuellement expérimenté sur trois sites touristiques du comté de Donegal, en Irlande (Malin Head, Sliabh Liag et Fanad Head). L’objectif est de coopérer et collaborer avec divers intervenants déterminés à assurer le développement durable de la route côtière dénommée Wild Atlantic Way, et d’anticiper et éviter d’éventuelles retombées dommageables pour l’environnement. Le projet consiste à installer des compteurs et capteurs à des endroits stratégiques de chacun de ces sites fragiles. Un tableau de bord permettra de contrôler le nombre de visiteurs en temps réel, leur mode de transport, et leurs déplacements sur les sites et dans leurs environs. La qualité de l’eau et de l’air sera également contrôlée, et les données recueillies serviront à éclairer la gestion des touristes à différents échelons.
Enfin, pour assurer la pérennité du secteur, le développement du tourisme doit impérativement intervenir en harmonie avec la population locale. Le Costa Rica, par exemple, a lancé l’Indice de progrès social en mars 2016. Celui-ci mesure le bien-être des populations des destinations touristiques, et sert d’indicateur afin de mieux promouvoir et établir des partenariats public-privé, et de favoriser le progrès social et une croissance économique inclusive et durable.
Une caractéristique centrale du projet réside dans l’application de méthodes nouvelles pour mesurer la durabilité des destinations. Des indicateurs adaptés tiennent compte du caractère intégral et multidimensionnel du tourisme et des spécificités de chaque territoire. L’Indice permet à l’Institut du tourisme d’évaluer les forces et les faiblesses de chaque destination touristique, mais aussi d’élaborer des stratégies collaboratives et transversales afin de mieux aligner les investissements sociaux, d’orienter les ressources et de coordonner les interventions avec les autorités locales, d’autres ministères, les instituts, firmes et entreprises touristiques nationales, et la société civile. Cette plateforme marque donc une étape décisive pour le secteur touristique costaricain dans la mesure où elle fournit un outil d’aide à la décision fondé sur des données et visant une croissance inclusive, conformément au programme mondial pour 2030.
Un autre élément important de ce processus consiste à appréhender le sentiment des résidents quant à l’incidence et à l’intérêt du tourisme. En 2019, par exemple, l’OMT et Ipsos ont réalisé une enquête mondiale auprès de 12 000 personnes dans 15 pays afin de mieux comprendre l’idée que les habitants se font du tourisme urbain, de ses retombées et modes de gestion. Il ressort principalement de l’enquête que 47 % des enquêtés estiment vivre dans une ville à forte fréquentation touristique, 52 % indiquant que le tourisme a une incidence modérée ou forte sur la production de richesse et de revenu. En revanche, près de la moitié (46 %) pensaient que le tourisme « engendre une saturation de l’espace », et un pourcentage similaire (49 %) déclaraient que des mesures devraient être prises pour en améliorer la gestion, notamment en perfectionnant l’infrastructure et les équipements (72 %), en créant des offres et des attractions qui profitent à la fois aux résidents et aux visiteurs (71 %), et en veillant à ce que la population locale tire avantage du tourisme (65 %). Des enquêtes analogues visant à « prendre la température de la nation » ont été lancées à l’échelon national (en Australie et en Nouvelle-Zélande par exemple) pour évaluer le ressenti de la population quant à l’ampleur et l’intérêt du tourisme et en tenir compte dans le cadre de l’élaboration des plans de développement et de gestion.
À terme, les collectivités et les responsables publics devront donner priorité à l’adoption d’une approche plus analytique en vue de définir i) l’incidence et le coût total que représente la gestion de chaque touriste durant son séjour dans une destination, et ii) le sentiment de la population quant aux retombées et à l’intérêt du tourisme. Ils pourront ainsi prendre des décisions plus éclairées à l’heure où les destinations s’efforcent de déterminer l’équilibre approprié ou souhaité entre les débouchés économiques à court terme qu’offre la croissance rapide du secteur du voyage et du tourisme, et la résilience à long terme de leurs ressources humaines, naturelles et culturelles (WEF, 2019).
Solutions stratégiques pour réaliser le potentiel touristique
Il ressort clairement de l’analyse ci-dessus que, dans de nombreux pays, régions et destinations, le développement touristique demeure déséquilibré sur le plan économique, social, et environnemental, souvent du fait de la croissance rapide et non maîtrisée du nombre de visiteurs, qui risque de faire du tort au vécu du touriste, mais aussi à l’environnement et aux communautés hôtes dont le secteur est tributaire. Il est cependant tout aussi manifeste qu’il n’existe pas de solution universelle, car les débouchés et les problèmes associés au développement touristique varieront selon les caractéristiques propres à chaque destination, au plan national et international.
Dans le prolongement de l’analyse présentée dans ce chapitre, les principes d’action énoncés ci-après visent à remédier aux pressions croissantes sur les destinations confrontées à un développement déséquilibré du tourisme. Ils peuvent fournir aux destinations actuelles et futures les outils nécessaires pour éviter d’éventuels écueils dans le cadre des efforts qu’elles déploient pour concilier les avantages et les inconvénients liés au développement du tourisme et mettre en œuvre une vision stratégique durable pour l’avenir.
Repenser la réussite du tourisme. Un changement de paradigme quant à ce qui constitue la « réussite » du tourisme s’impose à tous les échelons de l’administration publique et pour le compte de tous les intervenants, accompagné d’un recentrage sur les composantes environnementales et socioculturelles de la durabilité. La réussite ne doit pas être jugée à la seule aune du nombre de visiteurs, mais sous un angle plus global, tenant compte des retombées positives que le tourisme peut avoir au niveau de la destination. Outre les avantages économiques, l’adoption de cette façon de voir se traduirait pour les populations locales et les peuples autochtones par des bénéfices nets, contribuant ainsi à la réalisation des ODD et à la lutte contre le changement climatique.
Adopter une approche intégrée englobant les pouvoirs publics, le secteur et les collectivités. Le tourisme doit impérativement être considéré comme une composante parmi d’autres d’une économie diversifiée. Les responsables publics doivent veiller à ce que les mesures visant à le développer s’inscrivent dans le contexte plus large des stratégies de développement urbain, régional, et économique en général, et soient formulées en étroite coopération avec le secteur et la société civile. La coordination horizontale et verticale des politiques, et une intégration plus étroite des multiples mesures à l’appui d’une approche plus stratégique et coordonnée à une croissance durable du tourisme s’imposent pour répartir les fruits du tourisme dans le temps et dans l’espace. Compte tenu du caractère changeant des systèmes de gouvernance pluriniveaux, il conviendra de procéder à un réexamen périodique des responsabilités juridictionnelles pour garantir la souplesse du système.
Généraliser les politiques et les pratiques durables. Les responsables publics doivent prendre d’autres dispositions pour que les politiques touristiques et les pratiques sectorielles intègrent systématiquement la notion de durabilité, ceci afin de mieux soutenir la transition vers une économique touristique verte, décarbonée et résistante au changement climatique. Les stratégies et objectifs à long terme doivent clairement donner priorité à la durabilité et être associés aux cibles des ODD. Une compréhension plus approfondie des chaînes de valeur touristiques permettra de déterminer dans quels domaines d’autres améliorations sont possibles et de recenser les besoins en matière de renforcement des capacités. Une approche fondée sur l’économie circulaire offrirait aux entreprises touristiques, et plus particulièrement aux PME, la possibilité d’intensifier l’innovation et d’assurer une utilisation raisonnée des ressources dans le cadre d’une démarche systémique tout au long de la chaîne de valeur. Les pouvoirs publics ont de toute évidence un rôle à jouer pour favoriser ce processus.
Mieux mesurer pour mieux gérer. Toute tentative de caractériser et d’étudier le tourisme sur un territoire donné doit impérativement tenir compte de ses dimensions spatiales et temporelles. Les pays ont besoin d’un système d’informations et de statistiques du tourisme qui produit des données solides et actualisées suffisamment détaillées et comparables au niveau régional et national. À terme, ils devraient adopter une méthode plus analytique pour appréhender les conséquences environnementales, sociales et économiques du développement touristique à brève et longue échéances, notamment les coûts financiers liés à la gestion des touristes durant leur séjour, de manière à éclairer plus efficacement le processus de décision et à déterminer l’ampleur et les formes de tourisme convenant à chaque destination. Dans ce contexte, les responsables publics doivent continuer d’étudier les moyens d’associer les données statistiques classiques aux nouvelles sources de données massives afin d’améliorer leur granularité spatiale et temporelle.
Mettre sur pied un programme tourné vers l’avenir. Pour assurer un développement touristique pérenne, les pouvoirs publics à tous les niveaux auraient intérêt à élaborer des plans détaillés de longue durée, dépassant le cycle politique. Ces stratégies devraient apporter aux entreprises la certitude dont elles ont besoin tout en étant suffisamment souples pour s’adapter aux réalités naissantes. Elles devraient tenir compte des retombées des politiques adoptées sur les générations futures, et appliquer dès maintenant des mesures responsables. Des échanges permanents entre les autorités, les collectivités locales et le secteur, faisant appel aux mécanismes de rétroinformation courants, permettraient d’identifier les débouchés et les problèmes à mesure qu’ils surgissent, et de définir les mesures d’adaptation nécessaires. Enfin, compte tenu de la mondialisation croissante et de la facilitation des connexions due aux technologies structurantes, les responsables publics ne peuvent travailler en vase clos et doivent établir une collaboration internationale pour que les fruits du tourisme soient inclusifs et équitables, et les mesures et décisions à cet égard viables au plan mondial.
Références
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