La nécessité d’agir contre le changement climatique de telle manière que cette action soit efficace à l’échelle mondiale est bien réelle et requiert une mobilisation immédiate. Les effets du changement climatique – et le risque de franchir les points de bascule au-delà desquels ces effets seront irréversibles – augmentent, préfigurant les catastrophes qui vont se produire en cas d'échec de l’action menée. De fait, le 6e rapport d’évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montre que le changement climatique dû aux activités humaines est en marche et s'accélère, et que les efforts visant à stabiliser puis à réduire radicalement les émissions mondiales pour parvenir à la neutralité doivent dès maintenant passer à la vitesse supérieure.
Le changement climaundtique n’est pas le seul défi à relever par les pouvoirs publics. Les séquelles de la pandémie de COVID-19 et la guerre d'agression non provoquée, injustifiable et illégale de la Russie contre l’Ukraine ont mis en lumière la vulnérabilité économique et sociale des systèmes humains et la menace que les chocs économiques peuvent représenter pour la résilience de l’action climatique. Dans le même temps, le monde doit faire face à des mutations structurelles de plus long terme telles que la transformation rapide du marché du travail, le vieillissement des populations, la transformation numérique des économies et, bien sûr, les atteintes à l’environnement liées à des phénomènes comme le recul de la biodiversité ou la dégradation de l’état des océans, entre autres.
La recherche de solutions à ces défis constitue la finalité du projet intitulé Zéro émission nette+ : Résilience climatique et économique dans un monde en mutation (Zéro émission nette+), qui mobilise l’ensemble de l’OCDE. Les actions menées dans les différents pays du monde aboutiront plus rapidement à des résultats meilleurs si nous partageons tous de façon plus systématique les données et informations sur ce que chacun fait pour faire reculer ses émissions. Il s'agit précisément là du cœur des activités de l’OCDE – créer et utiliser des ensembles de données vérifiables sur la base de méthodologies approuvées mutuellement afin d'améliorer la formulation des politiques publiques.
Le rapport Zéro émission nette+ s’ajoute à trois autres initiatives phares de l'OCDE dans le domaine du climat. La première est le Forum inclusif sur les approches d’atténuation des émissions de carbone, qui ambitionne d'améliorer le partage de données et d’informations sur l’efficacité relative de différentes stratégies d’atténuation des émissions de carbone. La deuxième, le Programme international pour l'action sur le climat (IPAC) – conçu dans le cadre du projet Zéro émission nette+ – a abouti à la création d'une série complète d'indicateurs permettant d'effectuer un suivi annuel des effets du changement climatique mais aussi des mesures – d'adaptation et d'atténuation – prises pour y faire face dans les pays de l'OCDE et les pays non-membres. La troisième initiative consiste à mesurer et suivre les progrès en ce qui concerne la mobilisation, par les donneurs, de 100 milliards USD par an pour financer l’action pour le climat dans les pays en développement, comme prévu par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris.
Le projet Zéro émission nette+ exploite tout l’éventail des compétences multidisciplinaires de l’OCDE afin de fournir aux responsables de l’action publique un ensemble cohérent de recommandations de nature à permettre d'accélérer la mise en œuvre d’une action climatique résiliente à l’échelle de l’administration dans son ensemble. Le présent rapport synthétise les conclusions de la première phase de ce projet. Il regroupe les travaux de 17 comités de l’OCDE et constitue une contribution fondamentale à l’action menée par l’ensemble de l’Organisation pour soutenir l’action climatique dans la pratique. Il comprend trois parties distinctes mais liées les unes aux autres, qui, ensemble, brossent un tableau complet de ce qui est nécessaire à la mise en œuvre d’une action climatique résiliente.
La première partie plante le décor, présentant le contexte dans lequel s'inscrit actuellement l’action climatique et décrivant l’urgence de la crise climatique et les nombreux autres bouleversements auxquels sont confrontés les pays. Malgré des progrès récents, le changement climatique n’est pas encore suffisamment pris en compte dans la politique économique. Par ailleurs, l'atténuation et l'adaptation demeurent, dans une large mesure, deux volets de la politique climatique séparés l’un de l’autre et d'autres préoccupations environnementales telles que la biodiversité.
La deuxième partie porte sur la voie à suivre pour que la transition vers la neutralité soit non seulement plus rapide, mais aussi plus résiliente, en d’autres termes pour que les politiques climatiques s’inscrivent dans la durée malgré un contexte changeant, mais aussi pour qu’elles n’aient pas de retombées négatives sur d'autres domaines de l’action publique. L'analyse repère les blocages susceptibles d’entraver la transition et la façon dont les politiques pourraient être formulées pour les anticiper en ce qui concerne le financement public et privé, l'innovation, l’emploi et les politiques sociales ; la situation particulière des pays en développement est également abordée.
La troisième partie est consacrée à la façon dont la résilience systémique aux effets du changement climatique pourrait être renforcée, soulignant les synergies qui existent entre l’atténuation, l’adaptation et d'autres préoccupations environnementales. Elle démontre que des mesures d'adaptation sont nécessaires pour limiter les pertes et dommages, et avance qu’il faut adopter une approche systémique dans ce domaine également, c'est-à-dire privilégier le renforcement de la résilience globale au lieu d'adapter les composantes individuelles des systèmes face à certains risques climatiques. Dans cette optique, elle s'attarde plus précisément sur la manière de renforcer la résilience dans certains secteurs et systèmes fondamentaux.
Les enjeux sont considérables. Il est établi que certains effets du changement climatique sont déjà une réalité. Pour la seule année 2021, le coût direct des événements extrêmes liés au climat est estimé à 290 milliards USD (265 milliards EUR) à l'échelle mondiale. En outre, les données de l’IPAC révèlent des changements observables. Dans le même temps, les bienfaits d’une action plus rapide et plus coordonnée sont évidents.
La richesse des stratégies que les pays adoptent ou prévoient d'adopter est à la fois importante et justifiée. Traduire des ambitions et des intentions en actions et en résultats réels suppose d’œuvrer pour que ces initiatives individuelles soient aussi efficaces et justes que possible à l'échelle mondiale.
Mathias Cormann
Secrétaire général de l’OCDE