Roberto Schiano Lomoriello
Rachel Scott
Roberto Schiano Lomoriello
Rachel Scott
Ce chapitre présente une vue d'ensemble de l'aide publique au développement (APD) allouée aux contextes fragiles ; il en examine les sources, les destinations et les modalités. Il analyse également l'importance croissante de l'aide humanitaire dans les contextes fragiles, en particulier les contextes extrêmement fragiles, et la manière dont cette aide transforme le paysage du financement du développement. Il traite en outre de la répartition de l'aide entre les contextes fragiles et entre les secteurs, et met en évidence la concentration de l’APD sur un nombre limité d'« enfants chéris » de l'aide. En conclusion, ce chapitre aborde l'engagement des donneurs dans les contextes fragiles – qu'il s'agisse de membres du Comité d'aide au développement (CAD) ou d’autres donneurs – et passe en revue les canaux utilisés pour acheminer l'aide vers les contextes fragiles et extrêmement fragiles.
Les chiffres de ce chapitre relatifs à l'APD ou à l'aide en général englobent tous les apports d'aide notifiés à l'OCDE, dont l'APD octroyée par les membres du CAD et par les autres donneurs. Sauf indication contraire, ces chiffres sont exprimés en USD, à prix constants de 2016, et sont basés sur les apports nets d'APD.
En 2016, les fonds préaffectés destinés aux contextes fragiles ont été supérieurs aux fonds préaffectés dirigés vers les autres pays en développement. Cette même année, les donneurs ont consacré 68.2 milliards USD, soit 65.5 % du volume total préaffecté, aux 58 contextes fragiles au sens du Cadre de l'OCDE sur la fragilité, contre 35.8 milliards USD à 67 autres pays en développement (Graphique 4.1).
La croissance de l'APD est concentrée dans les contextes fragiles. Globalement, l'APD préaffectée s'est accrue de 12.2 % entre 2014 et 2016. L'APD allouée aux contextes fragiles a progressé de 14.4 % (8.6 milliards USD) – une croissance bien supérieure à celle enregistrée dans les contextes non fragiles (Graphique 4.1). De fait, l'APD destinée aux contextes fragiles ne cesse d'augmenter depuis la fin de la crise financière mondiale et s’est accrue de 26 % en termes réels entre 2009 et 2016.
Ce chapitre examine la manière dont l'APD a été allouée en 2016, c’est-à-dire ses destinations, ses sources ainsi que ses modalités et canaux d'acheminement.
L'essentiel de la croissance de l'APD dirigée vers les contextes fragiles a porté sur l'aide humanitaire, laquelle a augmenté de 144 % entre 2009 et 2016. Rien que de 2015 à 2016, l'aide humanitaire à destination de tous les contextes fragiles confondus s'est accrue de 38 %, atteignant un record historique de 18.3 milliards USD. Au cours de cette même période, l'aide-pays programmable (APP), c'est-à-dire l'aide disponible pour la programmation au service du développement, n'a pas augmenté dans les contextes fragiles.
Cette croissance de l'aide humanitaire a transformé en profondeur le paysage du financement, en particulier dans les 15 contextes extrêmement fragiles. En 2016, l'APP et l'aide humanitaire destinées à ces contextes difficiles se situaient plus ou moins au même niveau, l'APP s'établissant à 16 milliards USD et l'aide humanitaire à 15 milliards USD. Selon les projections, l'APP dirigée vers ces contextes ne devrait pas augmenter en 2019 (Graphique 4.2). Dans d'autres contextes fragiles où les situations d'urgence extrême sont plus rares, l'aide humanitaire a représenté seulement 8.6 % de l'ensemble de l'APD en 2016.
Cette évolution conforte l'affirmation de la communauté humanitaire selon laquelle l'aide humanitaire, en particulier dans les contextes extrêmement fragiles, dépasse bien souvent les limites de sa vocation initiale, à savoir sauver des vies, en raison notamment d’un niveau d’aide au développement insuffisant pour s'attaquer aux facteurs de fragilité. Elle a également eu pour effet de susciter des appels en faveur d'un investissement plus soutenu au service du développement dans les contextes fragiles, en appliquant le principe d’une aide au développement là où cela est possible, et d’une aide humanitaire seulement là où cela est nécessaire. Les chapitres 9 et 10 traitent cette question plus en détail.
Les programmes liés à l’infrastructure et aux services sociaux reçoivent une plus grande part d'APD que les autres programmes dans les contextes fragiles, comme le montre le Graphique 4.3. En 2016, 31 % des apports totaux d'APD aux contextes extrêmement fragiles, soit 9.8 milliards USD, ont été dirigés vers ce secteur. Dans les autres contextes fragiles, 49 % de l'APD totale reçue, soit 20.9 milliards USD, étaient destinés à ce secteur. Au sein de la catégorie « infrastructure et services sociaux », 2 milliards USD ont été consacrés à la santé dans les contextes extrêmement fragiles, 4.6 milliards USD dans les autres contextes fragiles, soit respectivement 6.2 % et 10.5 % du volume total d'APD ; 700 millions USD ont été dirigés vers le secteur de l'eau et de l'assainissement dans les contextes extrêmement fragiles, 2 milliards USD dans les autres contextes fragiles, soit 2.2 % et 4.7 % du volume total d'APD ; quant à l'éducation, elle a bénéficié de 1.2 milliard USD dans les contextes extrêmement fragiles et de 4 milliards USD dans les autres contextes fragiles, soit 3.8 % et 8.9 % du volume total d'APD. L'aide humanitaire représente la plus grande part de l'APD consentie aux contextes extrêmement fragiles, s'établissant à 14.8 milliards USD, soit 47 % du volume total, et l'essentiel de cette aide est également dirigée vers les secteurs sociaux. Dans les autres contextes fragiles, l'aide humanitaire s'est élevée à 3.4 milliards USD, soit 8.1 % de l'APD totale. Par ailleurs, l'APD destinée aux secteurs de production s'est établie à 1.5 milliard USD dans les contextes extrêmement fragiles, soit 4.5 % du volume total, et à 3.6 milliards USD dans les autres contextes fragiles, soit 8.2 % de l'APD totale. En ce qui concerne le secteur de l’infrastructure et des services économiques, les contextes extrêmement fragiles ont reçu 1.9 milliard USD et les autres contextes fragiles 6.6 milliards USD, soit respectivement 6 % et 15 % du volume total d'APD reçu.
Le chapitre 8 traite de manière plus approfondie de la répartition de l'aide par secteur, en s'attachant à déterminer si cette aide cible les facteurs réels de fragilité.
L'aide n'est pas répartie uniformément entre les contextes de fragilité et est fortement concentrée sur quelques-uns d'entre eux. En 2016, 20 des 58 contextes fragiles ont reçu 74 % de l'APD dirigée vers les contextes fragiles (soit 50 milliards USD au total). En outre, 10 de ces contextes, souvent qualifiés d'« enfants chéris » de l'aide, ont reçu à eux seuls 50 % du volume total de l'APD consentie aux contextes fragiles, soit près de 35 milliards USD. La tendance à la concentration de l'aide se poursuit donc. Ainsi, au cours des 11 années comprises entre 2003 et 2012, l'Afghanistan et l’Iraq ont à eux deux reçu pas moins de 22 % du volume total de l'APD dirigée vers les contextes alors considérés comme fragiles (OCDE, 2015, p. 61[3]).
La République arabe syrienne (ci-après la « Syrie ») constitue un cas à part. L'APD consacrée à ce pays a augmenté de 87 % entre 2015 et 2016, érigeant celui-ci au tout premier rang des bénéficiaires d'aide. La Syrie a doublé l'Afghanistan, qui, depuis 2009, se plaçait invariablement en première place pour le volume d'aide reçu (sauf en 2013, quand l'Égypte l'avait devancé). La grande majorité de l'aide consentie à la Syrie prend la forme d'une aide humanitaire (8.1 milliards USD).
Comme le montre le Graphique 4.4., la répartition de l'aide destinée aux 20 contextes les plus fragiles a eu pour corollaire d'autres évolutions en 2016. L'Afghanistan est demeuré le premier bénéficiaire d'APD, hors aide humanitaire, malgré une baisse de 4 % au cours de l'année précédente. L'APD dirigée vers l'Éthiopie s'est accrue de 28 % entre 2015 et 2016, hissant ce pays de la quatrième à la deuxième place pour le volume d'aide reçu. L'APD destinée à l'Iraq a augmenté de 51 % au cours de la même période ; ce pays est également le deuxième bénéficiaire d'aide humanitaire. Après avoir affiché de fortes hausses en 2015, l'APD allouée au Pakistan et au Bangladesh a régressé en 2016, respectivement de 20 % et de 3 %. L'APD dirigée vers la République démocratique du Congo (RDC) a reculé de 18 %, faisant sortir ce pays de la catégorie des dix premiers bénéficiaires d'APD, malgré la persistance de la crise dans le pays.1
La répartition de l'APD entre les contextes fragiles varie également de manière significative lorsqu'on mesure l'aide par habitant (Graphique 4.5). L'APD moyenne par habitant reçue dans les contextes fragiles à revenu intermédiaire de la tranche inférieure est sensiblement supérieure (110 USD) à celle des contextes fragiles à faible revenu (71 USD). Deux facteurs jouent en l'occurrence. En premier lieu, et sans surprise, les États insulaires faiblement peuplés tels que les Îles Salomon (317 USD) et le Timor-Leste (180 USD), deux pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, reçoivent une APD sensiblement plus importante que la moyenne. Le niveau relativement élevé de leur APD par habitant peut s'expliquer par le coût nécessairement supérieur de la fourniture de services sur un territoire où la population est dispersée. En deuxième lieu, les crises humanitaires graves surviennent de plus en plus dans des contextes à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, où le coût des interventions est plus élevé. C'est le cas par exemple de la Cisjordanie et de la bande de Gaza (537 USD), ainsi que de la Syrie (482 USD).
Si l'asymétrie des apports d'aide suscite l'attention depuis l'adoption du Programme d'action d'Accra, en 2008, dix ans plus tard, elle nécessite toujours une attention accrue et une action collective plus soutenue de la part des fournisseurs d'aide, compte tenu notamment de l'engagement plus récent de « ne laisser personne de côté » (Ericsson et Steensen, 2014, p. 2[4]).
Pour de nombreux contextes fragiles, l'APD apporte un financement essentiel à l’appui du développement, financement auquel ces contextes n'ont tout simplement pas accès par d'autres moyens. On dit d’eux qu’ils sont dépendants vis-à-vis de l'aide. La dépendance vis-à-vis de l'aide est plus forte dans les contextes fragiles à faible revenu que dans les contextes fragiles à revenu intermédiaire. Comme le montre le Graphique 4.6, les pays qui sont le plus dépendants vis-à-vis de l'aide, y compris ceux qui ont un niveau de revenu supérieur, sont largement concentrés en Afrique subsaharienne. Le Libéria est le contexte fragile le plus dépendant, suivi de la République centrafricaine, du Burundi et du Malawi. Les contextes fragiles à revenu intermédiaire de la tranche supérieure sont ceux qui sont le moins dépendants vis-à-vis de l'aide, la plupart d'entre eux, à l'instar de l'Angola et de l'Iraq, étant richement dotés en ressources naturelles.
Il est intéressant d'examiner conjointement la dépendance à l’égard de l'aide et l'aide par habitant. Ainsi, le Libéria non seulement est très dépendant vis-à-vis de l'aide, mais en 2016, il a reçu le montant d'APD par habitant le plus élevé (178 USD). Le Burundi est lui aussi dépendant à l’égard de l'aide, mais n’a reçu que 74 USD par habitant au titre de l'APD. Ces exemples illustrent l'utilité de prendre en compte ces deux dimensions pour déterminer si un contexte reçoit le volume nécessaire de financement à l'appui du développement. Le chapitre 9 traite plus en détail de cette question.
En 2016, l'APD dirigée vers les contextes fragiles s'est élevée à 68.2 milliards USD. Sur ce total, 35.8 milliards ont été apportés par les donneurs du CAD, 9.9 milliards par d'autres donneurs bilatéraux et les 22.5 milliards restants ont été acheminés par l’intermédiaire d'acteurs multilatéraux, dont des banques de développement et des organismes des Nations Unies.
Les donneurs du CAD2 octroient leur APD aux contextes fragiles de deux manières : sous forme d'aide bilatérale directe destinée à l'exécution de programmes dans un contexte fragile donné et sous forme d'aide multilatérale transitant par des acteurs multilatéraux, lesquels utilisent les fonds dans un contexte fragile.
En 2016, les pays membres du CAD ont versé 55.2 milliards USD aux contextes fragiles au titre de l'APD, dont 35.8 milliards USD d'APD bilatérale nette. Les membres du CAD ont en outre acheminé 19.4 milliards USD aux contextes fragiles par le biais de leurs contributions au système multilatéral. Au total, les pays du CAD ont consacré 35 % de leur portefeuille d'aide global aux contextes fragiles. Le Graphique 4.7 montre quels étaient les 20 premiers donneurs du CAD dans les contextes fragiles en 2016.
Un pourcentage accru de l'APD des membres du CAD a été dépensé au niveau des pays donneurs en 2016, en grande partie pour faire face à l'arrivée de réfugiés3. Ces dépenses ont gonflé le volume total de l'APD, qui s'est accru de 8.9 % en 2015. Cela étant, même en excluant le coût des réfugiés, l'aide globale a augmenté de 7.1 % ; l'aide bilatérale en faveur des pays les moins avancés a toutefois reculé de 3.9 % (OCDE, 2017[7]). Très souvent, le coût des réfugiés dans le pays donneur est comptabilisé au titre de l'APD uniquement la première année suivant l'arrivée des réfugiés, d'où des fluctuations probables de cette tendance au fil du temps.
Les donneurs les plus importants en faveur des contextes fragiles, que ce soit par le canal bilatéral ou multilatéral, demeurent les États-Unis, suivis de l'Allemagne, du Japon, du Royaume-Uni et des institutions de l'Union européenne (UE). Le Canada, les États-Unis, l'Irlande, le Japon et le Royaume-Uni sont les pays qui consacrent la plus forte proportion de leur aide bilatérale totale aux contextes fragiles. Certains pays comme l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas apportent davantage de fonds aux contextes fragiles par le biais d’organisations multilatérales que par le canal bilatéral. Le Luxembourg, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suède se placent aux premiers rangs des donneurs en termes de versements bilatéraux à destination des contextes fragiles, en pourcentage du revenu national brut (RNB) (Graphique 4.8).
Outre les apports d'APD en provenance des membres du CAD, les activités de coopération pour le développement et les investissements des donneurs hors CAD prennent une place de plus en plus importante dans le paysage du financement du développement, en particulier dans les contextes fragiles. En 2016, les donneurs non membres du CAD4 ont octroyé 13 milliards USD sous forme d'aide bilatérale à l'ensemble des pays en développement, dont 9.9 milliards USD aux contextes fragiles5. Les non membres du CAD consacrent donc une part impressionnante – 76 % – de leur APD bilatérale aux contextes fragiles. À l'inverse, ils ont acheminé 246 millions seulement (2 %) aux contextes fragiles par le biais de leurs contributions au système multilatéral.
La Turquie, pays observateur auprès du CAD, et les Émirats arabes unis, pays doté du statut de participant aux travaux du CAD depuis 2014, se classent tous deux parmi les donneurs hors CAD les plus généreux, en termes de pourcentage de leur RNB consacré aux contextes fragiles – respectivement 0.76 % et 1.12 %. Parmi les dix premiers bénéficiaires de l'APD bilatérale brute de la Turquie en 2015 figuraient des contextes fragiles comme l'Afghanistan, la Cisjordanie et la bande de Gaza, la Somalie, le Soudan et la Syrie (OCDE, 2017, p. 296[9]). En 2015, l'essentiel de l'APD de la Turquie (70 %) a été dirigé vers des programmes liés à la crise en Syrie, contre 52 % en 2013 (OCDE, 2017, p. 295[9]).
Entre 2011 et 2015, les donneurs arabes ont consacré 29 % de leur APD à des contextes fragiles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, dont l'Égypte, l'Iraq, la Libye, la Syrie et le Yémen.
La Chine, autre important donneur non membre du CAD, dirige principalement son aide vers l'Afrique. D'après des estimations récentes, six des dix premiers bénéficiaires de l'APD de la Chine entre 2000 et 2014 étaient également des contextes fragiles. Il s'agit, par ordre décroissant selon le volume d'aide reçu, de la Côte d'Ivoire (4.0 milliards USD), de l'Éthiopie (3.7 milliards USD), du Zimbabwe (3.6 milliards USD), du Cameroun (3.4 milliards USD) et du Nigéria (3.1 milliards USD) (AidData, s.d.[10]).
L'Arabie saoudite indique avoir apporté 32.8 milliards USD au titre de l'aide entre 2007 et 2017, une part significative ayant été destinée à des contextes fragiles. Son voisin, le Yémen, a reçu la plus grande part de l'aide consentie par l’Arabie saoudite (13.4 milliards USD), suivi de la Syrie (2.3 milliards) et de l'Égypte (1.8 milliard) (King Salman Humanitarian Aid and Relief Centre, 2018[11]).
Comme le montre le Graphique 4.9, l'APD destinée aux contextes fragiles n'est pas uniforme en termes de montant reçu ou d'éventail de donneurs présents dans un contexte donné. Les membres du CAD ont apporté la majeure partie de l'APD reçue par les contextes fragiles en 2016, l'Afghanistan étant le premier bénéficiaire de leur APD bilatérale. En revanche, c’est de pays non membres du CAD qu’est provenu l'essentiel de l'APD reçue par l'Égypte et la Syrie en 2016. Au Bangladesh, en Éthiopie, au Nigéria et au Pakistan, l'aide bilatérale consentie par les donneurs du CAD constitue la première source d'APD, suivie de près par l'aide du Groupe de la Banque mondiale. Les Nations Unies sont particulièrement actives en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, en raison principalement de la présence de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) (UNRWA, 2015[12]). Sur le volume total d'APD apporté par les gouvernements donneurs à l'UNRWA en 2015, 70 % provenaient de pays membres du CAD.
L'aide au développement notifiée à l'OCDE est acheminée par de multiples canaux, à savoir, notamment, l'exécution directe (bilatérale), le versement de fonds à des organisations multilatérales, dont les Nations Unies et les institutions financières internationales (IFI), et l'acheminement de fonds par le biais d'organisations non gouvernementales (ONG) ou directement à des gouvernements partenaires. Comme le montre le Graphique 4.10, en 2016, dans les contextes extrêmement fragiles, 27 % de l'APD (soit 8.4 milliards USD) ont été acheminés par le biais d'organisations multilatérales, 27 % (soit 8.3 milliards USD) par le biais de gouvernements donneurs et 20 % (6 milliards USD) par le biais de gouvernements partenaires. Dans les autres contextes fragiles, 46 % du volume total d'APD (16.3 milliards USD) ont transité par des gouvernements partenaires, 11 % (3.8 milliards USD) par des gouvernements donneurs et 12 % (4.3 milliards USD) par des organisations multilatérales (Graphique 4.10).
Parmi les principales organisations multilatérales qui acheminent l'aide aux contextes extrêmement fragiles figurent les organismes des Nations Unies, par lesquels transite souvent une part relativement importante de l'aide humanitaire, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et des ONG (OCDE, 2013[13]). L'aide au développement acheminée par la Banque africaine de développement (BAfD) est un exemple d'apport de financement par le canal multilatéral. Il s'agit d'une des premières institutions financières internationales à avoir établi un mécanisme spécial consacré exclusivement au type d'aide dont ont besoin les contextes fragiles en Afrique (Encadré 4.1).
La Facilité d'appui à la transition (FAT), anciennement dénommée « Facilité en faveur des États fragiles », est un mécanisme de financement autonome sur le plan opérationnel qui relève du Fonds africain de développement (FAD) du Groupe de la Banque africaine de développement (BAfD). Elle est exclusivement destinée à apporter un appui aux pays en transition dans leurs efforts visant à consolider la paix, à mettre en place des institutions résilientes, à stabiliser leur économie et à jeter les bases d'une croissance inclusive. La FAT a été créée pour remédier aux contradictions inhérentes au système d'allocation des ressources du FAD basé sur la performance, qui avait tendance à défavoriser les pays en transition par rapport à leurs besoins et leurs demandes légitimes. Depuis sa création, en 2008, la FAT a été dotée de 2.78 milliards UC (soit 4.01 milliards USD)1. Rien qu'au titre du cycle du FAD-13, les apports de fonds de la FAT aux pays en transition se sont élevés à 651.4 millions UC (941.85 millions USD), et ils se sont accrus de 17 % durant le cycle du FAD-14.
Les contextes fragiles manquent généralement de financements. Malgré l’ampleur de leurs besoins, ils ont également du mal à avoir accès à des ressources concessionnelles en raison de leurs résultats et des perceptions du risque qui leur sont associées. La FAT joue donc un rôle essentiel pour les pays et contextes soumis à des sanctions. En effet, ces contextes, qui sont en situation d'arriéré de paiement, se retrouvent pris dans un cercle vicieux qui les exclut progressivement de tout accès à des financements ainsi qu'aux capitaux internationaux, et les empêche de rompre le cycle de la fragilité. Les ressources octroyées au titre du Pilier II de la FAT (guichet d'apurement des arriérés) sont affectées à la facilitation du processus de réengagement auprès des créanciers internationaux. Des pays comme la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo (RDC), le Libéria et la Sierra Leone ont bénéficié de ressources mobilisées par la BAfD en vue d'apurer leurs arriérés et de rétablir des relations « normales » avec la communauté internationale.
La Banque africaine de développement met à profit la flexibilité des ressources de la FAT pour mobiliser des fonds provenant de l'enveloppe des opérations régionales au titre du FAD-13. Elle a ainsi approuvé 14 opérations régionales dont bénéficient des situations de fragilité, à hauteur de 478 millions UC (691 millions USD). Ce montant représente 55 % de l'ensemble des ressources approuvées au titre de l'enveloppe des opérations régionales. Il s'agit notamment d'opérations visant à étendre celles déjà menées en vue de renforcer la capacité de résistance à la sécheresse dans la Corne de l'Afrique, de développer le couloir de transport reliant le littoral de la Côte d'Ivoire (San Pedro) à la capitale enclavée du Mali, Bamako, d'introduire les énergies vertes au Burundi, en RDC et au Rwanda (Ruzizi) et de lutter contre l'épidémie de maladie à virus Ebola en facilitant le déploiement rapide de médecins d'autres pays africains dans les zones touchées par l'épidémie. Ainsi, un montant total de 225 millions USD a été approuvé pour combler certains déficits mis au jour dans les systèmes de santé nationaux. Un engagement à haut niveau est venu renforcer cet appui financier.
La BAfD accorde une grande valeur aux programmes et interventions qui tiennent compte de la fragilité en recensant les leviers de résilience dans les pays en transition. Au cours des dix dernières années, elle a acquis une somme de connaissances, une expérience et un savoir-faire approfondis qui façonnent son approche globale en matière d'intervention dans ces contextes. En mettant à profit les ressources de la FAT, la BAfD a pu contribuer à remédier à la fragilité et à renforcer la résilience en Afrique. Par ailleurs, il est de plus en plus admis que les partenaires doivent s'attacher à remédier à la fragilité pour mieux aider ceux qui se trouvent en bas de la pyramide dans les pays en transition. Ces populations sont les premières à subir les effets de la fragilité – accès et participation limités à l'économie formelle et aux domaines sociopolitiques, chocs environnementaux et liés au changement climatique, conflits violents, etc. La BAfD étudie donc les possibilités de mobiliser d'autres ressources et d'attirer davantage l'attention sur le principe de « ne laisser personne de côté », consacré par les Objectifs de développement durable.
Contribution de la Banque africaine de développement, Département de l'appui à la transition
1. La BAfD utilise l'unité de compte (UC) comme monnaie de présentation ; elle est équivalente au Droit de tirage spécial (DTS) du Fonds monétaire international. Les montants en UC ont été convertis en USD en appliquant le taux de change publié par la BAfD en mars 2018, soit 1.44589 USD = 1 UC.
Une part plus réduite de l'APD a été acheminée par le truchement d'ONG, même si cette proportion est supérieure dans les contextes extrêmement fragiles (17 %) par rapport aux autres contextes fragiles (15 %). En 2016, l'aide acheminée par le biais d'institutions du secteur privé a représenté 3 % de l'APD totale (867 millions USD) dans les contextes extrêmement fragiles et 4 % (1.26 milliard USD) dans les autres contextes fragiles. Ces chiffres montrent que le secteur privé n'est pas encore un canal privilégié dans les contextes fragiles. De même, la part d'APD acheminée par le biais de partenariats public-privé est elle aussi très réduite, malgré la reconnaissance du fort potentiel que pourrait receler ce canal. Les chapitres 6 et 9 traitent plus en détail de cette question.
Si elle constitue une source importante de financement pour les contextes fragiles, l'APD représente toutefois moins d'un tiers du volume total de financements extérieurs mis à disposition de ces pays et économies (chapitre 6). Elle n'en reste pas moins essentielle car elle est utilisée dans des domaines où d'autres sources de financement n'investissent pas – la fourniture de services de base ou l'amélioration générale de l'environnement pour créer des conditions favorables par exemple. L'APD peut également avoir un effet « catalyseur » en favorisant la mobilisation ultérieure de financements privés et en soutenant l'amélioration de la mobilisation des ressources intérieures et de l'exécution du budget (chapitres 7 et 9).
En outre, l'APD est la seule forme d’apport que les donneurs peuvent affecter directement et donc diriger vers les contextes fragiles pour les aider à atteindre les Objectifs de développement durable. Le chapitre 9 porte sur la manière dont le potentiel de l'APD pourrait être renforcé, en prenant en compte l'éventail complet des financements apportés à l’appui du développement.
[10] AidData (s.d.), China's Global Development Footprint (base de données), Institute for the Theory & Practice of International Relations, William & Mary, Williamsburg, VA, http://aiddata.org/china (consulté le 25 avril 2018).
[5] Banque mondiale (2018), « Population, total », Indicateurs du développement dans le monde (base de données), https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL. (consulté le 04 juin 2018)
[4] Ericsson, F. et S. Steensen (2014), « OECD-DAC Development Brief », OCDE, Paris, https://www.oecd.org/dac/aid-architecture/Aid%20Orphans%20Development%20Brief.pdf (consulté le 25 avril 2018).
[11] King Salman Humanitarian Aid and Relief Centre (2018), Saudi Aid Platform: First stage 2007-2017, https://data.ksrelief.org/en/Home.aspx. (consulté le 25 avril 2018)
[2] OCDE (2018), « Aide programmable par pays (APP) », Statistiques de l'OCDE sur le développement international (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/data-00585-fr. (consulté le 19 juillet 2018)
[8] OCDE (2018), Revenu national brut (RNB) (indicateur), http://dx.doi.org/10.1787/03690453-fr. (consulté le 19 juillet 2018)
[1] OCDE (2018), « Statistiques détaillées de l'aide : APD (Aide publique au développement) : versements », Statistiques de l'OCDE sur le développement international (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/data-00069-fr. (consulté le 19 juillet 2018)
[6] OCDE (2018), « Versements d'aide (APD) vers les pays et régions [CAD2a] », OCDE, International Development Statistics (base de données), https://stats.oecd.org/qwids/. (consulté le 28 avril 2018)
[9] OCDE (2017), Coopération pour le développement 2017 : Données et développement, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/dcr-2017-fr.
[7] OCDE (2017), « Development aid rises again in 2016 but flows to poorest countries dip », http://www.oecd.org/dac/financing-sustainable-development/development-aid-rises-again-in-2016-but-flows-to-poorest-countries-dip.htm (consulté le 25 mai 2018).
[3] OCDE (2015), États de fragilité 2015 : Réaliser les ambitions de l'après-2015, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264248878-fr.
[13] OCDE (2013), Fragile States 2013: Resource Flows and trends in a Shifting World, Édition OCDE, http://www.oecd.org/dac/conflict-fragility-resilience/docs/FragileStates2013.pdf.
[12] UNRWA (2015), Donor charts: Government and EU Pledges to UNRWA (Cash and In-kind) for 2015, Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), https://www.unrwa.org/sites/default/files/2015_government_donors_and_eu_overall.pdf (consulté le 27 mai 2018).
← 1. En 2015, les dix premiers bénéficiaires d'APD étaient, par ordre décroissant selon le volume d'aide reçu, la Syrie, l'Afghanistan, le Pakistan, l'Éthiopie, la République démocratique du Congo, la République-Unie de Tanzanie, le Bangladesh, l'Égypte, le Kenya et le Nigéria.
← 2. Sont membres du CAD les pays suivants : l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Corée, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Japon, le Luxembourg, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède et la Suisse.
← 3. Une règle du CAD adoptée en 1988 permet aux pays donneurs de comptabiliser certaines dépenses consacrées aux réfugiés au titre de l'APD au cours de l'année suivant l'arrivée des réfugiés. L'Australie, la Corée, le Japon et le Luxembourg n'ont comptabilisé aucune dépense consacrée aux réfugiés au titre de l'APD en 2016. Onze pays donneurs ont consacré plus de 10 % de leur APD aux réfugiés ; parmi ceux-ci, l'Allemagne, l'Autriche, la Grèce et l'Italie ont consacré plus de 20 % de leur APD au coût des réfugiés.
← 4. Les non membres du CAD qui notifient leurs apports à l'OCDE sont l'Arabie saoudite, l'Azerbaïdjan, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, les Émirats arabes unis, l'Estonie, Israël, le Kazakhstan, le Koweït, la Lettonie, le Liechtenstein, la Lituanie, Malte, la Roumanie, la Russie, le Taipei chinois, la Thaïlande, le Timor-Leste et la Turquie.
← 5. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Note de la Turquie. Les informations figurant dans ce document qui font référence à « Chypre » concernent la partie méridionale de l’île. Il n’y a pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’île. La Turquie reconnaît la République Turque de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu'une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Turquie maintiendra sa position sur la « question chypriote ».
Note de tous les États de l’Union européenne membres de l’OCDE et de l’Union européenne. La République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Turquie. Les informations figurant dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.