Ce chapitre détaille les politiques économiques et budgétaires adoptées pendant la crise, et en particulier celles relatives aux aides aux entreprises. Les mesures adoptées au Luxembourg sont comparées à celles d’autres pays de l’OCDE. Aussi, le chapitre présente une analyse détaillée du recours aux différentes mesures par taille, par secteur et selon la situation financière pré-crise des entreprises bénéficiaires. Le chapitre inclut également les résultats d’une analyse d’impact des aides perçues par les entreprises du pays sur leur performance. Enfin, il formule des recommandations pour améliorer le ciblage, la mise en œuvre et l’impact des politiques économiques et budgétaires d’urgence.
Évaluation des réponses au COVID-19 du Luxembourg
6. Les mesures économiques et budgétaires de crise au Luxembourg
Abstract
Résultats clés
Un effort budgétaire en phase avec ce qu’ont fait d’autres pays comparables de l’OCDE
Sur les 3.57 milliards EUR que le Luxembourg a alloué en deux ans pour faire face à la crise du COVID‑19, 2.85 milliards EUR étaient destinés aux entreprises et aux ménages (dont 200 millions EUR octroyés sous forme de prêt garanti par l’État). Ce montant correspond à 3.8 % de son PIB (2021) et est proche du niveau de dépenses d’autres pays européens. En particulier, le Luxembourg a fait le choix de privilégier les dispositifs en faveur de l’emploi, ce qui a permis de maintenir un niveau d’emploi relativement élevé, notamment dans les premières phases de la crise.
Des politiques économiques à la hauteur des besoins de la plupart des secteurs économiques
Les mesures de soutien aux entreprises couvrent une diversité de dispositifs. Au Luxembourg, ces mesures ont permis de répondre aux besoins de la plupart des secteurs économiques. Les mesures les plus plébiscitées par les entreprises sont le chômage partiel, les avances remboursables, les aides coûts non couverts, l’aide de relance et le prêt garanti de l’État. Cependant, les indépendants n’ont pas bénéficié du chômage partiel et ont perçu une aide forfaitaire spécifique deux semaines après la première aide forfaitaire.
L’octroi des aides a été rapide et simple pour les entreprises, malgré quelques hésitations initiales
Les premières mesures ont été mises en place dès les premières semaines de la crise, dans la foulée de l’adoption de la loi d’état de crise, adoptée le 24 mars 2020. Des procédures budgétaires relativement flexibles, accompagné d’une transmission régulière d’information budgétaire vers le Parlement, ont permis au gouvernement de rapidement engager et débourser les crédits nécessaires.
Les administrations publiques au Luxembourg ont été réactives et ont su faire face à un afflux important de demandes d’aides venant des entreprises, en travaillant de concert avec les associations patronales et en s’appuyant efficacement sur les outils informatiques. Cette agilité a permis aux entreprises d’obtenir des aides rapidement, facteur décisif de sauvegarde de leur liquidité.
Un dispositif d’aides aux entreprises qui a couvert les secteurs économiques les plus impactés par la crise
Les mesures de subvention ont été principalement ciblées sur les entreprises les plus affectées par la crise. Les quatre premiers déciles des entreprises les plus impactées, en termes de baisse du chiffre d’affaires en 2020, ont ainsi reçu 57 % du montant total des subventions, conformément à l’objectif poursuivi de soutenir les secteurs les plus exposés à la crise.
Les mesures ont plutôt ciblé des entreprises saines d’avant-crise qui ont souffert pendant la crise
On observe de manière agrégée que le recours aux dispositifs est plus important chez les entreprises dont la santé financière n’était ni très bonne, ni très mauvaise. En revanche, les montants totaux déboursés sont plus faibles pour celles dont la santé était mauvaise ou excellente. Ce constat se retrouve quel que soit le dispositif analysé et quel que soit l’indicateur de santé financière retenu. Cela indique que les aides ont plutôt soutenu des entreprises relativement dynamiques avant la crise mais qui nécessitaient des aides pour survivre à la crise.
Les mesures adoptées semblent avoir préservées la situation financière des entreprises dans les secteurs les plus touchés par la crise
Les montants des aides et le soutien à l’emploi ont été globalement suffisants pour préserver la situation financière de la plupart des entreprises, telle qu’elle est mesurée par les profits, la liquidité et la solvabilité de ces dernières. Le taux de faillite du secteur de l’hôtellerie, de la restauration et des cafés (HORECA), parmi les plus touchés par la crise, est à la baisse, ce qui confirme une certaine efficacité des aides mise en place pour ce secteur. Les secteurs particulièrement touchés par la crise nécessiteront cependant un suivi accru car certains, comme l’HORECA, font face à des changements structurels dus à la diffusion du télétravail et des visioconférences.
6.1. Introduction
Face à la crise sanitaire, la réponse budgétaire des pays de l’OCDE a été rapide, massive et protéiforme. Au Luxembourg, le dispositif global de soutien aux entreprises a été similaire à celui de nombreux pays de l’OCDE. Il a consisté en une diversité de mesures qui ont eu pour but d’offrir une réponse adaptée à la situation de chaque entreprise. Ces mesures peuvent être regroupées en quatre catégories principales : i) annulation et report d’impôts, ii) mesures pour maintenir l’emploi, iii) aides directes, iv) prêts et garanties de l’État. Pour chacune de ces quatre catégories le Graphique 6.1 détaille les mesures considérées dans ce chapitre. Le choix des mesures analysées a été fait en considérant leur part relative dans les décaissements relatifs au plan d’urgence du Luxembourg.
Pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire, des plans de stabilisation et de relance ont été mis en place pour soutenir et accélérer la reprise en cours et la croissance de demain. Le volet relance ne sera pas examiné en détail dans ce chapitre car il serait prématuré de mener une analyse d’impact sur un volet dont la mise en œuvre est encore en cours.
L’analyse des mesures discrétionnaires dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 montre que les politiques de soutien au Luxembourg ont été à la hauteur des besoins de la plupart des secteurs économiques. Les indépendants ont été moins soutenus au début de la crise. Cependant, des mesures de soutien spécifiques ont été mises en place au cours de la crise. L’octroi des aides a été rapide, ce qui est un facteur clé de succès pour soutenir les entreprises qui peuvent manquer de liquidité très rapidement. Vu l’ampleur et la rapidité de l’intervention, le risque aurait été celui d’un effet d’aubaine ayant permis à des entreprises d’être aidées sans en avoir besoin. Les analyses de l’OCDE indiquent que ce n’est pas le cas : les entreprises les plus affectées par la crise sont celles qui ont été le plus soutenues. Ces analyses montrent qu’il est important de continuer à suivre la santé financière des entreprises pour être en mesure de bien cibler les interventions futures. Il apparaît également nécessaire de poursuivre la digitalisation des procédures administratives qui a fait ses preuves pendant la crise et peut contribuer à la résilience du climat des affaires.
Le reste du chapitre est structuré de la façon suivante. Il évalue d’abord l’enveloppe globale mise en place par le Luxembourg en la comparant avec celle d’autres pays de l’OCDE. Il se penche ensuite sur la mise en œuvre des mesures de soutien, en analysant les procédures de dépôt et d’octroi des aides, ainsi que les procédures budgétaires permettant l’octroi des fonds nécessaires. Il enchaine avec l’analyse du recours aux dispositifs d’aide pour aborder la question du ciblage. Il présente également les résultats d’une micro-simulation offrant quelques éléments pour évaluer l’impact des mesures sur la performance des entreprises.
6.2. Les contours du dispositif global de soutien aux entreprises au Luxembourg et les principaux postes de dépense
Au Luxembourg, les premières mesures de soutien aux entreprises ont été définies très rapidement en accompagnement du confinement strict mis en œuvre le 18 mars 2020. La plupart des mesures ont fait suite à la communication de l’Union européenne du 19 mars 2020 adaptant la régulation en matière d’aide d’État (voir Encadré 6.1). L’objectif du Luxembourg et de la plupart des pays dans la zone était de préserver l’appareil national de production pour une future reprise et de limiter les conséquences sociales du choc d’activité. Au Luxembourg, le chômage partiel a été la mesure clé par son ampleur au sein de l’enveloppe globale des dépenses. En cela, les choix fait par le Luxembourg sont alignés avec ceux fait par d’autres économies ouvertes comme l’Irlande et la Belgique. Les mesures de liquidité comme les prêts et les garanties de l’État ont eu un poids moindre au Luxembourg, limitant le risque d’un endettement des entreprises sur le long terme à la sortie de la crise.
Encadré 6.1. Le « Temporary Framework » de l’Union européenne
Face au contexte exceptionnel causé par la crise pandémique, l’Union européenne a communiqué le 19 mars 2020 une adaptation temporaire des règles en matière d’aide aux entreprises.
L’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne régule l’attribution des aides afin de préserver la concurrence au sein du marché unique. Le paragraphe 2 de l’article 107 permettait déjà aux États membres d’instaurer un régime de chômage partiel généralisé, de suspendre les taxes payées par les entreprises et de subventionner les entreprises directement affectées par la pandémie (aviation, tourisme ou commerce par exemple) au titre d’aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires. Le paragraphe 3 permet d’étendre les possibilités de soutien à l’économie dans le cas d’’une « perturbation grave de l’économie d’un État membre ».
La nature et l’ampleur de la pandémie de COVID-19 a permis aux États membres d’activer le paragraphe 3 de l’article 107. Cependant, étant donné l’ampleur de la situation, la Commission a préparé une base légale spéciale pour tous les États membres. Ce « Temporary Framework » a permis de compléter et réglementer les possibilités offertes tout en tenant compte des problématiques de concurrence commune. Il a ainsi autorisé l’instauration d’un prêt garanti par l’État et d’un prêt public à des taux d’intérêt favorables tout en plafonnant à 800 000 EUR les montants accordés par entreprise. Ces entreprises devaient être en difficulté en raison de la pandémie.
L’implémentation de ces dispositifs par les États était toutefois soumise à la validation préalable de la Commission européenne qui s’est avérée rapide. C’est ainsi qu’elle a approuvé l’instauration d’un régime d’avance remboursable au Luxembourg le 24 mars.
Cette réglementation, amendée à six reprises, a perduré jusqu’au 30 juin 2022. Les 27 États membres ont adopté au total environ 3 200 milliards EUR d’aide sous ce régime.
Source : Communication de la Commission européenne: Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 (2020/C 91 I/01), https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020XC0320(03)&from=EN ; the State Aid Temporary Framework, https://competition-policy.ec.europa.eu/state-aid/coronavirus/temporary-framework_en.
6.2.1. Le dispositif global de soutien aux entreprises a été mis en place dès le début de la pandémie
Comme dans de nombreux autres pays européens, l’ajustement sur le marché du travail au Luxembourg s’est fait par une réduction du temps de travail moyen par salarié. L’enjeu était de limiter la hausse du taux de chômage en réduisant la durée du travail grâce à l’activité partielle. Cela se traduit par un dispositif d’ampleur dont le financement public occupe la place plus importante dans le soutien aux entreprises. Outre le régime de chômage partiel « coronavirus » / pour cas de force majeure, mis en place en mars 2020, les mesures en faveur de l'emploi ont inclus un congé pour raisons familiales liées au COVID-19. Ce dispositif a permis aux salariés et aux indépendants d’assurer la garde de leur(s) proches suite à la fermeture des écoles, des maisons relais et des établissements pour personnes en situation de handicap ou pour personnes âgées.
En parallèle, dès la fin du mois de mars 2020, l’État a mis en place plusieurs vagues d’aides directes non remboursables. Ces aides ont d’abord été destinées aux entreprises de moins de 10 salariés (microentreprises). Les indépendants, qui pouvaient également bénéficier de cette aide, ont été spécifiquement ciblés à partir d’avril 2020. Les entreprises de moins de 20 salariés et les indépendants ont reçu une deuxième aide forfaitaire respectivement en avril et mai 2020. À partir du mois de juin 2020, l’aide de relance accordait à toutes les petites entreprises du tourisme, de l’évènementiel, du secteur de l’hôtellerie, de la restauration et des cafés (HORECA), de la culture ou du divertissement, ainsi qu’aux indépendants une aide mensuelle de 1 250 EUR par salarié en poste et de 250 EUR par salarié au chômage partiel complet. Les entreprises étaient éligibles si elles avaient subi une perte de leur chiffre d’affaires de plus de 25 % par rapport au même mois en 20191. L’aide de relance a été modulé après mars 2022 dans le cadre d’une réduction progressive, pour se terminer en juin 2022. En novembre 2020, le gouvernement a également mis en place l’aide pour ‘coûts non couverts’. Cette aide directe mensuelle non remboursable, était adressée aux secteurs les plus durement touchés par la crise du COVID-19, à savoir, les entreprises du tourisme, de l’évènementiel, de l’HORECA, de la culture et du divertissement. Elle avait pour but de couvrir une partie des dépenses mensuelles non couvertes par les recettes des entreprises. Les entreprises étaient éligibles si elles avaient subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 40 % par rapport au même mois en 2019. L’aide de relance et l’aide ‘coûts non couverts’ ont été prolongés jusqu’à juin 2022. D’autres aides financières spécifiques aux secteurs du tourisme (notamment les bons d’achat pour nuitées), du commerce de détail en magasin, de la culture, du sport et de l’agriculture ont été mis en place dans la même période.
Les entreprises rencontrant des difficultés de liquidité, en raison de la pandémie, ont eu également la possibilité de demander l’annulation des avances d’impôts directs (sur le revenu et au titre de l’impôt commercial communal) pour les deux premiers trimestres de 2020. Pour les entreprises du secteur de l’HORECA, cette possibilité a été étendue aux 3e et 4e trimestres 2020. L’État a également aidé les entreprises touchées par la crise du COVID-19 en accélérant le remboursement de certaines créances fiscales (impôts indirects), en particulier les crédits de TVA inférieurs à 10 000 EUR. Les crédits de TVA impayés inférieurs à 10 000 EUR ont été automatiquement remboursés au cours de la semaine du 16 mars 2020. Les pénalités pour la soumission tardive de la TVA et d'autres déclarations ont été supprimées.
En complément des aides non remboursables, l’État a octroyé également aux entreprises des subventions en capital sous forme d’avances remboursables et des garanties pour faciliter l’accès au financement bancaire (Encadré 6.2).
Encadré 6.2. Les principales mesures d’aides au Luxembourg en réponse à la crise
i) Annulations et reports de charges et d’impôts
Annulation des avances en matière d’impôt et report d’échéance de paiement (18 mars 2020) : annulation des avances trimestrielles d’impôt sur le revenu des collectivités (IRC) et d’impôt commercial communal (ICC) pour le deux premiers trimestres 2020 (jusqu’au deuxième trimestre 2021 pour l’HORECA). La mesure permettait aussi le report de 4 mois du paiement pour ces deux impôts et l’impôt sur la fortune. Les entreprises et les indépendants en difficulté en raison de la pandémie étaient éligibles.
Tolérances fiscales (18 mars 2020) : remboursement des crédits de TVA impayés inférieurs à 10 000 EUR, suppression des pénalités de déclaration tardive sur la TVA et la taxe d’abonnement pour les entreprises en difficulté en raison de la pandémie.
Autres mesures (1er avril 2020) : suspension du calcul des intérêts moratoires pour les retards de paiement des cotisations sociales ; déduction d'impôt pour les propriétaires qui renonçaient à une partie du loyer dû par les locataires au cours de l'année 2020 afin d'encourager les réductions de loyer (plafonné à 15 000 EUR). Les entreprises et les indépendants en difficulté en raison de la pandémie étaient éligibles.
ii) Soutien à l’emploi
Chômage partiel pour « cas de force majeure / coronavirus » (18 mars – 24 juin 2020) : renforcement et simplification du dispositif préexistant de chômage partiel permettant le versement d’une avance aux entreprises qui le demandent, qui s’engagent à ne pas licencier et qui sont directement ou indirectement concernées par les mesures sanitaires. L’avance couvre 80 % de la rémunération des salariés des apprentis ainsi que des contrats à durée déterminée et des intérimaires (27 mars). Elle atteint 100 % pour les salariés rémunérés au salaire social minimum.
Chômage partiel structurel pendant la relance économique (1er juillet 2020 – 30 juin 2022) : Nouveau régime simplifié pour les entreprises touchées par la crise sanitaire. Les conditions d’octroi étaient plus favorables aux secteurs dits « vulnérables » de l’HORECA, du tourisme et de l’événementiel (nombre illimité de salariés éligibles et possibilité de licencier). Les conditions se sont progressivement durcies. Le dispositif a été suspendu en juillet 2021 pour être réactivé à nouveau en février 2022 auprès des secteurs vulnérables jusqu’à fin juin. Les entreprises concernées par une fermeture administrative ont bénéficié d’un régime temporaire sans limitation du nombre de salariés éligibles.
iii) Aides directes
Aides forfaitaires aux microentreprises et petites entreprises (25 mars – 24 juin 2020) : aide unique pour micro (moins de 10 salariés) et petites entreprises (moins de 20 de salariés). La subvention du 25 mars était de 5 000 EUR. Elle a bénéficié aux microentreprises et aux indépendants fermés par les restrictions. Le 24 avril, elle fut complétée par une aide de 5 000 EUR pour les microentreprises et de 12 500 EUR pour les petites entreprises, soit fermées soit affectées d’une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 %.
Aides forfaitaires pour les indépendants (8 avril 2020 – 24 juin 2020 / 29 janvier 2021 – 15 mai 2021) : dispositif renouvelé trois fois. La première aide valait 2 500 EUR et n’était pas cumulable avec l’aide du 25 mars 2020. La deuxième aide (6 mai 2020) variait entre 3 000 EUR, 3 500 EUR et 4 000 EUR selon l’importance des revenus. Ces deux aides étaient ouvertes, jusqu’au 24 juin 2020, aux indépendants en difficultés financières temporaires liées à la pandémie. La troisième aide de janvier 2021 était identique à la deuxième aide.
Fonds de relance et de solidarité / Aide de relance (24 juillet 2020 – 30 juin 2022) : aide directe mensuelle non remboursable adressée aux entreprises des secteurs vulnérables (tourisme, événementiel, HORECA, culture et divertissement) ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 25 % et n’ayant pas licencié plus de 25 % de leur effectif. Le montant de l’aide était calculé en multipliant le nombre de salariés et d’indépendants de l’entreprise par 1 250 EUR (250 EUR par salariés en chômage partiel). Les entreprises pouvaient bénéficier de l’aide pour le mois de juin 2020. Le montant de l’aide diminuait ensuite progressivement. Cette aide n’était pas cumulable avec l’aide coûts non couverts mais elle était cumulable avec le régime d’avance remboursable et le régime de garantie étatique.
Aide des coûts non couverts (21 décembre 2020 – 30 juin 2022) : aide directe mensuelle non remboursable adressée aux entreprises des secteurs vulnérables (tourisme, événementiel, HORECA, culture et divertissement) ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 40 %. L’aide couvrait une partie des dépenses mensuelles de l’entreprise non couvertes par ses recettes. Le montant éligible était calculé comme la différence entre 75 % des dépenses et 100 % des recettes. L’État prenait à sa charge 70 % de ce montant (voir 90 % pour les entreprises de moins de 50 salariés). Les entreprises pouvaient bénéficier de l’aide pour le mois de novembre 2020.
iv) Prêts et garanties étatiques
Avances remboursables (3 avril 2020 – 31 décembre 2021) : régime de prêts étatiques destiné aux entreprises et aux indépendants en difficulté en raison de la pandémie. Le montant couvrait 50 % des frais dont les frais de personnel (plafonné à 5 355 EUR) et les loyers (plafonné à 10 000 EUR par mois et par groupe). Le taux d’intérêt était de 0.5 %. Le remboursement devait commencer 12 mois après le premier paiement de l’avance. L’aide était cumulable avec le chômage partiel et les autres aides du ministère de l’Économie.
Régime de garantie étatique (21 avril 2020 – 30 décembre 2021) : régime de garantie étatique facilitant l’octroi de prêts bancaires aux entreprises et aux indépendants en difficulté en raison de la pandémie. L’État garantissait 85 % du montant nominal des prêts bancaires. Le montant du prêt pouvait couvrir jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires de l’entreprise en 2019. Le taux d’intérêt variait de 0.25 % à 2 % selon la taille de l’entreprise et la maturité du prêt. Les entreprises devaient d’abord recourir aux autres outils de financement (SNCI, BEI, Office du Ducroire).
Financement Spécial Anti Crise (FSAC) (26 mars 2020 – 31 décembre 2021) : régime de co-financement de la Société Nationale de Crédit et d’Investissement (60 %) et des banques (40 %) aux entreprises en difficulté en raison de la pandémie. Le montant variait entre 12 500 EUR et 10 millions EUR. La durée maximale du FSAC était de 5 ans et le remboursement pouvait débuter au plus tard 2 ans après le déblocage des fonds.
Note : le nom des dispositifs est accompagné de la date de début et de fin du dispositif.
Source : Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg ; élaboration des auteurs.
L’analyse des mesures d’urgences mises en place au Luxembourg et dans 6 pays de l’OCDE (Allemagne, Belgique, France, Irlande, Pays-Bas, Suisse) confirment que le pays est intervenu aussi rapidement que ses voisins (voir Tableau 6.1). En revanche, les autres pays ont mis en place ou adapté des dispositifs pré existants de revenu de remplacement récurrent pour les indépendants. Le Luxembourg a préféré adapter le cadre légal du chômage partiel (qui ne prévoyait pas d’indemnisation pour les indépendants). Au-delà des avances remboursables, le gouvernement a instauré une aide forfaitaire non remboursable de 2 500 EUR le 8 avril à destination des indépendants afin d’atténuer en partie les effets de la crise. Cette aide a complété la 1ère aide forfaitaire auprès des microentreprises dont une partie des bénéficiaires était des indépendants.
Tableau 6.1. Comme ses voisins, le Luxembourg a soutenu rapidement ses entreprises
Liste des dispositifs mis en place au Luxembourg et dans 6 pays OCDE en mars et avril 2020 (hors annulations et reports de charges et d’impôts)
Pays (date de confinement) |
Chômage partiel |
Revenu de remplacement indépendants |
Congé parental covid |
Prêt garanti par l'Etat |
Prêt |
Aide forfaitaire entreprises |
Aide forfaitaire indépendants |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Luxembourg (16 mars 2020) |
|||||||
nom |
Chômage partiel |
n.a. |
Congé |
Garantie étatique |
Avances rembour. |
Aide micro. |
Aide indép. |
date |
18 mars |
n.a. |
14 mars |
21 avril |
3 avril |
25 mars |
8 avril |
éligibles |
entrep. |
n.a. |
entrepr. + indép. |
entrep. et indép. |
entrep. et indép. |
entrep. et indép. |
indép. |
Suisse (16 mars 2020) |
|||||||
nom |
Réduction horaire de travail (RHT) |
Allocations pour pertes de gains (APG) |
Cautionnements solidaires COVID |
n.a. |
n.a. |
n.a. |
|
date |
20 mars |
20 mars |
25 mars |
n.a. |
n.a. |
n.a. |
|
éligibles |
entrep. et indép. |
entrep. et indép. |
entrep. et indép. |
n.a. |
n.a. |
n.a. |
|
Pays-Bas (15 mars 2020) |
|||||||
nom |
Noodmaatregel Overbrugging Werkgelegenheid (NOW) |
Tijdelijke Overbruggingsregeling Zelfstandige Ondernemers (TOZO) |
n.a. |
Garantie Ondernemingsfinanciering Corona (GO-C) & Borgstelling MKB Kredieten (BKMB) |
n.a. |
Tegemoetkoming Ondernemers Getroffen Sectoren COVID-19 (TOGS) |
|
date |
6 avril |
22 avril |
n.a. |
17 mars |
n.a. |
31 mars |
|
éligibles |
entrep. |
indép. |
n.a. |
entrep. et indép. |
n.a. |
entrep. et indép. |
|
Allemagne (16 mars 2020) |
|||||||
nom |
Kurzarbeitergeld |
Grundsicherung für Solo-Selbstständige |
n.a. |
Wirtschaftsstabiliserungsfond & KfW loans |
n.a. |
Soforthilfen |
|
date |
14 mars |
28 mars |
n.a. |
23 mars |
n.a. |
30 mars |
|
éligibles |
entrep. |
indép. |
n.a. |
entrep. et indép. |
n.a. |
entrep. et indép. |
|
Irlande (15 mars 2020) |
|||||||
nom |
Temporary Wage Subsidy Scheme (TWSS) |
Pandemic Unemployment Payment (PUP) |
Illness Benefit Covid-19 |
Covid Credit Guarantee Scheme (CCGS) |
MFI business loan / Working capital loan |
n.a. |
n.a. |
date |
26 mars |
13 mars |
4 avril |
1 avril |
13 mars / 1 avril |
n.a. |
n.a. |
éligibles |
entrep. |
entrep. et indép. |
entrep. et indép. |
entrep. |
entrep. et indép. |
n.a. |
n.a. |
Belgique (14 mars 2020) |
|||||||
nom |
Chômage temporaire |
Droit passerelle indépendants |
n.a. |
Régime de garantie fédérale |
n.a. |
Primes régionales |
|
date |
13 mars |
24 mars |
n.a. |
1er avril |
n.a. |
15 et 27 mars (Flandre et Wallonie)) |
|
éligibles |
entrep. |
entrep. et indép. |
n.a. |
entrep. et indép. |
n.a. |
entrep. et indép. |
|
France (17 mars 2020) |
|||||||
nom |
Activité partielle (AP) |
Congés pour garde d’enfant |
Prêt Garanti par l’État (PGE) |
Prêts bonifiés et Avances rembour. |
Fonds de solidarité |
Aide du CPSTI aux indép. |
|
date |
23 mars |
16 mars |
25 mars |
26 avril |
1 avril |
10 avril |
|
éligibles |
entrep. et indép. |
entrep. et indép. |
entrep. et indép. |
entrep. |
entrep. et indép. |
indép. |
Note : Les cellules marquées « n.a » indiquent qu’un dispositif similaire et de même ampleur n’a pas été trouvé dans ce pays avant le 1er mai 2020. La date correspond dans la grande majorité des cas à la date de prise d’effet du dispositif ou à la date de la publication du texte légal. Lorsque ces dates ne sont pas disponibles, la date mentionnée correspond à la date la plus probable en fonction de la communication gouvernementale et des informations disponibles sur le sujet. Lorsque « entrep. » et/ou « indép. » sont marqués éligibles, cela ne signifie pas que toutes les entreprises et/ou tous les indépendants étaient éligibles au dispositif en question. Date de confinement = Date de fermeture du secteur Horeca.
Source : Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, Comptes d’État de la Confédération Suisse ; ministère des Finances des Pays-Bas ; gouvernement fédéral d’Allemagne ; gouvernement de l’Irlande ; gouvernement fédéral et gouvernement régionaux de Belgique ; EU PolicyWatch (Eurofound) ; élaboration des auteurs.
6.2.2. L’effort budgétaire a été focalisé sur le soutien à l’emploi
Les mesures adoptées au Luxembourg qui ont été les plus importantes en termes budgétaires sont.
le chômage partiel, avec 1 208 millions EUR accordés au total
le congé pour raisons familiales, avec 288 millions EUR sur l’année 2020 et 2021
le fonds de relance et de solidarité, avec 271 millions EUR accordes au total (110 millions EUR pour l’aide de relance’ et 161 millions EUR pour l’aide ‘coûts non couverts’)
le régime de garantie étatique, garantis avec 194 millions EUR garanties au total sur les prêts ouverts en 2020 et 2021
les avances remboursables accordées aux entreprises pour un montant total de 180 millions EUR.
Pour mieux évaluer l’importance relative des mesures mises en place au Luxembourg, leurs montants sont comparés à l’effort d’autres pays de l’OCDE (Allemagne, Belgique, France, Irlande, Pays-Bas, Suisse), en ce qui concerne les quatre grands types de mesures principalement utilisées pour soutenir les entreprises : i) les reports et annulations de charges et d’impôts ; ii) le chômage partiel et les congés ; iii) les aides directes ; et iv) les prêts et garanties étatiques.
Les mesures de soutien aux entreprises
L’estimation du montant agrégé des dispositifs d’urgence des pays de l’OCDE, ainsi que de la ventilation des dépenses entre différents postes, est délicate. En effet, la catégorisation des mesures n’est pas uniforme entre pays. La disponibilité et la fréquence d’actualisation des données varient également. Cet exercice est néanmoins utile car il permet de mieux évaluer les choix réalisés dans un pays donné par rapport aux efforts des autres pays de l’OCDE.
De manière agrégée, on observe ainsi une certaine hétérogénéité dans l’ampleur relative des dispositifs nationaux.1 En 2020-2021, sur les 3 570 milliards EUR alloués pour faire face à la crise du COVID-19, le Luxembourg a alloué 2 850 milliards EUR d’aides destinées aux entreprises et aux ménages. Ce montant correspond à 3.9 % de son PIB annuel en 2021. Cet effort est comparable à celui de la Belgique et de l’Irlande qui y ont consacré respectivement 4.7 % et 3.3 % de leur PIB. Ces économies ont été relativement moins touchées par la crise et, ont donc pu rebondir plus rapidement. Dans d’autres pays, l’effort a été plus important : aux Pays-Bas, il a atteint 12.6 % du PIB, en France, 11.9 % et en Allemagne, 5.6 %.
Parmi les mesures de soutien, deux catégories de dispositifs sont distinguées : (a) les mesures budgétaires (chômage partiel et congé, aides directes et annulations de charges et d’impôts) et (b) les mesures de liquidité et de garantie (garanties étatiques, reports de charges et d’impôts et prêts de l’État). Cette taxonomie permet de distinguer les dépenses avec effet immédiat et définitif sur le solde public, des décaissements temporaires et des garanties qui ne devraient avoir qu’un impact limité sur le solde public dans les années à venir. De manière générale, tous les pays considérés dans l’analyse ont misé principalement sur un effort budgétaire immédiat, à l’exception des Pays-Bas et de la France qui ont privilégié les mesures de liquidité et de garanties dans l’enveloppe totale.
Au niveau agrégé, les principales mesures budgétaires sont comparables, variant entre 3.0 % (Irlande) et 4.3 % (Pays-Bas) du PIB. Concernant les mesures de liquidité et de garantie, la France et les Pays-Bas se distinguent avec respectivement un montant total octroyé de l’ordre de 8.6 % et 8.3 % du PIB, suivis par la Suisse (2.3 %), l’Allemagne (2.1 %), le Luxembourg (1.1 %), la Belgique (0.8 %) et l’Irlande (0.3 %) (voir le Graphique 6.2).
L’analyse comparative des dispositifs d’urgence montre que le Luxembourg (avec l’Irlande, la Belgique et la Suisse) se distingue par la part prédominante des dispositifs en faveur de l’emploi, principalement sous forme d’activité partielle (voir le Graphique 6.3). Le choix fait par le Luxembourg de privilégier le maintien de l’emploi dès les phases initiales de la crise semble être pertinent vu le recours important du pays aux travailleurs transfrontaliers et la nécessité pour celui-ci de retenir le plus possible cette main d’œuvre. Ce choix a pu également faciliter la reprise économique suite au rebond de la demande au deuxième semestre 2020 (OCDE, 2021[1] ; FMI, 2021[2]).
Les décaissements budgétaires
Dans tous les pays considérés dans cette analyse comparative, le financement public du chômage partiel occupe une place importante dans le dispositif national de soutien aux entreprises. Au Luxembourg, l’activité partielle représente 60 % des montants dépensés pour soutenir les entreprises, avec un taux de décaissement de 1.6 % du PIB. Le taux de couverture de ce dispositif est parmi les plus élevé, à savoir 80 % des salaires bruts, voire 100 % pour les salaires situés au niveau du Salaire Social Minimum. En Irlande, le chômage partiel représente 70 % des dépenses budgétaires octroyées pour soutenir les entreprises, soit 2.1 % du PIB. En revanche, en Allemagne, où le taux de remplacement est parmi les plus faibles (60 % sur salaire horaire net de référence), le chômage partiel ne représente que 20 % des dépenses budgétaires octroyées pour soutenir les entreprises, soit 0.7 % du PIB (voir le Graphique 6.4 et le Graphique 6.5).
Les aides directes se traduisent par des subventions ou assimilés accordées aux entreprises et indépendants. Ce sont des dispositifs récurrents et importants de soutien budgétaire aux entreprises. Elles occupent une place majoritaire pour l’Allemagne et la France couvrant respectivement 50 % et 44 % des dépenses budgétaires octroyées pour soutenir les entreprises, soit un taux de décaissement respectif de 1.7 % et 1.4 % du PIB. Au Luxembourg, ces aides ont pesé moins d’un point de vue budgétaire (couvrant 16 % des dépenses budgétaires soit 0.6 % du PIB), le volet emploi ayant couvert le premier choc de la crise. Cependant, comme la deuxième partie du chapitre le montrera, les aides directes ont été utilisées davantage en 2021 (voir le Graphique 6.5).
Au Luxembourg, les reports de charges et d’impôts représentent approximativement le même montant que les aides directes (à la différence que les reports sont des dépenses temporaires pour l’État). Ces mesures incluent l’annulation des avances trimestrielles en matière d’impôts, le report des échéances d’impôts, le report des cotisations sociales et le remboursement des soldes créditeurs TVA.
Les octrois de liquidités et de garanties
En ce qui concerne les mesures de liquidité et de garantie, les prêts garantis par l’État constituent le dispositif le plus utilisé dans la plupart des pays étudiés. Au Luxembourg, il représente cependant que 23 % de l’ensemble des dépenses de liquidité octroyées, soit 0.3 % du PIB. Ce type de dispositif atteint la quasi-totalité de l’effort global de liquidité et de garantie décaissé en Suisse, soit 2.3 % du PIB. Cette part est supérieure à 60 % dans tous les pays étudiés, hormis le Luxembourg et l’Irlande (voir le Graphique 6.6 et le Graphique 6.7).
Si ces dispositifs sont largement utilisés par l’ensemble des pays étudiés, les mécanismes de mise en œuvre diffèrent. La plupart des pays, à l’instar du Luxembourg, garantissent des prêts d’une durée maximale de six ans. Certains pays prévoient un délai de dix ans dans des situations particulières (petites entreprises en grave difficultés de trésorerie en France par exemple). Le taux d’intérêt est modulé par rapport à la durée du prêt. Au Luxembourg, il est de 0.25 % pour une maturité d’un an, 0.5 % pour trois ans et 1 % pour six ans (voir le Graphique 6.6).
Enfin, la plupart des États ont mis en place des reports de charges et d’impôts en faveur des entreprises. Ce type de mesure représente 60 % de l’enveloppe des mesures de liquidité et de garantie au Luxembourg, contre 42 % en Irlande. Les reports de charges peuvent prendre la forme de reports de paiement des impôts directs (comme aux Pays-Bas, en Allemagne et en Irlande), de report de cotisations sociales pour les entreprises et les travailleurs indépendants, ou de reports du paiement de la TVA (comme en Belgique) (voir le Graphique 6.6).
6.3. La mise en œuvre du dispositif de soutien aux entreprises au Luxembourg
Le maintien de l’emploi au Luxembourg a été appuyé par un dispositif de soutien au chômage partiel et de contrôle comptable ex post qui a permis une réponse rapide aux demandes et besoins des entreprises, tout en contenant la dépense publique. L’outil numérique utilisés pour le traitement des aides directes aux entreprises a également permis de répondre rapidement aux demandes et d’octroyer les aides dans des délais relativement courts, constituant ainsi un facteur clé de sauvegarde de la liquidité des entreprises (Schivardi, 2020[3]). Les procédures budgétaires ont été suffisamment flexibles pour allouer rapidement les crédits nécessaires, tout en informant le Parlement.
6.3.1. Le Luxembourg a rapidement déployé son dispositif de chômage partiel, en s’appuyant notamment sur un cadre de concertation établi
Le gouvernement, en concertation avec les partenaires sociaux, a introduit le régime de chômage partiel pour « cas de force majeure COVID-19 » le 18 mars 2020. Contrairement au système de droit commun, ce régime spécial reposait sur des avances aux entreprises afin de soutenir rapidement les entreprises. L’existence du Comité de conjoncture et de son cadre consultatif pour l’octroi du chômage partiel (voir l’Encadré 6.3) a facilité la concertation avec les partenaires sociaux et la réponse rapide aux demandes des entreprises.
Encadré 6.3. Le Comité de conjoncture du Luxembourg
Le Comité de conjoncture est un organe de conseil au gouvernement, qui a pour mission principale d'assurer le maintien de l'emploi au travers de mesures destinées à prévenir des licenciements dus à des causes conjoncturelles. Notamment, dans le cadre de ses missions, le Comité est chargé d'émettre des avis portant sur les différents types de demandes de chômage partiel et sur les demandes de préretraite-ajustement.
Les membres du Comité de conjoncture représentent les organisations salariales et patronales, ainsi que différents ministères et administrations. Le ministre de l’Économie convoque le Comité de conjoncture, qui peut être présidé par le ministre de l’Économie, du Travail et de l’Emploi, ou des Finances, individuellement ou collectivement. Le Comité est composé de représentants des institutions et organisations suivantes :
Institut national de la statistique et des études économiques (STATEC) ;
Ministère de l'Économie ;
Ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Économie sociale et solidaire ;
Inspection générale des finances ;
Agence pour le développement de l’emploi (ADEM);
Inspection du travail et des mines ;
Fédération des industriels luxembourgeois ;
Fédération des artisans ;
Confédération syndicale indépendante du Luxembourg (OGB-L) ;
Confédération luxembourgeoise des syndicats chrétiens (LCGB) ;
Confédération luxembourgeoise du commerce ;
Banque centrale du Luxembourg.
Source : Le gouvernement luxembourgeois : le Comité de conjoncture, https://cdc.gouvernement.lu/fr.html (consulté le 15 juin 2022)
Une fois la demande de l’entreprise acceptée par le Comité de conjoncture, l'Agence pour le développement de l’emploi (ADEM)2 versait l’avance exceptionnelle. Les entreprises ont ainsi pu profiter de cette avance dans les 10 jours suivant la réception de leur dossier par l’ADEM. Un processus de contrôle ex post permettait de vérifier l’adéquation entre les avances versées et le nombre d’heures réellement chômées déclarées via les comptes des entreprises. Au total, 20 000 dossiers ont été contrôlés. Les différences entre les montants réellement dus aux entreprises et les avances perçues par celles-ci ont été répercutées sur les indemnisations des exercices suivants.
L’utilisation de ce système d’avance avec vérification ex post semble avoir été particulièrement efficace pour répondre très vite aux besoins des entreprises tout en limitant les risques de gaspillage. De tels système ont également été mis en place dans d’autres pays de l’OCDE (OCDE, 2022[4]). Au Luxembourg, le risque de fraude semble avoir été relativement contenu : en 2021, seules six entreprises frauduleuses ont été signalées par le Ministère du Travail, soit parce qu’elles avaient fait faillites ou parce qu’elles ont continué à faire travailler leurs employés (Chambre des députés, 2021[5] ; Jacquemot, 2021[6]).
6.3.2. La mise en œuvre des aides directes a pris plus de temps, nécessitant la mise en place d’un cadre légal et de modalités de traitement spécifiques
Contrairement au chômage partiel, les aides directes ont pris plus de temps pour être mises en place faute de cadre légal préexistant. La première aide forfaitaire versée le 25 mars 2020 aux microentreprises, d’un montant de 5 000 EUR, a bénéficié exclusivement aux structures fermées en raison des décisions gouvernementales. Cette aide excluait, de ce fait, environ 6 000 entreprises : soit parce qu’elles n’étaient pas considérées comme microentreprises car tombant en dessous des seuils légaux, ou parce que, bien qu’affectées par les restrictions sanitaires, elles n’avaient pas fait l’objet d’une fermeture administrative. La Direction Générale des Classes Moyennes du Ministère de l’Économie (MECO/DGCM) a de ce fait décidé d’ouvrir les dispositifs suivants à ces entreprises.
Au début de la crise, le ciblage des aides aux entreprises n’était pas toujours approprié. En effet, les avances remboursables et le chômage partiel étaient ciblés sur les secteurs définis par le code de la Nomenclature statistique des Activités économiques dans la Communauté Européenne (NACE), qui est un système de classification des activités économiques basé sur le code de l’Activité Principale de l’Entreprise (APE). Cependant, cette classification est apparue inadaptée à l’octroi des aides. En effet, en se reposant sur cette classification pour déterminer quelles entreprises devaient bénéficier des aides, les pouvoirs publics ont exclu les entreprises qui, bien que n’appartenant pas à un secteur NACE, en dépendaient fortement. C’était notamment le cas du secteur de l’événementiel qui fait vivre de nombreuses entreprises qui n’appartiennent pas strico sensu au secteur (ingénieurs du son, responsable de communication, organisateur d’événement d’entreprise en ligne, etc.) et qui de ce fait, n’ont pas reçu d’aides. Pourtant, la chute de l’activité dans ce secteur les a vraisemblablement affectées de façon similaire. Les entreprises dont le code APE n’était pas actualisé pouvaient également sortir des radars. Par la suite, le MECO/DGCM a cherché à éviter ce biais en demandant aux entreprises de décrire leur activité principale dans leurs demandes d’aide, ce qui a permis de mieux cibler les entreprises. Les services du Ministère ont ainsi dû analyser au cas par cas ces descriptions d’activité.
Certains indépendants ont bénéficié de la première aide forfaitaire de 5 000 EUR (environ 1 sur 6) et ils étaient éligibles aux avances remboursables créées le 3 avril 2020. La deuxième aide mise en place par la MECO/DGCM le 8 avril était destinée spécifiquement aux indépendants, ayant fait l’objet ou non d’une fermeture administrative. Elle a permis à certains indépendants de percevoir 2 500 EUR directement sur leur compte, ce qui a quelque compensé leur inéligibilité au chômage partiel. Cependant, la plupart des indépendants n'ont reçu cette aide qu’en mai, voir en juin 2020 (Graphique 6.8). En effet, toutes les demandes pour cette aide ont été entièrement digitalisées pour la première fois, demandant ainsi un peu de temps aux services du Ministère pour s’adapter à l’outil numérique. C’est ainsi que les services de la MECO/DGCM n’ont pu commencer à traiter les requêtes qu’à partir du 16 avril. Il est également possible que certains indépendants éligibles n’aient pas immédiatement eu connaissance de cette aide. Le fait que le nombre de demandes fut plus important pour la deuxième et troisième aide forfaitaire adressée aux indépendants va dans ce sens. Certains indépendant ont aussi pu penser qu’ils n’étaient pas éligibles car ils ne l’étaient à la première aide de 5 000 EUR (parce que leur activité ne faisait pas l’objet d’une fermeture administrative).
Il ressort donc de cette analyse que l’octroi des aides aux indépendants a été plus laborieuse. Cela semble être en parti dû au fait de leur statut particulier, qui les exclut du chômage partiel. En outre, le chômage partiel a bénéficié d’un cadre de concertation avec les partenaires sociaux, à savoir, le Comité de conjoncture. Cela n’a pas été le cas pour la mise en place des aides directes, y compris aux indépendants, pour lesquelles la concertation et le dialogue ont eu lieu d’une façon plus informelle. Pour remédier à cette situation, le Luxembourg devrait à l’avenir évaluer les besoins des indépendants et bien prendre en compte leurs particularités, et envisager de renforcer les aides récurrentes conditionnées au déclenchement d’une crise. Il serait également opportun de mettre en place un cadre plus formel de dialogue incluant les représentants des indépendants, en vue de la mise en place d’aides aux entreprises, et ce pour mieux cibler les aides directes et en suivre leur mise en œuvre.
6.3.3. Le Luxembourg a adapté les aides et leur octroi à l’évolution de la pandémie
L’évolution du nombre d’entreprises ayant recours à une aide reflète les différentes vagues de contaminations et les contraintes sanitaires associées. La première vague se caractérise par un très fort recours aux mesures de soutien pendant une période de trois mois, suivi d’un moindre recours de juillet à octobre 2020 pour repartir légèrement à la hausse de novembre 2020 à juin 2021 (voir Graphique 6.9). Les montants mobilisés diffèrent significativement entre la première et la deuxième vague. Ces différences s’expliquent à la fois par l’évolution du nombre d’entreprises bénéficiaires, mais aussi par la redéfinition de certains dispositifs, en particulier du Fonds de relance et de solidarité, qui est monté en puissance dans la deuxième phase de la pandémie, répondant à la nécessité de relancer l’économie à la sortie de crise. De plus le Fonds de relance et de solidarité s’est focalisé sur les entreprises les plus fortement touchées par la pandémie COVID-19.
Pour le chômage partiel, les montants versés s’élèvent à 482 millions EUR pour la première vague contre seulement 81.5 millions EUR lors de la période qui a suivi, pour progresser à nouveau lors de la troisième période et atteindre 280 millions EUR (voir Graphique 6.9, Panel a). Le nombre d’entreprises bénéficiaires s’élève à 33 032 pendant la première vague et 10 868 pendant la deuxième. Cette baisse s’explique principalement par la différence d’intensité du choc d’activité subi lors du premier et deuxième confinement (voir Graphique 6.9, Panel b). D’après les données STATEC, après une baisse de -7.3 % au deuxième trimestre 2020 de l’activité au plus fort de la crise, le Luxembourg a pu retrouver son niveau d’activité d’avant-crise dès le troisième trimestre 2020.
À l’inverse, les montants alloués aux aides directes ont presque doublé entre la première et la troisième période passant de 60.9 millions EUR à 125 millions EUR. Cette hausse ne s’explique pas par un nombre d’entreprises bénéficiaires plus élevé (il est en réalité en baisse), mais par une plus grande diversité des aides directes adressées aux entreprises et une concentration accrue des aides pour les secteurs les plus touchés.
6.3.4. La digitalisation du traitement des aides a amélioré la gestion des demandes
La digitalisation a joué un rôle très important pour la mise en œuvre des aides directes aux entreprises. La MECO/DGCM a assuré la gestion back-office du traitement de l’aide via un logiciel de gestion connu comme MMAET. Ce logiciel était opérationnel moins d’une semaine après le lancement de la première aide (25 mars 2020) et son développement a été accéléré pendant la crise.
La MECO/DGCM est rapidement passé au « tout digital » pour le traitement des aides. À partir du lancement de l’aide forfaitaire pour les indépendants (8 avril 2020), les demandeurs devaient obligatoirement utiliser l'espace professionnel du site internet MyGuichet.lu.3 Cela a entraîné du retard dans sa mise en œuvre car le traitement des demandes n’a pu commencer que le 16 avril. Toutefois, cela a généré un gain de temps important pour les entreprises et un gain d’efficacité pour l’administration.
En parallèle, le logiciel MMAET a été amélioré continuellement depuis le début de la crise. Il a permis de connaître la situation au niveau du nombre des demandes introduites ainsi que le statut des demandes (en traitement, en paiement, refus etc.). Ces chiffres sont disponibles en temps réel.
Afin de répondre aux nombreuses demandes d’informations, une hotline et une adresse mail dédiée ont été mises en place. La MECO/DGCM actualisait une Foire aux Questions (FAQ) distinguant les activités éligibles des activités non-éligibles. Cette FAQ était actualisée et envoyée aux chambres patronales quotidiennement. Une adresse e-mail dédiée à l’aide des coûts non couverts et à l’aide de relance a été créée. Une « Hotline » a été assurée par les agents de la House of Entrepreneurship, un point de contact dédié à l’entrepreneuriat lancé en 2016 sous l’impulsion de la Chambre de Commerce et du Ministère de l’Économie (House of Entrepreneurship, s.d.[7]). La mobilisation de la House of Entrepreneurship pour répondre aux questions et donner plus d’informations sur les mesures d’aide a non seulement offert des réponses au plus proche des besoins des entrepreneurs mais elle a également permis à la MECO/DGCM de se concentrer sur le traitement des demandes.
Enfin, la MECO/DGCM a mis en place un processus de contrôle visant à vérifier les informations fournies par les entreprises pour éviter le risque de fraude. Un audit interne a été également conduit en procédant par contrôle d’échantillon.
L’analyse des indicateurs de traitement des demandes reçues révèle les effets positifs de ces initiatives sur le traitement des demandes. Pour l’aide initiale de 5 000 EUR destinée aux microentreprises, sur 14 145 demandes, seules 6 220 entreprises ont été retenues (voir le Tableau 6.2). Cet écart important s’explique par le non-respect des critères d’éligibilité dû principalement à une mauvaise compréhension du critère de taille de l’entreprise. Le nombre d’employés en équivalent temps plein (ETP) retenu était celui du groupe et non de l’établissement ou de l’entreprise. Le taux de refus s’est nettement amélioré suite à la deuxième aide de 12 500 EUR puisque 8 022 entreprises sur 8 944 demandes ont été acceptées. En cumulé, l’État a indemnisé les entreprises à hauteur d’environ 76 millions EUR.
Tableau 6.2. Aides forfaitaires ciblées sur les entreprises les plus fragiles
|
Aide initiale de 5 000 EUR pour les microentreprises |
Aide complémentaire de 5 000 EUR pour les microentreprises |
Aide de 12 500 EUR pour les petites entreprises |
Total (en millions EUR) |
---|---|---|---|---|
Période couverte |
25 mars – 25 juin 2020 |
28 avril – 25 juin 2020 |
||
Nombre de bénéficiaires |
6 220 |
7 329 |
693 |
14 242 |
Montants décaissés |
31 517 500 |
36 547 500 |
8 415 000 |
76.5 |
Taux de refus |
56 % |
10 % |
38 % |
Note : Une entreprise ne pouvait demander chaque aide qu’une seule fois. Elle pouvait donc recevoir l’aide initiale de 5 000 EUR à son lancement puis l’aide complémentaire de 5 000 EUR un mois plus tard. Cela explique qu’il n’y a pas eu 14 242 entreprises différentes à avoir reçu les aides. Les montants déboursés fournis par le Ministère de l’Économie diffèrent légèrement des montants obtenus en multipliant le nombre de bénéficiaires par le montant de l’aide.
Source : Direction générale des classes moyennes, Ministère de l’Économie, au 27 janvier 2022.
En moyenne, les entreprises ont attendu 15 jours pour recevoir la deuxième aide forfaitaire de 5 000 et 12 500 EUR. Pour les aides de relance et pour les coûts non couverts, les entreprises ont dû attendre en moyenne, respectivement, 15 et 30 jours pour voir le montant demandé décaissé. Pour le régime d’avances remboursables le délai a été de 29 jours en moyenne (voir le Graphique 6.10).
Avec le temps, une part croissante des demandes reçues a été acceptée. Concernant les aides forfaitaires et les avances remboursables, deux semaines après leur mise en place, la quasi-totalité des demandes a été traitée dans un délai de sept jours (voir le Graphique 6.11). L’aide pour coûts non couvert est celle dont le délai moyen (et médian) est le plus important. C’est également le dispositif pour lequel la MECO/DGCM a mis le plus de temps à couvrir la totalité des demandes. Cela s’explique en partie par le nombre d’étapes nécessaires pour valider une demande et octroyer une aide aussi importante que celle-ci (le plafond de l’aide étant de 300 000 EUR). En outre, l’aide demandait un certain nombre de pièces et d’éléments que les entreprises devaient envoyer. Cela a entraîné un nombre important de demandes incomplètes.
L’amélioration du temps de traitement résulte également de la baisse du nombre de demandes reçues associée à l'atténuation de la crise (voir Graphique 6.12).
La gestion de la crise a montré les avantages offerts par la digitalisation des démarches administratives ainsi que leur simplification pour octroyer les aides rapidement et préserver la liquidité et l’emploi dans les entreprises. Il faudra poursuivre cette démarche.
Recommandation : mener au sein du MECO et MECO/DGCM une analyse approfondie des démarches administratives des entreprises, surtout chez les petites et moyennes, pour les simplifier et les digitaliser. Les services concernés pourront s’appuyer sur les outils mis en place durant la crise.
6.3.5. Les prêts garantis ont été fortement sollicités par les entreprises
Dès sa mise en œuvre, le régime des prêts garantis a été fortement sollicité par les entreprises luxembourgeoises affectées par la pandémie. Ainsi, au cours des trois premiers mois de sa mise en œuvre, 222 prêts ont été accordés, pour un montant total de 95.6 millions EUR. Au 31 décembre 2021, la Trésorerie de l’État a recensé un total de 415 prêts accordés, pour un montant total des prêts accordés équivalent à 194 millions EUR. Le montant garanti par l’État luxembourgeois équivaut à quelques 164.9 millions EUR (85 % du montant nominal des prêts). Avec la reprise, le nombre de demandes a progressivement baissé, stagnant à des niveaux relativement bas durant les trois premiers trimestres de l’année 2021, soulignant ainsi la résilience du tissu économique luxembourgeois face à la pandémie (voir le Graphique 6.13).
La Trésorerie de l’État gère au quotidien le registre des prêts garantis, y compris l’acceptation et le refus des dossiers transmis par les banques. Les dispositifs et la mise en œuvre concrète sont formalisés dans une convention signée entre l’État luxembourgeois et les banques (BCEE, BIL, Banque de Luxembourg, Banque Raiffeisen, BGL BNP Paribas, ING, Bank of China, Banque BCP) participantes au régime de prêts garantis.
Au Luxembourg les entreprises bénéficiaires disposent de six ans pour rembourser les prêts en question, comme c’est le cas dans la plupart des pays (Anderson J., 2020[8]). Au 30 juin 2022, moins de 7 % des prêts sont en défaut. Parmi ces prêts, seuls 28 ont été classés comme prêts « en défaut » pour un montant total de 12 781 800 EUR. Il est à noter que la notion de « prêt en défaut » ne veut pas nécessairement dire qu’une procédure de mise en faillite a été engagée et que l’État risque de devoir supporter tout ou partie du montant du prêt accordé. Aucune garantie de l’État n’a pour le moment dû être activée (Gouvernement du Luxembourg, 2022[9]).
6.3.6. Les procédures budgétaires flexibles ont permis une réponse rapide et adaptée
Au regard de l’ampleur des mesures économiques mises en place au Luxembourg, le gouvernement a dû s’assurer qu’il y ait suffisamment de liquidité pour décaisser les fonds rapidement, et qu’il dispose également d’une autorisation pour se faire. Un mécanisme permettant un suivi approprié de l’engagement et du décaissement des fonds était aussi nécessaire.
La Trésorerie de l’État
À cette fin, et ce depuis le début de la crise sanitaire, le Luxembourg s’est assuré de l’existence de liquidités suffisantes pour pouvoir décaisser les sommes liées aux mesures exceptionnelles adoptées, mais aussi pour absorber la chute des recettes concomitante à la crise (par exemple dans le cas de l’impôt général sur le revenu de traitement et salaires ainsi que la TVA).
Pendant les deux premiers mois de la crise, le Luxembourg a notamment pu profiter d’un surplus de liquidités grâce à un emprunt lancé en novembre 2019, pour un montant de 1.7 milliards EUR, dans le but de rembourser un emprunt venant à échéance en mai 2020. Cette situation de fait, a permis de donner du temps précieux à la Trésorerie de l’État dans un contexte de grande incertitude et de volatilité accrue sur les marchés due à la hausse des taux de financement au niveau international. Cette période d’incertitude n’a pas duré longtemps en Europe, grâce à l’intervention de la Banque Centrale européenne (BCE) avec le programme d’achat de titres d’urgence face à la pandémie de COVID-19 qui a été mis en place à partir du 18 mars 2020. La loi du 18 avril 2020 a également permis au gouvernement d’emprunter 2.5 milliards EUR additionnels, le 28 avril 2020. L’ensemble de ces facteurs ont permis au Luxembourg de ne jamais connaitre de problèmes de liquidités.
Au-delà d’avoir les sommes disponibles pour financer les mesures, il fallait aussi que le gouvernement ait l’autorisation d’engager et de débourser les fonds. En principe, les crédits qu’un gouvernement peut utiliser sont limités au montant mentionné dans le budget qui a été voté par le Parlement. Une augmentation de ces crédits nécessite donc une adaptation du budget par le Parlement. Toutefois, il existe une exception importante à cette règle au Luxembourg. En effet, des articles peuvent être dotés de la mention « crédit non limitatif » dans des cas exceptionnels. Pour ces crédits, le ministre du budget peut autoriser un dépassement sur demande du ministre ordonnateur. Chaque année, le budget contient plusieurs articles avec des crédits non limitatifs pour chaque ministère, l’objectif étant de doter le budget annuel d’une certaine flexibilité en cas de force majeure ou de retournement de conjoncture imprévisible. Dans le cas de la crise COVID-19, cette exception a permis au gouvernement luxembourgeois d’engager et de débourser la majorité des crédits nécessaires de cette manière flexible, sans devoir passer par le Parlement. En effet, plus de 80 % des dépenses supplémentaires liées à la crise COVID en 2020 sont liés à des articles avec des crédits non limitatifs qui étaient déjà prévu dans le budget 2020 initial (voté par le Parlement fin 2019).
Néanmoins, de nouveaux articles budgétaires ont tout de même dû être adoptés pour certaines mesures. Ainsi la loi de 24 juillet 2020 a mis en place un Fonds de relance et de solidarité pour les entreprises et la loi du 15 décembre 2020 a fourni la base légale pour créer un nouvel article non limitatif pour le financement des dépenses de l’assurance maladie lié au COVID-19. Mais la plupart des dépenses liés à la crise avait déjà une base légale dans le budget initial, ce qui a facilité une réaction rapide du gouvernement. Contrairement à la France ou l’Allemagne par exemple, le Luxembourg n’a pas dû introduire une loi de finance rectificative au Parlement.
Le rôle du Parlement
Cette flexibilité a été accompagné par une communication fréquente du ministre des Finances envers le Parlement. Le ministre des Finances a fait régulièrement le point sur l’évolution de la situation financière de l’État lors de réunions conjointes de la Commission des Finances et du Budget et de la Commission du Contrôle de l’exécution budgétaire de la Chambre des députés. À cette occasion, le ministre faisait un reporting sur les montants déboursés en réponse à la pandémie du COVID-19. Néanmoins, l’information était restreinte aux montants, sans fournir de détails sur leur ventilation par mesure ou par type de bénéficiaires. Pour 2022, en revanche, le ministère des Finances a pris acte de la recommandation de la Cour des comptes et a produit un document avec de l’information détaillée pour chaque mesure introduite 2020. La publication de ce document est en cours d’élaboration. Cette démarche d’échange et d’information devrait se poursuivre. À l’avenir, le gouvernement du Luxembourg devrait poursuivre cet échange régulier avec la Chambre des députés sur les bénéficiaires, le ciblage et l’impact des mesures mises en place, même dans les situations de crise.
Le suivi des dépenses budgétaires
Le suivi qui a été fait par le ministère des Finances et l’inspection générale des finances s’est concentré sur l’aspect budgétaire et financier pour assurer la continuité du système budgétaire et assurer une liquidité suffisante. Puisque le Luxembourg n’a pas (encore) introduit la budgétisation axée sur la performance, les autorités budgétaires n’avaient pas la possibilité de faire un suivi de l’efficience ou de l’efficacité des mesures adoptées. Si, dans la phase aigüe de la crise, cette analyse n’était pas nécessairement prioritaire, une perspective budgétaire incluant des données de performance aurait été utile dans un contexte de crise longue pour statuer sur l’opportunité de prolonger certaines mesures ou de les cibler davantage. Une telle approche axée sur la performance aurait aussi pu fournir de l’information additionnelle au Parlement, renforçant ainsi la transparence. De façon générale, une budgétisation axée sur la performance contribuerait à la qualité du processus budgétaire au Luxembourg. L’approche en France peut servir d’exemple dans ce domaine avec les rapports annuels de performance en annexe aux comptes du budget 2020 avec les objectifs et les indicateurs de performance.
6.4. Le ciblage et l’impact du dispositif de soutien au Luxembourg
L’analyse croisée des données sur la situation financière des entreprises luxembourgeoises et des données sur les aides de l’État indique que le dispositif du soutien au Luxembourg a répondu aux besoins de la plupart des entreprises (voir l’Encadré 6.4). Aussi, les entreprises les plus touchées par la crise ont été les plus aidées. A l’inverse, un dispositif de soutien généralisé à toutes les entreprises aurait pu bénéficier également aux entreprises qui auraient pu s’en sortir seules. C’est l’effet d’aubaine. L’autre risque associé à dispositif de soutien généraliser aurait été de garder en vie des entreprises destinées à faire faillite en l’absence de crise. Cependant, les données disponibles suggèrent que ce n’a pas été le cas au Luxembourg. Les aides d’État ont bénéficié aux entreprises qui étaient en bonne santé en 2019 et qui ont été particulièrement touchées par la crise. L’étude d’impact indique également que la situation financière de la plupart des entreprises a été préservée.
Encadré 6.4. Description des données utilisées dans le cadre de cette étude
L’analyse des recours aux aides et leur impact sur la performance des entreprises s’appuie sur une base des données intégrant les données suivantes :
La Centrale des Bilans (CdB) (STATEC)
La Centrale des Bilans (CdB) contient les informations des comptes annuels des entreprises luxembourgeoises (sociétés commerciales, commerçants en tant que personne physique ayant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 100 000 EUR, succursales luxembourgeoises de sociétés étrangères et groupements d’intérêt économique). La CdB couvre 66 % des 37 000 entreprises du pays (2016), puisque certaines entreprises ne sont pas soumises à une obligation du dépôt légal de leurs comptes annuels (sociétés financières, établissements publics, professions libérales et associations sans but lucratif). La très grande majorité des entreprises observées sont des petites entreprises (98 %).
Les micro-données des aides du gouvernement (Ministère de l’Économie, Direction Générale des Classes Moyennes, Ministère des Finances, Inspection générale de la sécurité sociale)
La Direction Générale des Classes Moyennes (DGCM) a fourni les données des bénéficiaires des principales aides Covid relevant de sa responsabilité (Aides forfaitaires pour les entreprises et les indépendants, Avances remboursables, Aide de relance, Aide pour coûts non couverts, Aide aux Commerces de détail et Aide au salaire social minimum). Les entreprises observées sont présentes autant de fois qu’elles ont bénéficié d’une aide pour un même dispositif.
Le Ministère des Finances a mis à disposition les données des bénéficiaires du régime de garantie étatique. L'Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) a partagé les données des bénéficiaires du chômage partiel et des congés pour raisons familiales extraordinaires liées au COVID-19 par l’intermédiaire du STATEC.
La base de données consolidée
La base de données consolidée construite en croisant les données détaillées ci-dessus exclut les activités financières (section K de la NACE), l’administration publique, l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale (sections O, P et Q) ainsi que les activités des ménages en tant qu’employeurs et les activités extra-territoriales (sections T et U). Les données ont été croisées par le matricule des entreprises et l’année de référence. Elles suivent les entreprises de 2016 à 2021, sachant qu’elles ne sont pas toutes observées chaque année. Après nettoyage, la base de données consolidée couvre 21 247 entreprises en 2020 représentant 63 % des entreprises au Luxembourg exerçant dans les secteurs d’intérêt (hors arts et spectacles et hors autres services pour cause d’indisponibilité des données publiques). Le taux de couverture des données utilisées pour la micro-simulation n’est cependant que de 12 %. Néanmoins, les échantillons sont relativement représentatifs au niveau sectoriel (voir le Graphique 6.14). En outre, les entreprises de moins de 50 salariés représentent 97 % de la base de données consolidée (en 2020).
6.4.1. Les aides d’État ont ciblé les secteurs les plus touchés et les entreprises les plus affectées
La crise a touché quasiment tous les secteurs de l’économie (hors secteur financier) et les données de l’échantillon utilisé dans cette étude confirment qu’ils ont tous été soutenu en 2020, c’est-à-dire au plus haut de la crise (voir le Graphique 6.15, et le Graphique 6.16). La variation des montants décaissés en 2021 selon les secteurs bénéficiaires reflète l’évolution de la crise. Les montants agrégés ont augmenté en 2021 pour l’Horeca et se sont maintenus quasiment au même niveau pour les arts et spectacles (voir le Graphique 6.15). Cela s’explique par les conditions d’octroi sectoriel du chômage partiel et des principales aides directes en 2021 (ce sont les secteurs dits « vulnérables »). Si les montants octroyés n’ont pas diminué en 2021 pour ces deux secteurs, ce n’est pas le cas du nombre de bénéficiaires (voir le Graphique 6.16). Les dispositifs ont ainsi davantage ciblé les secteurs « vulnérables » d’une part et les entreprises les plus affectées au sein de ces secteurs d’autre part.
En 2020, les mesures de soutien à l’emploi, les aides directes et les prêts ont principalement bénéficié à trois secteurs des services qui concentrent à eux seuls 57 % des montants de soutien à l’emploi, 70 % des aides directes et 64 % du montant des prêts : l’hébergement et la restauration (130 millions EUR d’activité partielle et de congés, 39 millions EUR d’aides directes et 37 millions EUR de prêts), la construction (respectivement 102 millions EUR, 42 millions EUR et 10 millions EUR), ainsi que le commerce (respectivement 91 millions EUR, 61 millions EUR et 17 millions EUR).
Une fois les restrictions sanitaires relâchées en 2021, le recours à ces dispositifs fut davantage ciblé ; le secteur de l’hébergement et de la restauration représentait 48 % des versements d’activité partielle et de congés et 75 % des versements d’aides directes. Concernant les prêts garantis par l’État, les secteurs du commerce, de la construction et l’HORECA sont à l’origine de 64 % des fonds nouvellement octroyés en 2020 pour atteindre 73 % en 2021 (voir le Graphique 6.15 et le Graphique 6.16).
L’impact de la pandémie et des mesures de soutien se matérialise notamment par le taux de faillite dans chaque secteur. Le Graphique 6.17 représente l’évolution des faillites depuis 2016 à partir des données agrégées publiques du STATEC. En 2020, le taux de faillite a ainsi diminué dans trois secteurs (sur sept disponibles). Cependant, le secteur HORECA est le seul pour lequel on peut observer une diminution du taux de faillite sur deux années consécutives. Cela semble confirmer que ce secteur, qui a été très fortement affecté par la pandémie, a été particulièrement ciblé par les aides d’État.
Le but des mesures, règlementé ainsi par l’Union européenne, était de cibler des entreprises saines avant crise mais ayant subi une forte baisse de leur activité en 2020. D’après les statistiques collectées, les entreprises les plus fortement impactées par la crise du COVID-19 ont davantage bénéficié des dispositifs. Cela suggère que les aides ont été relativement bien ciblées. Quel que soit le dispositif, le taux de recours augmente avec l’ampleur de l’impact sur l’activité. Ceci est plus net encore en 2021 (voir le Graphique 6.18).
Les quatre premiers déciles des entreprises les plus impactées, en termes de baisse du chiffre d’affaires en 2020, ont ainsi reçu 54 % du montant total des aides octroyées sur la période. Ceci est donc conforme à l’objectif poursuivi de soutenir les secteurs les plus exposés à la crise. Cette situation s’est renforcée en 2021 puisque les deux premiers déciles ont reçu 48 % du montant total octroyé (Cf. Graphique 6.18).
Les données reflètent un effet de seuil des aides directes, dont certaines ont été octroyées sous condition d’une perte de chiffre d’affaires d’au moins 25 % par rapport au même mois de l’année précédente.4 En effet entre le troisième et le quatrième décile, les aides directes totales déboursées baissent plus que la perte du chiffre d’affaires. Une modulation des aides sur la base d’une évolution plus progressive des pertes de chiffre d’affaires aurait pu éviter cet effet. Cela aurait permis d’aider des entreprises qui ont été moins touchées parce qu’elles se sont mieux adaptées que les autres. Pour remédier cette situation, toutes les nouvelles aides directes pourraient prévoir une subvention proportionnée à la perte de chiffre d’affaires pour cibler les entreprises plus finement.
En deux ans, les entreprises de moins de 50 salariés ont touché 74 % du montant total octroyé toutes aides confondues (voir le Graphique 6.19). On peut néanmoins distinguer un profil d’entreprise bénéficiaire différent selon les dispositifs étudiés. Pour les dispositifs de soutien à l’emploi, le montant des aides est réparti de manière équivalente entre les entreprises. À l’inverse, plus de la moitié des aides directes s’orientent vers les microentreprises (moins de 10 salariés) en 2020. Ces entreprises de petite taille ont généralement été plus touchées pendant la crise dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2020[10]). Le gouvernement luxembourgeois a ainsi déployé plusieurs aides forfaitaires dédiées aux très petites structures, ce qui explique cette concentration en 2020. En revanche, les aides directes ne sont plus autant concentrées chez les microentreprises l’année suivante (36 %). C’est l’année où l’aide de relance et l’aide coûts non couverts, non conditionnées à la taille de l’entreprise, représentent la très grande majorité des aides directes.
6.4.2. Les aides d’État ont ciblé des entreprises saines qui nécessitaient du soutien pendant la crise
Le croisement des données de la Centrale des Bilans avec les données administratives d’aides permet de connaître la situation financière pré-crise des entreprises bénéficiaires. Cette information est importante pour savoir si les aides ont soutenu des entreprises déjà déficientes avant la crise ou non. Le montant des aides dont les entreprises ont bénéficié en 2020 et 2021 peut ainsi être réparti par décile de rentabilité et d’endettement des entreprises. Les déciles supérieurs des indicateurs de rentabilité traduisent une meilleure situation financière, tandis que les déciles supérieurs de l’indicateur d’endettement comprennent des entreprises aux charges financières élevées.
En 2020, le taux de recours aux prêts, aux aides directes et aux aides à l’emploi des entreprises les moins rentables (premier décile de l’indicateur de rentabilité) et les plus rentables (dernier décile de l’indicateur de rentabilité) est inférieur à 7 %. Les entreprises situées entre le quatrième et cinquième décile ont bénéficié respectivement de 23 % et 18 % des avances remboursables et prêts garantis par l’État octroyés. En 2021, la distribution des bénéficiaires est plus homogène, même si les déciles extrêmes continuent de percevoir moins d’aides. Néanmoins, le recours aux prêts évolue au profit des entreprises du sixième décile qui perçoivent 20 % des prêts contre 11 % en 2020 (voir le Graphique 6.20).
Concernant l’indicateur d’endettement, ce sont les entreprises du sixième et septième décile qui recourent le plus aux prêts. Le recours aux différents dispositifs selon l’endettement fait de nouveau apparaître un profil en cloche avec un moindre recours des entreprises en très bonne ou en mauvaise situation financière (voir le Graphique 6.21).
On observe donc de manière générale, que les déboursements globaux sont concentrés chez les entreprises dont la santé financière avant la crise était médiane. Les entreprises dont la santé était mauvaise ou excellente ont perçu globalement moins d’aides. Ce constat se retrouve à des degrés divers, quel que soit le dispositif analysé et quel que soit l’indicateur de santé financière retenu. Cela semble donc indiquer que les entreprises très fortement ou très faiblement endettées ont globalement moins reçu d’aides et que le dispositif a donc plutôt préservé des entreprises saines nécessitant de l’aide pour survivre à la crise COVID-19.
6.4.3. Les aides ont plutôt préservé les profits, la liquidité et la solvabilité des entreprises
Les restrictions sanitaires mises en place au Luxembourg depuis mars 2020 pour contenir la montée des infections au COVID-19 ont fortement pesé sur les entreprises. Dans certains secteurs, les entreprises ont dû faire face à une chute brutale de leur activité. Certaines entreprises ont dû réduire leurs charges et accroître leur taux d’endettement pour faire face à leurs échéances, ce qui a fortement affecté leur situation financière. Une mesure de l’impact du dispositif d’aide consiste donc à estimer à quel point les aides reçues par les entreprises ont effectivement préservé leur situation financière.
L’exercice présente de nombreuses difficultés. D’abord, les données sur la situation financière des entreprises mélangent l’impact de la crise et l’impact des aides reçues par les entreprises. En outre, il n’est pas possible d'estimer l'impact des mesures en comparant dans le temps (avant et après la crise COVID‑19) la situation financière des entreprises qui ont reçu des aides avec celles de caractéristiques similaires qui n’ont pas reçu d’aides (par exemple, en utilisant une estimation en doubles différences). Les aides ont en effet bénéficié à la plupart des entreprises dans chaque secteur (hors secteur financier) comme montré ci-dessus (voir le Graphique 6.15).
Afin de contourner cette difficulté, un modèle est utilisé pour simuler le compte de résultat et le bilan des entreprises dans trois scénarios : i) un premier scenario sans crise sanitaire ; ii) un second scénario de crise sanitaire sans aides financières du gouvernement ; et iii) un dernier scénario de crise sanitaire avec les aides financières du gouvernement (voir l’Encadré 6.5).
L’utilisation de cet outil analytique permet de tirer quelques conclusions sur l’impact des aides. En règle générale, elles ont aidé la plupart des entreprises bénéficiaires à réduire leurs pertes ainsi que le risque de faillite. Pour certains secteurs, comme l’HORECA, la micro-simulation semble indiquer des effets particulièrement conséquents, confirmant que ce secteur a pu bénéficier d’aides importantes.
Il est toutefois important de garder à l'esprit qu'il s'agit d'un cadre comptable simplifié, qui ne tient pas compte des interactions entre les entreprises alors que le crédit interentreprises, par exemple, peut avoir été fortement affecté lorsque l'activité a chuté (Hadjibeyli, Roulleau et Bauer, 2021[11]). Les résultats reposent sur des hypothèses concernant la structure des coûts des entreprises et ses ajustements pendant la crise qui sont décrites dans l’Encadré 6.5. En outre, des hypothèses supplémentaires ont été formulées en raison de l’absence de définition précise sur la manière dont les entreprises ont pu comptabiliser dans leurs bilans les aides au cours de la crise COVID-19, ce qui peut affecter les résultats (voir l’Encadré 6.5).
Encadré 6.5. Un cadre comptable simplifié pour estimer l’impact des mesures de soutiens aux entreprises pendant la crise COVID-19
Le modèle de micro-simulation a été développé sur la base de travaux antérieurs (STATEC (2021[12]), Hadjibeyli et al. (2021[11]), OCDE (2021[13]), Gourinchas et al. (2020[14]), Guerini et al. (2020[15])). L’intérêt de la micro-simulation est double : elle permet d’analyser les conséquences d’un phénomène ou d’une politique publique au niveau agrégé et de prendre en compte l’hétérogénéité des agents au niveau microéconomique grâce à l’utilisation de données individuelles.
En pratique, l’impact de la crise sanitaire sur le résultat de chaque entreprise est estimé à partir de leurs comptes annuels (Centrale des bilans, STATEC). Un choc COVID-19 est calculé grâce à la perte de chiffre d'affaires observée entre les mois de mars et décembre 2020 et la même période en 2019.
Le modèle suppose que dans le scénario 1, sans crise COVID-19, la situation financière des entreprises est la même qu’en 2019. La baisse du chiffre d’affaires dans les scénarios 2 et 3 (avec crise) se répercute directement sur les revenus et les impôts. La baisse des frais d’exploitation ne pouvant compenser entièrement la perte de revenus, un facteur d’ajustement est ajouté. Il reflète la réaction habituelle des frais d’exploitation à une variation des revenus. Enfin, les frais de personnel sont affectés par un choc spécifique calculé à partir de la masse salariale mensuelle (IGSS). Il est obtenu à partir de la masse salariale totale de mars à décembre 2020 et de mars à décembre 2019 pour isoler la période de crise.
Le choc spécifique aux frais de personnel diffère entre le scénario 2 (crise sans intervention du gouvernement) et le scénario 3 (crise avec soutien du gouvernement). Dans le scénario 3, les entreprises partagent leurs frais de personnel avec l’État à travers les dispositifs de chômage partiel et de congés extraordinaires. Dans le scénario 2, les entreprises paient la totalité des salaires (Hadjibeyli, Roulleau et Bauer, 2021[11]).
Ceci est pris en compte dans l'équation (1) principale du modèle qui estime le résultat de chaque entreprise i, appartenant au secteur k, dans les scénarios j=(2,3) considérés :
où sk représente le choc de la crise du COVID-19 pour les entreprises appartenant au secteur k ; pjk représente le choc de frais de personnel pour les entreprises du secteur k dans le scénario j=(2,3) ; Les chocs s et p sont estimés à partir de données mensuelles du chiffre d’affaires et de la masse salariale de chaque entreprises observées entre mars et décembre. Ils sont agrégés par secteur s en utilisant la médiane. Le choc sk corresponds à la médiane sectorielle du taux de croissance entre le chiffre d’affaires total observé entre mars et décembre 2019 et la même période en 2020. Le choc de frais de personnel dans le scénario 2 pS2k corresponds au taux de croissance entre la masse salariale totale observée entre mars et décembre 2019 et la même période en 2020. Le choc de frais de personnel dans le scénario 3 pS3k corresponds au taux de croissance entre la masse salariale totale observée entre mars et décembre 2019 et la masse salariale totale diminué du chômage partiel et des congés pour motifs extraordinaires perçu observée entre mars et décembre 2020. Le coefficient ck représente le facteur d’ajustement des frais d’exploitation pour les entreprises du secteur k. Il est d’abord calculé comme l’élasticité individuelle des frais d’exploitation au revenu, c’est-à-dire le taux de croissance annuel des frais d’exploitations divisé par le taux de croissance annuel des revenus de l’entreprise. Cette élasticité est calculée de 2017 à 2019. L’élasticité est ensuite ramenée au niveau sectoriel en calculant la médiane sur la période 2017-2019 et en calculant la médiane par secteur.
Les composantes du résultat estimé sont observées en 2019 dans la Centrale des bilans. L’échantillon est construit tel que chaque entreprise dispose d’une information valide pour chaque composante du résultat. De plus, les entreprises non bénéficiaires du chômage partiel sont exclu de l’échantillon. Enfin, aucune restriction sur la taille des entreprises a été appliquée.
La variable Aides est la somme des aides reçues par chaque entreprise (aides forfaitaires, aide de relance, aide coûts non couverts, aide salaire social minimum, aide commerce de détail, avances remboursables, prêts garantis par l'État). Pour le scénario 3, la variable est calculée sur la base des données fournies par le Ministère de l’Économie et le Ministère des Finances pour chaque entreprise.1 Cette variable est nulle dans le scénario 2.
L’estimation du résultat des entreprises est importante pour quantifier l’effet de la crise sur leur vulnérabilité financière. Celle-ci est estimée en retenant deux critères : i) la liquidité, mesurée comme la capacité d’une entreprise à couvrir ses charges d’exploitation, y compris les taxes et le paiement des intérêts de ses dettes, avec ses flux de trésorerie, en tenant compte du niveau de liquidité accumulée avant la crise, et ii) l’insolvabilité, c’est-à-dire lorsque l’endettement dépasse la valeur des actifs, autrement dit les fonds propres sont négatifs et donc ne sont plus suffisants pour rembourser la dette, même en vendant l’ensemble des actifs.
Dans le modèle, la liquidité et l’insolvabilité sont estimées en supposant que le choc sur le résultat impacte directement les fonds propres de l’entreprise (eq. 2) et conduit à un ajustement des actifs (eq. 3), qui impacte à son tour le ratio d’endettement (eq. 4). Le résultat estimé est directement imputé sur la trésorerie de l’entreprise (eq. 5). Lorsque la trésorerie de l'entreprise est épuisée, l'entreprise est dite illiquide (eq. 6) et s'endette. Lorsque la dette dépasse la valeur de l'actif, l'entreprise est dite insolvable (eq. 7).
Les indicateurs financiers, de liquidité, de solvabilité, et d’endettement, sont estimés dans le scénario 2 en absence des aides financières du gouvernement avec des montants d’aides nuls. En comparant les indicateurs selon les scénarios pour chaque secteur d’activité on obtient une estimation de l’impact de mesures d’aides du gouvernement en considérant l’hétérogénéité des entreprises.
Déterminants de la vulnérabilité des entreprises dues à la crise
Afin de cerner les principaux facteurs de vulnérabilité des entreprises, notamment leur liquidité et solvabilité, le modèle suivant de régression basé sur Hadjibeyli et al. (2021[11]) est estimé comme suit :
où 𝑛𝑣𝑖 est une variable binaire égale à 1 si l'entreprise i devient illiquide ou insolvable en 2020 mais ne le serait pas sans crise ; 𝑋𝑖 représente les variables explicatives qui comprennent les caractéristiques non financières des entreprises telles que l'industrie, la taille de l’entreprise, l'âge et la localisation, puis des caractéristiques financières telles que les actifs, la dette, la trésorerie, la productivité et l'emploi. Les variables utilisées ont comme référence l’année 2019, afin d’analyser l'impact des caractéristiques avant la crise.
1. En l'absence d'informations précises sur la manière dont chaque entreprise comptabilise les mesures de soutien, on suppose que le chômage partiel et les congés pour raisons familiales sont inclus dans la masse salariale mensuelle observée. On suppose également que les aides directes sont exclues des revenus déclarés et observés dans la Centrale des Bilans.
La contribution à l’évolution de l’excédent brut d'exploitation (EBE) des dispositifs de soutien à l’emploi, des subventions aux entreprises et des prêts garantis par l’État, varie selon les secteurs d’activité. Les dispositifs de soutien ont permis de compenser la baisse de l’EBE. Avec les dispositifs de soutien des secteurs des arts et spectacles, des autres services, et de l’hébergement restauration ont bénéficié d’une hausse de l’EBE supérieure à 60 % par rapport à un scénario sans les dispositifs de soutien (voir le Graphique 6.22). Cela indique que ces secteurs auraient eu la baisse la plus importante de l’EBE sans les dispositifs de soutien.
La micro-simulation suggère un effet particulièrement important de la crise et des soutiens publics dans des secteurs touchés par les restrictions sanitaires comme l’HORECA ou le secteur événementiel. Les entreprises impactées directement par la crise sanitaire ont bénéficié d’un soutien public inédit qui a permis de soutenir leur activité en améliorant leur liquidité et leur solvabilité. Les aides financières du gouvernement ont ainsi limité les pertes de trésorerie et l’accumulation de dettes pour les entreprises (voir le Graphique 6.23).
La comparaison du taux de croissance du résultat médian sectoriel dans les différents scénarios de COVID-19 par rapport à un monde sans COVID confirme également l’efficacité des aides pour tous les secteurs bénéficiaires. En accord avec les résultats précédents, les secteurs HORECA et ‘autres services’ (organisations associatives, services personnels, réparation d'ordinateurs et de biens personnels et domestiques), sont ceux qui ont le plus bénéficié de l'intervention du gouvernement, montrant un effet positif des mesures d’aides sur le résultat par rapport à un scénario d’absence de crise et intervention.
6.4.4. Certaines entreprises ont davantage de risques de devenir vulnérables en raison de la crise
Sans donner d'interprétation causale aux résultats, l’estimation du modèle de probabilité linéaire montre que certaines entreprises, classifiées en fonction des variables pré-crise, ont plus de risques de devenir vulnérables à cause de la crise. C'est le cas des entreprises dans les secteurs du commerce, de l’HORECA et des activités administratives et de soutien. C’est aussi le cas des moyennes et petites entreprises qui risquent davantage l’illiquidité ou l’insolvabilité en comparaison avec les grandes entreprises (Tableau 6.3, modèle 1).
Comme prévu, les entreprises ayant plus d'actifs ou de liquidités, ou un niveau d'endettement moins élevé pré-crise, ont une probabilité plus faible de faire face à des difficultés pendant la crise. Cependant, les entreprises ayant une productivité plus élevée sont plus touchées par la crise. Cela est en phase avec les résultats d’une étude de l’impact des programmes de prêts garantis sur la productivité des entreprises dans 14 pays de l’OCDE (Demmou et al., 2021[13]).
Ces résultats sont confirmés lorsqu'un choc COVID-19 est ajouté au modèle comme variable de contrôle (Tableau 6.3, modèle 1), à l'exception du coefficient des secteurs de l’HORECA et des activités administratives et de soutien qui devient non significatif. Cela suggère que ces secteurs ont été les plus touchés par la crise avec une forte baisse de chiffres d’affaires et semble donc confirmer la priorité donnée à ces secteurs et à ces tailles d’entreprises par l’État.
Lorsque le même modèle est estimé sur des données observées pour la période d'avant crise (2017-2018-2019), on observe des résultats similaires. Il est toutefois intéressant de noter que dans ce cas, contrairement aux résultats de l'estimation des modèles 1 et 2, les entreprises plus productives ont une probabilité plus faible de devenir insolvables ou illiquide. Ceci suggère que pendant cette crise, les entreprises plus saines ont été également confrontées au risque de devenir insolvables ou illiquide.
Tableau 6.3. Déterminants de la vulnérabilité des entreprises face à la crise
Variable dépendante : être illiquide ou insolvable |
Modèle (1) Pendant la crise |
Modèle (2) Pendant la crise |
Modèle (3) Avant la crise |
---|---|---|---|
Age t-1 |
-0.002*** |
-0.0016* |
0.0003 |
|
(0.00) |
(0.00) |
(0.0002) |
Secteur (en comparaison avec activités SST) |
|||
Activités admin. et soutien |
0.065* |
0.04 |
0.039*** |
|
(0.03) |
(0.03) |
(0.0085) |
Activités immobilières |
0.05 |
0.02 |
0.076*** |
|
(0.03) |
(0.03) |
(0.0095) |
Arts, spectacles |
0.117* |
0.05 |
0.10*** |
|
(0.06) |
(0.06) |
(0.0199) |
Autres services |
0.03 |
0.03 |
0.097*** |
|
(0.03) |
(0.03) |
(0.0113) |
Commerce |
0.074*** |
0.08*** |
0.062*** |
(0.02) |
(0.02) |
(0.0056) |
|
Construction |
0.04 |
0.04* |
0.0069 |
|
(0.02) |
(0.02) |
(0.0060) |
Horeca |
0.142*** |
0.07 |
0.105*** |
|
(0.02) |
(0.04) |
(0.0076) |
Industrie |
0.02 |
0.02 |
0.0514*** |
(0.03) |
(0.03) |
(0.0092) |
|
InfoCom |
0.04 |
0.04 |
0.0465*** |
|
(0.03) |
(0.03) |
(0.0082) |
Transports et entrep. |
0.01 |
0.02 |
0.057*** |
(0.03) |
(0.03) |
(0.0093) |
|
Dimension(t-1) (en comparaison avec grandes) |
|||
moyen |
0.074* |
0.14* |
-0.078*** |
|
(0.03) |
(0.06) |
(0.0093) |
petite |
0.03 |
0.08* |
-0.0611*** |
(0.02) |
(0.04) |
(0.0052) |
|
Autres caractéristiques |
|||
zombie t-1 |
0.125* |
0.03 |
0.060* |
|
(0.05) |
(0.05) |
(0.0232) |
ln(actif)t-1 |
-0.311*** |
-0.33*** |
-0.224*** |
|
(0.01) |
(0.01) |
(0.0034) |
ln(endettement) t-1 |
0.264*** |
0.27*** |
0.2081*** |
|
(0.01) |
(0.01) |
(0.0028) |
ln(productivité) t-1 |
0.046*** |
0.05* |
-0.0291*** |
|
(0.01) |
(0.01) |
(0.0022) |
ln(trésorerie) t-1 |
-0.012* |
-0.012* |
-0.0128*** |
|
(0.00) |
(0.00) |
(0.0012) |
choc COVID-19 |
-0.42* |
||
|
(0.21) |
||
Effets fixes de l'année |
Non |
Non |
Oui |
Const. |
0.76*** |
0.77*** |
1.00*** |
|
(0.09) |
(0.10) |
(0.0248) |
Années |
2019-2020 |
2019-2020 |
2017-2018-2019 |
N obs |
5 075 |
4 456 |
34 419 |
R2 |
0.4 |
0.4 |
0.4 |
Note : * indique un niveau de significativité de 10 %, ** indique un niveau de significativité de 5 % et *** indique un niveau de significativité de 1 %. Illiquidité = 1 si l’entreprise a des capitaux négatifs, 0 sinon. Insolvabilité = 1 si les dettes totales de l’entreprise surpassent ses actifs. Les entreprises de « grande » taille ont plus de 50 salariés, les entreprises de « moyenne » taille ont entre 10 et 49 salariés et les entreprises de « petite » taille ont moins de 10 salariés. Zombie = 1 si l’excédent brut d’exploitation de l’entreprise est inférieur à ses charges d’intérêts pendant au moins deux années consécutives et si l’entreprise est âgée d’au moins 10 ans. Actif = actif total. Endettement = Dettes totales / Actif. Dettes totales = Dettes bancaires + Dettes fiscales + Autres dettes. Productivité = Valeur Ajoutée Brute / Nombre d’employés. Valeur Ajoutée Brute = Chiffre d’affaires + Autres revenus – Frais d’exploitation. Trésorerie = Avoirs en banques, avoirs en compte de chèques postaux, chèques et en caisse. Choc COVID-19 = taux de croissance annuel du chiffre d’affaires entre 2019 et 2020. SST = Services scientifiques et techniques.
Source : STATEC - Centrale des Bilans, et données de la Direction Générale des Classes Moyennes (Ministère de l’Économie, Luxembourg) ; élaboration des auteurs.
Il faudra continuer à surveiller certains secteurs d’activité comme l’HORECA et les petites entreprises qui ont le plus souffert pendant la crise COVID, alors que de nouvelles crises sont en cours et que certains secteurs seront affectés par des changements structurels dus à la diffusion du télétravail et des visioconférences. Des risques d’illiquidité et d’insolvabilité persistent, ce qui nécessitera des mesures de soutien ciblées. À l’avenir, le Luxembourg devrait établir une cellule de suivi à la MECO/DGCM pour suivre la situation financière des entreprises et mettre en place des soutiens ciblés en concertation avec les partenaires sociaux. La cellule devrait également suivre les effets de la crise sur les indépendants.
Pour appuyer la surveillance des secteurs en difficulté, il faudra mieux intégrer les bases de données existantes et faciliter leur utilisation. Tout en préservant la confidentialité des données, les ministères économiques devraient pouvoir avoir accès aux données sur la performance des entreprises et pouvoir cibler les mesures d’aide si nécessaire. Il serait pour cela opportun d’associer STATEC à la création de la cellule de suivi à la MECO/DGCM pour faciliter l’utilisation des données des entreprises pour le ciblage des mesures.
6.5. Synthèse des recommandations
6.5.1. Améliorer le ciblage des mesures d’aides
Prendre mieux en compte les indépendants : il sera important d’évaluer les besoins des indépendants et bien prendre en compte leurs nécessités, y compris en créant une aide récurrente concomitante au déclenchement d’une crise voire en ouvrant le dispositif du chômage partiel aux indépendants.
Surveiller à court terme les secteurs plus affectés pour en assurer la résilience aux crises : cela pourrait se faire en établissant une cellule de suivi à la MECO/DGCM pour suivre la situation financière des entreprises et mettre en place des soutiens ciblés en concertation avec les partenaires sociaux. La cellule devrait également suivre les effets de la crise sur les indépendants.
Mieux intégrer les données administratives et de bilans des entreprises et faciliter leur accès : pour appuyer la surveillance des secteurs en difficulté, il faudra mieux intégrer les bases de données existantes et faciliter leur utilisation. Il serait important d’associer STATEC à la création de la cellule de suivi à la MECO/DGCM pour faciliter l’utilisation des données des entreprises pour le ciblage des mesures.
Considérer la progressivité des aides pour mieux cibler toute future intervention : Il y a eu un effet de seuil dans l’accès aux aides directes. Une plus grande progressivité des dispositifs aurait facilité leur ciblage. Si nécessaire, toutes les nouvelles aides directes pourraient prévoir une subvention proportionnée à la perte de chiffre d’affaires pour cibler les entreprises plus finement.
6.5.2. Renforcer le dispositif de mise en œuvre des aides aux entreprises
Considérer la mise en place d’une structure de concertation avec les partenaires sociaux pour toutes les interventions futures : en vue d’interventions futures, il sera important de mettre en place un cadre plus formel de dialogue pour la mise en place d’aides aux entreprises pour mieux cibler les aides directes et en suivre la mise en œuvre. Un tel cadre pourrait s’appuyer sur la cellule de suivi recommandée ci-dessus et inclure également les représentants des indépendants.
Poursuivre la simplification et la digitalisation des démarches administratives : il faudra poursuivre la démarche de digitalisation des pratiques administratives qui a fait ses preuves pendant la crise. Pour cela, il sera utile de mener au sein du MECO et MECO/DGCM une analyse approfondie des démarches administratives des entreprises, surtout chez les petites et moyennes, pour les simplifier et les digitaliser. Les services concernés pourront s’appuyer sur les outils mis en place durant la crise.
Poursuivre la démarche d’information et de contrôle du Parlement, en informant la Chambre des députés sur les bénéficiaires, le ciblage et l’impact des mesures mises en place, même dans les situations de crise et prévoir de fournir ce type d’information pour toutes interventions futures.
6.5.3. Améliorer l’information au Parlement
Poursuivre un échange régulier avec la Chambre des députés sur les bénéficiaires, le ciblage et l’impact des mesures mises en place, même dans les situations de crise et prévoir de fournir ce type d’information pour toutes interventions futures.
6.5.4. Évaluer l’impact des aides sur le long terme
Poursuivre la démarche de suivi et d’évaluation des mesures de soutien aux entreprises : des évaluations pourraient être menées ultérieurement, y compris sur la performance des entreprises. Pour cela, il sera important d’associer l’ensemble des administrations afin d’évaluer la pertinence de chacun des dispositifs pour l’investissement, la pérennité des entreprises et la création d’emplois en prenant en compte l’intégralité des aides.
Références
[8] Anderson J., P. (2020), Government-guaranteed bank lending in Europe: Beyond the headline numbers, https://www.piie.com/blogs/realtime-economic-issues-watch/government-guaranteed-bank-lending-europe-beyond-headline.
[5] Chambre des députés (2021), Question parlementaires QP3766: Fraude au chômage partiel (02-04-2021), https://chd.lu/wps/portal/public/Accueil/TravailALaChambre/Recherche/RoleDesAffaires?action=doQuestpaDetails&id=20894.
[13] Demmou, L. et al. (2021), « Insolvency and debt overhang following the COVID-19 outbreak: Assessment of risks and policy responses », OECD Economics Department Working Papers, n° 1651, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/747a8226-en.
[2] FMI (2021), Luxembourg: Staff Report for the 2021 Article IV Consultation: IMF Country Report, No. 21/93, Fonds Monétaire International, https://www.imf.org/en/Publications/CR/Issues/2021/05/25/Luxembourg-2021-Article-IV-Consultation-Press-Release-Staff-Report-and-Statement-by-the-50188.
[14] Gourinchas, P. et al. (2020), « Estimating SME Failures in Real Time: An Application to the COVID-19 Crisis », NBER Working Paper, vol. 27877, https://doi.org/10.3386/w27877.
[9] Gouvernement du Luxembourg (2022), Rapport sur l’application du régime de garantie en faveur de l’économie luxembourgeoise dans le cadre de la pandémie Covid-19. Situation au 30 juin 2022, https://te.public.lu/content/dam/tresorerie/fr/garanties/analyse-regime-de-prets-garantis-covid-30-juin-2022.pdf.
[15] Guerini, M. et al. (2020), « Dynamique des défaillances d’entreprises en France et crise de la Covid-19 », OFCE Policy Brief, vol. 76, https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2020/OFCEpbrief73.pdf.
[11] Hadjibeyli, B., G. Roulleau et A. Bauer (2021), « L’impact de la pandémie de COVID-19 sur les entreprises françaises », Direction générale du Trésor -Trésor-Éco, vol. 282.
[7] House of Entrepreneurship (s.d.), Nos missions, https://www.houseofentrepreneurship.lu/nos-missions/ (consulté le 13 juin 202).
[6] Jacquemot, P. (2021), Six plaintes pour fraude au chômage partiel, https://www.wort.lu/fr/luxembourg/six-plaintes-pour-fraude-au-chomage-partiel-6092749cde135b923657e963.
[4] OCDE (2022), « Premiers enseignements issus des évaluations des gouvernements de la gestion du COVID-19: Une Synthèse », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/d02031d4-fr.
[1] OCDE (2021), Perspectives économiques de l’OCDE, Volume 2021 Numéro 2, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/09bf9e01-fr.
[10] OCDE (2020), « Coronavirus (COVID-19): SME policy responses », OECD Policy Responses to Coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/04440101-en.
[3] Schivardi, F. (2020), A simple method to estimate firms liquidity needs during the Covid-19 crisis, Presentation at a OECD GFP Seminar, 5 June 2020, https://www.oecd.org/global-forum-productivity/webinars/SchivardiLiquidityOECD.pdf.
[12] STATEC (2021), « La situation économique au Luxembourg Évolution récente et perspectives », Note de conjoncture Nr 2-2021, https://statistiques.public.lu/dam-assets/catalogue-publications/note-conjoncture/2021/ndc-02-21.pdf.
Notes
← 1. Cette règle a connu une exception lors des restrictions sanitaires de décembre 2021 et janvier 2022 pour les commerces ou les soins à la personne qui en ont bénéficié d’office.
← 2. L’ADEM est placée sous la tutelle du Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire. Elle a notamment pour mission d’inscrire les personnes au chômage comme demandeurs d’emploi, à déterminer leurs droits à l’indemnisation, à leur verser leurs allocations et à leur faire profiter des mesures qu’elle met en place pour favoriser leur retour sur le marché du travail.
← 3. Le formulaire en ligne disponible sur le site a été élaboré par le Ministère de l'Économie avec le soutien du Centre des technologies de l'information de l'État (CTIE).
← 4. Pour obtenir les aides du Fonds de relance, les entreprises devaient enregistrer une perte au moins égale à 25 % du chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente. Concernant l’aide pour coûts non couverts, la perte devait être généralement au moins égale à 40 % du chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente.