L’économie a bien résisté à la pandémie de COVID-19 et fait face de manière satisfaisante aux répercussions de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. Les autorités ont réagi énergiquement pour protéger les ménages et les entreprises de ces deux chocs. Le dynamisme des exportations du secteur multinational et les taux de vaccination très élevés ont aidé l’activité économique à se redresser vigoureusement après la levée du confinement strict (Graphique 1).
Études économiques de l'OCDE : Irlande 2022 (version abrégée)
Résumé
Des difficultés subsistent, même si la crise liée au COVID-19 a été bien gérée
La reprise des activités économiques qui avaient été suspendues s’est accompagnée d’un fort rebond de l’activité, mais des tensions inflationnistes ont fait leur apparition. La forte inflation, toujours alimentée par le niveau élevé des prix de l’énergie, se généralise, notamment du fait de la hausse des coûts des transports et des services. De plus, les prix de l’immobilier sont en augmentation rapide, du fait d’une forte demande, de l’insuffisance passée des investissements et de l’atonie de l’offre. Le gouvernement a pris des mesures pour compenser une partie du choc sur les prix de l’énergie.
L’inflation élevée et la faiblesse de la confiance vont peser sur la demande intérieure. Sur le front extérieur, les exportations des secteurs en forte croissance dominés par des entreprises multinationales continueront d’étayer l’augmentation du PIB, qui devrait toutefois ralentir (Tableau 1). Les tensions inflationnistes devraient s’atténuer progressivement, mais des facteurs liés à la guerre pourraient entretenir la hausse des prix, érodant la demande intérieure et ralentissant encore l’activité économique.
Tableau 1. La croissance économique ralentit
1. Les prévisions relatives à la période 2022-24 sont tirées du n° 112 des Perspectives économiques de l’OCDE, qui ne tiennent pas compte des données trimestrielles publiées le 2 décembre 2022 pour les trois premiers trimestres de 2022.
2. Hors transactions importantes réalisées par des entreprises étrangères et n’ayant pas d’effet sensible sur l’activité économique intérieure.
Source : Perspectives économiques de l’OCDE, n° 112 (base de données).
Les marchés du travail ont bien résisté à la pandémie, et les pénuries de main-d’œuvre augmentent dans certains secteurs, comme la construction. Bien que le taux d’activité des jeunes et celui des femmes aient progressé, les personnes ayant un faible niveau d’études ont toujours du mal à trouver et à conserver un emploi. Pendant la pandémie, les autorités ont amélioré l’accès à la formation en utilisant des technologies numériques et en offrant des programmes d’apprentissage supplémentaires, en particulier dans les secteurs – comme la construction – où la demande de main-d’œuvre est très forte.
Le secteur financier semble avoir relativement bien résisté aux chocs récents. Les banques ont renoué avec les bénéfices et poursuivent la réduction de leurs prêts non performants. Dans ce secteur, l’innovation se développe à un rythme soutenu, parallèlement à l’essor du numérique et à la montée en puissance du secteur des technologies financières (FinTech).
Le secteur financier connaît des problèmes structurels. Les arriérés de prêts hypothécaires restent importants, et le faible taux d’apurement de ces créances pourrait limiter l’offre de crédit. La rentabilité des fonds propres est faible, et deux banques sont en train de se retirer du marché, faisant naître des préoccupations en termes de concentration. L’augmentation des prêts octroyés par des établissements non bancaires crée des risques qui doivent faire l’objet d’une surveillance étroite.
La politique budgétaire donne de bons résultats, mais des tensions se profilent
Les autorités budgétaires ont eu suffisamment de marge de manœuvre pour réagir énergiquement aux crises. Si les dépenses ont augmenté, les soldes budgétaires ne se sont pas détériorés autant que dans d’autres pays de l’OCDE, grâce à la forte croissance des recettes. Cependant, la politique budgétaire est aujourd’hui confrontée à un certain nombre de tensions à court terme qui pourraient peser sur sa viabilité à long terme.
Le rebond vigoureux de l’économie a permis aux autorités de mettre fin aux mesures de soutien accordées aux ménages et aux entreprises dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Grâce au surplus de recettes d’impôt sur les sociétés, le budget devrait revenir à l’équilibre en 2022, malgré les aides publiques considérables liées au choc énergétique. Les autorités ont affecté une partie de ces recettes supplémentaires au Fonds national de réserve (National Reserve Fund). Elles ont aussi adopté une nouvelle règle budgétaire en vue de réduire la procyclicité des dépenses et d’éviter la constitution d’arriérés de dépenses, qui posent actuellement des problèmes aux responsables de l’action publique.
L’inflation, élevée, pousse les pouvoirs publics à augmenter les dépenses, ce qui pourrait compromettre la mise en œuvre de la nouvelle règle de dépenses avant même que sa crédibilité ne soit suffisamment assise pour qu’elle puisse contraindre l’action publique. Il faudrait éviter tout effet supplémentaire de relance durable de la demande dans le contexte actuel de forte inflation. Toute nouvelle aide budgétaire en faveur des ménages vulnérables devrait être temporaire et ciblée, et conçue de manière à préserver les incitations à économiser l’énergie.
À un horizon plus lointain, plusieurs tensions sous-jacentes risquent de menacer la viabilité des finances publiques. Les projets prévoyant un relèvement de l’âge d’ouverture des droits à une pension publique ont été abandonnés, et la réforme des retraites de septembre est centrée sur l’augmentation des cotisations de sécurité sociale. Un vieillissement démographique plus rapide entraînera une hausse des coûts de santé. Atteindre les objectifs climatiques nécessitera un soutien des pouvoirs publics au cours des prochaines décennies. Même s’il est difficile de prédire quel en sera l’impact, le récent accord multilatéral sur la fiscalité des entreprises pourrait réduire le dynamisme des recettes.
L’amélioration de l’accessibilité financière du logement est une priorité
L’envolée des prix des logements ces dernières années a avivé les préoccupations concernant leur accessibilité financière. Le parc de logements est loin d’avoir progressé au même rythme que le nombre de ménages, et il reste modeste (Graphique 2). Après la levée du confinement, les tensions sur le marché de l’immobilier d’habitation se sont intensifiées, provoquant une hausse rapide des prix. Il est difficile de trouver un logement, particulièrement pour les familles à faible revenu.
Le gouvernement a lancé une initiative ambitieuse baptisée « Un logement pour tous » (Housing for All). Ce programme vise à améliorer le zonage, les procédures d’urbanisme, la disponibilité des ressources foncières et l’offre de logements sociaux. L’investissement public dans le logement est renforcé. L’action des pouvoirs publics vise à rehausser l’accession à la propriété et à améliorer l’accessibilité financière du logement, rompant ainsi avec l’orientation antérieure, qui était d’assurer la neutralité de l’action publique vis-à-vis du mode d’occupation des logements (propriété ou location).
Stimuler le logement résidentiel nécessitera de prendre des mesures pour déclencher une réaction plus vigoureuse du côté de l’offre. Le système de réglementation et de délivrance des permis est lent et complexe, et les projets de construction de logements peuvent faire l’objet de recours en cassation, ce qui ralentit encore la progression de l’offre. Le nouveau système d’urbanisme redonne le pouvoir de décision en premier ressort aux collectivités locales, ce qui nécessite des compétences et des ressources supplémentaires pour que les procédures soient efficaces et rapides. Par ailleurs, les coûts de construction sont élevés et la demande de main-d’œuvre dans le secteur est supérieure à l’offre. De plus, l’État possède de nombreux sites qui pourraient être aménagés. Enfin, l’objectif d’élargissement de l’offre de logements devrait être mieux intégré dans la planification des transports et des infrastructures.
Des gains d’efficience sont possibles dans le secteur de la santé
Dans le domaine de la santé, les progrès accomplis ces dernières décennies sont impressionnants. L’espérance de vie est désormais l’une des plus longues de l’OCDE, et la population juge son état de santé satisfaisant. Il est indispensable d’améliorer l’efficience des dépenses, de réduire les délais d’attente et de simplifier les interactions entre différentes sphères du système.
Les dépenses de santé sont aujourd’hui relativement élevées. Après une période de repli, les dépenses de santé se sont orientées récemment à la hausse et elles sont maintenant élevées par rapport à celles d’autres pays de l’OCDE. Elles représentent aussi une part non négligeable des dépenses publiques (Graphique 3). Cette situation est due en grande partie à des coûts importants. Les salaires sont élevés et en ce qui concerne les dépenses pharmaceutiques, les solutions à moindre coût ne sont pas exploitées au mieux. Le vieillissement démographique commençant à s’accélérer, les tensions sur les dépenses vont s’accroître. Déjà, les dépenses publiques allouées aux soins de longue durée sont importantes. Il sera donc important de réaliser des gains d’efficience pour faire face à ces tensions.
Le gouvernement a engagé une refonte complète du secteur de la santé. Les réformes prévues par le programme Sláintecare vont avoir pour effet de reconfigurer le secteur par l’abandon d’un système essentiellement hospitalier au profit d’un schéma offrant une meilleure intégration des soins primaires, des soins de proximité et des soins de longue durée. Une dose de décentralisation est également prévue, avec la création de territoires régionaux de santé (RHAs, Regional Health Areas). Une mise en œuvre efficace du programme devrait avoir pour effet d’alléger la charge liée aux soins hospitaliers et d’améliorer la disponibilité et la gouvernance des données ainsi que la communication et la gestion financières ; elle devrait aussi permettre de simplifier quelque peu les interactions complexes qui existent actuellement entre les sphères publiques et privées du système.
Tout progrès passera par la résolution de problèmes anciens. La période de restriction des dépenses a laissé un certain nombre de traces. Les délais d’attente sont longs, et les patients du secteur privé peuvent passer plus vite, ce qui confirme l’existence inquiétante, dans les faits, d’un système à deux niveaux. L’insuffisance passée des investissements dans les bâtiments et les équipements n’est que lentement corrigée, mais il faudra du temps pour qu’il y soit pleinement remédié. Les conditions de travail sont difficiles, et elles l’ont été tout particulièrement pendant la pandémie de COVID-19, si bien qu’il n’est pas aisé d’attirer et de conserver le personnel.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre nécessite des réformes audacieuses
L’Irlande n’a pas atteint son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2020. De plus, les émissions de GES par habitant sont parmi les plus élevées de toute la zone OCDE, en partie du fait de l’importance de l’agriculture. Le gouvernement a adopté des objectifs de réduction exigeants pour 2030 et 2050, en vue d’atteindre la neutralité en GES d’ici au milieu du siècle.
L’établissement de budgets carbone et de plafonds d’émission sectoriels constitue un volet essentiel de la politique de réduction des émissions. Il est indispensable de réduire les émissions dans le secteur de la production d’électricité pour pouvoir obtenir une diminution globale des émissions. L’Irlande a déjà commencé à se tourner vers des ressources renouvelables, mais le développement de capacités supplémentaires de production d’énergie éolienne terrestre et en mer nécessitera des investissements massifs, notamment dans le réseau, de façon à garantir sa compatibilité avec l’intermittence accrue de la production d’énergie. Il sera important de concentrer les réformes en début de période afin de rationaliser et de simplifier les procédures d’urbanisme et de recours en cassation, de façon à faciliter les investissements nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques. Le secteur des transports représente environ un cinquième des émissions de gaz à effet de serre.
Le secteur agricole soulève des difficultés spécifiques en matière d’atténuation des émissions. Il s’est avéré difficile de réduire les émissions de méthane, et le cheptel laitier s’est en fait étoffé, ce qui rend les objectifs encore plus compliqués à atteindre. Faute de progrès supplémentaires dans l’agriculture, la réalisation de l’objectif fixé pour 2030 exigera des efforts accrus de la part d’autres secteurs. Le coût global des réductions s’en trouvera considérablement alourdi.
Principales conclusions |
Principales recommandations |
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Améliorer la politique macroéconomique et la viabilité des finances publiques |
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La hausse rapide des prix de l’énergie a constitué un choc de grande ampleur pour les ménages, et les pouvoirs publics sont intervenus pour l’atténuer. |
Cibler les aides sur les ménages les plus vulnérables, tout en veillant à ce que leur effet sur l’activité intérieure soit globalement neutre. |
Le secteur des technologies financières (FinTech) est en expansion et l’octroi de crédits par des établissements non bancaires augmente. |
Assurer une surveillance et une réglementation adéquates des établissements non bancaires par la Banque centrale d’Irlande. |
Il faut renforcer la capacité de la politique budgétaire à faire face à de futurs chocs. L’inflation élevée pousse à accroître les dépenses publiques, ce qui a conduit à une violation temporaire de la nouvelle règle de dépenses en 2022-23. |
Continuer d’affecter les recettes fiscales exceptionnelles au Fonds national de réserve (National Reserve Fund). Envisager de renforcer la règle de dépenses en l’inscrivant dans la législation. |
Le gouvernement a annulé le relèvement prévu de l’âge d’ouverture des droits à une pension publique pendant la pandémie. La nouvelle réforme des retraites vise à remédier aux insuffisances structurelles des administrations de sécurité sociale en augmentant les cotisations de sécurité sociale. |
Réintroduire le relèvement prévu de l’âge d’ouverture des droits à une pension publique et lier l’âge légal de la retraite à l’espérance de vie au moment de la retraite. |
Poursuivre les réformes structurelles et fournir des logements. |
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Le taux d’activité des personnes ayant un faible niveau d’études reste bas et les pénuries de main-d’œuvre s’accentuent dans certains secteurs. |
Continuer de soutenir la formation et l’apprentissage dans les secteurs de l’économie où la demande de main-d’œuvre est forte. |
La faiblesse de l’offre sur le marché de l’immobilier d’habitation, à la vente comme à la location, fait monter les prix et limite l’accessibilité financière du logement. L’initiative baptisée « Un logement pour tous » (Housing for All) est une stratégie ambitieuse, mais sa mise en œuvre risque d’être très difficile à court terme. L’offre de logements pâtit de la lenteur des procédures de délivrance des permis ainsi que de recours en cassation. L’initiative « Un logement pour tous » redonne une partie des prérogatives d’urbanisme aux autorités locales compétentes dans ce domaine. |
Donner la priorité aux mesures axées sur l’offre dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie « Un logement pour tous ». Accélérer la rationalisation des procédures d’urbanisme et de recours en cassation, par exemple en créant une chambre spéciale au sein de la Haute Cour et en la dotant d’outils, de ressources et de capacités techniques suffisants pour réduire les délais. Remédier aux problèmes de capacités dans le système d’urbanisme et donner des ressources suffisantes aux autorités locales qui en sont chargées. |
Préserver la santé de la population irlandaise |
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Le maintien à domicile des personnes âgées coûte moins cher à la société, mais lorsque l’état de santé d’un patient se dégrade, les coûts augmentent et la qualité des soins diminue. |
Mettre en place une structure intégrée de financement et de prestation de services permettant d’offrir des soins à domicile et une admission dans des établissements de long séjour lorsque le besoin s’en fait sentir. |
L’outil unique d’évaluation (SAT, Single Assessment Tool) est un outil informatique essentiel pour favoriser une meilleure intégration opérationnelle de l’ensemble des prestataires de services sanitaires et sociaux de soins de longue durée, permettant de réaliser des gains d’efficience importants et d’offrir des services de soins centrés sur la personne plus efficaces. |
Accélérer la mise en œuvre de l’outil unique d’évaluation dans tout le pays, en vue d’offrir des services de soins centrés sur la personne plus efficaces. |
Les réformes au titre du programme Sláintecare ont pour effet de refondre entièrement le système de santé irlandais. Actuellement, ce système est excessivement centralisé et complexe, et privilégie des traitements hospitaliers coûteux. |
Mettre en œuvre les réformes visant à créer des territoires régionaux de santé (RHAs, Regional Health Areas) et rééquilibrer la prestation des soins de santé entre les services de soins primaires, de soins de proximité et de soins de longue durée, d’une part, et les hôpitaux, d’autre part. |
La réussite des territoires régionaux de santé dépendra de l’existence d’un système de financement approprié et de la disponibilité de données. Le système de financement est actuellement fragmenté entre les différentes structures de soins et manque de transparence, ce qui limite la traçabilité des dépenses de santé. Sa complexité, l’absence d’informations adéquates, la gouvernance fragmentaire des données et le développement insuffisant des infrastructures numériques rendent difficile la surveillance du système de santé. |
Mettre en place comme prévu un modèle de financement fondé sur une affectation des ressources en fonction de la population, de façon à améliorer la communication et la gestion financières et à renforcer l’équité en matière de santé. Donner la priorité aux réformes destinées à renforcer l’adoption d’un identifiant de santé unique couvrant l’ensemble des services sanitaires, et centraliser la gouvernance des informations sanitaires au niveau national en confiant à un seul et même organisme indépendant les fonctions nécessaires à cet égard. |
Parvenir à la neutralité en gaz à effet de serre en 2050 |
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La lenteur des procédures de planification et d’autorisation des grands projets d’investissement, conjuguée aux recours en cassation dont ils font l’objet, ralentit le développement des capacités en matière d’énergies renouvelables et, parce qu’elle accentue l’incertitude, dissuade les investisseurs et fait augmenter les prix. |
Accélérer de toute urgence les procédures de planification afin de réduire l’incertitude qui entoure les grands projets d’investissement dans les capacités éoliennes. |
La réduction des émissions dans le secteur des transports implique de prendre des mesures dans de nombreux domaines de l’action publique. |
Revoir la politique des transports pour réduire la motorisation individuelle et favoriser l’offre et l’utilisation d’autres solutions de déplacement, bas carbone ou décarbonées. |
Le coût global de la réduction des émissions augmentera de manière sensible si l’agriculture n’y contribue pas davantage. |
Renforcer les incitations économiques à réduire les émissions qui s’exercent sur les agriculteurs, afin de les mettre sur un pied d’égalité avec le reste de l’économie, par exemple en instaurant une tarification des émissions de méthane. |