L’objet de ce chapitre est d’analyser les déterminants de la demande de transport. Il porte sur le rôle que les leviers d’action visant à gérer la demande de transport (mesures répondant au principe « Éviter ») et à encourager le report modal vers les solutions plus durables (« Changer ») pourraient potentiellement avoir dans la décarbonation des transports. Les mesures consacrées au transport urbain, au transport régional ainsi qu’au transport international et interurbain font l’objet de sections particulières.
Perspectives des transports FIT 2023
3. Offrir un choix attractif pour mieux gérer la demande
Abstract
En résumé
Les deux scénarios prévoient que la demande de transport de voyageurs et de marchandises continuera de croître dans toutes les régions du monde au cours des décennies à venir. Faute d’être encadrée, cette croissance pourrait accentuer l’étalement urbain, allonger la distance moyenne des trajets et empêcher d’obtenir un vrai recul des émissions.
Dans l’un et l’autre scénario, ce sont les déplacements internationaux et interurbains de voyageurs qui progressent le plus, avec un volume multiplié par plus de deux entre 2019 et 2050. La demande de transport urbain croît elle aussi fortement : +74 % dans le scénario d’ambitions inchangées et +54 % dans le scénario d’ambitions élevées. Dans le même temps, le trafic régional n’augmentera que de 5 %. Les deux scénarios prévoient aussi une hausse de la demande de fret exprimée en tonnes-kilomètres, dans laquelle le segment international se taille la part du lion.
Une combinaison de mesures de nature à accroître l’efficience du système des transports et des déplacements individuels pourrait grandement changer la manière dont les voyageurs se déplacent en ville. Des zones urbaines plus denses et plus compactes multiplient les possibilités de déplacement tout en rendant accessibles les services de transport en commun et les services essentiels. La distance totale parcourue en ville pourrait diminuer sans pour autant faire chuter le nombre de trajets effectués.
Tout cela suppose néanmoins de planifier conjointement l’occupation des sols et les transports de manière à éviter l’étalement urbain et à étendre l’accès aux modes durables. Les transports en commun seront au cœur des systèmes de transport urbain de demain. Il convient de les compléter de services à la demande plus flexibles – comme le covoiturage et le partage de véhicules – dont le déploiement permet davantage de réduire la motorisation individuelle que le seul fait d’investir dans les transports en commun.
Les autorités devraient recourir à une combinaison de mesures de nature à décourager la motorisation individuelle en investissant dans le transport multimodal. Ces investissements devraient resserrer les liens entre transports en commun, mobilité partagée et mobilité active. Cela pourrait accroître la part modale de la marche, du vélo et des transports collectifs dans toutes les régions du monde. Hors zones urbaines, la possibilité de réorienter la demande de transport de voyageurs vers des modes plus durables dépend pour beaucoup de la longueur des trajets.
En ce qui concerne le transport de marchandises, les autorités et les gestionnaires peuvent unir leurs efforts pour éviter les déplacements inutiles à l’intérieur et en dehors des villes. Les véhicules de grande capacité, les systèmes de transport intelligents et la mutualisation des actifs peuvent rendre les opérations de transport de marchandises plus efficaces et contribuer à limiter la croissance du trafic en véhicules-kilomètres d’ici à 2050.
Par comparaison, le segment des livraisons urbaines est facile à décarboner. Le recours à des modes non motorisés (par exemple, vélos cargos) ou à des véhicules moins gourmands fera reculer le trafic motorisé en véhicules-kilomètres. L’installation de points relais limitera les déplacements liés à la distribution de colis en ville. Le transfert vers les modes durables est plus difficile à effectuer dans le cas du fret sur longues distances. Une tarification cohérente peut favoriser les gains d’efficience et le recours aux solutions ferroviaires et fluviales pour une distribution davantage multimodale.
Orientations recommandées
Envisager le développement urbain sur le long terme et concevoir conjointement la planification des transports et de l’occupation des sols afin d’éviter l’étalement urbain dans des villes en croissance.
Adopter des plans de transport urbain combinant investissement, tarification, accès et restrictions spatiales de façon à favoriser les choix modaux durables.
Promouvoir les réseaux de transport multimodaux et durables.
Combiner les mesures de tarification de manière cohérente et allouer des fonds en faveur des modes durables.
Les évolutions qui touchent les systèmes de transport et l’infrastructure correspondante auront dans les années à venir des conséquences sur les villes et les populations, pour le meilleur ou pour le pire. Quel que soit le scénario envisagé par les pouvoirs publics, la demande mondiale de transport de voyageurs et de marchandises continuera de s’accroître au cours des prochaines décennies. Cette augmentation reflète les évolutions économiques et démographiques, et résulte en partie de la volonté de développer les liaisons de transport pour les voyageurs et pour les marchandises.
S’agissant du transport de voyageurs, si les autorités n’intègrent pas la nécessité d’engager une décarbonation sur le long terme dès le stade de la conception, les zones urbaines et leurs habitants devront subir la dépendance perpétuelle à l’automobile. Pour ce qui concerne le transport de marchandises, si le monde ne modifie pas sa trajectoire actuelle, les émissions causées par cette activité continueront également d’augmenter.
L’objet de ce chapitre est d’analyser les déterminants de la demande de transport. Partant de l’approche bien connue consistant à « Éviter, changer, améliorer », il examine le rôle que les leviers d’action visant à gérer la demande (mesures répondant au principe « Éviter ») et à encourager le report modal (« Changer ») pourraient avoir dans le scénario de décarbonation des transports. Pour une analyse des mesures visant à réduire les émissions dues aux transports (principe « Améliorer »), se reporter au chapitre 4.
Interventions des pouvoirs publics : adapter les mesures au type de déplacement
Les modèles conçus par le FIT permettent de réaliser des projections dans le temps de la demande mondiale de transport de voyageurs et de marchandises en fonction des scénarios d’action adoptés par les pouvoirs publics. Ces projections montrent que la demande augmentera dans les deux scénarios étudiés dans la présente édition des Perspectives, à savoir celui des ambitions inchangées et celui des ambitions élevées (pour une description détaillée, voir le chapitre 2).
La demande de transport de voyageurs se subdivise en trois types de déplacements : urbains (à l’intérieur des zones urbaines) ; régionaux (déplacements intérieurs hors des zones urbaines) ; internationaux et interurbains (entre deux villes ou au-delà des frontières nationales).
La demande de transport urbain de voyageurs va s’accroître dans les deux scénarios examinés dans cette édition des Perspectives (Graphique 3.1). Dans le scénario d’ambitions inchangées, cette demande – exprimée en nombre de voyageurs-kilomètres – augmentera de 74 % entre 2019 et 2050. Dans le scénario d’ambitions élevées, la hausse sera de 54 % au cours de la même période. Les déplacements urbains de voyageurs sont généralement plus courts que les autres types de déplacements et ont lieu dans des régions à forte densité. Pour ce qui est de la décarbonation des transports, le contexte urbain offre un plus large éventail de mesures possibles lorsqu’il s’agit de gérer la demande et de proposer des alternatives modales. Cela dit, les déplacements urbains ne représentent actuellement que 36 % de la demande de transport au niveau mondial.
La demande régionale de transport progresse de seulement 5 % dans les deux scénarios. Aujourd’hui, l’activité régionale de transport représente quelque 35 % de la demande mondiale. Toutefois, dans la mesure où ils augmenteront peu, leur part (en nombre de voyageurs-kilomètres) diminuera au fil du temps. Enfin, les activités internationale et interurbaine – qui représentaient le plus faible pourcentage de voyageurs-kilomètres en 2019 (29 %) – sont celles qui vont enregistrer la plus forte hausse au cours des années à venir, jusqu’à atteindre 44 % du nombre total de voyageurs-kilomètres en 2050 dans les deux scénarios.
Les déplacements internationaux et interurbains sont généralement beaucoup plus longs en moyenne et les modes utilisés plus diversifiés, en particulier pour ce qui est des déplacements régionaux. Compte tenu de la nature des déplacements régionaux, interurbains et internationaux, il existe en général moins de leviers d’action bien établis pour intervenir sur la demande et opérer un report modal.
S’agissant du fret, la grande majorité de l’activité de transport a lieu à l’extérieur des zone urbaines, à la fois en 2019 et en 2050 et dans les deux scénarios (Graphique 3.2). Comme c’est le cas pour le transport de voyageurs, les outils disponibles pour la gestion de la demande et le report modal dans le contexte urbain sont difficiles à utiliser dans un autre cadre. S’agissant du transport non urbain de marchandises (à la fois intérieur et international), les mesures permettant de raccourcir les chaînes d’approvisionnement (et donc de réduire le nombre de tonnes-kilomètres) ne relèvent pas uniquement de la politique des transports puisqu’elles sont liées à la régionalisation des échanges. Dans les deux scénarios examinés, le transport international de fret représente la part la plus élevée de la demande de transport, ce qui signifie que la réglementation et la mise en œuvre d’un grand nombre des mesures nécessiteront une coopération multilatérale.
Transport urbain : rendre les modes durables plus attractifs
Dans les années à venir, du fait de l’urbanisation grandissante et de la croissance démographique au niveau mondial, les zones urbaines de nombreuses régions vont de plus en plus s’étendre. Il serait bon que les autorités agissent dès maintenant afin de prévenir l’étalement urbain et la dépendance à la voiture particulière. Dans les villes plus étendues, les pouvoirs publics doivent revoir les priorités traditionnelles de l’aménagement urbain, à savoir la conception de la voirie et des espaces urbains pour les véhicules motorisés, au détriment des résidents et des modes de déplacement plus durables.
Une approche stratégique et coordonnée de la planification des transports et de l’occupation des sols sera nécessaire pour s’orienter à l’avenir vers des modes de transport durables. Bien qu’il existe à cet égard de nombreuses options possibles, une combinaison de mesures sera sans doute la meilleure solution. Les dispositifs de gestion de la demande et de report modal sont très efficaces dans le contexte urbain, à la fois pour le transport de voyageurs ou celui de marchandises. Ils sont par ailleurs essentiels pour garantir la qualité de vie dans les villes (voir le chapitre 5).
Avec l’augmentation de la population urbaine, le risque croissant d’étalement urbain
La demande de transport de voyageurs va continuer à croître dans toutes les régions du monde, quelles que soient les mesures prises par les autorités publiques. Dans les années à venir, son augmentation sera forte en milieu urbain, en particulier dans les régions à revenu faible et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Dans les régions à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure, l’urbanisation rapide entraînera une hausse de la population dans les zones urbaines. C’est cependant en Afrique subsaharienne que l’augmentation sera la plus forte : dans cette région à faible revenu, la population urbaine va plus que doubler entre 2019 et 2050 (OCDE/SWAC, 2020[1]).
D’autre part, entre 2019 et 2050, le produit intérieur brut (PIB) par habitant va presque doubler en Afrique subsaharienne (SSA) et plus que doubler en Asie de l’Est et du Nord-Est (ENEA), ainsi qu’en Asie du Sud-Est (ASE). D’après les données de la Direction de l’environnement de l’OCDE et du Département des affaires économiques et sociales (DESA) de l’ONU, en Asie du Sud et du Sud-Ouest (SSWA), le PIB par habitant va presque tripler au cours de la même période (OCDE, s.d.[2] ; DAES, 2022[3]). Cette croissance économique comblera en partie l’écart de revenu existant entre les habitants des villes de ces régions et ceux des régions développées telles que l’Europe et UCAN (composée dans le présent rapport des États-Unis, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande).
Toutefois, cette croissance va également accroître le risque d’une utilisation accrue de véhicules particuliers à moteur (en particulier des voitures et des motocycles). Selon une étude récente de la Banque mondiale, il existe une corrélation directe entre une hausse des revenus de 10 % dans 18 pays non membres de l’OCDE et une augmentation de 17 % de la demande globale de transport. Signe révélateur, alors que l’utilisation des transports publics a relativement peu progressé dans ces pays (+10 %), celle des véhicules individuels a augmenté de 20 % (Lebrand et Theophile, 2022[4]).
Dans la plupart des régions du monde, le transport de voyageurs va croître plus rapidement que la population pour ce qui est des zones urbaines (Graphique 3.3). Dans les régions à revenu élevé que sont l’Europe et l’ENEA, ainsi que dans la région à revenu intermédiaire de la tranche supérieure qu’est le LAC, la demande augmente sensiblement à la même vitesse – voire plus lentement – que la population dans le scénario d’ambitions élevées. Dans la région ENEA, la croissance de la population urbaine dépasse celle de la demande de transport de voyageurs dans les deux scénarios. La région UCAN se démarque quant à elle de la tendance constatée dans les régions à revenu élevé puisque le nombre de voyageurs-kilomètres y croît plus vite que la population dans les deux scénarios. Le constat est le même dans les économies émergentes. En revanche, dans tous les cas, les mesures prises dans le cadre du scénario d’ambitions élevées donnent lieu à une croissance plus faible du transport de voyageurs.
L’augmentation de la population urbaine fait peser un risque accru d’étalement urbain et de dépendance à la voiture. Les zones urbaines courant un risque d’étalement sont celles où : 1) le coût de l’utilisation de la voiture est bas ; 2) les terrains coûtent moins cher dans les zones périphériques que dans les centres urbains ; et 3) l’étalement génère des recettes fiscales nettes (OCDE, 2017[5]). Avec ce schéma de peuplement, qui a tendance à être plus courant dans la région UCAN, les zones urbaines sont généralement contiguës (avec la formation de conurbations) et la délimitation entre les périphéries des villes voisines y est peu visible, ce qui entraîne une plus grande dépendance à la voiture (Mattioli et al., 2022[6]).
Le risque d’étalement dans les zones urbaines à croissance rapide est encore plus vrai dans les régions émergentes. Selon une analyse réalisée il y a quelques années, le doublement de la population d’une ville en développement conduit à une multiplication par trois de la superficie occupée (Angel et al., 2010[7]). De la même manière, la modélisation effectuée pour la présente édition des Perspectives montre que dans les régions SEA et SSA, les périphéries urbaines des villes qui comptaient moins de 1 million d’habitants en 2019 verront leur surface plus ou moins tripler d’ici 2050. L’une des causes de l’étalement urbain dans ces régions en développement est le déplacement des habitants des villes – actuels et nouveaux – vers les périphéries. Pour ces personnes, le véhicule individuel est parfois l’une des rares options dont elles disposent – en dehors des transports informels – pour accéder aux ressources dans les centres-villes (Yiran et al., 2020[8]).
L’atténuation du risque d’étalement urbain nécessite une planification stratégique permettant de gérer la demande de transport urbain de voyageurs et d’encourager des comportements plus durables en matière de mobilité (FIT, 2021[9]). La modélisation réalisée dans le cadre des présentes Perspectives montre bien les effets bénéfiques que peut avoir une meilleure planification des transports et de l’occupation des sols sur la durabilité des habitats urbains. Contrairement au scénario d’ambitions inchangées, le scénario d’ambitions élevées inclut des mesures de planification des transports et de l’occupation des sols qui promeuvent des environnements urbains plus compacts et plus denses favorisant la mixité fonctionnelle. D’ici 2050, l’augmentation de la densité des villes entraînera dans le scénario d’ambitions élevées une baisse de la croissance de l’étalement physique des zones urbaines.
Tableau 3.1. Évolution du nombre de voyageurs-kilomètres en 2050 dans le scénario d’ambitions élevées par rapport au scénario d’ambitions inchangées
Région |
Différence entre le nombre de PKM par trajet en 2050 dans le scénario d’ambitions élevées par rapport au scénario d’ambitions inchangées (%) |
Différence entre le nombre de trajets par habitant en 2050 dans le scénario d’ambitions élevées par rapport au scénario d’ambitions inchangées (%) |
---|---|---|
Asie de l’Est et du Nord-Est (ENEA) |
-8 |
-1 |
Europe |
-14 |
-3 |
Amérique latine et Caraïbes (LAC) |
-15 |
-1 |
Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) |
-11 |
-1 |
Asie du Sud et du Sud-Ouest (SSWA) |
-8 |
-1 |
Asie du Sud-Est (SEA) |
-11 |
-1 |
Afrique subsaharienne (SSA) |
-10 |
-1 |
Économies en transition et autres États d’Asie-Pacifique (TAP) |
-11 |
-1 |
États-Unis, Canada, Australie et Nouveau Zealande (UCAN) |
-8 |
-4 |
Note : le tableau illustre les estimations du FIT obtenues par modélisation. PKM : voyageurs-kilomètres. UCAN : États-Unis, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande.
L’approche de la planification urbaine et de la conception des systèmes de transport prise en compte dans le scénario d’ambitions élevées peut en outre réduire la demande de transport sans du même coup faire obstacle à l’activité, en particulier dans les pays et territoires en développement. Le scénario précité inclut des mesures de planification des transports et de l’occupation des sols qui promeuvent des environnements urbains plus compacts et plus denses favorisant la mixité fonctionnelle. Du fait de la plus grande compacité des villes, les trajets y sont aussi plus courts que dans le scénario d’ambitions inchangées.
Le scénario d’ambitions élevées donne lieu d’ici 2050 à une diminution du nombre moyen de voyageurs-kilomètres (PKM) par trajet dans toutes les régions du monde (Tableau 3.1), et plus particulièrement en LAC (-15 %) et en Europe (-14 %). En revanche, le nombre moyen de trajets par habitant diminue nettement moins. La baisse se situe en effet autour de 1 % seulement dans l’ensemble des régions, hormis en Europe (-3 %) et dans la région UCAN (-4 %), sans doute du fait que la pratique du télétravail y est là plus importante. Malgré cela, la région UCAN enregistre aussi l’une des baisses les plus faibles de la longueur des trajets entre les deux scénarios (-8 %), ce qui témoigne de l’empreinte qu’ont déjà les villes et de la difficulté de mettre en œuvre des politiques de compacité urbaine dans ces contextes.
La planification conjointe des transports et de l’occupation des sols permet une plus grande viabilité des modes durables
Les autorités publiques, en particulier dans les villes des régions en développement, peuvent recourir à des politiques de densification pour faire face au risque d’étalement urbain et de dépendance aux véhicules particuliers à moteur. Lorsqu’elles sont plus compactes et plus denses, les villes permettent de concentrer des opportunités essentielles, ce qui facilite l’accès des habitants, par exemple, aux écoles, hôpitaux et lieux de travail (FIT, 2019[10]). De tels environnements réduisent la nécessité d’effectuer de longs trajets, d’où une diminution du nombre de voyageurs-kilomètres sans effet négatif sur la mobilité. De surcroît, les environnements où l’on trouve une mixité fonctionnelle – avec plus de possibilités d’emploi et de logement – peuvent réduire la pression qui pèse sur les réseaux de transports publics, ce qui n’est pas le cas d’autres formes d’urbanisation (Guzman et Gomez Cardona, 2021[11]).
Outre ces avantages, les environnements plus compacts offrant une mixité fonctionnelle peuvent aider à réduire les coûts des transports et des infrastructures de deux façons. D’une part, ils facilitent l’obtention de la masse critique, nécessaire aux pouvoirs publics et aux exploitants pour atteindre la viabilité financière des services de transports publics. D’autre part, leur plus forte densité et la plus grande proximité des opportunités permettent de réduire le coût unitaire des infrastructures et de rendre l’utilisation des routes et des transports publics plus efficiente (Rode et al., 2014[12]).
La construction de villes plus compactes offrant une mixité fonctionnelle suppose de trouver un équilibre entre les populations actives, les logements disponibles et l’existence de possibilités d’emploi à proximité. Cela peut signifier qu’il faut aménager les villes en créant plusieurs pôles d’activité économique et d’habitation, plutôt qu’un seul centre rassemblant toutes les activités économiques et vers lequel les voyageurs vivant dans les quartiers d’habitation effectuent leurs trajets journaliers. Le modèle du superbloc mis en œuvre à Barcelone en est un bon exemple. Chaque bloc de 400 m2 concentre des habitations et des opportunités économiques permettant à chacun de vivre, de travailler et de se déplacer facilement en utilisant des modes de déplacement actifs et durables (Postaria, 2021[13]).
Le Graphique 3.4représente les modes de déplacement les plus utilisés pour les différentes distances parcourues en milieu urbain dans le scénario d’ambitions élevées. Le constat est que les modes non motorisés sont nettement plus utilisés pour les courtes distances. Cela reste vrai au fil du temps dans les deux scénarios, même si leur part ne progresse pas énormément pour les trajets compris entre 1 km et 10 km dans le scénario d’ambitions élevées. Au-delà de 10 km, la part des modes non motorisés diminue, d’où l’importance de la proximité des opportunités pour encourager la mobilité active.
Lorsqu’elles élaborent des politiques pour encourager la création d’environnements offrant une mixité fonctionnelle ainsi que la mobilité durable, les autorités peuvent recueillir des informations auprès des employeurs des secteurs public et privé. En France, par exemple, les pouvoirs publics exigent des entreprises de plus de 100 salariés qu’elles établissent des plans de mobilité pour promouvoir l’utilisation de modes de déplacement durables par leur personnel. Ces plans incluent par exemple des mesures d’incitation à utiliser les transports publics et des modes de mobilité active jusqu’au lieu de travail, ainsi que la piétonnisation des chemins d’accès (Réseau Action Climat, 2018[14]).
Les nouveaux modes d’exercice de l’activité professionnelle, comme le télétravail, pourraient dans les années à venir avoir une incidence sur la densité des zones urbaines, ainsi que sur la capacité des pouvoirs publics à promouvoir certaines formes de mobilité durable. Le télétravail pourrait par exemple favoriser le polycentrisme et des implantations urbaines de faible densité, ce qui compliquerait la rentabilisation des réseaux de transports publics du fait que les déplacements domicile-travail seraient moins nombreux. D’un autre côté, le télétravail pourrait aussi faciliter la création de villes organisées en quartiers où les déplacements effectués ne seraient pas forcément liés au travail et feraient la part belle à la mobilité active et la micromobilité. Les éditions 2019 et 2021 des Perspectives des transports du FIT examinent les conséquences du télétravail sur l’avenir du transport de voyageurs. Des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer son impact en temps réel et au fil du temps sur l’aménagement urbain et les modes de transport qui en résultent (FIT, 2013[15] ; FIT, 2021[16] ; OCDE, 2023[17]).
Le scénario d’ambitions élevées inclut des mesures de planification des transports et de l’occupation des sols qui promeuvent des environnements urbains plus compacts et plus denses favorisant la mixité fonctionnelle. L’une de ces mesures consiste par exemple à encourager l’aménagement axé sur les transports collectifs, où le développement des quartiers est coordonné avec celui des réseaux de transports publics. Dans ce type d’aménagement, les autorités pourraient fixer une densité minimale, mettre en place des incitations en matière de densité à l’intention des promoteurs, et exiger que les nouvelles constructions soient installées à proximité des stations de transports publics (Rode et al., 2014[12]).
Dans certains pays et territoires en développement, il serait bon de modifier les normes de densité maximale, par exemple en ajoutant le critère de la surface minimale par personne pour s’assurer que l’augmentation de la densité va de pair avec des conditions de vie correctes (Rode et al., 2014[12]). Dans les pays et territoires développés, tout comme dans ceux en développement, les autorités pourraient également imposer comme condition une offre minimale de logements abordables à proximité des nouvelles stations de transports publics. De telles mesures pourraient endiguer le phénomène de gentrification ainsi que le déplacement des populations à faible revenu dû à l’augmentation du prix des terrains causée par la plus grande facilité d’accès aux opportunités.
Un aménagement urbain plus compact, plus dense, qui offre une mixité fonctionnelle et soit propice au développement de modes de déplacement durables nécessite une planification des transports et de l’occupation des sols à l’échelle de l’ensemble de la zone métropolitaine, ainsi que des cadres réglementaires. Même avec les politiques publiques les plus ambitieuses, d’ici 2050, le bâti urbain s’étendra dans le monde entier au-delà des frontières administratives actuelles. Les frontières administratives, la planification des transports et les cadres réglementaires doivent s’adapter à cette extension rapide.
Comme l’ont montré les expériences menées à Barcelone, Londres et Paris, l’établissement de cadres de gouvernance des transports permettant de répondre efficacement aux besoins d’action des pouvoirs publics à l’échelle d’une zone métropolitaine est un processus laborieux, difficile et propre à chaque cas (FIT, 2018[18]). Ce processus doit être engagé dès que possible, sur la base d’un dialogue entre les autorités locales et nationales compétentes. Il sera également primordial de convier à ce dialogue les administrations des zones moins denses situées autour des centres urbains, qui feront partie intégrante des grandes agglomérations futures. Les autorités des centres urbains pour lesquels les zones de plus faible densité représentent des bassins d’emploi potentiels constituent une autre catégorie importante de parties prenantes (FIT, 2018[18]).
Une combinaison de mesures sera nécessaire pour encourager efficacement l’adoption de choix durables
La mise en place d’une combinaison de mesures permettra à l’avenir de garantir l’adoption de modes de déplacement durables en milieu urbain (FIT, 2023[19]). Dans le scénario d’ambitions inchangées, les véhicules particuliers à moteur (voitures et motocycles) continueront dans les années à venir de jouer un rôle majeur dans les zones urbaines du monde entier (Graphique 3.5). D’ici 2050, ces véhicules représenteront presque la moitié de la demande mondiale de transport de voyageurs. Dans la région UCAN, où les villes sont généralement de plus faible densité, les véhicules particuliers à moteur se tailleront la part du lion (77 %).
En revanche dans les régions SSA et SSWA, ces véhicules ne couvriront respectivement que 16 % et 24 % de la demande, même dans le scénario d’ambitions inchangées. Dans le scénario d’ambitions élevées, la part de ces véhicules dans les déplacements diminuera à seulement 12 % en SSA, soit le pourcentage le plus faible au niveau mondial.
La part modale des véhicules particuliers à moteur demeure importante même dans le scénario d’ambitions élevées (Graphique 3.6). Ce constat souligne l’importance de procéder à une planification stratégique à mesure que l’urbanisation s’accroît, et de proposer dans les villes des modes de déplacement durables afin d’éviter la dépendance à la voiture. Le scénario d’ambitions élevées inclut un ensemble de mesures visant à freiner l’augmentation de l’utilisation des véhicules particuliers à moteur. On trouve parmi elles des restrictions de la circulation automobile, des mesures de tarification ainsi que des dispositifs de promotion de la mobilité active, des transports publics et des nouvelles solutions numériques de mobilité partagée. Les effets de ces mesures, inclues dans le scénario d’ambitions élevées, sur la réduction de la dépendance à la voiture sont bien documentés (FIT, 2021[9]).
La mise en place de mesures dissuasives et la hausse des investissements en faveur des modes de déplacement alternatifs – ou une combinaison des deux – peuvent aider à réduire la dépendance au véhicule individuel. La modélisation effectuée pour la présente édition des Perspectives inclut également une comparaison entre ces deux approches afin de comprendre les effets de l’une et de l’autre. Le Graphique 3.7représente les pourcentages de voyageurs-kilomètres (PKM) en 2050 dans les scénarios d’ambitions inchangées et d’ambitions élevées, ainsi que dans le contexte de deux types d’action des pouvoirs publics : investissements seulement et mesures dissuasives seulement.
Le cas de figure « Investissements seulement » étudie les effets des mesures énoncées dans le scénario d’ambitions inchangées (voir le chapitre 2), mais avec le niveau d’investissement prévu dans le scénario d’ambitions élevées pour ce qui concerne les transports publics, la billetterie intégrée ainsi que l’infrastructure cyclable et piétonnière. Dans ce scénario, des dispositifs sont également supposés être en place pour inciter à la mobilité partagée et au covoiturage, et pour développer des services de transport multimodal comme la mobilité-service (MaaS).
C’est dans ces conditions que la mobilité active connaît la plus forte augmentation, avec plus 6 points de pourcentage. La part modale des véhicules particuliers à moteur régresse (‑3 points de pourcentage) mais celle des transports publics également (plus ou moins dans la même proportion), ce qui laisse entendre qu’une partie au moins de la progression de la mobilité active et de la mobilité partagée remplace les trajets effectués auparavant avec le mode durable que sont les transports publics.
L’examen des mesures de tarification montre qu’elles peuvent être utiles pour réduire l’utilisation de la voiture en ville. À Milan (Italie), la mise en place d’un système de péage urbain a abouti à une baisse du trafic de 12 % dans la zone concernée, et de presque 4 % en dehors (Rotaris et al., 2010[20]). Dans d’autres exemples, les mesures de restriction de la circulation automobile ont permis un recul de 5‑10 % des déplacements en véhicule individuel (FIT, 2021[21]).
Le cas de figure « Mesures dissuasives seulement » reprend les mêmes mesures que dans le scénario d’ambitions inchangées, mais en y ajoutant une tarification majorée, des restrictions de stationnement et des réglementations d’accès pour les véhicules en zone urbaine. Le but est d’internaliser une plus grande partie des coûts de l’utilisation de la voiture et de rendre les modes de transport durables plus attractifs que la voiture. Dans ce scénario, la part modale des transports publics (formels et informels) augmente de 3 points de pourcentage par rapport au scénario d’ambitions inchangées. Toutefois, en l’absence d’investissement dans les infrastructures cyclables et piétonnières, la part des modes actifs de déplacement n’augmente que légèrement (plus 2 points de pourcentage).
Les autorités doivent par ailleurs comprendre et gérer les effets potentiellement néfastes des mesures de restriction sur les groupes à faible revenu et les populations vivant dans des zones mal desservies. Les dispositifs visant à réduire ou limiter l’utilisation des véhicules individuels peuvent avoir des effets négatifs sur ces populations, en particulier dans les cas où la détention et l’usage d’un tel véhicule sont nécessaires du fait de l’absence d’alternatives (Mattioli, 2017[22] ; Di Ciommo et Lucas, 2014[23]). Toutefois, cela ne signifie pas qu’il faille mettre en place des réductions de tarifs et des exonérations.
La recommandation est d’accorder des concessions pour les services d’urgence et les transports publics. Au-delà, en revanche, l’expérience montre que les tarifs réduits et les exonérations risquent de nuire à l’efficacité du dispositif. Une étude spatiale et socioéconomique approfondie doit être réalisée en amont afin de mieux cerner les effets – redistributifs et sociaux – que peut avoir le dispositif, et déterminer s’il convient de mettre en place des mesures d’atténuation ou de compensation de plus grande portée au travers de la fiscalité (FIT, 2018[24]).
Sur le long terme, les péages urbains peuvent contribuer, dans le cadre d’un plan d’action complet, à endiguer le phénomène d’étalement et à promouvoir l’aménagement axé sur les transports collectifs et le développement de villes compactes. Ils peuvent en outre, de façon plus générale, améliorer la qualité de vie en ville (voir le chapitre 5). Les recettes générées par ces péages peuvent quant à elles être investies dans l’amélioration des transports publics et des modes actifs de déplacement (FIT, 2018[24] ; FIT, à paraître[25]). L’affectation des recettes potentielles au développement des alternatives durables et à l’amélioration de la sécurité routière s’est également avérée être un gage d’acceptabilité desdites mesures par le grand public (Baranzini, Carattini et Tesauro, 2021[26]). Le fait de communiquer sur les avantages des redevances de congestion pourrait également améliorer leur acceptabilité (Hsieh, 2022[27]).
Pour finir, le scénario d’ambitions élevées inclut à la fois les investissements et les incitations compris dans le scénario « Investissements seulement », ainsi que les mesures de tarification et les restrictions du scénario « Mesures dissuasives seulement ». Il suppose en outre une toute nouvelle conception de l’urbanisme – avec une planification coordonnée de l’occupation des sols, un aménagement permettant une mixité des usages et une densité plus forte – afin de prévenir l’étalement urbain, de réduire la longueur des trajets et de rendre les transports publics plus accessibles.
Les résultats de ce scénario sont les suivants : d’ici 2050, le nombre total de voyageurs-kilomètres chute, la part des modes actifs de déplacement atteint son plus haut niveau (27 %) et celle des véhicules particuliers à moteur tombe au plus bas (36 %). La part des transports publics recule également, mais cela s’explique sans doute par la diminution de la longueur des trajets ainsi que par l’attrait de la mobilité active et de la mobilité partagée. La combinaison de mesures pour faire face à l’augmentation des besoins de transport urbain à l’horizon 2050 dans le scénario d’ambitions élevées permet d’opérer un tournant en faveur des modes durables et, par voie de conséquence, d’obtenir une baisse globale des émissions liées au transport urbain de voyageurs.
La réfection et la sécurisation des rues peuvent aider à promouvoir la mobilité active
Promouvoir la mobilité active nécessite à la fois des investissements dans l’infrastructure, des aménagements pour améliorer l’expérience de cette mobilité et des campagnes d’information pour encourager les changements de comportements. Le scénario d’ambitions élevées prévoit comme première étape de cette politique l’augmentation des investissements dans l’infrastructure correspondante. Ces investissements visent par exemple à développer les réseaux de pistes cyclables, ou encore à élargir et rénover les trottoirs. À Bogotá (Colombie), par exemple, des exercices de modélisation montrent que l’amélioration des infrastructures cyclables et piétonnières pourrait plus que doubler la part modale du vélo dans la ville d’ici 2050 par rapport à un scénario moins ambitieux, tout en favorisant une légère progression de la pratique de la marche (Papaioannou et Windisch, 2022[28]).
Une autre façon pour les autorités de mettre en avant les modes actifs de déplacement consiste à améliorer l’expérience des piétons. L’objectif peut être par exemple d’améliorer le sentiment de sécurité dans les rues, en particulier pour les femmes, grâce à un meilleur éclairage public ou à des campagnes de lutte contre le harcèlement sexuel (Chant et McIlwaine, 2016[29]). Il peut également être utile pour les pouvoirs publics d’organiser des campagnes d’information à l’intention de certains groupes de population pour les encourager à adopter des modes de mobilité active. Ces campagnes peuvent en outre faciliter l’acceptabilité par le grand public de mesures « plus radicales », par exemple la réaffectation de la voirie aux modes actifs de déplacement plutôt qu’aux véhicules individuels (Markvica et al., 2020[30]).
Dans les régions émergentes, la mobilité active se développe nettement plus dans le scénario d’ambitions élevées que dans celui d’ambitions inchangées. La demande de modes actifs de déplacement (marche, vélo et autres) par la population va s’accroître dans toutes les régions du monde et dans les deux scénarios (Graphique 3.8). La hausse la plus forte pourrait avoir lieu en SEA, où la mobilité active augmentera de 55 % dans le scénario d’ambitions élevées par rapport au scénario d’ambitions inchangées. Dans les régions MENA et TAP, la progression sera respectivement de 51 % et 41 %.
Dans les régions développées, en revanche, l’augmentation de la demande de mobilité active reste limitée dans le scénario d’ambitions élevées. Elle est par exemple de 8 % en Europe, 13 % en ENEA et 3 % seulement dans la région UCAN. Dans cette dernière région, où de nombreuses villes sont bien établies, la part des modes actifs de déplacement demeure très faible dans les deux scénarios.
Procéder à des investissements massifs dans les infrastructures cyclables et piétonnières est primordial pour améliorer l’accessibilité. Dans la plupart des régions du monde, la progression de l’adoption des modes actifs de déplacement supposée survenir dans le scénario d’ambitions élevées aura lieu pour plus de la moitié dans les centres-villes et non dans les banlieues. Cela peut s’expliquer en partie par le fait qu’il est plus difficile d’accroître la densité des zones périphériques que des quartiers plus centraux. Une autre explication est celle des différences en matière d’investissement entre les centres villes et les banlieues.
Une récente analyse de plusieurs villes d’Europe fait apparaître une forte concentration d’infrastructures de mobilité active dans les quartiers centraux et aisés plutôt que dans les quartiers défavorisés (Cunha, 2022[31]). Cet écart en termes d’infrastructures fait courir le risque de ne pas profiter de l’opportunité que représente l’usage du vélo pour faciliter les déplacements dans les zones moins densément peuplées, où il est difficile de maintenir des services de transports publics. Combler cet écart entre les centres-villes et les périphéries sera une étape essentielle pour rendre les modes actifs de déplacement attractifs pour tous.
Les transports publics doivent être attrayants et dotés de financements suffisants
Les transports publics jouent un rôle crucial dans la décarbonisation du transport urbain. Or, pour être attrayants, leurs services doivent être accessibles, fréquents, sûrs et fiables. Cela signifie que des investissements seront nécessaires pour rendre ces réseaux attrayants. La modélisation réalisée par la Fédération internationale des ouvriers du transport et le Groupe C40 des villes pionnières dans la lutte contre les changements climatiques (2021[32]) laisse entendre que l’investissement dans les transports publics peut aussi favoriser la création d’emplois. Bien que, dans certaines villes, la part des transports publics ne soit pas amenée à s’accroître, les réseaux vont devoir transporter plus de monde dans les deux scénarios examinés pour les besoins des présentes Perspectives. Cela s’explique, dans un scénario comme dans l’autre (ambitions inchangées et ambitions élevées), par l’augmentation du nombre de voyageurs-kilomètres couverts par les transports publics.
La demande de transports publics va s’accroître dans toutes les régions entre 2019 et 2050. Dans le scénario d’ambitions élevées (Graphique 3.9), le nombre de voyageurs-kilomètres dans les transports publics en zone urbaine augmente dans chaque région. La hausse la plus spectaculaire a lieu dans la région UCAN, avec une multiplication par plus de trois du nombre de voyageurs-kilomètres. Dans les autres régions à revenu élevé – l’ENEA et l’Europe –, l’augmentation est respectivement de 38 % et 48 %. Enfin, le nombre de voyageurs-kilomètres va presque tripler en SEA et plus que doubler dans la région MENA. Cette situation traduit un recours croissant aux transports publics dans les villes de ces régions, mais également l’inévitable augmentation de la longueur moyenne des déplacements à mesure que les zones urbaines s’étendent.
Compte tenu de cette augmentation de la demande, la planification des transports publics doit surtout viser à préserver le volume de déplacements existant et à faciliter son accroissement à mesure que la population urbaine augmentera. Cette forte progression des transports publics reflète les hypothèses en matière de mesures prises, dans le cadre du scénario d’ambitions élevées, pour accroître les investissements dans les réseaux d’autobus, de bus à haut niveau de service et de train. Elle résulte également de l’évolution vers un développement urbain plus compact, qui facilite l’usage des transports publics par les habitants.
Le Graphique 3.10Graphique 3.10 représente l’évolution au fil du temps du nombre de voyageurs-kilomètres (PKM) parcourus à l’aide des différents modes de transports publics dans le scénario d’ambitions élevées. Pour mieux répondre aux besoins des différentes zones urbaines, l’investissement dans les transports publics devra se concentrer sur différents types de véhicules. Il pourrait par exemple être bénéfique de mettre en place des lignes principales de métro ou de bus à haut niveau de service, en les complétant par des lignes plus flexibles d’autobus. S’agissant des autobus, en particulier, l’investissement dans des mesures leur accordant la priorité et dans la création de voies rapides pourra améliorer la fiabilité des transports.
Les investissements dans les transports publics ne se traduiront pas nécessairement tous par des projets d’équipement. C’est le cas par exemple pour les investissements dans l’amélioration de la vitesse, de la fiabilité et de la fréquence. Le défi pour les autorités est de fournir des services abordables de bonne qualité pouvant plaire aux usagers, et pas seulement des services utilisables uniquement par les personnes n’ayant pas d’alternative. Il faut donc que les services proposés soient fiables et permettent aux usagers de se déplacer confortablement et en toute sécurité, ainsi que le plus efficacement possible.
La fourniture de transports publics attractifs nécessite des financements pour le maintien des services et l’extension du réseau. Une question cruciale est de savoir si les investissements dans les transports publics sont guidés par des plans stratégiques à long terme, et financés à l’aide de budgets établis sur le moyen terme. Comme l’explique le chapitre 6, la présente édition des Perspectives recommande aux responsables de l’action publique d’adopter l’approche « décider et fournir » pour prendre des décisions en matière d’investissement.
L’approche « décider et fournir » consiste à effectuer des investissements correspondant à la vision stratégique du système de transport futur. Elle permet de privilégier les investissements assurant la mise en œuvre des choix stratégiques et d’apporter de la certitude. Elle peut aussi présenter l’avantage d’assurer un flux continu d’investissements, en évitant la variation brutale des coûts liée aux modifications de la demande à certains moments.
Le défi du financement des transports publics n’est pas une mince affaire, en particulier dans le contexte du report modal envisagé dans le scénario d’ambitions élevées. Dans la plupart des situations, la tarification des transports publics ne couvre pas le coût des services, ce qui signifie qu’une certaine forme de subvention publique est nécessaire. La dépendance aux subventions financées sur le budget général contribue à l’incertitude du financement, et peut même nuire à la capacité de planification sur le long terme.
Des travaux récents (Litman, 2022[33] ; FIT, à paraître[25]) ont montré que le financement des transports publics peut être assuré par la tarification, le prélèvement de redevances aussi bien sur l’usage que sur la propriété des véhicules routiers (y compris sur les stationnements des véhicules) et les revenus immobiliers (notamment les loyers et les plus-values foncières). Les approches varient selon les pays et les régions, et un groupe de travail du FIT examine actuellement quelles seraient les meilleures pratiques pour l’avenir.
De nombreux pays ont commencé à mettre au point ou à envisager des systèmes de récupération des plus-values foncières pour financer les grands projets d’équipement (FIT, à paraître[25]). Or, l’investissement dans les transports publics ne se résume pas à ces gros chantiers. Investir dans les aspects opérationnels (par exemple pour améliorer la qualité de service) sera également primordial pour atteindre à l’avenir la part modale souhaitée pour les transports publics.
Au vu de l’ampleur du défi, toutes les possibilités de financement devront être exploitées. Cela suppose que les stratégies futures devront s’appuyer sur une contribution plus importante de la tarification, tout en maintenant les tarifs à un niveau qui ne réduise pas la fréquentation des transports ni ne nuise à leur accessibilité. C’est là un point qui peut prêter à polémique et qui peut être très sensible politiquement. Il faut donc, dans ce contexte, mettre en place des politiques de tarification claires et transparentes. Des concessions appropriées – ciblées – doivent en outre être mises au point. Le but doit être de trouver un équilibre entre le financement par les usagers et les subventions publiques, de manière à créer des incitations efficaces à l’intention de l’usager qui permettent la réalisation des objectifs des pouvoirs publics, à savoir la décarbonation et l’accessibilité (FIT, à paraître[25]).
Affecter les fonds provenant d’une redevance, par exemple celles issues de la tarification routière, peut aussi contribuer au financement des transports publics. Un exemple représentatif de cette approche est le « versement mobilité » instauré en France. Cette contribution, due par les entreprises comptant plus de 11 salariés, existe depuis plus de 50 ans. Elle a été créée avec pour principal but de faire payer les employeurs pour l’avantage qu’ils retirent de la disponibilité d’un réseau de transport public qui permet à leur personnel d’aller travailler.
Au fil du temps, le versement mobilité a pris de l’ampleur et sa portée a été élargie. Instituée initialement dans la région Ile-de-France uniquement, cette contribution peut aujourd’hui être appliquée n’importe où dans le pays sur décision des autorités organisatrices de la mobilité. De même, alors que les fonds ainsi recueillis n’étaient auparavant utilisés que pour financer les transports publics, ils peuvent désormais être affectés à d’autres projets de mobilité (par exemple pour investir dans les modes actifs de déplacement).
Le versement mobilité constitue une vaste et croissante source de financement qui a permis de maintenir les tarifs à un niveau artificiellement bas tout en améliorant les services. Dans la pratique, cette contribution s’est surtout substituée aux recettes de tarification et est entrée pour une part grandissante dans le financement général des transports. La raison à cela est une baisse d’environ 50 % de la part des recettes de tarification dans le financement opérationnel du secteur au cours des 25‑30 dernières années par rapport aux périodes précédentes (Cour des comptes, 2022[34]).
À noter que l’approche du versement mobilité n’a été reprise par aucun autre pays, bien qu’étant utilisée en France depuis des décennies. Cela s’explique par les débats politiques houleux que suscite la question de l’affectation automatique du produit des redevances, en particulier celles touchant directement au porte-monnaie des entreprises. Le risque est que les importantes redevances pré-affectées ne permettent pas à l’avenir de financer les transports publics, malgré l’éventuelle adoption du dispositif dans certaines villes. Il conviendrait donc de s’assurer qu’un tel dispositif s’accompagne de règles afin d’empêcher que les recettes soient affectées uniquement à des projets d’équipement.
La mobilité partagée et les services de transport multimodaux peuvent améliorer le réseau
Fournir des transports publics à grande échelle et sur des itinéraires fixes, dans des zones urbaines où la demande est faible, risque d’être difficile à mettre en œuvre financièrement. De surcroît, les autorités comme les exploitants peuvent avoir plus de mal à maintenir les services dans les zones où la masse critique est difficile à atteindre.
Dans ce type de situation, la mise en place de réseaux de transport multimodaux coordonnés et durables peut s’avérer plus judicieuse, les services à la demande qui sont en train d’apparaître pouvant aider à combler les lacunes de l’offre de transports publics. L’amélioration de la connectivité entre les transports publics, les services à la demande (par exemple, la mobilité partagée) et les solutions de mobilité active sera un levier crucial pour permettre aux autorités des pays développés et en développement de fournir des transports publics dans les zones où la demande est faible.
Une première étape importante sera de prendre contact avec les fournisseurs de transports informels afin d’intégrer leurs services dans les systèmes de transport urbain, en particulier dans les régions en développement. Bien qu’ils ne fassent pas officiellement partie de l’offre existante de transports publics, les services de transport informels – offrant de la souplesse et disponibles à la demande – répondent aux besoins des populations à revenu faible et intermédiaire vivant dans les villes en développement du monde entier.
Ainsi, à Bogotá et à Mexico, les services de transport informels permettent d’accroître la disponibilité globale des transports publics de respectivement 35 % et 54 % (FIT et BID, à paraître[35] ; OCDE et al., 2022[36]). En 2050, environ 16 % de la demande de transport dans la région SSWA sera satisfaite par des modes informels selon le scénario d’ambitions élevées examiné dans le présent rapport. En SSA, le pourcentage sera de quelque 23 %. Dans le scénario d’ambitions élevées, la part modale des services de transport informels aura baissé en 2050 dans la plupart des régions, alors que celle de la mobilité partagée et des transports publics aura légèrement progressé.
Le développement de la mobilité partagée pourrait fournir une occasion de mettre à profit les réseaux informels existants – fournissant des services à la demande – dans les villes des pays en développement en mettant en place des plateformes numériques. À Mexico, les expériences menées par le passé ont montré que les conducteurs des transports informels peuvent s’adapter à la mise en place d’applications mobiles pour les services de mobilité (FIT, 2019[37] ; Dewey, 2019[38]). Les études réalisées en Amérique latine ont également mis en évidence que l’utilisation de supports numériques dans le contexte de la mobilité informelle peut également renforcer les réseaux de transports publics et réduire la congestion, à condition toutefois que les nouveaux services s’ajoutent au réseau principal et le complètent plutôt que d’être en concurrence avec les transports publics (Paternina Blanco, 2020[39]).
Dans les économies développées, les transports publics peuvent aussi être complétés par les services de mobilité partagée. En 2050, ces services pourraient assurer quelque 5 % de la demande en Europe et en ENEA dans le scénario d’ambitions élevées. En intégrant ces services au réseau, il en résulterait une offre de mobilité plus compacte, ce qui aurait des avantages évidents sur le plan de la congestion urbaine et de la voirie (FIT, 2022[40]).
Les résultats de la modélisation prouvent qu’il est justifié de s’orienter vers des transports publics multimodaux. Le représente les baisses potentielles des véhicules-kilomètres effectués à l’aide de véhicules particuliers à moteur dans le scénario d’ambitions élevées et deux autres cas de figure : la réalisation d’investissements dans les transports publics et d’investissements dans les réseaux multimodaux.
Les baisses représentées sur le Graphique 3.11 résultent : des investissements facilitant l’intégration de la mobilité partagée, des services à la demande et des transports publics ; et du scénario d’ambitions élevées lui-même, qui inclut en outre des restrictions de circulation. D’après ce graphique, d’ici 2050, la diminution potentielle de l’utilisation de véhicules particuliers à moteur serait plus forte en investissant dans les réseaux multimodaux que dans les transports publics uniquement. D’un autre côté, le scénario d’ambitions élevées – qui, parce qu’il promeut une planification conjointe de l’occupation des sols et des transports ainsi que la réglementation de l’accès des véhicules, est encore plus ambitieux – permettrait de produire des effets quatre fois plus importants que les investissements dans les réseaux multimodaux.
Dans le scénario d’ambitions élevées comme dans celui des investissements dans les réseaux multimodaux, la mobilité comme service (MaaS) et les services de transport multimodaux sont censés permettre une meilleure intégration des transports publics et de la mobilité partagée, qui favorise un meilleur accès aux transports publics ainsi que la réduction des délais entre les correspondances. Le résultat attendu est qu’il deviendra moins attractif de posséder une voiture. Toutefois, il n’est pas encore sûr que les solutions MaaS soient viables (FIT, 2021[41]).
L’une des formes les plus courantes de mobilité comme service est la proposition par des prestataires privés d’offres attractives pour le client dans un environnement concurrentiel. Or, il n’existe pas encore de modèle économique viable en la matière. L’utilisation potentielle de la MaaS dans le cadre des déplacements touristiques ou professionnels pourrait servir de marchés tests (FIT, 2021[41]).
Des expérimentations et des études de cas complémentaires sont nécessaires pour en savoir plus sur l’utilité quotidienne et les effets des solutions MaaS. Compte tenu de l’incertitude qui règne, les administrations publiques risquent de juger plus efficace de se lancer dans la mise en place de services multimodaux intégrés, afin qu’ils puissent produire plus rapidement leurs bienfaits éventuels au regard de la réalisation des objectifs de décarbonation et d’accessibilité. Un groupe de travail du FIT travaille actuellement sur le sujet (FIT, 2023[42]).
Le transport urbain de marchandises doit être pris en compte dans la planification stratégique
Les zones urbaines jouent un rôle essentiel dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, en particulier dans les villes portuaires – ou situées à proximité d’un port – et leur arrière-pays (Wang et al., 2016[43]). Les municipalités ont tendance à adopter une approche passive en ce qui concerne la gestion et la réglementation des activités de transport urbain de marchandises. Il existe pourtant des outils pour faire en sorte que ces activités ne nuisent pas à la réalisation des objectifs stratégiques de chaque ville (par exemple la réglementation des espaces traversés pour le transport de fret) (FIT, 2022[44]).
D’ici 2050, le transport urbain de marchandises sera multiplié par 2.6 par rapport à 2019 au niveau mondial, et progressera dans toutes les régions. Si le SSWA et le SSA sont les régions enregistrant la plus forte hausse, l’ENEA, MENA et le SEA connaissent également une progression importante de la demande de ce type de transport. Ces régions assisteront jusqu’en 2050 à une urbanisation rapide et à une croissance de leur économie. Dans certaines régions émergentes, l’expansion des classes moyennes pourrait entraîner une augmentation en flèche de la consommation, déjà visible en SEA (ITF, 2022[45]) ; (Bain & Company et WEF, 2020[46]). En ENEA, le transport urbain de marchandises devrait être multiplié par trois, dans le sillage des taux d’urbanisation élevés que connaîtra la région dans les années à venir.
La hausse des volumes de fret urbain peut contribuer à une augmentation de la congestion dans les villes. Elle favorise également l’étalement urbain et accroît la pression que font peser ces activités de transport sur les terrains – qui se font rares – et la voirie en zone urbaine (FIT, 2022[44]).
La vente en ligne a ainsi entraîné récemment une hausse considérable de l’empreinte des activités logistiques sur les zones urbaines et métropolitaines. Les restrictions de déplacement et autres mesures mises en œuvre pour faire face à la pandémie de Covid‑19 ont renforcé cette tendance (Schorung et Lecourt, 2021[47]). Les autorités devront donc mettre en place de solides cadres réglementaires pour gérer les conséquences de cette situation et y remédier (FIT, 2022[44]). Des documents de planification obligatoires – comme des plans de déplacements urbains (PDU) durables – peuvent constituer un cadre sur lequel s’appuyer pour mettre en place des capacités logistiques et une gouvernance publique à l’échelle métropolitaine (Aifandopoulou et Xenou, 2019[48]).
Dans le scénario d’ambitions inchangées, la majorité des transports urbains de marchandises ont lieu avec des véhicules motorisés. En 2019, la quasi-totalité du fret transporté dans les villes du monde entier (exprimé en tonnes-kilomètres) l’était à l’aide de véhicules motorisés de toutes sortes. S’agissant du nombre de véhicules-kilomètres, les modes de transport non motorisés et relevant de la micromobilité (comme les deux et trois-roues) représentaient quelque 11 % du fret urbain. Ce pourcentage passera à 29 % en 2050 dans le scénario d’ambitions inchangées, et à 39 % dans celui d’ambitions élevées.
En 2019, les poids lourds (PL) assuraient la majeure partie (89 %) du transport urbain de marchandises (en tonnes-kilomètres) effectué à l’aide de véhicules motorisés dans le scénario d’ambitions inchangées (Graphique 3.12). En revanche, ils représentaient moins de 30 % du nombre total de véhicules-kilomètres parcourus du fait de leur plus grande capacité à transporter des charges lourdes. Ils sont cependant moins adaptés pour les charges plus légères, notamment pour la livraison de colis.
Les utilitaires légers (VUL) sont les véhicules privilégiés pour la livraison de colis, avec 55 % du nombre de véhicules-kilomètres en 2019. Les poids lourds représentaient un pourcentage plus faible des flux de véhicules mais une part plus élevée du nombre de tonnes-kilomètres du fait qu’ils transportent des biens et des marchandises plus imposants. L’amélioration de l’efficience des livraisons pourrait réduire les transports de fret effectués avec des véhicules motorisés et les émissions de CO2 qui en résultent.
Le scénario d’ambitions élevées inclut des mesures d’amélioration de l’efficience des transporteurs de marchandises, afin d’éviter d’avoir à effectuer des trajets inutiles. Ces mesures sont par exemple des incitations à la mutualisation des actifs entre les transporteurs de fret, ou entre les transporteurs et les expéditeurs. Cela pourrait permettre de concentrer les chargements, d’éviter de circuler à vide et de réduire les distances parcourues. Des études passées ont montré que le groupement des chargements pourrait abaisser la longueur des trajets à l’intérieur des villes de forte densité d’environ 30 % ainsi que les délais et les coûts de livraison de quelque 25 % (Bouton et al., 2017[49]).
Pour améliorer l’efficience du transport de marchandises, les autorités peuvent favoriser la collaboration entre les transporteurs. Elles peuvent par exemple faciliter la création de centrales logistiques en zone urbaine et encourager la mise en place de mécanismes de partage des données. D’autres dispositifs de gestion de la demande, non prévus dans ce scénario, visent à organiser les heures de livraison (FIT, 2022[44]). Il faut, pour qu’ils fonctionnent, qu’une collaboration existe entre les destinataires et les transporteurs (Holguín-Veras et Sánchez-Díaz, 2016[50]).
Le report vers des modes de transport autres que les véhicules motorisés peut en outre favoriser une baisse des émissions du fret urbain. D’ici 2050, l’utilisation de véhicules motorisés pour le transport urbain de marchandises sera environ 7 % moins importante dans le scénario d’ambitions élevées que dans celui d’ambitions inchangées. Les modes non motorisés vont également être de plus en plus utilisés dans toutes les régions, en particulier l’ENEA, le SEA, le SSA et le SSWA.
Dans le scénario d’ambitions élevées, qui suppose l’emploi de vélos cargos pour les livraisons sur le dernier kilomètre, le recours à des modes non motorisés (exprimé en tonnes-kilomètres) va plus que doubler dans toutes les régions en 2050. Les livraisons à vélo peuvent non seulement réduire les coûts énergétiques du transporteur (Prato Sánchez, 2021[51]), mais aussi les externalités que sont le bruit et la congestion dans les villes (Cairns et Sloman, 2019[52] ; Koning et Conway, 2016[53]). De surcroît, les modèles électriques de ces vélos cargos peuvent permettre une plus grande capacité de transport sur des distances plus longues. Il n’en reste pas moins que le report modal pourrait aussi être synonyme d’externalités négatives pour les exploitants. Par exemple, si les livraisons à vélo nécessitent une durée de déplacement plus longue, cela entraînera une hausse des dépenses de personnel (Arnold, F. et al., 2018[54]).
Pour encourager le développement des livraisons à vélo, les municipalités pourraient investir dans l’amélioration des infrastructures cyclables. Elles pourraient aussi instaurer un système de circulation différenciée pour limiter l’accès des véhicules les plus polluants et réserver des espaces pour les livraisons effectuées à l’aide de modes non motorisés. La construction d’installations logistiques de transbordement – afin de pouvoir décharger les gros véhicules et répartir les chargements sur des vélos cargos – ferait des vélos cargos une option plus viable car les étapes finales seraient plus courtes.
Cela dit, les incitations à l’utilisation de modes non motorisés doivent être soigneusement réfléchies pour assurer leur adoption, en tenant compte de leurs impacts sur les modèles économiques des transporteurs de fret. Il faut également que ces incitations soient mises en œuvre par les autorités en même temps que l’amélioration de l’efficience du transport de marchandises. La coordination de ces actions permettra de s’assurer que les véhicules de gros tonnage sont utilisés au maximum de leurs capacités – lorsque c’est pertinent –, mais également de promouvoir le recours – le cas échéant – à des véhicules plus légers sur de courtes distances (FIT, 2022[44]).
Les lieux de dépôt et de retrait des marchandises (comme les consignes pour colis ou les points relais) permettant aux clients de retirer leurs commandes peuvent aussi réduire les activités de transport de fret motorisé dans les zones urbaines. D’après une récente analyse du FIT, si cette infrastructure était disponible, elle pourrait représenter quelque 20 % des recueils de colis en ville (FIT, 2022[44]). La modélisation réalisée pour les besoins de cette édition des Perspectives montre que la livraison de colis, exprimée en véhicules-kilomètres, diminuerait de 38 % au maximum en 2050 dans le scénario d’ambitions élevées. Sa mise en œuvre pouvant être immédiate, l’installation de points de retrait devrait permettre, à elle seule, de réduire les trajets effectués pour la livraison de colis de 3 % en 2025 et de 13 % en 2030.
Les points de retrait peuvent favoriser l’utilisation de modes non motorisés si les voyageurs qui viennent récupérer leurs colis ne se déplacent pas en véhicule individuel. Il est vrai que c’est plus facile dans les villes, où il existe une forte densité de points de retrait. À Graz (Autriche), par exemple, un sondage auprès des utilisateurs de points de dépôt et de retrait a révélé que près de la moitié d’entre eux seraient disposés à se déplacer à pied ou en vélo pour s’y rendre (Hofer et al., 2020[55]). La capacité des points de retrait à promouvoir une mobilité urbaine durable sera moindre si les utilisateurs finaux récupèrent leurs colis en se déplaçant dans un véhicule particulier à moteur (comme une voiture). Cela montre bien qu’en matière de déplacements liés au commerce en ligne, il est important de considérer le transport de marchandises et le transport de voyageurs simultanément.
Déplacements régionaux : régler la question de la dépendance à la voiture des populations rurales
Dans les années à venir, la population rurale va diminuer partout dans le monde. Dans la plupart des régions, cette population va rester stable ou refluer jusqu’en 2050, en particulier dans les régions à revenu élevé (dont l’ENEA, l’Europe et UCAN). Dans ces régions, la population rurale va décliner de 50 % en moyenne à cause aussi bien de l’atteinte des niveaux maximaux et de la diminution progressive de population dans de nombreux pays, que d’une forte urbanisation dans des pays comme la République populaire de Chine. Dans les régions à revenu faible et à revenu intermédiaire – des tranches inférieure et supérieure –, la population rurale devrait rester stable ou n’augmenter que très peu entre 2019 et 2050.
La demande future de transport de voyageurs dans les zones non urbaines reflètera presque partout l’évolution de la population rurale (Graphique 3.13). Dans les régions à revenu élevé comme l’ENEA, l’Europe et UCAN, la demande de transport à l’extérieur des zones urbaines va reculer entre 2019 et 2050, respectivement de 61 %, 22 % et 35 %. Ailleurs, la hausse considérable du PIB par habitant dans les régions en développement va contribuer à l’augmentation continue de la demande de transports régionaux, quoique plus modérée que celle de transports urbains.
Le recul de la demande de transports régionaux pourrait compliquer le financement et le maintien de solutions de transport accessibles et durables dans les régions où la densité de population est plus faible. La baisse de la demande risque aussi de menacer la viabilité financière des services de transport régionaux. Le développement des services à la demande ainsi que la promotion de la mobilité active et de la mobilité partagée dans les zones rurales peuvent contribuer au maintien des niveaux d’accès. Les autres mesures possibles sont des politiques d’accessibilité nationales qui tiennent compte à la fois des zones urbaines et rurales, par exemple en mettant en place des plans de mobilité régionale durables (FIT, 2021[56]). De manière générale, il conviendra, pour répondre aux besoins d’accessibilité futurs des habitants des zones rurales et péri-urbaines de faible densité, de repenser totalement et de planifier les activités de transport au niveau régional.
La voiture continuera dans un avenir proche de dominer les déplacements régionaux
La voiture particulière est le principal mode de transport utilisé pour les activités régionales de transports dans la plupart des régions. En 2019, elle représentait plus de la moitié de ces a (exprimés en voyageurs-kilomètres). Cette tendance se constate dans la plupart des régions. Ainsi, en Europe, LAC et MENA, la part de la voiture est d’environ 70 % dans les deux scénarios, en 2019 et en 2050. En UCAN, le pourcentage se situe autour de 95 % en 2050 dans les deux scénarios. Les seules exceptions sont l’ENEA et le SSWA, où la voiture particulière représente moins de 30 % de la demande. Pourtant, même dans ces régions, l’utilisation des deux et trois-roues pour les déplacements régionaux s’élève respectivement à plus de 16 % (ENEA) et 7 % (SSWA) du nombre de voyageurs-kilomètres.
La voiture particulière continuera de dominer les déplacements régionaux jusqu’en 2050, même dans le scénario d’ambitions élevées (Graphique 3.14). Entre 2019 et 2050, l’usage de la voiture en proportion du nombre de voyageurs-kilomètres va diminuer de plus de 20 % en Europe, plus de 30 % en UCAN et plus de 60 % en ENEA. Ces baisses sont juste légèrement plus importantes que dans le scénario d’ambitions inchangées. Le fait que la variation dans le temps soit plus grande que la différence entre les deux scénarios s’explique par le relatif manque d’intervention des pouvoirs publics à grande échelle en ce qui concerne les déplacements régionaux.
Même si la demande régionale diminue globalement en Europe et UCAN, la proportion de ces déplacements (exprimés en voyageurs-kilomètres) effectuée en voiture particulière restera élevée dans ces régions globales en 2050. En ENEA, la part modale de la voiture particulière sera de 20 % en 2050. Dans les régions émergentes, cette part ne va faire qu’augmenter – presque doubler en MENA et plus que tripler en SSA –, même dans le scénario d’ambitions élevées. Les véhicules particuliers à moteur restent donc le principal mode de transport utilisé pour les transports régionaux dans la plupart des régions en développement, sauf le SSWA.
Il est important d’appeler l’attention sur le report modal qui s’opère au fil du temps vers le transport ferroviaire. La part de ce mode de transport va en effet s’accroître de plus de 60 % entre 2019 et 2050 dans les deux scénarios. Cette augmentation dépasse largement celle des voyageurs kilomètres régionaux, de 5 %. Cela montre l’importance du train dans les zones non urbaines, quelle que soit l’ambition des pouvoirs publics. Le report modal vers le train est surtout encouragé par l’augmentation du coût de l’utilisation de la voiture résultant de la tarification du carbone.
Le niveau toujours élevé de la part modale de la voiture particulière est le signe de la difficulté à opérer un report modal dans les zones à faible densité où les voyages sont en général plus dispersés dans l’espace. Les récents travaux de la Commission européenne (CE, 2019[57]) ont montré que l’utilisation de véhicules thermiques dans les zones rurales où il n’y a pas de congestion présente des coûts externes nettement plus faibles que dans les zones urbaines saturées. Dans ces mêmes zones rurales, les véhicules à émissions nulles présentent encore moins d’externalités.
Cela laisse entendre que la décarbonation des déplacements régionaux est possible à condition d’accélérer l’adoption des véhicules à émissions nulles à l’extérieur des villes et d’investir, lorsque c’est possible, dans le train et les transports collectifs. La tarification du carbone sera, à cet égard, une mesure cruciale pour gérer la transition technologique impliquant l’abandon progressif des véhicules thermiques. Il est très important que les mesures de tarification soient conçues de façon équitable, afin que les ménages à bas revenu ne soient pas pénalisés outre mesure. Leur conception nécessite en outre, comme indiqué dans la précédente édition des Perspectives (FIT, 2021[16]), un soin particulier ainsi qu’une analyse d’impact approfondie. Ces mesures peuvent également être combinées avec des incitations plus progressives à l’adoption de véhicules à émissions nulles (voir le chapitre 4).
L’utilisation accrue de ce type de véhicules aidera à la mise en œuvre de la décarbonation. Toutefois, les véhicules particuliers à moteur (même s’ils ne produisent pas d’émissions) ne vont pas améliorer l’accessibilité de ceux qui n’ont pas les moyens (ou la capacité) d’utiliser une voiture. Un rapport du FIT de 2021 sur la mobilité en milieu rural (FIT, 2021[56]) a mis en évidence la nécessité d’une meilleure gouvernance et de réglementations plus souples pour promouvoir la recherche de solutions innovantes en matière de déplacements régionaux. Des formes de financement et d’apport de capitaux d’un nouveau genre sont également nécessaires ; le soutien financier devrait être lié davantage à l’impact des solutions qu’à leur degré de technicité.
Comme le montrent les résultats du présent rapport, les solutions seront sans doute à chercher du côté des modes de déplacement à faible taux d’occupation, offrant une souplesse accrue. Le groupe de travail du FIT a également recommandé d’augmenter le financement des modes de transport partagés et de stimuler l’investissement dans la mobilité active. Un nouveau groupe de travail du FIT formule actuellement des recommandations pour une accessibilité durable (FIT, s.d.[58]).
Déplacements internationaux et interurbains : plus le revenu augmente, plus les déplacements sont nombreux
Entre 2019 et 2050, les habitants des régions à revenu élevé seront à l’origine de l’essentiel de la demande internationale et interurbaine de transports dans les deux scénarios. L’ENEA, l’Europe et la région UCAN représenteront plus des deux tiers de l’ensemble des activités de transports internationales et interurbaines (en voyageurs-kilomètres) qui s’effectueront au cours de cette période dans les deux scénarios.
Comme le montre le Graphique 3.15, une personne lambda vivant dans une région du monde à revenu élevé (ENEA, Europe ou UCAN, par exemple) en 2019 était à l’origine de presque 5 000 voyageurs-kilomètres dans le cadre de déplacements internationaux et interurbains. Cela représente 67 % de plus que la demande d’un individu moyen vivant dans une région à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (comme le LAC), ou plus de 10 fois plus que celle d’une personne lambda dans la région à faible revenu qu’est le SSA.
Dans le scénario d’ambitions inchangées, les habitants des régions à faible revenu vont progressivement combler l’écart de la demande de transports internationaux et interurbains avec ceux des régions à revenu élevé, principalement du fait de la hausse du PIB par habitant.
Dans les régions à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et les régions à faible revenu, le PIB par habitant sera multiplié respectivement par 3 et 2. Cette hausse ira de pair avec une progression proportionnelle de la demande de déplacements par habitant. La demande va cependant continuer à augmenter également dans les régions à revenu élevé comme l’ENEA, l’Europe et UCAN. Elle devrait ainsi plus ou moins tripler d’ici 2050 dans le scénario d’ambitions inchangées.
Le scénario d’ambitions élevées comprend des mesures de gestion de la demande comme l’instauration de taxes sur les billets d’avion et, de façon plus générale, la tarification du carbone. Ce scénario suppose également la mise en place d’une interdiction des vols court courrier (moins de 500 km) lorsqu’il existe une solution alternative de qualité raisonnable par le train. Ces mesures ont pour effet de réduire l’attrait des modes de transport à forte intensité de carbone. D’ici 2050, les activités de transports en avion (exprimés en voyageurs-kilomètres) seront moins nombreux dans le scénario d’ambitions élevées que dans celui d’ambitions inchangées, et ce dans toutes les régions. Parallèlement, l’utilisation du train augmente dans toutes les régions dans le scénario d’ambitions élevées, en comparaison avec celui d’ambitions inchangées.
La possibilité de report modal pour les déplacements internationaux et interurbains dépend de la longueur des trajets
La voiture particulière et l’avion sont les principaux modes de transport utilisés pour les déplacements internationaux et interurbains (Graphique 3.16), mais ce sont aussi les plus polluants. Le report, lorsqu’il est possible, vers d’autres modes plus durables pourrait réduire les émissions. Cela dit, le mode de transport prédominant varie en fonction de la longueur des trajets, et les modes alternatifs ne sont pas toujours réalistes.
Le train et la voiture sont les modes les plus utilisés pour les trajets de moins de 500 km. La voiture particulière est le mode privilégié pour les distances intermédiaires (entre 500 km et 3 000 km), et ce dans les deux scénarios (ambitions élevées et ambitions inchangées). En revanche, c’est l’avion qui l’emporte pour la majorité des longues distances (plus de 3 000 km). Dans la réalité, bien que le report modal soit un objectif fréquemment cité par les pouvoirs publics, l’adoption de modes de transport moins polluants est lente à se concrétiser (FIT, 2022[60]).
Les déplacements internationaux et interurbains de moins de 500 km sont ceux qui mobilisent la plus grande diversité de modes de transport : le train, le transbordeur, la voiture, le motocycle, l’autobus et l’avion sont autant de modes utilisés sur ces distances. En 2019, les modes de transport collectifs de surface représentaient déjà une part très élevée de la demande de transports effectués sur ces distances, à savoir quelque 29 % pour les autobus interurbains et 21 % pour le train. D’ici 2050, leur part pourrait grimper à plus de la moitié de la demande dans les deux scénarios. Promouvoir le report modal pour les trajets de moins de 500 km est plus pertinent dans certaines régions que dans d’autres.
L’avion est le mode de transport le plus polluant. Cette réalité explique que son abandon progressif soit une mesure fréquemment proposée dans les discussions sur la décarbonation. Compte tenu de la prédominance d’autres modes de transport sur les trajets courts, le scénario d’ambitions élevées inclut une mesure interdisant les vols directs pour les distances de moins de 500 km lorsqu’il existe une alternative ferroviaire de bonne qualité. Certains pays envisagent déjà de mettre en place cette interdiction pour lutter contre les déplacements de courtes distances à forte intensité de carbone. L’Union européenne a par exemple approuvé récemment l’interdiction par la France de certains vols intérieurs (CE, 2022[61]), mais cette mesure ne concerne pour l’heure que trois liaisons aériennes (Eccles, 2022[62]).
La mise en œuvre d’une telle interdiction pourrait entraîner, d’ici 2050, le report vers le train de 49 % du nombre de voyageurs-kilomètres effectués en vols court courrier. L’obtention de ce taux est toutefois conditionnée à la poursuite de l’extension du réseau ferroviaire à l’échelle mondiale ainsi qu’aux améliorations de la qualité des axes interurbains et des correspondances entre les principales gares ferroviaires et les aéroports. La présente édition des Perspectives considère que le réseau ferroviaire mondial est suffisamment étendu pour pouvoir assurer toutes les liaisons de façon viable – du point de vue de la demande et des coûts –, ce qui permettrait de multiplier les voyageurs-kilomètres non urbains en train par 2.8 entre 2019 et 2050.
L’efficacité de la mesure d’interdiction des vols court courrier est variable selon les régions. L’impact le plus important pourrait avoir lieu en ENEA, Europe et UCAN, où les pays possèdent déjà des réseaux ferroviaires ou prévoient d’y réaliser des investissements, ce qui signifie que la disponibilité et la qualité des réseaux vont s’accroître au fil du temps. Dans ces régions, près de 64 % du nombre de voyageurs-kilomètres effectués en vols court courrier pourraient être concernés par la mesure. Dans d’autres régions, l’absence d’infrastructure ferroviaire est un obstacle à la mise en place de cette mesure.
D’un autre côté, les trajets sur de courtes distances représentent moins de 11 % des déplacements internationaux et interurbains, et les vols court courrier 2.6 % du trafic aérien total (en voyageurs-kilomètres). Par conséquent, un report vers le transport ferroviaire des passagers de ces vols ne concernerait que 1.2 % des voyageurs-kilomètres faits par le mode aérien au total. Ces chiffres correspondent à une application de l’interdiction dans un contexte où le réseau ferroviaire de bonne qualité n’est pas très développé. Si une solution de train à grande vitesse était requise pour mettre en œuvre l’interdiction, le part des vols court courrier concernés passerait à 3 %, soit seulement 0.1 % du trafic aérien total.
Le scénario d’ambitions élevées repose sur l’hypothèse que l’investissement dans le transport ferroviaire est d’un niveau suffisant pour satisfaire au seuil requis par l’interdiction des vols court courrier. Or, les économies émergentes auront besoin de capitaux pour financer les travaux de développement de l’infrastructure permettant un report modal pour les déplacements internationaux et interurbains de courte et moyenne distance. Le manque d’infrastructure dans les régions en développement a aujourd’hui des conséquences sur la capacité de ces régions à reporter la demande de déplacements interurbains de courte distance vers des modes de transport collectifs de surface plus durables.
Le Bangladesh, par exemple, a évalué ses besoins à 124 milliards USD pour financer ses mesures conditionnelles et inconditionnelles d’atténuation liées aux transports dans le cadre de ses contributions déterminées au niveau national (CDN). Cette somme serait financée pour presque 90 % par l’aide internationale, dont un tiers environ ciblerait des mesures visant à améliorer la connectivité interurbaine par la mise en place de modes de transport collectifs de surface qui soient durables, dont le train (SLoCaT, 2022[63]). Il est essentiel de disposer de fonds supplémentaires pour s’assurer que les régions en développement pourront réaliser d’éventuelles économies d’émissions et retirer des bienfaits du report de la demande vers des modes de transport plus durables.
La nécessité de décarboner le transport aérien devient une évidence lorsque l’on s’aperçoit que la majorité des déplacements internationaux et interurbains effectués dans le monde sur de longues distances utilisent l’avion. Les politiques de report modal deviennent moins faciles à appliquer à mesure que les distances augmentent, et les alternatives viables se font alors plus rares. La décarbonation des trajets longue distance ne peut être obtenue qu’en réduisant soit les émissions des véhicules, soit les déplacements eux-mêmes, ce qui peut avoir des impacts en termes d’équité. Le Graphique 3.17représente la demande internationale et interurbaine des transports par région en 2050, selon la distance parcourue.
Comme le montre le Graphique 3.17, les déplacements de moyenne et de longue distance – effectués principalement en avion et en voiture – représenteront dans la plupart des régions l’essentiel de la demande. Un autre constat est que dans de nombreuses régions émergentes, une part plus importante des déplacements internationaux et interurbains s’effectuent sur de longues distances. De même, dans certaines régions, les trajets de plus de 3 000 km représentent la moitié de cette catégorie de déplacements. Le problème est qu’ils sont généralement effectués uniquement par avion, ce qui élimine toute possibilité de report vers un autre mode de transport.
Une réduction du trafic pourrait être envisagée en promouvant les déplacements plus courts (par exemple en mettant en avant le tourisme local) ou en supprimant totalement la nécessité de se déplacer (par exemple en remplaçant les voyages d’affaires par des visioconférences). Ces mesures peuvent cependant avoir des conséquences pour les populations et les pays, en particulier ceux dépendant du tourisme, du développement de l’économie et de la connectivité aérienne. Si l’on veut que le transport de voyageurs augmente sans entraîner du même coup une hausse des émissions, il est impératif d’accélérer la transition du transport aérien et routier vers d’autres technologies et d’autres carburants, afin d’obtenir des flottes à émissions faibles ou nulles (voir le chapitre 4).
Transport non urbain de marchandises : mesures pour améliorer l’efficience et la durabilité
La demande de transport non urbain de marchandises va augmenter de 52 % entre 2019 et 2050 dans le scénario d’ambitions élevées, et de 95 % dans le scénario d’ambitions inchangées. Dans le premier cas, les mesures ambitieuses qui sont mises en œuvre ont pour but d’améliorer l’efficacité opérationnelle des activités de fret, de manière à éviter les déplacements inutiles. Par ailleurs, si les pays respectent leurs engagements concernant l’abandon progressif des carburants fossiles, cela peut signifier que des activités de transport de carburants pourront être évitées. Des mesures de tarification seront également utiles pour faciliter, lorsque c’est possible, le report modal. De manière générale, en 2050, le nombre de tonnes-kilomètres dans le scénario d’ambitions élevées sera inférieur de 22 % à celui du scénario d’ambitions inchangées.
La transition énergétique a des avantages dans tous les secteurs
La réduction du nombre de tonnes-kilomètres ne s’explique pas uniquement par les politiques de transport. L’abandon progressif des carburants fossiles entraînerait la baisse des émissions liées à leur extraction et leur combustion, ainsi que la réduction des déplacements sur la chaîne d’approvisionnement de ces carburants. Dans le scénario d’ambitions inchangées, le volume de carburants fossiles extraits et déplacés serait en augmentation (Graphique 3.18). En revanche, dans le scénario d’ambitions élevées, le transport de ces carburants équivaudrait globalement à un tiers seulement de ce qu’il serait en 2050 dans l’autre scénario. Cette forte diminution permettrait de réduire le trafic (en tonnes-kilomètres), même en cas d’augmentation du volume des autres marchandises transportées.
Des systèmes de transport intelligents et des véhicules de grande capacité peuvent contribuer à une meilleure efficacité
Améliorer l’efficacité opérationnelle peut permettre d’éviter des déplacements inutiles pour le transport non urbain de marchandises, et ainsi de réduire les émissions et les coûts en diminuant le trafic (en véhicules-kilomètres) associé aux activités de transport (en tonnes-kilomètres). Cette amélioration peut passer par exemple par l’utilisation de véhicules de grande capacité (afin de transporter le même volume de marchandises dans un moins grand nombre de véhicules), la mutualisation des actifs et la réduction du nombre de véhicules circulant à vide. Le scénario d’ambitions élevées part de l’hypothèse que des mesures et des systèmes de transport intelligents sont mis en place pour accroître la mutualisation des actifs et favoriser l’utilisation de véhicules de grande capacité.
La mutualisation des actifs (c’est-à-dire la mise en commun des ressources comme les véhicules ou les entrepôts, par exemple) pourrait permettre de remplir totalement les camions et de réduire le nombre de trajets à vide, selon le coefficient de remplissage initial des véhicules, les caractéristiques opérationnelles préalables et le type de marchandise transportée (Venegas Vallejos, Matopoulos et Greasley, 2022[64] ; Ballot et Fontane, 2010[65]). Cette pratique est utile pour optimiser le volume de transport des véhicules et l’espace présent dans les ports, ainsi que pour grouper le fret. Au-delà des avantages qu’elle procure en termes d’espace, la mutualisation des actifs peut aussi permettre d’utiliser au maximum les capacités de charge des véhicules, et donc d’accroître le poids des marchandises transportées.
L’introduction du numérique peut faciliter cette mutualisation, mais elle nécessitera aussi bien une collaboration entre les acteurs du secteur pour apporter de la souplesse aux expéditeurs et aux transporteurs, que des données de meilleure qualité (FIT, 2022[66]). Le scénario d’ambitions élevées suppose par ailleurs que des investissements accrus sont réalisés dans les technologies et les systèmes de l’information et des communications pour améliorer l’efficience des transporteurs de fret. Ces types d’investissement peuvent permettre d’accroître le taux de remplissage des véhicules, par exemple en organisant au mieux les itinéraires de façon à réduire les distances parcourues (GeSI et Accenture, 2015[67] ; Samaras et al., 2016[68] ; Lewis, Le Van Kiem et Garnier, 2019[69]).
D’un autre côté, l’optimisation du transport de marchandises risque de provoquer un effet rebond en entraînant une augmentation des échanges et une hausse de l’activité de fret. On estime toutefois que ce rebond serait moins important que les avantages procurés par l’optimisation (FIT, 2019[70]). Quoi qu’il en soit, il est de l’intérêt des pouvoirs publics de réfléchir à des approches de mutualisation des actifs multisectorielles, afin d’encourager un report vers des modes de transport à faibles émissions comme le rail. Cela nécessiterait alors d’améliorer les correspondances en réduisant les temps d’attente et de transit entre les modes.
Les véhicules de grande capacité facilitent la réduction des émissions en faisant baisser la consommation de carburant et les émissions par unité de fret transportée. Leur utilisation permet aussi de réduire le nombre de déplacements nécessaires pour acheminer le même volume de marchandises, d’où une baisse des émissions d’oxyde d’azote ainsi qu’une moindre usure des routes et des ponts (à condition que les camions utilisés possèdent un plus grand nombre d’essieux afin d’éviter les surcharges). L’introduction de véhicules de grande capacité fait craindre un report modal du rail vers la route si le train devient moins compétitif. Certaines études chiffrent ce report à une fourchette de 1.2-1.8 %, mais avec des bénéfices nets pour la société. Cela dit, les expériences concrètes et les analyses ex post sont encore rares, et des études plus approfondies s’avèrent nécessaires (FIT, 2019[70]).
La combinaison de systèmes de transport intelligents et de véhicules de grande capacité peut permettre d’améliorer le suivi et l’application des mesures, ce qui est important pour recueillir l’adhésion du public en leur faveur. De surcroît, le fait de déployer des véhicules de grande capacité sur des itinéraires où il existe une infrastructure appropriée et moins de modes de transport concurrents peut faciliter leur mise en œuvre. Néanmoins, même dans ces conditions, lesdits véhicules auront besoin d’obtenir l’adhésion – et la collaboration – de nombreuses « parties prenantes différentes parmi l’industrie, le secteur des transports, les transitaires et les milieux politiques » (FIT, 2019[70]).
Adopter une approche cohérente en matière de tarification pour les différents modes de transport
Le transport maritime représente la majeure partie du volume de marchandises déplacées (en tonnes-kilomètres) et est de loin le principal mode utilisé pour les distances supérieures à 3 000 km (voir le Graphique 3.19). Cela est vrai jusqu’en 2050 dans les deux scénarios examinés. Le train et le bateau sont les modes représentant le plus gros pourcentage de tonnes-kilomètres sur les distances 1 000‑3 000 km, alors que la route est utilisée majoritairement pour toutes les distances inférieures.
Même avec des politiques publiques plus ambitieuses, le transport routier continuera de dominer sur les distances courtes et moyennes en 2050. Ainsi, sur les distances comprises entre 250 et 3 000 km, il représentera plus de la moitié du volume déplacé (en tonnes-kilomètres). Un pourcentage élevé est également attendu sur les distances inférieures. Cela s’explique par le fait que les investissements existants dans les vastes réseaux routiers confèrent à la route une plus grande souplesse pour le transport de fret que les autres modes, qui sont davantage contraints par l’infrastructure limitée qui est en place.
L’avion, qui est généralement le mode de transport le plus coûteux, représente le volume de fret déplacé le plus faible (en tonnes-kilomètres) et est principalement utilisé sur les distances supérieures à 3 000 km. La plupart des chargements de grande valeur, pour lesquels le délai de livraison est critique et qui doivent parcourir de longues distances, sont expédiés de cette façon, car c’est le mode de transport le plus rapide. Toutefois, bien qu’absorbant moins de 1 % du transport non urbain de marchandises (en tonnes-kilomètres), le secteur aérien était responsable en 2019 de presque 11 % des émissions de CO2 correspondantes.
En comparaison, bien qu’assurant près des trois quarts des déplacements de fret (en tonnes-kilomètres) en 2019, le transport maritime était à l’origine d’un peu plus de 40 % des émissions de CO2 liées au transport non urbain de marchandises. Le transport ferroviaire représente le plus faible pourcentage des émissions, à la fois en 2019 (environ 2 %) et ultérieurement (se situant aux alentours de 2 % en 2050 dans le scénario d’ambitions élevées ou à presque 4 % dans celui d’ambitions inchangées). Quant à la part du volume de marchandises déplacées (en tonnes-kilomètres) par le train, elle progresse de 6 points de pourcentage dans le scénario d’ambitions élevées par rapport à celui d’ambitions inchangées. En revanche, le transport ferroviaire continue de ne représenter que 14 % des volumes de fret totaux.
Les mesures de tarification permettent de faire en sorte que ce soient les usagers qui financent les coûts réels de l’utilisation des infrastructures routières, y compris les externalités négatives telles que les émissions de carbone, la congestion et les impacts sur la qualité de l’air. Bien que les différents modes présentent des externalités différentes, les effets négatifs du transport routier sont « généralement plus importants que ceux des autres modes » (FIT, 2022[71]). La prise en compte de ces externalités permet également de s’assurer que c’est le mode le plus viable et le plus durable qui est choisi pour chaque segment de la chaîne logistique multimodale.
La tarification du transport routier peut favoriser une plus grande efficience du transport de fret en réduisant le volume total de marchandises déplacées par la route (en tonnes-kilomètres). Une étude a ainsi montré que la mise en place aux Pays-Bas d’une redevance kilométrique avait réduit le fret routier de jusqu’à 5 % environ, selon le scénario (de Bok et al., 2022[72]). L’application de ces redevances peut en outre compenser partiellement la baisse des taxes sur les carburants (OCDE/FIT, 2019[73]).
La demande de transport non urbain de marchandises présente relativement peu d’élasticité par rapport à l’évolution des coûts. Le choix du mode dépend de nombreux facteurs dont la distance, la quantité de marchandises, l’infrastructure disponible, le type de marchandise et les coûts. Par conséquent, les différents modes existants ne peuvent se substituer totalement les uns aux autres. Les résultats des modélisations réalisées pour les besoins des présentes Perspectives montrent qu’il existe une certaine marge de manœuvre en termes de report modal mais que, de manière générale, certains modes sont plus adaptés à certains itinéraires et marchandises.
Cela dit, des changements même modestes dans la répartition modale peuvent avoir des effets importants en matière de décarbonation. Chaque mode de transport présente des facteurs d’émissions très différents, et de légères modifications de la répartition modale peuvent entraîner de fortes baisses des émissions du réservoir à la roue en fonction de la demande. Cependant, pour être efficaces, les interventions des pouvoirs publics visant à encourager un report modal doivent être cohérentes pour tous les modes, et cohérentes entre elles. À titre d’exemple, il convient d’éviter de subventionner le rail tout en exonérant le transport routier de taxes sur les carburants (FIT, 2022[71]).
Le scénario d’ambitions élevées inclut deux mesures de tarification applicables au transport de marchandises : la tarification du carbone et l’introduction de redevances kilométriques. Pour les besoins de la modélisation, la tarification du carbone a été appliquée à un certain degré sur toutes les activités de transport (c’est-à-dire pas uniquement le transport de marchandises) tandis que les redevances kilométriques ont été appliquées sur le fret routier uniquement.
Pour examiner l’impact de l’évolution des coûts sur le volume transporté par les différents modes, les coûts de chaque mode ont été progressivement modifiés (à la baisse, puis à la hausse) par rapport au scénario d’ambitions élevées. Les variations des coûts – allant de -50 % à +50 % – ont été appliquées à chacun des modes afin d’observer leur impact au cas par cas. Il convient de préciser que dans cette expérience, la demande de transport de marchandises est restée inchangée et que le but était d’observer la répartition du volume transporté entre les modes. Des travaux complémentaires portant sur la tarification seraient toutefois nécessaires pour examiner l’impact de la hausse des coûts sur la configuration de la demande (par exemple, la régionalisation des échanges et la longueur des trajets).
Les résultats (Tableau 3.2) montrent que tous les modes présentent à des degrés divers un manque d’élasticité, sauf lorsque le coût du transport routier est sous-évalué en comparaison avec ceux des autres modes. Dans ce type de cas, le transport routier attire alors une proportion plus élevée du volume de marchandises déplacées. Les résultats de la modélisation semblent indiquer que les mesures de tarification appliquées au fret routier pourraient influer sur le choix de ce mode de transport et qu’elles pourraient permettre de s’assurer que le choix se porte sur le mode le plus viable et le plus durable. Parmi les autres modes, le rail est plus réactif à l’évolution des prix mais il ne devient élastique que lorsque ses coûts baissent de 50 % par rapport au scénario d’ambitions élevées alors que ceux de tous les autres modes restent inchangés.
Tableau 3.2. Élasticité-prix de la demande de transport de marchandises (en tonnes) pour les différents modes
Mode de transport |
Évolution des coûts par rapport au scénario d’ambitions élevées |
Évolution du volume transporté (en tonnes) par rapport au scénario d’ambitions élevées |
Élasticité du poids transporté |
---|---|---|---|
Aérien |
-50 % |
+34 % |
0.59 |
+50 % |
-14 % |
0.30 |
|
Ferroviaire |
-50 % |
+56 % |
0.88 |
+50 % |
-4 % |
0.08 |
|
Routier |
-50 % |
+116 % |
1.47 |
+50 % |
-32 % |
0.75 |
|
Maritime |
-50 % |
+2 % |
0.04 |
+50 % |
-5 % |
0.10 |
Note : le tableau illustre les estimations du FIT obtenues par modélisation.
La tarification peut aussi jouer un rôle dans le contexte du transport maritime multimodal de marchandises, notamment en influant sur le mode utilisé pour accéder aux ports. L’expérimentation de diverses variations des coûts (Tableau 3.3) montre que les modes d’accès aux ports présentent plus d’élasticité que le transport maritime lui-même. En d’autres termes : d’une part, le choix du transport maritime reste stable ; d’autre part, la décision d’accéder à un port par une voie navigable, la route ou le rail dépend dans une large mesure de la disponibilité et des coûts des autres modes.
Ce constat est particulièrement vrai en ce qui concerne le choix de la route ou du rail, car l’évolution des coûts de l’un se répercute sur le volume transporté par l’autre pour accéder aux ports. Dans certaines régions, la combinaison de mesures facilitant la mise en place de chaînes d’approvisionnement multimodales ainsi que d’instruments de tarification du transport routiers efficaces pourrait favoriser l’utilisation accrue de modes plus durables pour accéder aux ports.
Le test de sensibilité réalisé sur le scénario d’ambitions élevées laisse entendre que le poids des marchandises accédant aux ports par la route pourrait être divisé par deux en 2050. Le tonnage restant serait alors acheminé par voie ferroviaire et navigable si : 1) le coût du fret routier continue d’augmenter par rapport à celui des autres modes ; 2) les pouvoirs publics réalisent effectivement les investissements dans le rail prévus dans le scénario d’ambitions élevées.
Tableau 3.3. Élasticité des volumes de marchandises (en tonnes) acheminés à l’aide de différents modes
|
Évolution des coûts |
Élasticité du poids transporté |
---|---|---|
Accès au port par la route |
À la baisse |
0.48 |
À la hausse |
0.81 |
|
Accès au port par le rail |
À la baisse |
1.65 |
À la hausse |
1.23 |
|
Accès au port par voie navigable |
À la baisse |
2.12 |
À la hausse |
1.02 |
|
Transport fluvial |
À la baisse |
0.21 |
À la hausse |
0.05 |
Note : le tableau illustre les estimations du FIT obtenues par modélisation.
Orientations recommandées
Envisager le développement urbain sur le long terme et concevoir conjointement la planification des transports et de l’occupation des sols afin d’éviter l’étalement urbain dans des villes en croissance
Les autorités devraient concevoir la planification des transports et de l’occupation des sols conjointement afin de créer des villes plus compactes où les habitants peuvent accéder plus facilement à des opportunités à proximité de leur lieu de vie. L’avantage est que cela peut éviter l’étalement urbain et favoriser l’émergence de modes de mobilité durables en les rendant attractifs.
Dans les régions où il existe une forte densité urbaine, comme l’Europe, les pouvoirs publics pourraient privilégier l’amélioration de la qualité des transports collectifs et des modes actifs de déplacement. Dans celles où le vaste étalement urbain limite la portée des politiques de densification (comme en UCAN), les autorités peuvent encourager l’adoption d’alternatives durables au véhicule individuel pour les déplacements intra-urbains longue distance. Dans les régions où les villes sont encore en développement et en croissance (comme la région MENA et le SSA), il est possible d’éviter la dépendance à la voiture en mettant en place les bonnes stratégies de transport et de développement.
Adopter des plans de mobilité urbaine durable holistiques, combinant investissement, tarification, accès et restrictions spatiales de façon à favoriser les choix modaux durables
Les autorités devraient promouvoir l’adoption de modes de transport plus durables en combinant des restrictions d’accès aux véhicules individuels en zone urbaine, des mesures de tarification et des investissements dans des modes alternatifs. Ces investissements devraient viser à améliorer l’infrastructure de façon à sécuriser la pratique de la mobilité active et de la micromobilité, ainsi que l’infrastructure et les services des transports publics. Il conviendrait également d’encourager les nouvelles formes de transports partagés à la demande, coordonnées avec les transports publics.
Dans les deux cas, les services et les investissements devraient cibler le centre et la périphérie des zones urbaines. Lorsqu’elles décident de réglementer l’accès en milieu urbain, les autorités doivent veiller à ce que ces dispositions puissent être acceptées par la population, par exemple en faisant participer les communautés concernées aux processus décisionnels. Les pouvoirs publics doivent aussi faire en sorte que ces mesures n’aient pas d’effets négatifs sur les groupes à faible revenu. Les revenus tirés de la tarification de la congestion pourraient en outre être réinvestis dans des modes de transport durables afin de favoriser l’équité et l’acceptabilité.
Promouvoir les réseaux de transport multimodaux et durables
Pour ce qui est des transports régionaux de voyageurs (c’est-à-dire à l’extérieur des villes), les autorités vont devoir prendre en compte la densité de population et son évolution. Dans ce contexte, les solutions de transport futures continueront sans doute de reposer sur la voiture particulière et, lorsque c’est possible, sur les modes actifs de déplacement. L’utilisation de la voiture particulière – notamment électrique – dans les zones où il n’y a pas de congestion présente relativement peu d’externalités par rapport à son usage en zone saturée. Or, dans le contexte des transports régionaux, la décarbonation n’ira pas de pair avec l’accessibilité si la voiture particulière continue de représenter la majorité des véhicules à émissions nulles. Il est donc nécessaire d’explorer de nouvelles formes de services à la demande. À cet égard, les pouvoirs publics pourraient œuvrer à la réalisation de leurs objectifs de décarbonation et d’accessibilité en favorisant l’expérimentation de solutions innovantes. Ils devraient également investir dans l’infrastructure de la mobilité active afin de sécuriser ce mode de déplacement et de le rendre plus attractif à l’extérieur des villes.
Les mesures visant à gérer la demande de transports internationaux et interurbains ont une portée et un potentiel d’impact limités. Celles qui seraient susceptibles de produire plus d’effets (comme le remplacement des voyages d’affaires par des visioconférences ou l’incitation à un tourisme plus local) risquent d’être difficiles à mettre en œuvre et pourraient avoir des conséquences néfastes pour les territoires de destination. D’autres mesures possibles sont notamment l’augmentation du coût – ou l’interdiction – des vols court courrier à forte intensité de carbone, ou encore le report modal vers le train à condition qu’il existe une infrastructure de qualité suffisante.
La possibilité de transférer les transports internationaux et interurbains de voyageurs vers des modes plus durables varie en fonction de la distance. Les options dont disposent les pouvoirs publics sont plus nombreuses pour les trajets de moins de 500 km en raison de la plus grande diversité de modes disponibles. Or, la plupart des déplacements internationaux et interurbains ont lieu sur de plus grandes distances, principalement en voiture ou en avion. Les solutions pour abandonner progressivement ces modes de déplacement consistent à investir dans l’infrastructure ferroviaire, dans des réseaux d’autobus fiables et dans les axes routiers.
S’agissant du transport de marchandises, les pouvoirs publics peuvent contribuer à limiter les déplacements inutiles en encourageant l’augmentation de l’efficacité opérationnelle des entreprises de transport. Promouvoir la collaboration entre les transporteurs ou utiliser des systèmes de transport intelligents pour optimiser les trajets et faciliter la mutualisation des actifs peut permettre d’accroître le taux d’occupation des véhicules. Associés à une réglementation appropriée, les véhicules de grande capacité peuvent aussi contribuer à réduire le trafic. Enfin, l’abandon progressif des carburants fossiles permettra également de faire diminuer les déplacements liés au fret si les pays tiennent leurs engagements internationaux.
Les autorités peuvent également encourager le report modal pour le transport non urbain de marchandises, en particulier sur de courtes distances. Sur les distances inférieures à 1 000 km, c’est le fret routier qui domine, principalement à cause de la souplesse qu’offre la route. Sur certains trajets, les pouvoirs publics pourraient encourager le report vers des modes alternatifs comme par exemple le train ou les voies navigables intérieures. Les autorités et les entreprises de transport devront favoriser l’amélioration des liaisons multimodales. Cela pourra passer par exemple par l’installation de ports secs ou autres infrastructures multimodales, l’intensification des services numériques et de la mutualisation des actifs, ainsi que l’investissement dans les voies navigables intérieures et les réseaux ferroviaires.
Combiner les mesures de tarification de manière cohérente et allouer des fonds en faveur des modes durables
Afin de réduire les émissions associées au transport routier de voyageurs, un ensemble de mesures de tarification pourraient être mises en place pour capter les coûts externes de l’utilisation de la voiture. La tarification du carbone devrait être maintenue pour les véhicules thermiques, le taux applicable par tonne de CO2 augmentant au fil du temps. En ville, où les externalités dues à la congestion sont plus importantes, des instruments de tarification de la congestion devraient être mis en place. Grâce aux revenus provenant de ces mesures de tarification, les autorités devraient envisager d’investir dans l’infrastructure des transports publics et de la mobilité active. En outre, la mise en place de la tarification du stationnement devrait également permettre de capter plus justement les coûts externes de l’occupation de l’espace par des véhicules qui restent stationnés dans les zones à forte densité de population.
La majorité des modes de transport de marchandises présentent relativement peu d’élasticité, mais des politiques cohérentes devraient être adoptées pour faire en sorte que le choix se porte toujours sur le mode le plus viable et le plus durable. La route est le seul mode de transport qui réagit à la baisse des coûts. Cela laisse entendre que les mesures portant par exemple sur la tarification doivent être mises en place de façon cohérente, avec le même objectif pour tous les modes, afin que le fret routier ne voie pas sa part augmenter au détriment des autres modes, en particulier le rail. La tarification du carbone peut permettre de contrebalancer l’impact des exonérations de taxes sur les carburants et des subventions des modes de transport utilisant des carburants fossiles lorsque ces mesures ne peuvent être supprimées. Les subventions précitées devraient néanmoins, lorsque c’est possible, être progressivement abandonnées.
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