Les hôtes des Jeux Olympiques souhaitent laisser un héritage positif, mais cela peut s'avérer difficile dans un environnement inadéquat à leur livraison. Ce chapitre examine la manière dont les comités d'organisation sont conçus pour fournir les infrastructures et les services associés nécessaires à l'accueil des Jeux Olympiques. Il met en évidence les défis liés à leur nature temporaire et à leurs relations avec les institutions et organismes permanents. Ce chapitre montre également comment le partage d'expérience et le transfert de connaissances peuvent aider les comités d'organisation à relever certains des défis auxquels ils sont confrontés.
Lignes directrices pour la livraison efficiente d'infrastructures et de services associés pour les Jeux Olympiques
1. Les risques liés à l’organisation des Jeux Olympiques
Abstract
1.1. Contexte
Les entités chargées d'organiser de grands événements sportifs internationaux, tels que les Jeux Olympiques, sont confrontées à une série de défis susceptibles d'affecter leur efficience et l'héritage qu'ils laisseront. L'intérêt pour l'organisation de ces événements est souvent motivé par l’opportunité d'introduire des changements durables dans les sociétés, cependant, un environnement inadéquat à leurs déroulements pourrait porter atteinte à leurs ambitions initiales.
Les comités d'organisation des Jeux Olympiques (COJO) cristallisent vraisemblablement l'expérience la plus large en relevant les défis les plus importants et les plus variés en raison de l'ampleur et de la complexité inhérente aux Jeux Olympiques et Paralympiques. La nature ad hoc de ces comités, créés pour les Jeux et démantelés peu de temps après, pose un défi majeur à l'organisation efficiente de grandes compétitions sportives : le risque de perdre la mémoire institutionnelle. En complément des efforts entrepris par le Comité International Olympique (CIO) en matière de transfert de connaissances entre les COJO, le CIO et l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) ont uni leurs forces pour élaborer des lignes directrices pour l'organisation efficiente des Jeux, en se concentrant sur les défis transversaux qui affectent l'efficience de l'infrastructure sportive et des services associés nécessaires à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques. Ces lignes directrices visent à créer un référentiel d'expériences et de bonnes pratiques ainsi qu’à fournir aux futurs organisateurs des orientations concrètes et des liens vers des outils qui les aideront à relever les défis liés à l'organisation de grandes compétitions sportives internationales.
Essentielle à la réussite des Jeux, l'acquisition efficace d'infrastructures et de services associés est cependant soumise à de nombreux défis allant bien au-delà de l'expertise technique requise pour les mener à bien de manière efficiente. Ces défis sont exacerbés par la nature et le mandat uniques des COJO. En plus d'être temporaires, ces organisations responsables de l'organisation des Jeux ne gèrent pas toujours directement toutes les activités liées à la passation des marchés publics. Dans de nombreux cas, des institutions dédiées sont créées parallèlement aux COJO et sont partiellement responsables de la commande publique des infrastructures sportives. Les COJO doivent naviguer et collaborer efficacement avec un réseau complexe de parties prenantes, allant des administrations à tous les niveaux du gouvernement aux fédérations sportives internationales et aux citoyens. Ils doivent en outre intégrer l’angle de l’héritage dans toutes leurs actions, tout en veillant à ce que les dispositifs nécessaires aux Jeux soient mis en place dans les délais et les budgets impartis. Enfin, pour que les Jeux soient une expérience exceptionnelle pour les athlètes et les spectateurs, les COJO doivent réunir harmonieusement toutes les pièces de ce gigantesque puzzle.
L'expérience de l'OCDE dans le domaine de la mise en œuvre efficiente des projets d'infrastructure et des services associés ne s'appuie pas seulement sur des bonnes pratiques synthétisées dans des instruments spécifiques. Elle s'appuie également sur l'expérience acquise dans le cadre d'un soutien à long terme à l'élaboration et à la réalisation de projets d'infrastructure, ainsi que sur des travaux spécifiques portant sur la manière de faire des événements mondiaux des leviers pour le développement local. Ces dernières années, l'OCDE a élaboré différents instruments et normes pour des infrastructures qualitatives. La Recommandation sur la Gouvernance des Infrastructures (OCDE, 2020[1]) définit des principes de bonne gouvernance visant à poser les bases et les paramètres d'un environnement propice au développement d'infrastructures de qualité. De plus, la Recommandation sur les Marchés Publics (OCDE, 2015[2]) énonce les principes généraux nécessaires à la mise en place efficiente d'infrastructures qualitatives et à l’acquisition intelligente de biens, services et travaux publics. Détaillant les principales dimensions des systèmes de marchés publics, la Recommandation sur les Marchés Publics soutient le passage d'une approche administrative, basée sur la conformité, à une utilisation stratégique des cadres des marchés publics. La Recommandation sur les Événements Mondiaux et le Développement Local fournit un cadre pour comprendre ces enjeux liés aux grands événements. Elle souligne également la nécessité de promouvoir des marchés publics stratégiques, comme à travers des clauses sociales et environnementales pour assurer l'accès aux opportunités d'emploi et les avantages de la formation professionnelle dans les secteurs pertinents tels que la construction, l'hôtellerie et la sécurité, et pour préserver l'environnement. Le répertoire d’outils accompagnant la Recommandation propose des conseils pratiques et des checklists pour promouvoir des événements plus durables et des mécanismes de mise en œuvre plus efficients ainsi que pour renforcer les capacités à engendrer des avantages locaux tout au long de l'événement. (OCDE, 2018[3]).
Le CIO a joué un rôle de premier plan, au nom du Mouvement olympique, en développant et en créant des outils, de l'expertise, du soutien, des plateformes de collaboration et des partenariats afin de transformer les défis en opportunités. L'Agenda olympique 2020+5 (Comité International Olympique, 2021[4]) fournit 15 recommandations visant à garantir une plus grande solidarité, une meilleure numérisation, une durabilité accrue et une crédibilité renforcée dans l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques. Depuis 2017, le CIO et l'OCDE coopèrent pour lutter contre la corruption et promouvoir l'intégrité dans le sport dans le cadre du Partenariat international contre la corruption dans le sport (IPACS). Les deux organisations sont des partenaires cofondateurs de cette initiative et ont joué un rôle actif dans les différents domaines d'intérêt de l'IPACS, parmi lesquels se trouve la réduction du risque de corruption dans les marchés publics liés aux évènements sportifs et aux infrastructures1 . L'IPACS a élaboré une série d'outils dans ce domaine, notamment la publication du CIO intitulée "Passation des marchés pour les infrastructures et services liés aux grands évènements sportifs internationaux : Bonnes pratiques et lignes directrices pour le Mouvement olympique » (Comité International Olympique, 2020[5]) élaborée avec la contribution de l'OCDE. Les expériences des parties prenantes de l'IPACS ont contribué à l'élaboration des présentes lignes directrices.
S'appuyant sur ce large intérêt et cet élan, le CIO et l'OCDE ont convenu d'élaborer des lignes directrices réalisables couvrant les dimensions critiques requises pour la livraison efficiente des infrastructures et des services nécessaires à l'accueil des compétitions sportives. S'appuyant sur les travaux antérieurs, ces lignes directrices examinent le contexte spécifique dans lequel les COJO doivent contribuer aux ambitions des Jeux et identifient les dimensions qui ont une incidence significative sur la mise en place d'infrastructures sportives et de services associés. Ces lignes directrices mettent en lumière les expériences des éditions précédentes des Jeux Olympiques et Paralympiques, partagent les enseignements tirés des préparations en cours des futurs Jeux, mais s'appuient également sur la richesse des défis similaires auxquels sont confrontées d'autres institutions chargées de la réalisation de grands projets d'infrastructure.
1.1.1. Les relations entre les comités d'organisation et le CIO
La Charte olympique met en évidence les trois principaux groupes constitutifs du Mouvement olympique et leurs différents rôles et responsabilités en ce qui concerne les Jeux Olympiques. Il s'agit du Comité International Olympique (CIO), des Comités Nationaux Olympiques (CNO) et des Fédérations Internationales de sport (FI). Ces trois parties prenantes interagissent avec le COJO, qui est l’ultime responsable de la préparation et de l'organisation d'une édition particulière des Jeux.
Conformément à l'Agenda olympique 2020, le CIO a lancé en 2017 un processus de candidature révisé s'articulant autour de deux étapes principales, introduisant une flexibilité supplémentaire et un meilleur alignement avec les besoins de développement à long terme des villes ou régions hôtes. La nouvelle approche a été utilisée pour la première fois pour les Jeux Olympiques et Paralympiques d'Hiver de 2026, finalement attribués à Milano-Cortina. Les deux étapes sont le dialogue continu et le dialogue ciblé :
Le dialogue continu : un dialogue permanent, sans engagement et non relié à une édition spécifique, pour explorer et susciter l'intérêt des parties intéressées par les Jeux Olympiques. Le dialogue continu offre aux villes et aux Comités Nationaux Olympiques intéressés l'occasion de s'engager dans une collaboration avec le CIO afin d'évaluer les avantages et les exigences liés à l'accueil des Jeux. Les villes ne sont pas tenues de soumettre des propositions formelles et des garanties et le CIO et le Mouvement olympique jouent un rôle plus proactif en les guidant et en les soutenant en envoyant des équipes d'experts techniques pour les aider à élaborer leur candidature.
Le dialogue ciblé : un processus défini pour explorer une proposition d'accueil d'une édition spécifique des Jeux Olympiques. Il s'agit d'un partenariat collaboratif qui s'ouvre lorsque la commission exécutive du Comité International Olympique invite un ou plusieurs hôte(s) potentiel(s) à entamer des discussions détaillées pour affiner leur projet. Bien qu'il n'y ait pas de délai fixe pour le dialogue ciblé, il ne devrait pas dépasser 12 mois. Au cours du dialogue ciblé, le CIO proposera une série d'ateliers afin de s'assurer que les plans des hôtes potentiels sont alignés avec les plans de développement à long terme pré-existants ainsi qu’aux derniers développements en matière de planification et de déroulement des Jeux Olympiques, afin d'offrir des Jeux opérationnels, rentables et durables. Les sujets des ateliers seront déterminés en fonction des besoins des hôtes potentiels, mais pourront inclure des thèmes tels que le plan directeur des sites, l'héritage, la durabilité, les finances et le marketing, la technologie, l'engagement numérique et les enjeux juridiques.
1.1.2. Le transfert de connaissances est essentiel pour renforcer les capacités des futurs COJO à organiser les Jeux.
Le transfert de connaissances d'une édition des Jeux Olympiques à l'autre figure depuis longtemps à l'ordre du jour du CIO. Le Comité d'organisation des Jeux Olympiques de Sydney (SOCOG) a été le premier à transférer des connaissances à l'édition suivante des Jeux grâce à l'utilisation d'un programme formel de gestion des connaissances (Parent, MacDonald et Goulet, 2014[6]). En 2002, le CIO a créé les Services de connaissances sur les Jeux Olympiques (OGKS), une société indépendante visant à fluidifier le transfert des connaissances. En 2005, le CIO a décidé d'internaliser ses activités de gestion des connaissances, avec la mise en place du Programme de gestion des connaissances des Jeux Olympiques (OGKM) géré par l'unité Information, Connaissances et Apprentissage sur les Jeux (IKL) du CIO.
Depuis lors, le CIO a déployé des efforts considérables pour développer un programme de gestion des connaissances. Les villes hôtes sont tenues de transférer certains types d’informations aux Jeux suivants, et des milliers de documents ont été collectés auprès de chaque COJO. Le CIO a également formalisé le transfert de connaissances par le biais du programme des observateurs dans le cadre duquel des représentants des prochains Jeux visitent les Jeux actuels, et à travers la présentation d’un compte rendu officiel trois mois plus tard dans la ville hôte suivante. (Stewart, 2012[7]).
Cependant, plusieurs barrières au processus de gestion des connaissances des méga-événements sportifs ont été identifiés dans le milieu académique. Trois obstacles sont souvent cités comme entravant un transfert de connaissances efficace : la confiance et la coordination entre les parties prenantes, une distribution déséquilibrée des connaissances et les différences de contexte entre les destinations d'accueil (Qin, Rocha et Morrow, 2022[8]).
Outre les connaissances acquises lors de l'organisation des Jeux précédents, les enseignements tirés d'autres grands projets d'infrastructure pourraient constituer des références utiles.
1.2. Méthodologie et public visé
1.2.1. Outils
Ce rapport présente une sélection d'outils et de sources destinés à guider le lecteur. Les exemples cités ici comprennent non seulement ceux de l'OCDE et du CIO, mais aussi ceux d'autres institutions, y compris des organismes publics et multilatéraux. Nombre de ces outils externes ne concernent pas directement le sport, mais pourraient être utiles aux organisateurs d'événements sportifs internationaux de grande envergure, car ils détaillent les rôles et les fonctions des marchés publics. Ces outils servent de point de référence et ont été sélectionnés en fonction de leur pertinence, de leur qualité et de leur utilité pour chacun des thèmes abordés dans le présent rapport.
1.2.2. Public visé
Ces lignes directrices s'adressent en premier lieu aux comités d'organisation chargés d'organiser de grandes compétitions sportives internationales, ce qui implique la mise en place d'infrastructures, permanentes ou temporaires, et/ou de services associés nécessaires à l'accueil de la compétition sportive. Au-delà de ce premier public, les parties prenantes concernées (gouvernements, institutions publiques, décideurs politiques, organes de contrôle, fédérations sportives et citoyens) pourraient saisir certains des principaux défis auxquels sont confrontés les comités d'organisation durant l'accomplissement de leur mandat.
Références
[4] Comité International Olympique (2021), L’Agenda olympique 2020+5 5 RecommAndations, https://stillmed.olympics.com/media/Document%20Library/OlympicOrg/IOC/What-We-Do/Olympic-agenda/Agenda-Olympique-2020-5-15-recommandations.pdf.
[5] Comité International Olympique (2020), Passation des marchés pour les infrastructures et services liés aux grands événements internationaux : Bonnes pratiques et lignes directrices pour le mouvement olympique / Comité International Olympique, https://library.olympics.com/Default/search.aspx?SC=DEFAULT&QUERY=Identifier_idx:353669&QUERY_LABEL=A+pour+autre+%C3%A9dition+:+Passation+des+march%C3%A9s+pour+les+infrastructures+et+services+li%C3%A9s+aux+grands+%C3%A9v%C3%A9nements+internationaux+:+bonn.
[1] OCDE (2020), Recommandation du Conseil sur la gouvernance des infrastructures, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0460.
[3] OCDE (2018), Recommandation du Conseil sur les manifestations internationales et le développement local, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0444.
[2] OCDE (2015), Recommandation du Conseil sur les marchés publics, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0411.
[6] Parent, M., D. MacDonald et G. Goulet (2014), « The theory and practice of knowledge management and transfer: The case of the Olympic Games », Sport Management Review, https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1016/j.smr.2013.06.002 (consulté le 25 janvier 2023).
[8] Qin, Y., C. Rocha et S. Morrow (2022), « Knowledge management in sport mega-events: A systematic literature review », Frontiers in Sports and Active Living, vol. 4, https://doi.org/10.3389/fspor.2022.1056390.
[7] Stewart, A. (2012), Olympic Host Cities Need Transparency, Not Knowledge Transfer, Harvard Business Review, https://hbr.org/2012/08/olympic-host-cities-need-trans (consulté le 25 janvier 2023).