Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2023 Numéro 2

Colombie

Le PIB devrait enregistrer une croissance modérée de 1.2 % en 2023 et de 1.4 % en 2024, avant de remonter à 3 % en 2025. L’inflation soutenue, les taux d’intérêt élevés et les incertitudes liées à l’action publique pèseront sur la demande intérieure en 2024. La banque centrale a porté les taux d’intérêt au niveau le plus élevé depuis 25 ans afin de maîtriser l’inflation. L’inflation globale a commencé à refluer et devrait revenir dans la fourchette de 2-4 % retenue comme objectif au cours du second semestre 2025.

La politique monétaire devrait éviter un assouplissement prématuré de façon à ce que la désinflation se poursuive et à ce que la crédibilité soit préservée. Pour assurer la stabilisation de la dette et le respect des règles budgétaires, tout en garantissant une marge de manœuvre permettant de mettre en œuvre un programme de réformes sociales ambitieux, il faudra améliorer l’efficience des dépenses et accroître les recettes publiques. Le renforcement des incitations à la création d’emplois formels en réduisant les coûts de main-d’œuvre non salariaux et en améliorant la formation pourrait favoriser à la fois la productivité et l’équité.

Colombie : Indicateurs sur l’inflation et sur le secteur bancaire

Source : Département administratif national de la statistique (Departamento Administrativo Nacional de Estadistica, DANE) ; Banque de la République de Colombie (Banco de la República de Colombia, BRC).

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Colombie : Demande, production et prix

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La croissance a ralenti

La croissance du PIB a nettement ralenti depuis la fin de 2022 et la confiance des consommateurs et des entreprises demeure relativement timide. L’investissement a fortement reculé pour s’établir en deçà de 18 % du PIB, contre 22 % en moyenne pendant la période 2014-19. Les taux d’intérêt élevés et les incertitudes liées à l’action publique sont les principaux facteurs qui pèsent sur l’investissement. De plus, les conditions financières se sont durcies dans un contexte de hausse du coût du crédit et de critères d’octroi de prêts plus stricts. Vecteur essentiel de la forte reprise observée après la pandémie, la consommation privée est elle aussi en perte de vitesse. Jusqu’ici, le ralentissement de la croissance ne s’est pas encore répercuté sur le marché du travail où le taux de chômage est inférieur de 1.5 point de pourcentage aux niveaux antérieurs à la pandémie.

Le resserrement de la politique monétaire, avec des taux d’intérêt à 13.25 % depuis mai, explique en partie le fléchissement de l’inflation à 10.5 % en glissement annuel en octobre. L’inflation sous-jacente s’est établie à 9.5 %. La désinflation s’est amorcée en dépit des fortes hausses des prix de l’énergie, notamment des carburants, et de la répercussion de la hausse de 16 % du salaire minimum en janvier sur les prix, en particulier sur ceux des services. La concordance entre les prix intérieurs de l’essence auparavant subventionnés et les prix à l’international atténue l’impact des prix mondiaux du pétrole sur les finances publiques de la Colombie. L’intensité du phénomène météorologique El Niño en cours, qui pourrait provoquer des sécheresses susceptibles d’induire des tensions sur les prix alimentaires en raison de récoltes moins abondantes, devrait atteindre son paroxysme au début de 2024.

La trajectoire de l’assainissement budgétaire est incertaine

Un assainissement est en cours, mais il existe des risques de non-respect des règles budgétaires. Les déficits budgétaires prévus de 4.3 % du PIB en 2023, 4.5 % en 2024 et 3.5 % en 2025 se situeraient tout juste dans les limites stipulées par la règle applicable. Or les dépenses primaires nécessaires à la mise en œuvre du programme de réformes en 2024 sont plus élevées que prévu. En outre, en 2023, les recettes pétrolières, douanières et fiscales sont inférieures aux prévisions. Par ailleurs, les plans budgétaires intègrent des recettes cycliques et incertaines, notamment le recouvrement d’arriérés d’impôt par voie de contentieux, dont le montant s’élève à près de 1 % du PIB en 2024 et à 0.6 % en 2025, d’après le conseil budgétaire. En vertu des plans budgétaires actuels, la dette avoisinerait 55 % du PIB en 2033, contre moins de 50 % avant la pandémie. Sur le plan monétaire, un assouplissement progressif des taux d’intérêt pourrait être amorcé en 2024, à supposer que l’inflation ait encore baissé et se rapproche durablement de son objectif, à l’instar d’autres banques centrales de la région. Les taux directeurs devraient redescendre à 6 % d’ici la fin de 2025.

La croissance restera faible pendant une bonne partie de 2024

La croissance du PIB restera en dessous de son potentiel tant que la politique monétaire sera restrictive. La croissance se redressera progressivement lorsque la banque centrale lancera son cycle d’assouplissement monétaire à partir de 2024, malgré un net décalage dans la répercussion des taux de référence sur les taux débiteurs. L’accélération de la croissance à partir du second semestre 2024 sera portée par un rebond de l’investissement, favorisé par l’assouplissement des conditions financières. Cela ne compensera toutefois qu’en partie le déclin enregistré auparavant. Les exportations actuellement dominées par le pétrole resteront en demi-teinte en raison de l’atonie à la fois de l’économie mondiale et de l’investissement à l’appui de la production. L’inflation poursuivra son reflux progressif pour atteindre 10 % à la fin de 2023 et à environ 5 % à la fin de 2024, sous l’effet d’une politique monétaire stricte et de la faible demande intérieure. Les risques intérieurs comprennent le non-respect des règles budgétaires et les difficultés concernant la viabilité de la dette, notamment au regard du niveau élevé des dépenses publiques prévues et de l’intensification du phénomène El Niño. En revanche, la hausse des prix du pétrole à l’échelle mondiale pourrait améliorer la situation budgétaire.

Un cadre macroéconomique solide soutiendrait le programme de réformes

Un engagement continu à l’appui du cadre budgétaire et monétaire traditionnellement solide soutiendrait le programme de réformes rapide et ambitieux des autorités publiques. Il sera également nécessaire d’améliorer l’efficience des dépenses et d’accroître les recettes, par exemple en réduisant les dépenses et les exonérations fiscales, afin de garantir le respect des règles budgétaires et la stabilisation de la dette, ainsi que le financement des réformes envisagées dans les domaines de la santé, des retraites, du travail et de l’éducation, et de la transition énergétique. Les réformes visant à faire reculer l’économie informelle, qui concerne la moitié des travailleurs colombiens, devraient prévoir de diminuer les coûts de main-d’œuvre non salariaux et d’améliorer la qualité des formations.