Ce chapitre décrit l’évolution des marchés ainsi que les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux des biocarburants sur la période 2024-33. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de consommation, de production, d’échanges et de prix pour l’éthanol et le biodiesel. Il s’achève par un examen des principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des biocarburants durant les dix prochaines années.
Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2024-2033
9. Biocarburants
Copier le lien de 9. BiocarburantsAbstract
9.1. Principaux éléments des projections
Copier le lien de 9.1. Principaux éléments des projectionsLes économies émergentes sont à l’origine de l’augmentation de la consommation de biocarburants.
L’augmentation continue de la consommation mondiale de biocarburants repose sur deux grands facteurs : la hausse de la demande de carburants1 et le soutien prolongé fourni par les politiques publiques. De manière générale, les biocarburants devraient continuer de représenter d’importantes alternatives renouvelables aux combustibles fossiles dans le secteur des transports, la progression de la demande étant estimée à 1.2 % par an au cours de la prochaine décennie. Ce pourcentage équivaut à moins de la moitié de celui enregistré pendant les dix dernières années. Le ralentissement de la hausse de la demande de biocarburants s’explique par une croissance économique plus faible dans les pays à revenu élevé ; dans ces pays, la croissance de la demande devrait être divisée par quatre et s’établir à 0.6 % par an. La baisse de la demande est particulièrement notable dans le secteur des transports en raison du nombre croissant de véhicules électriques et de l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules. Cela dit, les pays à revenu intermédiaire devraient compenser cette diminution, car la demande de biocarburants y augmentera en moyenne de 1.9 % par an. Les principales raisons de cette augmentation seront la demande accrue de carburant, la préoccupation grandissante pour la sécurité énergétique, ainsi que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Aux États-Unis, l’accent devrait être mis, au cours de la prochaine décennie, sur le biodiesel, y compris le gazole renouvelable (Graphique 9.1). Ce dernier, semblable au précédent, présente en revanche la caractéristique de pouvoir être utilisé directement, sans avoir à le mélanger à du gazole dérivé du pétrole. Ce changement d’orientation s’explique par les objectifs plus exigeants des programmes en faveur des carburants renouvelables et par la prolongation des crédits d’impôt pour le gazole à base de biomasse. S’agissant de l’Union européenne, sa part dans la consommation mondiale de biocarburants devrait au contraire diminuer. L’inclusion du critère de durabilité dans la révision de la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED III) a conduit l’institution à abandonner le biodiesel de première génération, en fixant une limite maximale d’utilisation des cultures vivrières et fourragères pour fabriquer des biocarburants. De surcroît, d’ici 2030, les matières premières présentant un risque élevé de changement d’affectation des terres ne devraient plus être prises en compte dans la réalisation des objectifs en matière de biocarburants. Par ailleurs, les efforts qui devraient être déployés pour encourager l’adoption de véhicules électriques limiteront la progression des carburants de transport traditionnels et, par conséquent, la consommation de biocarburants.
Les économies émergentes – dont le Brésil, l’Indonésie et l’Inde – devraient être à l’origine de la plus grosse partie de l’augmentation de la demande de biocarburants (Graphique 9.1), ces combustibles demeurant la principale solution de décarbonation dans ces régions. Les trois pays précités se caractérisent par des taux d’incorporation obligatoires pour les biocarburants, par la hausse de la demande de carburants de transport, et par une abondance de matières premières potentielles. En Indonésie, le taux d’incorporation devrait rester supérieur à 30 % pour le biodiesel (B30), tandis que l’utilisation de carburants de type gazole devrait augmenter. Dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est, la consommation de biodiesel devrait s’accroître sous l’effet de l’augmentation de la demande de combustibles pour les transports et pour les utilisations industrielles. En Inde, la production d’éthanol à partir de canne à sucre devrait largement permettre d’obtenir un taux d’incorporation de 15 % d’ici à 2025, tandis que l’objectif de 17 % devrait être atteint à l’horizon 2033.
Les biocarburants de première génération devraient rester prédominants, les cultures de maïs et de sucre représentant les matières premières majoritaires de l’éthanol, tandis que la production de biodiesel repose surtout sur les huiles végétales (de soja, de colza et de palme). Bénéficiant d’un soutien accru, la production de biodiesel avancé à partir d’huile de cuisson usagée devrait prendre de l’ampleur dans l’Union européenne, aux États-Unis et à Singapour. Les politiques publiques relatives à la production et aux obligations d’incorporation aboutissent généralement à des marchés intérieurs autosuffisants et laissent peu de place aux échanges internationaux. Dans le cadre des présentes Perspectives, on estime qu’à l’horizon 2033, les échanges internationaux de biodiesel passeront de 13 % à 11 % de la production totale, tandis que ceux d’éthanol resteront inchangés, à environ 8 % de la production totale.
Le prix de l’éthanol et celui du biodiesel ont diminué en 2023 en raison de la baisse du prix du pétrole et de l’abondance de matières premières. On s’attend ensuite à ce qu’ils augmentent en valeur nominale tout au long de la période de projection avec, en valeur réelle, un léger recul pour l’éthanol et une petite hausse pour le biodiesel. Les politiques publiques continueront à compenser la hausse du coût de production des biocarburants par rapport aux combustibles fossiles.
La complexité des politiques relatives aux biocarburants constitue la principale source d’incertitude lorsqu’il s’agit de prévoir l’évolution du marché de ces combustibles. La durabilité devient la principale priorité, ce qui rend les biocarburants avancés ou le carburant d’aviation durable (CAD) de plus en plus attractifs. Il n’empêche que d’importants investissements restent nécessaires pour développer la production, gérer la certification de durabilité des matières premières et permettre la commercialisation. Des politiques garantissant une offre de matières premières durables sont indispensables, d’autant que la recherche d’alternatives – à savoir l’utilisation de résidus et de sous‑produits de la production agricole – est une préoccupation croissante dont le but est de promouvoir la production de biocarburants selon une approche circulaire.
Si des systèmes de production et de consommation plus durables – c’est-à-dire réutilisant les déchets et les résidus – ne sont pas mis en place, le risque est que la production de biodiesel renouvelable manque à l’avenir de matières premières dans le cas où les tendances actuelles se confirmeraient. D’après les projections des présentes Perspectives, la consommation d’huiles végétales va augmenter dans le secteur de l’alimentation humaine, ce qui pourrait entraîner une augmentation de l’offre d’huile recyclée ; l’incertitude demeure cependant quant au développement de la capacité des pays à collecter cette huile.
9.2. Tendances actuelles des marchés
Copier le lien de 9.2. Tendances actuelles des marchésEn 2023, la consommation mondiale de biocarburants a enregistré sa troisième année consécutive de croissance régulière, après les baisses de 2020. Cette progression a été rendue possible par le tassement des prix de ces combustibles à l’échelle mondiale, lui‑même dû à la combinaison d’une baisse du prix du pétrole – qui a stimulé la demande de carburants – et de celui des matières premières, qui a donc entraîné une diminution des coûts de production des biocarburants. Ces facteurs ont, collectivement, été des incitations à l’adoption actuelle des biocarburants et au développement potentiel de leur usage futur.
Les principales raisons pour lesquelles les pouvoirs publics encouragent l’utilisation des biocarburants est de garantir la sécurité énergétique et de progresser dans la réduction des émissions de GES. Dans la mesure où la production des biocarburants est toujours plus coûteuse que celle des carburants à base de combustibles fossiles, ce sont les politiques publiques de soutien qui l’ont rendue possible et qui permettront vraisemblablement à l’avenir d’en assurer la croissance. Si les répercussions de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine sur les prix de l’énergie ont souligné l’importance de la question de la sécurité énergétique, son impact sur les marchés des biocarburants est en revanche limité. L’expansion de ces carburants coïncide avec le rôle essentiel qu’ils jouent dans la stratégie mondiale de décarbonation du secteur des transports.
9.3. Projections relatives aux marchés
Copier le lien de 9.3. Projections relatives aux marchés9.3.1. Consommation et production
Les pays asiatiques sont le moteur de l’offre et de la demande de biocarburants
Dans le cadre des présentes Perspectives, le taux de croissance de la production et de la consommation de biocarburants à l’échelle mondiale devrait s’affaiblir et s’établir à 1.5 % par an pendant la période de projection. Ce taux équivaut à moins de la moitié de celui observé durant la précédente décennie, la principale cause étant la réduction des dispositifs de soutien à l’égard des biocarburants conventionnels dans les pays développés. Étant donné que la hausse escomptée de la demande de biocarburants devrait avoir lieu presque aux deux tiers dans les économies émergentes (Graphique 9.1), notamment en Inde, au Brésil et en Indonésie, des modifications des parts de marché sont à prévoir. En 2023, 55 % de l’offre et de la demande d’éthanol étaient enregistrés dans les pays à revenu élevé. Ce pourcentage devrait cependant baisser à 49 % au cours de la prochaine décennie, les pays à revenu intermédiaire prenant l’avantage. S’agissant du biodiesel, les parts de marché devraient rester relativement stables avec une légère convergence de la consommation, les pays à revenu intermédiaire progressant de 4 points de pourcentage sur dix ans, tandis que leur part dans la production mondiale devrait légèrement progresser.
L’édition 2023 des Perspectives énergétiques mondiales de l’AIE prévoit un recul de la consommation totale de combustibles de transport, à la fois dans l’UE et aux États‑Unis, ce qui laisse supposer un potentiel de croissance limité du côté de l’utilisation des biocarburants. Malgré cette tendance, la demande mondiale de biocarburants devrait s’accroître sous l’effet de l’extension des parcs de véhicules dans certains pays – où la consommation totale de carburants est estimée à la hausse –, ainsi que des politiques intérieures privilégiant des taux d’incorporation plus élevés. Comme le montre le Graphique 9.2, la consommation de biocarburants devrait progresser plus rapidement que la demande totale de combustibles de transport au niveau mondial, d’où une augmentation de la part relative des biocarburants.
D’après les projections, la production mondiale d’éthanol et de biodiesel augmentera jusqu’à atteindre respectivement 155 milliards et 79 milliards de litres en 2033. En 2023, les matières premières servant à la production d’éthanol se répartissaient comme suit : 59 % de maïs, 24 % de canne à sucre, 6 % de mélasse et 2 % de blé, les 9 % restants étant un mélange de céréales de toutes sortes, de manioc et de betterave sucrière. Pour le biodiesel, les matières premières étaient les suivantes : 65 % d’huiles végétales (30 % d’huile de palme, 20 % d’huile de soja et 11 % d’huile de colza) et 27 % d’huiles de cuisson usagées, les 8 % restants étant composés d’huiles non comestibles et de graisses animales.
En dépit de l’attention croissante portée à la durabilité de la production de biocarburants dans un grand nombre de pays, et malgré les importantes différences dans la composition de ces carburants (Tableau 9.1), les matières premières conventionnelles (ou d’origine alimentaire) devraient rester prédominantes dans le secteur (Graphique 9.3). Si les produits cellulosiques (tels que les résidus agricoles, les cultures énergétiques ou la biomasse ligneuse) offrent des alternatives prometteuses qui évitent la concurrence avec les produits destinés à l’alimentation humaine, leur part dans la production totale de biocarburants ne devrait cependant pas beaucoup augmenter.
États-Unis
Aux États-Unis, les dispositions relatives aux biocarburants incluent la norme sur les carburants renouvelables (Renewable Fuel Standard – RFS) et diverses dispositions des États fédérés. La norme RFS exige l’incorporation dans les combustibles de transport conventionnels d’un volume annuel bien précis de carburants renouvelables. Les obligations d’incorporation en vigueur actuellement ont été fixées pour la période 2023‑25 par l’Agence de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency – EPA). Malgré une baisse attendue de la consommation d’essence – due en grande partie à l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules et à l’augmentation du nombre de véhicules électriques –, la production et la consommation d’éthanol devraient évoluer à la hausse. Cela s’explique par l’augmentation attendue du taux d’incorporation d’éthanol à 13 % d’ici 2033, même si le taux standard de 10 % sera conservé. Cela dit, la préférence des raffineurs de pétrole pour le diesel renouvelable afin de répondre aux mandats de l'EPA ainsi que les limitations des infrastructures freineront l’accroissement de l’utilisation de carburants à teneur plus élevée en éthanol.
Le maïs devrait rester la principale matière première utilisée pour produire de l’éthanol, avec 99 % de la production en 2033. Parallèlement, la capacité de production à partir de produits cellulosiques non alimentaires devrait croître progressivement au cours de la période de projection, quoique partant d’un faible niveau de départ. Bien que les États-Unis conservent leur position de premier producteur mondial d’éthanol (Tableau 9.1), leur part devrait passer de 46 % à 41 %. D’après les projections, la production de biodiesel augmentera de 2.2 % par an, pour finalement représenter 25 % du total mondial en 2033. Cette hausse est due à la consommation accrue de gazole renouvelable, favorisée par les objectifs plus ambitieux des programmes en faveur des carburants renouvelables mis en place par l’État fédéral et les États fédérés, notamment la norme sur les carburants bas carbone (low carbon fuel standard – LCFS) en Californie.
Union européenne
La directive sur les énergies renouvelables (RED) est le cadre juridique régissant les progrès des énergies vertes dans de nombreux secteurs, dont les transports, au sein de l’Union européenne. Ce texte a fait l’objet de deux importantes révisions : d’abord sous la référence Directive (UE) 2018/2001 (RED II), puis Directive (UE) 2023/2413 (RED III). La directive RED définit des objectifs bien précis concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie de chaque État membre de l’UE ; l’objectif est actuellement de 29 % à l’horizon 2030. S’agissant des biocarburants, la directive d’origine fixait les quantités à incorporer dans les carburants conventionnels, le but étant de réduire les émissions de GES et la dépendance aux combustibles fossiles. La directive RED II a fixé des limites à l’utilisation des cultures vivrières et fourragères, ce qui restreint l’offre de matières premières agricoles pouvant être utilisées pour produire des biocarburants. Les biocarburants ont également fait les frais du renforcement du critère de durabilité mis en place en réponse aux inquiétudes suscitées par les effets qu’ils produisent en termes de changement indirect de l’affectation des sols (CIAS), des règles claires ayant été établies pour répertorier les matières premières induisant un risque élevé de CIAS. Alors que l’huile de palme n’est pas explicitement mentionnée et qu’elle peut être certifiée comme présentant un risque faible de CIAS, elle est la seule matière première qui, dans la réglementation actuelle, est considérée comme induisant un risque élevé. La directive RED III a, par ailleurs, modifié l’objectif visé pour les biocarburants avancés, en portant leur part de 3.5 % à 5.5 % d’ici 2030. Les mesures de soutien à la réalisation de cet objectif incluent la limitation de certaines matières premières (comme les cultures vivrières) et l’incitation à l’utilisation de déchets et de résidus pour produire des biocarburants avancés.
La baisse escomptée de la demande à la fois de gazole et d’essence, d’après les projections des Perspectives agricoles de l’Union européenne pour 2023-33, devrait considérablement freiner la hausse de la consommation d’éthanol et de biodiesel. Une progression marginale de seulement 0.4 % par an pour l’éthanol et une baisse minime pour le biodiesel sont à prévoir. La part du biodiesel dans l’offre totale de gazole devrait augmenter – de 10 % actuellement à 12 % –, tandis que la part d’éthanol dans la consommation d’essence grimperait de 6 % aujourd’hui à 8 %. Si la production de biodiesel restera stable, un changement notable aura lieu au regard des matières premières utilisées, sous l’influence de la directive RED III. En particulier, la part de l’huile de palme devrait diminuer – de 17 % aujourd’hui à 7 % à l’horizon 2033 – en raison de la prise en compte du critère de durabilité. La production de biodiesel à partir d’huiles de cuisson usagées devrait quant à elle augmenter de 2.8 % par an, soit plus lentement que lors de la décennie précédente en raison de tensions dans la disponibilité de cette matière première. Sa part dans la production mondiale devrait par conséquent passer de 29 % à 23 % dans les dix ans à venir, les États-Unis confirmant leur position dominante en tant que première région de production de biodiesel au niveau mondial.
Brésil
Le Brésil possède un vaste parc de véhicules polycarburants pouvant fonctionner au bioéthanol (mélange d’essence et d’éthanol) ou simplement à l’éthanol hydraté. Le pourcentage d’éthanol présent dans le bioéthanol varie entre 18 % et 27 %, selon le rapport entre les prix intérieurs du sucre (la principale matière première) et de l’éthanol. Depuis 2015, la teneur obligatoire est toujours de 27 %. En 2022, les exonérations fiscales sur les carburants et la baisse du prix de l’essence ont conduit les consommateurs à préférer l’essence plutôt que l’éthanol hydraté, ce qui a bénéficié au mélange contenant de l’éthanol anhydre. Le taux d’incorporation visé pour le biodiesel est passé de 15 % à 10 % en 2021, mais a été rétabli à 15 % en 2023, une disposition susceptible d’être maintenue jusqu’en 2033 selon les projections actuelles du Conseil chargé de la politique énergétique nationale du Brésil.
Contrairement aux États-Unis et à l’Union européenne, le Brésil devrait assister à une augmentation de la consommation totale d’essence et de gazole au cours des dix ans à venir, ce qui laisse à penser que le mélange de ces carburants avec des biocarburants pourra être en hausse également. Pendant la prochaine décennie, le pays devrait conserver sa position de deuxième plus gros producteur et consommateur d’éthanol carburant. La consommation et la production d’éthanol devraient toutes les deux progresser de 2.1 % par an sous l’influence du programme national relatif aux biocarburants (RenovaBio). Lancé en 2017, ce programme joue un rôle déterminant en permettant au Brésil de tenir ses engagements au titre de l’Accord de Paris sur le climat. Alors que la canne à sucre devrait continuer d’être la principale matière première agricole pour produire de l’éthanol, l’utilisation du maïs s’est fortement accrue ces dernières années, de moins de 0.5 milliard à plus de 4 milliards de litres en 2023. D’après les projections des présentes Perspectives, le maïs continuera sa progression dans l’éventail des matières premières d’éthanol, pour atteindre presque 7 milliards de litres en 2033.
Tableau 9.1. Classement des producteurs de biocarburants et principales matières premières
Copier le lien de Tableau 9.1. Classement des producteurs de biocarburants et principales matières premières
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Classement des producteurs en 2021-23 (parts de marché) |
Principales matières premières utilisées pendant la période de référence 2021-23 |
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|
Éthanol |
Biodiesel |
Éthanol |
Biodiesel |
États-Unis |
N° 1 (46.9 %) |
N° 2 (19.2 %) |
Maïs |
Huile de soja, huiles de cuisson usagées |
Union européenne |
N° 4 (4.9 %) |
N° 1 (31.3 %) |
Maïs, blé, betterave sucrière |
Huile de colza, huile de palme, huiles de cuisson usagées |
Brésil |
N° 2 (24.9 %) |
N° 4 (11.7 %) |
Canne à sucre, maïs, mélasse |
Huile de soja, huiles de cuisson usagées |
Chine |
N° 3 (8 %) |
N° 5 (4.2 %) |
Maïs, manioc |
Huiles de cuisson usagées |
Inde |
N° 5 (4.8 %) |
N° 15 (0.3 %) |
Canne à sucre, mélasse, maïs, blé, riz |
Huiles de cuisson usagées |
Canada |
N° 6 (1.5 %) |
N° 12 (0.7 %) |
Maïs, blé |
Huiles de cuisson usagées, huile de colza (canola), huile de soja |
Indonésie |
N° 18 (0.1 %) |
N° 3 (18.9 %) |
Mélasse |
Huile de palme |
Argentine |
N° 8 (1 %) |
N° 6 (3.1 %) |
Maïs, canne à sucre, mélasse |
Huile de soja |
Thaïlande |
N° 7 (1.2 %) |
N° 7 (2.6 %) |
Mélasse, manioc, canne à sucre |
Huile de palme |
Colombie |
N° 15 (0.3 %) |
N° 9 (1.3 %) |
Canne à sucre |
Huile de palme |
Note : le numéro indique la place du pays considéré dans le classement de la production mondiale ; le pourcentage précise la part de ce même pays dans la production totale pour la période de référence.
Les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2024-2033 intègrent le « gazole renouvelable » (ou huile végétale hydrotraitée, HVH) dans le biodiesel, bien qu’il s’agisse de deux produits différents.
Source : OCDE/FAO (2024), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), https://doi.org/10.1787/agr-data-fr.
Indonésie
En introduisant le B35 et le B40 (biodiesel avec un taux d’incorporation de respectivement 35 % et 40 %), l’Indonésie vise à réduire sa dépendance à l’égard des carburants fossiles importés, à stabiliser le prix de l’huile de palme, à réduire ses émissions de GES et à soutenir son économie intérieure, ce secteur étant pourvoyeur de près d’un demi-million d’emplois dans le pays. Ces dernières années, la production de biodiesel a enregistré une progression régulière, sous l’effet d’un programme national mis en place pour soutenir les producteurs de ce carburant. Ce programme est financé par le fonds pour l’huile de palme brute, qui est alimenté par les droits prélevés sur les exportations de cette matière première. En 2023, ce fonds se montait à quelque 2.5 milliards USD. Le fonds dépend du prix de référence, qui change souvent. En 2024, il était fixé à environ 750 USD la tonne. L’hypothèse des présentes Perspectives est que le prix à la production se maintiendra au-dessus de 1 000 USD/tonne en valeur nominale, soit nettement au-delà du prix de référence actuel ; cela permettra de réapprovisionner le fonds pour l’huile de palme brute, qui continuera à subventionner la production nationale de biodiesel. D’un autre côté, comme le niveau des subventions dépend dans une certaine mesure du coût des combustibles fossiles, l’augmentation du prix du pétrole au cours de la période de projection devrait contribuer à faire baisser le montant des subventions versées par unité de biodiesel.
Partant de ces hypothèses, on estime que la production indonésienne de biodiesel s’établira à presque 18 milliards de litres à l’horizon 2033. Si le taux d’incorporation se situe toujours légèrement au-dessus de 30 %, il se pourrait qu’il atteigne environ 35 % en 2033. Un taux de 40 % nécessiterait d’accroître les aides aux producteurs. Un tel soutien n’est possible que si les prix mondiaux des huiles végétales et les exportations évoluent à la hausse.
Inde
L’Inde a accru sa production d’éthanol, avec l’objectif ambitieux d’atteindre un taux d’incorporation de 20 % (E20) d’ici à 2025 plutôt que 2030. Les prévisions établies dans les présentes Perspectives indiquent cependant que l’offre de matières premières nécessaires à la réalisation de cet objectif sera insuffisante au cours de la période de projection. Tandis que la mélasse et le jus de canne à sucre devraient rester les principales matières premières utilisées, d’autres produits tels que le riz, le blé et d’autres céréales secondaires permettront d’accélérer la production intérieure. Les raffineries de sucre, en particulier, investissent dans la canne à sucre avec l’aide de prêts à des conditions libérales et développent leur capacité à produire de l’éthanol à partir du jus tiré de cette matière première. On estime ainsi que 35 % environ de l’éthanol produit en 2023 était issu de la canne à sucre et que cette part restera stable. Toutefois, compte tenu de l’accélération de la demande d’essence, le taux d’incorporation de 20 % (E20) ne sera sans doute atteint qu’en 2032. La production d’éthanol devrait atteindre presque 15 milliards de litres en 2033. L’offre restreinte d’huiles végétales, dont l’Inde est un importateur net, ainsi que le niveau élevé des prix internationaux resteront les principaux freins à l’augmentation massive de la production de biodiesel.
Chine
Les politiques chinoises relatives aux biocarburants ont été fluctuantes ces dernières années, empêchant une forte hausse de la consommation. Les biocarburants ne sont pas explicitement mentionnés dans l’engagement du pays à réduire les émissions de dioxyde de carbone à partir de 2030. Les présentes Perspectives partent de l’hypothèse que le taux d’incorporation d’éthanol, qui avoisinait 1.6 % ces dernières années, atteindra 2.5 % en 2033. Cette augmentation devrait contrebalancer la baisse attendue de la consommation totale d’essence, ce qui permettra une progression de la consommation d’éthanol de 1.1 % par an au cours de la prochaine décennie. La consommation de biodiesel devrait également croître de 2 % par an. Selon les projections, la demande d’éthanol sera satisfaite majoritairement à l’aide de matières premières produites sur le territoire national.
Canada
La norme sur les combustibles propres, devenue une loi en 2022, encourage la consommation de biocarburants au niveau national en incitant à développer et à adopter des carburants, des technologies et des processus propres. L’objectif de cette norme est de réduire de 15 % (par rapport aux niveaux de 2016) l’intensité carbone des carburants avant 2030. Depuis janvier 2023, la teneur en matières renouvelables doit être de 10 % pour l’essence et de 15 % pour le gazole.
Argentine
Dans ce pays, la loi sur les biocarburants de 2021 exigeait que le taux d’incorporation de biodiesel dans le gazole soit d’au moins 5 %, mais il peut cependant être ramené à 3 % lorsque les prix des matières premières augmentent de telle manière qu’ils sont considérés comme créant une distorsion du prix des carburants. En juin 2022, le gouvernement a adopté un texte visant à accroître le taux d’incorporation du biodiesel de 5 % à 7.5 %, mais en autorisant qu’il soit temporairement porté jusqu’à 12.5 % pour faire face aux pénuries de gazole. Les Perspectives partent de l’hypothèse d’un taux d’incorporation de 7.5 %. Compte tenu des possibilités limitées de développement des exportations, la production de biodiesel ne devrait que peu augmenter au cours des dix ans à venir.
Concernant l’éthanol, le taux d’incorporation est maintenu à 12 %, malgré la pression des producteurs de bioéthanol pour qu’il soit porté à 15 %. D’après les projections, le maintien du taux existant, conjugué à une hausse de la consommation totale d’essence, devrait faire augmenter la consommation d’éthanol carburant de 0.7 % par an.
Thaïlande
Malgré les objectifs définis dans le Plan de développement des énergies alternatives pour la canne à sucre (et, indirectement, la mélasse) et le manioc, la disponibilité limitée de ces produits sur le territoire national pourrait restreindre la production de biocarburants. De plus, la stagnation de la demande de carburants fossiles limitera la progression de la demande d’éthanol. En moyenne, le taux d’incorporation devrait se situer aux alentours de 11 % au cours de la période de projection, tandis que la production devrait se stabiliser autour de 1.5 milliard de litres durant la prochaine décennie. Les obligations d’incorporation devraient soutenir la demande de biodiesel. Cependant, la production d’huile de palme et les prix élevés des huiles végétales restreindront l’offre intérieure, tandis que la demande atteindra 2.5 milliards de litres à l’horizon 2033.
Colombie
D’après les projections, la demande d’éthanol augmentera au cours de la période considérée, suivant en cela la reprise de la demande d’essence. À moyen terme, le taux d’incorporation devrait revenir à 10 %. Les présentes Perspectives estiment que la canne à sucre demeurera la principale matière première. D’ici 2033, la consommation de biocarburants absorbera environ 30 % de la production de canne à sucre, contre 15 % sur la période de référence, confirmant ainsi l’importance de l’éthanol pour la pérennité du secteur colombien de la canne à sucre. Le taux d’incorporation du biodiesel dépasse 10 % et devrait se maintenir ainsi pendant la période de projection.
Autres pays
Les autres producteurs d’éthanol relativement importants sont le Paraguay, les Philippines et le Pérou, où la production pourrait atteindre respectivement presque 1 milliard, 0.6 milliard et 0.2 milliard de litres d’ici 2033. Au Paraguay, le taux d’incorporation devrait se rétablir et atteindre 30 % en 2033. La Malaisie, les Philippines et le Pérou sont également de gros producteurs de biodiesel, avec une production qui pourrait s’établir respectivement à 1.4 milliard, 0.3 milliard et 0.3 milliard de litres d’ici à 2033. En Malaisie, le taux d’incorporation devrait se maintenir autour de 9 %, tandis qu’au Pérou et aux Philippines, il tournera respectivement autour de 7 % et 4 %. Dans les autres pays asiatiques, et en particulier à Singapour, la production de biodiesel à l’aide d’huiles de cuisson usagées pourrait progresser pour atteindre environ 0.9 milliard de litres en 2033. Contrairement à la plupart des pays, qui utilisent leurs biocarburants sur le territoire national pour faire baisser leurs émissions de GES et réduire leur dépendance à l’égard des importations de pétrole, Singapour exporte une grande partie de sa production de biodiesel.
9.3.2. Échanges
Les échanges mondiaux de biocarburants devraient rester stables
Les échanges mondiaux d’éthanol devraient s’accroître et passer de 10.7 milliards à 12.4 milliards de litres d’ici 2033, mais ils continueront de représenter quelque 8 % de la production pendant la période de projection. Les États-Unis et le Brésil devraient conserver leur statut de principaux exportateurs d’éthanol à base de maïs et de canne à sucre. À eux deux, ces pays devraient continuer de représenter quelque 75 % des exportations mondiales, les États-Unis gagnant toutefois quelques parts de marché au détriment du Brésil.
Au niveau mondial, les échanges de biodiesel représentent 13 % de la production et devraient diminuer de 8.8 milliards à 8.4 milliards de litres à l’horizon 2033, ce qui réduira le pourcentage précité à 11 %. Les exportations indonésiennes de biodiesel se sont effondrées en 2020 et sont restées faibles depuis. Compte tenu du niveau élevé de la demande intérieure, les présentes Perspectives ne tablent pas sur un important volume de biodiesel indonésien sur les marchés internationaux. Les cinq plus gros exportateurs de biodiesel – Chine, Union européenne, États-Unis, Argentine et Indonésie – devraient accroître leur part de marché, de 75 % pendant la période de référence à 78 % en 2033 (Graphique 9.4).
9.3.3. Prix
Les prix réels devraient fléchir
Suite à leur flambée en 2022, les prix nominaux du biodiesel et de l’éthanol ont diminué en 2023 et devraient poursuivre cette tendance en 2024, principalement sous l’effet de la baisse des prix du pétrole et des matières premières. On prévoit donc une augmentation progressive des prix nominaux des biocarburants jusqu’en 2033. En valeur réelle, cependant, les prix de l’éthanol et du biodiesel devraient fléchir durant la prochaine décennie (Graphique 9.5).
9.4. Risques et incertitudes
Copier le lien de 9.4. Risques et incertitudesL’évolution des politiques et les prix relatifs sont déterminants
Les incertitudes proviennent du paysage de l’action publique, de la disponibilité des matières premières et du prix du pétrole. Les incertitudes liées à l’action gouvernementale concernent notamment les variations des niveaux d’incorporation prescrits, les mécanismes mis en œuvre pour contrôler l’application des règles, l’investissement dans les produits non traditionnellement destinés à la production de biocarburants, les exonérations fiscales et les subventions dont bénéficient les biocarburants et les carburants fossiles, ainsi que les mesures prises pour assurer la promotion des véhicules électriques et de la technologie des carburants aériens durables (CAD).
Les fluctuations des prix des carburants fossiles ont un impact direct sur la compétitivité des biocarburants, souvent liée au subventionnement du secteur. La volatilité sur les marchés du pétrole a tendance à déstabiliser le marché des biocarburants, avec des effets qui risquent de se prolonger dans le temps. L’incertitude se manifeste également au niveau de l’offre de matières premières, les pays donnant généralement la priorité aux excédents pour produire les biocarburants, de manière à préserver la disponibilité et la sécurité alimentaires. Tandis que les obligations d’incorporation devraient stimuler la production de biocarburants dans les économies émergentes, les récentes hausses de prix sur les marchés des céréales et des huiles végétales ont relancé les débats concernant les dimensions éthiques de la production de carburants par opposition à celle de produits destinés à l’alimentation humaine. Les biocarburants avancés offrent des possibilités plus larges que les seules cultures conventionnelles : les produits cellulosiques (tels que les résidus agricoles et les cultures énergétiques) peuvent en effet être utilisés pour accroître la production sans porter atteinte à l’offre de produits alimentaires. L’utilisation des déchets (par exemple les déchets urbains solides et les huiles de cuisson usagées) en tant que matières premières est une autre alternative viable, qui procure également des avantages supplémentaires pour la gestion des déchets.
Le parc mondial de véhicules électriques n’a cessé d’augmenter depuis le milieu des années 2000, sachant que plus de 20 pays ont pris l’engagement de stopper progressivement la vente de véhicules à moteur à combustion interne et que 8 pays plus l’Union européenne s’engagent à proposer des véhicules à zéro émission nette dans les 10 à 30 prochaines années. Dans le monde entier, les pouvoirs publics ont instauré des objectifs de déploiement des véhicules électriques, des incitations d’achat et des programmes de soutien pour encourager l’adoption de ce type de véhicules et la recherche dans le domaine. Pour autant, les ventes de cette catégorie de véhicules sont actuellement en baisse aux États-Unis par rapport à la réaction initiale du marché, peut-être à cause des avancées moins rapides que prévu du développement de l’infrastructure. De surcroît, les récents débats qui ont lieu au sein des pays au sujet de la protection des marchés intérieurs contre les véhicules électriques importés afin de préserver les industries nationales pourraient accroître l’incertitude qui entoure l’adoption de ces véhicules. Si la production et la consommation de carburant aérien durable (CAD) ne sont pas explicitement modélisées dans les Perspectives, toute augmentation significative de leur utilisation sur le long terme peut avoir un impact important sur la consommation de matières premières avancées, selon les progrès technologiques et l’ambition des politiques publiques. Les biocarburants peuvent également jouer un rôle important au regard de la décarbonation du secteur maritime. Les avancées technologiques et les modifications réglementaires dans le secteur des transports pourraient avoir des effets non négligeables sur les projections du marché des biocarburants. Les pays devraient mettre en œuvre des dispositifs promouvant l’utilisation des nouvelles technologies pour réduire les émissions de GES, introduisant de l’incertitude sur les marchés agricoles et ayant une influence sur la demande future de biocarburants. La réaction du secteur privé à ces mesures, en particulier l’investissement des industries dans les véhicules électriques et les carburants aériens durables, déterminera les évolutions de la consommation de biocarburants au cours des dix prochaines années et au-delà.
← 1. La consommation mondiale de carburants prise pour référence dans les présentes Perspectives est tirée de l’édition 2023 des Perspectives énergétiques mondiales de l’AIE.