Ce chapitre fait valoir qu’en recentrant leurs politiques d’’atténuation du changement climatique autour du bien-être des personnes, les pays seront plus à même d’identifier et de mettre en œuvre des mesures permettant de renverser la tendance à la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Cela leur permettra également d’éviter de verrouiller l’usage de technologies à forte intensité de carbone et d’atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du XXIe siècle, ou peu après. Cette approche aura vraisemblablement des implications différentes selon les pays, selon leurs niveaux de développement et des défis et perspectives auxquels ils devront faire face. En recentrant leurs politiques sur le bien-être des personnes et les adaptant à leurs contextes nationaux, les gouvernements pourront plus facilement atteindre leurs objectifs climatiques, mais aussi améliorer le bien-être.
Accélérer l’action pour le climat
1. Revaloriser l’action pour le climat en mettant en son centre le bien-être des personnes
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L'utilisation de ces données par l'OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
En Bref
Le monde s'est déjà réchauffé de 1 °C en moyenne, et juillet 2019 a été le mois de juillet le plus chaud jamais enregistré. Les phénomènes météorologiques extrêmes font des ravages dans le monde entier. Sans une action accélérée d’atténuation du réchauffement climatique, les risques pour la santé humaine, la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau continueront de croître, menaçant notre capacité à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD). Nous devons inverser la tendance pour atteindre rapidement la neutralité carbone d’ici 2050 ou peu de temps après.
La transition vers une économie bas carbone nécessite une transformation sans précédent de nos sociétés, qui à l’heure actuelle ne se produit pas assez rapidement pour atteindre les objectifs internationaux. Les investissements dans les technologies renouvelables comme l’éolien et le solaire marquent le pas, même si elles sont moins onéreuses que les énergies fossiles dans de nombreux endroits. Les centrales à charbon, en particulier celles mises en service récemment en Asie, sont encore responsables de 30 % des émissions de CO2 liées à l’énergie, qui, selon l’AIE, augmentent plus rapidement (+2.9 % en 2018) que les émissions de CO2 dans leur ensemble (+1.7 %).
Il est nécessaire de placer systématiquement le bien-être des individus au centre de la prise de décision pour accroître le soutien politique et social en faveur d’une action d’atténuation plus ambitieuse et surmonter les obstacles au changement. Le concept de bien-être va au-delà du bien-être économique et englobe des dimensions telles que les droits politiques et sociaux, la santé, l’éducation, la sécurité et la qualité environnementale. Ce rapport fait référence au bien-être présent et futur, lequel est synonyme de développement durable.
L’atténuation du changement climatique peut à la fois améliorer le bien-être des générations actuelles et renforcer les ressources nécessaires au bien-être futur. Les arbitrages potentiels entre la politique climatique et d’autres objectifs tels que le pouvoir d’achat, la compétitivité et l’emploi limitent l’ambition de l’action climatique. L’approche axée sur le bien-être permet de mettre en évidence ces co-bénéfices et ces arbitrages, ce qui permet aux décideurs d’opérer un « double alignement » entre les objectifs d’atténuation du changement climatique et les objectifs plus généraux de bien-être.
Remettre le bien-être des individus au centre des politiques suppose de veiller à ce que les décisions intègrent de multiples objectifs de bien-être, y compris ses dimensions climatiques. Elle exige aussi d’adopter une perspective à l’échelle de l’ensemble de l’économie, plutôt que de se concentrer sur un ensemble restreint d’objectifs, considérés isolément les uns des autres. Par exemple, en éliminant la combustion d’énergies fossiles pour lutter contre la pollution de l’air et ses effets délétères, on améliore à la fois le climat et santé et on crée des co-bénéfices. En termes d’arbitrages, en anticipant les effets potentiels de l’augmentation des prix des carburants sur le coût final des transports, on permet la mise en place de compensations, soit par l’application de mesures compensatoires ciblées soit en investissant dans les infrastructures de transports publics. Cela rend ces hausses de prix à la fois plus acceptables et plus efficaces.
Si nous adoptons une approche axée sur le bien-être dans des secteurs clés, nous pouvons améliorer nos chances collectives de limiter le changement climatique tout en améliorant le bien-être des personnes. Ce rapport examine cinq secteurs économiques (électricité, industrie lourde, logements, transports de surface et agriculture) qui représentent ensemble plus de 60 % des émissions mondiales de GES. Il explique comment la réévaluation des priorités d’action et la collection d’un ensemble d’indicateurs pour orienter les décisions et suivre les progrès dans chaque secteur peuvent aider les gouvernements à créer un « double alignement » entre le climat et d’autre dimensions du bien-être des personnes, telles que la santé publique et la sécurité, le pouvoir d’achat, la sécurité d’accès aux ressources, la gestion des ressources naturelles, tout en créant de nouvelles opportunités d’emploi. Il examine également comment concevoir, mettre en œuvre et évaluer les politiques climatiques dans ces secteurs, tout en tenant compte des co-bénéfices et des arbitrages potentiels.
[D]e même que tout programme d’action global en faveur du bien-être doit comporter une action résolue pour le climat, élément indispensable à la qualité de vie, nous devons placer l’être humain au centre de la politique climatique afin de garantir des résultats équitables pour l’ensemble des pays, des communautés, des individus et des générations. (Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE)
1.1. Le contexte climatique
Le changement climatique est déjà une réalité. À moins d’accentuer considérablement les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), le monde dans lequel l’humanité a évolué pendant plusieurs milliers d’années s’en trouvera transformé. La température moyenne à la surface de la planète a déjà augmenté d’environ un degré Celsius (°C) par rapport à l’ère préindustrielle, du fait en grande partie des concentrations accrues de GES dans l’atmosphère et des effets complexes des aérosols atmosphériques générés par les activités humaines (Berkeley Earth, 2017[1]). Les répercussions du changement climatique sur le bien-être humain se font de plus en plus sentir (Watts et al., 2015[2]) et les risques de subir des impacts « graves, généralisés et irréversibles » seront d’autant plus grands que la température de la planète sera élevée (GIEC, 2014[3]). Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), intitulé Global Warming of 1.5°C (GIEC, 2018[4]), souligne les avantages considérables que procurerait une limitation à 1.5 degré Celsius (°C) de l’augmentation de la température mondiale imputable aux émissions de GES, au lieu de +2 °C ou davantage. Cela éviterait en particulier des effets délétères sur des écosystèmes uniques menacés (tels que les récifs coralliens) et atténuerait les conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes.
Pour atteindre les objectifs d’atténuation du changement climatique des différents pays, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère – principal facteur à l’origine du changement climatique – devront être ramenées à zéro en termes nets dès les premières années de la seconde moitié du XXIe siècle, c’est-à-dire d’ici 30 ans, ou peu après, selon la rigueur de l’objectif d’atténuation. À cet effet, tous les pays devront procéder à de fortes réductions des émissions à l’échelle de toute l’économie, avec toutefois des différences dans les priorités et les calendriers de mise en œuvre selon leur situation et leurs capacités. Les économies aux revenus les plus élevés devront ramener leurs émissions nettes à zéro avant les autres pour donner plus de temps aux pays à plus faibles revenus. Le niveau des émissions cumulées de CO2 compatible avec un objectif donné de limitation du réchauffement mondial dépendra aussi du degré auquel les émissions de GES autres que le CO2 seront réduites. Les travaux de modélisation les plus avancés portent à croire qu’un recours à grande échelle aux technologies de captation du CO2 atmosphérique serait indispensable pour atteindre des objectifs d’atténuation suffisamment ambitieux ; cela permettrait également d’assouplir les contraintes très strictes mises sur les émissions résiduelles de COE21. Cependant, à ce stade, l’application à grande échelle de ces technologies n’a pas été démontrée ou déployée2, il est donc loin d’être certain qu’elles soient disponibles à l’échelle nécessaire. On ignore également en grande partie quels seraient leurs coûts et leurs conséquences pour l’utilisation des terres et les ressources en eau. Ces incertitudes renforcent la nécessité d’assurer de bien plus importantes réductions des émissions de CO2 à brève échéance. « Espérer un monde meilleur » n’est pas une politique que l’OCDE recommande.
Afin d’encourager des mesures d’atténuation plus ambitieuses à court terme, le présent rapport préconise l’adoption d’une stratégie d’atténuation du changement climatique axée sur le bien-être des personnes. Une telle approche permettra d’accroître le soutien politique et social en faveur d’une action rapide et ambitieuse pour réduire les émissions de GES. Elle implique de définir les objectifs des politiques en termes de bien-être (y compris en ce qui concerne les risques et les impacts associés au changement climatique) et d’en tenir systématiquement compte dans les décisions prises dans tous les secteurs de l’économie. De plus, il est souhaitable d’intégrer simultanément plusieurs dimensions du bien-être et leurs liens d’interdépendance doivent être suffisamment bien compris.
Ce rapport examine les efforts entrepris pour aller au-delà du Produit Intérieur Brut, étape essentielle pour placer le climat et plus largement le bien-être au centre des décisions dans tous les secteurs de l’économie. Parmi les initiatives dont il sera question, figurent les Objectifs de développement durable (ODD) et le cadre d’évaluation du bien-être et du progrès de l’OCDE (dénommé « cadre du bien-être de l’OCDE » ci-après). Le rapport propose un changement de perspective pour ce qui est de l’élaboration des politiques dans cinq secteurs – électricité, industrie, logement, transports et agriculture –. Il identifie les priorités essentielles pour promouvoir les objectifs plus larges de durabilité et de bien-être énoncés dans les ODD et dans le cadre du bien-être de l’OCDE. Des systèmes d’évaluation appropriés sont nécessaires pour permettre aux décideurs de tenir compte des co-bénéfices et arbitrages potentiels entre les multiples priorités au sein de chaque secteur et entre les différents systèmes.
L’adoption d’une approche axée sur le bien-être dans l’ensemble des secteurs et l’utilisation d’indicateurs plus adaptés pour suivre les performances et guider les décisions exerceront une grande influence sur l’élaboration des politiques et leurs priorités. Dans le cas de l’action pour le climat, cela permettra de lutter plus efficacement contre le changement climatique, tout gagnant le soutien des populations grâce aux divers autres avantages qu’ils offrent. Ces aspects sont au centre de la partie II de ce rapport, qui examine les stratégies mises en œuvre pour assurer ce « double alignement » dans chacun des secteurs précédemment mentionnés.
1.1.1. Un moment décisif
Les transitions nécessaires sont d’une ampleur sans précédent (GIEC, 2018[4]). Elles exigeront la mobilisation d’investissements conséquents dans des technologies et des infrastructures bas-carbone (OCDE, 2017[5]). Il faudra également sauvegarder et restaurer les écosystèmes, qui jouent un rôle majeur dans la réduction et la séquestration du CO2 atmosphérique. Dans leur rapport, Financing Climate Futures: Rethinking Infrastructure, l’OCDE, ONU-Environnement et le Groupe de la Banque Mondiale examinent de manière plus approfondie le programme de transformation que les gouvernements devront mettre en œuvre dans des domaines essentiels comme la planification, l’innovation, l’élaboration des budgets publics, le financement privé, le financement du développement et les villes (OCDE/Banque mondiale/ONU Environnement, 2018[6]).
Dans le même temps, il est urgent d’atteindre les 17 ODD. S’il est vrai qu’un seul a trait au climat, les progrès dans la réalisation de bien d’autres de ces objectifs en dépendent. Le respect des objectifs d’éradication de la pauvreté, de lutte contre la faim, d’éducation de qualité pour tous, d’égalité entre les sexes, de villes durables et de sauvegarde de la biodiversité marine et terrestre sera fonction de la capacité collective à limiter les risques climatiques. À l’évidence, ces grands objectifs ne pourront pas être poursuivis indépendamment les uns des autres, que ce soit en substance ou sur le plan financier. Les ODD sont étroitement imbriqués, et il est possible, en mettant en œuvre les actions adéquates, de tirer parti d’importants co-bénéfices entre un grand nombre d’objectifs différents3.
Mettre en œuvre les transitions nécessaires de manière simultanée et dans un grand nombre de secteurs différents impliquent des coûts assurément importants, qui peuvent cependant être aisément surestimés. Dans certains secteurs, ces coûts seront contrebalancés par une baisse des coûts liés aux combustibles (OCDE, 2017[5]) et compensés par des avantages non climatiques, peut-être même avant que les principaux avantages de la réduction des risques climatiques ne deviennent évidents. D’après une récente étude de la Banque Mondiale (Banque mondiale, 2019[7]), une totale décarbonation d’ici la fin du siècle dans les pays à faibles revenus et à revenus intermédiaires ne sera pas nécessairement plus coûteuse que les trajectoires de développement plus émettrices en CO2.
De fait, comme cela a été récemment souligné par (Zenghelis, 2019[8]), les coûts d’une transition dans le secteur de l’énergie sont endogènes et dépendent de la trajectoire choisie. L’effondrement du coût des technologies renouvelables observé depuis une dizaine d’années n’avait pas été largement anticipé, mais il a complètement bouleversé la logique traditionnelle de la décarbonation dans le secteur de l’électricité. Bon nombre de projections sur la part du solaire dans le mix énergétique à l’horizon 2050 seront probablement dépassées4. Des progrès similaires sont non seulement nécessaires, mais aussi réalisables dans d’autres secteurs, bien qu’à des degrés variables de difficulté. Pour répondre efficacement au changement climatique, il faudra modifier en profondeur le système d’innovation et assurer la diffusion d’un éventail plus large de technologies pour le développement durable. Des changements devront également être apportés aux systèmes financiers et à leurs réglementations, aux modes de vie et à la gestion des écosystèmes (pour ne citer que quelques exemples)5. Au cœur de ces nombreux changements, il est nécessaire de repenser les priorités qui guident les décisions et les politiques appliquées dans l’ensemble de l’économie, pour veiller à ce qu’elles soient compatibles avec les objectifs climatiques et avec les autres transitions nécessaires pour assurer le bien-être humain, à court et long terme. L’un des objectifs du présent rapport est d’encourager et d’étayer la révision et la redéfinition des priorités dans tous les secteurs de l’économie.
Le monde se trouve à la croisée des chemins. À supposer même que tous les pays mettent en œuvre les mesures nationales visant à réduire les émissions de GES auxquelles ils se sont engagés (les « contributions déterminées au niveau national » [CDN] à l’action après 2020), ces dernières ne sont pas à la hauteur de l’ambition de contenir l’élévation des températures bien en deçà de 2 °C, et encore moins 1.5 °C (PNUE, 2018[9]). Sans de nouveaux efforts pour les réduire, les émissions devraient atteindre des niveaux entraînant d’ici la fin du siècle un réchauffement de 3 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Et pourtant, , les pays du G20 considérés collectivement ne sont toujours pas sur la voie de la réalisation de leurs CDN (PNUE, 2018[9]).
On sait désormais qu’une hausse d’une telle ampleur des températures moyennes à la surface de la Terre aurait des conséquences majeures et ce de façon systémique. Le récent rapport spécial du GIEC, intitulé Global Warming of 1.5°C (GIEC, 2018[4]), relève que « les risques climatiques pour la santé, les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau, la sécurité humaine et la croissance économique devraient s’accroître avec un réchauffement planétaire de 1.5 °C et à plus forte raison s'il atteint 2 °C ». Les populations défavorisées et vulnérables, et celles dont les moyens de subsistance dépendent de l’agriculture et des zones côtières sont les plus exposées à ces risques (GIEC, 2018[4]). Comment l’ensemble plus large des ODD pourrait-il être atteint face à de tels vents contraires ?
Pour respecter l’objectif de 1.5 °C ou de moins de 2 °C, le GIEC estime que les émissions mondiales de CO2 devront diminuer, par rapport à 2010, de 20-45 % d’ici 20306. D’après les estimations, les émissions de CO2 liées à l’énergie ont pourtant progressé de 1.7 % en 2018, du fait de rapides augmentations de la demande7. Les données compilées par le Projet mondial sur le carbone (Graphique 1.1) n’indiquent nullement que les émissions mondiales de CO2 soient près d’atteindre leur niveau maximal, condition préalable à une neutralité carbone pour la seconde moitié du siècle. D’après l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), l’essentiel de l’augmentation des émissions enregistrée en 2018 était imputable aux centrales électriques au charbon, majoritairement situées en Asie. Ces centrales ne sont en moyenne vieilles que de 12 ans, ce qui entraîne par conséquent un verrouillage majeur d’actifs à forte intensité de CO2. Fait inquiétant, une récente analyse de l’OCDE porte à croire que des moyens de production au charbon d’une puissance d’environ 200 GW (soit l’équivalent de 10 % de l’actuelle puissance installée des centrales au charbon) seront construits dans les cinq prochaines années. En l’absence d’un déploiement massif de technologies de captage et de stockage du carbone (CSC), une telle évolution n’est pas compatible avec l’objectif de limitation du réchauffement bien en deçà de 2 °C. Au contraire, la réalisation de cet objectif exige une baisse rapide de la production d’électricité à partir de charbon dans les prochaines décennies (Mirabile et Calder, 2018[10]). Ces craintes sont amplifiées par le fait que les investissements dans de nouveaux moyens de production renouvelable et dans l’efficacité énergétique ont marqué le pas en 2018, malgré une baisse constante du coût des énergies renouvelables (AIE, 2019[11]). Les données montrent que la persistance des subventions en faveur des combustibles fossiles (OCDE, 2018[12]) a pour effet de réduire sensiblement l’investissement dans des capacités de production d’énergies renouvelables (Röttgers et Anderson, 2018[13]).
Dans un discours de 2015, le Gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, a employé la formule restée célèbre de la « tragédie de l’horizon » pour attirer l’attention sur un problème clé auquel se heurte l’action pour le climat, qui tient au fait que « les conséquences catastrophiques du changement climatique ne se feront sentir qu’au-delà des horizons traditionnels de la plupart des acteurs – imposant aux générations futures un coût que la génération actuelle n’est pas directement incitée à prévenir » (Carney, 2015[14]). S’appuyant sur cette contribution fondamentale, le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, a mis en lumière une autre difficulté dans son discours de 2017 sur le climat, à savoir la nécessité de dépasser un horizon purement national pour s’attaquer à ce qui constitue de fait un problème mondial (OCDE, 2017[15]). Insistant sur l’importance que revêtent les acteurs infranationaux et les autres acteurs non étatiques pour l’action en faveur du climat, M. Gurría a également souligné qu’une action visant à remédier à certains problèmes locaux (tels que la pollution de l’air) et procurant d’importants avantages à plus brève échéance pouvait contribuer à un alignement des incitations nationales à court terme sur les objectifs à plus long terme de l’action climatique, et que l’adoption d'une approche inclusive était essentielle à cet effet.
Il y a de bonnes raisons de penser que, même d’un point de vue purement national, les CDN actuelles ne sont pas assez ambitieuses... L’incitation à réduire les émissions devrait être renforcée par les avantages connexes des mesures d’atténuation, tels que l’amélioration de la santé publique découlant de la baisse de la pollution de l’air et la diminution des encombrements grâce à une plus grande fréquentation des transports collectifs. (Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE)
Un modèle conceptuel, faisant abstraction des problèmes de coordination et de coopération entre pays peut aider à illustrer comment ces différents effets se font sentir à différentes échelles temporelles (Graphique 1.2). Le modèle comporte trois périodes et deux générations, la génération prenant les décisions pour la première période. Ce modèle tient compte du fait qu’un seul cycle d’investissements sépare le monde de la mise en place, pour une très longue période, d’équipements qui entraîneront de graves dommages climatiques8. L’encadré 1.1 examine plus en détail ce modèle et met en lumière quelques éléments cruciaux dont il convient de tenir compte pour déterminer quand mettre en œuvre l’action climatique et à quelle ampleur. En particulier, cela dépend du niveau de revenu initial et du potentiel d’émission des facteurs de production, mais aussi du poids accordé au long terme et de la nature des dommages climatiques.
Ce modèle stylisé ne tient pas compte des enjeux d’économie politique liés à l’impact de la transition sur les entreprises et les travailleurs– alors qu’ils déterminent également le degré d’ambition de l’action climatique. L’un des avantages clés de la mise en œuvre d’une approche axée sur le bien-être des personnes (voir ci-dessous) pour atténuer le changement climatique tient au fait qu’elle aide à identifier les co-bénéfices et les arbitrages entre les objectifs d’atténuation et les autres objectifs de bien-être. Elle contribue également à élargir le soutien politique en faveur de l’action climatique ; elle répond enfin aux craintes des individus qui pourraient autrement souffrir des conséquences de la transition bas carbone, tels que les travailleurs des industries appelées à disparaître. Cette question est abordée dans les « principes directeurs pour une transition juste » de l’Organisation Internationale du Travail, publiés en 2015 (OIT, 2015[18]). D’autres approches complémentaires seront également importantes pour faire évoluer l’approche des entreprises dans leurs stratégies, leurs choix financiers, leur gouvernance interne, ainsi que pour la gestion et la mesure des risques9. L’adoption des recommandations du Groupe de travail sur la publication d'informations financières relatives au climat (Task Force on Climate-related Financial Disclosures) du Conseil de stabilité financière en est un bon exemple. Avec le temps, la dynamique de l’économie politique s’en trouvera modifiée, à mesure que davantage d’entreprises s’intéresseront aux bénéfices et aux opportunités d’une action forte pour le climat.
Qu’est-ce qui peut être fait pour que la société parvienne collectivement à contenir le réchauffement de la planète bien en deçà de 2 °C, compte tenu de l’évolution préoccupante des émissions et des investissements précédemment évoquée, ainsi que le faible niveau global d’ambition de la première vague de CDN établies dans le cadre du processus de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC)? Le poids à attribuer au long terme dans les décisions a suscité bon nombre d’analyses et de commentaires. L’exhortation morale à se soucier davantage des générations futures n’aura, en elle-même, que des effets limités. Dans beaucoup de pays, surtout à faibles revenus, la réaction, tout à fait compréhensible, consistera à dire que la priorité doit être donnée aux pauvres de la génération actuelle. Des mécanismes institutionnels instaurant un devoir à l’égard des générations futures pourraient modifier la nature et la dynamique de la prise de décision. C’est le rôle que tiennent le comité du changement climatique (Climate Change Committee) au Royaume-Uni, le Commissaire aux générations futures au Pays de Galles dispose d’un et le Commissaire parlementaire à l’environnement en Nouvelle-Zélande10. Les récentes manifestations de la jeunesse contre l’inaction climatique pourraient également modifier les stratégies politiques. Tout comme les efforts pour renforcer la transparence auprès entreprises quant à leurs engagements vis-à-vis du climat, ces mécanismes pourraient permettre de s’attaquer à la tragédie de l’horizon en donnant plus d’importance aux générations futures dans les décisions actuelles.
Encadré 1.1. Action climatique : quand agir et à quelle échelle ?
On peut considérer que chacune des périodes du modèle simplifié illustré sur le Graphique 1.2 correspond à une durée de vie relativement longue –peut-être 20 ans – des investissements d’infrastructures. Au cours de la période 1 (qui débute vers 2015-20), la génération actuelle hérite d’un stock de capital caractérisé par une certaine intensité d’émission de CO2 et prend des décisions concernant la part de la production qu’elle consommera ou qu’elle investira. Elle décide également dans quelle mesure l'investissement dans la production future mise sur des technologies sobres en carbone plutôt qu’à forte intensité de carbone. Cela détermine ensuite le niveau de production et le degré de verrouillage des émissions au cours de la période 2 (2035-40). La production de la période 2 est partagée entre la consommation durant cette période et un legs en faveur de la génération future, en fonction de l’importance accordée au long terme dans les décisions initiales d’investissement. La valeur du legs éventuel dépend non seulement des niveaux d’investissement, mais aussi – et surtout – des émissions cumulées de CO2 au cours des deux périodes précédentes1.
Bien que simplifié, le modèle met en lumière quelques considérations et incitations déterminantes pour l’action climatique :
Les points de départ ont de l'importance. Le niveau initial des revenus et de l’intensité d’émission des facteurs de production contribue à déterminer les mesures d’atténuation : l’incitation à atténuer le changement climatique sera d’autant plus forte dans un souci de bien-être social que le niveau des émissions verrouillées imputables à la production actuelle sera élevé par rapport au volume souhaité des émissions cumulées de CO2. Les émissions verrouillées sont à leur tour fonction du niveau de production (PIB) et de l’intensité d’émission de l’économie. Toutes choses égales par ailleurs, dans un monde à très faibles revenus – ou dont les technologies seraient très propres – les incitations à réduire les émissions seraient moindres que dans une économie avec un PIB plus élevé et des technologies plus polluantes. La concentration initiale de CO2 dans l’atmosphère a également de l'importance : si elle est faible, les dommages climatiques sont plus limités et les incitations à agir sont donc moindres. Les concentrations actuelles de CO2 atmosphérique sont toutefois bien plus élevées que jamais au cours des 800 000 dernières années, et les émissions de CO2 continuent d’augmenter rapidement.
Le revenu actuel détermine les niveaux d’investissement et de l’action pour l’atténuation. La consommation future générée par un investissement réalisé aujourd’hui a moins de valeur que la consommation actuelle, pour des raisons liées à la préférence pour le présent, mais aussi à l’aversion pour le risque ou aux inégalités de revenu. Il s’ensuit la consommation à laquelle un investissement oblige à renoncer au cours de la période 1 (ie le coût marginal de l'investissement),), influe sur la taille de cet investissement. Toutes choses égales par ailleurs, un revenu initial plus faible tend à accroître le coût de l'investissement dans une technologie donnée en termes de consommation sacrifiée. Si les technologies plus propres sont plus (ou moins) coûteuses que celles intensives en carbone, cet effet s’en trouve renforcé (ou atténué). Cependant, si la production induit d’autres coûts sociaux (comme les impacts de la pollution de l’air sur la santé), ceux-ci amplifient l'incitation à investir dans des technologies propres plutôt que polluantes. D’importants coûts d’ajustement économique et social devront vraisemblablement être supportés dans la vie réelle ; ils pourraient réduire les investissements dans les technologies propres au profit des technologies établies.
La valeur accordée au long terme constitue un important déterminant de l’exigence de l’action d’atténuation. Il s’agit pour l’essentiel de la tragédie de l’horizon : les cadres traditionnels de prise de décision économique et les acteurs politiques et économiques risquent d’accorder un poids insuffisant au long terme. L’analyse coûts-avantages peut répondre aux craintes concernant la sous-évaluation du long terme grâce à l’application de taux d’actualisation diminuant au fil du temps. (Stern, 2006[19]) a préconisé une action forte en faveur du climat fondée sur un taux d’actualisation peu élevé, mais des mesures exigeantes d’atténuation rigoureuses peuvent être justifiées même avec des taux d’actualisation plus élevés (Sterner et Persson, 2008[20]).
La nature et la gravité des dommages climatiques. Le degré d’aggravation des dommages climatiques au fur et à mesure de l’élévation des concentrations de CO2 exerce également une importante influence sur l'incitation d'un pays à réduire ses émissions. De solides arguments portent à croire que les pays n’ont pas suffisamment pris en compte dans leurs décisions tout l’éventail des dommages climatiques ou la « probabilité que les impacts soient graves, généralisés et irréversibles » (GIEC, 2014[21]). Les pays sont étroitement liés entre eux par des courants d’échanges et des chaînes de valeur mondiales d’une grande complexité. Par conséquent, des impacts peuvent être occasionnés ailleurs dans le monde que les pays ne comprennent ou n’apprécient pas forcément pleinement s’ils se contentent d’évaluer leurs investissements seulement en fonction des dommages climatiques intervenant sur leur territoire national.
Source : les auteurs, d’après (Buckle et al., 2014[17]).
1. En réalité, bien sûr, les générations se chevauchent. Mais cette distinction nette aide à mettre en évidence les différentes incitations intergénérationnelles en jeu. Dans ce modèle, tout est déterminé par les décisions d’investissement initiales, en partant du principe d’une maximisation du bien-être social en fonction des préférences par la suite.
1.2. Le double alignement et l’approche axée sur le bien-être
Aux plans politique, économique et social, les politiques d’atténuation seront vraisemblablement plus faciles à mettre en œuvre – et plus efficaces en termes de coûts –si un double alignement entre l’action climatique et les objectifs plus larges de bien-être humain et de développement durable est assuré. Le premier impératif est que les politiques non-climatiques doivent appuyer les efforts pour atteindre les objectifs climatiques, au lieu de les entraver. C’est l’un des grands thèmes abordés dans la publication de l’OCDE intitulée Aligning Policies for the Low-carbon Economy (OCDE/AIE/AEN/FIT, 2015[22]). Les exemples de non alignement auquel il convient de remédier comprennent la fiscalité plus basse dont bénéficient les véhicules d’entreprise, ou encore l’amortissement fiscal accéléré des infrastructures dépendant des combustibles fossiles, plus rapide que ceux ayant recours aux énergies renouvelables, ce qui favorise la perpétuation des activités à forte intensité d’émission. Le rapport Investing in Climate, Investing in Growth (OCDE, 2017[5]) a examiné des trajectoires de transition inclusives, progressives et propices à l’activité économique.
Le second impératif implique que, pour être plus attractive, l’atténuation du changement climatique doit également satisfaire d’autres objectifs sociaux importants, ou, au moins, ne pas avoir d’effet négatif sur les dimensions essentielles du bien-être. Les éventuels effets sur le bien-être se feront souvent à plus brève échéance que les retombées bénéfiques sur le climat, qui ne seront perceptibles qu’à plus long terme. En cas d’impacts positifs sur le bien-être, leur caractère plus immédiat contribuera à contrer le manque de vision à long terme omniprésent dans la prise de décisions, à tous les niveaux, des sphères civiles à gouvernementales, entravant les efforts d’atténuation. En revanche, les effets négatifs sur le bien-être des politiques d’atténuation, par exemple sur les emplois dans certains secteurs ou la disponibilité de services clés tels que l’énergie ou les transports, risquent d’entraver encore davantage la lutte contre le changement climatique, voire de la faire régresser.
Le nécessaire double alignement n’est pas suffisamment assuré pour l’heure, ce qui constitue un obstacle majeur à l’accélération des efforts d’atténuation des gouvernements et de la société. Le présent rapport préconise que les impacts de la lutte contre le changement climatique sur le bien-être soient systématiquement pris en compte dans les processus décisions, étape indispensable pour mettre en évidence les co-bénéfices et gérer les compromis possibles, et donc pour contribuer à assurer le double alignement et remettre sur les rails l’action pour l’atténuation du climat. Il désigne ce changement de perspective dans l’élaboration des politiques par l’expression adoption d’une approche axée sur le bien-être. Cela signifie dans ce rapport que11 :
Les objectifs des pouvoirs publics sont définis en termes de bien-être des personnes (y compris pour ce qui est des risques liés au changement climatique) et sont systématiquement pris en considération dans les processus de décision à tous les niveaux de l’économie.
Les décisions prises tiennent compte des multiples objectifs de bien-être, au lieu de se focaliser sur un seul objectif (ou sur un ensemble très réduit d’objectifs) indépendamment des autres.
Les interdépendances entre les différents secteurs et systèmes économiques au sein desquels intervient une politique donnée sont suffisamment appréhendées.
Recentrer la politique climatique d’atténuation autours du bien-être peut apporter des bénéfices substantiels aux générations actuelles en termes de bien-être, tout en préservant les ressources nécessaires au bien-être futur12. Le plus évident de ces bénéfices est sans doute une amélioration de la santé publique, notamment grâce à la réduction de la pollution de l’air (voir l’Encadré 1.2 de ce chapitre) et des émissions imputables à la production d’électricité (chapitre 2), aux transports (chapitre 4) et à l’agriculture (chapitre 6). Une réduction de la combustion d’énergies fossiles aura pour effet de diminuer les émissions de CO2, mais entraînera également une baisse des niveaux de pollution atmosphérique imputables aux particules fines et aux composés chimiques, dont certains sont des précurseurs de l’ozone troposphérique qui est à l'origine de graves dommages. Comme l’a montré (Perera, 2017[23]), les enfants et les fœtus sont beaucoup plus vulnérables aux polluants atmosphériques toxiques que les adultes. La combustion d’énergies fossiles exerce donc un double impact négatif sur les générations futures, non seulement en causant des dommages climatiques, mais aussi en détériorant leur état de santé et leur développement. Le fait que ces deux impacts affectent de manière disproportionnée les populations les plus pauvres rend la situation d’autant plus injuste. Toutefois, beaucoup d’autres avantages pouvant bénéficier à toute l’économie justifieraient une action d’atténuation bien plus ambitieuse que celle globalement mise en œuvre à l’heure actuelle. Par exemple, une action d’atténuation plus précoce et plus ambitieuse ciblée sur les GES à longue durée de vie (tels que le CO2) limitera aussi l’inévitable élévation du niveau des mers qui menacerait les lieux où sont fortement concentrés les activités et le capital économique et social, tant dans les villes côtières que dans les communautés rurales qui seraient contraintes de battre en retraite devant la montée des eaux (OCDE, 2019[24]).
Chose tout aussi importante, une approche axée sur le bien-être montre la nécessité de prendre en considération les arbitrages possibles entre l’atténuation du changement climatique et les objectifs plus larges de bien-être. Il est inévitable d’avoir des objectifs contradictoires au sein des politiques publiques, mais l’adoption d’une approche axée sur le bien-être est essentielle pour les identifier et les évaluer, de manière à améliorer la conception de la politique. Cela permettrait notamment de hiérarchiser des efforts d’atténuation du changement climatique entre les différents secteurs de l’économie. Par exemple, dans la mesure où l’action d’atténuation alourdit les coûts des services essentiels de transport et d’énergie pour les ménages, des questions de redistribution risquent de se poser et de remettre en cause la faisabilité et la viabilité politiques de ces efforts, en l’absence de mesures de compensation ou de solutions alternatives (exemple: transports en commun). Dans chacun de ces cas, une analyse approfondie des problèmes en question s’avère nécessaire. Dans l’ensemble, les impacts négatifs des politiques climatiques peuvent être liées aux inégalités socioéconomiques, mais les aspects non liés aux revenus ont également de l’importance. L’examen par l’OCDE (2019[25]) des récentes manifestations des « Gilets jaunes » en France souligne que les politiques de redistribution ne sont pas toujours la réponse à des problèmes qui trouvent leur source dans l’exclusion sociale – une dimension importante d'une approche axée sur le bien-être.
La nature du double alignement sera vraisemblablement différente selon les pays, en fonction de leurs niveaux de développement ainsi que des défis et des perspectives qui se présentent à eux. En adoptant cette approche, les gouvernements seront plus à même d’atteindre, d’une manière adaptée à leur situation, aussi bien leurs objectifs climatiques que ceux relevant du domaine du bien-être. Il est donc nécessaire d’adopter une approche axée sur le bien-être pour réfléchir à l’action climatique afin d’évaluer et de mieux gérer les facteurs d’économie politique. Dans le cas de l’emploi, cette approche présente clairement des similitudes avec les perspectives, défis et principes directeurs pour une transition juste (OIT, 2015[18]).
Un consensus international sur certains des ingrédients essentiels d’une approche axée sur le bien-être est en train de se dessiner. Le concept de bien-être va au-delà du bien-être économique : il englobe des aspects tels que les droits politiques et sociaux, la santé, l’éducation, la sécurité et la qualité de l’environnement (OCDE, 2014[26]). De manière générale, le bien-être « passe par la satisfaction de divers besoins humains, dont certains sont essentiels (par exemple, la santé), ainsi que par la possibilité de poursuivre ses objectifs personnels, de s’épanouir et d’éprouver de la satisfaction quant à sa vie » (OCDE, 2011[27]). Tout au long de ce rapport, le terme « bien-être » renvoie au bien-être présent et futur. Il constitue à ce titre un synonyme de développement durable (Brundtland, 1987[28]).
Le cadre du bien-être de l’OCDE prend non seulement en considération les résultats actuels en matière de bien-être, mais aussi les ressources qui contribuent à les maintenir au fil du temps. Il admet que la maximisation du bien-être présent risque d’être assuré au prix d’une réduction des ressources futures, et reconnaît la nécessité de surveiller simultanément ces deux dimensions. En définitive, les politiques mises en œuvre doivent pouvoir concilier les intérêts parfois divergents des générations actuelles et de celles à venir, et tenir compte de la tragédie de l’horizon et aussi des problèmes de double alignement. Le cadre du bien-être fait également partie des récents progrès accomplis dans l’amélioration des systèmes de mesure « au-delà du PIB », notamment au travers des ODD et des initiatives d’un certain nombre de pays (Exton et Shinwell, 2018[29]). La prochaine section décrit les efforts visant à étayer ce changement de perspective par des modifications des systèmes de mesure à l’échelle de toute l’économie, et elle fournit davantage de précisions sur le cadre du bien-être de l’OCDE. Les chapitres suivants illustrent comment l’adoption d’une approche axée sur le bien-être pourrait se dérouler dans les cinq secteurs économiques couverts par ce rapport, et ils examinent notamment en quoi il faudrait aussi adapter les systèmes de mesure sectoriels.
1.2.1. Mesurer le progrès : aller au-delà du PIB
Le PIB constitue une mesure de la production de biens et services dans un pays donné et au cours d'une période déterminée13, mais il est largement utilisé en tant qu’indicateur du bien-être. Bien que les critiques concernant la pertinence du PIB en tant qu’indicateur du bien-être soient aussi anciennes que la mesure elle-même, le PIB a conservé son statut de principal moyen d’évaluation du progrès ou de la « réussite » des sociétés, ce qui peut s’avérer problématique (Durand et al., 2018[30] ; Boarini et Mira D’ercole, 2013[31]). La corrélation entre le PIB et certaines dimensions du bien-être peut également être négative, selon la dimension du bien-être choisie, par exemple dans le cas de la pollution de l’air (voir Encadré 1.2). C’est pourquoi, en se focalisant uniquement sur les performances en termes de PIB, on risque d’aboutir à des résultats non optimaux, surtout s’il existe d’importantes externalités.
Van den Bergh (2009[32]) fait valoir qu'il existe des corrélations positives entre certaines dimensions du bien-être, mais que celles-ci évoluent dans le temps et sont fonction des caractéristiques propres à chaque pays. En outre, les approches exclusivement fondées sur le PIB occultent totalement les inégalités de revenu et les disparités spatiales et sociales. Cela dit, l’amélioration des indicateurs du bien-être s’accompagnera d’une augmentation de leur complexité qui devra être justifiée si l’on veut qu’elle soit acceptée. La position défendue ici est que l’atténuation du changement climatique est l’un des domaines où les bénéfices devraient être bien supérieurs aux coûts de l’adoption d’une approche plus élaborée. La nécessité de prendre urgemment des mesures efficaces pour s’attaquer simultanément et de manière intégrée à une série d’externalités majeures intra et intergénérationnelles impose un changement radical du degré de complexité des outils actuellement utilisés.
L’élaboration des politiques macroéconomiques s’appuiera toujours sur des indicateurs économiques tels que les composantes du PIB, si ce n’est sur cet agrégat lui-même. Le vrai problème se pose lorsque le PIB est mal utilisé et que la doctrine de maximisation de la croissance s’étend à tous les aspects de l’action publique, quels que soient la qualité de la croissance du PIB et les problèmes de répartition générés. Parmi les grands défis qui se posent à cet égard figurent les suivants (van den Bergh, 2008[33]) :
Le PIB mesure des flux et non des stocks. Il ne tient pas directement compte des variations dans le temps des différents types de capital ou de patrimoine (environnemental, économique et social), bien que les mesures du capital physique puissent être établies à partir de sa composante d’investissement. Aussi le PIB ne fournit-il pas d’informations directes sur la durabilité de l’activité économique ou sur la possibilité d’assurer le bien-être sur la durée (Boarini et Mira D’ercole, 2013[31] ; Fleurbaey, 2009[34]).
Le PIB ne fournit pas d’informations sur les facteurs, autres que les conditions matérielles, qui affectent le bien-être, tels que la sécurité, les droits sociaux, la santé ou le temps libre (OCDE, 2011[27]).
Le PIB ne nous renseigne pas sur la répartition du « revenu » au sein de la société, qui constitue un important facteur du bien-être individuel et collectif, en particulier au cours d’une période de changement structurel délibéré.
Le PIB englobe des activités susceptibles d’avoir un effet négatif sur le bien-être ou destinées à remédier aux coûts sociaux ou environnementaux générés par la production de biens et services, au lieu de contribuer à accroître le bien-être. Au nombre des exemples figurent la hausse des coûts de transport en raison des encombrements, les coûts de réparation des dommages environnementaux (nettoyage du littoral après une marée noire, par exemple), ainsi qu’une consommation accrue imputable à la diminution des services écosystémiques (d’eau en bouteille ou de masques, par exemple, du fait d’une eau non potable et d’un air irrespirable) (OCDE, 2011[27] ; Fleurbaey, 2009[34]).
Le PIB évalue généralement l’offre de biens et services aux prix du marché, lesquels peuvent tenir compte des coûts marginaux, mais pas du bien-être qui en est tiré, comme dans le cas des denrées alimentaires bon marché.
Le PIB ne tient pas compte des activités non marchandes qui contribuent potentiellement au bien-être, telles que les services produits par les ménages (par exemple la garde de ses enfants) (OCDE, 2011[27] ; Giannetti et al., 2015[35]).
Ces considérations ont d’importantes implications en matière de politiques élaborées, en particulier lorsqu’il s’agit de faire face au changement climatique par des stratégies qui évitent de fortes corrélations négatives entre l’économie et le climat. Comme d’autres institutions, l’OCDE (2017[5]) a démontré que ces corrélations négatives ne sont pas une fatalité. Dans certains cas où une politique favorable à la croissance risquerait d’être préjudiciable au bien-être, les décideurs devraient chercher les moyens d’en améliorer la conception afin de neutraliser ses impacts négatifs sur le bien-être, voire de faire en sorte qu’ils deviennent positifs. Il en est de même des activités d’atténuation ayant pour effet de réduire les émissions de GES, mais ayant d’importants impacts négatifs sur les objectifs de bien-être. À l’inverse, certaines politiques d’atténuation peuvent améliorer le bien-être tout en réduisant ou en modifiant la composition du PIB, ce qui peut être mal apprécié en raison précisément des insuffisances de cet agrégat en tant qu’indicateur du bien-être. Par exemple, la valeur des politiques qui encouragent un transfert modal réduisant la part des véhicules à moteur au profit du vélo peut être sous-estimée si ces politiques sont exclusivement analysées en termes de production économique, puisque leurs effets positifs sur la santé, la qualité de l’air, l’équité et la réduction des émissions ne peuvent être que partiellement pris en compte et risquent par ailleurs de réduire le PIB. Par ailleurs, le PIB ne fournit pas les informations nécessaires à une gestion efficace des ressources naturelles et des déchets (exemple dans le cadre d’une économie circulaire).
La croissance et le bien-être sont inextricablement liés au travers de facteurs tels que les revenus, les salaires, l’emploi et le capital économique. Une approche axée sur le bien-être justifierait à l’évidence, bien davantage que ne le ferait une stratégie exclusivement tournée vers la croissance, la mise en œuvre d’une politique procurant des bénéfices irréfutables sur le plan du bien-être et ayant des impacts neutres sur la croissance. C’est là un avantage concret et très important de l’adoption d’une approche axée sur le bien-être. Celle-ci centre son attention sur la qualité de la croissance économique et sur ses effets sur le bien-être, plutôt que sur la seule ampleur de cette croissance. En outre, une approche axée sur le bien-être contraint manifestement à prêter attention à des réalités (telles que les liens sociaux ou un environnement salubre) qui ne s’achètent pas simplement avec de l’argent et que le PIB ignore. Une perpétuation du modèle actuel d’activité économique (qui ne tient pas suffisamment compte des impacts environnementaux, redistributifs et sociaux) menacerait, en définitive et à long terme, le bien-être de chacun.
Encadré 1.2. Pollution de l’air et atténuation du changement climatique
Les émissions de CO2 et des autres GES sont étroitement liées à la pollution atmosphérique. La réduction de la consommation d’énergie et des émissions pourrait accroître le bien-être grâce à l’amélioration de la qualité de l’air, de l’environnement et de la santé. L’exposition à la pollution de l’air extérieur provoquée par les moteurs thermiques (émissions de PM2.5, de PM10 et d’ozone) est un facteur de mortalité précoce, de maladies cardiorespiratoires, de cancers du poumon et d’asthme (OMS, 2015[36]).
En 2012, les pathologies provoquées par les PM2.5 présentes dans l’air extérieur ont contribué à 3.7 millions de décès prématurés dans le monde, dont 88 % se sont produits dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire (OMS, 2015[36]). Si aucune mesure supplémentaire n’est prise, les coûts marchands et non marchands de la pollution de l’air extérieur dont il est fait état dans (OCDE, 2016[37]) s’accroîtront rapidement pour atteindre en 2060 un niveau estimé à 1 % du PIB (pour les coûts marchands) et entre 18 000 et 25 000 milliards USD en 2060 (dans le cas des coûts non marchands), contre 3 000 milliards USD en 2015. La pollution de l’air intérieur imputable à l’utilisation de combustibles polluants pour répondre aux besoins élémentaires en cuisine, en chauffage et en éclairage a provoqué, d’après les estimations, 4.3 millions de décès prématurés, de femmes et d’enfants principalement (OMS, 2015[36]). Le déploiement de formes modernes d’énergie pourrait réduire les émissions et améliorer la santé des 3 milliards de personnes les plus pauvres de la planète (Shindell et al., 2017[38]).
Ce sont les enfants qui souffrent le plus des effets négatifs de la pollution de l’air sur la santé et le développement (OMS, 2018[39]), et cela peut entraîner une dégradation sensible et durable de leurs résultats scolaires (Heissel, Persico et Simon, 2019[40]). La pollution de l’air est également en cause dans la fréquence des cas de démence (Bishop et al., 2018[41]). Enfin, elle réduit la productivité des travailleurs agricoles, réduisant ainsi les rendements agricoles (OCDE, 2016[37]).
Au vu de ces avantages sanitaires procurés par une réduction des émissions de carbone, beaucoup préconisent de donner la priorité aux mesures axées sur les GES à courte durée de vie, dont le méthane, le carbone noir et les hydrofluorocarbones. Bien que les bénéfices majeurs sur le plan de la santé soient incontestables, les avantages climatiques d’une réduction des GES à courte durée de vie dépendent du contexte (Pierrehumbert, 2014[42]). La diminution de leurs émissions sera d’autant plus efficace qu’une baisse rapide des émissions de CO2 aura déjà été amorcée ; en revanche, elle ne contribuera guère à réduire l’ampleur du changement climatique si les émissions de CO2 continuent d’augmenter et si leur volume net n’est pas proche de zéro. Il importe donc que les mesures de réduction des GES à courte durée de vie ne se substituent pas à l’action ciblée sur le CO2, ce qui offrirait dans un premier temps des avantages à court terme limités en termes de réduction des températures, mais au prix de températures bien plus élevées à plus longue échéance. Beaucoup de mesures de réduction des émissions de CO2 entraîneront également une baisse des émissions GES à courte durée de vie, et certaines des actions ciblées sur ceux-ci pourraient également diminuer les émissions de CO2 (Shindell et al., 2017[38]).
Il est de plus en plus admis qu’il est crucial de repenser les objectifs sociaux et la définition du progrès pour placer le bien-être et la durabilité au centre des décisions des pouvoirs publics (par exemple lors de l’examen des critères de mise en œuvre des politiques) (EUROSTAT, 2010[43]). Ces dernières années, d’importants efforts ont été déployés en vue d’améliorer les systèmes de mesure pour « aller au-delà du PIB » (voir Encadré 1.3). En janvier 2019, la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, a déclaré lors du Forum Économique Mondial que le progrès social devait être mesuré à l’aune du bien-être, et non du PIB. Le 30 mai 2019, la Nouvelle-Zélande a lancé son « budget du bien-être », qu’elle a opposé aux mesures traditionnelles du progrès telles que le PIB. Ce budget impose de diriger les nouvelles dépenses publiques vers ces cinq objectifs sociaux à appuyer: prendre au sérieux la santé mentale ; améliorer le bien-être des enfants ; soutenir les aspirations de la population autochtone ; bâtir une nation productive ; et transformer l’économie (en particulier dans le sens d’une atténuation du changement climatique). Toutes les dépenses nouvelles seront évaluées par rapport à 61 indicateurs destinés à mesurer le bien-être. L’approche retenue vise à encourager la coopération entre les diverses administrations au service de ces objectifs, tout en assurant la viabilité budgétaire, l’investissement dans les infrastructures et le soutien de l’économie14.
Encadré 1.3. Initiatives mondiales en faveur du bien-être
Les initiatives pour l’élaboration de nouvelles mesures du progrès ou du bien-être se sont multipliées et accélérées au cours de la dernière décennie, dans le sillage du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi (Stiglitz, Sen et Fitoussi, 2009[44]) et de la communication de la Commission Européenne intitulée « Le PIB et au-delà : mesurer le progrès dans un monde en mutation » (Commission européenne, 2009[45]).
Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi (2009[44]) souligne la nécessité de « déplacer le centre de gravité de notre appareil statistique d’un système de mesure privilégiant la production à un système orienté sur la mesure du bien-être des générations actuelles et à venir, aux fins d’aboutir à des mesures plus pertinentes du progrès social ». Il décrit les limites du PIB en tant qu’indicateur du progrès, et formule 30 recommandations relatives à la collecte de données pour aller au-delà du PIB et améliorer les instruments de mesure du bien-être et du progrès (Stiglitz, Sen et Fitoussi, 2009[44]).
La Commission Européenne a présenté une série de mesures – incluses dans une feuille de route – destinées à améliorer les indicateurs du progrès de façon à mieux répondre aux préoccupations des citoyens, ainsi qu’à rendre compte de la complexité d’un monde globalisé soumis à des contraintes environnementales et comptant une population de plus de 7 milliards d’habitants (Commission européenne, 2009[45]). Encouragés par les nombreuses publications universitaires invitant l’Europe à mettre fin à sa « dépendance à l’égard de la croissance », dix députés européens ont organisé en 2018 une « Conférence post-croissance » (BEE, 2018[46]).
En 2009, la Conférence des statisticiens européens, conjointement avec la Commission Économique des Nations Unies pour l’Europe, l’OCDE et Eurostat, a créé le groupe de travail sur la mesure du développement durable (Task Force for Measuring Sustainable Development – TFSD), chargé d’élaborer un vaste cadre conceptuel (Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, 2014[47]).
En 2011, l’OCDE a lancé son Initiative pour une vie meilleure, suivant bon nombre des recommandations formulées dans le cadre du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, du TFSD et des initiatives nationales et internationales (Durand et al., 2018[30]). Le cadre du bien-être de l’OCDE qui en résulte fournit un outil analytique permettant d’étudier le concept multidimensionnel du bien-être présent et futur.
En 2013, en réponse au document final de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, intitulé « The Future We Want » (Organisation des Nations Unies, 2012[48]), un groupe de travail ouvert a été établi et a élaboré les ODD, officiellement adoptés par les dirigeants des pays en 2015.
Parallèlement, plusieurs pays ont élaboré des cadres nationaux du bien-être avec la participation de diverses agences et institutions (telles que les agences de protection de l’environnement ou les ministères de la Santé et des Finances). En 2011, par exemple, la Nouvelle-Zélande avait présenté son Living Standards Framework, dans le but de permettre à ses habitants d’aspirer à un niveau de vie plus élevé et à un bien-être durable. Ce cadre adopte une approche axée sur le capital, dont les différents éléments constitutifs, capital naturel, humain, social, et financier/physique, sont décrits comme interdépendants et constituent la base qui permettra au pays d’atteindre ses objectifs de bien-être. Beaucoup d’autres pays, dont l’Italie (« Indicateurs du bien-être équitable et durable »), l’Allemagne (« Bien-être en Allemagne ») et la Suède (« Nouveaux indicateurs du bien-être ») ont élaboré des mesures du bien-être, comme indiqué au tableau 1.1 de l’Étude économique de 2019 consacrée à la Nouvelle-Zélande (OCDE, 2019[49]).
Les ODD adoptés en 2015 constituent une liste d’engagements définis d’un commun accord à l’échelle internationale pour faire face aux problèmes mondiaux, et dont il est admis qu’ils sont tous interdépendants. Ils comprennent, entre autres, la réduction de la pauvreté et des inégalités, l’atténuation du changement climatique, ainsi que la sauvegarde de l’environnement et la justice environnementale. Le cadre du bien-être de l’OCDE est un outil analytique destiné à évaluer le progrès social à l’aide d’une approche axée sur le bien-être. Il est structuré autour du bien-être présent et des ressources nécessaires au bien-être futur (voir Graphique 1.3)15. Toutes ces approches reconnaissent que le progrès social consiste à améliorer le bien-être présent et futur de la population, et vont au-delà du seul PIB pour tenir également compte des multiples dimensions du bien-être. Comme indiqué plus haut, ces approches sont primordiales pour accroître l’ambition des politiques d’atténuation du changement climatique.
1.2.2. Le cadre du bien-être de l’OCDE
L’OCDE reconnaît que, pour promouvoir des politiques meilleures pour une vie meilleure, il faut repenser les objectifs sociaux et cesser de se focaliser sur la croissance économique, pour se concentrer sur l’amélioration du bien-être de la population (OCDE, 2018[50]). Le cadre du bien-être de l’OCDE fournit un outil d’analyse permettant d’examiner le concept multidimensionnel du bien-être par-delà ses aspects purement économiques. Dans la mesure où il se concentre sur les individus et les ménages – au lieu de les agréger au niveau macroéconomique –, ce cadre permet d’analyser la répartition du bien-être au sein de la population. Il examine par ailleurs le bien-être présent comme le bien-être futur, distinction particulièrement importante pour les politiques d’atténuation du changement climatique (Boarini et Mira D’ercole, 2013[31]).
Le Graphique 1.3 présente le cadre conceptuel proposé par l’OCDE. En accord avec un grand nombre d’études16, le bien-être présent est défini comme la résultante de deux éléments que sont les conditions matérielles et la qualité de la vie, subdivisés en 11 dimensions. Le bien-être futur est défini en termes de stocks disponibles de capital naturel, économique, humain et social, qui sont nécessaires pour maintenir le bien-être pour les générations actuelles et à venir. Le Graphique 1.4 indique quels sont les stocks de capital (colonne du milieu) nécessaires pour maintenir sur la durée les différentes dimensions du bien-être (colonne de droite), de même que les facteurs susceptibles d’influer sur ces stocks. Au nombre de ces facteurs – représentés dans la colonne de gauche – figurent les investissements (pour accroître le stock, par exemple), la dépréciation ou la dégradation des actifs (perte de qualité des sols agricoles ou déforestation, par exemple) et les émissions et déchets (OCDE, 2013[51]). Le bien-être présent est lié à la viabilité à long terme du bien-être, étant donné que les décisions de consommation et de production d’aujourd’hui ont un impact sur l’investissement et donc sur la base productive du bien-être futur.
Le cadre du bien-être de l’OCDE – tout comme les autres mesures de substitution « au-delà du PIB », telles que les ODD ou les initiatives nationales décrites dans l’Encadré 1.3 – peut fournir aux responsables politiques et aux gouvernants des données et des éléments de langage pour expliquer les raisons qui justifient l’adoption de politiques plus ambitieuses de lutte contre le changement climatique. L’analyse des politiques selon une approche axée sur le bien-être peut apporter aux décideurs des informations sur trois aspects importants qui ne sont pas pris en considération dans la mesure du PIB, à savoir :
Comment les politiques affectent-elles aujourd’hui les différentes dimensions du bien-être ?
Comment les politiques affectent-elles la répartition du bien-être au sein de la société (par exemple, sont-elles cruciales pour assurer une transition inclusive vers une économie bas carbone) ?
En quoi les politiques encouragent-elles une utilisation durable des ressources (pour garantir que les générations futures puissent assurer leur bien-être) ?
Comment les politiques affectent-elles aujourd’hui les différentes dimensions du bien-être ? L’analyse des mesures prises par les pouvoirs publics selon une approche axée sur le bien-être permet d’examiner les compromis possibles et les co-bénéfices entre les différentes dimensions du bien-être. Grâce à cette approche, les politiques peuvent être évaluées en fonction de leurs effets potentiels sur les différentes dimensions du bien-être, plutôt que sur leurs seules répercussions économiques. Par exemple, l’approche axée sur le bien-être rend plus visibles les impacts négatifs des subventions en faveur des combustibles fossiles sur le bien-être présent (augmentation de la pollution de l’air) et futur (épuisement de ressources non renouvelables et risque accru de changement climatique). Dans ces conditions, les politiques qui contribuent à accroître la qualité de vie ou les ressources nécessaires pour assurer le bien-être futur seraient évaluées de manière plus positive que celles plus étroitement axées sur le PIB. Le cadre du bien-être n’en exige pas moins que les gouvernants soupèsent les répercussions de leurs politiques sur les revenus, les ressources, l’emploi et les salaires. Il leur fournira de plus grandes incitations à concevoir de meilleures politiques offrant davantage de résultats « gagnant-gagnant », ou du moins des résultats « gagnant-neutre ». Néanmoins, l’approche axée sur le bien-être peut certes révéler, clarifier et, dans l’idéal, quantifier les co-bénéfices et les arbitrages, mais elle ne crée pas par elle-même ces co-bénéfices ni ne remédie aux impacts négatifs des politiques ; cette tâche demeure de la responsabilité des gouvernements.
Comment les politiques affectent-elles la répartition du bien-être au sein de la société ? Une mauvaise répartition du bien-être a des impacts immédiats et à plus long terme dans toute la société, au travers d’un développement économique réduit ; du risque d’instabilité politique découlant du bas niveau de confiance des citoyens à l’égard des institutions, ou de leur sentiment d’injustice, d’intolérance et de discrimination ; ainsi que d’interactions limitées avec les autres du fait des « barrières sociales ». Les analyses du PIB ne tiennent pas compte du creusement des inégalités, y compris dans les pays de l’OCDE au cours des 30 dernières années, comme l’a constaté l’OCDE (2015[52]) et (2016[53]). Les inégalités sont souvent analysées en termes de répartition des revenus, à l’aide d’indicateurs tels que le coefficient de Gini. Une répartition des revenus équilibrée constitue certes un élément clé pour le bien-être social, mais ce n’est pas le seul « type » d’inégalité qui pèse sur la qualité de vie. Se pencher sur la question des inégalités à l’aide d’une approche axée sur le bien-être permet d’en élargir la mesure, à des éléments tels que l’espérance de vie, l’exposition à la pollution de l’air, l’éducation et les compétences, ou encore la santé.
L’information sur la répartition des différentes dimensions du bien-être peut permettre aux responsables de l’élaboration des politiques de comprendre les conséquences de certaines de leurs décisions sur les différentes composantes de la société. Cette information est particulièrement importante pour veiller à ce que les politiques d’atténuation du changement climatique se fassent dans le cadre d’une transition équitable vers une économie à faibles émissions, au lieu d’accroître les inégalités existantes.
La conception de mesures garantissant un partage équitable des coûts et avantages de la transition réduit également le risque de résistance politique aux mesures d’atténuation du changement climatique. Par exemple, l’identification de l’impact des mesures d’atténuation sur différentes régions ou catégories d’emploi peut aider les gouvernements à concevoir des politiques prenant en compte les impacts négatifs de ces mesures dans certaines régions ou pour certains types d’emploi. Cette approche présente clairement des similitudes avec celle préconisée par l’OIT (OIT, 2015[18]). De même, les instruments de tarification du carbone, qui représentent généralement une charge plus importante pour les ménages à faible revenu, peuvent être conçus de façon à éviter les effets régressifs. Cette démarche peut empêcher l’accentuation des inégalités économiques préexistantes ; bien conçue, elle peut même être avantageuse pour les ménages à faible revenu et les inciter, en fin de compte, à soutenir la transition (Van Dender et Marten, 2019[54]).
En quoi les politiques encouragent-elles une utilisation durable des ressources ? La notion de capital est utile pour évaluer la durabilité. Les choix d’une génération concernant l’accumulation ou la réduction des stocks de capital influent sur les possibilités de la génération suivante d’assurer son bien-être (OCDE, 2013[51]). Par exemple, l’incapacité à réduire les niveaux actuels d’émission de GES, qui ne sont pas viables, affectera l’existence ainsi que les moyens de subsistance des générations futures qui auront à endurer l’impact du changement climatique sur leur capital économique, naturel, social et humain.
Par conséquent, s’appuyer sur l’approche axée sur le bien-être pour aviser leur action peut aider les gouvernements à élaborer des ensembles de mesures mieux intégrées, qui exploitent les co-bénéfices entre les différentes dimensions du bien-être, tout en prenant dûment en considération les possibles impacts négatifs et obstacles à la mise en œuvre. Le cadre du bien-être de l’OCDE et les autres cadres présentés dans l’Encadré 1.3, tout comme les analyses sectorielles contenues dans ce rapport (qui renvoient au cadre du bien-être de l’OCDE et à celui des ODD), peuvent être des outils utiles pour l’élaboration des stratégies à long terme de développement à faible émission de GES, brièvement décrites dans l’Encadré 1.4. La section suivante examine brièvement la relation entre la tarification du carbone et l’approche axée sur le bien-être.
1.2.3. L’approche axée sur le bien-être et la tarification du carbone
Le cadre du bien-être vise à accroître les incitations à lutter contre le changement climatique en les alignant autant que possible avec les autres objectifs de bien-être qui peuvent peser plus lourd dans les analyses coûts-avantages et les autres cadres de décision. Il reconnaît par ailleurs la possibilité de corrélations négatives entre l’atténuation et les objectifs plus larges de bien-être et aide à les identifier, et met en lumière la nécessité de gérer les arbitrages correspondants.
L’accent mis sur la tarification du carbone et sur la réforme des subventions en faveur des combustibles fossiles demeure une caractéristique essentielle de toute stratégie d’atténuation du changement climatique qui se veut efficace, y compris dans le cadre d’une approche axée sur le bien-être. Cependant, les trajectoires à faibles émissions exigent de profondes transformations plutôt que des changements à la marge, et cela implique de réfléchir en termes d’économie politique pour gérer la ou les périodes de transition. Dans certains secteurs, la tarification du carbone n’entraînera pas à elle seule les changements nécessaires, notamment en termes d’adoption d’approches cohérentes en matière d’urbanisme et d’infrastructures de transport. Les taux effectifs sur le carbone culminent dans le secteur des transports, où les élasticités sont cependant telles que la tarification du carbone risque de ne pas beaucoup modifier les comportements et impacter les technologies. Par ailleurs, bien qu’une juste tarification soit essentielle pour encourager l’investissement et l’innovation dans les technologies moins polluantes, les craintes concernant ses répercussions sur le bien-être (sur le pouvoir d’achat, la compétitivité et l’emploi, par exemple) constitueront vraisemblablement un obstacle majeur à un durcissement de l’action en la matière.
L’approche axée sur le bien-être est utilisée pour évaluer le « double alignement » entre l’action climatique et les autres objectifs de bien-être en vue de mieux identifier et gérer les co-bénéfices et d’appréhender les arbitrages. Dans ce contexte, elle implique d’appliquer la méthode du coût complet – y compris par la tarification du carbone – ou du moins de tenir compte des coûts (parfois incertains) des externalités. Elle souligne l’importance de la tarification des externalités, mais considère cet élément essentiel de l’action publique dans une perspective plus large : il s’agit de soutenir la transition vers une trajectoire de développement à faibles émissions tout en atteignant les objectifs plus généraux de bien-être et en évitant certains arbitrages défavorables qui peuvent se manifester si l’on se focalise exclusivement sur la tarification du carbone et sur les autres instruments de politique climatique.
1.3. Passer de la théorie à la pratique
Ce rapport vise à encourager et à aider les gouvernements à respecter leurs objectifs nationaux et internationaux en matière d’atténuation du changement climatique. Il explique comment l’adoption d’une approche axée sur le bien-être peut déboucher sur des stratégies différentes et modifier la manière globale d’appréhender l’élaboration des politiques dans certains secteurs économiques, à savoir l’électricité, l’industrie lourde, le logement, les transports de surface et l’agriculture, qui comptent pour 60 % des émissions mondiales de GES (GIEC, 2014[3]). Il souligne en outre qu’en fixant les priorités dans les différents secteurs de sorte à générer de façon étendue du bien-être et de la durabilité, les avantages s’en trouveraient accrus, et cela permettrait d’identifier les opportunités et les besoins de coopération et de coordination en vue de respecter des objectifs stricts d’atténuation du changement climatiques.
Pour que les décideurs soient en mesure d’adopter une approche axée sur le bien-être dans le cadre de la formulation des politiques, le système de mesure utilisé pour suivre les progrès, établir des critères de décision et évaluer les résultats des politiques doit tenir compte des multiples objectifs de bien-être. Les décisions sont fréquemment basées sur un seul objectif ou sur un nombre très restreint d’objectifs ; bien souvent, les systèmes correspondants de mesure et de suivi ne permettent pas vraiment de tenir compte des impacts plus larges sur le bien-être des personnes, et souvent ils confondent extrants et résultats en termes de bien-être. Dans les transports, par exemple, le système de mesure se base essentiellement sur le nombre de voyageurs et de tonnes-kilomètres, plutôt que sur l’accès aux opportunités et aux services offerts par les transports. Un système de mesure permettant d’assurer un meilleur suivi des divers résultats en termes de bien-être peut-être une base essentielle pour fixer les objectifs et les cibles gouvernementaux, sachant que la coopération et la coordination sont essentielles pour atteindre les objectifs climatiques et de bien-être.
Sans une réelle volonté politique pour agir en conséquence, la mise au point d’indicateurs demeure un exercice purement symbolique.
Encadré 1.4. Les Stratégies à Long Terme de Développement à Faible Émission de GES : une opportunité pour le développement durable et une action climatique plus ambitieuse
Les stratégies à long terme de développement à faible émission de gaz à effet de serre constituent un puissant instrument de planification qui permet aux pays de contribuer à la lutte contre le changement climatique, tout en améliorant le bien-être des générations présentes et futures. L’article 4.19 de l’Accord de Paris invite les pays signataires à formuler « des stratégies à long terme de développement à faible émission de gaz à effet de serre, en gardant à l’esprit l’article 2 compte tenu de leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales » (CCNUCC, 2015[55]). Bien que l’Accord de Paris ne fournisse aucune indication méthodologique quant à la manière dont ces stratégies devraient être élaborées, un nombre croissant d’études identifie leurs caractéristiques et exigences essentielles pour qu’elles entraînent le changement structurel nécessaire à l’atteinte de l’objectif de limitation du réchauffement climatique mondial à un niveau bien inférieur à 2 °C.
L’Institut pour le Développement Durable et les Relations Internationales (IDDRI) définit les stratégies à long terme de développement à faible émission de GES comme « des “exercices structurés de stratégisation ” [qui doivent être intégrés] aux processus politiques nationaux et qui représentent un outil de structuration des débats politiques nationaux, d’une manière transparente, productive et ambitieuse. Les objectifs socioéconomiques nationaux, ainsi que l’objectif de limiter l’augmentation moyenne de la température mondiale bien en dessous de 2 °C, doivent en constituer le point de départ » (IDDRI, 2016[56]).
L’IDDRI définit un ensemble de principes pour l’élaboration d’un cadre multipartite. Dans la logique du double-alignement, il s’agit : i) d’examiner les politiques climatiques et non climatiques qui donnent des résultats positifs en matière d’atténuation du changement climatique et des autres dimensions du bien-être ; et ii) d’explorer les articulations intersectorielles, ainsi que la nécessaire réalisation des objectifs d’atténuation et d’adaptation, ainsi que l’atteinte des ODD. Le présent rapport examine ces liens plus en détail pour chaque secteur (électricité ; industrie lourde ; logement ; transports de surface ; et agriculture).
L’élaboration de stratégies à long terme de développement à faible émission de GES ne va pas de soi. Des mécanismes appropriés seront nécessaires pour assurer l’interaction entre les différentes composantes du gouvernement (par exemple entre les ministères et les différents niveaux d’administration), ainsi qu’entre les pouvoirs publics et les autres parties prenantes. Les gouvernements pourraient également avoir besoin d’accroître leurs capacités techniques (par exemple en mettant au point des outils de modélisation appropriés ou en améliorant les interactions entre les différents modèles utilisés) et d’adresser les questions d’économie politique, telles que la dépendance des recettes publiques aux combustibles fossiles et autres intérêts manifestes. Le reste du rapport examine une série de facteurs d’économie politique dans chacun des cinq secteurs, notamment ceux liés au pouvoir d’achat et à l’acceptabilité, qui sont essentiels pour garantir une transition équitable.
Les stratégies à long terme de développement à faible émission de GES constitueront sûrement un instrument de planification parmi d’autres au niveau national (plans sectoriels, plans locaux, et les stratégies spécifiques comme l’amélioration de la santé publique par la réduction de la pollution de l’air, etc.). Si les efforts pour élaborer des stratégies à long terme de développement à faible émission de GES respectent l’ensemble des principes décrits ci-dessus, le processus qui en découlerait pourrait fournir un prétexte pour repenser les priorités des pouvoirs publics et ce à l’échelle de l’économie tout entière, et de les mettre en phase avec les autres outils de planification nationaux et infranationaux. La conception de politiques efficaces et cohérentes pour respecter les multiples objectifs liés au bien-être et aux ODD constitue la finalité principale du cadre de l’OCDE pour la cohérence des politiques au service du développement durable (OCDE, 2018[57]).
Si certains des indicateurs proposés dans le présent rapport sont relativement nouveaux, un certain nombre d’entre eux ne le sont pas. La nouveauté réside dans la reconnaissance du fait qu’ils doivent être largement disponibles (sachant qu’ils n’existent actuellement que dans un petit nombre de pays ou de bases de données), et considérés simultanément et avec le même degré de priorité, plutôt qu’indépendamment les uns des autres et de manière hiérarchisée (par exemple en se concentrant sur les émissions de GES sans tenir compte des répercussions sur les sols agricoles). En outre, pour qu’un changement de système de mesure constitue une étape décisive vers la mise en œuvre de politiques plus ambitieuses d’atténuation du changement climatique, il faut que la nouvelle approche soit effectivement utilisée pour éclairer les décisions des pouvoirs publics, car « sans une réelle volonté politique pour agir en conséquence, la mise au point d’indicateurs demeure un exercice purement symbolique » (Winston et Eastaway, 2008[58]). La base factuelle permettant que cela soit le cas reste encore à établir, y compris l’intégration des indicateurs du bien-être dans les évaluations des politiques. L’examen des divers secteurs se concentre sur ces trois points et s’accompagne le cas échéant d’exemples de bonnes pratiques.
Le rapport analyse l’application de l’approche axée sur le bien-être dans différents secteurs, ainsi que le type de système de mesure qui pourrait favoriser le changement de perspective nécessaire pour les décarboner, tout en assurant un double alignement. Bien que chacun des chapitres porte essentiellement sur un secteur, il y est également fait mention des interactions entre secteurs lorsqu’elles sont importantes (par exemple dans le cas de l’électricité et des secteurs du logement et des transports).
La seconde partie du rapport examine un ensemble de pratiques en matière de politiques publiques dans chacun de ces secteurs, ainsi que la tarification du carbone en tant qu’élément fondamental d’une stratégie d’atténuation du changement climatique efficace. Elle illustre comment différentes politiques climatiques peuvent être mises en œuvre, conçues et évaluées en tenant compte des co-bénéfices et des arbitrages possible, de façon à mieux concilier incitations favorisant la lutte contre le changement climatique et le bien-être des personnes.
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Notes
← 1. Voir l’examen in (GIEC, 2018[4]), « Summary for Policymakers ».
← 2. Telles que celles de captage et de stockage du carbone, qui pourraient être associées à la combustion de biomasse pour produire des émissions « négatives ».
← 3. Voir par exemple https://sdgindex.org/news/behind-the-numbers:-joint-research-centre-audit-of-the-sdg-index-and-dashboards/.
← 4. Voir étude dans (Liebreich, 2018[61]).
← 5. Loorbach (2017[59]) fait observer que « La transition énergétique est ainsi bien plus qu’une simple mutation technologique ; il s’agit d’une lutte de pouvoir et d’une transformation socioculturelle ayant de profondes répercussions sur les institutions, les habitudes et les convictions. »
← 6. La réduction de 45 % suppose un léger dépassement, temporaire, des émissions de CO2 visées pour atteindre l’objectif de limitation à 1.5 °C, et donc des besoins limités d’élimination du CO2 atmosphérique. Le chiffre de 20 % correspond à une probabilité de 66 % de maintenir la variation des températures à un niveau inférieur à 2 °C.
← 8. Il convient toutefois de noter que ce cadre d’analyse simple ne tient pas compte de la nature dynamique de l’innovation dans le contexte de la modélisation climatique.
← 9. Pour plus d’informations, voir : https://www.fsb-tcfd.org/.
← 10. La Hongrie a disposé d’un Commissaire parlementaire aux générations futures au cours de la période 2008-12.
← 11. Voir également l’étude réalisée par (Durand et Exton, 2019[60]), qui souligne que « pour placer le bien-être de la population au centre de l’action des pouvoirs publics, il faut disposer de meilleures données, mais pas uniquement. Il est aussi nécessaire d’intégrer le bien-être dans les rouages de l’administration et dans les outils de prise de décision. »
← 12. Un point souligné dans le discours de 2017 du Secrétaire général de l’OCDE et lié à la manière dont le revenu actuel détermine les niveaux d’investissement et d’atténuation dans la description du modèle conceptuel.
← 13. Ou, similairement, une mesure des revenus et des dépenses.
← 15. Les En grande partie, les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE (de même que beaucoup d’initiatives individuelles des pays) définissent le bien-être de manière similaire. Une différence essentielle entre ces deux cadres tient au fait que le cadre l’OCDE est un outil analytique, alors que les ODD constituent une série d’objectifs et de cibles convenus au niveau international en vue d ’instaurer le développement durable. À ce titre, les ODD offrent un exemple concret de tentative d’amélioration du bien-être mise en pratique.
← 16. Voir (Stiglitz, Sen et Fitoussi, 2009[44]) pour un tour d'horizon des études sur la question.