Ce chapitre est consacré au secteur des transports, et plus particulièrement aux transports terrestres. Il examine les priorités qui doivent guider l’action publique pour que le secteur contribue à la réalisation des objectifs de bien-être présent et futur. Il propose un certain nombre d’indicateurs qui peuvent être utiles pour traduire les priorités identifiées en résultats mesurables et aider les pouvoirs publics à opérer un double alignement entre les objectifs climatiques et d’autres objectifs de l’action publique. Il s’intéresse également aux relations qui existent entre les indicateurs proposés et ceux qui sous-tendent les Objectifs de développement durable et le cadre d’évaluation du bien-être et du progrès de l’OCDE.
Accélérer l’action pour le climat
5. Développer une offre de mobilité accessible et durable
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
En bref
Les systèmes de mobilité relient les individus et les lieux, améliorent la qualité de vie et apportent une valeur ajoutée aux collectivités sur le plan social et le plan économique. Le secteur des transports contribue au bien-être des populations en leur permettant de se déplacer entre leur domicile et leur lieu de travail, en approvisionnant nos épiceries et en transportant des produits partout dans le monde et à l’intérieur des pays, des régions et des villes pour répondre à nos besoins quotidiens.
Cependant, les émissions imputables aux transports ont augmenté plus rapidement que dans tous les autres secteurs ces 50 dernières années, représentant environ 23 % des émissions mondiales de CO2. Cela tient en grande partie au fait que les systèmes de mobilité au cours du siècle dernier ont visé à accroître les déplacements physiques, qu’ils sont fortement dépendants des énergies fossiles et qu’ils sont centrés sur la propriété privée, ce qui a donné lieu à des villes conçues pour laisser une large place aux voitures. Les systèmes de mobilité actuels réduisent également la qualité de l’air, pérennisent les inégalités sociales, excluent les groupes vulnérables, dégradent l’habitat naturel et exacerbent le changement climatique. Si nos systèmes de mobilité ne changent pas, les émissions de CO2 émanant des transports pourraient augmenter de 60 % à l’échelle mondiale d’ici 2050.
La solution consiste à repenser les systèmes de mobilité autour de l’accessibilité - en veillant à ce que les individus aient facilement accès aux emplois, aux opportunités, aux biens, aux services et aux infrastructures - au lieu de se déplacer physiquement. Il s’agirait d’accorder la priorité aux modes de transport durables, comme la marche, le vélo, les transports publics et d’autres formes de mobilité partagée, et même aux nouveaux modes (par exemple, les scooters électriques, ce que l’on appelle la micro-mobilité), qui peuvent apporter une valeur intéressante à la société, en particulier dans les villes. Il faudrait aussi concentrer les efforts sur la création d’une proximité entre les personnes et les lieux. Une telle approche conduira à une redistribution des budgets et de l’espace public de manière à améliorer la qualité de vie en contribuant à la réalisation d’objectifs sur les plans de l’équité sociale, de la santé, de l’économie, du climat et de l’environnement.
Une étape importante consiste à élaborer et à utiliser les indicateurs appropriés pour que la priorité accordée à l’accessibilité devienne une réalité. L’utilisation d’indicateurs d’accessibilité physique dans le cadre de la planification des réseaux de transport et du développement des villes a permis à certaines villes d’atteindre d’importants objectifs de transfert modal, c’est-à-dire en incitant les individus à faire du vélo, à marcher et à utiliser les transports en commun au lieu de la voiture individuelle. Les indicateurs qui intègrent l’accessibilité financière des transports comme critère pour favoriser la création de logements sociaux et abordables ont également permis aux villes de rendre plus abordables les logements et les transports pour les ménages pauvres tout en atteignant des objectifs d’atténuation du changement climatique. Les pouvoirs publics devront également définir des critères pour la sûreté et la sécurité, la qualité de l’air, la réduction du bruit et les effets sur l’habitat naturel, afin de transformer les systèmes de mobilité.
Des stratégies visant à améliorer les technologies, mais aussi à éviter les déplacements inutiles et à passer de la voiture au vélo, aux transports publics et à la marche, seront nécessaires pour sortir le secteur des énergies fossiles, tout en apportant de multiples autres avantages en termes de bien-être. Mais le secteur des transports doit étroitement coordonner son action avec les politiques d’aménagement du territoire et du logement de faciliter l’accès aux biens, services et opportunités par des modes de transport durables, proposant une alternative de qualité à la voiture. Cette démarche suppose d’investir dans des modes de transport durables, mais aussi dans des politiques à même d’établir des liens explicites entre l’aménagement du territoire et les transports (normes de développement incluant tous les transports, par exemple). Dans l’ensemble, concevoir l’action publique en prenant en compte de multiples priorités peut déboucher sur des mesures d’atténuation plus acceptables, plus réalisables et plus efficaces, et ce processus aura une influence importante sur l’évolution des nouvelles technologies, telles que l’électrification, les véhicules automatisés et la mobilité partagée, en termes de résultats climatiques et d’autres résultats en termes de bien-être.
5.1. Introduction
Le chapitre 1 de ce rapport préconise d’adopter une approche axée sur le bien-être en matière d’élaboration des politiques, expliquant pourquoi elle est essentielle à la réalisation d’un double alignement entre les objectifs climatiques et les objectifs plus larges de bien-être. Une telle approche implique de définir les objectifs sociaux en termes de bien-être (y compris en ce qui concerne les risques et les impacts du changement climatique) et d’en tenir systématiquement compte dans les décisions prises dans tous les secteurs de l’économie. Elle nécessite également que les décisions soient prises en ayant à l’esprit les multiples objectifs de bien-être, et non en se focalisant sur un seul objectif (ou sur un ensemble très réduit d’objectifs). Enfin, les interdépendances entre les différents secteurs et systèmes économiques au sein desquels intervient une politique donnée doivent être suffisamment appréhendées. Ce chapitre applique l’approche axée sur le bien-être au secteur des transports.
L’activité humaine est fortement tributaire des transports, raison pour laquelle les performances et les caractéristiques de ce secteur sont déterminantes pour le bien-être humain. Les systèmes de mobilité relient les individus et les lieux, apportant une valeur ajoutée importante aux collectivités sur les plans social et économique et améliorant la qualité de vie. Néanmoins, les systèmes de mobilité peuvent aussi produire divers impacts négatifs sur le bien-être en polluant l’air, en mettant en péril la vie et l’intégrité physique des usagers (lorsqu’ils entraînent un risque d’accidents élevé par exemple), en accentuant les inégalités économiques et sociales et l’exclusion sociale des groupes vulnérables, et même en contribuant à la disparition et la dégradation des habitats. Ils sont également responsables d’émissions de gaz à effet de serre (GES) importantes à l’échelle mondiale, qui jouent un rôle majeur dans le changement climatique.
Les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) dues aux transports ont augmenté de 63 % entre 1990 et 2014 (OCDE/AIE, 2019[1]). Les émissions provenant des transports ont augmenté plus vite que celles de n’importe quel autre secteur au cours des 50 dernières années, et en 2014, les émissions de CO2 imputables aux transports représentaient 23 % des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie (GIEC, 2018[2]). En termes de composition, les émissions dues aux transports terrestres de voyageurs comptaient pour presque 50 % de l’ensemble des émissions mondiales de CO2 dues aux transports en 2015 (FIT, 2017[3]), un résultat qui s’explique en grande partie par la croissance de la motorisation individuelle et de l’usage de la voiture particulière (FIT, 2017[3]), même dans les zones urbaines où la densité de la demande se prête à un recours accru aux transports non motorisés et aux transports en commun (Aguilar Jaber et Glocker, 2015[4]). En 2015, le transport aérien de passagers international et intérieur représentait 10 % des émissions de CO2 imputables aux transports, le fret terrestre (route et train) 28 %, et le fret maritime et aérien 12 % (FIT, 2017[3]).
Si les tendances actuelles se poursuivent, il est illusoire d’espérer enrayer dans l’avenir proche la hausse continue des émissions dues aux transports. Les technologies automobiles, en particulier celles visant à réduire la consommation de carburant, devraient continuer à s’améliorer. Néanmoins, le secteur reste lourdement tributaire des carburants fossiles et les volumes mondiaux de transport devraient connaître une forte hausse au cours des prochaines décennies. Dans l’hypothèse d’un maintien des tendances actuelles, le nombre total de voyageurs-kilomètres et de tonnes-kilomètres devrait être multiplié par trois entre 2015 et 2050 (FIT, 2019[5]). Même dans l’éventualité où les politiques existantes et celles annoncées seraient mises en œuvre, les émissions de CO2 dues aux transports n’en augmenteront pas moins de 60 % d’ici 2050 (FIT, 2019[5]) – un niveau considérablement supérieur à celui vers lequel le secteur devra tendre, d’après les projections, pour que puissent se réaliser les scénarios bien en deçà de 2 degrés Celsius (°C) et 1.5 °C. D’après les projections des modèles d’évaluation intégrés, le secteur des transports devra réduire ses émissions de CO2 dans une mesure beaucoup moins importante que des secteurs tels que l’électricité (entre autres secteurs situés du côté de la demande) ; cependant, dans les scénarios tablant sur une probabilité supérieure à 67 % d’un réchauffement de moins de 2 °C (Luderer et al., 2018[6]), ces émissions devront tout de même diminuer modestement d’ici à 2050 par rapport aux niveaux de 2010 (dans une proportion allant d’une croissance nulle à -25 %, selon les différentes trajectoires à 2 °C). Quant à l’objectif de 1.5 °C, sa réalisation imposerait une réduction beaucoup plus importante des émissions dues aux transports à l’horizon 2050 (allant de -25 % à -75% selon les différentes trajectoires à 1.5 °C) (Luderer et al., 2018[6]).
L’évolution future du secteur des transports – par exemple, le maintien de systèmes fondés sur la voiture particulière et la persistance de faibles taux d’occupation des véhicules, ou généralisation progressive de modes plus durables (tels que la marche, le vélo, les transports en commun et autres formes de mobilité partagée) – aura une influence décisive sur la contribution du secteur à l’atténuation du changement climatique et à la réalisation de divers autres objectifs de bien-être. Dans les transports comme dans d’autres secteurs, la mise au point de nouvelles technologies est un puissant facteur de changement. On s’accorde à reconnaître que trois « révolutions », en particulier, ont changé la donne (Fulton et al., 2017[7]) : 1) la généralisation des technologies automobiles à émissions faibles ou nulles pour un coût de plus en plus accessible ; 2) la mise au point de véhicules automatisés ; et 3) l’apparition de nouveaux modèles économiques rendus possibles par la transformation numérique, tels que les services de véhicule avec chauffeur et les services de mobilité partagée « à la demande » (Fulton et al., 2017[7]). La technologie a également favorisé l’émergence et la popularisation de nouveaux modes de transport (par exemple, les véhicules et les scooters électriques, ce que l’on appelle la micro-mobilité). Le modèle privilégié par plusieurs gouvernements pour améliorer les services de transport au moyen de la technologie est celui de la « mobilité en tant que service » (MaaS). Par exemple, en 2018, le gouvernement finlandais a fait adopter une nouvelle loi sur les services de transport pour promouvoir la MaaS, considéré comme porteur des avantages suivants : « La technologie, l’information et l’innovation aidant, les services de transport sont en train de devenir un service orienté sur le client, qui décloisonne les différents modes de transport et assure la continuité de la chaîne de transport » (FIT, 2018[8]). Le cadre d’action dans lequel ces technologies, parties prenantes et modèles évoluent déterminera leur rôle et, in fine, leur influence sur la configuration des systèmes de mobilité et leur contribution à l’atténuation du changement climatique et à la réalisation d’autres objectifs sociaux.
Il est fait valoir dans la section 5.2 que l’application aux transports d’une approche axée sur le bien-être impose de revoir les politiques de mobilité, les priorités en matière d’investissement et la planification. L’accent doit porter non plus sur la production de déplacements physiques, mais sur le développement des possibilités d’accès aux opportunités économiques, sociales et environnementales, à travers l’amélioration de l’accessibilité physique et financière et de la sécurité routière (grâce à des modes de transport durables en particulier). L’exposé souligne les synergies potentielles et signale des arbitrages à opérer le cas échéant dans le cadre de l’action climatique visant le secteur des transports. Il examine de quelle manière le changement de perspective proposé peut renforcer les synergies et minimiser ou atténuer les arbitrages à effectuer. La section 5.3 propose plusieurs indicateurs pouvant faciliter le suivi et l’évaluation de la contribution des transports au bien-être global et à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD). S’appuyant sur des exemples de plusieurs pays et villes, elle explique en quoi ces indicateurs permettent de suivre les progrès accomplis au regard de différentes priorités d’action et aident à mieux comprendre les effets potentiels des mesures d’atténuation sur d’autres dimensions du bien-être et vice versa, facilitant le double alignement évoqué dans le chapitre 1. Le présent chapitre met plus particulièrement l’accent sur les transports terrestres de voyageurs (par route et par rail), mais la réorientation vers des systèmes de mobilité axés sur l’accessibilité aura des répercussions directes sur l’efficience des modes de transport terrestre de marchandises (notamment parce que le transport de marchandises deviendra prioritaire par rapport aux voitures particulières), ce qui ne sera pas sans conséquences pour leur réglementation (ce point est abordé dans le chapitre 10 de la Partie II de ce rapport, qui examine un ensemble de politiques possibles). De plus, bon nombre des indicateurs et impacts commentés dans ce chapitre sont aussi utiles pour le suivi des performances du transport de voyageurs que pour celui du fret.
Le chapitre 10 passe en revue un certain nombre de politiques qui peuvent contribuer à la décarbonisation du secteur. Il décrit à ce titre diverses politiques « d’amélioration » (c’est-à-dire qui encouragent l’adoption de technologies améliorées). Cependant, en droite ligne des analyses du présent chapitre, il souligne également l’utilité des politiques de « prévention » et de « réorientation » qui visent à transférer une part élevée des déplacements vers des modes à moindre intensité de carbone et requérant moins d’espace (marche, vélo, transports en commun et autres services de mobilité partagée), ainsi qu’à éviter les déplacements inutiles et les trajets inutilement longs. Comme cela a été indiqué, des recoupements importants existent entre ces types de politique et les actions qui doivent être menées dans les domaines de l’aménagement du territoire et du logement (objets des chapitres 4 et 9). Le chapitre 10 se penche également sur les liens entre les politiques considérées et l’évolution et les impacts potentiels des nouvelles technologies (électrification, véhicules automatisés et mobilité partagée). Il traite des politiques liées aux transports terrestres de voyageurs et de marchandises, mais apporte également quelques éclairages sur la décarbonisation du transport maritime et aérien.
5.2. Se concentrer non plus sur les déplacements physiques mais sur l’accessibilité
Il est important de savoir clairement quels objectifs l’on souhaite atteindre au travers des politiques de transport. L’augmentation des déplacements physiques n’est pas nécessairement synonyme de progrès sur les plans du bien-être et de la durabilité. Les embouteillages et autres externalités négatives, ainsi que la durée et le coût excessifs des déplacements que doivent effectuer certaines personnes peuvent amputer lourdement les revenus disponibles, exacerber les inégalités et nuire à la santé et à l’environnement. Des données montrent que la planification centrée sur la voiture, qui obéit à une approche de type « prévoir et pourvoir » (prévoir le trafic et construire des infrastructures routières en conséquence), génère une augmentation de la circulation automobile (demande induite). Une telle démarche ne permet de réduire ni les embouteillages ni les externalités environnementales (au nombre desquelles figurent plusieurs autres polluants co-émis avec le CO2), pas plus qu’elle ne permet à la population d’accéder aisément aux opportunités.
Les premières données attestant l’existence d’une demande induite ont été recueillies au début des années 1990 en Europe, et depuis lors, l’accumulation des éléments de preuve en Europe et dans d’autres régions a contribué à une révision progressive de l’argumentaire sous-tendant la politique de mobilité et les investissements dans les infrastructures de transport (OCDE, 2016[9])1; L’approche consistant à appuyer les décisions de politique publique et d’investissement non plus sur l’idée qu’il faudrait répondre à la demande de mobilité (en termes de passagers-kilomètres et tonnes-kilomètres) et rendre les déplacements plus rapides, mais sur un souci d’amélioration de l’accessibilité – c’est-à-dire la facilité avec laquelle les destinations peuvent être atteintes, qu’il s’agisse de biens, de services, d’emplois ou d’autres activités (Litman, 2008[10]) – apparaît de plus en plus comme une solution plus appropriée au regard des objectifs de durabilité. Il reste néanmoins d’importants défis à relever pour développer la planification et les politiques axées sur l’accessibilité, comme l’analyse (Silva et Larson, 2018[11]). L’un des problèmes les plus épineux réside dans la confusion fréquente entre mobilité et accessibilité, qui amène souvent à considérer que ces deux concepts sont équivalents, ou tout au moins que le premier constitue un bon indicateur du second. Par conséquent, les politiques et la planification restent très orientées sur l’accroissement de la mobilité, même dans les cas où c’est bien le terme « accessibilité » qui est employé (Silva et Larson, 2018[11]).
Ces problèmes sont exacerbés par la corrélation entre les indicateurs de volume de transport (passagers-kilomètres et tonnes-kilomètres par exemple) et le PIB et le PIB par habitant. Selon une interprétation fréquente, il y aurait un effet de renforcement mutuel entre les deux agrégats : à mesure que l’économie croît et que les revenus augmentent, les activités de transport s’intensifient. Parallèlement, l’essor des activités de transport crée de nouvelles connexions et activités économiques, qui stimulent le développement économique.
Cependant, la correspondance entre déplacements physiques et vitesse d’une part et facilité d’accès aux activités et aux opportunités – sans même parler d’autres dimensions du bien-être telles que la pollution atmosphérique – d’autre part est imparfaite (FIT-OCDE, 2019[12]). Dans bien des situations, le volume global de transport est élevé précisément parce que l’accessibilité est limitée, ce qui oblige les voyageurs et/ou opérateurs de services de fret à effectuer des trajets plus longs et à consacrer des dépenses plus élevées au transport, et aggrave les émissions de CO2 et la pollution atmosphérique (dont les coûts ne sont pas pris en considération ou formellement comptabilisés dans le PIB). Pour donner un exemple, l’accès limité aux transports en commun entraîne une augmentation des déplacements en voiture. Autre cas de figure, la destination peut être éloignée du point de départ, allongeant les trajets, et/ou l’accès en vélo ou à pied peut être difficile ou risqué ; dans les deux cas, la résultante est une augmentation des déplacements en véhicule à moteur. Par conséquent, même si la mesure des volumes de transport demeure essentielle pour aider à comprendre les causes des émissions et les tendances de la demande, c’est une erreur que d’utiliser cet indicateur comme mesure ultime des performances du secteur (voir section 5.3).
Il y a largement matière à opérer un double alignement entre les mesures d’atténuation du changement climatique et les objectifs plus généraux relatifs au bien-être et au développement durable dans le secteur des transports, en insistant non plus sur la mobilité mais sur l’accessibilité. Ce changement de perspective peut améliorer l’adéquation entre les décisions relatives aux transports et les objectifs de bien-être et les ODD, pour plusieurs raisons. Premièrement, c’est l’amélioration de l’accès aux opportunités et aux activités – et non l’augmentation des déplacements physiques – qui est directement liée à la création de bien-être. Deuxièmement, en donnant la priorité à l’accessibilité, cette démarche reconnaît le rôle et la valeur des modes de transport durables. Elle ouvre des possibilités pour l’adoption de nouveaux modes de transport (micro-mobilité par exemple) qui, dans l’éventualité d’une réaffectation de l’espace routier privilégiant les modes peu émissifs et économes en espace, pourraient procurer les avantages recherchés et éviter les désavantages potentiels (accidents par exemple). Troisièmement, l’approche fondée sur l’accessibilité souligne l’importance d’une conception de l’espace urbain qui valorise la proximité – étant entendu que les choix d’aménagement des villes, s’ils ne relèvent pas de la compétence des autorités en charge de la politique de transport, peuvent œuvrer activement au passage à des systèmes de transport durables. Tous ces facteurs peuvent guider utilement les autorités publiques dans leurs actions pour atténuer le changement climatique et faire avancer d’autres priorités essentielles à la création de bien-être, notamment : améliorer l’accessibilité physique, assurer l’accessibilité financière des services et améliorer la sécurité routière. De fait, analyser les politiques d’atténuation du changement climatique (chapitre 10) par le prisme de leur impact sur d’autres objectifs de l’action publique liés aux dimensions diverses de l’accessibilité, ainsi qu’à la pollution, au bruit, aux répercussions sur la santé et aux dommages pour l’environnement, peut contribuer à rendre ces politiques plus efficaces et à éviter des incohérences importantes. Ces relations sont synthétisées dans le Tableau 5.1 et examinées de façon plus approfondie dans la section 5.3.
Le double alignement des objectifs fait la part belle à l’accessibilité plutôt qu’à la mobilité. Il reconnaît le rôle et la valeur des modes de transport durables et l’importance d’une conception de l’espace urbain qui valorise la proximité. Ces conditions seront essentielles si l’on veut que le secteur renverse la tendance qui voit ses émissions de GES augmenter continuellement et qu’il contribue à la réalisation de nombreux autres objectifs liés au bien-être.
Tableau 5.1. Avantages potentiels d’un double alignement découlant d’une approche axée sur le bien-être dans le secteur des transports
Autres priorités de l’action publique |
Contribue à limiter le changement climatique |
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---|---|---|
en générant des synergies |
en évitant/réduisant les divergences |
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Améliorer l’accessibilité physique |
L’approche axée sur l’accessibilité peut améliorer les liaisons au sein du système de transport et, ce faisant, faciliter les déplacements en particulier et rendre les transports non motorisés et les transports en commun plus compétitifs. Cela peut donner l’impulsion à un transfert modal en faveur de modes plus durables (priorité de plusieurs mesures d’atténuation du changement climatique). Faire de l’accessibilité un critère central des projets d’extension et de mise à niveau des réseaux de transport en commun et des infrastructures destinées aux modes non motorisés peut également être utile pour orienter les usagers vers des modes durables. La focalisation sur l’accessibilité permet également de reconnaître les solutions relevant de l’aménagement du territoire et d’améliorer la coordination entre transports et aménagement du territoire. La recherche d’un meilleur alignement entre ces politiques est au cœur des initiatives d’atténuation du changement climatique visant à éviter les déplacements inutiles et à encourager une réorientation vers des modes durables. |
Avoir conscience des changements de l’accessibilité est également essentiel pour réduire les risques d’impacts sociaux négatifs (accessibilité financière et exclusion sociale par exemple). C’est là un aspect particulièrement pertinent pour la mise en œuvre de mesures de gestion de la demande de transports (par exemple, tarification du carbone et des embouteillages). Les pouvoirs publics ont recours à un certain nombre de ces mesures pour corriger les prix des différents modes de transport de sorte qu’ils intègrent les externalités négatives (émissions de GES notamment), afin d’encourager les usagers à opter pour des modes moins émissifs. Cependant, si l’accessibilité n’est pas assurée par d’autres modes, ces mesures risquent de faire peser un lourd fardeau sur les usagers, sans pour autant apporter une contribution notable à l’atténuation du changement climatique. |
Assurer l’accessibilité financière des services |
La prise en compte des dépenses de transport des ménages dans le choix des emplacements des futurs ensembles résidentiels peut encourager l’implantation des nouveaux logements sur des sites depuis lesquels les résidents pourront accéder à leurs destinations finales (emplois et éducation par exemple) plus aisément par des modes durables. Cette approche peut également éviter aux ménages des dépenses de transport disproportionnées et, point important, contribuer à une utilisation accrue des modes de transport durables. |
La prise en compte les dépenses de transport des ménages dans le choix des emplacements des programmes de logements abordables et sociaux peut éviter de couper les segments les plus vulnérables de la population des transports en commun. Lors de la mise en œuvre des mesures de gestion de la demande de transport, l’analyse de la vulnérabilité des ménages (à l’aune des revenus et de la localisation) informe sur les moyens de limiter les coûts pesant sur les grouples vulnérables tout en éclairant sur les besoins en terme de transfert modal. |
Assurer la sécurité routière et des personnes |
Lorsque les rues sont plus sûres (à la fois en termes de sécurité routière et de sécurité des personnes), les voyageurs sont plus enclins à faire leurs déplacements à pied, en vélo ou en transports en commun (dont l'utilisation impose généralement de parcourir de plus grandes distances à pied). Cela va dans le sens de l’atténuation du changement climatique et encourage le passage à des modes de transport plus durables. |
Les infrastructures destinées aux piétons, aux cyclistes et aux transports en commun conçues pour attirer davantage d’usagers doivent être conformes aux meilleures pratiques de réduction des risques d’accident, afin de contrer tout problème de sécurité lié à une utilisation accrue des modes de transport non motorisés et des transports en commun. La mise en place de dispositifs de surveillance et le renforcement de la sécurité des personnes sur les couloirs de transport en commun, conjugués à l’aménagement de voies réservées aux piétons et aux cyclistes, peuvent également rendre les déplacements plus sûrs pour ces derniers. |
Réduire la pollution locale, les risques pour la santé et les dommages causés aux habitats |
Les mesures qui encouragent le renouvellement du parc automobile (en faveur de véhicules plus économes en carburant ou de véhicules électriques) pour réduire la pollution et/ou le bruit peuvent également contribuer à l’atténuation des émissions de GES, et réciproquement. La mise en place de dispositifs de surveillance et de mesures évitant que la construction d’installations de transport n’endommage les habitats (à cause de la pollution atmosphérique par exemple) peuvent également atténuer les émissions de GES. En outre, la prise en compte des menaces que font peser les projets sur la biodiversité peut conduire à privilégier des solutions qui réduisent la réaffectation des terres, et donc éviter potentiellement de nouvelles émissions de GES. |
Il est important de disposer de données exactes sur les émissions qui polluent l’air localement pour s’assurer que les normes relatives aux véhicules et les mesures encourageant le renouvellement du parc automobile pourront réellement contribuer à l’atténuation des émissions de GES et à la réduction de la pollution, en évitant les arbitrages entre ces objectifs. |
Note : ce tableau fait fond sur les travaux cités dans le chapitre.
5.3. Indicateurs de la contribution des transports au bien-être
Comme indiqué dans le chapitre 1, les pouvoirs publics ont besoin d’un système de mesure qui les aide à évaluer en continu les impacts multiples des politiques adoptées sur le bien-être. Cette section présente et commente un ensemble d’indicateurs peu utilisés mais qui peuvent néanmoins améliorer le suivi des progrès accomplis au regard des objectifs climatiques et d’autres objectifs liés au bien-être. Elle propose un moyen de mieux appréhender les synergies et incohérences éventuellement engendrées par différentes décisions et politiques, en s’appuyant sur les exemples de pays et de villes qui ont mis en place ce type d’évaluation et de suivi.
Tableau 5.2. Priorités dans les transports et liens avec les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE
Priorité |
ODD et cibles |
Domaine du bien-être (OCDE) |
Dimension du bien-être (OCDE) |
---|---|---|---|
Limiter le changement climatique |
13. Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques 11.2. D’ici à 2030, assurer l’accès de tous à des systèmes de transport sûrs, accessibles et viables, à un coût abordable. 11.6. D’ici à 2030, réduire l’impact environnemental négatif des villes par habitant. |
Bien-être futur : ressources. |
Capital naturel. |
Améliorer l’accessibilité physique |
1.1. D’ici à 2030, éliminer complètement l’extrême pauvreté dans le monde entier. 1.2. D’ici à 2030, réduire de moitié au moins la proportion d’hommes, de femmes et d’enfants de tous âges souffrant d’une forme ou l’autre de pauvreté. |
Bien-être actuel : conditions matérielles Bien-être actuel : qualité de vie |
Emploi et salaires Revenu et patrimoine Logement Éducation et compétences Équilibre vie professionnelle - vie privée Liens sociaux État de santé |
8.5. D’ici à 2030, parvenir au plein emploi productif et garantir un travail décent à tous. 3.8. Faire en sorte que chacun bénéficie d’une couverture sanitaire universelle. 8.5. D’ici à 2030, parvenir au plein emploi productif et garantir un travail décent à tous. 9.1. Mettre en place une infrastructure de qualité, fiable, durable et résiliente. 11.1. D’ici à 2030, assurer l’accès de tous à un logement et des services de base adéquats et sûrs, à un coût abordable, et assainir les quartiers de taudis. 11.2. D’ici à 2030, assurer l’accès de tous à des systèmes de transport sûrs, accessibles et viables, à un coût abordable. |
|||
Assurer l’accessibilité financière des services |
1.1. D’ici à 2030, éliminer complètement l’extrême pauvreté dans le monde entier. 1.2. D’ici à 2030, réduire de moitié au moins la proportion d’hommes, de femmes et d’enfants de tous âges souffrant d’une forme ou l’autre de pauvreté. 11.2. D’ici à 2030, assurer l’accès de tous à des systèmes de transport sûrs, accessibles et viables, à un coût abordable. |
Bien-être actuel : conditions matérielles |
Revenu et patrimoine Emploi et salaires Logement |
Assurer la sécurité routière et des personnes |
3.6. D’ici à 2020, diminuer de moitié à l’échelle mondiale le nombre de décès et de blessures dus à des accidents de la route. 11.2. D’ici à 2030, assurer l’accès de tous à des systèmes de transport sûrs, accessibles et viables, à un coût abordable. |
Bien-être actuel : conditions matérielles |
Sécurité personnelle |
Réduire la pollution locale et le bruit, les risques associés pour la santé et les dommages causés aux habitats. |
3.9. D’ici à 2030, réduire nettement le nombre de décès et de maladies dus à des substances chimiques dangereuses, à la pollution et à la contamination de l’air, de l’eau et du sol. 11.6. D’ici à 2030, réduire l’impact environnemental négatif des villes par habitant. |
Bien-être actuel : qualité de vie Bien-être futur : ressources |
État de santé Qualité de l’environnement Ressources naturelles |
L’examen des différents indicateurs est organisé en fonction des cinq priorités d’action identifiées dans la section 5.2 comme étant essentielles à la réalisation des objectifs généraux de bien-être et des objectifs de durabilité dans le secteur des transports : limiter le changement climatique ; améliorer l’accessibilité physique ; assurer l’accessibilité financière des services ; améliorer la sécurité routière et celle du public ; et réduire la pollution locale et le bruit, les risques associés pour la santé et les dommages causés aux habitats. Le Tableau 5.2 résume les liens qui existent entre ces priorités et les ODD et leurs cibles, ainsi qu’avec différents domaines et dimensions du cadre d’évaluation du bien-être et du progrès de l’OCDE (dénommé « cadre du bien-être de l’OCDE » ci-après).
Les tableaux récapitulatifs présentés dans chaque sous-section répertorient les indicateurs qu’il est possible d’utiliser pour traduire les différents objectifs de l’action publique en résultats mesurables. Ils indiquent également les liens entre les indicateurs proposés et ceux qui sont utilisés pour mesurer les progrès en direction des cibles des ODD et les indicateurs des domaines et dimensions du bien-être définis par le cadre du bien-être de l’OCDE. Comme on le verra tout au long de cette section, les indicateurs proposés complètent ceux déjà utilisés pour les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE : a) en générant des données détaillées propres au secteur qui permettront d’apprécier les progrès accomplis en direction de la cible d’ODD et/ou de l’objectif de bien-être considéré ; ou b) en aidant à mieux comprendre quelles conditions favorables liées aux transports sont nécessaires pour atteindre les cibles qui sous-tendent les ODD et/ou les objectifs de bien-être.
Les indicateurs examinés dans cette section ne sont pas exhaustifs. Les analyses qui suivent se bornent à formuler des suggestions visant à encourager la discussion, en soulignant les limites des données et les possibilités d’améliorer celles-ci, ainsi qu’en donnant des exemples de bonnes pratiques montrant que des indicateurs améliorés sont d’ores et déjà utilisés avec profit.
5.3.1. Limiter le changement climatique
Le suivi des émissions de GES dues aux transports est un moyen de quantifier directement la contribution de ce secteur à la réalisation des objectifs d’atténuation du changement climatique. Comme on l’a indiqué précédemment, les émissions de CO2 imputables aux transports représentent de l’ordre de 23 % des émissions mondiales liées à l’énergie et n’ont pas cessé d’augmenter au cours des dernières décennies.
Les données sur les émissions de CO2 – et dans certains cas, de GES – provenant du secteur des transports sont à peu près disponibles au niveau national. Les pays sont de plus en plus nombreux à élaborer des inventaires d’émissions, qui recensent notamment les émissions de GES du secteur des transports. Néanmoins, les inventaires des émissions dues aux transports sont fréquemment établis à partir des données nationales sur la consommation de carburant, si bien qu’il est difficile d’évaluer les émissions à l’échelon infranational. Certaines villes ayant particulièrement à cœur d’œuvrer à l’atténuation du changement climatique ont élaboré leurs propres inventaires, souvent avec le soutien d’institutions internationales, contribuant à combler une partie de ces lacunes. Par exemple, le Protocole mondial pour le calcul des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle d’une agglomération (GPC) est une norme établie par le C40 Cities Climate Leadership Group, le World Resources Institute et ICLEI-Local Governments for Sustainability pour aider les villes à comptabiliser et déclarer leurs émissions de GES (y compris celles dues au secteur des transports) (C40, 2019[13]). En règle générale, les villes participantes sont des agglomérations de grande taille, qui ont d’importantes ressources à leur disposition ; beaucoup d’autres villes n’ont pas accès à ce type d’outil.
Globalement, la granularité des données sur les émissions de GES liées aux transports a besoin d’être améliorée ; l’accès à des données détaillées sur les émissions par mode et par type de véhicule, ainsi qu’à des informations sur la contribution de différents territoires dans les différents pays, permettrait d’étayer plus solidement les décisions et fournirait davantage de certitudes quant aux chances d’atteindre les objectifs fixés. De même, la systématisation de l’analyse ex post de la contribution des politiques et décisions d’investissement à la réduction des émissions de GES améliorerait les estimations qui peuvent permettre d’intégrer les objectifs d’atténuation du changement climatique dans les méthodologies d’évaluation.
L’une des difficultés majeures consiste à mesurer les diverses émissions de GES imputables aux transports. Dans la version la plus récente de son étude sur les coûts externes des transports (Handbook on the external costs of transport), la Commission européenne estime, entre autres coûts externes imputables aux transports, les coûts liés à l’atténuation du changement climatique (van Essen et al., 2019[14]). Le Handbook couvre le transport routier, ferroviaire, maritime et fluvial et prend en compte les coûts liés aux émissions de carbone (CO2), de protoxyded'azote (N2O) et de méthane (CH4). Il donne des indications sur les méthodologies de pointe qui permettent d’estimer les coûts liés au changement climatique et autres coûts externes des transports, à savoir : a) recommandations sur les meilleures pratiques à adopter dans les situations où des données désagrégées, détaillées et propres aux cas sont disponibles ; b) valeurs d’entrée types que les États Membres de l’UE peuvent utiliser pour calculer le coût total des externalités dues aux transports sur leur propre territoire ; et c) coût moyen et coût marginal pour différentes externalités, pour les situations où l’on ne dispose pas de données désagrégées, détaillées et propres aux cas pour calculer ces externalités (van Essen et al., 2019[14]). Le Graphique 5.1 indique la part des coûts externes totaux des transports (estimés à 987 milliards EUR) liée au changement climatique, ainsi que les parts d’autres coûts liés à d’autres priorités examinées dans ce chapitre (embouteillages, accidents, pollution atmosphérique, bruit et dommages causés aux habitats), estimées pour l’Union européenne (UE28) en 2016. Dans le cas de la pollution et des émissions de GES, des estimations distinctes sont calculées pour les émissions « du puits (de pétrole) à la citerne » (c’est-à-dire les émissions dues à la production d’énergie). Les différents coûts considérés (autres que ceux résultant du changement climatique) sont abordés dans les sous-sections correspondantes.
Pour estimer le coût total des transports en termes de changement climatique pour l’UE28, le document utilise les valeurs centrales des coûts des dommages dus aux émissions de GES (100 EUR par tonne d’équivalent CO2), en s’appuyant sur une revue des études publiées2. Le coût total estimé pour l’UE28 en 2016 se chiffre à 83.14 milliards EUR et provient à 70 % du transport de voyageurs (voitures particulières, motos, bus et cars) (van Essen et al., 2019[14]). Le Handbook calcule et présente également des estimations des coûts moyens par voyageur et kilomètre-véhicule pour différents types de véhicule utilisant différentes technologies (van Essen et al., 2019[14]).
À en juger par le Graphique 5.1prendre en compte les émissions « du puits à la citerne » imputables au secteur des transports est également justifié. Selon les estimations du Handbook, en 2016, le coût total des émissions « du puits à la citerne » en termes de GES et de pollution dans l’UE28 s’élevait à 31.2 milliards EUR, et 60 % de ce coût correspondaient à des émissions contribuant au changement climatique (van Essen et al., 2019[14]).
Il est crucial de disposer de données précises et détaillées sur les déterminants des émissions de GES imputables aux transports, telles que les volumes de transport, la part des véhicules électriques, la consommation de carburant, l’intensité carbone par type de véhicule, et le taux de motorisation. L’examen de ces indicateurs et des exigences correspondantes en termes de données dépasse le cadre de ce rapport, qui se concentre sur des indicateurs pouvant montrer les résultats finaux et mesurer les progrès accomplis en direction de différents objectifs. Des institutions telles que l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le Forum international des transports de l’OCDE (FIT) et l’International Council for Clean Transportation s’attachent à recueillir des données et à aider les pays à améliorer ces types d’indicateur. Par exemple, dans son rapport Tracking Clean Energy Progress 2018, l’AIE présente un certain nombre d’indicateurs relatifs aux transports et à d’autres secteurs, qui jettent un éclairage sur les mesures à mettre en œuvre à court terme pour activer la transition vers des énergies propres (AIE, 2018[15]). Le rapport décrit les trajectoires qu’un certain nombre de déterminants des émissions dans différents secteurs devront suivre (à l’échelle mondiale) entre aujourd’hui et 2030 pour être compatibles avec le « scénario de développement durable » de l’AIE (AIE, 2018[15]).
Tableau 5.3 Tableau récapitulatif : indicateurs de suivi des progrès en matière de limitation du changement climatique et liens avec les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE
Priorité |
Indicateurs proposés |
ODD et cibles |
Indicateurs des ODD |
Domaines/dimensions du bien-être (OCDE) |
Indicateurs de bien-être de l’OCDE |
---|---|---|---|---|---|
Limiter le changement climatique |
|
13. 11.6. |
|
Bien-être futur : ressources Capital naturel |
|
5.3.2. Améliorer l’accessibilité physique
Comme le montre le Tableau 5.2, l’amélioration de l’accessibilité par les transports est liée à plusieurs ODD et dimensions et domaines du cadre du bien-être de l’OCDE. Cependant, bien que ces liens soient de mieux en mieux reconnus, il est nécessaire de disposer « [d’]indicateurs permettant de comparer la qualité d’accès offerte par différents modes de transport, à différentes échelles territoriales, et pour différents groupes de population » (FIT-OCDE, 2019[12]). Ces indicateurs seront essentiels si l’on veut évaluer les progrès accomplis au regard des objectifs d’accessibilité, et aussi élaborer des cadres de décision axés sur l’accessibilité, « c’est-à-dire des cadres d’élaboration des politiques, de planification et d’investissement dans lesquels l’accessibilité est un critère central qui guide systématiquement les décisions » (FIT-OCDE, 2019[12]).
La mise au point d’indicateurs d’accessibilité n’est pas un exercice nouveau mais les indicateurs de ce type sont de plus en plus nombreux, en grande partie du fait de la disponibilité croissante de données géographiques (Geurs, 2018[16]). Cette sous-section examine en premier lieu comment les indicateurs d’accessibilité peuvent être utilisés pour évaluer les progrès du secteur et la contribution de ce dernier à la réalisation des cibles des ODD et aux dimensions du cadre du bien-être de l’OCDE (résumées dans le Tableau 5.1). Elle étudie ensuite en détail différents types d’indicateurs d’accessibilité, et montre comment plusieurs pays et villes les ont appliqués dans leurs activités de planification et d’évaluation.
La cible ODD 11.2 appelle directement à assurer l’accès à des systèmes de transport sûrs, accessibles et viables, à un coût abordable. L’indicateur retenu par le cadre des ODD (proportion de la population ayant aisément accès aux transports publics) est utile mais il est possible de l’améliorer en y intégrant la fréquence du service. Par ailleurs, mesurer l’accès aux transports ne suffit pas : il importe également d’évaluer l’accès de différents groupes de population, par les transports en commun et d’autres modes, jusqu’à leurs destinations finales (emplois, établissements d’enseignement et de santé, etc.) pour pouvoir comprendre la contribution du secteur à divers autres ODD et objectifs liés au bien-être. Des autorités de transport (Transport for London [TfL] par exemple) et des organisations internationales telles que la Commission européenne et le FIT ont accompli d’importants travaux sur cette question et mis au point des méthodes pour calculer des indicateurs de ce type (voir Tableau 5.5 et Encadré 5.4. dans cette section). D’autres indicateurs, parmi lesquels un nouveau concept élaboré par WhereIsMyTransport et mis en application au Cap en Afrique du Sud, intègrent les notions d’accessibilité financière et de sécurité des personnes, en plus de l’accessibilité physique d’un ensemble de destinations pertinentes (voir Encadré 5.5.). WhereIsMyTransport est une plate-forme de données sur la mobilité durable dans les pays émergents qui cartographie les réseaux de transport en commun formels et informels. D’autres villes pourraient adopter à leur tour ces méthodes et indicateurs, qui pourraient ainsi être progressivement intégrés à la liste d’indicateurs utilisés pour cette cible.
L’accès à l’emploi est déterminant pour la réalisation des ODD liés à l’emploi et à la productivité. Par exemple, l’évaluation d’un programme de subventions destiné aux ménages à faible revenu à Bogota (décrit en détail au chapitre 10) a montré que l’amélioration de l’accès aux activités économiques par les transports en commun avait entraîné un accroissement de la productivité (Peralta-Quiros et Rodríguez Hernández, 2016[17]). On voit donc que les indicateurs qui mesurent les changements de l’accès à l’emploi sont liés à la cible ODD 8.5 (plein emploi productif) et aux changements du taux d’emploi (indicateur utilisé par le cadre du bien-être de l’OCDE). De la même manière, les indicateurs qui mesurent le niveau et la qualité de l’accessibilité physique aux établissements de santé et d’enseignement peuvent livrer des informations utiles sur la contribution du secteur à la cible ODD 3.8 (couverture sanitaire universelle) et au niveau d’instruction (qui fait partie du domaine « qualité de vie » et de la dimension « éducation et compétences » du cadre du bien-être de l’OCDE).
Pris ensemble, les indicateurs qui mesurent l’accès aux établissements de santé et d’enseignement, à l’emploi et aux installations de loisirs peuvent également aider à mieux comprendre la contribution du secteur aux liens sociaux, une dimension reconnue par le cadre du bien-être de l’OCDE. Si elle est directement liée à plusieurs dimensions du capital social, humain et économique, la qualité de l’accessibilité par les transports à différents points d’intérêt et activités est aussi, en dernière analyse, indispensable pour prévenir l’exclusion sociale et éradiquer la pauvreté (cible ODD 1.1). « Un vaste corpus de données […] indique que l’absence ou le manque de solutions de transport est un obstacle clé à l’accès aux emplois, aux établissements d’enseignement, aux centres de soins, aux réseaux sociaux, etc., et peut de ce fait engendrer une « trappe à pauvreté » (Lucas, 2018[18]).
Par ailleurs, on s’accorde de plus en plus à reconnaître que les possibilités d’accès à l’emploi et à d’autres activités par les transports, et en particulier les transports en commun, doivent être prises en compte dans les critères déterminant la qualité du logement (FIT-OCDE, 2017[19]). Par conséquent, le degré d’accessibilité à différents points d’intérêt depuis le lieu d’habitation pourrait également faire partie des indicateurs à utiliser pour évaluer les progrès en termes d’accès à un « logement adéquat ». Le logement figure dans les « conditions matérielles » du cadre du bien-être de l’OCDE et dans la cible ODD 11.1, qui appelle à assurer l’accès de tous à un logement adéquat et sûr, à un coût abordable. Le chapitre 4, consacré au logement, développe cet aspect de façon plus approfondie.
En dernier lieu, les indicateurs d’accessibilité peuvent apporter des éléments précieux à l’appui du suivi de la cible ODD 9.1, « mettre en place une infrastructure de qualité, fiable, durable et résiliente… pour favoriser le développement économique et le bien-être de l’être humain ». Il est important de disposer d’indicateurs centrés sur l’accès à des services de transports publics fréquents pour déterminer les carences des infrastructures de transport et les besoins d’améliorations infrastructurelles dans l’ensemble du système de transport. En outre, la mise au point d’indicateurs permettant de comparer les niveaux d’accès aux activités assurés par différents modes de transport pour différents groupes de population est essentielle pour repérer les lacunes spécifiques dont peuvent pâtir les territoires, notamment en termes d’infrastructures de transport durables et d’accès des usagers vulnérables.
D’autres indicateurs seraient nécessaires pour améliorer le suivi de la cible ODD 9.1 : la répartition modale et la quantité et la qualité des infrastructures (par exemple, données sur la répartition de l’espace routier et la qualité des infrastructures destinées à différents modes de transport, telles que la taille médiane des pâtés de maison, la part de routes où la vitesse maximale autorisée est basse, les voies de bus rapides, les pistes cyclables et les installations destinées au transport de marchandises). Comme on l’a vu dans la section 5.2, les indicateurs actuellement utilisés pour cette cible (nombre de voyageurs et volume de fret) ne rendent pas bien compte des progrès accomplis vers la mise en place d’infrastructures de transport durables. Au contraire, ils sont de nature à biaiser la réflexion en faveur de l’approche « prévoir et pourvoir », dont on sait qu’elle n’incite pas à donner la priorité aux solutions de transport durables. Les limites des indicateurs actuellement utilisés pour la cible ODD 9.1 et la nécessité de tenir compte de la répartition modale, en particulier de l'importance relative des modes plus durables, ont été pointées par d’autres organisations également. Par exemple, la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-ONU) a fait observer qu’en l’absence de lignes directrices pour la compilation et l’interprétation des données relatives aux indicateurs choisis, il est difficile d'évaluer les progrès accomplis en direction de la cible ODD 9.1. Certains pays perçoivent la baisse du nombre de voyageurs et du volume de marchandises comme une évolution forcément défavorable, sans considérer qu’elle peut résulter d’une augmentation de la part des modes actifs, d’un raccourcissement des trajets ou de gains d’efficience des chaînes d’approvisionnement. Actuellement, cet indicateur et ses métadonnées restent muets sur la façon dont les progrès devraient être évalués (Blackburn, 2019[20]), mais des travaux ont été engagés au niveau international pour remédier à cette lacune.
Comme on l’a vu dans la section 5.2, au-delà des liens immédiats avec les objectifs de soutenabilité et de bien-être expliqués plus haut et mis en évidence dans le Tableau 5.4 , la priorité donnée à l’amélioration de l’accessibilité est liée à l’atténuation du changement climatique et à d’autres effets bénéfiques sur l’environnement et la santé. Premièrement, l’approche axée sur l’accessibilité reconnaît la valeur des modes de transport plus durables (marche, vélo, transports en commun et autres services de mobilité partagée, y compris le transport ferroviaire interurbain) et peut leur faire jouer un rôle central. Une telle approche permet en outre de renforcer la coordination entre les politiques et la planification des transports et de l’utilisation des sols, qui est essentielle pour créer des aménagements à l’implantation efficiente et axés sur le transport en commun (voir définitions dans l’Encadré 5.1). Ces modes de transport, s’ils jouent un rôle adéquat, et les caractéristiques des types d’aménagement mentionnés peuvent contribuer à assurer un accès étendu tout en réduisant notablement les distances globales, la consommation d’espace et les déplacements, d’où une diminution des émissions de GES et d’autres externalités négatives (voir également le chapitre 9 sur les politiques relatives au logement et le chapitre 10 sur les politiques de transport que requièrent les aménagements axés sur le transport en commun).
Les indicateurs d’accessibilité sont utilisés dans un nombre croissant de recherches et d’analyses, dans la mesure où l’on perçoit plus clairement l’intérêt d’obtenir des avantages environnementaux en plus des avantages économiques et sociaux. L’utilisation des indicateurs d’accessibilité, en particulier dans le contexte de la planification centrée sur l’accessibilité, apparaît de plus en plus comme un moyen de « mettre un terme au caractère de moins en moins durable des modèles de peuplement urbain et de mobilité » (Silva et Larson, 2018[11]). (FIT-OCDE, 2019[12]) fait néanmoins valoir que certaines conditions sont nécessaires pour que les cadres centrés sur l’accessibilité encouragent véritablement la mise en œuvre de politiques favorables au développement durable. Il faut notamment que les indicateurs d’accessibilité utilisés tiennent compte : a) des besoins d’accessibilité de différentes catégories d’usagers des transports ; b) d’un éventail diversifié de modes de transport et de leurs performances relatives (en incluant notamment des modes durables tels que le vélo, la marche et les transports en commun) ; et c) des différences territoriales (par exemple, territoires urbains et non urbains), notamment en reconnaissant l’échelon formé par le quartier.
Encadré 5.1. Aménagement axé sur le transport en commun et implantation efficiente
Un aménagement axé sur le transport en commun (transit-oriented development, ou TOD) est habituellement défini comme un aménagement urbain à usage mixte proche des stations de transport en commun (c’est-à-dire à distance de marche). Le TOD repose sur la création de nouveaux quartiers ou le réaménagement de quartiers existants autour de couloirs de transport en commun utilisés comme axes de transport principaux, la construction d’ensembles denses le long de ces couloirs et la promotion de l’occupation mixte des sols et de l’implantation d’emplois.
Les aménagements à implantation efficiente désignent un modèle d’urbanisme qui consiste à implanter les nouveaux logements sur des sites abordables et garants d’un accès aisé grâce à des modes de transport durables et bien coordonnés.
Source: (FIT-OCDE, 2017[19]).
Tableau 5.4 Tableau récapitulatif : indicateurs de suivi des progrès en matière d’accessibilité physique et liens avec les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE
Priorité |
Indicateurs proposés |
ODD et cibles |
Indicateurs des ODD |
Domaines/dimensions du bien-être (OCDE) |
Indicateurs de bien-être de l’OCDE |
---|---|---|---|---|---|
Améliorer l’accessibilité physique |
|
1.1. 2.3. 3.8. 8.5. 9.1. 11.1. 11.2. |
|
Bien-être actuel : conditions matérielles Emploi et salaires Bien-être actuel : conditions matérielles Logement Bien-être actuel : qualité de vie Éducation et compétences Bien-être actuel : qualité de vie Santé Bien-être actuel : qualité de vie Liens sociaux |
|
Pour mesurer l’accessibilité, il est nécessaire de disposer d’informations sur ses déterminants, qui sont nombreux : l’utilisation des sols (c’est-à-dire la répartition spatiale des activités), les transports, les contraintes temporelles et les caractéristiques individuelles (telles que le revenu et le sexe). Différents types d’indicateurs d’accessibilité peuvent nous renseigner sur ces dimensions, et dans chaque catégorie, il est possible d’élaborer des indicateurs simples, et d’autres plus complexes. (Geurs, 2018[16]) répartit les indicateurs d’accessibilité en quatre catégories et analyse les caractéristiques, les forces et les faiblesses de chacune d’elles (Encadré 5.2.). Parmi ces différentes catégories d’indicateurs, les mesures fondées sur les infrastructures et sur la localisation sont les plus faciles à mettre en application, car elles nécessitent moins de données et sont plus faciles à interpréter et à communiquer (Geurs, 2018[16]). Par conséquent, ce sont celles que privilégient généralement les gouvernants et les planificateurs. Les exemples présentés dans cette section se concentrent également sur ces indicateurs.
Encadré 5.2. Types d’indicateurs d’accessibilité
a) Les mesures fondées sur les infrastructures se focalisent sur la composante transport et donnent des indications sur la qualité relative des infrastructures du réseau de transport. La vitesse de déplacement et les indices de congestion sont des exemples d’indicateurs très simples relevant de cette catégorie. Des indicateurs plus élaborés mesurent le temps moyen nécessaire pour se rendre de chaque point d’une zone déterminée à une destination particulière. Un autre exemple est le Public Transport Accessibility Level (PTAL, « niveau d’accessibilité par les transports en commun ») utilisé par Transport for London (voir Tableau 5.5 pour plus de précisions).
b) Les indicateurs fondés sur la localisation intègrent les composantes transport et aménagement du territoire. Les indicateurs isochrones ou d’opportunités cumulées sont les indicateurs les plus simples dans cette catégorie. Ces outils mesurent le nombre d’opportunités (services ou emplois par exemple) qu’il est possible d’atteindre dans un temps donné, ou le temps ou coût moyen nécessaire pour accéder à un certain nombre d’opportunités à partir d’un lieu donné. Les indicateurs d’accessibilité potentielle sont des variantes plus élaborées de ces mesures, qui intègrent dans les calculs une fonction d’impédance – c’est-à-dire une fonction qui simule la diminution de l’attractivité d’une opportunité liée au coût du déplacement (coût monétaire ou en temps). Certains indicateurs intègrent également les effets de la concurrence – pour tenir compte du caractère limité de certaines opportunités, qui peut également restreindre l’accessibilité.
c) Les indices fondés sur l’utilité estiment les avantages procurés par différents niveaux d’accès à des activités spatialement réparties en termes de bien-être économique. Ils reposent sur des outils de modélisation des choix modaux et constituent des données d’entrée nécessaires pour le calcul des indicateurs. Les mesures fondées sur l’utilité sont extrêmement complexes, et donc plus difficiles à interpréter, communiquer et mettre en application.
d) Les indicateurs fondés sur l’individu mesurent la capacité qu’a une personne d’atteindre un lieu déterminé sous réserve de certaines contraintes spatio-temporelles et en fonction des activités qu’elle a besoin d’accomplir. L’indicateur est obtenu en calculant le volume d’un prisme spatio-temporel et représente la faisabilité des opportunités en fonction des contraintes d’espace et de temps. Les indicateurs fondés sur l’individu sont complexes et nécessitent un volume important de données. Bien qu’ils contiennent une profusion de détails, ces indicateurs, à l’instar des mesures fondées sur l’utilité, sont relativement difficiles à communiquer, à interpréter et à mettre en application.
Par essence, les indicateurs fondés sur l’individu sont liés aux composantes temporelles et individuelles de l’accessibilité. Pour les autres types d’indicateurs, l’utilisation de variantes établissant des distinctions entre les heures d’affluence, les groupes de population, les modes de transport et/ou tenant compte de la qualité des infrastructures peut permettre d’incorporer les dimensions temporelles et individuelles. Il est dès lors possible de lier l’accessibilité à d’autres objectifs de l’action publique (par exemple, conditions d’accès pour les groupes à faible revenu et considérations liées à l’équité, et durabilité et atténuation du changement climatique).
Source : Informations tirées de (Geurs, 2018[16]).
Les indicateurs d’accessibilité peuvent améliorer la planification des transports pour autant qu’ils soient intégrés aux cadres de décision utilisés par les pays et les villes. À titre d’exemple, Transport for London (TfL) a mis au point un certain nombre d’indicateurs fondés sur l’accessibilité (Tableau 5.5) qui sont utilisés pour planifier le réseau de transport mais aussi les aménagements commerciaux et résidentiels. Les indicateurs d’accessibilité ont formé le socle de plusieurs politiques, initiatives et opérations de mise à niveau des infrastructures, qui ont permis à la ville de Londres de doubler la part modale des transports en commun entre 1995 et 2012 (la portant de 25 % à 50 %). « Ce type d’analyse […] permet à TfL de savoir où, et dans quelle mesure, les usagers disposent de solutions de transport durables pour accéder aux emplois et à d’autres commodités dans Londres. Cela est important car la disponibilité de solutions alternatives reposant sur les transports en commun est à l’évidence un déterminant majeur de la part modale de ces transports. L’utilisation accrue des transports en commun est également corrélée à un essor des modes actifs (marche et vélo), fréquemment utilisés pour se rendre aux stations et en revenir » (Inayathusein et Cooper, 2018[21]). Selon des estimations, si tous les Londoniens faisaient 20 minutes de marche ou de vélo chaque jour, le National Health System pourrait économiser 1.7 milliard de livres sterling au cours des 25 prochaines années (GLA, 2017[22]), et 60 000 années de vie en bonne santé supplémentaires au moins pourraient être générées chaque année au cours des 20 prochaines années (grâce aux maladies et décès prématurés évités) (GLA, 2018[23]). Le chapitre 10, consacré aux politiques de transport, examine de façon plus approfondie comment l’utilisation d’indicateurs d’accessibilité peut améliorer les liens entre la planification des transports et la planification de l’aménagement du territoire (via, par exemple, l’ajout de ces indices aux critères employés pour l’élaboration de nouvelles réglementations en matière d’urbanisme et de stationnement), et ainsi réduire les émissions.
Les indicateurs d’accessibilité ont formé le socle de plusieurs politiques, initiatives et opérations de mise à niveau des infrastructures, qui ont permis à la ville de Londres de doubler la part modale des transports en commun entre 1995 et 2012 (la portant de 25 % à 50 %).
Au niveau national, le ministère des Transports britannique (DfT) indique dans la version la plus récente de sa Stratégie d’investissement dans les transports que l’amélioration de l’accessibilité (désignée par le terme de « connectivité ») est l’un de ses principaux objectifs. Le DfT se sert de statistiques et de cartes thermiques dessinant les contours de l’accessibilité aux emplois par les transports en commun et en voiture sur le territoire national pour déterminer les carences des infrastructures et les besoins d’investissement (FIT-OCDE, 2019[12]).
Tableau 5.5 Indicateurs d’accessibilité mis au point par Transport for London
Indicateur |
Existant ou en cours d’élaboration |
Description de la méthodologie |
---|---|---|
PTAL |
Existant |
Le temps total d’accès par itinéraire est obtenu en combinant le temps de marche, le temps d’attente du service de transport et un facteur de fiabilité propre au mode de transport. Les temps totaux d’accès sont ensuite convertis en « fréquences équivalentes de porte à porte (EDF) », de manière à pouvoir comparer les avantages procurés par les itinéraires sur différentes distances. On calcule ensuite la somme de toutes les EDF, pondérées par un facteur reflétant l’attractivité relative de l’itinéraire considéré pour chaque mode. On obtient ainsi l’indice d’accès (AI) de chaque service. Le PTAI (indice d’accès par les transports en commun) est la somme des AI à chaque point de grille. Enfin, on convertit ces PTAI en leur appliquant neuf fourchettes de valeurs, pour obtenir les PTAL finals : Un PTAL de 0 reflète un PTAI de 0, un PTAL de 1 reflète un indice d’accessibilité physique (PAI) compris entre 0.01et 2.5, et ainsi de suite, le PTAL le plus élevé (6b) correspondant à un PAI supérieur à 40. |
Analyse de zone de desserte pour la ville de Londres |
Existant |
L’analyse consiste à cartographier les temps de trajet à partir ou à destination d’un lieu déterminé. TfL n’a pas conçu d’indicateur formel mais utilise un ensemble de mesures tirées des cartographies établies. Les données sur les temps de trajet sont tirées du modèle de transport utilisé par TfL (Railplan). Ce modèle donne des informations sur les itinéraires et services de transport en commun que les usagers sont les plus susceptibles de choisir. Il est ainsi en mesure d'indiquer les flux, les temps de trajet et les niveaux d’affluence à l'intérieur et autour de Londres. La ville de Londres est subdivisée en 3 288 zones, pour lesquelles il est possible de calculer des matrices de temps de trajet couvrant toutes les combinaisons d’origine et de destination. L’analyse de zone de desserte est également utilisée pour analyser les changements qui interviennent dans la ville. |
ATOS (accès aux opportunités et aux services) |
Existant |
La procédure consiste ici à définir un certain nombre de points d’origine, obtenus en découpant Londres en zones, et à calculer un centroïde pour chaque zone (à partir de la répartition de la population donnée par le recensement de 2011). On détermine ensuite un ensemble de points de service et de destination, à partir d’un « panier » d’opportunités préalablement défini. Ce panier comprend un nombre minimum de services et opportunités relevant des domaines suivants : emploi, éducation et santé, commerces alimentaires de qualité et espaces ouverts. Une variante de Railplan (CAPITAL) est utilisée pour calculer les temps de trajet en transport en commun de point à point, combinés aux temps de marche pour les trajets plus courts. Les scores ATOS sont classés en cinq niveaux (de A à E), A correspondant au niveau d’accessibilité des services le plus élevé ou le plus rapide, et E au niveau le plus bas ou le plus lent. |
CYTAL |
En cours d’élaboration |
Le CYTAL prolonge et complète le PTAL, en ajoutant le vélo comme mode d’accès possible aux transports en commun. La méthodologie requise est en cours d’élaboration, certaines questions n’ayant pas encore été résolues : détermination de la distance d’accessibilité cyclable maximale et, le cas échéant, de la distance minimale en-deçà de laquelle l’utilisation du vélo n’est pas pertinente ; prise en compte des différences entre le centre et la périphérie de Londres ; et prise en compte de la disponibilité et de la qualité des infrastructures cyclables. |
Nouvelles mesures de la connectivité piétonnière |
En cours d’élaboration |
Ces nouveaux outils utiliseront un réseau d’itinéraires à pied détaillé pour calculer les trajets les plus courts entre des points d’origine et de destination déterminés (en s’appuyant sur l’analyse ATOS). Les hypothèses à utiliser (par exemple, vitesse de marche moyenne, nécessité éventuelle de moduler la vitesse selon le type d’usager, distances de marche maximales pour les services individuels, et distance réelle et perçue) sont encore en discussion. |
Note : TfL utilise le terme de connectivité pour désigner ce qui, dans ce chapitre, est appelé l’accessibilité. L’institution réserve le terme d’accessibilité à une acception plus étroite, à savoir la facilité d’accès pour les personnes à mobilité réduite.
Source : Informations tirées de (Inayathusein et Cooper, 2018[21]).
Les méthodes d’évaluation du secteur des transports et l’outil en ligne d’appui à l’évaluation des transports WebTAG (Web-based Transport Appraisal Guidance) utilisés par le DfT ont progressivement élargi l’éventail des impacts sur l’accessibilité considérés dans l’évaluation des transports. Cela a permis de circonvenir certains défauts pointés par les détracteurs de l’analyse coûts-avantages, à commencer par l’idée selon laquelle la focalisation des méthodes d’évaluation traditionnelles sur les économies de temps conduirait à négliger les impacts sur l’inclusion ou l’exclusion sociale et à favoriser les projets axés sur les modes de transport motorisés au détriment des modes non motorisés (FIT-OCDE, 2019[12]). Le cadre élaboré par le DfT couvre plusieurs types d’impact monétisés et non monétisés. Il contient des tableaux récapitulatifs utiles aux décideurs, dans lesquels figurent les avantages et les coûts non monétisés, ainsi que le ratio coûts-avantages. Ces tableaux donnent des informations plus complètes sur le degré de compatibilité des projets évalués avec les objectifs gouvernementaux (FIT-OCDE, 2019[12]) (voir Encadré 5.3.).
Encadré 5.3. Utilisation des indicateurs d’accessibilité pour l’évaluation au Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, les évaluations du secteur des transports sont effectuées à l’aide du cadre Value for Money (VfM) mis au point par le DfT. Divers éléments liés à l’accessibilité (accès physique, accessibilité financière et sécurité) sont pris en compte dans les différents types d’impact :
Les impacts monétisés établis sont les principales données d’entrée utilisées pour calculer le ratio coûts-avantages ; ils recouvrent les gains de temps de trajet, les impacts sur les accidents, la qualité des trajets et les émissions de GES.
Les impacts monétisés évolutifs permettent d’ajuster le ratio coûts-avantages en fonction d’impacts qui sont pertinents mais pour lesquels les méthodologies d’évaluation sont moins robustes. Ils comprennent la fiabilité des temps de trajet, l’offre de travail (c’est-à-dire le nombre de personnes auxquelles la diminution des temps de transport permet d’accéder au marché du travail) et le regroupement statique (amélioration des connections entre les entreprises et les ménages grâce à la baisse du coût généralisé du transport et aux gains de productivité associés).
Les impacts monétisés indicatifs et les impacts non monétisés apportent des éléments informatifs au cadre VfM mais ne sont pas utilisés pour estimer ou ajuster le ratio coûts-avantages. Ils comprennent la sécurité, l’isolement, le paysage urbain, l’accessibilité (dans ce contexte, la praticabilité pour les personnes ayant des handicaps physiques et cachés) et l’accessibilité financière. Les méthodologies correspondantes sont continuellement mises à jour et améliorées par le DfT.
Source : (FIT-OCDE, 2019[12]).
Les indicateurs d’accessibilité peuvent également être utilisés à des fins d’étalonnage. Des indices tels que le Traffic Index de TomTom donnent des informations comparables et régulièrement mises à jour sur le niveau d’embouteillage dans un certain nombre de villes, mesuré par le pourcentage de temps supplémentaire qu’il faut pour effectuer un trajet donné par rapport à des conditions de circulation normales. Les coûts sociaux des embouteillages sont de plus en plus reconnus, et l’allègement de la circulation tient un rang élevé dans les préoccupations publiques et politiques. Comme cela a été indiqué précédemment, le coût des embouteillages dans l’UE28, estimé à 270 milliards EUR, représente 27 % du coût externe total des transports (van Essen et al., 2019[14])3. Les indicateurs d’embouteillages permettent de suivre l’évolution de l’ampleur du problème et l’efficacité des mesures mises en place pour y remédier (telles que les péages de congestion, traités dans la section suivante). Cependant, les mesures qui utilisent comme situation de référence des conditions de circulation parfaitement fluides appellent une réserve importante, car ces conditions ne sont ni possibles ni efficientes (CEMT, 2010[24]). Pour contourner cette difficulté, le Centre commun de recherche de la Commission européenne, en collaboration avec la Direction générale de la politique régionale et urbaine (DG REGIO) de la Commission européenne, a mis au point des indicateurs qui utilisent comme base un indicateur d’accessibilité absolue et un indicateur de performance des transports – la voiture, en l’espèce (ces indicateurs sont décrits en détail dans l’Encadré 5.4.) – complétés par d’autres indicateurs d’accessibilité, afin de mesurer les variations de l’accessibilité, en termes absolus et en pourcentage, dues aux embouteillages pendant les heures de pointe. Ces travaux ont été effectués pour plusieurs villes (parmi lesquelles Séville, Bruxelles et Cracovie), et il est prévu de les étendre à l’avenir à l’ensemble des aires urbaines fonctionnelles de plus de 250 000 habitants des États membres de l’Union européenne et d’autres pays d’Europe (Christodoulou, 2019[25]).
L’évaluation comparative de l’accessibilité entre les territoires peut contribuer à faire de l’accessibilité un critère central de bonne performance et guider les priorités d’investissement. Le FIT a élaboré une base de données qui regroupe des indicateurs isochrones d’accessibilité à différentes catégories de services par différents modes de transport pour les villes européennes. Cette base de données fait partie d’un projet mené conjointement avec le Centre pour l’entrepreneuriat, les PME, les régions et les villes de l’OCDE (CFE) qui a bénéficié du soutien de la Commission européenne.
Ce projet s’appuie sur des travaux antérieurs du FIT-OCDE et de la Commission européenne qui ont mesuré l’accessibilité aux arrêts de transport en commun et aux autres populations. Les nouveaux indicateurs complètent ces mesures en calculant l’accessibilité des points d’intérêt finaux, qui recouvrent différentes catégories de services (commerces, écoles, universités, hôpitaux et espaces verts). La base de données exploite les jeux de données normalisés, ouverts et collaboratifs disponibles et utilise des méthodes de calcul harmonisées. Le jeu de données permet de construire des indicateurs pour plusieurs modes de transport : marche, vélo, transports en commun et voiture. Il permet ainsi d’évaluer la compétitivité relative des différents modes, un aspect déterminant pour la durabilité environnementale. En collaboration avec la Banque interaméricaine de développement (BID), le FIT a appliqué ce cadre à quatre villes d’Amérique latine – Mexico, Bogota, Santiago et Montevideo – et calculé des indicateurs d’accessibilité aux autres populations, aux emplois et aux services de base (éducation et santé). L’Encadré 5.4. décrit les indicateurs du cadre d’analyse de l’accessibilité urbaine Commission européenne-FIT-OCDE et présente quelques résultats issus de comparaisons entre villes européennes et villes latino-américaines.
L’une des difficultés majeures posées par la mesure de l’accessibilité dans les villes des pays en développement est liée à la présence dans ces villes de systèmes de transport public informels ou semi-formels. Pour remédier à ce problème, le FIT et la BID ont travaillé en partenariat avec WhereIsMyTransport pour ce projet. Les analyses montrent que les services informels sont déterminants pour l’accessibilité dans un certain nombre de villes de pays en développement (voir Encadré 5.4.). Il importe néanmoins de tenir compte de la qualité des services assurés par ces modes de transport et des problèmes qui leur sont fréquemment imputés (sécurité, pollution de l’air et émissions de GES notamment). Aussi faut-il combiner les indicateurs d’accessibilité physique avec une série d’autres indicateurs examinés dans cette section.
Encadré 5.4. Cadre d’analyse de l’accessibilité urbaine Commission européenne-FIT-OCDE
Les indicateurs du cadre d’analyse d’accessibilité urbaine couvrent différents modes de transport (marche, vélo, transports en commun et voiture particulière) et un certain nombre d’opportunités (services de différentes catégories) que les usagers souhaitent atteindre. La méthodologie utilisée repose sur la définition harmonisée de la ville proposée par l’Union européenne et l’OCDE, selon laquelle une « aire fonctionnelle urbaine » englobe une ville principale et la zone périphérique de migrations alternantes. Le cadre considère que l’accessibilité est le produit de la proximité des destinations désirées (déterminée par les politiques d’aménagement du territoire) et de la performance du système de transport (déterminée par les politiques de transport et les investissements en infrastructures).
Le premier indicateur est l’accessibilité absolue. Il reflète le nombre absolu d’opportunités (par exemple écoles, hôpitaux, emplois ou autres populations utilisées comme variable indicatrice de la concentration des activités) auxquelles les individus peuvent accéder par un mode de transport donné et dans un temps donné. Il met en évidence les différences d’accessibilité absolue entre différentes villes ou aires et permet de comparer les niveaux d’accès assurés par différents modes de transport. Cependant, l’accessibilité absolue tend à augmenter avec la taille de la ville. Pour corriger ce biais, on a élaboré deux indicateurs supplémentaires qui dénotent les contributions des deux principaux facteurs sous-jacents de l’accessibilité : la performance des systèmes de transport et la structure de l’aménagement du territoire.
Les facteurs liés à l’aménagement du territoire sont regroupés dans l’indicateur de proximité, qui désigne le nombre d’autres personnes, d’emplois formels et d’établissements d’enseignement et de santé situés dans un périmètre déterminé (2, 4, 8 ou 16 km). La performance des transports reflète la capacité d’un mode de transport déterminé (voiture, transport en commun, vélo ou marche) d’atteindre les opportunités situées à proximité dans un délai déterminé. Cet indicateur est le ratio entre l’accessibilité absolue (nombre total d’opportunités auxquels il est possible d’accéder dans un temps défini) et la proximité (nombre d’opportunités situées dans un périmètre déterminé). En utilisant la proximité comme référence spatiale fixe, on évite le biais de petite ou grande ville. Par ailleurs, cette approche distingue l’effet de la forme urbaine sur l’accessibilité et l’efficience du service de transport, ce qui est indispensable pour pouvoir identifier les carences des services et les opportunités d’investissement.
Ce cadre a été utilisé pour comparer les niveaux d’accessibilité dans 121 villes européennes. Les résultats laissent à penser que la voiture offre en général une meilleure accessibilité que les transports en commun et le vélo, en particulier sur les longs temps de trajet. Cependant, pour des déplacements de 15 minutes, le vélo est plus performant dans la plupart des villes. Les résultats indiquent également que dans les villes denses, les usagers peuvent accéder à un nombre de destinations plus élevé en dépit d’embouteillages plus importants, dans la mesure où ils vivent à proximité de nombreuses destinations et parcourent donc des distances plus courtes. Cela étant, des villes à densité similaire peuvent afficher des niveaux d’accessibilité absolue différents en fonction de la performance de leur système de transport.
Les résultats de la comparaison transports en commun/voiture révèlent que dans les villes européennes, l’automobiliste a accès en moyenne à deux fois plus d’opportunités qu’une personne qui se déplace en transports en commun. Londres fait exception à cette règle. La capitale britannique dispose d’un réseau de transports en commun plus étendu que celui de n’importe quelle autre ville européenne, mais son réseau routier est médiocre en comparaison (c’est le plus mauvais parmi les 121 villes européennes analysées). Cette situation résulte en grande partie de la décision prise de ne pas construire de voies express dans le centre de Londres, ainsi que par des mesures récentes qui réservent l’espace routier aux transports en commun et aux modes non motorisés (vélo et marche) en priorité.
Dans les villes d’Amérique latine, la voiture est aussi le mode le plus compétitif pour accéder à un large éventail d’opportunités. C’est le cas même à Mexico, l’une des villes les plus embouteillées de la planète. Dans la région métropolitaine de Mexico (Valle de México), les transports en commun permettent d’accéder en une heure à 30 % et la voiture à 90 % des emplois situés dans le centre urbain. Néanmoins, 43 % seulement de la population étant motorisée, la voiture est surtout utilisée par les résidents ayant un revenu relativement élevé.
Les résultats concernant l’accessibilité aux autres personnes dans les villes des deux régions montrent également que malgré des différences notables de taille des villes, les systèmes de transport en commun des villes européennes, de plus petite taille, atteignent un nombre beaucoup plus élevé de personnes et d’opportunités (voir Graphique 5.2). Le résident moyen à Paris, qui abrite 9 millions d’habitants sur son aire urbaine, peut atteindre 40 fois plus de personnes/opportunités que le résident moyen à Mexico, dont l’aire urbaine compte 30 millions d’habitants. Les différences de taille des villes peuvent être compensées entre villes de la même région également. Par exemple, Santiago compte 4.8 millions d’habitants, mais l’accessibilité absolue aux autres populations par les transports en commun y est d’un niveau très proche de celui de l’accessibilité absolue à Mexico. À partir de l’estimation des indicateurs de proximité et de performance des transports, on peut établir que la ville de Mexico a créé une grande proximité (en raison de sa densité plus importante), mais que le système de transport public est plus performant à Santiago.
Les différences d’accessibilité absolue par les transports en commun se creusent encore davantage lorsque sont exclus de l’analyse les réseaux de bus et de microbus informels de Mexico et de Bogota. En effet, les modes de transport informels (pris en compte dans le graphique ci-dessous) représentent 54 % du niveau d’accessibilité par les transports en commun à Mexico et 35 % à Bogota. Dans ces deux villes, le transport informel assure 40 % environ de l’accessibilité aux emplois par les transports en commun. C’est dans les quartiers périphériques à faible revenu que ces réseaux apportent la contribution la plus importante à l’accessibilité, dans la mesure où les réseaux de transport en commun formels y sont inefficaces ou presque inexistants.
5.3.3. Assurer l’accessibilité financière des services et contribuer à l’équité
Il est possible d’intégrer les coûts monétaires dans les indices d’accessibilité décrits ci-avant, soit en exprimant le coût monétaire et le coût en temps au moyen d’une mesure unique, soit en utilisant deux indices distincts. À mesure que les indicateurs d’accessibilité deviennent plus complexes (utilisation d’indicateurs d’accessibilité potentielle de préférence aux indicateurs isochrones par exemple), il pourrait être utile de disposer d’indicateurs distincts pour mesurer l’accessibilité physique et l’accessibilité financière ou le coût monétaire de l’accès (FIT-OCDE, 2017[19]).
D’autre types d’indicateurs mesurant la part du revenu (ou du revenu disponible) consacrée au transport peuvent également être utiles. En outre, l’approche consistant à combiner frais de transport et autres dépenses pertinentes des ménages permet de mieux cerner l’impact final des décisions de politique publique sur les moyens de subsistance. Ces indices combinés peuvent également contribuer à mieux intégrer la planification des infrastructures dès lors qu’ils sont utilisés par les autorités en charge des différents secteurs concernés.
Les indicateurs combinés d’accessibilité financière du logement et des transports sont de bons exemples de ce type d’indice. Réunir dans un même indicateur frais de logement et de transport est particulièrement judicieux dans la mesure où les deux variables sont souvent étroitement – et inversement – corrélées : plus le logement est situé dans une zone centrale et/ou attrayante, plus son prix est élevé ; inversement, plus le logement est éloigné des zones centrales et/ou attrayantes, plus les dépenses de transport sont élevées. Il s’ensuit que les ménages doivent souvent trouver un compromis entre conditions de logement et conditions de transport. En prenant en considération et en intégrant les dépenses de logement et de transport dans une même définition de l’accessibilité, les autorités seront mieux à même d’améliorer la situation des ménages au regard de ces deux aspects. Qui plus est, le logement et le transport sont souvent les deux premiers postes de dépenses des ménages et exercent par conséquent une influence très importante sur le revenu disponible que les ménages peuvent consacrer à d’autres besoins (FIT-OCDE, 2017[19]).
Ces types d’indicateur peuvent contribuer au suivi de la cible ODD 11.2, qui appelle également à la mise en place de transports d’un coût abordable ; actuellement, aucun des indicateurs ODD sélectionnés ne mesure l’accessibilité financière des services de transport. Ils peuvent aussi compléter les informations sur les revenus des ménages qui sont utilisées pour suivre la dimension revenu et patrimoine du cadre du bien-être de l’OCDE. Les données sur les niveaux de revenu peuvent ainsi être analysées à la lumière de la part de revenu dépensée par les différentes populations pour subvenir à deux besoins élémentaires intrinsèquement liés (transport et logement). Ces indicateurs permettent également d’intégrer la dimension « transport » dans le suivi de l’accessibilité financière du logement et de l’accès à un logement adéquat (qui dépendent en partie de l’accessibilité financière des services de transport disponibles). L’accessibilité financière des services étant un élément clé de l’accessibilité des transports, ces indicateurs sont également liés aux indicateurs sur les revenus, l’emploi, la santé et l’éducation (tout comme les indicateurs mesurant l’accessibilité physique). Le Tableau 5.6 récapitule les liens entre ces indicateurs, les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE.
Tableau 5.6 Tableau récapitulatif : indicateurs de suivi des progrès en matière d’accessibilité financière des services et liens avec les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE
Priorité |
Indicateurs proposés |
ODD et cibles |
Indicateurs des ODD |
Domaines/dimensions du bien-être (OCDE) |
Indicateurs de bien-être de l’OCDE |
---|---|---|---|---|---|
Assurer l’accessibilité financière des services |
|
1.1. 3.8. 8.5. 11.1. 11.2. |
|
Bien-être actuel : qualité de vie Revenu et patrimoine Bien-être actuel : conditions matérielles Logement |
|
Les enquêtes sur les revenus et les dépenses offrent des sources de données utiles pour le calcul des indicateurs d’accessibilité financière du logement et d’accessibilité financière combinée logement+transport. Il est important que l’analyse des données soit conduite d’une manière qui garantisse la fiabilité des résultats. Par exemple, pour répartir la population en catégories de revenu, il faut tenir compte des transferts de revenu et de l’épargne (pour les étudiants et les personnes âgées par exemple). En outre, les groupements de données retenus ne permettent pas toujours de gérer les données d’une façon utile (par exemple pour calculer les dépenses consacrées aux transports et aux télécommunications) (FIT-OCDE, 2017[19]).
Le Center for Neighborhood Technology (CNT) aux États-Unis a mis au point une méthode pour estimer des indicateurs d’accessibilité financière combinant logement et transport. Le Housing and Transport (H+T©) Affordability Index issu de ces travaux a été utilisé pour établir un cadre national de calcul et de comparaison de l’accessibilité financière des quartiers au sein des villes américaines et entre elles. Cette méthodologie génère également des cartes thermiques qui présentent les résultats spatialement. Les seuils utilisés par le CNT pour définir l’accessibilité financière sont des dépenses de transport inférieures à 15 % du revenu du ménage et des dépenses de logement inférieures à 30 % du revenu du ménage. Le Graphique 5.3 illustre les dépenses consacrées au logement et au transport dans diverses villes des États-Unis. Le tableau de l’accessibilité financière relative dans les différentes villes dépeint par le graphique varie suivant que l’on prend en compte les dépenses de logement et de transport, ou seulement les dépenses de logement. Des villes comme New York et San Francisco, qui affichent des niveaux moyens de dépenses de logement proches du seuil d’inaccessibilité financière (30 % du revenu) sont mieux classées lorsque les dépenses de transport sont également comptabilisées. A contrario, Indianapolis, où le coût du logement est en moyenne plus bas pour les ménages, n’est pas bien classée selon le critère H+T©.
Les comparaisons de l’accessibilité financière dans les villes menées à l’aide de cet outil ont permis d’améliorer les décisions tant au niveau national que local. Le H+T© Affordability Index a été utilisé pour mettre en œuvre des mesures (octroi de subventions au logement abordable par exemple) qui favorisent les aménagements à la localisation efficiente et axés sur le transport en commun. Ilcontribue ainsi à la réalisation des objectifs d’atténuation du changement climatique et d’accessibilité financière. Le chapitre 10 consacré aux outils de politique climatique applicables au secteur des transports examine la façon dont ces indicateurs ont été utilisés pour guider la prise de décisions particulières.
Le graphique 5.4 montre la corrélation entre les émissions de GES liées aux transports dans les villes et la proportion de quartiers abordables aux États-Unis (le caractère abordable étant déterminé par le H+T© Affordability Index du CNT).
Des données sur les États-Unis montrent que, dans les villes qui comptent une proportion plus élevée de quartiers où le logement est abordable, en termes de dépenses combinées de logement et de transport, les émissions annuelles d’équivalent CO2 des ménages imputables à la voiture sont plus basses.
Comme dans le cas des indicateurs d’accessibilité, l’utilisation de plusieurs indicateurs permet d’affiner le tableau d’ensemble. Par exemple, (Guerra et Kirschen, 2016[28]) ont adapté la méthodologie du CNT à la métropole de Mexico (Valle de Mexico). Les auteurs se sont servis des mêmes valeurs seuils que le CNT pour définir l’accessibilité financière du logement (30 % des dépenses) et des transports (15 % des dépenses) et déterminer les proportions de ménages confrontés à des dépenses excessives ou ayant accès à un logement abordable. Ils ont utilisé trois variantes de l’indicateur du CNT : la proportion de ménages confrontés à des dépenses de logement et de transport excessives ; le niveau moyen d’accessibilité financière pour les ménages à faible revenu (définis comme les ménages situés en deçà du 25e centile des revenus) dans les différentes communes ; et le pourcentage de solutions de logement abordables pour un ménage situé au 25e centile des revenus. Tous les indicateurs sont représentés spatialement pour la région métropolitaine.
Les indices de vulnérabilité contribuent aussi à l’analyse : ils donnent une idée de la charge financière imposée par les conditions de transport actuelles ou de celle qu’impliqueraient d’éventuels changements (par la mise en œuvre d’une certaine politique, par exemple) et intègrent les facteurs spatiaux. Il ressort de l’analyse de certaines politiques (mise en place de péages routiers par exemple) que la disparité dans la répartition géographique des personnes appartenant à la même catégorie de revenus (disparité horizontale) est aussi pertinente pour l’analyse que les impacts potentiels sur les différentes catégories de revenus (disparité verticale) (FIT-OCDE, 2018[29]) ; il est donc important de surveiller les changements et les effets des mesures climatiques avec ce type d’indicateur pour éviter d’éventuelles effets négatifs. Dans (Mattioli et al., 2017[30]), l’indice de vulnérabilité utilisé pour déterminer la dimension géographique de la vulnérabilité face à une hausse du prix des carburants dans le Grand Londres tient compte de l’exposition (charge financière des déplacements), de la sensibilité et de la capacité d’adaptation. La charge financière est donnée par les dépenses de carburant des ménages, exprimées en pourcentage du revenu médian. L’indicateur retenu pour la sensibilité est le revenu médian dans la région. En dernier lieu, la capacité d’adaptation désigne les possibilités d’accès par des modes autres que la voiture – cet indicateur est non seulement une composante importante de la mesure de l’équité, mais il offre un éclairage essentiel pour comprendre le transfert modal potentiel. Les indicateurs d’accessibilité commentés dans la section 5.2 sont utilisés pour mesurer l’accessibilité aux emplois et aux services par les transports en commun et à pied. Les résultats des analyses effectuées avec l’indice de vulnérabilité indiquent que le centre urbain de Londres tend à être moins vulnérable à une hausse du prix des carburants, même si certaines zones se caractérisent par à une vulnérabilité très élevée. Ces constatations montrent que pour évaluer les effets des politiques, il faut s’appuyer sur des informations détaillées, et non sur la situation de l’usager moyen (FIT-OCDE, 2018[29]).
5.3.4. Assurer la sécurité routière et des personnes
Les blessures et les décès occasionnés par les accidents représentent des coûts sociaux importants associés aux activités de transport. L’étude récente de la Commission européenne sur les coûts externes des transports en Europe révèle que les accidents représentent un tiers des coûts externes totaux dans l’UE28 (Schroten et al., 2019[31]). La moto, par exemple, est le mode de transport qui engendre les coûts externes moyens les plus importants en raison de ses taux d’accidentalité et niveau de bruit élevés (Schroten et al., 2019[31]).
Le nombre de morts et de blessés dans des accidents de la route est l’un des principaux indicateurs utilisés pour analyser la sécurité routière. La cible ODD 3.6 fixe un objectif chiffré explicite : d’ici à 2020, diminuer de moitié à l’échelle mondiale le nombre de décès et de blessures dus à des accidents de la route par rapport aux niveaux de 2015. Comme le montre le Tableau 5.7, des indicateurs complémentaires donnant de plus amples précisions sur la gravité des accidents, le type d’usager de la route et le groupe de population seraient utiles pour obtenir des données plus détaillées permettant de cerner les progrès accomplis en direction de cette cible. De tels indicateurs peuvent aussi contribuer au suivi de la cible ODD 11.2, qui mentionne la nécessité d’assurer l’accès à des systèmes de transport sûrs, mais pour laquelle le cadre des ODD ne définit aucun indicateur particulier. Ils pourraient en outre compléter le cadre du bien-être de l’OCDE (dimension de la sécurité personnelle).
Le dernier rapport du Groupe international sur les données de sécurité routière et leur analyse (IRTAD)4 présente des indicateurs comparables au niveau national qui reflètent l’état actuel et l’évolution de la sécurité routière pour différents groupes d’usagers, groupes d’âge, types de route et degrés de gravité des blessures, ainsi que l’évolution du nombre de décès (FIT, 2018). Par exemple, le Graphique 5.5 indique l’évolution du nombre d’automobilistes et de piétons morts sur la route dans une série de pays depuis 2010 en s’appuyant sur les données recueillies par l’IRTAD. On constate que le nombre de décès de piétons continue d’augmenter dans beaucoup de pays.
Le FIT, aus sein de l’OCDE, administre également un réseau d’experts en sécurité routière urbaine appelé Safer City Streets. Le principal objectif de ce réseau est de tenir à jour une base d’indicateurs de sécurité routière qui permet aux villes d’évaluer leurs progrès en continu et de se jauger par rapport à d’autres villes. Les piétons, les cyclistes et les motards représentent 80 % des morts sur la route dans les aires urbaines denses, raison pour laquelle les villes sont encouragées à mettre l’accent sur la protection des usagers de la route vulnérables. En permettant d’évaluer le niveau de risque auquel sont exposés différents groupes d’usagers de la route et son évolution, les indicateurs de sécurité routière peuvent appuyer et guider ces efforts. Pour cela, il est essentiel de mesurer le volume de déplacements (c’est-à-dire les trajets effectués et les distances parcourues avec chaque mode de transport) et d’en neutraliser l’influence ; alors seulement peut-on intégrer dans l’analyse les changements de la répartition modale entre les villes et au fil du temps. Les experts en sécurité routière recommandent également d'évaluer les comportements, tels que les excès de vitesse et le port de la ceinture de sécurité. Au-delà de la mesure du nombre de victimes, des niveaux de risque et des comportements, il est nécessaire d’évaluer les attitudes. Il conviendrait d’effectuer des enquêtes régulières auprès des usagers pour déterminer leur tolérance vis-à-vis des comportements à risque, savoir dans quelle mesure ils se sentent en danger dans la circulation, et leur demander s’ils sont prêts à laisser leurs enfants sortir à pied ou en vélo. Les travaux menés dans ce contexte par le réseau Safer City Streets sont en phase avec ces recommandations.
Le FIT a calculé des indicateurs de risque par mode dans le cadre d’un projet mené en partenariat avec le Centre pour l’entrepreneuriat, les PME, les régions et les villes de l’OCDE (CFE) qui a bénéficié du soutien de la Commission européenne. Les indicateurs de résultats (nombre de morts sur la route) sont normalisés par rapport au mode et à la population, la population présente en journée, le nombre de trajets et le nombre de kilomètres-véhicules dans 60 villes européennes, et peuvent être consultés dans le rapport « Road Safety in European Cities » (FIT, 2019[32]).
Une difficulté particulière tient à ce que les indicateurs de sécurité routière doivent mesurer le nombre réel de morts et de blessés graves dans des accidents de la route. Ces informations peuvent être obtenues auprès de différentes sources : les données de la police sur les accidents, bien sûr, mais aussi d’autres sources de données complémentaires. Le suivi et l’évaluation comparative du nombre de blessés graves sont particulièrement ardus dans la mesure où un grand nombre de blessures graves ne sont pas signalées à la police et où l’évaluation du degré de gravité doit être harmonisée; cette tâche peut être facilitée par l’utilisation d’échelles médicales de gradation des blessures telles que l’Abbreviated Injury Scale et le choix de l’échelon MAIS3+ comme indicateur d’une blessure grave.
Comme l’a indiqué la section 5.2, l’amélioration de la sécurité routière produit un certain nombre d’effets indirects – y compris en termes d’atténuation du changement climatique – qui sont souvent passés sous silence. Ces avantages indirects vont au-delà de l’intérêt évident de la prévention des accidents et des implications de la réparation ou de la mise à la casse des véhicules en termes d’énergie et de matériaux. Ils ne sont pas toujours très perceptibles à l’échelon national, mais dans les villes, leur importance est considérable. Parce que les distances parcourues y sont plus courtes et qu’elles offrent de plus amples possibilités de développement des transports en commun, les villes disposent d’un potentiel énorme de transfert modal de la voiture particulière vers des modes de transport plus sains, meilleur marché et plus économes en énergie. Or, la sécurité routière est fréquemment citée comme étant le principal facteur qui décourage l’utilisation du vélo (Santacreu, 2018[34]), (De Ceunynck et al., 2019[35]). Il existe par conséquent dans les villes un lien direct entre la sécurité routière et les objectifs de politique publique plus larges que sont la santé publique, l’inclusion et l’atténuation du changement climatique.
Les progrès accomplis sur le plan de la sécurité routière peuvent donner une impulsion décisive au transfert modal et amorcer un cercle vertueux : lorsque les rues sont plus sûres, les usagers craignent moins de se déplacer à pied, en vélo ou en transports en commun (dont l’utilisation implique généralement d’effectuer une partie du trajet à pied (Mueller et al., 2018[36]). Cela peut avoir un effet bénéfique sur la santé de la population, devenue moins sédentaire, et également favoriser une diminution de la circulation automobile et donc des émissions de GES et de la pollution locale. Des rues plus sûres peuvent donc conforter les stratégies d’atténuation du changement climatique qui promeuvent un transfert modal de la voiture vers la marche et le vélo. Inversement, de faibles niveaux de sécurité routière risquent de compromettre l’efficacité de ces stratégies en dissuadant les usagers d’opter pour des modes non motorisés. Dans les deux cas, il conviendra de surveiller les risques associés à la hausse de l’exposition à la circulation automobile que pourrait induire l’utilisation accrue de la marche et du vélo.
À l’aide de données préalables au recensement portant sur la qualité des trottoirs et des rues, l’Université catholique du Chili a conçu un Indice de qualité de l’environnement et du milieu urbain (EUQI) qui permet de compléter les analyses sur l’accessibilité. L’EUQI est construit à partir de quatre sous-indices. Le premier sous-indice est composé de données sur la sécurité (éclairages publics, signalisation routière et arrêts d’autobus abrités). Les trois autres reflètent la qualité de l’environnement piétonnier – environnement (jardins, sièges, terrains de sport et de jeu) ; propreté (poubelles et débris) ; et infrastructures (qualité des trottoirs et des rues) – et sont tous directement liés à l’amélioration de la santé mentale et physique (et donc à la priorité ci-dessous), notamment parce que les dimensions de la qualité qu’ils évaluent favorisent la marche à pied. L’indice EUQI est utilisé en complément d’un indicateur d’accessibilité potentielle (c’est-à-dire un indicateur utilisant une fonction de décroissance – voir Encadré 5.2.) qui mesure l’accessibilité piétonnière des transports en commun à Santiago. Cet indicateur d’accessibilité physique (PAI) mesure l’accessibilité à pied des dix arrêts de transport en commun les plus proches (en fixant un seuil de 400 mètres). Des analyses ont été effectuées avec ces deux indicateurs pour mesurer l’accessibilité des transports en commun dans le quartier central des affaires, dans un quartier à revenu élevé (Las Condes) et dans un quartier à faible revenu (San Miguel). Lorsque seul l’indicateur PAI est pris en compte, le quartier à faible revenu apparaît relativement bien classé (juste derrière le quartier central des affaires). Néanmoins, les résultats fondés sur l’indice EUQI montrent que la qualité des itinéraires piétonniers jusqu’aux arrêts de transport en commun dans ce quartier est relativement médiocre (notamment à cause de la sécurité).
Autre exemple d’indicateur prenant en considération la sécurité des personnes, l’indicateur composite mis au point par WhereIsMyTransport, qui est utilisé à des fins d’analyse dans la ville du Cap. Cet indicateur combine des données géographiques sur l’accessibilité physique, l’accessibilité financière et la sécurité des personnes (voir Encadré 5.5.).
Tableau 5.7 Tableau récapitulatif : indicateurs de suivi des progrès en matière de sécurité routière et des personnes et liens avec les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE
Priorité |
Indicateurs proposés |
ODD et cibles |
Indicateurs des ODD |
Domaines/dimensions du bien-être (OCDE) |
Indicateurs de bien-être de l’OCDE |
---|---|---|---|---|---|
Assurer la sécurité routière et des personnes |
|
3.6. 11.2. |
|
Bien-être actuel : conditions matérielles Sécurité personnelle |
Les indicateurs de sécurité routière proposés pourraient compléter les indicateurs actuels (homicides et se sentir en sécurité la nuit) |
Encadré 5.5. L'indicateur composite de WhereisMyTransport : le cas du Cap en Afrique du Sud
Première source de données sur les transports publics dans les pays émergents, WhereisMyTransport tient à jour des données sur plus de 30 villes réparties sur quatre continents. L’initiative cartographie les réseaux de transport public formels et informels, et ses données peuvent être utilisées par les pouvoirs publics et les prestataires de services de mobilité pour rendre les transports en commun plus fiables, plus prévisibles, plus sûrs et plus inclusifs.
Une approche novatrice
Pour dresser un tableau plus précis de l’accessibilité au Cap, WhereIsMyTransport a adopté une approche multidimensionnelle. L’équipe a commencé par recueillir et traiter les données de transport de l’ensemble des organismes de transport opérant au Cap. Il s’agissait en l’occurrence des organismes suivants : Metro Rail, Golden Arrow Bus Services, MyCiti BRT et Cape Town Minibus Taxis (2018). Ces données ont été utilisées pour générer un ensemble de fichiers à extension GTFS (General Transit Speed Specification, ou « spécification générale pour les flux relatifs aux transports en commun »)5 pour chaque organisme de transport. Elles ont ensuite été téléchargées sur une plate-forme permettant de modéliser les trajets multimodaux et ceux effectués avec des modes de transport informels.
Cet indicateur repose sur trois composantes jugées indispensables à la compréhension de l’accessibilité dans les villes émergentes :
L’accès physique désigne la facilité avec laquelle on peut accéder à un ensemble de destinations utiles (travail, école, commerces et services de santé notamment) depuis un lieu déterminé, dans une certaine limite de temps ou de coût. WhereisMyTransport s’est servi de son API pour exécuter des requêtes de planification d’itinéraires avec les jeux de données des différents organismes de transport, et a croisé ces informations avec les données des « points d'intérêt » issues des recensements pour mettre en évidence les liens entre les transports et l’accès aux infrastructures sociales.
L’accessibilité financière renvoie au coût des déplacements. Ce paramètre a été déterminé à l’aide des données sur les tarifs figurant dans les jeux de données GTFS de WhereisMyTransport, lesquelles ont été croisées avec les données sur le revenu des ménages pour déduire la part en pourcentage du revenu qui est consacrée aux transports en commun.
La sécurité revêt plusieurs dimensions. Pour évaluer la sécurité, WhereisMyTransport s’est référé aux temps d’attente aux arrêts de transport en commun, qui figuraient dans les données GTFS. L’équipe a ensuite croisé ces données avec les statistiques librement accessibles sur la criminalité au Cap. Elle a ainsi obtenu une estimation du risque d’exposition à la criminalité fondée sur le temps que les usagers passent à attendre aux différents arrêts de transport en commun.
Le Graphique 5.7 décrit les résultats sous la forme d’une représentation cartographique de l’indice composite pour Le Cap. La première carte décrit la situation de l’accessibilité au Cap telle qu’elle ressort lorsque l’on applique l’approche multidimensionnelle au réseau formel. Les quartiers en bleu foncé sont ceux qui obtiennent le score d’accessibilité le plus élevé (en fonction des critères d’accès physique, d’accessibilité financière et de sécurité). Ces quartiers sont situés autour du port du Cap et font partie du quartier central des affaires. Il s’agit de quartiers aisés, où les résidents se déplacent principalement en voiture particulière et accessoirement en transport en commun formel. Cependant, cette carte fait abstraction du réseau informel de taxi minibus, qui est la forme de transport en commun la plus utilisée au Cap.
La deuxième carte décrit la situation de l’accessibilité au Cap telle qu’elle ressort lorsque l’on applique l’approche multidimensionnelle aux réseaux formel et informel. La prise en considération du réseau informel de taxi minibus dans l’analyse permet de dresser un tableau plus précis et plus proche de la réalité du terrain de la situation de l’accessibilité au Cap. Les quartiers à faible revenu et les zones de peuplement non structurées sont principalement desservis par le réseau de taxi minibus. Issus de la ségrégation spatiale mise en place sous le régime de l’apartheid, ces quartiers sont situés à la périphérie de la ville et leurs habitants sont tributaires du réseau de taxi minibus pour accéder aux emplois et aux infrastructures sociales du centre.
Cette étude de cas sur Le Cap montre qu’il est important de disposer de données de qualité sur les transports pour résoudre les problèmes d’accessibilité et planifier les transports futurs. Elle démontre également que l’intégration du réseau de transport informel dans l’analyse jette un éclairage utile sur le profil de mobilité d’une proportion importante de la population captonienne. À l’inverse, la non-prise en compte du réseau informel rend ces habitants et leurs besoins en transports « invisibles » aux services chargés de l’aménagement futur de la ville. Enfin, l’étude montre qu’il est important d’appréhender l’accès aux transports en commun selon une approche multidimensionnelle afin de permettre aux décideurs, aux planificateurs, aux exploitants et aux usagers d’œuvrer ensemble à l’émergence de systèmes de mobilité qui instaurent la liberté de mouvement – et celle d’avoir des opportunités – pour tous.
5.3.5. Réduire la pollution locale et le bruit, les risques associés pour la santé et les dommages causés aux habitats
La pollution locale détériore la qualité de l’air et nuit à la santé. D’après les estimations de l’OCDE, le coût annuel de la pollution en termes de valeur des vies perdues et des problèmes de santé engendrés s’élève à 3 500 milliards USD dans les pays de l’OCDE, la République populaire de Chine et l’Inde (OCDE, 2014[38]). Pour élaborer des stratégies efficaces, il est essentiel de disposer de données et d’indicateurs montrant les niveaux, les sources et l’impact sanitaire des émissions qui polluent l’air local. Par exemple, l’Agence européenne pour l’environnement dispose d’une base de données sur les décès prématurés imputables à l’exposition aux PM2.5, à l’ozone et au dioxyde d’azote (principale composante des oxydes d’azote [Nox]), qui couvre 41 pays européens. L’Observatoire mondial de la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recueille des données auprès de la majorité des pays sur la mortalité et la charge de morbidité associées à la pollution de l’air ambiant (exprimées en nombre de décès annuels dus à la pollution de l’air ambiant). La base de données de l’OMS sur la pollution de l’air en milieu urbain réunit des données sur les concentrations moyennes annuelles de PM2.5 et PM10 dans un grand nombre de pays et villes. Adopter des normes générales de qualité de l’air conformes aux normes sanitaires internationales fixées par l’OMS est important pour guider l’élaboration des réglementations dans différents secteurs.
Des données se rapportant spécifiquement à la pollution locale liée aux transports sont nécessaires si l’on veut mettre en place des mesures efficaces dans ce secteur. Comme le montre le Tableau 5.8, il est particulièrement important que ces données soient mesurées à l’échelon local – voire à l’échelon micro-local –, pour différents polluants, et dans le cadre d’essais d’émissions en conditions de conduite réelles. Ces données pourraient permettre de mieux comprendre la contribution potentielle du secteur des transports à la réalisation de la cible ODD 11.6 (réduire l’impact environnemental négatif des villes par habitant). Mieux encore, les données pourraient fournir des informations sur des polluants autres que les PM2.5 et PM10 (émissions d’oxydes d’azote [NOx] par exemple), et faciliter le suivi de la contribution du secteur à la cible ODD 3.9 (taux de mortalité attribué à la pollution de l’air intérieur et de l’air ambiant). S’agissant du cadre du bien-être de l’OCDE, les indicateurs considérés peuvent aider à faire comprendre la contribution des transports à la qualité de l’environnement (qui n’est actuellement mesurée que par le biais des concentrations nationales moyennes en PM2.5). Il est important de disposer de données exactes sur les émissions qui polluent l’air localement pour s’assurer que les normes relatives aux véhicules et les mesures encourageant le renouvellement du parc automobile (question examinée en détail au chapitre 10) pourront réellement contribuer à l’atténuation des émissions de GES et à la réduction de la pollution, en évitant les arbitrages entre ces objectifs. Plusieurs études ont démontré l’intérêt d’utiliser des données provenant d’essais en conditions de conduite réelles plutôt que d’essais d’homologation en laboratoire (Encadré 5.6.). L’étude de la Commission européenne sur les coûts externes des transports (Handbook on the external costs of transport) donne des lignes directrices pour estimer le coût de la pollution atmosphérique imputable aux transports, ainsi que d’autres facteurs de coût qui concernent chaque pays européen de manière distincte (différenciés entre zones urbaines et rurales pour certains polluants), et une estimation du coût total pour l’UE28 en 2016. Le Handbook couvre les polluants suivants : NH3, NMV, SO2, NOx, PM2.5 et PM10. Le coût total de la pollution atmosphérique dans l’UE28 est estimé à 71.8 milliards EUR. Il est imputable à 55 % au transport de voyageurs – et en très grande partie au transport routier de voyageurs (54 %).
Comme pour les émissions de GES, il est nécessaire d’intégrer les émissions polluantes « du puits à la citerne » (et non uniquement « de la citerneà la roue »). Le Handbook fournit des indications et des estimations sur les émissions « de la roue à la citerne » dans les pays européens qui prennent en considération les polluants suivants : NOx, composés organiques volatils non méthaniques (COVNM), SO2, PM2.5 (provenant des pots d'échappement) et PM10 (ne provenant pas des pots d’échappement). Le Handbook estime que la pollution représente de l’ordre de 38 % des coûts externes totaux des transports routiers « du puits à la citerne » dans l’UE28 (les 62 % restants correspondant aux coûts du changement climatique).
Les bruits causés par les transports peuvent également être préjudiciables à la santé et représentent un coût externe dont il faut tenir compte. L’OMS a établi que le bruit ambiant était associé à un certain nombre d’effets négatifs sur la santé tels que l’augmentation du risque de maladie cardiaque ischémique, les problèmes de santé mentale liés au stress et les déficiences cognitives chez l’enfant (OMS, 2007[39]). L’organisation est également parvenue au constat que le trafic routier était la principale source de bruit ambiant dans les villes. L’Agence européenne de l’environnement (AEE) estime qu’un Européen sur quatre (soit 125 millions de personnes) est gêné par le trafic routier à cause de niveaux sonores qui dépassent le seuil de 55 décibels (dB) Lden6 en moyenne par an (AEE, 2016[40]). Les améliorations des véhicules et des routes devraient contribuer à corriger ce problème, mais l’urbanisation (qui accroît l’exposition au bruit) et l’augmentation du trafic devraient accentuer les effets négatifs globaux (van Essen et al., 2019[14]).
Encadré 5.6. Mesurer la pollution de l’air due aux transports de façon précise
Pour indiquer précisément les risques que fait peser la pollution atmosphérique due aux transports sur la santé, il faut mesurer la pollution atmosphérique en conditions de conduite réelles et non pas seulement en laboratoire. Dans les embouteillages, lorsque les véhicules circulent en accordéon par exemple, les écarts constatés entre les résultats des bancs d’essai et la mesure réelle des émissions à l’échappement, effectuée à l’aide d’appareils d’essai embarqués ou d’instruments de télédétection placés au bord des routes, peuvent être considérables, faisant planer le doute sur les technologies qui sont véritablement à même de protéger la santé. Les essais en conditions réelles posent un problème particulier pour les véhicules diesel : seules les normes technologiques les plus récentes applicables aux véhicules utilitaires lourds (U.S. Environmental Protection Agency [EPA] 2010 et Euro VI) permettent de prendre en compte les émissions en conditions réelles ; les normes précédentes imposaient l’utilisation de technologies qui ne se révélaient plus performantes qu’en laboratoire.
Sur la base des effets des conditions de conduite réelles, il est possible de formuler deux grandes recommandations : adopter rapidement des normes technologiques incluant des essais d’émission et la mise en application en conditions de conduite réelles, et agir sur les conditions réelles défavorables. Par exemple, les normes récentes applicables aux véhicules utilitaires lourds telles que U.S. EPA 2010 et Euro VI donnent déjà de bons résultats dans les premiers essais sur route. Les pays qui sont en train d’élaborer de nouvelles normes devraient s’aligner sur ces références et se garder d’adopter les normes plus anciennes de l’EPA ou de l’UE, qui se sont révélées inopérantes.
Source : Informations tirées de (FIT-OCDE, 2017[41]).
Le Handbook on External Costs of Transport de la Commission européenne (van Essen et al., 2019[14]) inclut le bruit dans les coûts externes des transports. Bien que le seuil suggéré pour définir une nuisance sonore soit de 50 dB Lden, les estimations du Handbook reposent sur un seuil de 55 dB Lden, établi à partir des cartes des bruits de l’AEE. Les estimations du coût du bruit et des facteurs de coût (par unité de parcours) reposent sur des estimations de l’exposition et du pourcentage d’augmentation des prix par dB, elles-mêmes fondées sur des estimations du ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales. Comme l’indique le Handbook, ces estimations sont en cohérence avec les recommandations de l’OMS. Dans les estimations, des facteurs de pondération du bruit sont appliqués aux différents types de véhicule et types de routes – routes urbaines (sur lesquelles la vitesse est limitée à 50 km/h) et autres routes (vitesse limitée à 80 km/h ou plus). Le coût total du bruit généré par les transports dans l’UE28 en 2016 était estimé à 63.6 milliards EUR, le transport de voyageurs en étant responsable à hauteur de 67 % et le transport routier de marchandises à hauteur de 23 %.
En dernier lieu, les transports peuvent causer des dommages aux habitats. Le Handbook identifie plusieurs types de dommages : la perte d’habitats (c’est-à-dire la perte d’écosystèmes, qui peut résulter de l’affectation de surfaces de terres supplémentaires aux transports et avoir d’importantes répercussions sur la biodiversité) ; la fragmentation des habitats (c’est-à-dire le morcellement des écosystèmes imputable aux projets de transport, tels que la construction d’autoroutes et de voies de chemin de fer) ; et la dégradation des habitats (effets néfastes des rejets de polluants et autres substances toxiques telles que les métaux lourds sur les écosystèmes) (van Essen et al., 2019[14]). Tout en reconnaissant que les transports peuvent avoir d’autres effets négatifs sur les habitats (intrusions visuelles et émissions lumineuses par exemple), le document se concentre sur les trois impacts susmentionnés, calculant les coûts qui en ont résulté pour l’UE28 en 2016 et détaillant les facteurs de coût par type d’infrastructure et pays membre. Les estimations portent uniquement sur les coûts associés à la perte d’habitats et à la fragmentation des habitats et ont été calculées selon une méthode élaborée par l’Office fédéral du développement territorial de Suisse pour une étude sur la Suisse7. Le coût total pour 2016 est estimé à 39.1 milliards EUR.
Tableau 5.8 Tableau récapitulatif : indicateurs de suivi des progrès en matière de réduction de la pollution locale et du bruit, des risques associés pour la santé et des dommages causés aux habitats, et liens avec les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE
Priorité |
Indicateurs proposés |
ODD et cibles |
Indicateurs des ODD |
Domaines/dimensions du bien-être (OCDE) |
Indicateurs de bien-être de l’OCDE |
---|---|---|---|---|---|
Réduire la pollution locale et le bruit, les risques associés pour la santé et les dommages causés aux habitats |
|
11.6. 3.9. |
|
Bien-être actuel : qualité de vie État de santé Bien-être actuel : qualité de vie Qualité de l’environnement Bien-être futur : ressources |
|
5.4. Conclusion et présentation du chapitre 10
Ce chapitre a montré en quoi un recadrage des politiques de mobilité et des priorités d’investissement mettant l’accent non plus sur l’augmentation des déplacements physiques mais sur l’accès aux biens, aux services, aux opportunités et aux aménités est essentiel pour pouvoir progresser au regard d’objectifs climatiques ambitieux et d’autres objectifs liés au bien-être. Il a défini un certain nombre de priorités pour le secteur des transports, considérées comme essentielles pour la réalisation des objectifs plus généraux de bien-être et des objectifs de durabilité (dont rendent compte les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE). Enfin, il a fait valoir qu’il était indispensable d’élaborer et de mettre en place des indicateurs qui traduisent ces priorités en résultats mesurables pour pouvoir suivre les progrès et définir des critères adéquats. C’est là une condition essentielle pour placer les priorités examinées au cœur des processus décisionnels et déterminer les synergies et les incohérences entre ces critères que peuvent engendrer les politiques et les interventions (y compris les actions pour le climat).
Le chapitre 10 (Partie II) s’appuie sur cette discussion. Il passe en revue une série d’instruments d’action que les autorités nationales et locales peuvent envisager d’utiliser pour réduire les émissions dues aux transports. Dans le prolongement de ce chapitre, il examine les nombreux leviers d’action possibles : accélérer la pénétration des technologies automobiles à émissions faibles ou nulles ; accroître la part des modes de transport plus durables ; et encourager les formes d’aménagement territorial et d’urbanisme axées sur le transport en commun et à implantation efficiente. En adoptant une politique combinant ces différentes mesures, on devrait pouvoir faire prévaloir une approche axée sur l’accessibilité dans le secteur des transports et amorcer ainsi une décarbonisation rapide, tout en obtenant un certain nombre de retombées positives sur le plan de la santé, de l’équité et de l’environnement en général. Le chapitre 10 explique également les solutions que peuvent apporter la conception et la mise en œuvre des politiques, et leur complémentarité, pour éviter les incohérences et surmonter les obstacles à l’acceptabilité. En dernier lieu, il s’interroge sur la façon dont l’automatisation, l’électrification et la mobilité partagée peuvent favoriser ou au contraire entraver les progrès en direction des priorités climatiques et autres, et sur les politiques qui peuvent favoriser les retombées positives.
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Notes
← 1. En 1994, le Standing Advisory Committee for Trunk Road Assessment au Royaume-Uni a rédigé un rapport qui a fait référence en démontrant l’existence d’une demande induite (OCDE, 2016).
← 2. Les émissions de N2O et de CH4 sont converties en équivalent CO2 à l’aide du potentiel de réchauffement global.
← 3. Cette estimation est fondée sur le coût des retards ; l’approche de la perte de poids mort donne une estimation de 46.2 milliards EUR.
← 4. L’IRTAD est un groupe permanent du FIT-OCDE qui s’occupe de sécurité routière. Constitué de 80 membres issus de 41 pays, il a pour objectif d’améliorer les connaissances sur la sécurité routière. Il offre aux pays une plate-forme d’échange d’informations sur les méthodes de collecte et d’analyse des données.
← 5. Le GTFS est un format standardisé utilisé pour enregistrer et communiquer les données sur les horaires de transports en commun.
← 6. Moyenne pondérée du bruit produit dans la journée, en soirée et durant la nuit.
← 7. INFRAS, Ecoplan 2018. Effets externes des transports en Suisse en 2015 (‘Externe Effekte des Verkehrs 2015’). Étude actualisée sur le calcul des coûts en termes d’environnement, d’accidents et de santé associés au transport routier, ferroviaire, aérien et maritime sur la période 2010-2015, Berne : Office fédéral du développement territorial.