Face à l’évolution de la pandémie de COVID-19 et de la crise de l’emploi qui en découle, la nécessité de protéger les plus vulnérables devient encore plus urgente. Les femmes comptent parmi les personnes les plus vulnérables mais aussi les plus résistantes. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence le rôle fondamental des femmes dans le monde entier pour répondre à cette crise sans précédent. Si les femmes ont joué un rôle de premier plan dans la lutte contre la pandémie en tant que prestataires de soins de santé, elles ont également été les plus touchées par ses conséquences. Elles ont assumé la plus grande partie de la charge des soins, sont plus susceptibles d’être écartées du marché du travail formel et font face à une forte hausse de violence fondée sur le sexe. La pandémie a par ailleurs creusé les écarts préexistants entre les hommes et les femmes en matière de rémunération, de compétences et d’accès aux fonctions de direction.
Alors que les pays font face à un risque de profonde récession, il est plus que jamais temps de lever les derniers obstacles à la pleine participation des femmes à l’économie. L’autonomisation économique des femmes n’est pas seulement une question de droits humains, c’est une incitation forte que les gouvernements doivent utiliser pour remettre leur économie sur les rails et réaliser l’Agenda 2030 pour le développement durable. Même avant la crise, les estimations indiquaient que si les femmes jouaient un rôle identique à celui des hommes dans le marché du travail au niveau mondial, 28 000 milliards USD pourraient être ajoutés au produit intérieur brut (PIB) annuel mondial d’ici 2025. La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) pourrait, quant à elle, ajouter jusqu’à 2 700 milliards USD à son PIB si elle suivait également cette voie.
La trajectoire de la région MENA vers une plus grande autonomisation économique des femmes est claire mais complexe. D’une part, les femmes de la région sont de plus en plus qualifiées et motivées pour participer à la vie économique. Elles sont plus instruites que jamais et, dans certains pays, ont dépassé les moyennes des hommes en termes d’accès à l’enseignement supérieur. L’Algérie, la Tunisie et Oman ont même atteint la parité dans les filières scientifiques, technologiques, d’ingénierie et de mathématiques, surpassant les pays de l’OCDE où les femmes constituent en moyenne 31 % de l’ensemble des diplômés de ces filières. Pourtant, les normes sociales restrictives et les cadres juridiques discriminatoires continuent de limiter l’accès aux opportunités économiques. De manière générale, la participation économique des femmes dans la région reste très faible. Le taux d’activité moyen des femmes dans la région MENA s’élève à 20 %, alors que la moyenne mondiale est de près de 48 %. La région présente également le plus grand écart entre les sexes en matière d’activité entrepreneuriale. De plus, le ralentissement économique résultant de la crise du COVID-19 risque de frapper les femmes le plus durement. Les secteurs surexposés à l’effondrement de l’activité économique comprennent en effet une part importante de l’emploi féminin.
On peut toutefois sentir une dynamique de changement à l’œuvre dans la région. Les réformes économiques, juridiques et politiques, ainsi que la mobilisation croissante des femmes et des hommes en faveur d’une plus grande égalité entre les sexes témoignent de la conviction croissante que le moment est venu pour les femmes de prendre la place qui leur revient dans l’économie et, plus largement, dans la société. Les décideurs politiques se rendent également compte que, pour y parvenir, les réformes doivent toucher tous les domaines politiques et inclure une dimension d’égalité hommes-femmes. Cette dimension doit être au cœur de ces processus de transformation dans l’ensemble de la région.
Cette étude est le fruit d’années de collaboration entre l’OCDE et la région MENA dans le cadre du Programme MENA-OCDE pour la compétitivité et du travail de longue date mené par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur l’égalité hommes-femmes dans le monde du travail.
Son principal objectif est d’offrir des outils de mise en œuvre concrets aux décideurs politiques pour assurer que les réformes aient un réel impact sur le terrain. L’étude fait le point sur la dynamique croissante en faveur de l’égalité hommes-femmes en Égypte, en Jordanie, au Maroc et en Tunisie, où les réformes législatives, politiques et institutionnelles ont été le moteur du changement ces dernières années. Elle présente des études de cas d’initiatives innovantes visant à transformer les réformes en actions concrètes en faveur de l’autonomisation économique des femmes dans ces quatre pays. En outre, l’étude s’efforce de tirer des conclusions pratiques afin de mieux comprendre les facteurs et les outils pouvant accroître l’adoption des réformes dans la région et au-delà.
L’OCDE, le Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche (CAWTAR) et l’OIT ont uni leurs forces – avec le soutien de nombreux experts locaux, régionaux et internationaux – pour produire cette étude, qui saisit le potentiel d’une région en marche vers une plus grande autonomisation économique de ses citoyennes. Nous réitérons notre engagement à soutenir les champions de l’égalité des sexes de la région MENA dans leurs efforts pour parvenir à des sociétés plus égalitaires. Nous espérons que cette étude constituera une ressource utile pour la région, et pour tous les pays qui cherchent à libérer le potentiel des femmes au profit de tous.
Angel Gurría
Secrétaire-général
Organisation de coopération et de développement économiques
Soukaina Bouraoui
Directrice exécutive
Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche (CAWTAR)
Guy Ryder
Directeur-général
Organisation internationale du travail