Les effets dévastateurs du coronavirus (COVID-19) sur les pays en développement ont mis à l'épreuve les limites, l'ingéniosité et la flexibilité de la coopération au développement, tout en révélant de bonnes pratiques. Cette 58e édition du rapport Coopération pour le développement présente les premières réflexions des dirigeants, des membres de l'OCDE, des experts et de la société civile sur les implications du coronavirus (COVID-19) pour la solidarité mondiale en 2021 et au-delà. Le rapport suggère des pistes d'action pour l'ensemble de la communauté internationale du développement en vue d'une action audacieuse et d'une réforme systémique. L’objectif est de mettre en place des systèmes nationaux et internationaux résistants, capables de faire face aux chocs mondiaux et de fournir et protéger les biens publics mondiaux, tout en poursuivant les actions de fond en faveur du développement durable. Il comprend également un panorama actualisé de la coopération pour le développement, étayé par les données de plus de 80 fournisseurs, membres de l’OCDE et du Comité d'aide au développement, mais aussi d’autres pays ou encore des fondations philanthropiques.
Coopération pour le développement 2020
Résumé
Synthèse
Le coronavirus (COVID-19) : une seule pandémie, des réalités différentes
L’année 2020 sera toujours associée au COVID-19 – à la fois pour la pandémie et pour la crise sanitaire, économique et sociale mondiale qu’elle a entraînée. La concrétisation des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 semble désormais beaucoup plus lointaine. Si les progrès accomplis sur la trajectoire du développement à l'échelle mondiale étaient déjà insuffisants avant la pandémie, ils sont désormais en recul. Cette année, plus de 100 millions de personnes vont basculer dans l’extrême pauvreté et 270 millions de personnes connaîtront la faim. Selon certaines estimations, la crise effacera tous les progrès accomplis en termes de développement humain au cours de la décennie écoulée.
Pour beaucoup des femmes, hommes et enfants les plus pauvres et les plus vulnérables du monde, la pandémie de COVID-19 n’est pas la menace la plus importante pour leur vie et leurs moyens de subsistance. De fait, la crise exacerbe les inégalités préexistantes, à la fois entre les pays et au sein des pays. Ces inégalités se répercutent sur la distribution et la gravité des effets multidimensionnels, en créant des réalités différentes. Les disparités qui existent entre les pays dans leur capacité à financer les mesures de confinement et autres initiatives visant à endiguer la pandémie limitent aussi leur aptitude à atténuer ses effets socioéconomiques sur les moyens de subsistance et sur les groupes vulnérables. Les pays de l’OCDE comptent pour 84 % du total des financements des plans de relance qui ont été levés à l’échelle mondiale pour faire face à la pandémie tandis que les pays en développement sont confrontés à un déficit de financement d'au moins 1 000 milliards USD. Tous les défis que la coopération pour le développement tentait de relever avant 2020 – montée des inégalités et populations marginalisées, autonomisation économique des femmes et violences sexistes, précarité de l’emploi, crises humanitaires ou encore augmentation du nombre de personnes déplacées – ont laissé les populations et les pays sans défense lorsque le virus, dont on prédisait pourtant l'apparition, s’est abattu sur un monde qui n’y était pas préparé.
La coopération pour le développement mise à l’épreuve
La pandémie a mis à l’épreuve la coopération pour le développement de façon inédite. Elle a bouleversé les méthodes de travail, les modèles de partenariats et d’entreprise, et mis sous pression les finances publiques. Dans ce contexte, les organismes de coopération pour le développement ont fait preuve d’une agilité impressionnante pour prendre en compte les dimensions sanitaires et humanitaires de la pandémie tout en veillant à la continuité des programmes. Ils ont également montré leur créativité en réaffectant les fonds budgétisés et en levant de nouvelles ressources. Il ressort des premières estimations de ce rapport que les membres du Comité d'aide au développement (CAD) ont mobilisé 12 milliards USD pour soutenir les pays en développement face à la crise du COVID‑19. S'agissant de l’avenir, les premiers signes d'une crise du financement semblent se profiler à l'horizon. Or, si de nombreux acteurs ont indiqué qu'ils préserveraient les budgets d’aide publique au développement (APD) et si certains les ont même augmenté au cours de cette période, il est difficile de savoir, compte tenu des effets économiques de la crise, s'il sera possible d'accroître les volumes d’APD ou même de les maintenir à niveau face à des besoins croissants.
Des occasions ont été manquées à mesure qu’évoluait la crise du COVID-19, avec des implications qui ne se feront sentir qu'à terme. Nombre des appels à financement lancés en 2020 n'ont pas atteint les objectifs fixés. Le Plan mondial de réponse humanitaire COVID-19, par exemple, enregistre un déficit de financement de 6.1 milliards USD. Du fait du partage limité des éléments factuels et des données, certaines décisions ont dû être prises dans un climat d’incertitude extrême. Et si la coordination internationale a donné quelques résultats, par exemple, en concevant un mécanisme tel que l’Accélérateur d’accès aux outils COVID-19 (ACT) en vue de mettre au point et de produire des tests, des traitements et des vaccins et d’en assurer un accès équitable, la communauté internationale a eu du mal à mettre en place une action et des réponses coordonnées au moment même où le besoin s’en faisait le plus sentir.
Renforcer la résilience : les actions concrètes à mener pour la coopération pour le développement en 2021 et au-delà
La crise du COVID19 vient confirmer les leçons que les acteurs internationaux du développement ont apprises et réapprennent avec chaque nouvelle crise. Les débats internationaux sur l'avenir de la coopération pour le développement rappellent qu'il est impératif de collaborer pour vaincre le virus et sortir de cette pandémie mieux préparés et mieux équipés afin d’être en mesure de faire face à de nouvelles pandémies et autres menaces planétaires, ou d’en atténuer les effets. En accordant une attention renouvelée au renforcement de la résilience – c’est-à-dire l'aptitude à surmonter et absorber des chocs en en sortant transformés pour le mieux – au sein des communautés, des institutions et des systèmes économiques, sociaux et environnementaux, le développement international peut jouer un rôle crucial en termes de renforcement des capacités. Aux premiers rangs des priorités figurent cinq actions clés qui contribueront au renforcement de la résilience :
Intégrer l’action climatique dans les stratégies de développement multisectorielles. Les politiques doivent donner aux gouvernements et aux responsables de l’action publique les moyens de remédier simultanément à divers problèmes : vaincre le virus et soutenir la reprise, atténuer les multiples facteurs de tension qui sont à l'origine de crises, et améliorer la résilience face à d'autres menaces planétaires. Parer à la dégradation de l’environnement et à l’urgence climatique est une condition préalable à une reprise et à un développement durable plus résilients. De nombreuses stratégies multisectorielles pourraient être portées à une échelle supérieure, comme l’approche « Une seule santé » qui prône la prise en compte simultanée des dimensions animale, humaine et environnementale de la santé.
Soutenir sur le long terme les systèmes nationaux. S’il est un enseignement évident à tirer de la crise du COVID‑19, et des crises précédentes, c’est que les capacités des pouvoirs publics constituent un facteur clé pour mettre en place des réponses efficaces face à la crise. Les réformes qui contribuent à mettre en place des systèmes solides et performants jouent un rôle crucial pour renforcer la résilience face aux crises futures, aussi bien au sein des pays que pour éviter des externalités négatives à l’échelle mondiale. La crise ouvre des possibilités de faire fond sur les mesures d’urgence pour renforcer les systèmes de santé, de protection sociale et de données et autres éléments factuels.
Éviter une crise du financement du développement. La mobilisation internationale n’a pas suffi à combler les déficits de financement engendrés par la riposte à la crise. Les acteurs devraient continuer de travailler ensemble afin de rechercher des solutions face à une dette insoutenable et de multiplier les sources de nouveaux financements. Les financements doivent être concentrés sur les pays et les populations dont les besoins sont les plus grands et permettre une plus grande transparence des apports en temps de crise.
Intensifier les actions collectives visant à fournir et préserver les biens publics mondiaux. Le manque de préparation à des événements dont l’impact est élevé mais qui sont peu fréquents s’explique en partie par le sous-investissement dont pâtissent les biens publics mondiaux. La crise du COVID-19 a placé la sécurité sanitaire – un bien public mondial – en tête des priorités internationales. Dans le même temps, elle a mis en évidence l’urgence qu’il y a à investir dans d’autres biens publics mondiaux, comme la biodiversité et l’adaptation au changement climatique ou l’atténuation de ses effets, de sorte qu'ils soient préservés et que leur fourniture permette d’éviter une crise similaire, voire plus grave encore. Les nouvelles initiatives multilatérales à caractère inclusif mises en place pour le traitement du COVID-19 et l’accès aux vaccins pourraient être un modèle à suivre pour la coordination et le financement de mécanismes visant d'autres biens publics.
Élaborer des stratégies et des solutions d’urgence pour faciliter la coordination internationale en cas de crise. Les acteurs de la coopération pour le développement ont l’occasion de tirer les leçons des lacunes existantes en matière de coordination et d'élaborer des stratégies et des solutions d'urgence pour faire face à des défis, des chocs ou des crises de dimension planétaire. De telles stratégies devraient permettre aux différents acteurs d'échanger sans délai des données, éléments factuels, plans et des informations stratégiques afin d'étayer les mesures adoptées pour faire face aux crises et d'accélérer la prise de décisions de façon à répondre aux besoins des populations les plus pauvres et des pays ayant le plus de besoins.
Mener à bien un programme d'action qui donne lieu à des initiatives transversales plus intégrées, qui renforce les systèmes nationaux, qui augmente les financements à l’appui du développement, qui accélère les actions relatives aux biens publics mondiaux et qui améliore la coordination placerait la communauté de la coopération pour le développement en bonne position pour accompagner une reprise forte, résiliente, verte et inclusive.
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