L’activité économique du Royaume-Uni a retrouvé à la fin de 2021 son niveau d’avant la pandémie, après une contraction inédite en 2020 (Graphique 1). Le déploiement rapide de la campagne de vaccination en 2021 a permis la levée progressive des restrictions. L’économie se redressant à un rythme soutenu, les pénuries d’offre et de main-d’œuvre se sont aggravées, dans un contexte de hausse de la demande mondiale et d’augmentation des coûts du transport. Les tensions sur les prix se sont fortement accentuées, amplifiées par la flambée des prix mondiaux de l’énergie qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’augmentation des obstacles aux échanges et aux migrations causée par le départ du Marché unique et de l’Union douanière de l’Union européenne (UE) a vraisemblablement accentué les contraintes du côté de l’offre. Sur fond de pénuries d’approvisionnement persistantes et de poussée de l’inflation, la croissance a commencé à ralentir.
Études économiques de l'OCDE : Royaume-Uni 2022 (version abrégée)
Résumé
L’économie s’est redressée
Le marché du travail a rebondi rapidement et les vacances d’emploi ont atteint des niveaux record. À 3.7 %, le chômage est retombé à ses niveaux d’avant la pandémie. Le taux d’activité a baissé depuis le début de la pandémie, principalement à cause des congés maladie de longue durée et du départ à la retraite anticipé des personnes âgées de plus de 55 ans.
Les échanges de biens et de services ont subi le contrecoup du Brexit et de la pandémie. Les obstacles non tarifaires aux échanges avec l’UE ont alourdi les coûts administratifs. Le commerce avec l’UE s’est redressé quelque peu après avoir fortement chuté à la fin de la période de transition, en janvier 2021, mais les importations en provenance de l’UE restent très modérées.
La politique monétaire est en voie de normalisation, sur fond de hausse des tensions inflationnistes (Graphique 2). Face à l’augmentation rapide de l’inflation et au resserrement du marché du travail, la banque centrale a commencé en décembre 2021 à relever progressivement son taux directeur, qui est passé de 0.1 % à 1.25 % en juin ; elle a aussi mis fin à ses achats d’actifs, arrêté de réinvestir les bons du Trésor arrivant à échéance et annoncé la cession graduelle de son stock d’obligations d’entreprises. Un plan de réduction du stock d’obligations d’État sera examiné en août 2022.
Les autorités doivent trouver un juste équilibre entre le durcissement de la politique budgétaire d’une part et le soutien à la croissance et aux besoins d’investissement d’autre part. Le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre un plan d’assainissement progressif à moyen terme qui prévoit une augmentation des recettes fiscales et une hausse de l’investissement. Le coût de la vie ayant fortement augmenté, le gouvernement a pris des mesures pour apporter un soutien temporaire et ciblé aux ménages vulnérables. Les autorités sont sur la bonne voie pour atteindre leur nouvel objectif budgétaire qui permettra de placer la dette sur une trajectoire descendante. À plus long terme, le Royaume-Uni va se trouver confronté à d’importantes tensions budgétaires causées principalement par les dépenses liées au vieillissement de la population et à la transition vers la neutralité en gaz à effet de serre.
Le secteur financier a bien résisté à la pandémie, et les banques ont constitué d’amples provisions pour faire face à de futures pertes sur prêts. Les risques liés au marché des crédits hypothécaires restent maîtrisés, mais la hausse rapide des prix des logements appelle à la poursuite de la vigilance. Le niveau de développement des marchés de capitaux et la santé du secteur bancaire devraient faciliter la réaffectation du capital rendue nécessaire par le Brexit, la pandémie et la transition vers la neutralité carbone, mais il est difficile de savoir avec précision quelles en seront les conséquences à long terme sur le secteur financier britannique.
Tableau 1. La croissance économique va ralentir
Taux de croissance annuels, % (sauf indication contraire)
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2021 |
2022 |
2023 |
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Produit intérieur brut (PIB) |
7.4 |
3.6 |
0.0 |
Consommation privée |
6.2 |
4.5 |
0.7 |
Consommation publique |
14.3 |
1.4 |
0.8 |
Formation brute de capital fixe |
5.9 |
8.0 |
2.1 |
Exportations |
-1.3 |
0.9 |
1.5 |
Importations |
3.8 |
15.7 |
3.6 |
Taux de chômage (%) |
4.5 |
3.8 |
4.3 |
Indice des prix à la consommation |
2.6 |
8.8 |
7.4 |
Solde de la balance courante (% du PIB) |
-2.6 |
-7.2 |
-7.6 |
Solde budgétaire des administrations publiques (% du PIB) |
-8.3 |
-5.3 |
-4.1 |
Dette publique brute (% du PIB) |
143.1 |
139.2 |
138.6 |
Source : Perspectives économiques de l’OCDE (base de données).
La croissance de la production devrait fléchir en 2022 et 2023 (Tableau 1), car l’augmentation du coût de la vie pèsera sur la consommation. L’investissement des entreprises sera freiné par la hausse des taux d’intérêt et la persistance des incertitudes. La détérioration de la situation du secteur de la santé publique et les retombées des sanctions économiques consécutives à l’invasion de l’Ukraine par la Russie constituent d’importants risques de dégradation des perspectives.
Rehausser la productivité
Les gains de productivité sont au point mort depuis la crise financière mondiale, du fait du déséquilibre entre l’offre et la demande de compétences, du faible niveau de l’innovation et de la diffusion de la connaissance, ainsi que du manque de dynamisme de l’investissement. Les écarts de productivité entre les régions sont importants.
Les disparités régionales pèsent sur la croissance globale de la productivité. Le gouvernement a fait du « nivellement par le haut du Royaume-Uni » (Levelling up the UK) en termes de productivité et de niveau de vie l’une de ses grandes priorités d’action, mais les financements supplémentaires annoncés sont restés jusqu’ici limités. Les collectivités locales sont confrontées à un paysage de financement fragmenté et complexe, où elles ont du mal de se retrouver, avec le risque que des zones subissant des contraintes de capacités ne passent à côté de financements dont elles auraient besoin.
Une amélioration des infrastructures est essentielle à une croissance plus forte de la productivité. L’investissement public a augmenté ces dernières années et aux termes du Plan de croissance (Plan for Growth) du gouvernement, il restera proche du niveau considérable de 2.5 % du PIB au cours des années à venir. Cela étant, des efforts très importants seront nécessaires pour compenser des années de sous-investissement et faire face à des enjeux à long terme comme la transition vers la neutralité en gaz à effet de serre.
Une hausse des investissements privés est indispensable pour soutenir la croissance de la productivité. L’investissement des entreprises dans le capital physique, l’innovation ou les nouveaux processus susceptibles d’accroître la productivité du travail est resté insuffisant à cause des incertitudes qui ont suivi le Brexit et la pandémie.
Les pénuries de compétences pèsent sur la productivité. L’accélération de la transformation numérique et de la transition vers la neutralité en gaz à effet de serre suppose d’intensifier l’adoption de nouvelles technologies. De ce fait, la nécessité pour les travailleurs d’actualiser leurs compétences ne va faire que croître, mais la participation à l’éducation et à la formation continues est faible.
Utiliser plus largement les compétences des femmes sur le marché du travail favoriserait la productivité et la croissance. Un tiers des femmes travaillent à temps partiel, soit environ trois fois plus que les hommes. Les mères réduisent souvent leur temps de travail après la naissance d’un enfant. Le congé parental des pères est de courte durée et ce facteur, conjugué au faible taux de remplacement des salaires féminins et au coût relativement élevé de la garde des enfants, contribue aux écarts entre les hommes et les femmes sur le plan du taux d’activité et de la rémunération.
Atteindre la neutralité en gaz à effet de serre
Le Royaume-Uni est parvenu dans le passé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, et l’objectif de ramener à zéro ses émissions nettes d’ici 2050 fait l’objet d’un large consensus dans la classe politique. La solidité du cadre institutionnel du Royaume-Uni est une source d’inspiration pour tous les pays du monde, et le pays est à l’avant-garde de l’intégration des considérations climatiques dans le secteur financier.
Toutefois, parvenir à cette neutralité suppose que les politiques publiques soient à la hauteur des ambitions. Jusqu’à présent, les réductions d’émissions ont été en grande partie attribuables à la production d’électricité, secteur visé par le système d’échange de quotas d’émission (SEQE), à la fixation d’un prix plancher pour le carbone et à un mécanisme économiquement judicieux d’aides aux énergies renouvelables financées par les recettes tirées de la vente aux enchères de permis d’émission. L’imposition d’une taxe de mise en décharge et le SEQE ont également permis d’abaisser les émissions dans d’autres secteurs (Graphique 3). Le développement d’instruments de tarification dans toute l’économie est l’une des pierres angulaires de l’action visant à atteindre les objectifs climatiques, mais un ensemble bien conçu de réglementations sectorielles et de subventions est également nécessaire pour stimuler l’innovation et surmonter un certain nombre d’obstacles. Clarifier la trajectoire de l’action publique en faveur de la transition permettrait au secteur financier de mieux accompagner la transition verte.
Les Britanniques sont conscients de la nécessité d’agir, mais ne sont pas nécessairement favorables à des mesures pourtant efficaces telles que la tarification du carbone. En effet, des politiques climatiques efficaces auront pour effet de réduire les revenus des personnes les moins aisées et de celles qui vivent dans des zones faiblement peuplées (Graphique 4), sauf si elles peuvent bénéficier de compensations ou d’aides pour réduire leur dépendance à l’égard des combustibles fossiles. Les mesures d’atténuation du changement climatique seront plus acceptables si elles sont mises en œuvre une fois que les prix de l’énergie auront commencé à se normaliser après le pic historique auquel ils se situent actuellement.
La réaffectation de recettes à la promotion de technologies et d’infrastructures propres permet d’accroître l’adhésion de la population aux instruments de tarification directe. Des transferts et des programmes de soutien à l’efficacité énergétique, notamment pour les ménages à faible revenu, peuvent réduire au minimum les effets indésirables en termes de redistribution et renforcer la sécurité énergétique.
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS |
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Promouvoir une reprise durable |
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L’économie a retrouvé ses niveaux d’avant la pandémie. Les prix élevés de l’énergie et l’augmentation du coût de la vie ralentissent la croissance. Le resserrement de la politique monétaire a commencé, sur fond de hausse significative et persistante de l’inflation. |
Continuer de relever progressivement le taux de base de la Banque d’Angleterre pour garantir un retour de l’inflation vers son objectif, en tenant compte de toute évolution significative de la situation économique. |
La pandémie et la sortie du Marché unique et de l’Union douanière de l’UE ont pesé sur les échanges. Les obstacles non tarifaires aux échanges avec l’UE alourdissent les coûts administratifs. Les services représentent une part importante des échanges, mais l’accord entre le Royaume-Uni et l’UE porte principalement sur les biens. |
S’entretenir avec l’UE afin de réduire les obstacles non tarifaires aux échanges de biens entre l’UE et le Royaume-Uni et améliorer l’accès réciproque aux marchés des services. |
Relever les défis budgétaires |
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Après la levée progressive des amples mesures de soutien liées au COVID-19, les autorités doivent trouver un juste équilibre entre le durcissement de la politique budgétaire d’une part et le soutien à la croissance et aux besoins d’investissement d’autre part. |
Abaisser progressivement le déficit budgétaire et le ratio dette publique/PIB comme prévu, tout en veillant à ce que des mesures de soutien temporaires sous forme d’aides au revenu soient ciblées sur les ménages à faible revenu. |
Les objectifs budgétaires varient fréquemment. Le gouvernement a adopté de nouvelles règles et de nouveaux objectifs budgétaires en 2021, fournissant ainsi des indications claires sur son plan à moyen terme de retour à la viabilité de la dette. Il a fait savoir que ces règles budgétaires éclaireront son action, au moins au cours de cette législature, et que celles-ci seraient réexaminées au début de chaque nouvelle législature. |
Veiller à ce que les objectifs budgétaires soient modifiés selon un processus régulier de manière à renforcer la crédibilité de la politique budgétaire. |
À plus long terme, la marge budgétaire va se trouver réduite du fait des tensions exercées par les dépenses liées au vieillissement et par la baisse des recettes budgétaires dans une économie est en phase de transition vers la neutralité en gaz à effet de serre. |
Remplacer le « triple verrou » appliqué aux retraites publiques par une indexation des pensions sur une moyenne de la hausse de l’indice des prix à la consommation (IPC) et des salaires, et verser des prestations directes aux retraités les plus modestes pour atténuer les risques de pauvreté. |
Rehausser la productivité |
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La croissance de la productivité est très lente depuis la crise financière. Un ambitieux Plan de croissance prévoit des investissements à grande échelle dans les infrastructures, les compétences et l’innovation, mais les besoins d’investissement sont importants. La productivité globale est tirée vers le bas par les disparités régionales. |
Continuer de continuer à procéder comme prévu à d’ambitieux investissements publics, et mettre en œuvre les propositions figurant dans le Livre blanc sur le nivellement par le haut (Levelling Up White Paper) pour s’assurer que ces investissements sont bien ciblés, plus rationnels et visent tout particulièrement l’amélioration de la productivité dans les régions à la traîne. |
Les collectivités locales se heurtent à la fragmentation du paysage de financement, que le Livre blanc de 2021 sur le nivellement par le haut a vocation à rationaliser et à simplifier. Les régions plus pauvres n’ont pas bénéficié dans la même proportion des dotations au titre de la première phase du nouveau Fonds de nivellement par le haut (Levelling Up Fund). |
Recenser et réduire les obstacles à l’accès des collectivités locales aux financements concernés et prendre des mesures de renforcement des capacités pour faire en sorte que les régions à la traîne puissent faire usage des fonds disponibles. |
L’investissement des entreprises manque de dynamisme, du fait des incertitudes liées au Brexit et à la pandémie, ce qui contribue à la faiblesse des gains de productivité. |
Veiller à assurer à long terme la transparence de l’action publique et la continuité des programmes des pouvoirs publics de façon à réduire les incertitudes pour les entreprises. |
La transition vers la neutralité en gaz à effet de serre va créer de nouvelles perspectives d’emploi et nécessitera des compétences nouvelles. Venant s’ajouter aux pénuries existantes, la hausse rapide de la demande de compétences nécessite une reconversion de la main-d’œuvre et un relèvement de son niveau de compétence. |
Utiliser des outils statistiques pour cibler la formation sur les travailleurs peu qualifiés touchés par la transformation numérique et la transition verte, de façon à renforcer leurs compétences dans la perspective de nouveaux emplois. |
Les femmes ont un niveau d’instruction élevé, mais leurs compétences ne sont pas pleinement utilisées sur le marché du travail et les inégalités de revenu persistent. Les femmes ajustent leurs horaires de travail pour assumer des responsabilités familiales. Les taux de rémunération des congés parentaux sont faibles, si bien que les pères sont moins incités à prendre ces congés. |
Augmenter les financements afin de réduire le coût des structures d’accueil de jeunes enfants de bonne qualité, en particulier pour les moins de 2 ans, en donnant la priorité aux ménages modestes. Relever le plafond de l’allocation de paternité et la lier aux revenus du père. |
Atteindre la neutralité en gaz à effet de serre |
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Parvenir à la neutralité en gaz à effet de serre suppose que les politiques publiques soient à la hauteur des ambitions. Les incertitudes entourant la rigueur des politiques futures freinent les investissements. |
S’appuyer sur la Stratégie de neutralité en gaz à effet de serre et définir de manière concrète de nouveaux délais, mesures et priorités conformes aux objectifs juridiques. |
Les incitations privées à réduire les émissions ne sont pas homogènes d’un secteur et d’une source d’énergie à l’autre, et sont trop faibles dans plusieurs secteurs, notamment en ce qui concerne les absorptions de GES. |
S’engager à étendre progressivement le SEQE du Royaume-Uni à tous les secteurs émetteurs et durcir les plafonds d’émissions conformément aux objectifs. |
En l’absence de mesures d’accompagnement, la tarification et la réglementation du carbone affecteront de manière disproportionnée les ménages modestes, ceux vivant dans les zones rurales et ceux ayant des besoins de chauffage importants, au risque de provoquer le mécontentement de la population. |
Affecter une partie des recettes provenant de la tarification du carbone à des mécanismes de compensation destinés à aider les ménages modestes et en situation de précarité énergétique et à accompagner leurs investissements verts. |
Réaffecter des recettes à la promotion de technologies et d’infrastructures propres permet d’accroître l’adhésion de la population aux instruments de tarification directe. |
Affecter une partie des recettes provenant de la tarification du carbone à des investissements publics dans des infrastructures vertes ainsi qu’au développement et au déploiement de technologies vertes, y compris le captage et le stockage du carbone. |
Des biais et des contraintes de natures diverses empêchent les ménages de réaliser des investissements écologiques dans le chauffage, l’efficacité énergétique et les transports, même lorsque ceux-ci seraient rentables. Des projets de filets de sécurité réglementaires existent, mais ils doivent maintenant se traduire par des politiques concrètes incitant à agir rapidement. |
Cibler la consommation d’énergie des ménages à l’aide de réglementations judicieusement conçues pour amener à privilégier progressivement une plus grande efficacité énergétique, des modes de chauffage propres et des véhicules à émissions nulles. |