Depuis plus de trois décennies, le Viet Nam a réalisé des progrès économiques remarquables. Une participation active aux chaînes de valeur mondiales a apporté la prospérité économique au pays, mais l’a aussi exposé à la conjoncture extérieure, laquelle est récemment devenue plus incertaine que jamais. Si l’investissement étranger tire un secteur manufacturier orienté vers l’exportation, un grand nombre de petites entreprises jouent un rôle majeur dans l’activité intérieure. Les difficultés économiques affectent souvent de manière particulièrement prononcée les petites entreprises et les ménages démunis. Par ailleurs, une grande partie de la population est encore exclue du régime de sécurité sociale, malgré l’accélération du vieillissement démographique. Ce chapitre évoque les conséquences macroéconomiques et sociales des crises récentes, en particulier la pandémie de COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et ce qu’elles signifient en termes de politiques publiques à mener pour accomplir des progrès solides et inclusifs à moyen terme, notamment l’importance du renforcement de l'intégration commerciale du Viet Nam.
Études économiques de l'OCDE : Viet Nam 2023 (version abrégée)
1. Éclairages sur l'action publique
Abstract
Après la pandémie, le Viet Nam doit viser une croissance non seulement solide, mais constante
Ces dernières décennies, le Viet Nam a enregistré des résultats économiques impressionnants. Lancé en 1986, un train de réformes audacieux axé sur le marché et connu sous le nom de « Doi Moi » a permis au pays d’exploiter son potentiel économique. Entre 1990 et 2019, la croissance du PIB réel a été forte, atteignant en moyenne 6.8 %. De plus, l'économie s'est montrée résiliente face à une série de chocs. Si de nombreux autres pays d’Asie du Sud-Est ont subi de graves récessions pendant la crise financière asiatique de 1997-98 et la crise financière mondiale de 2008-09, l’économie vietnamienne a, de son côté, continué de croître. Cette croissance robuste a été soutenue par un processus continu de transition d’une économie agraire vers une économie industrielle : la part de l’agriculture dans le PIB est passée d’environ 40 % à la fin des années 1980 à 10 % à peine en 2020, même si le Viet Nam demeure l’un des premiers exportateurs de riz au monde. Associée à une main-d’œuvre abondante, l’ouverture commerciale accrue a attiré les investisseurs étrangers, accélérant ce processus de transformation économique. Le ratio échanges commerciaux/PIB, qui s’élevait seulement à 23 % en 1986, atteint presque 200 % aujourd’hui, l’un des niveaux les plus élevés au monde. Après être devenu membre de l’ASEAN (en 1995) puis de l’APEC (en 1998), le Viet Nam a adhéré à l’OMC en 2007, renforçant ainsi son intégration dans l’économie mondiale. La part des articles de TIC dans le total des exportations de marchandises du pays est passée de 5 % en 2007 à près de 40 % en 2020. Dans ce contexte, le Viet Nam a accédé au statut de pays à revenu intermédiaire en 2010. Le PIB par habitant atteignait 20 % de la moyenne de l’OCDE à la fin de 2020, contre environ 8 % en 2000 (Graphique 1.1, partie A). Les Vietnamiens ont très fortement profité de cette période continue de solide croissance, comme en témoigne la chute spectaculaire du taux de pauvreté (Graphique 1.1, partie B).
Ces dernières années, malgré les retombées économiques et sanitaires de la pandémie auxquelles il était confronté, le Viet Nam a conservé son aspiration à assurer, à long terme, un niveau élevé de prospérité économique à sa population. L’intégration commerciale du pays, notamment, a connu une dynamique plus vigoureuse (OECD Development Centre, s.d.[1]). Après l’entrée en vigueur de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste en 2019 – accord de libre-échange de grande envergure entre pays de l’Asie-Pacifique –, le Viet Nam a ratifié un Accord de libre-échange avec l’Union européenne ainsi que le Partenariat économique régional global durant la pandémie. Un certain nombre de réformes intérieures nécessaires ont déjà été engagées, comme la révision de la Loi sur les entreprises, visant à requalifier les entreprises publiques, et le nouveau Code du travail, qui renforcera les droits des travailleurs. Fort de son expérience passée en matière de gestion de crise, le pays a en outre adopté une stratégie très efficace jusqu’ici face à la pandémie : il affiche à la fois un taux de mortalité due au COVID-19 par habitant inférieur à ceux de la plupart des pays de l’OCDE, et une croissance économique positive en 2020 (2.9 %) ainsi qu’en 2021 (2.6 %). Comme dans de nombreux autres pays, le gouvernement, au Viet Nam, a eu recours à un vaste éventail d’instruments de politique monétaire et budgétaire, notamment des reports et baisses d’impôts, la restructuration de prêts et l’octroi de prêts à taux réduits, afin d’atténuer l’impact de la crise sur les ménages et entreprises vulnérables.
Le gouvernement a fait part de ses projets dans sa Stratégie décennale de développement socio-économique 2021-2030 et dans son Plan quinquennal de développement socio-économique 2021-2025, lesquels visent avant tout à promouvoir une économie plus productive, plus inclusive et plus verte (Encadré 1.1). Si l’écart de revenu qu’affiche le Viet Nam par rapport à la moyenne de l’OCDE demeure élevé, le pays doit aussi se préparer au grand défi du vieillissement démographique. Malgré un développement économique rapide, le secteur informel reste très étendu et la protection sociale est sous-développée. Avant même la pandémie, l’augmentation des échanges internationaux vietnamiens grâce à l’ouverture des marchés risquait de marquer le pas, sur fond de tensions commerciales croissantes. Par ailleurs, l’invasion de l'Ukraine par la Russie, qui fait planer sur l’environnement mondial une très grande incertitude, a créé de nouveaux vents contraires pour l’économie vietnamienne. Le niveau élevé des prix de l’énergie alimente l’inflation, érodant le pouvoir d’achat des ménages vulnérables. La guerre pourrait peser sur les échanges commerciaux mondiaux durant une longue période. Néanmoins, le gouvernement s’est fixé l’objectif ambitieux d’atteindre un taux de croissance du PIB de 7 % d’ici à 2030, afin d’accéder au statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure.
Pour ce faire, la reprise en cours devra se muer en une croissance solide, soutenue par une plus forte augmentation de la productivité du travail. L’évolution rapide de l’environnement extérieur et intérieur a notamment conduit le gouvernement à redéfinir le modèle de croissance vietnamien. Le Premier ministre a ainsi souligné l’importance de « construire une économie résiliente et stratégiquement autonome tout en s’engageant activement dans l’intégration économique » (Harvard Kennedy School, Ash Center for Democratic Governance and Innovation, 2022[2]). Le renforcement de l'intégration commerciale est notamment crucial pour la stabilité économique du pays. La poursuite de l’intégration commerciale continuera, comme avant, de profiter au Viet Nam, mais cette intégration sera plus profonde si les partenaires commerciaux du pays sont plus diversifiés et si ses exportations, y compris dans les services, affichent une part plus importante de valeur ajoutée. Des entreprises plus dynamiques constitueront le principal moteur de cette transformation économique. Il sera d’autant plus déterminant d’améliorer le climat des affaires pour les investisseurs, qu’ils soient intérieurs ou étrangers. Cela nécessitera, entre autres, une meilleure diffusion des technologies numériques. Pour améliorer la résilience face aux chocs économiques et assurer le bon déroulement de réformes audacieuses, il faudra instaurer un cadre de politique macroéconomique plus solide et étendre le système de protection sociale. Parallèlement, des réformes structurelles, portant par exemple sur les marchés financiers, peuvent aussi contribuer à stabiliser l’environnement macroéconomique et à renforcer la résilience économique.
Des réformes structurelles audacieuses s'avèrent également essentielles pour assurer une reprise vigoureuse dans le sillage de la pandémie de COVID-19 et éviter le « piège du revenu intermédiaire ». Les pays d'Amérique latine ont connu une longue période de stagnation économique durant les années 80 (baptisée la « décennie perdue »). Ces pays ont accumulé d'importants emprunts extérieurs au cours des années 70 dans un contexte caractérisé par le niveau élevé des prix du pétrole. Sur fond de hausse des taux directeurs dans les économies avancées, l’économie mondiale est ensuite entrée en récession, déclenchant une crise de la dette. Les gouvernements de la région ont réagi à celle-ci en réduisant les dépenses publiques, notamment celles consacrées aux infrastructures et aux prestations sociales. Une attention moindre a cependant été accordée aux réformes de l’offre destinées à stimuler la dynamique des entreprises. En dépit d'un fort assainissement des finances publiques, ces pays n'ont pas revu à la baisse les subventions de l'État accordées aux entreprises publiques. Ce n'est qu'au début des années 90 que la privatisation des entreprises publiques s'est accélérée dans la région. La croissance économique du Viet Nam a été vigoureuse, mais un certain nombre d’économies de marché émergentes ont vu leur croissance ralentir au moment où elles se sont hissées au rang des pays à revenu intermédiaire (Felipe, 2012[3]). La hausse des niveaux de revenu rend les exportations de produits manufacturés à forte intensité de main-d’œuvre moins concurrentielles, tandis que le développement des secteurs à forte valeur ajoutée nécessite d'engager des réformes structurelles de grande ampleur, notamment de renforcer l’intégration commerciale, de réduire les contraintes réglementaires pesant sur les entreprises, d'investir dans le capital humain et de lutter contre la corruption (Tran, 2013[4]). Ces vastes réformes exigent des pouvoirs publics qu'ils déploient d'énormes efforts, s'appuyant sur de solides capacités institutionnelles au sein des administrations. Le Viet Nam a déjà mené à bien des réformes audacieuses (« Doi Moi », par exemple), mais une réforme progressive, qui permet au gouvernement de concentrer ses ressources limitées sur des domaines de réforme difficiles, garantira une convergence économique durable.
La Stratégie de développement socio-économique 2021-2030 a fixé une nouvelle direction pour l’action publique, celle d’une « économie circulaire » dans laquelle l’ensemble des politiques doivent être compatibles avec une croissance verte. En outre, un engagement en faveur de la neutralité en gaz à effet de serre à l’horizon 2050 met davantage en exergue la transition climatique. Une Décision de juillet 2022 (896/QD-TTg) vise à établir une stratégie climatique globale, notamment des orientations de politique publiques plus concrètes dans le but d’atteindre la neutralité en gaz à effet de serre. La hausse des prix de l’énergie résultant de la guerre en Ukraine rend d’autant plus nécessaire la réduction de la dépendance du Viet Nam envers les combustibles fossiles au moyen d'une accélération de l’adoption des énergies renouvelables, d’une amélioration de l’efficacité énergétique et d’une utilisation accrue d’autres sources d’énergie bas carbone. L’ampleur des investissements indispensables à la mise en œuvre de la transition écologique requiert des ressources financières supplémentaires. Des engagements ambitieux en matière de réduction des émissions de carbone, assortis des paramètres adéquats de politique publique, peuvent contribuer à attirer davantage de fonds en faveur de ces projets, y compris de la part de sources de financement internationales. Poursuivre une adoption efficace des sources d'énergie renouvelable peut également attirer des IDE plus sophistiqués, qui sont sensibles à l’empreinte carbone totale et promeuvent donc l’efficacité énergétique, amorçant ainsi un cercle vertueux propice à la décarbonation de l’économie intérieure.
Dans ce contexte, les principaux messages de la présente Étude économique sont les suivants :
Les politiques macroéconomiques doivent contribuer à accroître la résilience économique. À court terme, la priorité consiste à réduire le plus possible l’impact des prix élevés de l’énergie en accordant des aides ciblées aux ménages vulnérables plutôt qu’en déployant de nouvelles mesures budgétaires expansionnistes. À moyen terme, il est fondamental de consolider le cadre de l’action publique en améliorant la viabilité budgétaire via un élargissement de l’assiette fiscale. La protection sociale doit être accrue elle aussi, et l’économie informelle, réduite.
Pour maintenir une croissance soutenue après la reprise, le Viet Nam doit encore améliorer son climat des affaires et faciliter la transformation numérique. La redynamisation des entreprises nécessite une nouvelle simplification des réglementations, une plus grande transparence des procédures réglementaires et des conditions de concurrence plus équitables entre les acteurs du marché, y compris entre les entreprises publiques et les entités privées.
Pour parvenir à l’objectif de neutralité en gaz à effet de serre à l’horizon 2050, il faudra assurer dans la durée un haut niveau d’investissement dans les énergies renouvelables et promouvoir une meilleure efficacité énergétique. À cette fin, il est utile d’adopter une approche globale de l’action publique qui vise en priorité des investissements publics et privés, une configuration réglementaire appropriée et des prix du marché reflétant mieux la teneur en carbone.
Encadré 1.1. Le système politique et économique du Viet Nam : une économie de marché à orientation socialiste
Le système politique du Viet Nam comprend le Parti communiste vietnamien, l'État de la République socialiste du Viet Nam, des organisations socio-politiques, des organisations socio-professionnelles et des associations populaires.
En tant que pays socialiste, le Viet Nam est dirigé par le Parti communiste, seul parti autorisé, qui, tel qu'il est stipulé dans la Constitution, est « l'avant-garde de la classe ouvrière » et « la force dirigeante de l'État et de la société ».
L’Assemblée nationale est considérée comme l’organe de représentation du peuple ayant le niveau le plus élevé, la plus haute instance de pouvoir de la République socialiste du Viet Nam et le seul organe doté de compétences constitutionnelles et législatives et habilité à exercer le pouvoir suprême de supervision sur l’ensemble des activités de l'État. Elle est monocamérale.
Le gouvernement est l’entité administrative suprême de l'État et un organe exécutif de l’Assemblée nationale. Il est composé du Premier ministre, des vice-premiers ministres, des ministres et des responsables des organes ministériels. Le Premier ministre est le chef du gouvernement et il est élu par l'Assemblée nationale. Les autres ministres sont proposés par le Premier ministre et approuvés par l'Assemblée nationale. La Cour populaire suprême est également responsable devant l’Assemblée nationale. Son président (le Chef de la Justice) est nommé par l’Assemblée nationale et les juges sont désignés par un comité de sélection dirigé par le Chef de la Justice.
Le Secrétaire du Parti, le Président, le Premier ministre et le Président de l'Assemblée nationale, sont considérés comme les acteurs les plus importants du système politique vietnamien. Le Président de la République du Viet Nam et le président de l'Assemblée nationale sont élus par l'Assemblée nationale parmi ses membres. Le Président est le Chef de l’État représentant la nation.
Les administrations locales sont constituées d’un Conseil populaire et d’un Comité populaire, présents dans chaque unité administrative. Les membres des Conseils populaires sont élus par le peuple. La délégation de pouvoirs pour chaque niveau de collectivité territoriale doit être prévue par la loi. Chaque province et district dispose en outre de son propre tribunal.
Le Viet Nam est une économie de marché à orientation socialiste. Bien que l'État gère l'économie par le biais de la législation, de la planification et des politiques publiques, les individus et les entreprises peuvent exercer des activités commerciales à moins que celles-ci ne soient interdites par la loi. Les terres appartiennent à l’État, mais les individus peuvent acquérir un droit d'utilisation des terres. Les biens, autres que la terre, appartenant à des particuliers ne sont pas nationalisés. L'État peut les acheter au prix du marché si cela s’avère nécessaire à des fins spécifiques, telles que la défense et le développement national.
La politique macroéconomique devrait être progressivement normalisée
L’économie s’est montrée résiliente durant la pandémie, mais de nouveaux défis sont apparus
Globalement, le Viet Nam a bien résisté aux chocs économiques entraînés par la pandémie, grâce, en grande partie, à une gestion à la fois souple et énergique de la crise sanitaire. Le pays a réussi à éviter un nombre massif d’infections jusqu’à la mi-2021 en fermant rapidement ses frontières et en prenant des mesures de confinement strictes, mais de courte durée, dans les zones affectées par le virus au début de 2020 (Graphique 1.2, parties A et B). Des restrictions plus contraignantes, prises face à la propagation soudaine du variant Delta, ont provoqué un recul du PIB réel au troisième trimestre de 2021. Ces mesures ont toutefois été rapidement levées au regard de la sévérité de leurs ramifications économiques et sociales. La campagne de vaccination a commencé plus lentement que dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est en 2021, mais elle est ensuite rapidement montée en puissance (Graphique 1.2, partie C). Le gouvernement a fixé comme objectif qu’au moins la moitié de la population âgée de 18 ans et plus présente un schéma vaccinal complet à la fin de 2021. Début janvier 2022, 70 % de la population avaient reçu deux doses de vaccin contre le COVID-19, marquant une progression beaucoup plus rapide que prévu de la vaccination. À partir du début de 2022, le gouvernement a encore renforcé sa politique consistant à « vivre avec le COVID » sur fond de circulation du variant Omicron, lequel était considéré comme plus contagieux, mais généralement moins dangereux. Cette stratégie s’est accompagnée d’une augmentation rapide de la part de la population ayant reçu une dose de rappel (Graphique 1.2, partie D). Ces mesures ont contribué à contenir la pandémie et à relancer l’économie.
L’économie vietnamienne évolue ces derniers temps dans un contexte de ralentissement de la croissance économique mondiale. La production industrielle et les ventes de détail diminuent à l’échelle planétaire, et des enquêtes font état d’un net fléchissement de la confiance des ménages et des entreprises dans la plupart des pays de l’OCDE. L’inflation s’est sensiblement accélérée sous l’effet de différents facteurs, dont l’impact de la guerre sur les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, la persistance des tensions sur l’offre et la forte reprise de la demande mondiale à la suite de la pandémie. La hausse des prix, qui ampute le pouvoir d’achat des ménages, a conduit les banques centrales à travers le monde à relever leurs taux d’intérêt, ce qui pèse sur l’investissement. Pour la période à venir, d’après les projections de l’OCDE, la croissance du PIB mondial devrait fortement ralentir cette année, à 3.1 %, soit environ 1½ point de pourcentage de moins que calculé en décembre 2021 ; et demeurer faible en 2023, à 2.2 %.
Au Viet Nam, la croissance a été robuste depuis le début de 2020, à l’exclusion de la contraction enregistrée au troisième trimestre de 2021 (Graphique 1.3, partie A). La demande intérieure a été très solide dans l’ensemble. La consommation privée s’est stabilisée en 2020, sans toutefois s’effondrer comme dans de nombreux autres pays, et s’est redressée rapidement en 2021 (Graphique 1.3, partie B). Les statistiques relatives aux ventes de détail montrent que la consommation a continué de rebondir fortement au premier semestre de 2022, après s’être fortement contractée au troisième trimestre de 2021 (Graphique 1.3, partie C). L’investissement a soutenu la croissance. Les faibles taux d’infection du Viet Nam ont contribué à l’amélioration des perspectives d’activité pour les investisseurs étrangers. En conséquence, l’investissement étranger (capitaux mis en œuvre) a recommencé à croître dès le premier semestre de 2022 (10 % entre janvier et juillet, en glissement annuel et en USD), après de légers reculs en 2020 (-2 %) et 2021 (-1 %). L’activité des entreprises a été elle aussi résiliente, la production industrielle s’étant régulièrement redressée depuis la fin 2021 (Graphique 1.3, partie C).
La contribution à la croissance de la demande extérieure, de son côté, a été mitigée. Globalement, les exportations de biens vietnamiennes ont été dynamiques, comme celles d’autres pays d’Asie du Sud-Est, durant la pandémie (Graphique 1.3, partie D). Les exportations à destination des États-Unis et de la République populaire de Chine (ci-après, « la Chine »), qui représentent l’essentiel des exportations vietnamiennes (Graphique 1.4), se sont révélées solides. Le Viet Nam étant un gros importateur de machines et d’équipements, ses importations réelles tendent à augmenter plus rapidement que ses exportations réelles lorsque l’économie est en croissance du fait de la forte demande d’investissement – et réciproquement (Graphique 1.3, partie B). De ce fait, les exportations nettes ont apporté une contribution positive à la croissance du PIB en 2020, sur fond de fléchissement de l’investissement. En 2021, les volumes d’échanges ont nettement augmenté au premier semestre, mais ont été affectés durant la seconde partie de l’année par le durcissement des restrictions sanitaires et les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, les exportations ralentissant alors davantage que les importations. La balance courante a ainsi enregistré des déficits en 2021 (Graphique 1.3, partie E). Même s’il représente une moindre part de l’économie que dans d’autres pays de l’Asie du Sud-Est, le tourisme récepteur au Viet Nam connaissait une croissance rapide avant la pandémie. Lorsque les autorités ont rouvert les frontières à la plupart des pays en avril 2022 après quasiment de deux années de fermeture, le nombre de visiteurs étrangers a progressivement augmenté, bien qu’il demeure à de très bas niveaux (Graphique 1.3, partie F).
L’environnement extérieur est devenu plus incertain depuis le début de 2022. La participation du Viet Nam au commerce mondial a fortement augmenté au cours des dernières décennies (Graphique 1.5), ce qui a contribué au développement économique rapide du pays. La participation aux chaînes d’approvisionnement mondiales favorise une utilisation efficace des ressources économiques et l’adoption de nouvelles technologies au travers de l’investissement étranger. Si une sollicitation excessive peut exposer les chaînes d’approvisionnement à des chocs, le développement des échanges commerciaux du Viet Nam s’est accompagné d’une diversification à la fois de la composition de ses partenaires commerciaux, et de ses échanges de biens et services. L’économie vietnamienne, qui est très dépendante des échanges, n’est pas nécessairement plus vulnérable aux chocs extérieurs. Cependant, les événements sans précédent qui se sont produits récemment, notamment la pandémie mondiale en cours et la guerre en Ukraine, constituent incontestablement des défis supplémentaires pour le pays.
La guerre en Ukraine peut affecter l’économie vietnamienne de diverses manières, même si ses conséquences directes sont limitées. Les échanges du Viet Nam avec la Russie et l’Ukraine sont réduits (ils représentaient respectivement 0.9 % et 0.1 % de ses échanges totaux de biens en 2019), mais les importations bilatérales de certains produits sont relativement importantes, notamment celles de charbon et de produits dérivés du charbon (dont 12 % des importations totales provenaient de Russie en 2021), et celles d’engrais (dont 10 % des importations totales étaient originaires de Russie en 2021). Les exportations vietnamiennes vers la Russie ont fortement chuté à partir de mars 2022 sous l’effet des perturbations des chaînes d’approvisionnement (Graphique 1.6, partie A). La Russie représente une part non négligeable des exportations vietnamiennes de quelques produits agricoles (5 %, par exemple, des exportations totales de « café, thé, maté et épices » en 2021). Néanmoins, la part de la Russie dans les exportations vietnamiennes totales est faible (1 % des exportations totales de biens en 2021). Le Viet Nam constitue toutefois l’une des destinations les plus prisées des touristes russes dans la zone ASEAN, se classant juste derrière la Thaïlande (en 2019, les Russes comptaient pour 3.6 % de l’ensemble des visiteurs étrangers au Viet Nam).
Un ralentissement des économies européennes aurait un impact plus prononcé sur l’économie vietnamienne (Graphique 1.6, partie A). Les pays européens sont d’importants partenaires commerciaux pour le Viet Nam, même si leur part diminue (en 2021, la part de l’UE dans le commerce de biens du pays s’élevait à 17 %). Cependant, l’Accord de libre-échange entre le Viet Nam et l’Union européenne, un accord commercial préférentiel qui est entré en vigueur en 2020, devrait concourir à redynamiser les échanges bilatéraux une fois que la situation s’améliorera. La guerre produit aussi un impact indirect au travers de tensions croissantes sur les prix. Ceux de l’énergie et des produits de base alimentent déjà l’inflation (Encadré 1.2).
Les mesures de contrôle très strictes de la pandémie mises en place par la Chine ont affecté le commerce régional, mais l’impact sur l’économie vietnamienne a été relativement limité. La propagation rapide du variant Omicron a conduit la Chine à renforcer ses restrictions sanitaires depuis la fin de 2021. Ces mesures ont notamment inclus un confinement strict, entre la fin mars et la fin mai 2022, de la ville de Shanghai, qui abrite le plus grand terminal de conteneurs au monde. Les conséquences directes sur le commerce varient, dans les pays de l’ASEAN, en fonction de la composition et de la configuration de leurs échanges (Graphique 1.6, partie B). Certains pays, notamment les exportateurs de produits de base, ont continué d’enregistrer une forte croissance de leurs exportations au premier trimestre de 2022 grâce, en partie, à des prix élevés (63 %, en glissement annuel, pour l’Indonésie et 28 % pour la Malaisie). D’autres pays ont vu la croissance de leurs exportations ralentir (4 % en mai pour la Thaïlande, après -7 % en avril et 4 % au premier trimestre de 2022). Au Viet Nam, les exportations ont augmenté de 8 % aux premier et deuxième trimestres de 2022, après avoir progressé de 4 % au quatrième trimestre de 2021. Si certaines importations de biens en provenance de Chine, essentielles au secteur manufacturier vietnamien, telles que les machines, équipements et pièces de rechange, ont connu une baisse temporaire (elles ont chuté de 15 % en mars 2022, puis de 7 % en avril, avant de croître de 1 % en mai), la production industrielle a été moins touchée (Graphique 1.3, partie C). Globalement, les entreprises ont géré leur production en puisant dans leurs stocks de matériel existants et en passant par d’autres voies commerciales. En décembre 2021, du fait de la persistance de la propagation du variant Delta dans les pays d’Asie du Sud-Est, la Chine a durci ses contrôles aux frontières, y compris à ses frontières terrestres avec le Viet Nam. Les restrictions ont, depuis, été assouplies. Les échanges par voie terrestre représentent environ un quart du commerce entre le Viet Nam et la Chine.
Cependant, d’autres perturbations des chaînes d’approvisionnement liées à l’évolution de la situation sanitaire en Chine pourraient avoir un impact plus important sur le Viet Nam que sur d’autres pays d’Asie du Sud-Est. Le Viet Nam a nettement renforcé ses liens commerciaux avec la Chine au cours des dix dernières années. Entre 2012 et 2021, la part de la Chine est passée de 11 à 17 % en ce qui concerne les exportations de biens vietnamiennes, et de 25 à 33 % s’agissant des importations. Au sein des pays de l’ASEAN-6, le Viet Nam affiche la part la plus élevée d’importations chinoises (suivi de l’Indonésie, avec une part de 29 % en 2021). La plupart des biens importés de Chine sont des machines, équipements et pièces de rechange (près de 20 % de l’ensemble des importations de biens en 2021), lesquels jouent un rôle important dans la production de biens destinés à l’exportation. Le Viet Nam se distingue des autres pays d’Asie du Sud-Est par le renforcement de ses liens avec la Chine sur le plan des chaînes de valeur (Graphique 1.8). Certains secteurs pourraient cependant tirer parti des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement en Chine s'ils parvenaient à surmonter les contraintes affectant l’offre, car ils pourraient se substituer aux exportateurs chinois. Ainsi, les exportations chinoises de textile et d’habillement ont temporairement baissé de 3 % (en glissement annuel) entre avril et mai 2022, tandis que les exportations vietnamiennes ont continué de croître (à hauteur de 19 %) au cours des cinq premiers mois de 2022. Le Partenariat économique régional global, accord commercial préférentiel récemment entré en vigueur et dont la Chine est membre, devrait contribuer à soutenir les échanges commerciaux du Viet Nam une fois que la situation se sera améliorée.
Encadré 1.2. Le niveau élevé des prix de l’énergie pourrait freiner la croissance économique
Le PIB réel représente le volume de biens et services produits ou achetés durant une certaine période, mais il n’exprime pas le pouvoir d’achat d’une nation en termes réels lorsque les prix des importations et exportations varient. Par exemple, si les prix des exportations doublent toutes choses égales par ailleurs, le PIB réel ne change pas, mais le pouvoir d’achat du pays devrait s’améliorer sous l’effet de la hausse des recettes commerciales. Par conséquent, outre le PIB, le revenu intérieur brut (RIB) est utilisé pour rendre compte des variations du revenu national (United Nations et al., 2009[6]). Le RIB réel se calcule en ajoutant les « gains/pertes d’échange » au PIB réel1.
À l’instar de la Thaïlande, le Viet Nam a vu ses gains/pertes d’échange augmenter, notamment à partir de 2015 (Graphique 1.7, partie A). Les termes de l’échange, c’est-à-dire le ratio des déflateurs des exportations et des importations, se sont nettement améliorés dans les deux pays après 2014 à la faveur de la baisse des prix des combustibles fossiles (Graphique 1.7, partie B). Une observation plus fine montre toutefois certaines différences entre ces pays.
À partir du milieu des années 2010, les exportations nettes nominales du Viet Nam se sont maintenues, tandis que ses exportations nettes réelles ont diminué (Graphique 1.7, partie C)2. De son côté, la Thaïlande a vu ses exportations nettes nominales augmenter tandis que ses exportations nettes réelles restaient globalement stables (Graphique 1.7, partie D). Il semble donc que le Viet Nam ait accru ses importations de produits devenus moins chers par rapport à l’année de référence, alors que la Thaïlande n’achetait pas davantage de ces produits, ou bien que le Viet Nam ait diminué ses exportations de produits enregistrant des hausses de prix tandis que la Thaïlande maintenait les siennes3.
De fait, le Viet Nam est devenu importateur net d’énergie en 2014 (Graphique 1.7, partie E) et a rapidement augmenté ses importations de pétrole brut et de charbon tout en réduisant ses exportations de combustibles fossiles du fait d’une baisse de la production intérieure. La Thaïlande a été importatrice nette d'énergie, mais la hausse des importations a été plus modérée au cours de la même période (Graphique 1.7, partie E). Les deux pays ont vu leur revenu national s’améliorer grâce à la faiblesse des prix des combustibles fossiles, et le Viet Nam en a tiré parti en accroissant ses achats de pétrole et de charbon.
L’importation de combustibles fossiles était économiquement avantageuse lorsque les prix étaient bas, mais la situation a changé. À présent, la hausse des prix signifie que le coût des combustibles fossiles par unité de PIB produite a augmenté. L’intensité énergétique revêt donc de l’importance. Au cours des dernières années, la Thaïlande a maintenu, voire amélioré, son intensité énergétique, contrairement au Viet Nam (Graphique 1.7, partie F). La Thaïlande a pu ainsi contenir sa consommation de combustibles fossiles, ses importations d’énergie en termes nominaux n’augmentant que modérément. Une amélioration de l’efficacité énergétique peut de la même manière aider le Viet Nam à réduire ses coûts et atteindre l’objectif de neutralité en gaz à effet de serre à l’horizon 2050 (voir le chapitre 2).
1. Gains/pertes d’échange = exportations nettes nominales/déflateur du numéraire – exportations nettes réelles. Différents prix peuvent servir de déflateur du numéraire. Le présent rapport se fonde sur une moyenne des déflateurs d’exportations et d’importations, à savoir (exportations nominales + importations nominales) / (exportations réelles + importations réelles).
2. Les niveaux d’exportations nettes réelles n’ont pas de signification économique dans la mesure où ils peuvent changer selon le niveau d’exportations nettes nominales de l’année de référence.
3. La comptabilité nationale du Viet Nam utilise un indice des prix fixe, de sorte que les déflateurs présenteraient un biais haussier. Cela n’affecte cependant pas l’axe d’analyse principal de cet Encadré.
Depuis le début de la pandémie, le gouvernement a adopté plusieurs plans de relance visant à atténuer les conséquences anticipées de la crise sur l’économie (Tableau 1.1). Grâce à ses mesures de prévention souples et audacieuses, le Viet Nam est parvenu à éviter la survenue de grandes vagues de contamination en 2020. En 2021, après les confinements stricts et la forte contraction économique qui en a résulté, les autorités ont rapidement adopté, dès juillet, différents dispositifs de soutien aux ménages et aux entreprises qui avaient vu leur situation se dégrader. Malgré quelques difficultés au début de la mise en œuvre de certaines mesures, comme les transferts monétaires aux ménages pauvres, les dépenses supplémentaires destinées aux secteurs touchés ont été exécutées de manière efficace et en temps voulu. Le gouvernement a également joué sur les recettes en appliquant des réductions et des exonérations de taxes et de redevances et un allongement des délais de paiement des impôts et des loyers des terrains (reports de paiement d’impôts). D’après les estimations du FMI, les mesures strictement budgétaires, qui comprennent les dépenses supplémentaires et les pertes de recettes, s’élevaient à 1.8 % du PIB en octobre 2021, contre une moyenne de 4.6 % dans 142 pays émergents et pays en développement à faible revenu (IMF Fiscal Affairs Department, 2021[7]). Dans ce contexte, au début de 2022, le gouvernement a adopté un nouveau plan de relance monétaire et budgétaire, le Programme de relance et de développement socio-économiques, représentant 4.1 % du PIB, et en a, à juste titre, affecté la moitié à l’investissement. La mise en œuvre des grands projets d’infrastructures prévus dans le cadre de ce programme n’a toutefois pas commencé. Au début du mois de septembre 2022, seuls 14 % des montants mobilisés pour ce programme avaient été décaissés. Les mesures hors budget – exonérations de paiement des factures de services collectifs et des frais de scolarité pour les ménages, suspensions des cotisations de sécurité sociale et prêts à taux réduits accordés par des banques publiques – ont également apporté une contribution importante (0.7 % du PIB sur la période 2020-21) par rapport aux mesures de dépenses.
Tableau 1.1. Les dépenses publiques supplémentaires ont été modestes durant la pandémie
Ampleur des mesures de relance, en % du PIB
|
2020 |
2021 |
2022 et au-delà |
---|---|---|---|
|
Mises en œuvre |
Mises en œuvre |
Prévues |
Mesures relatives aux recettes |
1.8 |
1.5 |
0.8 |
dont allongement des délais de paiement des impôts et des loyers des terrains |
1.5 |
1.2 |
0.8 |
dont réductions et exonérations de taxes, droits et redevances |
0.3 |
0.3 |
0.1 |
Mesures relatives aux dépenses |
0.3 |
1.2 |
2.6 |
Dont investissement |
.. |
.. |
2.1 |
Mesures extrabudgétaires |
.. |
.. |
0.7 |
Total |
2.2 |
2.7 |
4.1 |
Source : Ministère vietnamien des Finances.
Tableau 1.2. Indicateurs et prévisions macroéconomiques
Variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire
|
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
---|---|---|---|---|
Production et demande |
||||
PIB réel |
2.6 |
8.0 |
6.5 |
6.6 |
Consommation |
2.3 |
7.2 |
5.8 |
5.8 |
Privée |
1.9 |
7.8 |
6.3 |
6.4 |
Administrations publiques |
4.7 |
3.6 |
2.5 |
2.3 |
Formation brute de capital fixe |
3.7 |
6.0 |
5.0 |
5.3 |
Privée |
7.8 |
7.3 |
6.0 |
6.3 |
Administrations publiques |
-6.1 |
2.4 |
2.1 |
2.2 |
Variation nette des stocks (contribution à la croissance du PIB, en points de %) |
1.8 |
-1.5 |
- |
- |
Exportations de biens et services |
7.4 |
8.4 |
5.4 |
6.9 |
Importations de biens et services |
15.8 |
2.2 |
4.3 |
5.9 |
Solde extérieur (contribution à la croissance du PIB, en points de %) |
-2.1 |
2.7 |
1.1 |
1.0 |
Inflation et utilisation des capacités |
||||
Hausse des prix à la consommation |
1.8 |
3.2 |
4.3 |
3.7 |
Chômage (en % de la population active) |
3.2 |
2.3 |
2.2 |
2.1 |
Écart de production (en % du PIB) |
-3.6 |
-1.6 |
-1.0 |
-0.6 |
Finances publiques (en % du PIB) |
||||
Solde financier des administrations publiques |
-3.4 |
-4.3 |
-3.6 |
-2.9 |
Dépenses |
21.9 |
21.2 |
20.5 |
20.0 |
Recettes |
18.5 |
17.0 |
17.0 |
17.2 |
Dette brute des administrations publiques |
38.7 |
38.8 |
38.7 |
38.2 |
Secteur extérieur et autres indicateurs pour mémoire |
||||
Solde commercial (en % du PIB) |
4.3 |
6.3 |
2.8 |
2.9 |
Solde de la balance courante (en % du PIB) |
-2.1 |
-0.9 |
0.4 |
1.2 |
PIB nominal (en milliards USD, au taux de change du marché) |
366.1 |
410.6 |
451.7 |
494.4 |
Note : Les données relatives à 2023 et à 2024, ainsi que les données budgétaires portant sur 2022, sont des projections de l’OCDE. La ventilation de l’investissement privé et public se fonde sur des calculs de l’OCDE. La variation nette des stocks comprend l’écart statistique. Les indicateurs budgétaires sont établis à partir de données révisées sur le PIB.
Source : Office général des statistiques du Viet Nam (GSO) ; ministère vietnamien des Finances ; Banque d’État du Viet Nam ; CEIC et OCDE, Perspectives économiques de l’OCDE (base de données) et projections.
Malgré les inquiétudes croissantes concernant le commerce mondial et les perturbations des chaînes d’approvisionnement, l’économie vietnamienne devrait parvenir à maintenir sa dynamique de croissance en 2022 et au-delà. La croissance du PIB réel devrait s’établir à 6.5 % en 2023 et, poursuivre sur le même rythme, à 6.6 % en 2024 (Tableau 1.2). La demande intérieure continuera de s’accélérer parallèlement à la levée des restrictions sanitaires. L’investissement des entreprises sera solide, grâce à la reprise des investissements étrangers. L’investissement public, qui fait partie du dernier plan de relance en date, devrait lui aussi soutenir la croissance. Néanmoins, le niveau élevé des prix de l’énergie et des denrées alimentaires pèse sur les perspectives économiques. En particulier, même si le taux de pauvreté devrait encore diminuer (World Bank, 2022[8]), le pouvoir d’achat des ménages est fragilisé, et la croissance de la consommation privée, qui avait fortement rebondi après avoir touché un point bas au troisième trimestre de 2021, sera modérée. La persistance de la guerre en Ukraine affecte le commerce mondial, et les chaînes d’approvisionnement sont perturbées. Cependant, le conflit n’a qu’un impact direct limité sur le Viet Nam et la demande extérieure devrait être stable. La nouvelle politique chinoise de gestion du COVID-19 amplifie l’incertitude qui entoure le commerce régional, mais pourrait aussi contribuer à accroître l’attrait relatif du Viet Nam comme destination d’investissement. Dans ce contexte, la mise en œuvre de réformes structurelles, visant notamment à améliorer le climat des affaires, sera fondamentale pour assurer une reprise robuste et pour stimuler la croissance à moyen terme (Tableau 1.3). Il faudra toutefois pour cela consentir des efforts soutenus et constants. Ainsi, s'agissant du contrôle exercé par l'État, qui est mesuré par le sous-indicateur « champ du secteur des entreprises publiques » dans l'indicateur de réglementation des marchés de produits de l'OCDE (versions de 2008 et 2013), il a fallu presque cinq ans à l'Afrique du Sud pour réduire de moitié son écart avec la moyenne de l'OCDE. La Hongrie est quant à elle parvenue à combler son écart par rapport à la moyenne de l'OCDE à l'aune de ce même indicateur, mais cela lui a pris presque dix ans à compter de la fin des années 90.
Tableau 1.3. Estimation indicative de l’effet induit sur le PIB par certaines des réformes recommandées
Différence de niveau de PIB par habitant, %
Mesure |
Description |
1 an après la réforme |
10 ans après la réforme |
---|---|---|---|
Réduire les obstacles réglementaires mesurés par l’indicateur global de réglementation des marchés de produits |
Combler intégralement l’écart avec la moyenne de l’OCDE |
0.2 |
+1.1 % |
Réduire l’étendue du contrôle de l’État mesurée par l’indicateur de réglementation des marchés de produits correspondant (« champ du secteur des entreprises publiques ») |
Combler un quart de l’écart avec la moyenne de l’OCDE |
3.2 |
9.2 |
Réduire les obstacles aux échanges et à l’investissement mesurés par l’indicateur de réglementation des marchés de produits correspondant (« obstacles aux échanges et à l’investissement ») |
Combler intégralement l’écart avec la moyenne de l’OCDE |
1.0 |
7.3 |
Note : Simulations fondées sur le cadre établi par (Égert et Gal, 2016[9]). Le cadre repose sur l’hypothèse que les réformes structurelles ont une incidence sur le PIB par habitant via une variation de la productivité multifactorielle, de l’intensité capitalistique et du taux de chômage. Les indicateurs de réglementation des marchés de produits (RMP) élaborés par l’OCDE sont utilisés pour mesurer l’avancement des réformes structurelles. Les coefficients d’impact des réformes sont calculés pour chaque mesure à l’aide de données internationales couvrant les pays de l’OCDE et certaines économies de marché émergentes. Les résultats montrent l’effet induit sur le niveau du PIB par habitant 1 an et 10 ans après l’achèvement de la réforme considérée, par rapport à un scénario de référence à politiques inchangées.
Source : Calculs de l’OCDE.
Les risques sont essentiellement orientés à la baisse. La pandémie de COVID-19 n’est pas encore terminée, et l’apparition de variants plus contagieux nécessiterait la réinstauration de restrictions sanitaires strictes, ce qui amplifierait les perturbations des chaînes d’approvisionnement. Une entrée en récession de l’économie mondiale causée par l’accélération de l’inflation et le resserrement de la politique monétaire qui s’ensuivrait, ainsi que par la persistance de la guerre en Ukraine, pourrait affecter profondément le Viet Nam, le pays étant très dépendant des échanges commerciaux. En cas de ralentissement de la croissance chinoise, la demande extérieure pourrait devenir plus volatile et connaître des périodes de faiblesse prolongée. Par ailleurs, si l’inflation devait rester supérieure aux projections actuelles, elle pourrait amputer le pouvoir d’achat des ménages et freiner la reprise, ce qui augmenterait l’incidence de la pauvreté. Un resserrement plus rapide que prévu de la politique monétaire dans les économies avancées exercerait des pressions baissières sur les taux de change et contraindrait le Viet Nam à durcir de manière abrupte sa propre politique monétaire, sapant la reprise naissante. La politique budgétaire devrait, elle aussi, être resserrée, ce qui pourrait affaiblir encore la demande intérieure. À l’inverse, une croissance plus vigoureuse que prévu aux États-Unis, grâce à l’assainissement des finances des ménages et des bilans des entreprises, pourrait renforcer encore les exportations. Dans un environnement extérieur de plus en plus incertain, la stabilité du climat d’investissement au Viet Nam pourrait constituer un atout de plus en plus apprécié par les investisseurs. Ces facteurs de risque, tant à la hausse qu’à la baisse, accroissent l’incertitude entourant les projections économiques à court terme. Le Tableau 1.4 résume les effets potentiels de risques à faible probabilité non inclus dans les hypothèses de calcul des projections.
Tableau 1.4. Événements susceptibles d’entraîner des changements majeurs dans les perspectives
Chocs extérieurs |
Effets potentiels |
---|---|
Crise de l’énergie |
Un arrêt soudain des importations d’énergie et des prix extrêmement élevés dans le secteur pourraient porter atteinte à l’activité économique au sens large par le biais d’une hyperinflation. |
Pandémie |
L’apparition de nouvelles zoonoses mortelles affecterait l’économie dans son ensemble et entraînerait des difficultés sociales à grande échelle. |
Catastrophes naturelles |
Des événements météorologiques extrêmes, tels que des inondations et sécheresses, pourraient dépasser les capacités de réaction existantes et entraîner des perturbations de grande ampleur de l’activité économique, dont des coupures d’électricité et des pénuries de denrées alimentaires. |
Crises géopolitiques |
L’intensification des tensions ou d’autres graves troubles sociaux dans la région provoqueraient des perturbations durables des chaînes d’approvisionnement et une dégradation de la confiance des investisseurs étrangers. |
L’importante marge de manœuvre des pouvoirs publics pourrait être mise à profit en cas de concrétisation des risques à la baisse
À court terme, la priorité en matière d’action publique est d'empêcher le recul de la demande intérieure et notamment de la consommation des ménages, qui représente près de 70 % du PIB. Étant donné que la reprise est engagée et que les pressions inflationnistes s'accentuent, il n'est plus nécessaire de mettre en place de nouvelles mesures budgétaires expansionnistes. Outre une baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (qui doit passer de 10 à 8 % entre février et décembre 2022), le gouvernement a réduit la taxe pour la protection de l’environnement, qui frappe les combustibles fossiles, de 50 % en avril 2022, et de 25 % supplémentaires en juillet (le taux réduit restera en vigueur jusqu’en décembre 2022). Le taux des droits préférentiels à l’importation d’essence moteur sans plomb a également été abaissé (de 20 % à 10 %) à partir d’août 2022. Toutefois, de telles mesures ne sont pas souhaitables à moyen terme, puisqu'un assainissement progressif des finances publiques s'impose (voir plus bas), notamment au moyen d’un accroissement de la mobilisation des recettes publiques. Si le niveau élevé de l'inflation persiste plus longtemps qu'anticipé, une approche ciblée du soutien budgétaire, ne stimulant pas la demande de combustibles fossiles, serait préférable. Il pourrait s’agir de transferts monétaires réservés aux ménages vulnérables. Le Viet Nam met à jour chaque année une liste recensant les ménages pauvres. Il ressort de précédentes études que, même si cette liste présente des avantages par rapport aux mesures effectuées par d’autres économies de marché émergentes, sa couverture est incomplète (Kidd et al., 2016[10]), et que des technologies numériques devraient être utilisées pour améliorer le recoupement des informations issues de différentes sources administratives. Une grande partie de la population ne paie pas d’impôts (principalement en raison de la faiblesse des revenus), ce qui limite l’utilisation de la base de données fiscales aux fins du ciblage très étroit des transferts budgétaires, même si celle-ci a déjà été dématérialisée. Depuis le début de la pandémie, le gouvernement a accéléré la numérisation d'une base de données sur la citoyenneté (c'est-à-dire l'identification personnelle). Afin d'améliorer le ciblage, celle-ci pourrait être rattachée à d'autres bases de données, dont celles sur la sécurité sociale et l'assurance maladie. Il est en outre essentiel de soutenir le renforcement des capacités des administrations locales, car ce sont elles qui sont responsables de la mise en œuvre effective de ces mesures. À l'heure actuelle, les capacités des administrations locales varient considérablement d’une région à l’autre. Par ailleurs, les projets d’investissement public devraient être mis en œuvre comme prévu afin d’éviter toute fluctuation non anticipée de la demande. En particulier, les chantiers d’infrastructures de transport soutenant la logistique et les interconnexions régionales devraient être accélérés compte tenu des risques de nouvelles perturbations en matière d’approvisionnement. La Loi de 2019 sur l’investissement public a simplifié les procédures et renforcé la décentralisation de la gestion des investissements, ce qui permet de faciliter les décaissements budgétaires (Madani, Nguyen et Nguyen, 2021[11]). D’autres simplifications de procédures et de réglementations devraient être envisagées. L’accélération de l’investissement public ne devrait toutefois pas nuire à la qualité des projets. L’allocation budgétaire pourrait mieux prendre en compte les capacités de mise en œuvre des administrations locales, qui varient très fortement selon les juridictions (Madani, Nguyen et Nguyen, 2021[11]). À cet égard, il faudrait à moyen terme appliquer plus activement aux projets des administrations locales reposant sur des financements intérieurs un cadre d’évaluation ex post instauré dans le cadre de la précédente Loi sur l’investissement public de 2014, et qui n’est que rarement mis en œuvre (World Bank, 2018[12]).
Les capacités en matière de santé publique devraient être elles aussi renforcées pour faire face à d’éventuelles flambées de COVID-19 de grande ampleur. Des moyens suffisants en la matière sont essentiels également pour éviter des restrictions très contraignantes, qui pèsent sur la confiance des ménages et des entreprises. Durant la pandémie, les structures de santé ont subi de fortes pressions dans certaines zones, en particulier au troisième trimestre de 2021, ce qui a contraint le gouvernement à prendre des mesures sanitaires strictes. Dès la levée des restrictions en octobre 2021, un certain nombre d’habitants des zones urbaines originaires des campagnes (« migrants urbains ») sont retournés dans leur village natal par lassitude des confinements. De fait, une précédente étude porte à croire que certains migrants urbains accordent davantage d’importance à leur qualité de vie qu’à leurs revenus (Luong, 2018[13]). Dans certains cas, les insuffisances en matière de coordination entre l’administration centrale et les autorités locales ont entraîné des perturbations des chaînes d'approvisionnement alimentaire, et la complexité des procédures a ralenti le décaissement des aides financières. À la mi-décembre 2021, quelque 2.2 millions de migrants urbains avaient quitté leur lieu de résidence, provoquant une pénurie de main-d’œuvre au cours de la phase initiale de réouverture de l’économie dans les zones urbaines, où se situent la plupart des installations industrielles.
Améliorer la gestion des décaissements revêt une importance croissante pour renforcer l’efficacité de la politique budgétaire, en particulier son caractère contracyclique. En 2020, parallèlement à une hausse limitée des dépenses budgétaires dans le cadre des mesures de relance, le gouvernement a accéléré les décaissements du budget prévu. En conséquence, si les dépenses courantes effectives ont moins augmenté qu’anticipé (leur croissance nominale effective a été de 2.5 %, contre 12.1 % prévus ; la croissance prévue correspondant aux modifications par rapport au budget final de l’année précédente), l’investissement public (« investissement de développement ») a enregistré une hausse nettement supérieure à ce qui était prévu (36.6 %, contre 11.6 % respectivement), ce qui soutenu l’économie de manière adéquate. À l’inverse, selon les dernières estimations budgétaires, les dépenses effectives ont considérablement ralenti en 2021, malgré l’adoption de mesures de relance supplémentaires. Si les dépenses courantes ont augmenté de 4.8 %, l’investissement public a chuté de 10.5 %. Cette évolution s’explique en partie par le manque de main-d’œuvre, la hausse des coûts de matériaux de construction et les contraintes physiques liées à la rigueur des confinements, et le rebond lié au niveau élevé des dépenses durant l’année précédente. De manière générale, les décaissements budgétaires ne doivent pas être interprétés comme le signe de progrès réel en matière de travaux publics et de consommation publique car il y a toujours des retards d’exécution. Cependant, la volatilité prononcée des dépenses budgétaires témoigne d’une gestion inefficace des décaissements. De fait, au Viet Nam, les dépenses effectives diffèrent nettement du budget prévu (voir plus loin). Divers facteurs expliquent cet écart. La coordination, non seulement entre les ministères, mais aussi entre les différents échelons administratifs, devrait être améliorée. En particulier, les reports de crédits budgétaires d’une année sur l’autre demeurent considérables malgré les efforts déployés par le gouvernement pour les réduire, notamment au moyen de la Loi de 2015 sur le budget de l'État, qui vise à limiter les possibilités de report. La qualité de la planification budgétaire, y compris l’exactitude des estimations de recettes et de dépenses ainsi que leur mise en œuvre, pourrait être améliorée (IMF, 2022[14]).
Stimuler l’investissement étranger constitue également une priorité. Il est vrai que ses fluctuations ont un faible impact sur les tendances globales en matière d’investissement au Viet Nam, car il ne représente qu’une petite part de l’investissement total (environ 20 %), mais l’investissement étranger s’avère davantage sensible à la situation économique générale (Graphique 1.9, partie A). Dans certains pays de l’Asie du Sud-Est, l’investissement étranger (capital social) s’est envolé en 2021, et cette hausse a plus que compensé la contraction observée en 2020 (Graphique 1.9, partie B). Au Viet Nam, le rebond a toutefois été plutôt modéré en 2021, du fait, pour partie, du confinement strict du troisième trimestre de 2021. Les pays de l’Asie du Sud-Est ont mis en œuvre des mesures visant à améliorer le climat des affaires même durant la pandémie. Les Philippines, qui ont connu un fort rebond en 2021, se sont engagées à abaisser les taux d’imposition des entreprises à partir de 2021 et ont récemment décidé d’ouvrir davantage leurs marchés de services. Le Viet Nam a déjà réduit ses multiples obstacles de jure à l’entrée d’acteurs étrangers. Néanmoins, davantage d’efforts pourraient être déployés, notamment en termes de mise en œuvre. Au Viet Nam, la gestion de l’IDE (par exemple, les autorisations) relève de la compétence des autorités des provinces. Cependant, les capacités administratives de ces dernières sont variables, ce qui peut entraîner des coûts supplémentaires pour les entreprises. La coordination entre l’administration centrale et les provinces pourrait aussi être améliorée. Outre le renforcement des capacités, il serait utile que les autorités locales participent davantage au processus national d’élaboration des politiques (Tran, 2019[15]). Par ailleurs, l’investissement étranger nécessite souvent des flux transfrontaliers de travailleurs étrangers qualifiés. Si les mesures de fermeture des frontières liées à la pandémie ont été levées, le Viet Nam dispose encore d’une marge de réduction des restrictions à la mobilité transfrontalière de travailleurs qualifiés, comme le montre l’Indice de restrictivité des échanges de services de l'OCDE (Chapitre 2). La promotion de l'investissement étranger dans des secteurs susceptibles d'appuyer les efforts de décarbonation, tels que les énergies renouvelables et les transports, peut influer positivement sur la transition écologique par diverses voies, notamment via les retombées technologiques (OECD, 2022[16]). Pour cela, les pouvoirs publics devront non seulement renforcer les mesures qui créent des conditions propices aux investissements écologiques, notamment les incitations à investir et la promotion de l’investissement, mais aussi mettre en place des normes environnementales nationales (sur le rendement des carburants, par exemple) qui soient en adéquation avec les objectifs climatiques nationaux.
Les perturbations qui ont récemment affecté les chaînes d'approvisionnement ont mis en évidence l'importance de la facilitation des échanges, qui peut aussi contribuer à lever les obstacles empêchant l’économie de recommencer à tourner à pleine capacité. Le Viet Nam a réalisé des progrès substantiels depuis qu’il a ratifié l’Accord sur la facilitation des échanges de l’Organisation mondiale du commerce, en 2015 (Graphique 1.10, partie A). L’intégration des systèmes d’information, le guichet unique national et le guichet unique de l’ASEAN ont été mis en place avec succès par le puissant Comité national de la facilitation des échanges (UNCTAD, 2020[17]). Toutefois, des améliorations sont encore possibles. L’inspection spécialisée, qui est une procédure de dédouanement aux frontières menée par les ministères de tutelle pour 30-35 % des biens échangés, demande du temps (USAID, 2021[18]). Les pouvoirs publics prévoient de promulguer un décret pour harmoniser les procédures relatives aux biens importés. Le renforcement de la coordination et le suivi des fonctions du Comité de la facilitation des échanges seront essentiels à la mise en œuvre effective de cette harmonisation, tant au niveau national que régional. Le Comité se concentre actuellement sur le fonctionnement des guichets uniques. (USAID, 2021[18]). Le renforcement de l’engagement des parties prenantes, en particulier avec les PME, qui seraient les principales bénéficiaires de la facilitation des échanges, peut accroître l’efficacité de la coordination des politiques et du suivi du Comité car il fournira à ce dernier des informations plus actualisées du côté de la demande.
Par ailleurs, les progrès de la coordination transfrontalière sont lents si on les compare à d’autres mesures de facilitation des échanges (Graphique 1.10, partie B) (Ha et Lan, 2021[19]). Même durant la pandémie, la mise en œuvre des mesures de facilitation des échanges a progressé dans un certain nombre de pays, notamment dans la région de l’Aside du Sud-Est (Asian Development Bank, 2021[20]), mais cela n'a pas nécessairement débouché sur une coopération transfrontalière accrue. La coopération régionale pourrait s'avérer plus bénéfique que les initiatives unilatérales, en particulier s'agissant des pays fortement dépendants des échanges comme le Viet Nam. En dépit du développement des infrastructures reliant les pays de la région, les mesures de facilitation des échanges concernant spécifiquement le transport terrestre entre les pays restent modestes. En réponse, l’Accord sur la facilitation du transport transfrontière dans la sous-région du Bassin du Mékong (GMS-CBTA), un cadre juridique destiné à faciliter le transport terrestre transfrontière dans la région, a été ratifié par le Cambodge, la Chine, le RDP lao, le Myanmar, la Thaïlande et le Viet Nam (Asian Development Bank, 2021[21]). Le GMS-CBTA devrait permettre d’éliminer les obstacles existants grâce à l’échange d'informations et l’harmonisation des politiques, et il serait bon que le Viet Nam prenne une part plus active dans la mise en œuvre de ce programme.
L’intégration des échanges doit encore être approfondie. À l'instar d’autres pays de l’ASEAN, le Viet Nam prend part activement à un plusieurs accords commerciaux préférentiels. À l’heure actuelle, 15 accords sont en vigueur (dont sept sous l'égide de l’ASEAN) et deux autres sont en cours de négociation. Le Viet Nam tire largement profit de sa pratique d’échanges libres et ouverts avec les régions qui l’entourent. Les entreprises vietnamiennes ont désormais accès aux marchés de manière beaucoup plus large et approfondie qu’auparavant. Les consommateurs et les entreprises sont également mieux lotis du fait de l’ouverture du marché vietnamien, puisqu’une grande variété de biens et de services importés sont désormais disponibles à des prix inférieurs. En effet, de précédentes études suggèrent que l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, récemment entré en vigueur, et le Partenariat économique régional global, qui sont d'importants accords commerciaux préférentiels de la région Asie-Pacifique, feront grimper le revenu réel agrégé du Viet Nam de 3.4 % et de 1.0 % respectivement, par rapport au niveau de référence, sur les dix prochaines années - soit l’un des impacts les plus importants des pays de l’ASEAN (Park, Petri et Plummer, 2021[22]).
Un système commercial ouvert, diversifié et transparent peut également servir d'assise à la résilience économique. Au début de la pandémie, une forte hausse de la demande a provoqué des pénuries mondiales d’équipements de protection individuelle. Toutefois, les chaînes de valeur mondiales (CVM) ont dans l’ensemble contribué à en atténuer l’impact, comme cela avait été le cas lors de précédentes catastrophes telles que le grand tremblement de terre qui a frappé l’est du Japon et les graves inondations en Thaïlande en 2011 (OECD, s.d.[23]). Par exemple, la production et les échanges mondiaux de biens essentiels comme les masques ont rapidement augmenté pour satisfaire la demande. En effet, de précédentes études laissent entendre que l'ancrage local et la relocalisation seraient susceptibles de réduire le niveau du PIB réel et la stabilité face aux chocs (OECD, 2021[24]). Le secteur des entreprises occupe une place centrale dans l’amélioration de ses propres chaînes d'approvisionnement. Des échanges et des politiques d’investissement stables, transparents et prévisibles peuvent faciliter la diversification des CVM et réduire l’incertitude pour les entreprises (voir chapitre 2). Les pouvoirs publics peuvent également investir dans les infrastructures critiques pour sécuriser les flux essentiels de produits, de personnes et d’information.
Le secteur des services pourrait jouer un rôle plus important dans les échanges internationaux du Viet Nam, notamment grâce à l'exportation indirecte de ses produits par le biais des produits manufacturés. Les services intermédiaires comme le marketing et la conception sont d'importants déterminants de la compétitivité des activités de fabrication. De plus, les technologies de l’information et des communications ont brouillé les frontières entre les activités de fabrication et les services. Les produits manufacturés modernes diffèrent des produits manufacturés traditionnels (comme le textile et l’acier) car ils contiennent un nombre considérable d'éléments liés aux services (tels que les systèmes d’exploitation des ordinateurs). En effet, la valeur ajoutée des services aux entreprises qui sont intégrés dans les produits manufacturés représente près de 30 % de la valeur ajoutée totale des activités de fabrication exportées par les pays de l’OCDE (Graphique 1.11, partie A). Toutefois, les exportations de produits manufacturés du Viet Nam comprennent une moindre quantité de services et la part des services produits dans le pays est nettement plus faible. À terme, le Viet Nam a la possibilité d'accroître la valeur ajoutée de ses exportations de produits manufacturés en augmentant la complexité des produits à l'aide de services intermédiaires fournis par le pays, comme la conception de qualité et les logiciels. La transformation numérique est l’un des principaux moteurs de la montée en complexité de la production nationale. À cet égard, l’investissement direct étranger dans les secteurs du numérique peut contribuer à promouvoir la transformation numérique de l’économie vietnamienne. Pour attirer l’IDE dans ce domaine, le Viet Nam doit continuer d’améliorer le climat des affaires, en particulier dans le secteur de l’économie numérique, par exemple en ce qui concerne la protection de la vie privée, et s’employer à renforcer les compétences numériques des travailleurs (Matthew, 2020[25]) (voir chapitre 2).
Il existe également un potentiel d'augmentation des exportations directes de services vietnamiens. Un certain nombre de pays ont accru leurs exportations directes de services aux entreprises, comme les prestations de services financiers et de TIC, tandis que le Viet Nam accuse encore un certain retard en la matière (Graphique 1.11, partie B). L'accroissement des exportations directes de services permettra de diversifier et de renforcer l’intégration du Viet Nam dans les échanges internationaux. Pour promouvoir le développement du secteur des services, l'amélioration du climat des affaires est particulièrement cruciale (voir chapitre 2). À cet égard, les accords commerciaux préférentiels qui englobent les services peuvent être une force motrice puissante à l'appui de la réforme du marché des services domestiques (OECD, 2020[26]). De plus, les services étant plus fortement consommateurs de main-d'œuvre que les activités de fabrication, le développement des compétences doit être une priorité. Certains services aux entreprises, comme les services financiers et les services de conseil, sont livrables par voie numérique, et le commerce dans ce domaine est en plein essor (Asian Development Bank, 2022[27]). Par conséquent, l'amélioration des compétences numériques, qui se situent actuellement à un niveau faible, sera propice au développement du secteur des services aux entreprises (voir chapitre 2).
La politique monétaire doit permettre de maintenir les anticipations inflationnistes bien ancrées
Le Viet Nam est doté d'un cadre de politique monétaire unique, allié à un système de change flottant dirigé. La Banque centrale du Viet Nam est une organisation ministérielle de l’administration centrale et son indépendance n’est pas explicitement définie. Le gouverneur est un membre du Cabinet nommé par l’Assemblée nationale sur proposition du Premier ministre. La politique monétaire, qui a pour objectif la stabilité de la monnaie indiquée par le taux d’inflation, relève de la responsabilité de l’Assemblée nationale, en particulier s'agissant de la fixation des objectifs politiques fondés sur les projections gouvernementales. Outre l’inflation, des objectifs sont également fixés et revus annuellement en matière d’expansion du crédit. En tant qu’organe de mise en œuvre des politiques publiques, la banque centrale fixe les taux directeurs, le taux de refinancement et le taux d'escompte. Elle impose également des plafonds d’expansion du crédit aux banques de manière individuelle (voir ci-dessous). La banque centrale gère le taux de change en fonction d’un panier comprenant plusieurs grandes devises et guide sa fluctuation journalière à l’intérieur de marges annoncées au préalable pour le dollar des États-Unis (USD) (actuellement ±5 %).
Du début de la pandémie jusqu’au milieu de l’année 2022, la politique monétaire a largement soutenu la croissance. Le taux d'intérêt réel sur les obligations d’État à 10 ans était de 0.4 % au cours des sept premiers mois de 2022, contre 1.5 % en 2019. Cette orientation accommodante était appropriée dans un contexte de faible inflation, l’inflation globale étant restée stable au cours des deux dernières années. Le faible niveau des prix de l'énergie durant l'année 2020 a permis de compenser l’augmentation du prix des denrées alimentaires résultant de l’épidémie de peste porcine africaine (Graphique 1.12, partie A). Si les prix de l’énergie ont rebondi en 2021, l’inflation sous-jacente était faible, sur fond de demande atone contrainte par les restrictions sanitaires, en particulier au milieu de l'année. En réponse au ralentissement économique provoqué par les mesures de confinement prises à l’intérieur et à l’extérieur du pays au début de 2020, la banque centrale a abaissé le taux de refinancement de 6 % à 4 % entre mars et octobre 2020 (tandis que le taux d'escompte passait, lui, de 4 % à 2.5 %) et a maintenu son orientation accommodante (Graphique 1.12, partie B). Dans la même période, elle a également réduit les intérêts perçus pour l’achat de titres dans le cadre d’opérations de marché s’élevant à 4 % par an auparavant pour les fixer à 2.5 %. La stabilité du taux de change a également contribué à contenir l’inflation. Alors que les devises d'autres pays du Sud-Est asiatique connaissaient un vaste mouvement de balancier, entre dépréciation et appréciation, sur le marché des changes, le dong vietnamien (VND) s'est montré moins instable.
L’inflation globale et l’inflation sous-jacente ont toutes deux augmenté depuis le début de 2022. Outre la réouverture de l’économie, la guerre en Ukraine a fait monter un peu plus les prix de l’énergie et des produits de base, qui avaient déjà commencé à grimper en 2021. À l’instar de ce que l’on observe dans d'autres pays importateurs nets d'énergie ou de produits de base, l’inflation globale qui touche le Viet Nam est sensible aux variations de ces produits essentiels sur les marchés internationaux (Graphique 1.13). Bien que le phénomène ait été moins ample que dans les pays dotés de régimes de change totalement flottants (c'est-à-dire où les monnaies s'affaiblissent), l’augmentation rapide des prix à l’importation a fait grimper les prix des matières premières et des produits semi-ouvrés, ce qui a eu un effet sur l’inflation au sens large. De plus, même si les capacités restent excédentaires, la demande s'est redressée rapidement suite à la levée de la plupart des restrictions sanitaires début 2022. Certains prix en amont ont déjà augmenté. L’indice des prix à la production dans le secteur manufacturier a augmenté de près de 4 % (en glissement annuel) depuis le quatrième trimestre 2021, ce qui représente l’augmentation la plus importante depuis 2013. Comme examiné précédemment, le gouvernement a temporairement réduit la taxe écologique sur les énergies fossiles depuis avril 2022, en plus de la baisse déjà décidée du taux de la taxe sur la valeur ajoutée. Il envisage également de réduire la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe spéciale sur la consommation de combustibles fossiles. Cependant, une approche plus ciblée, notamment des transferts en espèces à destination des ménages vulnérables, contribuerait à garantir qu'un soutien accru ne stimule pas la demande d’une manière excessive. En outre, pareille intervention n’encouragerait pas la demande d'énergies fossiles dans les mêmes proportions que la réduction des taxes y afférentes.
Le prix des denrées alimentaires sera un facteur déterminant de l’inflation globale future. Comme dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est, l'alimentation représente une large part du panier de la ménagère (pondération de l’IPC : Viet Nam 33.6 %, Malaisie 28.4 % et Thaïlande 40 %). La montée actuelle de l’inflation tient principalement à l’augmentation des prix de « transport », sous l’effet du renchérissement de l’énergie, bien qu’elle soit modérée depuis août 2022. Les prix d'autres postes tels que « logement et matériaux de construction », qui contiennent des intrants énergétiques, et « aliments et denrées alimentaires », ont aussi commencé à grimper, mais l’augmentation des prix de l’alimentation a été modérée comparé à d'autres pays du Sud-Est asiatique (Graphique 1.14). En particulier, tandis que les prix des postes « repas pris à l’extérieur » ont grimpé (7 % en glissement annuel en septembre), l’augmentation des prix du poste « denrées alimentaires » (à savoir notamment des produits périssables dont la pondération dans l’IPC est de 21.3 %) a été modérée (3 % en glissement annuel en septembre). Comparé à d'autres pays, le niveau élevé d’autosuffisance alimentaire du Viet Nam pour les denrées de première nécessité comme le riz peut contribuer à modérer les augmentations des prix des produits alimentaires. Toutefois, la Thaïlande, qui présente un niveau d'autosuffisance comparable, a déjà enregistré une hausse significative des prix des « produits alimentaires bruts » (11 % en glissement annuel en septembre). Les prix des denrées périssables sont impactés par les conditions météorologiques locales mais aussi par les coûts de divers intrants comme les engrais et l’énergie, qui sont pour une large part fixés sur les marchés mondiaux. La guerre en Ukraine a poussé à la hausse les cours internationaux des engrais. Dans les zones urbaines, les prix, qui guident souvent la tendance d'évolution des prix dans l’ensemble du pays, sont en train de monter (à Hanoï, le prix des denrées alimentaires a augmenté de 5 % en glissement annuel en juillet, puis de 3 % en août et en septembre).
À l'avenir, les autorités monétaires doivent se montrer vigilantes à l’égard des risques de hausse de l’inflation, tout en cherchant à normaliser progressivement l’orientation de leur politique sur la période de projection. Dans l’hypothèse d'une poursuite de la reprise économique, les taux directeurs dépasseraient leurs niveaux d’avant la pandémie vers la fin de 2023, alors que l'inflation devrait selon les projections atteindre 4.3 % en 2023, avant de ralentir légèrement pour s’établir à 3.7 % en 2024. La banque centrale a déjà amorcé une réorientation de sa politique sur fond d’accentuation des pressions inflationnistes et de dépréciation monétaire. Elle a ainsi relevé les taux directeurs en septembre et en octobre 2022 (portant le taux de refinancement de 4 % à 6 % et le taux d’escompte, de 2.5 % à 4.5 %). En outre, en octobre 2022, elle a élargi la marge de fluctuation journalière du taux de change, qui est passée de ±3 % à ±5 %. L’environnement externe incertain crée un dilemme délicat en ce qui concerne la trajectoire de normalisation et nécessite de distinguer plus clairement entre les missions de la politique monétaire et celles de la politique budgétaire. La politique monétaire doit être concentrée sur la stabilité des prix, tandis que la politique budgétaire vise à soutenir les groupes vulnérables face au renchérissement des coûts de l'énergie. Repousser l’abandon progressif de l’orientation fortement accommodante de la politique monétaire augmenterait le risque d'ancrer les anticipations d’inflation à un niveau plus élevé. Les salariés du secteur formel ne représentant pas la majorité des travailleurs, les indicateurs officiels sur les salaires ne reflètent pas nécessairement les tensions inflationnistes imminentes qui pourraient s’exercer au Viet Nam. Néanmoins, les salaires ont augmenté rapidement, ce qui s’explique en partie par la lente reprise de l’offre de main-d'œuvre (le salaire minimum a été relevé en juillet 2022 de 6 % en moyenne). De plus, des différences de taux d'intérêt entre ses partenaires commerciaux majeurs pourraient exercer une pression baissière sur la devise, ce qui aurait pour effet de faire grimper encore davantage l’inflation à l’intérieur du pays. Cependant, l’inscription dans la durée de la guerre en Ukraine et son intensification vont affaiblir la demande extérieure et les prix élevés de l'énergie et des denrées alimentaires vont éroder le pouvoir d'achat des ménages ainsi que les marges bénéficiaires des entreprises. Les économistes qui participent à l’Enquête du Consensus économique (la seule mesure des anticipations d'inflation) s'attendent à une modération de l’inflation à 2.8 % en moyenne en 2024 (estimations d’octobre 2022), mais les projections sont comprises entre 2.5 % et 5.5 %. Cela montre que les perspectives en matière d’inflation sont largement incertaines, mais il se peut qu’il faille resserrer la politique monétaire plus tôt que prévu à ce jour si les signes de risques à la hausse se concrétisent.
À moyen et à long termes, le Viet Nam pourrait envisager de poursuivre l’examen du cadre de politique monétaire et du régime de taux de change pour améliorer encore sa résilience et son développement économiques. À l’image du Viet Nam, un certain nombre d’économies de marché émergentes adoptent des cadres de politique monétaire intégrés qui prévoient des interventions sur le marché des changes et/ou des instruments de gestion des flux de capitaux comme instruments de politique monétaire en plus des taux d'intérêt. Les économies de marché émergentes ont tendance à être vulnérables aux chocs externes tels que les variations des mouvements de capitaux transfrontières, et cela est une source de dilemmes pour les pouvoirs publics. Par exemple, le recours à des taux directeurs plus bas pour décourager d’importantes entrées de capitaux pourrait stimuler de façon excessive la demande intérieure et faire grimper le prix des actifs, ce qui accroîtrait l’instabilité des marchés financiers. Des cadres d'action publique intégrés peuvent contribuer à minimiser ces arbitrages si certaines conditions sont réunies, comme une vulnérabilité aux chocs extérieurs (Adrian et al., 2020[28]). En effet, de précédentes études laissent penser qu’avec un cadre d'action tel que celui qui est actuellement en vigueur au Viet Nam, qui combine des interventions sur le marché des changes et un pilotage de l’expansion du crédit, les fluctuations de certains indicateurs économiques comme l’inflation en réaction à des chocs externes sont susceptibles d’être plus limitées que si le cadre d'action repose uniquement sur les taux d'intérêt (Epstein et al., 2022[29]). Néanmoins, il convient de prendre également en considération les coûts potentiels à long terme de ce cadre d'action. Par exemple, les interventions sur le marché des changes et le contrôle des capitaux peuvent retarder un peu plus le développement des marchés financiers, qui sont devenus importants pour le Viet Nam (voir ci-dessous). Des comparaisons internationales laissent à penser que les interventions sur le marché des changes peuvent également influencer l’évaluation des risques de change par les investisseurs et accroître les vulnérabilités potentielles sur les marchés financiers. Si les mouvements sur le marché des changes sont structurels, une intervention ne permettra pas de stabiliser les taux de change.
Dans ce contexte, le Viet Nam pourrait envisager de moderniser son cadre d'action monétaire, de cibler plus étroitement ses objectifs et de passer à un régime de taux de change plus souple une fois parvenu à un stade plus avancé de la libéralisation et du développement de ses marchés financiers. Un certain nombre de pays d’Europe orientale ont réussi à mener à bien cette transformation de leurs cadres monétaire et de change. À mesure que les liens du Viet Nam avec le commerce mondial se renforceront, l’adoption d’un régime de change plus souple revêtira une importance particulièrement cruciale. Un régime de change souple permet à la devise de se déprécier lorsque les termes de l’échange se dégradent, ce qui rend les exportations plus compétitives et permet donc d’amortir le choc externe, ce qu’un système de taux de change fixe ne permet pas de faire (Broda et Tille, 2003[30]). De plus, les régimes de change rigides exposent davantage l’environnement financier intérieur aux chocs financiers mondiaux que les régimes souples (Obstfeld, Ostry et Qureshi, 2017[31]), et une discipline budgétaire plus rigoureuse est nécessaire afin d’éviter un déséquilibre de la balance courante (Khatat, Buessing-Loercks et Fleuriet, 2020[32]). La transition vers un régime de change plus souple permettra à la Banque centrale du Viet Nam de se concentrer sur des objectifs plus ciblés, notamment sur l’inflation, ce qui peut contribuer à stabiliser la situation macroéconomique. Cette transition politique doit s'accompagner du renforcement de l’indépendance de la banque centrale (IMF, 2019[33]). À l’heure actuelle, son indépendance opérationnelle n’est pas assurée de manière précise, puisque le Premier ministre comme le gouverneur peuvent choisir les instruments administratifs et les leviers d'action de la politique monétaire. À cette fin, la création d'un organe collectif de prise de décision (à savoir un comité de politique monétaire) nommé par l’Assemblée nationale et doté d'une autonomie opérationnelle indépendante du Cabinet sera nécessaire (National Assembly Economic Committee, 2012[34]). L'inflation est moins forte et plus stable dans les pays où les banques centrales peuvent conduire une politique monétaire indépendante. Dans la droite ligne de la décision n 896/QD-TTg du Premier ministre relative à la « Stratégie pour le développement du secteur bancaire vietnamien d’ici 2025, assortie d’orientations à horizon 2030 » publiée en 2018, le gouvernement envisage d’accroître progressivement l’indépendance de la Banque d'État du Viet Nam dans la conduite de la politique monétaire. De plus, le renforcement du secteur bancaire est essentiel pour assurer un meilleur fonctionnement du mécanisme de transmission à l'appui de la politique monétaire (voir ci-dessous). Le développement du marché interbancaire doit aussi être approfondi. Actuellement, les taux interbancaires sont instables en raison du faible volume d'échanges.
Les marchés financiers doivent être renforcés pour faciliter la redistribution des ressources
Les banques sont résilientes, mais elles doivent suivre de près la hausse des prêts non performants
Le secteur bancaire vietnamien était bien préparé lorsque la pandémie s'est déclarée, grâce aux efforts accomplis antérieurement pour améliorer la résilience du secteur (World Bank, 2021[35]). Dans le sillage de la crise financière mondiale, si l’économie a globalement continué de croître, les banques ont souffert d’une augmentation des créances irrécouvrables suite à l’explosion d'une bulle sur le marché immobilier. En 2012, le gouvernement a adopté une feuille de route pour réformer le secteur bancaire et a réduit le nombre d'établissements. Bien qu’il n’en soit pas signataire, le gouvernement a annoncé en 2016 que les grandes banques devraient satisfaire à des réglementations similaires à Bâle II d’ici janvier 2020 (échéance reportée à 2023 en raison de la pandémie). Dans le même temps, le Viet Nam a renforcé son cadre de résolution des prêts non performants (PNP). La Compagnie générale de gestion d’actifs du Viet Nam (Viet Nam Asset Management Corporation, VAMC) a été créée en juillet 2013 et une nouvelle loi sur les faillites a été adoptée en 2014. La Résolution 42, qui octroie davantage d'autonomie aux acheteurs de dette, a été adoptée en 2017 en tant que cadre d'action pilote.
Durant la pandémie, la banque centrale a introduit des mesures temporaires pour soutenir les ménages et les entreprises touchés. Un programme de restructuration de la dette a été adopté en 2020 (Circulaire 01 émise en 2020) puis prorogé par deux fois (Circulaires 03 et 14 émises en 2021). Bien que la restructuration de la dette soit mise en œuvre, les banques n’ont pas besoin de changer (c'est-à-dire de revoir à la baisse) la classification des prêts restructurés. Des matelas de fonds propres suffisants ont permis aux banques de procéder efficacement à la restructuration de leur dette sans connaître e difficultés financières. Les ratios de fonds propres ont légèrement décliné mais ne se sont pas détériorés (en mars 2022, un ratio de fonds propres obligatoire de 8 %, compatible avec Bâle II, avait été appliqué à 85 établissements sur un total de 96 banques commerciales) (Graphique 1.15). Néanmoins, afin d'éviter d’affaiblir un peu plus la rentabilité et les volants de fonds propres du secteur bancaire, les autorités ont demandé aux banques de distribuer de dividendes à leurs actionnaires sous forme d’actions plutôt qu’en espèces. En outre, les banques publiques ont octroyé des prêts préférentiels aux secteurs touchés.
Étant donné que ces traitements d’urgence, en particulier la restructuration de la dette, ont été supprimés parallèlement à la reprise économique, il est devenu plus important de renforcer la supervision. Les secteurs de la construction, des échanges et des services, qui ont été durement touchés par la pandémie, représentaient une part importante des encours des prêts des banques (9 %, 24 % et 38 % respectivement à fin 2021, tandis qu’elle était de 19 % pour le secteur manufacturier). Néanmoins, le ratio des prêts non performants (PNP) figurant dans les bilans est faible et stable, bien qu’il ait légèrement augmenté en 2020 et début 2021 (Graphique 1.16, partie A). La reprise économique rapide a contribué à contenir le ratio de PNP, mais les mesures temporaires pourraient aussi occulter une détérioration de la qualité des actifs. Par exemple, les estimations du FMI laissent penser que le ratio de PNP, qui inclut les PNP hors-bilan sanctuarisés au sein de la Compagnie générale de gestion d’actifs du Viet Nam, aurait augmenté d'environ 2.5 points de pourcentage entre 2019 et 2020 si l’on ne tient pas compte des délais de grâce réglementaires (IMF, 2021[36]). Les mesures temporaires aideraient inutilement les entreprises non viables à survivre plus longtemps, ce qui dégraderait la rentabilité des établissements bancaires. Elles entraveraient également une meilleure affectation des ressources dans l’ensemble de l’économie en laissant des entreprises peu performantes en bénéficier. Sachant que la mesure temporaire de restructuration de la dette est venue à expiration en juin 2022, il conviendrait d’évaluer correctement la qualité des prêts et les banques devraient constituer les provisions ou effectuer les passations en charges nécessaires, conformément à la classification des dettes utilisée dans des conditions économiques normales, tout en évitant une détérioration de leur bilan. Pour ce faire, la Banque centrale du Viet Nam doit renforcer la supervision des différentes banques.
En outre, les solutions fondées sur le marché pour les PNP pourraient aussi être renforcées davantage. Par rapport à d'autres solutions bilancielles comme des mesures rigoureuses de provisionnement ou de passation en charges, sortir les PNP de leur bilan via des cessions directes pourrait éviter aux banques une détérioration de leur capital et de leur rentabilité (OECD, 2021[37]). Le Viet Nam a déjà avancé dans cette direction. En avril 2022, la durée effective de la Résolution 42 a été prolongée d’août 2022 à fin 2023. Toutefois, des améliorations sont encore possibles (Nguyen, 2021[38]). Puisque la saisie des avoirs repose sur une coopération de bonne foi des débiteurs, on pourrait renforcer encore les droits des créanciers en stipulant clairement dans la réglementation que les investisseurs ordinaires peuvent saisir des garanties sans avoir à demander l’arbitrage d’un tribunal (Asian Development Bank, 2021[39]). L’entrée d'investisseurs étrangers pourrait être encouragée davantage par un assouplissement des restrictions liées au droit de propriété. En outre, la Compagnie générale de gestion d’actifs du Viet Nam (VAMC) pourrait mettre davantage l'accent sur le rachat direct de prêts non performants de manière à bénéficier d'économies d'échelle (Hoang, Nguyen et Le, 2020[40]). La VAMC peut acheter des PNP auprès d’établissements de crédit, soit directement à leur valeur du marché, soit en échange d'obligations spéciales. Dans ce dernier cas, la VAMC joue un rôle passif puisqu’elle se limite à soutenir la résolution des PNP par les établissements de crédit, auxquels les dettes non réglées seront renvoyées au bout de cinq ans, ce qui signifie que les PNP ne sont pas transférés de manière permanente mais provisoirement « cantonnés » au sein de la VAMC. Pour renforcer la puissance de la VAMC, son capital statutaire a été porté de 500 milliards VND à 5 000 milliards VND entre 2013 et 2019 mais il conviendrait de l’augmenter encore, car il est inférieur au total des PNP présents dans l’ensemble du système bancaire (424 000 milliards VND depuis août 2021, comme mis en évidence dans la Résolution 42 (Nguyen, 2021[38])). Les autorités devraient également envisager de réduire le capital statutaire après une période prédéterminée afin de faciliter l’ensemble des processus de résolution des PNP.
Les pouvoirs publics doivent mettre en place des environnements plus propices au fonctionnement du marché des PNP. Il convient d'accélérer les procédures d’insolvabilité, car la lenteur des formalités à accomplir en cas de faillite peut faire augmenter les primes de risque et donc faire diminuer la valeur des actifs (OECD, 2021[37]). Il a été souligné qu’au Viet Nam, le processus de décision judiciaire et son application concernant la résolution des PNP sont souvent longs et retardés en raison de l'accumulation de dossiers en souffrance (Asian Development Bank, 2021[39]) (Nguyen, 2021[38]). Le Viet Nam pourrait envisager de mettre en place un processus accéléré et d'améliorer les procédures extra-judiciaires dans le contexte d’un cadre d’insolvabilité plus exhaustif pour les entreprises et les ménages (voir chapitre 2). Le processus judiciaire actuellement en vigueur en matière de faillites est rarement utilisé car il est lourd et long. Par ailleurs, un certain nombre de pays européens ont mis au point une plateforme qui collecte les données relatives aux PNP et sert d’entrepôt central de données (OECD, 2021[37]). Ces plateformes contribuent à l’amélioration de la transparence des marchés afin qu’ils puissent mieux diversifier les actifs de transaction et encourager de nouveaux investisseurs. En 2021, le Viet Nam a inauguré une salle des marchés pour alimenter le marché secondaire des PNP. Outre l'échange de PNP, son mandat pourrait être élargi à la collecte et au stockage de données liées à la dette.
Le recueil et la diffusion de données relatives à l’environnement du marché immobilier pourraient également être améliorés. Comme dans de nombreux autres pays, un suivi de l'évolution du marché immobilier est essentiel pour élaborer des politiques sur les marchés financiers, sachant que les conséquences sont potentiellement nombreuses, notamment pour la prospérité des ménages et les bilans des banques. De fait, la Banque d'État du Viet Nam a demandé aux banques de surveiller la qualité des prêts au secteur immobilier au cours des dernières années. En dépit de certaines différences, concernant par exemple la disponibilité de données régionales, un certain nombre de pays publient des statistiques sur les prix de l'immobilier résidentiel (Scatigna, Szemere et Tsatsaronis, 2014[41]). Ces données sur les prix fournissent notamment des informations essentielles quant à la mise en œuvre des politiques macroprudentielles. Le Viet Nam collecte des informations sur le marché de l’immobilier depuis 2015, mais ne compile toujours pas de statistiques officielles sur les prix de l'immobilier (IMF Statistics Department, 2019[42]). Or, ces dernières revêtent une importance capitale, en particulier celles qui concernent les prix de l’immobilier résidentiel. Les autres pays de l’ASEAN-6 publient régulièrement des statistiques sur les prix de l'immobilier résidentiel (les Philippines le font depuis 2016) (Graphique 1.16, partie B). La ponctualité des données s'avèrera particulièrement cruciale. La plupart des pays communiquent des données trimestrielles dans les trois mois qui suivent la période de référence. Si on les compare à celles qui concernent l'immobilier résidentiel, les statistiques sur les prix de l'immobilier commercial sont difficiles à compiler en raison de l’hétérogénéité des segments du marché et de la rareté des données représentatives sur les transactions (Deryol et al., 2019[43]). Seule une poignée de pays publient de telles statistiques, parmi lesquels l’Indonésie et Singapour. Sur le fondement du décret 117, le Viet Nam rassemble des informations sur le marché de l’immobilier commercial. Il serait utile d’explorer l’usage des données administratives liées à l’immobilier commercial pour le suivi de l'évolution du marché.
La libéralisation pourrait permettre un développement accru des marchés financiers
À moyen terme, le Viet Nam pourrait poursuivre la réforme de l’ensemble du secteur bancaire dans le but de faciliter l’octroi de crédits à des secteurs plus productifs. Actuellement, un certain nombre de réglementations sont mises en œuvre dans le cadre de mesures prudentielles. Outre l’objectif annuel d’expansion du crédit au niveau national, la Banque centrale du Viet Nam plafonne l’expansion du crédit des différentes banques sur la base de leurs compétences. Les taux d’intérêt des comptes à durée indéfinie et des comptes à terme d’une durée de moins de six mois ainsi que les taux débiteurs dans les secteurs prioritaires sont plafonnés. Le seuil maximal d’expansion du crédit, qui est défini en fonction de la banque, a été introduit à la suite de la crise financière mondiale, lorsque la conjonction de liquidités abondantes et d'interventions sur les devises a entraîné une surévaluation des actifs (Tran-Thi et Vu-Thanh, 2020[44]). Le plafond des taux d’intérêt créditeurs vise à prévenir une concurrence excessive entre les banques qui ont des marges bénéficiaires étroites. À mesure que le capital et la rentabilité des banques vont s’améliorer, ces réglementations héritées du passé pourraient être progressivement supprimées pour passer à une allocation du crédit davantage axée sur le marché. Dans le même temps, au lieu d'une approche granulaire, le Viet Nam pourrait adopter des mesures macroprudentielles en usage dans d'autres pays, comme le volant de fonds propres contracyclique et la quotité du prêt, ce qui donnerait davantage d'autonomie aux banques. À cet égard, la concrétisation de l’objectif de Bâle II d’ici à 2023 constitue une première étape cruciale. En 2020, les pouvoirs publics ont lancé un programme d'augmentation du ratio de fonds propres de quatre banques commerciales publiques, ce qui représente un pas dans la bonne direction. L'assouplissement de la limite de 30 % de participations étrangères contribuerait également à renforcer le matelas de fonds propres des banques. Ces réformes pourraient ouvrir la voie à une plus grande souplesse du régime de taux de change, ce qui améliorerait la transmission de la politique monétaire.
La promotion du développement du secteur financier non bancaire a aussi gagné en importance. Comparée à d’autres pays du Sud-Est asiatique, l'évolution récente des marchés financiers vietnamiens a été guidée essentiellement par les banques. Malgré l’apparition récente de nouveaux services comme les paiements mobiles, le secteur financier non bancaire reste insuffisamment développé. La diversification des circuits financiers peut réduire la prédominance des banques publiques (qui détiennent plus de 40 % des actifs de l’ensemble des établissements de crédit depuis fin 2020) et contribuera à promouvoir une allocation des ressources plus efficace (World Bank Group, 2019[45]). Les ménages tireraient également profit d’une plus grande diversité des solutions d'épargne. Ces derniers temps, les ménages ont été moins nombreux à privilégier une épargne sous forme d'espèces ou de métal précieux comme l’or (Nguyen et Floro, 2019[46]). Réaliser des bénéfices sur des investissements à long terme est devenu une motivation importante incitant les ménages à placer leurs économies sur des supports financiers formels (Ha, 2019[47]). De plus, du fait de l’augmentation de la demande d’investissements verts, il devient plus nécessaire de pouvoir accéder facilement à des capitaux à long terme grâce à des marchés financiers diversifiés et plus profonds. Bien qu’il se développe progressivement, le marché financier non bancaire n'est pas encore significatif. Par exemple, les primes d'assurance représentaient 2.6 % du PIB en 2021, contre 3.5 % en moyenne pour l’ASEAN. Ainsi, l’essor d’investisseurs institutionnels privés comme les compagnies d'assurance et les organismes de retraite privés doit être davantage encouragé (le premier organisme de retraite privé a été inauguré en 2021). Cette évolution devrait aller de pair avec un renforcement de la protection et de l’éducation des consommateurs, en particulier dans le domaine financier. L'acquisition d'une culture financière est susceptible de contribuer à la protection des consommateurs. En outre, elle peut encourager ces derniers à se montrer plus actifs dans l’adoption de nouveaux instruments financiers comme ceux des entreprises de technologie financière (fintech) (Morgan et Trinh, 2020[48]). Relancer la dynamique du secteur privé grâce à une réforme de la réglementation et une libéralisation du marché pourrait aussi faciliter l’accès de nouveaux entrants sur le marché financier non bancaire (voir chapitre 2). Le marché d’actions a connu une croissance relativement rapide (la capitalisation boursière s'élevait à 69 % du PIB fin 2020, alors qu’elle n’était que de 32 % à la fin 2010), mais les anciennes entreprises publiques constituent la majeure partie des sociétés cotées (WTO, 2021[49]).
Sur le front extérieur, l’exposition limitée aux marchés financiers internationaux a préservé le Viet Nam des chocs externes durant la pandémie. La réglementation relative à la balance des mouvements de capitaux a été libéralisée au milieu des années 2000, mais des restrictions strictes continuent de peser sur les transactions transfrontalières. Par exemple, les emprunts extérieurs souscrits par le secteur privé sont plafonnés. En conséquence, le niveau d’endettement extérieur du secteur privé est maîtrisé (Graphique 1.17, partie A). Avant la pandémie, les entrées d’investissements de portefeuille étaient stables mais limitées. Par conséquent, et contrairement à d'autres pays du Sud-Est asiatique dans lesquels d'importantes sorties d’investissements de portefeuille par des non-résidents ont été observées début 2020, les sorties de capitaux du Viet Nam ont généralement été faibles depuis le déclenchement de la pandémie (Graphique 1.17, partie B).
À moyen terme, le Viet Nam devrait envisager de libéraliser progressivement et plus amplement les mouvements de capitaux. Cette réforme devra être soigneusement alignée sur la transformation des cadres d'action, qu’ils soient monétaires ou relatifs aux marchés financiers. Si des investissements de portefeuille instables sont potentiellement associés à des risques tels que surévaluation des actifs, fluctuations du taux de change ou interruptions soudaines, ils pourraient aussi avoir des effets positifs sur la croissance économique en offrant des ressources financières aux entreprises les plus dynamiques (Working Group of Committee on the Global Financial System, 2021[50]). L'amélioration des fondamentaux macroéconomiques et des cadres institutionnels, y compris un secteur financier robuste, peut contribuer à minimiser ces risques si elle s'accompagne de mesures macroprudentielles (Working Group of Committee on the Global Financial System, 2021[50]). De fait, durant la pandémie, on a observé des différences d’un pays du Sud-Est asiatique à l’autre entre les investissements de portefeuille effectués par des non-résidents. Dans certains pays, l'afflux de capitaux a repris rapidement à partir du second trimestre 2020. Cela donne à penser que si l’environnement mondial des marchés financiers est un facteur important, les fondamentaux économiques et les cadres d'action peuvent également avoir un effet sur la stabilité de l’investissement. En particulier, si le Viet Nam veut avancer dans cette direction, il doit renforcer les mesures macroprudentielles. Contrairement aux mesures de gestion directe des flux de capitaux, les mesures macroprudentielles sont axées sur les vulnérabilités du secteur financier intérieur. Depuis peu, certains pays du Sud-Est asiatique mettent au point des instruments macroprudentiels. L’Indonésie, par exemple, y a abondamment recours (Working Committee on Capital Account Liberalisation, 2019[51]) (Encadré 1.3).
Encadré 1.3. L’Indonésie s’est dotée d’une panoplie complète d'instruments macroprudentiels
L'Indonésie élabore et renforce ses outils macroprudentiels depuis la fin des années 2000. À l’heure actuelle, la Banque d’Indonésie utilise quatre mesures contracycliques en plus de la fourniture de liquidités d’urgence aux banques soumises à des contraintes de liquidités (soutien à la liquidité à court terme).
Volant de fonds propres contracyclique : Cette disposition rend obligatoire un matelas de fonds propres supplémentaire qui doit être maintenu par les banques en période d’expansion économique et qu’elles peuvent utiliser lorsque l'économie ralentit. Le montant nécessaire peut varier entre 0 % et 2.5 % des actifs pondérés des risques en fonction de la situation économique et financière. La banque centrale fixe le ratio tous les six mois. Cette mesure est entrée en vigueur en 2016.
Quotité du prêt - Ratio financement/valeur : La banque centrale fixe le rapport entre la valeur du prêt que l'acheteur d’une maison peut contracter et la valeur du bien concerné, et, pour les véhicules à moteur, le rapport entre le versement initial minimum et la valeur du véhicule acheté. Ces ratios réglementaires sont ajustés en fonction de l'évolution du marché de l’immobilier résidentiel, et des prêts à la consommation en ce qui concerne les véhicules à moteur, pour éviter l'accumulation de risques financiers dans ces secteurs. Cette réglementation a été introduite en 2012.
Ratio d’intermédiation macroprudentielle : Cette mesure réglemente le ratio prêts-financements des banques. Les titres émis par des entreprises non financières et qui ont une notation solide peuvent être inclus dans le calcul (dans la partie dénominateur). Le ratio est modifié en fonction de la situation économique et financière. Cette réglementation a été instaurée à l’origine en 2010 sous la forme d'un ratio prêts/dépôts.
Volant de liquidité macroprudentiel : Cette réglementation exige des banques qu’elles disposent d'un volant de liquidité sous forme de titres. Ceux-ci peuvent être utilisés aux fins des opérations monétaires de la Banque d’Indonésie à hauteur d’un pourcentage minimal des dépôts en roupies. Le ratio est ajusté en fonction de la situation économique et financière. Cette réglementation a été introduite sous cette forme initiale en 2009.
Par ailleurs, les investissements de portefeuille réalisés à l’étranger par des résidents ont pris de l’importance dans de nombreuses économies de marché émergentes. Dans d'autres pays d’Asie du Sud-Est comme la Malaisie et la Thaïlande, les besoins en investissement face au vieillissement de la population et l’augmentation des investisseurs institutionnels ont entraîné une augmentation des sorties de capitaux (McGuire et al., 2021[53]). Les marchés financiers nationaux étant moins développés dans ces pays, les investisseurs institutionnels comme les compagnies d'assurance recherchent des possibilités d'investissement à l’étranger en tant que créanciers. Cela requiert un suivi supplémentaire des institutions financières non bancaires, qui sont exposées à des risques de change. C’est pourquoi, bien que le secteur financier non bancaire soit encore insuffisamment développé au Viet Nam, il conviendra d’en renforcer le suivi à moyen terme tout en libéralisant les transactions financières transfrontières.
Accroître la transparence de la politique budgétaire en renforcerait l’efficacité
La prudence passée a permis de dégager une marge de manœuvre budgétaire, mais d'autres difficultés se profilent
Ces dernières années, le Viet Nam a amélioré son cadre de politique budgétaire, si bien que les pouvoirs publics avaient une large marge de manœuvre budgétaire lorsque la pandémie a frappé l’économie. La loi de 2015 sur le budget de l'État telle qu’amendée fournit de grandes orientations politiques générales. L'administration doit préparer des programmes budgétaires quinquennaux (« Programmes financiers ») sur lesquels s’appuient des plans quinquennaux de développement socio-économique. Comme la planification budgétaire à moyen terme utilisée dans d'autres pays, le programme budgétaire vietnamien comprend plusieurs objectifs pour les finances publiques, notamment des projections de déficit et des limites d’endettement. Outre le budget annuel, un plan glissant sur trois ans (« Plan de finance budgétaire de l'État ») est préparé chaque année pour veiller à la cohérence de la mise en œuvre réelle des politiques avec la planification à moyen terme. Le Viet Nam est l’un des pays d’Asie du Sud-Est qui dispose des règles budgétaires les plus détaillées, comme par exemple une règle de recettes et des plafonds sur les dépenses afférentes aux programmes (OECD/ADB, 2019[54]). Associées à une forte croissance économique, ces règles ont contribué au recul régulier du déficit des administrations publiques à partir de 2015.
Alors que l’orientation des politiques se normalise progressivement, la politique budgétaire doit constituer le premier rempart en cas de dégradation des conditions économiques. Durant la pandémie, l’accélération des dépenses et les mesures de confinement ayant un impact temporaire ou permanent sur les recettes (par exemple l’étalement d’imposition ou les allègements fiscaux) ont creusé le déficit des administrations publiques (Graphique 1.18, partie A). Néanmoins, la dégradation a été moins marquée que dans d'autres pays du Sud-Est asiatique. En effet, l’administration s’est employée en priorité à réaffecter des dépenses concernant d'autres domaines de l'action publique afin de contenir le gonflement de la dette (Madani, Nguyen et Nguyen, 2021[11]). L'État a mobilisé les entreprises publiques (par exemple sous la forme de prêts assortis de conditions préférentielles consentis par des banques publiques) et les fonds extra-budgétaires (c'est-à-dire les caisses de sécurité sociale) pour assurer le soutien financier supplémentaire destiné aux ménages et aux entreprises touchés. Sur fond de croissance économique positive, ces efforts ont contribué à maintenir l’augmentation de la dette publique à un niveau modéré (Graphique 1.18, partie B). Même si le budget planifié prévoit une légère réduction du déficit des administrations publiques à la faveur d’une reprise économique régulière, le retour progressif à une trajectoire d'assainissement pourrait être retardé si les risques de révision à la baisse des projections se concrétisent. En particulier, le soutien ciblé aux ménages modestes touchés par les prix élevés de l’énergie et des denrées alimentaires doit être une priorité. Les autorités ont abaissé le plafond de la dette publique qui a été ramené de 54 % du PIB en 2016-2020 à 50 % du PIB pour 2021-2025. Néanmoins, sachant que le niveau du PIB nominal a augmenté de 25 % en raison de révisions statistiques, le plafond d’endettement effectif a en fait été relevé d’environ 7 % d’après les calculs de l’OCDE, ce qui donne davantage de souplesse au gouvernement dans les circonstances incertaines qui prévalent actuellement.
À moyen terme, il sera nécessaire de procéder à une plus ample réforme budgétaire s'appuyant sur un plan d'assainissement concret concernant aussi bien les volets dépenses et recettes des comptes publics que la gestion de la dette publique, car on s'attend à ce que les besoins de dépenses augmentent rapidement en raison de l’investissement public dans la transformation numérique, de la transition vers une économie plus verte et du vieillissement de la population (Graphique 1.19). En effet, le taux de dépendance des personnes âgées va augmenter à l’une des cadences les plus élevées d’Asie du Sud-Est, puisqu'il passera de 11 % actuellement à 33 % en 2050. Un certain nombre de personnes ne sont pas couvertes par la sécurité sociale et les dépenses de santé en faveur des personnes vulnérables, notamment des personnes âgées, sont subventionnées par les pouvoirs publics. Le vieillissement de la population exigera donc davantage de dépenses publiques financées par l'impôt en faveur de la santé, de même que des prestations d’aide sociale. En outre, la poursuite du développement économique va pousser à la hausse les dépenses de santé par habitant. La réforme budgétaire devra viser à renforcer le cadre budgétaire et à accroître les recettes publiques. Le projet à moyen terme pourrait également prendre en compte des scénarios économiques différenciés, ce qui lui donnerait davantage de transparence et accroîtrait la reddition de compte.
Il deviendra plus important de favoriser une meilleure redistribution publique pour améliorer l’efficience et l’efficacité de la politique budgétaire. Les inégalités de revenus sont plus élevées que la moyenne de l’OCDE, mais plus faibles que dans la plupart des autres pays du Sud-Est asiatique. Le taux d’activité élevé de la main-d'œuvre, en particulier parmi les femmes, contribue à une distribution des revenus plus égalitaire (annexe 1.A.). D’un autre côté, malgré le niveau élevé de dépenses sociales du Viet Nam comparé à d'autres pays de la région, la redistribution publique reste modérée (Graphique 1.20). Les dépenses sociales ont augmenté régulièrement grâce au développement du système de sécurité sociale (les dépenses en la matière sont passées de 3.1 % à 5.0 % du PIB entre 2010 et 2019), mais la différence entre les coefficients de Gini pour le revenu marchand et pour le revenu disponible a peu évolué sur cette période. Dans ce contexte, il est indispensable d’engager une réforme de la protection sociale, notamment d'étendre la portée de du système public de retraite . Ces réformes peuvent permettre de définir plus clairement la répartition des missions entre la sécurité sociale et l’aide sociale, ce qui contribuera à améliorer l’efficacité des dépenses sociales dans leur ensemble (voir ci-dessous). Le renforcement de la viabilité du régime de retraite est également important pour limiter de nouveaux transferts budgétaires du budget de l'État vers les caisses de sécurité sociale.
De nouvelles réformes s’imposent pour améliorer le fonctionnement du cadre budgétaire
Il est nécessaire de réformer certaines pratiques budgétaires, en particulier le report des recettes excédentaires (écart entre la prévision et l'exécution) et des crédits budgétaires non dépensés, afin que les objectifs du nouveau cadre de politique budgétaire puissent être atteints. Bien qu’il ait diminué pendant la pandémie, l’écart entre la prévision et l’exécution a été important, tant du côté des recettes que de celui des dépenses (Graphique 1.18, partie A). D’aucuns l’attribuent à diverses causes, notamment à des estimations prudentes des recettes par les administrations locales en vue d’obtenir davantage de transferts budgétaires et à des procédures de défrichement qui retardent les travaux publics (différends sur les indemnités de compensation, par exemple) (Madani, Nguyen et Nguyen, 2021[11]). Du côté des recettes, l'écart entre les recettes fiscales prévues et effectives s’est réduit grâce aux efforts menés par les autorités, à commencer par l’amélioration des techniques de prévision : il est ainsi passé de 8.8 % en moyenne en 2011-15 à 6.5 % en 2016-20. En revanche, la pratique du report, en particulier, peut rendre le suivi de la politique budgétaire difficile au niveau macroéconomique (World Bank et Government of Viet Nam, 2017[55]), ce qui pourrait nuire à la transparence budgétaire. Bien que le report de crédits inutilisés sur l’exercice ou les exercices suivants soit possible dans certains pays dotés de cadres budgétaires pluriannuels bien établis, tel n’est pas le cas dans la plupart des pays (Potter et Diamond, 1999[56]). Au Viet Nam, les crédits qui n’ont pas été dépensés au cours de l’exercice précédent peuvent être utilisés en tant que recettes de l’exercice en cours. Les montants des reports peuvent en outre être considérables. La loi de 2015 sur le budget de l’État visait à réduire l'ampleur des reports de dépenses. Néanmoins, entre 2015 et 2019, le montant moyen des reports de l’exercice précédent représentait 18 % des recettes effectives de l’administration centrale et 21 % de celles de l’échelon local. En principe, tant les écarts de recettes entre la prévision et l'exécution que les crédits non dépensés doivent être comptabilisés comme un excédent budgétaire. Il conviendrait d’instaurer une règle imposant le reversement au Trésor public des crédits non dépensés si le report ne se fait pas dans un certain délai l'année suivante. À cet égard, dans la mesure où interdire strictement le report de crédits non dépensés pourrait entraîner une frénésie de dépenses en fin d'exercice, il conviendrait d'autoriser le report d'un montant limité jusqu'à une certaine date l’année suivante. La comptabilisation actuelle des reports de crédits sur la base des droits constatés est une méthode appropriée, mais les recettes reportées de l’exercice précédent ne devraient pas être considérées comme des recettes effectives. Elles devraient être comptabilisées en diminution des actifs publics (puisqu'elles sont comptabilisées en tant qu'excédent l’année précédente). L’adoption de la loi de 2019 sur l’investissement public a marqué une étape importante. Elle prévoit que la période de décaissement des capitaux des plans d’investissement public annuels se termine à la fin du mois de janvier de l’exercice suivant, soit une période plus courte que celle précédemment en vigueur, qui s’achevait à la fin de l’exercice suivant (les conditions de prolongation de cette période étaient en outre plus souples dans la loi de 2014 que dans celle de 2019).
L’amélioration de la qualité des données budgétaires peut aider les autorités à mettre en place des règles comptables rigoureuses, mais aussi à accroître la transparence de la politique budgétaire. Cela pourrait permettre d’accélérer encore la mise en place d’une discipline budgétaire rigoureuse, ainsi que l’élaboration de politiques publiques fondées sur des données probantes. Ces dernières années, les autorités se sont efforcées d’améliorer les statistiques budgétaires. La délimitation entre les recettes courantes et les recettes en capital a notamment été améliorée, comme en témoigne la modification, en 2015, de la comptabilisation des cessions de participations de l’État dans des entreprises. Cela dit, les pratiques de communication des données budgétaires pourraient être encore améliorées. Le Viet Nam devrait envisager de publier périodiquement des données budgétaires conformément aux méthodologies récentes et reconnues au niveau international, comme celles prévues dans l’édition 2014 du Manuel de statistiques de finances publiques du FMI (MSFP 2014), dans les statistiques budgétaires ou les comptes nationaux, en commençant par les tableaux principaux (IMF, 2019[33]). Le gouvernement a déjà pris des mesures en ce sens. En 2020, le ministère des Finances a défini un guide sur les statistiques de finances publiques au Viet Nam pour aider les organismes publics à préparer des états financiers conformes aux normes internationales. En outre, en novembre 2022, il a publié des données sur les recettes et les dépenses de l’administration centrale durant la période 2003-2019 établies sur la base du MSFP 2014. Compte tenu de l’importance des fonds de sécurité sociale dans la politique gouvernementale, la publication des données des administrations publiques est particulièrement importante. De plus, les données budgétaires favoriseraient les réformes relatives aux entreprises publiques. Étant donné le plafonnement réglementaire de la dette publique (à 60 % du PIB pour la période 2021-2025), les garanties publiques explicites sont déjà communiquées. Les autorités pourraient néanmoins envisager de communiquer des informations sur les éléments de passif éventuel liés aux entreprises publiques.
À moyen terme, une révision plus complète des cadres institutionnels contribuerait à renforcer encore les résultats budgétaires. Il ressort notamment de l’expérience d’un certain nombre de pays de l’OCDE ayant mis en place une institution budgétaire indépendante après la crise financière mondiale qu’une telle mesure serait utile (von Trapp, Lienert et Wehner, 2016[57]). Les institutions budgétaires indépendantes ne prennent pas de décisions en matière d’action publique, mais elles évaluent la situation économique et budgétaire, y compris les projections à court et moyen terme, en toute indépendance vis-à-vis des organes de décision. Il s’agit souvent d’un organe exécutif indépendant (comme c’est le cas au Royaume-Uni) ou d’un organisme parlementaire (comme aux États-Unis, par exemple). Les informations fournies par les institutions budgétaires indépendantes accroissent la transparence de la politique budgétaire, en enrichissant le débat public, en renforçant l’obligation de rendre des comptes des organes de décision et en améliorant la communication des autorités avec les marchés de capitaux. La mise en place d’institutions budgétaires indépendantes va souvent de pair avec l’adoption de règles budgétaires que ces institutions ont pour mission de surveiller, contribuant ainsi à améliorer la viabilité des finances publiques. De fait, pendant la pandémie, les institutions budgétaires indépendantes de nombreux pays de l’OCDE ont publié des évaluations en temps quasi réel de la situation économique et budgétaire, difficiles à mener par les décideurs en temps de crise, et ont été en mesure d’assurer un suivi efficace des plans de dépenses d’urgence mis en place par les pouvoirs publics (OECD, 2020[58]). Au Viet Nam, la Commission nationale de surveillance du secteur financier, qui conseille le Premier ministre sur le développement du secteur financier, fournit parfois ses propres évaluations de la situation macroéconomique, bien que le suivi de la situation budgétaire ne relève pas explicitement de son mandat. La Commission financière et budgétaire de l'Assemblée nationale suit également la situation des finances publiques, mais elle ne publie pas ses propres prévisions.
Il est urgent d’accroître les recettes pour répondre aux besoins de dépenses grandissants
Des recettes fiscales supplémentaires seront nécessaires, en particulier pour renforcer le filet de protection sociale et répondre aux besoins découlant du vieillissement de la population. Si l’on tient compte des cotisations de sécurité sociale, le coefficient de pression fiscale (soit le ratio impôts/PIB) du Viet Nam est plus élevé que dans certains autres pays d’Asie du Sud-Est, tels que les Philippines et la Thaïlande (Graphique 1.21) (les recettes non fiscales, comme les recettes pétrolières, ne sont pas prises en compte). Les recettes fiscales globales sont toutefois faibles par rapport à la moyenne de l’OCDE. Il est possible d’accroître les recettes en élargissant la base d’imposition, en donnant davantage de poids à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, en améliorant le fonctionnement de l’administration fiscale et en instaurant de nouveaux prélèvements. À l’instar d’autres économies de marché émergentes, le Viet Nam tire des recettes non négligeables des impôts sur les biens et services, notamment de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), mais l’impôt sur le revenu des personnes physiques ne représente qu’une faible part des recettes publiques. Un taux de TVA réduit de 5 % ou des exonérations de TVA s’appliquent à un certain nombre de biens et de services et il serait possible de relever le taux normal de TVA, qui s’élève actuellement à 10 %. L’assiette de l’impôt sur le revenu des personnes physiques procure peu de recettes, en partie du fait de la générosité des abattements fiscaux, qui réduit la matière imposable. En effet, seule une petite fraction de la population s’acquitte de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Shukla et al., 2011[59]). Et dans la mesure où le barème d’imposition n’a pas été modifié depuis 2014, la pression fiscale s’est accrue davantage sur les bas salaires que sur les salaires élevés sous l’effet de l’inflation. Parallèlement à la rationalisation des déductions et des abattements fiscaux, le nombre de tranches d’imposition (actuellement sept, allant de 5 % à 35 %) pourrait être ramené à trois ou quatre. De même, dans le cadre de l’impôt sur les sociétés (dont le taux est de 20 %), un certain nombre d’exonérations sont prévues au titre de divers dispositifs d’incitations, notamment l’octroi d’exonérations fiscales temporaires et de taux réduits dans les zones économiques spéciales, sur plusieurs années, sachant que certaines de ces mesures ne présentent guère d’intérêt sur le plan économique (OECD, 2018[60]). Dans un tel contexte, il convient de saluer la Stratégie de réforme du système fiscal à l’horizon 2030, approuvée en avril 2022, par laquelle, le gouvernement entend réaliser de vastes réformes, notamment de la TVA. Il est en outre essentiel d’améliorer la discipline fiscale en encourageant l’adoption de bonnes pratiques en matière de vérification fiscale, en renforçant les contrôles et en simplifiant les procédures fiscales, notamment au moyen des services numériques de l'administration fiscale. La nouvelle loi sur l'administration fiscale, qui est entrée en vigueur en 2020, vise à simplifier diverses procédures, ainsi qu'à renforcer le pouvoir de sanction des autorités fiscales face à la fraude fiscale. Ainsi, le délai d'établissement d'un certificat d’immatriculation fiscale a été ramené de dix à trois jours. L'accélération de la dématérialisation aidera à réduire davantage les charges administratives pesant sur les contribuables. À l'heure actuelle, la procédure de déclaration de l'impôt sur le revenu des personnes physiques nécessite à la fois un numéro d'identification fiscale et un numéro d'identification personnelle. Afin de simplifier cette procédure, le gouvernement prévoit de recourir à des cartes d’identification électroniques, qui sont délivrées depuis 2020. Comme d’autres pays d’Asie du Sud-Est, le Viet Nam pourrait aussi envisager d’instaurer de nouveaux impôts. Ainsi, la Thaïlande a récemment mis en place une taxe foncière et une taxe de séjour touristique, entre autres.
Le Viet Nam pourrait renforcer les impôts périodiques sur la propriété immobilière. Au Viet Nam, les terres sont la propriété collective de l’État, mais les particuliers et les entreprises peuvent en faire usage, en acquittant des droits. Les citoyens et entreprises du pays peuvent utiliser des terres pendant une période indéfinie en acquittant des droits forfaitaires, tandis que les investisseurs étrangers peuvent détenir le droit d’utilisation des terres pour une durée maximale de 50 ans en payant un loyer annuel ou forfaitaire (l’État peut aussi louer des terres). Les droits d’utilisation des terres constituent l’une des principales sources de recettes non fiscales des collectivités locales. En particulier, les cessions de droit d’utilisation des terres ont augmenté rapidement, en particulier à partir du milieu des années 2010 (les recettes tirées de l’« attribution du droit d’utilisation des terres » se sont hissées de 1.3 % du PIB à 2.0 % entre 2015 et 2019, tandis que celles tirées de la « location de terres » ont légèrement augmenté, passant de 0.3 % à 0.4 % sur la même période). Les droits forfaitaires ne constituent toutefois pas une source de recettes pérenne, dans la mesure où l’offre de terrains est limitée. Par ailleurs, les recettes tirées des impôts sur le patrimoine sont modestes (0.03 % du PIB en 2019) comparées à celles d’autres pays. Le Viet Nam prélève des impôts périodiques sur les terres à usage agricole et non agricole (les bâtiments situés sur les terres n’y sont pas soumis). Bien que les prélèvements fonciers croissants et le niveau élevé des prix de l’immobilier (voir plus haut) témoignent du dynamisme du marché immobilier, les recettes tirées des impôts fonciers se sont dernièrement avérées faibles et stables. De fait, il est possible de lever des recettes supplémentaires en révisant la fiscalité du patrimoine.
La base de l’imposition du patrimoine pourrait être élargie pour y inclure le bâti. En général, les impôts périodiques prélevés sur la valeur des biens immobiliers sont jugés plus efficients que d’autres types d’impôts, car ils influent dans une moindre mesure sur les décisions des ménages et des entreprises concernant l’exercice d’un emploi, la production et les investissements (Brys et al., 2013[61]). Il est en outre difficile de se soustraire aux impôts périodiques sur la propriété immobilière, les terrains et les bâtiments étant très visibles. De plus, ces impôts peuvent générer des recettes stables par rapport à d’autres types de prélèvements, tels que les impôts sur les sociétés. En conséquence, de nombreux pays de l’OCDE ont instauré un impôt périodique sur la propriété immobilière prélevé à la fois sur les terrains et le bâti (Blöchliger et Kim, 2016[62]). Au Viet Nam, le taux de la taxe d’utilisation des terrains non agricoles est déterminé en fonction de la valeur des terrains (ainsi, les terrains résidentiels sont soumis à des taux progressifs de 0.03 %, 0.07 % et 0.15 % de leur valeur). La méthode de valorisation est fondée sur les prix unitaires déterminés tous les cinq ans par les autorités locales à partir d'une grille tarifaire définie par l’administration centrale. Le prix ainsi obtenu ne correspond pas nécessairement à la valeur de marché, ce qui fait que la base d’imposition est inférieure de 30 à 70 % à la valeur réelle du bien (Asian Development Bank, 2020[63]). Le projet de Loi sur la terre révisé, actuellement examiné par l’Assemblée nationale, prévoit de supprimer la grille tarifaire de façon à réduire l’écart entre la valeur calculée par les autorités et les prix du marché. Les transactions sur des bâtiments, à usage d’habitation par exemple, étant plus nombreuses et plus fréquentes que les transactions sur des terrains, elles donnent des informations plus précises et plus récentes aux fins de l’actualisation de la base d’imposition. Il est également utile de disposer d’informations sur les loyers pour estimer la valeur vénale des biens immobiliers. Actuellement, la fréquence d’actualisation de la valeur des biens au Viet Nam est moins élevée que dans certains pays de l’OCDE, mais plus élevée que dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est. Il serait plus facile d’accroître la fréquence d’actualisation si des informations sur la valeur marchande des biens immobiliers étaient diffusées largement et régulièrement (voir plus haut). Une actualisation plus fréquente contribuerait à atténuer toute augmentation soudaine de la charge fiscale causée par une hausse rapide des prix des biens immobiliers. Dans le cadre de la réforme des impôts sur le patrimoine, certaines mesures en faveur des bas revenus pourraient s'avérer utiles pour compenser les effets redistributifs (Slack et Bird, 2014[64]). Les autorités pourraient prévoir des reports d'impôts pour les personnes âgées, qui ont un faible revenu mais possèdent des biens immobiliers de valeur. Les impôts périodiques sur la propriété immobilière pourraient en outre être prélevés sur les biens immobiliers ayant une valeur supérieure à un certain seuil. La progressivité de ces impôts s'en trouverait améliorée par la diminution de la charge fiscale pesant sur les ménages à faible revenu. Dans certaines régions des États-Unis et du Canada, il existe des abattements pour résidence permanente qui réduisent le montant des impôts à payer sur les résidences principales occupées par leurs propriétaires.
Il convient en outre de simplifier le système d’imposition du patrimoine dans son ensemble. En particulier, les droits d’enregistrement pourraient être réduits ou supprimés dans la mesure où l’extension des impôts périodiques sur la propriété immobilière générerait des recettes supplémentaires. Au Viet Nam, des droits d’enregistrement, qui correspondent à un droit de timbre de 0.5 % de la valeur des biens immobiliers (valeur des maisons et des terrains), s’appliquent lors de l’enregistrement de nouveaux droits d’utilisation des terres, en cas de changement de propriétaire, par exemple. Ces prélèvements sur les transactions peuvent freiner celles-ci et, partant, empêcher une allocation efficiente des ressources (Boulhol, 2011[65]). La charge que le droit de timbre représente pourrait aussi dissuader de déclarer les transactions, réduisant ce faisant son efficacité. Les autorités pourraient en outre réduire la rétention de biens immobiliers à des fins spéculatives en instaurant une taxe sur les résidences secondaires ou sur les biens sous-utilisés (Asian Development Bank, 2020[63]). De telles mesures ont été adoptées dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est et pourraient également être envisagées au Viet Nam (Encadré 1.4). Cela étant, différentes difficultés de mise en œuvre doivent également être prises en compte. Par exemple, il n’est pas aisé de collecter des informations exactes sur la détention de résidences secondaires au Viet Nam étant donné que la plupart des transactions ne sont pas enregistrées sous forme électronique. Certes, la fiscalité de l’immobilier peut être progressive, mais elle peut réduire l’offre sur le marché du logement locatif, que le gouvernement considère comme un axe important de sa politique du logement.
Encadré 1.4. Les pays d’Asie du Sud-Est ont renforcé leur fiscalité du patrimoine
Les besoins de dépenses ayant augmenté, les pays d’Asie du Sud-Est se sont employés à élargir la base d’imposition. Récemment, un nombre croissant de pays en sont venus à considérer les impôts sur le patrimoine, notamment les impôts périodiques sur la propriété immobilière, les impôts sur les transactions immobilières et les droits de succession, comme des instruments utiles permettant d’accroître les recettes fiscales. En 2020, la Thaïlande a notamment mis en place un nouvel impôt périodique sur la propriété immobilière (OECD, 2020[26]). Les récents cycles de forte hausse et d’effondrement des prix sur les marchés de l’immobilier dans certains pays sont une autre raison pour laquelle les responsables de l’action publique ont commencé à accorder une plus grande attention aux impôts sur le patrimoine.
Dans la pratique, les modalités d’application des impôts sur le patrimoine, notamment les taux et la base d’imposition, varient beaucoup d’un pays de l’OCDE à l’autre, en raison des différences qui caractérisent les systèmes d’imposition et les marchés immobiliers nationaux (Blöchliger et Kim, 2016[62]). Les types de prélèvements varient également selon les pays d’Asie du Sud-Est (Tableau 1.5).
Philippines
Outre le principal impôt périodique sur la propriété immobilière (Real Property Tax, impôt immobilier dont le taux maximal est de 1 % ou 2 % selon les régions), les Philippines prélèvent un impôt sur les terrains sous-utilisés (Idle Land Tax), appliqué à leur valeur estimative. Le taux maximal de cet impôt est de 5 %. L’assiette de l’impôt immobilier englobe tous les droits, intérêts et avantages liés à la propriété immobilière.
Singapour
Un droit de timbre est prélevé en fonction de la durée de détention des biens. Des taux élevés s’appliquent aux transactions de court terme. Ainsi, si un bien immobilier d’habitation est vendu dans l’année suivant l’acquisition, le taux le plus élevé (12 % de la valeur du bien) s’appliquera, et si la période de détention est supérieure à trois ans, le taux sera de 0 %.
Thaïlande
L’impôt sur les terrains et les bâtiments (Land and Building Tax) est assorti d’un abattement à la base au titre de la résidence principale d’un propriétaire et des immeubles à usage d’habitation, mais les résidences secondaires sont pleinement imposées. Les droits d’utilisation des biens fonciers et immobiliers appartenant à l’État sont également inclus dans la base imposable.
Tableau 1.5. Les pays d’Asie du Sud-Est prélèvent divers types d’impôts sur le patrimoine
Impôts périodiques |
Impôts sur les transactions |
Autres |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
Base imposable |
Détention de plusieurs biens |
Biens sous-utilisés |
Fréquence d’actualisation de la valeur des biens |
|||
Malaisie |
Terrains Terrains et bâtiments |
- |
- |
Non précisé |
√ |
- |
Philippines |
Terrains Terrains, bâtiments, biens meubles/incorporels |
- |
√ (Terrains uniquement) |
Tous les trois ans |
√ |
Droits de succession |
Singapour |
Terrains et bâtiments |
- |
- |
Annuelle |
√ (Taux plus élevés appliqués aux acquisitions de plusieurs biens immobiliers) |
Droit de timbre sur les transactions de vente de court terme |
Thaïlande |
Terrains, bâtiments et biens incorporels |
√ |
- |
Tous les quatre ans |
√ |
Droits de succession |
Viet Nam |
Terrains |
- |
- |
Tous les cinq ans |
√ |
- |
Note : Ne sont pas pris en compte les impôts sur les plus-values, tels que l’impôt malaisien sur les plus-values immobilières, et les impôts sur les revenus locatifs.
Source : (Asian Development Bank, 2020[63]) ; et sources nationales.
Les efforts de lutte contre la corruption se sont récemment fortement intensifiés au Viet Nam
Il est essentiel de renforcer l’intégrité du secteur public pour améliorer les paramètres économiques fondamentaux du Viet Nam, notamment l’état de droit et le climat des affaires, et réduire l’économie informelle. Comme d’autres pays d’Asie du Sud-Est, le Viet Nam s’emploie de longue date à lutter contre la corruption. En particulier, le processus de ratification de la Convention des Nations Unies contre la corruption en 2009, a donné une forte impulsion à ces efforts (UNODC, 2012[66]). Des cadres juridiques et institutionnels plus complets ont été élaborés depuis. Une loi sur la prévention et la lutte contre la corruption (la loi anticorruption) a été adoptée pour la première fois en 2005 en vue d’endiguer la corruption des agents du secteur public : elle couvre la prévention, la détection et le traitement des actes de corruption et prévoit notamment la confiscation et le recouvrement des produits de la corruption. Une ordonnance anticorruption avait été adoptée en 1998 par le Comité permanent de l’Assemblée nationale. Le Comité directeur central pour la lutte contre la corruption, présidé par le Premier ministre, a été créé en 2006 dans le but de renforcer la coordination entre les organismes publics de lutte contre la corruption (Tran, 2012[67]). Plusieurs autres réformes ont suivi. En 2007, un système de déclaration de patrimoine et des règles de rotation régulière des emplois ont notamment été mis en place pour les agents du secteur public. La Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la corruption à l’horizon 2020 avait été lancée en 2009 pour définir l’orientation concrète de l’action publique et fait actuellement l’objet d’une révision. Afin d’accélérer l’adoption des meilleures pratiques internationales, le gouvernement a adopté en 2010 un plan de mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la corruption.
Dans ce contexte, la perception de la corruption par la population s’est améliorée ces dernières années, même si le risque de corruption reste élevé. Une série de résultats d’enquêtes laissent penser que la perception de la corruption par la population vietnamienne s’est récemment améliorée (Graphique 1.22, partie A). Ce constat concorde avec d’autres enquêtes qui montrent des améliorations de l’intégrité générale dans le secteur public vietnamien, alors que certains autres pays d’Asie du Sud-Est ont vu leurs scores baisser. Bien que le Viet Nam ait pris du retard dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, le pays progresse à présent dans ce domaine également (UNCAC, 2012[68]) (Graphique 1.22, partie B). Les citoyens et les milieux d’affaires, dont les acteurs internationaux, estiment toutefois que la corruption au Viet Nam reste une source de préoccupation majeure (Graphique 1.22, partie C et D). Dans certains domaines à risque, comme la maîtrise de la corruption judiciaire, le Viet Nam continue de faire moins bien que les autres pays de l’ASEAN. Le cadre de lutte contre la corruption pourrait donc être considérablement amélioré. Le renforcement efficace de ce dernier apportera des avantages tangibles en améliorant la prospérité économique du Viet Nam.
Le mandat des principaux organismes de lutte contre la corruption, notamment l’Inspection du gouvernement vietnamien, pourrait être encore renforcé. Le cadre institutionnel de lutte contre la corruption est assez décentralisé au Viet Nam (Nguyen, 2020[69]). L’Inspection du gouvernement vietnamien est un organe ministériel et les autres ministères disposent de leurs propres inspecteurs internes. À l’exception de certaines affaires spécifiques et de grande ampleur, les inspecteurs de chaque ministère traitent les cas signalés, sous la direction de leur ministre respectif. Si chaque ministère rend également compte à l’Inspection du gouvernement vietnamien, celui-ci est chargé de superviser les activités d’inspection menées par chaque ministère et de leur donner des orientations (les affaires font ensuite l’objet d’une enquête de la police et de poursuites de la part du Bureau du Procureur suprême du Peuple, si elles sont considérées comme des affaires pénales). Il est procédé de la même manière à l’échelle des administrations locales. Les Comités populaires provinciaux disposent de leurs propres services provinciaux de l’inspection, et les inspections sont menées par les inspecteurs ministériels de chaque administration provinciale. Les services provinciaux de l’inspection supervisent les inspecteurs ministériels, mais les ministères peuvent aussi donner des orientations à ces derniers. L’Inspection du gouvernement vietnamien et les ministères peuvent intervenir dans les activités d’inspection menées à l’échelle provinciale (en demandant une nouvelle inspection, par exemple). Un système d’auto-inspection décentralisé n’est pas systématiquement inefficace s’il intègre une solide fonction centrale de coordination (OECD, 2020[70]). Un système trop décentralisé risque toutefois de compromettre la réalisation des inspections et d’entraîner une allocation de ressources insuffisante. De fait, des études antérieures consacrées à des pays asiatiques montrent que dans ceux qui centralisent davantage les pouvoirs au sein de la principale instance de lutte contre la corruption, la perception de la mise en œuvre de la lutte contre la corruption tend à être plus forte, dans la mesure où un tel système peut permettre d’éviter les chevauchements de fonctions et de réduire les failles et l’auto-indulgence (Quah, 2021[71]), (Quah, 2018[72]). Qui plus est, l’Inspection du gouvernement vietnamien dispose de moins de moyens que les principaux organismes de lutte contre la corruption d’autres pays d’Asie du Sud-Est (Graphique 1.23). Sans qu’il soit nécessaire d’élargir son mandat, par exemple à la conduite de poursuites, il conviendrait d’envisager de renforcer ses pouvoirs d’inspection et d’améliorer l’allocation des ressources en son sein. En particulier, l’Inspection du gouvernement vietnamien pourrait faire office d’acteur ressource en apportant une aide en matière de supervision et un soutien technique aux administrations locales.
Le renforcement des pouvoirs et des attributions de l’Inspection du gouvernement vietnamien devrait aller de pair avec l’amélioration des mécanismes de contrôle dans l’ensemble du système de lutte contre la corruption. De telles mesures contribuent également à la prévention de la corruption au sein des organismes de lutte contre la corruption, notamment au sein même de l’Inspection du gouvernement vietnamien et au sein des services de police. À cet égard, le Viet Nam a apporté une modification importante à son cadre institutionnel. L’indépendance du Comité directeur central pour la lutte contre la corruption a été renforcée en 2013. Le Comité, qui était auparavant rattaché à l’Assemblée nationale, est devenu un organisme du Parti communiste dirigé par le Secrétaire général du Parti. Le Comité compte toujours parmi ses membres les responsables des organismes de lutte contre la corruption, mais il se compose également de représentants de l’Assemblée nationale et de la société civile (Front de la patrie du Viet Nam). Outre la modification du cadre institutionnel, un engagement politique fort a donné plus de poids à son action. En conséquence, le nombre d’affaires traitées par les organismes de lutte contre la corruption a augmenté depuis le milieu des années 2010 (Nguyen, 2020[69]). En juin 2022, le Parti communiste vietnamien a décidé de créer, dans chaque province, un Comité directeur pour la lutte contre la corruption dont la structure serait similaire à celle du Comité central.
Il s’avère crucial par ailleurs de renforcer les efforts de lutte contre la corruption en dehors du secteur public, car les affaires de corruption impliquent souvent le secteur privé (UNCAC, 2021[73]), (OECD, 2016[74]). À cet égard, l’établissement d’un cadre explicite et complet de protection des lanceurs d’alerte fournirait un mécanisme de prévention efficace (OECD, 2020[70]). La protection des lanceurs d’alerte dans le secteur public a fait l’objet d’efforts considérables de la part des autorités vietnamiennes, mais son développement a été plus limité dans le secteur privé. La protection des lanceurs d’alerte dans le secteur public a été inscrite pour la première fois au Viet Nam dans la loi de 2005 sur la prévention et la lutte contre la corruption, soit plus tôt que dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est. De plus, les agents publics sont tenus, en vertu de la loi de 2008 sur les cadres et les fonctionnaires, de signaler tout acte illégal. Le dispositif de protection a été amélioré depuis. Bien que les personnes communiquant des informations soient toujours tenues de s’identifier, la loi de 2018 sur les dénonciations prévoit une protection juridique garantissant l’anonymat des auteurs des signalements. À la suite de l’adoption de la nouvelle loi anticorruption de 2018, qui érige en infraction pénale les actes de corruption commis par des travailleurs du secteur privé, la circulaire 08 a été publiée en 2020 en vue d’assurer également la protection des lanceurs d’alerte dans le secteur privé, ce qui constitue une mesure bienvenue. Une loi pourrait néanmoins être adoptée afin de renforcer la protection des lanceurs d’alerte dans le secteur privé.
Le renforcement de l’obligation de rendre des comptes et de la transparence des activités du secteur public est également essentiel pour favoriser un dialogue plus poussé avec l’ensemble de la société sur la lutte contre la corruption. Le Viet Nam s’est efforcé de faire avancer les réformes en faveur de la transparence des affaires publiques. La loi de 2016 sur l’accès à l’information garantit l’accès des citoyens aux informations de source gouvernementale et encourage aussi le secteur public à fournir des informations. L’ensemble des documents et données élaborés par les organismes publics dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions sont rendus publics, à l’exception des informations liées aux secrets d’État (défense nationale, par exemple) ou pouvant potentiellement porter atteinte aux intérêts de l’État (ordre social, par exemple) et des documents internes (procès-verbaux de réunions internes, par exemple). Une mise en œuvre rigoureuse s’avère toutefois essentielle. En particulier, compte tenu du caractère décentralisé du système administratif vietnamien, il serait plus efficace que l’ensemble des organismes publics, tous échelons confondus, diffusent des informations selon un cadre d’orientation normalisé et fondé sur la loi, plutôt que chaque organisme public établisse ses propres lignes directrices en la matière. Certains pays de l’OCDE ont mis en place un cadre juridique renforcé propre aux organismes spécialisés afin de garantir l’accès des citoyens à l’information. Ainsi, l’Espagne a créé le Conseil pour la transparence et la bonne gouvernance (Consejo de Transparencia y Buen Gobierno), un organisme public indépendant chargé de garantir l’accès à l’information et de répondre aux recours administratifs (OECD, 2019[75]).
Malgré les progrès récemment réalisés, les politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux peuvent encore être considérablement améliorées. Dans l'ensemble, les cadres institutionnels et juridiques ont été renforcés au cours de la dernière décennie. Le Comité directeur national pour la lutte contre le blanchiment de capitaux, présidé par le vice-Premier ministre, a été créé en 2009 en vue d'améliorer la coordination intragouvernementale. Une loi sur la lutte contre le blanchiment de capitaux a été adoptée en 2013 et constitue le premier cadre juridique complet en la matière. En vertu de cette loi, les établissements financiers agréés doivent présenter régulièrement des rapports sur la lutte contre le blanchiment de capitaux à la Banque d'État du Viet Nam, ce qui représente un élargissement important de la portée des obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, qui ne s'appliquaient de fait auparavant qu'au secteur bancaire. Il importe toutefois de passer de toute urgence d'une approche fondée sur des règles à une approche fondée sur les risques (Asia/Pacific Group on Money Laundering, 2022[76]). Une approche fondée sur les risques nécessite une forte mobilisation de la part d'un vaste éventail d'entreprises, notamment de celles qui sont actives dans les domaines de l'immobilier et des envois de fonds transfrontières. Cette mobilisation passe par exemple par l'adoption de mesures préventives, telles que le signalement aux autorités, pour éviter d'être impliqué involontairement ou à son insu dans des activités illicites. À ce jour, peu d'entreprises, hormis les établissements financiers, qui, eux, effectuent fréquemment des transactions internationales, ont adopté des mesures préventives. Dans la mesure où tous les secteurs ne relèvent pas de la compétence de la Banque d'État du Viet Nam, la mise en œuvre de telles mesures exige une coordination efficace entre les organismes publics et leur surveillance étroite des entités présentes dans d'autres secteurs concernés. En 2019, le Viet Nam a mené sa première évaluation nationale du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, en se fondant sur les lignes directrices internationales en la matière, une étape importante qui a permis de satisfaire à ces exigences. Les autorités chargées de la surveillance, dont la Banque d'État du Viet Nam, manquent de ressources (les outils numériques sont peu utilisés) et le partage d'informations au sein de l’administration est limité. Il est urgent de renforcer leurs capacités. Dans ce contexte, le gouvernement a approuvé, en août 2022, un Plan d’action national global pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En outre, une loi modifiée sur la lutte contre le blanchiment a été adoptée en novembre 2022 en vue d’accroître l’efficacité de l’action publique en la matière. Une stricte mise en œuvre de la loi est essentielle pour développer les capacités des organismes responsables et améliorer la coordination entre les différentes parties prenantes.
La lutte contre l’emploi informel doit occuper une place plus centrale dans la politique économique
Le dynamisme du marché du travail stimule la création d’emplois, mais certains sont précaires
Le développement économique rapide du Viet Nam a entraîné une vive transformation du marché du travail. Le secteur agricole fournit toujours une grande partie de l’emploi au Viet Nam par comparaison avec d’autres pays d'Asie du Sud-Est (Graphique 1.24, partie A). Toutefois, l’industrialisation rapide a provoqué un véritable bond de la part de l’emploi non agricole, qui a progressé beaucoup plus vite que dans d’autres pays d'Asie du Sud-Est. Ce phénomène a coïncidé avec un repli de la proportion de travailleurs indépendants dans l’emploi total, qui est aujourd’hui nettement plus restreinte qu’il y a dix ans. Si la main-d’œuvre du secteur agricole est traditionnellement composée en majorité de travailleurs indépendants, c’est-à-dire de personnes qui travaillent pour leur propre compte et de travailleurs familiaux non rémunérés, les nouveaux emplois créés dans l’industrie et les services sont principalement des emplois salariés. En dépit d’une légère augmentation dans le secteur tertiaire, le nombre total de travailleurs indépendants a diminué de 1.4 million en valeur nette entre 2009 et 2018 (Graphique 1.24, partie B). La hausse de l’emploi non agricole et la contraction de la part des travailleurs indépendants sont semblables chez les hommes et les femmes.
Tout au long de la transformation économique du pays, le taux d’activité est resté élevé à la fois pour les hommes et pour les femmes. Le Viet Nam se distingue par des taux d’activité comparativement élevés pour la population d’âge actif au cours des dernières décennies, indépendamment du sexe (Graphique 1.25). Outre la société matriarcale traditionnelle et les vestiges de la guerre (The Economist, 2019[77]), les efforts déployés depuis le début des années 90 par les pouvoirs publics pour assurer l’égalité des sexes dans l’éducation ont contribué à assurer une offre de main-d’œuvre masculine et féminine de qualité (Banerji et al., 2018[78]). Conjuguée à la réforme économique Doi Moi, cette situation a facilité le redéploiement de la main-d’œuvre de l’agriculture, où les femmes étaient nombreuses à travailler, vers l’industrie. Toutefois, par rapport à d’autres pays, la part des travailleurs familiaux non rémunérés est élevée (12 % du total des actifs occupés et un quart des travailleurs indépendants), ce qui fait grimper le taux d’activité, en particulier celui des femmes (Barcucci, Cole et Gammarano, 2021[79]). Si la majorité des travailleurs familiaux non rémunérés exercent dans le secteur agricole (qui accueille 70 % environ des travailleuses familiales non rémunérées), près d’une femme sur dix dans le secteur des services était dans cette situation fin 2021. L’explication : les petites entreprises familiales sont très nombreuses au Viet Nam, et elles constituent une source d’emplois pour de nombreuses personnes, surtout les femmes.
Un grand nombre de travailleurs occupent des emplois précaires sans contrat formel, dans de petites entreprises ou à leur propre compte. Le nombre de salariés augmente, et les salariés dans les entreprises (constituées en sociétés) sont de plus en plus nombreux (de 21 % de l’emploi total en 2012 à 28 % en 2019, agriculture comprise). Néanmoins, l’augmentation du nombre de salariés ne travaillant pas dans des entreprises (principalement des travailleurs non réguliers en contrat de courte durée ou sans contrat de travail, mais aussi des travailleurs dans des entreprises familiales non constituées en sociétés) a été importante (Graphique 1.26) (Encadré 1.5). Entre 2012 et 2019, la part de cette catégorie d’emplois dans l’emploi total est passée de 13 % à 20 %, la hausse ayant principalement eu lieu dans le secteur manufacturier et la construction. Si leur part dans l’emploi total est restreinte, les salariés de microentreprises (comptant moins de dix salariés) sont de plus en plus nombreux (de 2 % de l’emploi total en 2012 à 3 % en 2019). Dans le secteur des services, le nombre de salariés en entreprise a augmenté le plus fortement entre 2012 et 2017 (1.1 million), mais les salariés de microentreprises ont aussi fortement augmenté même si leur nombre reste limité (0.3 million). Cette forte augmentation du nombre de salariés de microentreprises dans le secteur tertiaire pourrait avoir été amplifiée, dans une certaine mesure, par l’immatriculation d’entreprises familiales (les entreprises familiales existantes s’étant constituées en sociétés). Par ailleurs, si la plupart des travailleurs indépendants exercent leur activité dans le secteur agricole, ce sont eux qui représentent la plus grande part de l’emploi dans le secteur des services (51 % de l’emploi total dans le secteur tertiaire en 2019, hors secteur public).
Encadré 1.5. Décomposition de l’emploi par statut professionnel au Viet Nam
En dépit de leur importance dans les économies de marché émergentes, il est souvent difficile, en l’absence de données suffisantes, de dresser un tableau complet des travailleurs informels (travailleurs indépendants et salariés non couverts par la sécurité sociale ou travailleurs sans contrat de travail formel) et du secteur informel (entreprises qui ne respectent pas la réglementation nationale, qui sont souvent de petites entreprises, en particulier des entreprises familiales).
Au Viet Nam, on dispose de données détaillées sur l’emploi issues d’une enquête menée auprès des ménages (enquête sur la population active) et d'une enquête réalisée auprès des entreprises (enquête annuelle auprès des entreprises/Economic Census) ; il peut être utile de comparer les deux. L’enquête auprès des entreprises décompose l’emploi en fonction du statut juridique des employeurs, à savoir les « entreprises » (constituées en sociétés) et les « entreprises familiales » (entreprises non constituées en sociétés, y compris entreprises individuelles). La plupart des travailleurs en entreprise peuvent être considérés comme des salariés formels, sans véritable problème de double comptabilisation (dans la mesure où une personne ne travaille pas en même temps pour deux entreprises). Étant donné que l’enquête sur la population active contient des informations sur le statut d’emploi des travailleurs, la différence entre les salariés de l’enquête sur la population active et ceux embauchés par les entreprises peut correspondre aux travailleurs non réguliers. Certains d’entre eux travaillent pour des entreprises en contrat à courte durée, sans contrat ou en tant que travailleurs détachés, tandis que d’autres travaillent pour des entreprises familiales. Les résultats de cette analyse corroborent ceux d’études antérieures et donnent à penser qu’un tiers des travailleurs sont des travailleurs non réguliers (Tableau 1.6) (General Statistics Office, 2018[80]). Le nombre de travailleurs non réguliers est quasiment comparable à celui des travailleurs indépendants, qui constituent la majorité des entreprises familiales.
Tableau 1.6. Les salariés qui ne travaillent pas dans une entreprise représentent une part importante de l’emploi total
Travailleurs du secteur privé non agricole, en millions de personnes, 2019
Type d’entreprises |
Salariés |
Travailleurs indépendants |
||
---|---|---|---|---|
Employeurs |
Personnes travaillant pour leur propre compte |
Travailleurs familiaux non rémunérés |
||
Entreprises |
14.9 |
x |
x |
x |
Entreprises familiales |
7.6 |
1.4 |
8.3 |
2.1 |
Non défini |
x |
x |
x |
|
Total |
22.5 |
1.4 |
8.3 |
2.1 |
Source : Bureau général des statistiques, enquête sur la population active et enquête annuelle auprès des entreprises ; Organisation internationale du travail, Emploi par statut professionnel et activité économique.
Les conséquences de la récession provoquée par la pandémie sur les travailleurs diffèrent en fonction de leur situation économique et des secteurs dans lesquels ils travaillaient ; ceux qui occupaient des emplois précaires ont été plus durement touchés (Graphique 1.27). S’il a fluctué en raison d’effets de saisonnalité et de l’adoption ponctuelle de restrictions sanitaires, le nombre de salariés dans l’industrie a dépassé son niveau d’avant la pandémie au quatrième trimestre 2021, sur fond d’assouplissement des restrictions (l’emploi salarié représentait 84 % de l’emploi total dans l’industrie en 2019). Ce rebond rapide a été soutenu par de fortes créations d’emplois dans le secteur. Les travailleurs indépendants dans l’industrie ont été touchés au second semestre 2021 et rien n’indique pour l’instant qu’un redressement serait en cours (le travail indépendant représentait 12 % de l’emploi total dans l’industrie en 2019, hors employeurs). Comme dans d’autres pays, les salariés du secteur des services ont été les plus durement touchés dès le début de la pandémie, et la reprise de l’emploi dans ce secteur a été faible (l’emploi salarié représentait 53 % de l’emploi total dans les services en 2019). Un certain nombre de salariés de petites entreprises ou titulaires de contrats non réguliers ont perdu leur emploi, puisqu’ils représentent une proportion importante de l’emploi dans les services (25 % en 2017). Si la reprise a été plus rapide que pour les salariés, les travailleurs indépendants du secteur des services ont aussi été durement touchés, surtout au troisième trimestre 2021 (le travail indépendant, hors employeurs, représentait 43 % de l’emploi total dans les services en 2019). Par ailleurs, le nombre d’employeurs qui sont propriétaires d’entreprises familiales a reculé régulièrement pendant la pandémie, à la fois dans l’industrie et dans les services, ce qui donne à penser que les salariés et les travailleurs familiaux non rémunérés qui travaillaient dans ces petites entreprises ont perdu leur emploi. Les conditions de travail de nombreux travailleurs ayant conservé leur emploi ont également été affectées, le temps de travail ayant considérablement diminué pendant les périodes de confinement. Il ressort de précédentes études qu’au deuxième trimestre de 2020, la durée hebdomadaire de travail a diminué de 5 % environ par rapport aux niveaux d’avant la pandémie, tant pour les salariés que pour les travailleurs indépendants (World Bank, 2021[81]).
Il faut renforcer le rôle des entreprises familiales dans l’économie
La lutte contre l’économie informelle peut apporter de nombreux avantages, non seulement en élargissant la couverture sociale et en améliorant le respect des obligations fiscales, mais aussi en stimulant l’entrepreneuriat et en aidant les entreprises à se développer, avec à la clé des créations d’emplois. Comme dans nombre d’autres économies de marché émergentes, de nombreuses petites entreprises (petites entreprises et entreprises familiales, travailleurs indépendants inclus) ne respectent la réglementation en vigueur, comme les obligations d’immatriculation des entreprises et de paiement de l’impôt et des cotisations de sécurité sociale (Pasquier-Doumer, Oudin et Nguyen, 2017[82]). Une réduction de la charge pesant sur les petites entreprises les encouragerait à se conformer à cette réglementation (OECD, s.d.[83]), mais elle favoriserait également la création d’emplois, dans la mesure où une réduction des formalités réglementaires et administratives peut lever les obstacles au développement. Une baisse des coûts pour les petites entreprises signifie également que les entrepreneurs pourraient créer plus facilement leur entreprise. Même si un phénomène de sous-déclaration est possible, le bénéfice moyen des microentreprises (comptant moins de dix salariés) était négatif en 2017 selon l’Economic Census, alors que les entreprises d’autres tailles déclaraient des bénéfices. Compte tenu de leurs faibles bénéfices, les petites entreprises peinent à s’acquitter de leurs impôts, y compris de leurs cotisations sociales. Cependant, la participation au régime de sécurité sociale pourrait inciter les travailleurs à rester plus longtemps dans l’entreprise et à investir dans le capital humain propre à leur métier, ce qui aurait un effet positif sur la rentabilité à moyen terme. En effet, de précédentes études montrent que la participation au régime de sécurité sociale est associée à une amélioration des résultats des entreprises, même si les microentreprises tendent à enregistrer des pertes juste après s’être inscrites au régime de sécurité sociale (Lee et Torm, 2017[84]).
À cet égard, l’action publique devrait se concentrer davantage sur les entreprises non constituées en sociétés (« entreprises familiales ») en réexaminant leur charge administrative et fiscale globale, ainsi que la réglementation qui les distingue des entreprises constituées en sociétés (« entreprises »). Les entreprises non constituées en sociétés étant une source importante d’entrepreneuriat, un certain nombre de pays encouragent les individus à créer une entreprise, y compris dans cette catégorie. Jusqu’à présent, le Viet Nam s’est fixé pour priorité d’encourager les entreprises familiales à s’immatriculer en tant qu’entreprises (microentreprises ou petites entreprises), c’est-à-dire à se « régulariser ». Cela étant, un certain nombre d’entreprises familiales hésitent à le faire à cause de la charge supplémentaire qui y est associée : taux d'imposition plus élevés et obligation de respect des normes comptables par exemple. La loi de 2015 sur les droits et redevances définit les groupes pouvant prétendre à une exemption des droits et redevances, entre autres les ménages pauvres, les personnes âgées et les minorités ethniques pâtissant de difficultés socio-économiques. Dans ce contexte, le gouvernement incite les entreprises familiales à devenir des micro ou petites entreprises au moyen de différentes mesures de soutien, telles que l’exonération des droits de licence durant trois ans et l’application d’un régime simplifié de comptabilité. En outre, celles qui se sont transformées en petites ou en moyennes entreprises ont droit à diverses formes d’aides publiques, notamment de nature financière et technique.
Il est évident qu’il convient d’encourager davantage la transition en douceur des entreprises familiales vers les entreprises constituées en sociétés. Néanmoins, les pouvoirs publics se sont moins intéressés à la régularisation des entreprises familiales, alors qu’elle pourrait aussi favoriser la croissance des entreprises et leur participation au régime de sécurité sociale. Il convient de mettre davantage l’accent sur l’importance de cette « régularisation ». À mesure que l’économie vietnamienne se développe, les entreprises familiales doivent être considérées comme un moteur de croissance potentiel plutôt que comme une composante vulnérable de l’économie nécessitant le soutien des pouvoirs publics. L’État doit encourager les entreprises familiales à jouer un rôle central dans l’économie en qualité d’entreprises formelles, en créant un environnement propice au développement des entreprises, à la création d’emplois et au paiement des impôts.
Les réglementations auxquelles sont soumises les entreprises familiales et les entreprises constituées en sociétés sont très différentes (Central Institute of Economic Management, 2017[85]). Certaines réglementations sont appliquées systématiquement aux deux types d’entreprises. Par exemple, les cotisations à la sécurité sociale sont obligatoires si une entreprise embauche des travailleurs rémunérés, quel que soit le nombre de salariés. Néanmoins, les réglementations varient souvent entre les deux types d’entreprises, ce qui influe sur les incitations à se développer et sur le type d’immatriculation. Auparavant, en vertu de la Loi de 2014 sur les entreprises, les entreprises familiales pouvaient embaucher jusqu’à dix salariés, mais elles devaient se constituer en sociétés une fois qu’elles se développaient et employaient dix salariés ou plus. En revanche, les entreprises n'étaient pas soumises à un seuil concernant le nombre de salariés employés. Bien que ce plafond d'effectif ait été supprimé dans la nouvelle Loi sur les entreprises de 2020, les entreprises familiales continuent de bénéficier de certains taux d’imposition plus faibles que ceux applicables aux entreprises constituées en sociétés.
Ainsi, les entreprises familiales sont imposées au taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (compris entre 0.5 % et 5 %), tandis que les entreprises constituées en sociétés le sont au taux de l’impôt sur les sociétés, qui s’élève à 20 %. Les entreprises exerçant certaines activités comme la fourniture de biens ou de services particuliers peuvent être soumises à un impôt sur les sociétés assis sur leur chiffre d’affaires à un taux compris entre 1 % et 5 %, et acquitter une TVA dont le montant exigible est calculé directement à partir de leur chiffre d’affaires. Le régime légal de faillite ne s’applique qu’aux entreprises à responsabilité limitée, tandis que les propriétaires d’entreprises familiales doivent assumer une responsabilité illimitée. En outre, il arrive qu’une personne immatricule une entreprise familiale à un endroit, mais exerce des activités économiques dans plusieurs endroits. La personne propriétaire d’une telle entreprise individuelle ne peut pas, simultanément, détenir une entreprise familiale ou être commandité d'une société en commandite. Dans ce type de situation, d’autres pays considèrent qu’atténuer la distinction entre les petites entreprises et les autres constitue un levier d’action important pour encourager le développement des premières. Par exemple, en 2019, l’Italie a étendu l’impôt forfaitaire appliqué aux travailleurs indépendants (15 %) aux petites entreprises, qui étaient auparavant soumises à l’impôt sur les sociétés (24 %), et a relevé les seuils de revenu, afin d’encourager les travailleurs indépendants et les petites entreprises à se développer (OECD, 2019[86]).
Les entreprises familiales bénéficient d’un traitement préférentiel dans certains domaines. Ainsi, les entreprises doivent tenir une comptabilité complète, tandis que les grandes entreprises familiales peuvent suivre un système simplifié. Les autres entreprises familiales peuvent utiliser la comptabilité utilisée aux fins du paiement des impôts ou établir une comptabilité financière. Par exemple, en 2019, le gouvernement a mis en place un cadre comptable simplifié pour les microentreprises, plus élémentaire que celles applicables aux petites et moyennes entreprises. Ce cadre comptable simplifié est similaire à celui mis en place pour les entreprises familiales en 2021. Cela étant, certaines différences de réglementation peuvent aussi désavantager les entreprises familiales. La tenue d’une comptabilité complète peut être fastidieuse pour les entreprises moins rentables, ce qui les incite à ne pas se développer ou à faire semblant de ne pas se développer.
Il est essentiel d’alléger les formalités administratives liées à l’immatriculation des entreprises pour encourager la création d’un plus grand nombre d’entreprises familiales. En effet, de précédentes études donnent à penser que de nombreuses entreprises familiales ne s’immatriculent pas, alors qu’elles devraient le faire. Les procédures d’immatriculation sont simplifiées pour les entreprises. Ainsi, lors de la création d’une entreprise, l’immatriculation initiale et les formalités fiscales et sociales peuvent être effectuées ensemble. Pour créer une entreprise familiale, il faut contacter les services fiscaux et de sécurité sociale séparément de l’immatriculation, même si ces procédures peuvent être effectuées en ligne. Il faudrait mettre en place des procédures d’immatriculation simplifiées pour les entreprises familiales, comparables à celles des entreprises. Cela contribuerait également à améliorer la coordination entre l’immatriculation des entreprises, les autorités fiscales et la sécurité sociale, y compris les contrôles, et à réduire la fraude. En effet, par rapport au taux de conformité aux règles d’immatriculation des entreprises, seule une fraction des entreprises familiales acquittent des cotisations de sécurité sociale (Pasquier-Doumer, Oudin et Nguyen, 2017[82]). À cet égard, le gouvernement prévoit de simplifier les règles d’immatriculation tout comme les règles fiscales à partir de 2023 de façon à l’aligner sur les procédures applicables aux entreprises, qui peuvent être réalisées de façon électronique.
De plus, les entreprises familiales sont toujours tenues de payer des droits de licences, bien que plus faibles que les entreprises. Au Viet Nam, sont exemptées des droits de licence les entreprises familiales dont le chiffre d’affaires est inférieur à 100 millions VND (4 000 USD) ainsi que les entreprises familiales qui viennent d’être créées durant leur première année d’existence. Les entreprises familiales qui se sont constituées en sociétés bénéficient d'une exonération des droits de licence durant 3 ans à compter de leur changement de statut. Pour promouvoir l’entrepreneuriat, de nombreux pays n’imposent pas de frais d’immatriculation pour créer une entreprise non constituée en société employant moins de dix salariés, ou les frais sont beaucoup plus faibles que pour créer une entreprise constituée en société (Graphique 1.28). Le Viet Nam pourrait s’inspirer de ces exemples.
En investissant dans le développement du capital humain des travailleurs informels, y compris ceux qui travaillent dans des entreprises familiales, il est possible de les aider à accéder à un emploi formel. Par rapport aux travailleurs formels, les travailleurs informels ont moins de possibilités d’améliorer leurs compétences et de se reconvertir (ILO, 2020[87]). Il est donc impératif que les pouvoirs publics mettent en place des mesures spécifiques visant à améliorer les compétences de ces travailleurs. Outre le renforcement des programmes officiels d’enseignement et de formation techniques et professionnels (EFTP) spécifiquement destinés aux travailleurs informels, il conviendrait d'envisager de nouvelles initiatives d'EFTP informels (formations en cours d'emploi et apprentissages) et non formels (services fournis en dehors du système d’enseignement formel) (Palmer, 2020[88]). Au Viet Nam, les zones rurales disposent d'un accès limité aux programmes formels et non formels d'EFTP par rapport aux zones urbaines (OECD, 2018[89]), ce qui signifie que le renforcement des formations informelles pourrait profiter particulièrement aux travailleurs marginalisés vivant en dehors des villes. Les programmes informels d'EFTP ne donnent pas lieu à une certification largement reconnue du fait que leur qualité varie, mais transformer les formations informelles en formations semi-formelles par la collaboration avec des centres de formation publics ou privés pourrait améliorer la qualité et la reconnaissance de l’EFTP informel (OECD/ILO, 2019[90]). La Jordanie, par exemple, a mené un projet pilote qui visait à dispenser des cours de compétences de base, comme l’informatique et l’anglais, en parallèle à un apprentissage informel ; au terme de celui-ci, 92 % des participants ont obtenu un emploi (ILO; International Youth Foundation, 2014[91]).
Il faudrait étendre la portée du système de sécurité sociale du Viet Nam
Dans une optique de renforcement du filet de protection sociale, l’expansion de la couverture de la sécurité sociale devrait se voir accorder la plus haute priorité. Le Viet Nam a développé progressivement son système de sécurité sociale en tant que pivot de la protection sociale, mais sa couverture demeure faible (Encadré 1.6). En particulier, du fait de la proportion élevée du travail informel dans l’économie, un certain nombre d’entreprises et d’employés ne s'acquittent pas des cotisations obligatoires à l’assurance sociale, laquelle comprend un régime public de retraite obligatoire. Réduire l’activité informelle ou favoriser le développement de l’économie formelle peut entraîner directement une expansion de la couverture de sécurité sociale, mais promouvoir la croissance des entreprises dans le secteur formel stimulera également la création d’emplois dans ce secteur. Par définition, la sécurité sociale vise à mutualiser les risques en couvrant une partie importante de la population. Dans les économies où il existe un secteur d’activité informelle, les systèmes de sécurité sociale sont souvent relativement inefficaces en raison de lacunes dans la couverture et de taux de cotisation élevés comparativement aux prestations versées (OECD, 2003[92]). Un faible taux de protection sociale a pour effet d’ancrer les écarts entre assurés et non‑assurés, sapant ainsi l’effet de redistribution, car les membres des groupes à haut revenu qui ont une longue espérance de vie tendent à participer davantage au dispositif (et ont donc droit aux prestations), contrairement aux groupes à faible revenu.
L’aide sociale doit aussi être élargie aux personnes non couvertes par la sécurité sociale. Dans bien des pays, les travailleurs indépendants ne sont pas couverts par les programmes obligatoires de sécurité sociale. Bien que les progrès économiques rapides aient entraîné une hausse du nombre de salariés au Viet Nam, comme dans certains autres pays d’Asie du Sud‑Est, le nombre de personnes travaillant à leur compte reste considérable. Les travailleurs indépendants représentaient ainsi plus de la moitié de l’emploi total en 2019 (contre 16 % en moyenne pour l’OCDE), et ces travailleurs ne sont couverts ni par le régime public de retraite obligatoire, ni par le régime d’assurance chômage. Il faut également que l’aide sociale fasse office de filet de sécurité pour les travailleurs du secteur informel qui sont assujettis au régime obligatoire de sécurité sociale, mais qui n’y participent pas.
Encadré 1.6. Le système de sécurité sociale du Viet Nam s’est développé
Le système de sécurité sociale du Viet Nam repose sur un cadre général qui s'articule autour de trois volets, l’assurance maladie, l’assurance sociale et l’assurance chômage. Un organisme public, la Sécurité sociale du Viet Nam (Viet Nam Social Security, SSV, aussi appelée Viet Nam Social Insurance Agency [phrase susceptible d’être supprimée]), gère ces régimes. Le ministère du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales est une organisation unifiée prenant en charge l’ensemble des questions touchant à l’administration de l’assurance sociale.
Assurance maladie
Le Viet Nam possède un système universel de soins de santé fondé sur l’assurance maladie. L’assurance maladie a été instituée en 1992 et sa couverture légale a été étendue à l’ensemble des citoyens. Elle couvre à présent près de 90 % de la population. Les cotisations obligatoires peuvent être réduites ou faire l’objet d’une exonération, selon la situation des individus. Par exemple, l’État subventionne les pauvres, la minorité ethnique, les enfants de moins de 6 ans et les personnes de plus de 80 ans. Dans le secteur formel, le taux de cotisation est de 3 % du salaire pour les employeurs et de 1.5 % pour les salariés.
Assurance sociale
L’assurance sociale a été instituée en 1995 en remplacement des retraites publiques pour les fonctionnaires de l’État. L’assurance sociale obligatoire du Viet Nam couvre tous les salariés dont le contrat de travail dépasse un mois. Outre les pensions publiques, elle fournit certaines autres prestations, notamment une assurance contre les accidents du travail. Le taux de cotisation est de 17.5 % du salaire pour les employeurs et de 8 % pour les salariés. Les travailleurs indépendants peuvent participer à un programme facultatif. En 2020, l’assurance sociale couvrait 29 % de la population active.
Assurance chômage
L’assurance chômage a été mise en place en 2009. Elle est obligatoire pour tout employeur ayant au moins un salarié. Le taux de cotisation est de 1 % du salaire pour les employeurs comme pour les salariés. La période d’emploi minimum est de 12 mois et la période de référence correspond aux 24 mois précédents pour les salariés réguliers (36 mois pour les travailleurs saisonniers). L’assurance chômage couvrait seulement 51 % des salariés en 2020, ce qui représentait néanmoins une augmentation régulière par rapport au taux de 43 % enregistré en 2010.
Une approche plus inclusive est nécessaire pour protéger les travailleurs vulnérables
Pendant la pandémie, l’État a aidé les travailleurs touchés en mobilisant pleinement les filets de sécurité existants sur le marché du travail. En particulier, malgré sa faible couverture, l’assurance chômage a été utilisée comme stabilisateur automatique. En 2020, le nombre de personnes ayant demandé des allocations de chômage a radicalement augmenté entre le premier trimestre et le deuxième trimestre, passant de 170 000 à 400 000. Toujours en 2020, des subventions salariales ont été accordées aux travailleurs dont le contrat avait été suspendu ou qui avaient pris un congé non payé pendant plus d’un mois entre avril et juin, s’ils étaient admissibles à l’assurance chômage. En 2021, les conditions d’admissibilité ont été assouplies. La période de cotisation minimum nécessaire pour toucher des allocations de chômage a été provisoirement abolie : les travailleurs qui avaient perdu leur emploi entre janvier 2020 et septembre 2021 pouvaient recevoir une allocation ponctuelle même s’ils ne remplissaient pas la condition habituelle de la cotisation à l’assurance chômage pendant plus de 12 mois au cours des 24 mois précédents.
L’État a aussi fourni une protection sociale additionnelle aux travailleurs non couverts par l’assurance chômage. En 2020, une allocation spéciale (1 million VND par mois pendant un maximum de trois mois) a été versée aux travailleurs qui détenaient un contrat formel, mais qui ne pouvaient pas prétendre à des allocations de chômage en raison d’une période d’emploi trop courte, si leur contrat avait été résilié entre avril et juin. La même allocation a également été versée aux travailleurs ayant un contrat formel, mais qui n’avaient aucun revenu ou dont le revenu était inférieur au seuil proche de la pauvreté, de même qu’aux travailleurs sans contrat formel qui avaient perdu leur emploi dans certains secteurs, notamment le tourisme et la vente ambulante. Toutefois, le décaissement des allocations a été lent et leur portée a été plus limitée que prévu.
Il est essentiel d’améliorer la couverture de l’assurance chômage afin de renforcer les filets de sécurité du marché du travail à l’intention des employés vulnérables. La réforme de 2015, qui a étendu à tous les employeurs la couverture légale auparavant applicable aux employeurs comptant au moins 10 employés, a constitué une importante avancée. Néanmoins, il existe encore d’importantes lacunes, et environ la moitié des employés seulement étaient couverts par le régime en 2019 (Encadré 1.6). Au Viet Nam, la forte prévalence des emplois instables et des petites entreprises constitue un important obstacle à la poursuite de l’amélioration de la protection sociale, notamment de l’assurance chômage (voir plus loin). Toutefois, certaines évolutions récentes de l'action publique dans les pays de l’OCDE concernant les régimes d’indemnisation du chômage pourraient avoir une pertinence dans le contexte du système d’assurance chômage du Viet Nam, du fait de l’existence de certains problèmes sous‑jacents communs.
De nombreux pays ont tenté d’accroître l’efficacité de leur régime d’assurance chômage dans le contexte de la récente augmentation de travailleurs atypiques, par exemple les travailleurs à temps partiel ou occupant un emploi précaire, dont les droits aux allocations de chômage sont moindres en raison de leur brève période d’emploi ou d'interruptions de carrière. La principale option consiste à ajuster les conditions d’admissibilité, mais cet ajustement devrait être soigneusement conçu de sorte que les effets négatifs en soient réduits au minimum. Il est essentiel d’éviter d’imposer des conditions d’emploi trop strictes, notamment une période minimum d’emploi plus longue ou une période de référence (en dehors de laquelle la durée minimum de cotisation est considérée comme en vigueur) plus brève, afin de donner plus de flexibilité aux travailleurs ayant des carrières précaires (ILO, 2017[93]). Des règles prévoyant des durées d’emploi trop courtes pourraient certes inciter à créer des emplois précaires, mais il serait tout de même utile d’ajuster de manière individualisée la différence entre les périodes d’emploi minimums et les périodes de référence (OECD, 2020[94]). En République slovaque par exemple, les travailleurs temporaires se voient accorder 12 mois supplémentaires pour la période de référence (36 mois pour les travailleurs ordinaires ; la période d’emploi minimum est de 24 mois). Au Viet Nam, la période d’emploi minimum (12 mois) et la période de référence (24 mois) se situent autour de la moyenne des autres pays (OECD, 2020[94]), (Asenjo et Pignatti, 2019[95]). De plus, le Viet Nam a déjà prolongé d’un an la période de référence pour les travailleurs saisonniers. Il serait possible d’étendre cette prolongation de la période de référence à d’autres emplois précaires comme ceux des ouvriers du bâtiment. On pourrait également envisager de fixer des taux de cotisation plus élevés pour certains types d’emploi ou certaines entreprises. Plusieurs pays européens ont adopté des taux de cotisation différenciés. Par exemple, en Espagne, les taux de cotisations patronales et salariales sont plus élevés pour les contrats à durée déterminée que pour les contrats permanents (Unédic, 2020[96]). La part des cotisations patronales est plus élevée pour les contrats à durée déterminée que pour les contrats permanents ; en revanche, les cotisations salariales sont inférieures. Cette différenciation peut inciter financière les employeurs comme les salariés à opter pour des contrats de travail plus stables.
Le renforcement des droits des salariés favoriserait également la conformité de la part des employeurs qui participent à l’assurance chômage (OECD, 2004[97]). Certains pays de l’OCDE ont élaboré des mécanismes spécifiques. Au Japon, les services publics de l’emploi peuvent accepter une demande d’allocations de chômage faite par une personne à la recherche d’un emploi même si son ancien employeur n’a pas cotisé au régime. L’objectif est d’empêcher les employeurs d’éviter de se soustraire illégalement aux cotisations, puisque cette fraude peut être révélée à l’occasion de la demande d’allocations faite par l’ancien employé. Au Viet Nam, les syndicats peuvent non seulement aider les employés à comprendre leurs droits, mais aussi à les faire valoir. À cet égard, les récentes réformes visant à renforcer globalement les droits des travailleurs sont utiles. En vertu du nouveau Code du travail de 2019, la constitution de syndicats est devenue plus facile (un syndicat n’a plus à être affilié au seul syndicat qui existe à l’échelon national). Cependant, ce genre de mécanisme risque de dissuader certains employeurs d’embaucher des salariés, notamment dans les cas où des droits sont réservés à certaines catégories de travailleurs seulement (par exemple, ceux du secteur formel). Dans un tel cas, ces employeurs pourraient préférer embaucher des personnes qui ne formuleront pas de plaintes, comme des migrants illégaux. Aux termes du nouveau Code du travail, tous les salariés peuvent constituer des syndicats et être membres d'organisations syndicales, et toute discrimination ou interférence de la part des employeurs à l’encontre des salariés exerçant des activités syndicales est interdite. Le gouvernement devrait veiller à ce que ces droits soient pleinement respectés.
Lier plus étroitement les allocations de chômage et les politiques actives du marché du travail (PAMT) constitue également une priorité. Cela accroîtrait l’attractivité de l’assurance chômage vietnamienne et contribuerait à en étendre la couverture. Au Viet Nam, 83 services publics de l’emploi, appelés Centres des services de l’emploi, offrent, aux demandeurs d’emploi qui touchent des prestations de chômage, des conseils et un soutien dans les démarches administratives pour l’obtention d’une formation professionnelle d’une durée maximum de six mois. Cela étant, le taux de participation est très bas. Seuls 5 % des bénéficiaires de l’assurance chômage y avaient eu recours en 2019 et 2 % au milieu de 2020 à cause de la pandémie (World Bank, 2021[81]). Actuellement, les Centres des services de l’emploi consacrent des ressources considérables à l’administration de l’assurance chômage. Dans le même temps, ils ne disposent pas d’informations sur le marché du travail actualisées qui leur permettraient de concevoir des programmes de formation efficaces (Stienon, Cunningham et Nguyen, 2020[98]). L’État doit renforcer le fonctionnement des Centres des services de l’emploi, notamment au moyen de la collecte d’informations sur le marché du travail, afin que ces Centres dispensent une formation pertinente aux demandeurs d’emploi. En particulier, la coordination entre les Centres de différentes régions, la collaboration avec les services de placement privés et la sensibilisation des employeurs constituent des objectifs essentiels.
De plus, il serait possible d’améliorer à moyen terme les filets de sécurité du marché du travail à l’intention des travailleurs indépendants. Au Viet Nam comme dans bien d’autres pays, la sécurité sociale obligatoire, dont l’assurance chômage, ne couvre pas les travailleurs indépendants. Un certain nombre de pays ont récemment élargi leur filet de sécurité relatif au marché du travail pour y inclure les travailleurs indépendants, en particulier ceux ayant une moindre autonomie en ce qui concerne leurs conditions d’emploi (les travailleurs indépendants dits « économiquement dépendants ») (OECD, 2019[99]), (OECD, 2018[100]). Le passage au numérique, qui s’est accéléré durant la pandémie, a favorisé la hausse du nombre de travailleurs de cette catégorie, par exemple les travailleurs des plateformes électroniques (voir le chapitre 2). Cela représente un défi que les pays entreprennent de relever de différentes manières. Par exemple, au Portugal, l’assurance chômage obligatoire couvre les travailleurs indépendants économiquement dépendants, à savoir ceux qui tirent plus de la moitié de leurs revenus d’une seule entreprise (OECD, 2020[101]). En Malaisie, les chauffeurs de taxi, de VTC et d’autobus ont été inclus à compter de 2017 dans le régime d’assurance chômage obligatoire, lequel couvre les accidents du travail. Les travailleurs indépendants admissibles cotisent en fonction de leurs revenus mensuels. Depuis 2020,19 autres types d’emploi ont été inclus, notamment les marchands ambulants (OECD, 2021[102]). Compte tenu du taux élevé d’activité informelle dans l’économie vietnamienne, les seuils servant à définir les travailleurs de cette catégorie (par exemple, 50 % des gains provenant d’une seule source) pourraient inciter à la fraude (c’est-à-dire à limiter les gains provenant d’une seule source afin que ces seuils ne soient pas atteints). Une approche ciblant des emplois spécifiques, comme c’est le cas en Malaisie, pourrait être préférée.
Les Centres des services de l’emploi doivent renforcer leur soutien à tous les travailleurs vulnérables. Au Viet Nam, les Centres des services de l’emploi ont pour mandat d’accompagner tous les travailleurs. De fait, chaque année, environ 1 million de personnes demandent une indemnisation au titre du chômage, mais quelque 3 millions de personnes bénéficient des conseils et des services des Centres des services de l’emploi. Cela étant, dans certains Centres, la plupart des travailleurs qui s’adressent à eux sont des demandeurs de prestations de chômage (entre 80 et 90 % des personnes concernées (Stienon, Cunningham et Nguyen, 2020[98])). Étant donné que les régimes d’allocations de chômage ne couvrent pas tous les travailleurs, des problèmes analogues sont survenus dans d’autres pays. Dans les pays de l’OCDE, moins d'un tiers des chômeurs reçoivent des allocations de chômage (OECD, 2018[103]), ce qui signifie que les filets de sécurité du marché du travail laissent de côté un certain nombre de citoyens. En conséquence, il est essentiel de sensibiliser de manière proactive les non-bénéficiaires, qui appartiennent pour la plupart au secteur informel au Viet Nam. Une coopération avec les institutions pertinentes, tels les services de protection sociale, serait efficace à cette fin (OECD, 2021[104]). Au Viet Nam, les Centres des services de l’emploi doivent étendre considérablement le nombre de ceux qui font appel à leurs services, en collaborant avec les établissements d’enseignement et les communautés locales (Stienon, Cunningham et Nguyen, 2020[98]). Parallèlement, l’accent devrait être mis sur l’amélioration de la fonction de placement professionnel des Centres des services de l’emploi, car ce volet est actuellement faible. En particulier, les Centres des services de l’emploi devraient s’efforcer en priorité de recueillir des informations sur le marché du travail et de les diffuser auprès de tous les travailleurs, et sous-traiter certains services techniques, comme l’aide à la recherche d’emploi, à des organismes de placement privés. En 2020, la Malaisie a lancé le portail MYFutureJobs, un guichet unique pour la prestation de services de placement à tous les demandeurs d’emploi ; cette formule pourrait constituer un bon exemple au niveau national. Si les Centres des services de l’emploi arrivent à accroître le nombre de personnes faisant appel à leurs services, la plupart des demandeurs d’emploi ne seront pas nécessairement assurés puisque le quart seulement des salariés bénéficient d'une assurance chômage au Viet Nam. Par conséquent, il est essentiel que ces activités des Centres des services de l’emploi soient financées sur le budget de l’État en tant que volet de l’aide sociale, et non pas à partir des recettes de l’assurance chômage.
Les filets de sécurité sociale pour les personnes âgées doivent être renforcés compte tenu du vieillissement rapide de la population
Comme le Viet Nam va être l’une des sociétés d’Asie du Sud-Est où le vieillissement sera le plus rapide au cours des prochaines décennies, il doit accélérer le développement de la protection sociale des personnes âgées (Graphique 1.29). Tout comme dans certains autres pays d’Asie de l’Est et du Sud‑Est, ce sont traditionnellement les familles qui prennent en charge les personnes âgées. Toutefois, la taille des ménages a progressivement diminué et il est peu probable que le modèle traditionnel soit compatible à l’avenir avec l’évolution démographique. Dans ce contexte, l’État devra jouer un rôle plus actif et veiller à ce que les personnes vulnérables reçoivent un soutien approprié. En outre, le vieillissement de la population tend à accentuer les inégalités de revenu (Wang et al., 1990[105]) (annexe 1.A). Au Viet Nam, les ménages dirigés par des personnes âgées affichent un taux de pauvreté plus élevé, et la présence d’une personne âgée est souvent associée à un plus grand risque de pauvreté (Evans et al., 2005[106]). Dans ce contexte, l’amélioration des filets de sécurité sociale à l’intention des citoyens âgés, notamment le régime public de retraite dans son ensemble, est essentielle pour prévenir la pauvreté à la vieillesse.
Le régime public de retraite du Viet Nam a évolué, mais demeure insuffisamment développé
Au Viet Nam, le régime public de retraite ne couvre toujours pas la majorité de la population (Graphique 1.30, partie A). Comme dans beaucoup d’autres économies de marché émergentes, cette insuffisance de couverture est étroitement associée à la situation au regard de l’emploi. La loi sur l’assurance sociale prévoit que, même dans les cas où il y a un seul salarié, celui-ci doit être couvert par le régime obligatoire si son contrat est d’une durée supérieure à un mois. Cependant, de nombreuses petites entreprises, principalement des microentreprises et des entreprises familiales, n'affilient pas leurs salariés à l’assurance sociale (dont le système public de retraite constitue le principal élément). En outre, il est fort probable que la plupart des travailleurs non réguliers, dont le nombre s’est récemment accru, ne sont pas non plus couverts par l’assurance sociale (Graphique 1.30, partie B). Certains employeurs et salariés optent intentionnellement pour des contrats à court terme ou omettent de déclarer la totalité des revenus afin d’éviter de payer des cotisations. Les travailleurs non assurés sont plus exposés aux perturbations du marché du travail que les autres, comme l’a montré la pandémie, et la vulnérabilité aux chocs économiques peut accroître le risque de pauvreté future à la vieillesse.
Il devient de plus en plus important d’améliorer la couverture des travailleurs non réguliers par le système public de retraite. Les autorités intensifient leurs efforts en ce sens. Si elle est mise en œuvre efficacement, la modification apportée au Code du travail en 2019 (et entrée en vigueur en janvier 2021) constituera un pas important pour corriger l’une de ces lacunes. Au Viet Nam, les contrats de travail de courte durée sont très répandus. En 2020, environ 40 % des employés travaillaient sous contrat de moins de trois mois, ou sans contrat. Selon la législation, l’assurance sociale est obligatoire pour les employeurs et les salariés liés par un contrat de travail d’au moins un mois. Néanmoins, dans le Code du travail antérieur, qui datait de 2012, les contrats verbaux étaient possibles pour des durées inférieures à trois mois ; en conséquence, les employés sous contrat d’un à trois mois ne possédaient aucun document écrit leur permettant de démontrer leur dossier d’emploi à des fins de protection sociale. Cette particularité, susceptible d’entraîner l’omission, délibérée ou non, de cotiser au régime public de retraite, a maintenant été supprimée.
Établir la responsabilité du contractant principal permettrait d’étendre la couverture du régime public de retraite dans certains secteurs comme la fabrication et la construction, où la sous-traitance est très répandue. La sous-traitance procure aux entreprises une offre de main-d’œuvre flexible. Toutefois, en l'absence de contrôles sérieux, elle peut conduire à des fraudes aux cotisations de sécurité sociale obligatoires, particulièrement chez les petits sous-traitants souhaitant réduire leurs coûts de main-d’œuvre. Dans plusieurs pays européens, les contractants principaux sont tenus légalement responsables du respect de la réglementation par leurs sous-traitants, notamment pour ce qui est des cotisations de sécurité sociale (OECD, 2004[97]). Au Viet Nam, étant donné l’importance des investissements publics dans le domaine de la construction, le secteur public (notamment les entreprises appartenant à l’État) devrait être inclus dans le système de la même façon que le secteur privé.
Il serait également utile de réviser certaines conditions d’admissibilité au régime. En particulier, on pourrait supprimer le seuil de durée de travail d’un mois afin d’étendre la couverture du régime de retraite à tous les travailleurs, y compris les travailleurs temporaires qui occupent des emplois précaires (OECD, 2019[107]). En outre, la durée minimum de cotisations au régime public de retraite du Viet Nam (20 ans) est plus longue que dans les autres pays d’Asie du Sud-Est (entre 10 et 15 ans). La longueur de la période actuellement obligatoire constitue semble-t-il un obstacle pour les travailleurs qui occupent des emplois instables, en particulier les femmes. Les pouvoirs publics prévoient de ramener cette durée à 15 ans à compter de 2024 et à 10 ans à compter de 2028 (ILO, 2021[108]). Néanmoins, s’il devient possible de percevoir des montants identiques ou similaires d’allocations moyennant une période de cotisation plus brève, le lien entre cotisations et prestations s’en trouvera affaibli. En Grèce, un système de retraite minimum non contributive généreuse a eu pour effet de dissuader les travailleurs de cotiser au-delà de la période minimum (Kangur, Kalavrezou et Kim, 2021[109]). De plus, si l’actuelle possibilité de retrait d’une somme forfaitaire est maintenue pour les travailleurs qui n'ont pas atteint la durée de cotisation minimum, l’impact sera limité (ILO, 2021[108]). Plusieurs pays allongent les durées de cotisation à mesure que l’âge de la retraite est relevé.
Par ailleurs, il est également essentiel de renforcer la durabilité du régime public de pensions afin d’en accroître l’attractivité. En particulier, l’âge légal de la retraite (60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes), qui est inférieur à celui des pays de l’OCDE (où la moyenne est de 64 ans pour les hommes et 63 ans pour les femmes) doit être relevé (Graphique 1.31, partie A). Selon des études antérieures, les recettes nettes de la caisse de sécurité sociale pourraient devenir déficitaires avant le milieu du XXIe siècle en l’absence d’une telle réforme (World Bank, 2019[110]). L’espérance de vie à 60 ans est aussi élevée que la moyenne de l’OCDE (Viet Nam : 19.4 ans pour les hommes et 23.9 ans pour les femmes ; OCDE : 21.9 ans pour les hommes et 25.6 ans pour les femmes), et l’on s’attend à ce qu’elle augmente encore. D’ici 2040-45, les hommes âgés de 60 ans vivront en moyenne encore 21.7 ans et les femmes 25.6 ans , ce qui correspond aux moyennes actuelles de la zone OCDE. De plus, l’âge légal actuel de la retraite ne correspond pas non plus à la situation réelle sur le marché du travail, où les Vietnamiennes âgées restent dans la population active plus longtemps que dans les autres pays d’Asie du Sud‑Est (Graphique 1.31, parties B et C). Un certain nombre de travailleurs ne prennent pas leur retraite de bonne heure parce qu’ils ne possèdent pas suffisamment d’épargne-retraite. De fait, l’écart entre l’âge effectif de la retraite (67 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes) et l’âge légal est considérable dans le cas des femmes (9 ans) (annexe 1.B). L’État a récemment décidé de relever progressivement l’âge de la retraite du régime obligatoire en le portant à 62 ans (pour les hommes) et 60 ans (pour les femmes) d’ici 2035. Néanmoins, la réforme devrait être plus ambitieuse et elle devrait également être accélérée. La différence entre hommes et femmes pourrait être abolie (actuellement, les taux de chômage officiels sont calculés différemment pour les hommes et les femmes du fait de la différence entre leur âge légal de retraite respectif). Dans la plupart des pays, l’âge de la retraite est le même pour les hommes et les femmes. Le Viet Nam est le seul des pays de l’ASEAN-6 à prescrire des âges de retraite différents selon le sexe.
Pour améliorer la durabilité du régime, les retraits anticipés de sommes forfaitaires devraient être interdits. Au Viet Nam, les personnes qui cotisent au système public de retraite mais ne remplissent pas le critère de durée de cotisation minimum (20 ans) peuvent retirer une somme forfaitaire au lieu de toucher des versements réguliers. L’intention initiale était de pouvoir verser des prestations aux retraités ayant commencé à cotiser à un stade ultérieur de l’âge actif. Cependant, il se trouve que le nombre de retraits (qui représentent entre 500 000 et 700 000 personnes chaque année) est généralement beaucoup plus important que le nombre de nouveaux pensionnés (environ 100 000 chaque année). De fait, puisque les travailleurs qui n’ont pas atteint l’âge de la retraite peuvent effectuer des retraits forfaitaires, ils constituent une fraction considérable (77 % en 2015) de ceux qui font usage de cette possibilité (Castel et Pick, 2018[111])). Bon nombre d’entre eux quittent le régime public de retraite, temporairement ou définitivement. Dans une certaine mesure, ces retraits anticipés constituent un filet de sécurité pour les jeunes travailleurs, car un certain nombre d’entre eux retirent les sommes lorsqu’ils deviennent chômeurs ou perdent leur emploi. Au Chili, une modalité temporaire de retrait anticipé pendant la pandémie a permis de soutenir financièrement de nombreux jeunes travailleurs (le Chili possède un régime de retraite à cotisations définies), ce qui a stimulé la consommation et l’inflation (OECD, 2021[112]). Les travailleurs chiliens ont été autorisés, à trois reprises depuis juillet 2020, à retirer jusqu’à 10 % de leurs actifs de retraite accumulés. Cela étant, les larges retraits forfaitaires ont considérablement réduit leur épargne-retraite et accru leur risque de pauvreté future à la vieillesse. Le Congrès du Chili a rejeté en décembre 2021 un projet de loi autorisant un quatrième retrait. Au Viet Nam, à la suite d’une vive opposition de la population, le gouvernement a retiré du projet de loi de 2014 sur l’assurance sociale l’interdiction proposée des retraits anticipés. Néanmoins, ce dispositif est contraire au principe d’une retraite à cotisations définies et devrait être supprimé. Puisque les retraits anticipés réduisent les allocations de retraite futures de ceux qui les effectuent, ils augment aussi considérablement leur risque de pauvreté à la vieillesse. La priorité des pouvoirs publics devrait consister à améliorer le filet de protection sociale (par exemple, l’assurance chômage), de sorte que les jeunes travailleurs n’aient pas besoin de recourir aux retraits anticipés.
Il est urgent d’offrir une retraite sociale à toute la population
L’élargissement de la couverture retraite des travailleurs indépendants constitue un défi, car ils ne sont pas couverts par l’assurance sociale obligatoire. Dans les pays qui ont mis en place des programmes facultatifs, les taux de participation sont généralement faibles (OECD, 2019[107]). Au Viet Nam, les faibles niveaux de revenus des travailleurs indépendants et le nombre important de travailleurs familiaux non rémunérés rendent la difficulté d’autant plus grande. En effet, même s’il a récemment augmenté, le taux de participation demeure très faible (3.7 % du total des travailleurs indépendants en 2020). En principe, le fait qu’une large part de travailleurs indépendants (dont la part représentait au Viet Nam en 2020 plus de 50 % de l’emploi total en comptant le secteur agricole et 30 % hors secteur agricole) soit exclue de la sécurité sociale affaiblit la fonction de partage des risques que celle-ci est censée remplir. La couverture des travailleurs indépendants par les régimes contributifs varie d’un pays à l’autre. Tous n’ont pas instauré de régime public de retraite obligatoire pour les travailleurs indépendants. Cependant, les récents changements sur le marché du travail, notamment la hausse du nombre de travailleurs indépendants économiquement dépendants, accroissent la nécessité d’améliorer l’inclusivité des régimes publics de retraite. De fait, davantage de pays en sont venus à inclure les travailleurs indépendants dans leur régime obligatoire (OECD, 2019[107]). L’Allemagne a ainsi mis en place une assurance sociale obligatoire pour les artistes, à laquelle cotisent les travailleurs, les « employeurs » contractants et l’État à hauteur de 50 %, 30 % et 20 % respectivement (OECD, 2018[100]).
Au Viet Nam, un renforcement du système existant de retraite sociale de premier rang à prestations forfaitaires universelles pourrait permettre d’offrir un régime public de pensions plus adapté aux travailleurs indépendants. Étendre la couverture obligatoire du régime public aux travailleurs indépendants, en prévoyant des subventions pour les personnes à faible revenu, pourrait être une possibilité pour le Viet Nam. Cependant, un grand nombre de travailleurs familiaux non rémunérés (qui représentaient plus de 25 % des travailleurs indépendants en 2020)en seraient exclus du fait qu’ils n’ont aucun revenu. Cette lacune pourrait être comblée grâce à des prestations d’aide sociale financées par des recettes fiscales (OECD, 2019[107]). Actuellement, au Viet Nam, les personnes de plus de 80 ans qui ne sont pas admissibles au régime public de retraite ni à d’autres programmes de protection sociale vieillesse ont droit à une pension de vieillesse financée par des recettes fiscales (360 000 VND par mois). Les personnes de plus de 60 ans et les pauvres peuvent toucher une allocation supplémentaire (le ratio d’ajustement est de 1.5 pour les 60-80 ans et de 2 pour les plus de 80 ans). Il faudrait envisager d’étendre la pension sociale de vieillesse octroyée aux plus de 80 ans à tous les retraités qui ont atteint l’âge du départ à la retraite mais qui ne peuvent pas toucher de pension publique (Tsuruga, Da Cunha et Nguyen, 2019[113]). Cette réforme permettra de verser des pensions sociales aux travailleurs indépendants, mais aussi de compléter l’ensemble des dispositifs de protection sociale vieillesse en attendant que la couverture du régime de retraite obligatoire puisse atteindre une masse critique de salariés, dans la mesure où la retraite sociale peut venir en aide aux salariés retraités qui, pour diverses raisons, ne sont pas couverts par le régime obligatoire. Selon des calculs préliminaires, le coût de cette réforme serait modeste, mais elle pourrait améliorer le revenu d’un certain nombre de personnes âgées (Tableau 1.7).
Tableau 1.7. Les coûts budgétaires supplémentaires d’une réforme du filet de sécurité sociale pour la vieillesse sont faibles
Coûts annuels supplémentaires, en % du PIB, 2020
Réforme |
Description |
Coûts budgétaires |
---|---|---|
Extension de la couverture des pensions sociales de vieillesse aux personnes de plus de 60 ans |
Les personnes de 60 à 79 ans qui ne reçoivent ni prestations de retraite au titre de l’assurance sociale ni de pension sociale de vieillesse pour les pauvres recevront une allocation de 360 000 VND par mois. |
0.4 |
Extension de la couverture des pensions sociales de vieillesse aux personnes de plus de 65 ans |
Les personnes de 65 à 79 ans qui ne reçoivent ni prestations de retraite au titre de l’assurance sociale ni de pension sociale de vieillesse pour les pauvres recevront une allocation de 360 000 VND par mois. |
0.2 |
Extension de la couverture des pensions sociales de vieillesse aux personnes de plus de 70 ans |
Les personnes de 70 à 79 ans qui ne reçoivent ni prestations de retraite au titre de l’assurance sociale ni de pension sociale de vieillesse pour les pauvres recevront une allocation de 360 000 VND par mois. |
0.1 |
Source : Calculs de l’OCDE.
Tableau 1.8. Tableau de recommandations
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
RECOMMANDATIONS (principales recommandations en gras) |
---|---|
Amélioration de la politique macroéconomique et de la viabilité des finances publiques |
|
Malgré la réouverture rapide de l’économie, les incertitudes extérieures pèsent sur les perspectives de croissance. De plus, le risque de nouvelles vagues de COVID-19, potentiellement dues à l’apparition d’un nouveau variant, persiste. |
Améliorer la capacité de la santé publique à se préparer à l’apparition possible de variants plus contagieux ou mortels. Envisager d’offrir un appui financier ciblé aux ménages fortement touchés par les prix élevés de l’énergie et de l’alimentation. Accélérer le décaissement des investissements publics, notamment en simplifiant les procédures et règlements relatifs à l’investissement public. |
L’inflation accélère et devrait rester élevée du fait de l’augmentation des prix mondiaux de l’énergie et des matières premières et des perturbations des chaînes d’approvisionnement. En même temps, les hausses des taux directeurs dans les économies avancées exercent des pressions à la baisse sur le taux de change, ce qui pourrait également faire grimper l’inflation intérieure. |
Relever les taux directeurs plus tôt s’il existe des signes que l’inflation augmente plus rapidement et plus durablement que prévu. |
L’indépendance de la banque centrale n’est pas solidement établie, car elle fait partie du système du Cabinet et son autonomie opérationnelle n’est pas garantie par la législation. |
Envisager de renforcer l’indépendance de la banque centrale, dans l’optique de la création éventuelle d’un comité de politique monétaire à moyen ou long terme. Adopter finalement un dispositif de ciblage plus rigoureux de l’inflation avec un régime de taux de change plus flexible. |
Si la résilience du secteur bancaire a été améliorée avec l’institution d’une réglementation compatible avec l’Accord de Bâle II, une réglementation banque par banque continue d’être utilisée, ce qui confère moins d’autonomie aux banques et pourrait donc être moins propice à une répartition efficace du crédit. |
Remplacer la réglementation relative à l’activité bancaire par des mesures macroprudentielles. |
En dépit de la succession passée de cycles d’expansion et de ralentissement qui ont durement touché le secteur financier, il n’existe toujours pas de statistiques officielles sur la situation du marché immobilier. |
Publier en temps voulu des indices trimestriels des prix de l’immobilier résidentiel pour les principales régions. |
Les dépenses budgétaires réelles s'écartent souvent considérablement du budget prévu, ce qui rend difficile un suivi efficace de la politique budgétaire et engendre parfois une orientation procyclique. |
Instituer une règle interdisant les reports de dépenses budgétaires au-delà d’une certaine période après la fin de l’exercice précédent. |
En dépit de l’augmentation des dépenses des régimes de sécurité sociale qui représentent une part importante des dépenses de prestations sociales, aucune donnée budgétaire n’est disponible pour le secteur public agrégé, englobant les administrations de l’État et les régimes de sécurité sociale. |
Publier des données financières publiques exhaustives couvrant l’ensemble du secteur des administrations publiques et faisant apparaître les transferts budgétaires entre administrations. |
Les dépenses publiques devraient augmenter, en particulier celles en faveur d'investissements destinés à favoriser la transformation numérique et la transition écologique. Du fait du vieillissement rapide de la population, il faudra consacrer davantage de dépenses publiques aux prestations sociales, notamment aux soins de santé. |
Établir un plan concret d’assainissement budgétaire à moyen terme pour accroître encore les recettes, améliorer l’efficience de la dépense publique et renforcer la transparence de la gestion de la dette en se fondant sur des prévisions économiques plausibles. |
Le système fiscal est très complexe à cause d’un certain nombre d’exonérations, de déductions, de taux réduits et d’autres traitements spéciaux qui réduisent la base d'imposition, affaiblissent la discipline fiscale et accroissent les coûts de perception de l’impôt. |
Élargir l’assiette fiscale en réduisant les exonérations et les déductions dans le régime d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu des personnes physiques, et en restreignant l’application du taux réduit de TVA. |
Les recettes fiscales tirées des impôts sur la propriété immobilière sont modestes par rapport à celles enregistrées dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est, mais les recettes de la cession de droits d’utilisation des terres ont augmenté à la faveur du récent dynamisme du marché immobilier. |
Remplacer l’impôt foncier sur les terres non agricoles par un impôt récurrent sur la propriété immobilière applicable au bâti et au non bâti. Évaluer plus fréquemment les propriétés immobilières en se fondant sur leur valeur de marché. Réduire ou supprimer les frais d’enregistrement des transactions immobilières en élargissant parallèlement l’assiette fiscale de l’impôt foncier actuel. |
Rendre la reprise plus robuste |
|
La performance sur le plan de la facilitation des échanges s’est améliorée, mais la coordination entre les organismes publics demeure faible et certaines procédures de dédouanement aux frontières, notamment les inspections spécialisées, sont chronophages. |
Renforcer le mandat de la Commission nationale sur la facilitation des échanges dans le domaine de la coordination et du suivi des politiques, en favorisant l’engagement des parties prenantes, particulièrement des PME. |
Comparativement aux autres mesures concernant la facilitation des échanges, les progrès sont lents en matière de coopération transfrontalière, comme le montrent les Indicateurs sur la facilitation des échanges de l’OCDE. |
Faire progresser et mettre en œuvre plus activement l’Accord de la sous-région du grand Mékong sur la facilitation du transport transfrontalier. |
Il n’a pas été possible de prendre la pleine mesure de la détérioration de la qualité des prêts des banques en raison des programmes temporaires de restructuration de la dette mis en place durant la pandémie. |
Renforcer l’inspection des différentes banques afin d’éviter une détérioration de la qualité de leur bilan. |
Bien que la Compagnie générale de gestion d’actifs du Viet Nam ait progressivement accru ses transactions relatives aux prêts non performants, les cadres d’action en faveur de solutions fondées sur le marché pour les créances de ce type restent insuffisamment développés et leur marché est peu profond. |
Adopter une réglementation autorisant les créanciers à saisir les garanties sans devoir recourir à une longue procédure d’arbitrage judiciaire. Assouplir les restrictions à la propriété immobilière par des investisseurs étrangers (plafonnement des investissements dans les actifs immobiliers), afin d’accroître le nombre d’acteurs sur le marché. Étendre la portée du marché des prêts non performants en y incluant la collecte et le stockage de données concernant ces créances. |
Renforcer l’intégrité dans le secteur public |
|
Des progrès considérables ont été accomplis en ce qui concerne la lutte contre la corruption dans le secteur public, la mise en place de cadres juridiques complets et le renforcement de la mobilisation internationale. Toutefois, malgré un recul des indicateurs de perception de la corruption, de nombreux acteurs concernés, notamment les milieux d’affaires internationaux, estiment que la lutte contre la corruption demeure une priorité. |
Continuer de prendre des engagements forts en faveur du renforcement des efforts de lutte contre la corruption, tout en y consacrant plus de ressources publiques et sensibiliser davantage les citoyens et les entreprises, notamment les agents du secteur public au sein des administrations locales, à ce problème. |
Le rôle du principal organisme anticorruption, l’Inspection du gouvernement vietnamien, est limité, et ses ressources sont modestes. |
Regrouper davantage de pouvoirs au sein de l’Inspection du gouvernement et lui allouer davantage de ressources afin qu’elle puisse assurer une supervision directe des ministères et des collectivités locales et leur fournir des orientations, y compris un appui technique. |
La protection des lanceurs d'alerte dans la fonction publique a été renforcée, mais il n’existe pas de législation correspondante pour protéger les travailleurs dans le secteur privé. |
Faire passer une nouvelle loi assurant la protection des lanceurs d’alerte dans le secteur privé. |
Dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux, malgré les progrès récemment accomplis concernant les cadres juridique et institutionnel, les mesures de prévention reposant sur une approche fondée sur les risques restent insuffisantes du fait des ressources limitées dont disposent les organismes publics concernés et du manque de coordination entre eux. |
Affecter davantage de ressources à la supervision de la lutte contre le blanchiment de capitaux par les organismes publics responsables et renforcer la coordination entre eux, notamment via l’échange de renseignements. |
Réduire l’activité informelle et mettre en place une protection sociale efficace pour tous |
|
L’âge légal de la retraite est plus bas que dans les pays de l’OCDE et l’écart par rapport à l’espérance de vie moyenne est particulièrement important dans le cas des femmes. Les taux d'activité des personnes âgées sont élevés. |
Relever l’âge légal de la retraite plus rapidement et davantage (65 ans) que ce qui est actuellement prévu, et supprimer la différence entre les hommes et les femmes. |
Il est possible de procéder au retrait d'un montant forfaitaire d’assurance sociale même avant d’avoir atteint l’âge de la retraite. Un nombre considérable de jeunes présentent des demandes de retrait anticipé, ce qui menace la durabilité du système public de retraite. |
Commencer par restreindre le dispositif de retrait de montants forfaitaires pour les personnes n’ayant pas atteint l’âge de la retraite jusqu'à le supprimer complètement. |
Bien que la participation soit obligatoire, seule la moitié des salariés sont couverts par l’assurance chômage. |
Assouplir les conditions d’admissibilité à l’assurance chômage pour les travailleurs non réguliers, en appliquant la période de référence étendue, à savoir 36 mois, dont bénéficient les travailleurs saisonniers à d’autres types d’emplois instables, par exemple aux ouvriers du bâtiment. |
Les organismes vietnamiens chargés des services de placement professionnel, les Centres des services de l’emploi, ont pour principale activité d'administrer les demandes d’assurance chômage. Leur participation aux services de placement professionnel des demandeurs d’emploi, particulièrement de ceux qui ne sont pas couverts par l’assurance chômage, est faible. |
Élargir la base de personnes fréquentant les Centres des services de l’emploi pour que ceux-ci puissent accompagner les demandeurs d’emploi non assurés grâce à une meilleure coordination avec les institutions externes. |
Un certain nombre d’entreprises familiales préfèrent ne pas grandir en raison des charges administratives et financières qu'elles doivent supporter, d’où des taux élevés d’activité informelle. |
Simplifier et réduire les différentes charges administrative et financières imposées aux entreprises familiales afin de les encourager à s’intégrer dans le secteur formel et à se développer. |
Les formalités administratives (enregistrement et procédures fiscales ainsi que de sécurité sociale) de création d’une entreprise non constituée en société (entreprise familiale) sont plus lourdes que celles que doivent remplir les entreprises constituées en société. Certaines entreprises individuelles sont exemptées d’obligations administratives et de droits de licence. |
Réduire les formalités (enregistrement et procédures fiscales ainsi que de sécurité sociale) de création d’une entreprise familiale pour les ramener au niveau de celles qui sont imposées aux entreprises constituées en société. Supprimer les droits de licence pour toutes les entreprises familiales. |
Les travailleurs indépendants représentent la moitié de l’emploi total, mais bien qu’elle ait récemment augmenté, seule une petite fraction de ces travailleurs participent au système public de retraite facultatif (3.7 % du total des travailleurs indépendants). |
Étendre le dispositif actuel de pensions sociales de vieillesse aux personnes de plus de 80 ans afin d’intégrer les personnes qui ont atteint l’âge de la retraite mais ne sont pas couvertes par le régime public obligatoire. |
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[35] World Bank (2021), Non-Performing Loans in East Asia and the Pacific : Practices and Lessons in Times of COVID-19, World Bank, Kuala Lumpur, https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/36522?locale-attribute=fr.
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[45] World Bank Group (2019), Finance in Transition: Unlocking Capital Markets for Vietnam’s Future Development, World Bank Group, https://documents1.worldbank.org/curated/en/971881576078190397/pdf/Finance-in-Transition-Unlocking-Capital-Markets-for-Vietnam-s-Future-Development.pdf.
[55] World Bank et Government of Viet Nam (2017), Vietnam Public Expenditure Review: Fiscal Policies towards Sustainability, Efficiency, and Equity, World Bank, Washington, D.C., https://doi.org/10.1596/28610.
[49] WTO (2021), Trade Policy Review: Viet Nam, WTO, https://www.wto.org/english/tratop_e/tpr_e/tp510_e.htm.
Annexe 1.A. Déterminants de l’inégalité des revenus
Des études antérieures indiquent que l’inégalité des revenus est déterminée par divers facteurs économiques (Niehues, 2010[114]). Pour la présente Étude, des travaux empiriques simples ont été effectués à partir de données de panel portant sur 192 pays et régions à travers le monde, pour la période de 2009 à 2019. L’inégalité des revenus évoluant très lentement, on a utilisé un modèle de panel dynamique comme pour des études antérieures.
Les résultats des analyses de régression montrent qu’il est probable que le PIB par habitant, le vieillissement, les dépenses sociales et le taux d’emploi des femmes soient associés à certains niveaux du coefficient de Gini du revenu disponible, et que la différence entre le coefficient de Gini du revenu marchand et celui du revenu disponible soit associée au PIB par habitant et aux dépenses sociales (Tableau d’annexe 1.A.1).
Tableau d’annexe 1.A.1. Il est probable que des dépenses sociales élevées soient associées à une faible inégalité des revenus
Régression des coefficients de Gini par rapport au PIB par habitant, aux dépenses sociales, au taux d’emploi des femmes et au vieillissement
La variable dépendante est le coefficient de Gini du revenu disponible |
La variable dépendante est la différence entre le coefficients de Gini du revenu marchand et celui du revenu disponible |
|
---|---|---|
(1) |
(2) |
|
Coefficient de Gini retardé |
0.710294 |
0.685391 |
(0.0000) |
(0.0000) |
|
Logarithme du PIB par habitant, PPA constante de 2017 |
-1.465073 |
23.14986 |
(0.0000) |
(0.0000) |
|
Prestations sociales, en % du PIB |
-0.010822 |
0.514006 |
(0.0000) |
(0.0000) |
|
Taux d’emploi des femmes |
-0.009245 |
|
(0.0000) |
||
Part des plus de 65 ans dans la population |
0.025886 |
|
(0.0044) |
||
Effets période |
Oui |
Oui |
Observations |
744 |
776 |
Test de Sargan |
0.235743 |
0.409114 |
Test de corrélation sérielle d’Arellano-Bond |
||
Corrélation de premier ordre |
0.0939 |
0.0173 |
Corrélation de second ordre |
0.7992 |
0.2045 |
Note : ( ) indique la valeur p.
Source : Fonds monétaire international, Statistiques des finances publiques ; Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde ; base de données mondiale normalisée sur les inégalités de revenu (SWIID) ; Organisation internationale du Travail, ILOSTAT ; et calculs de l’OCDE.
La lutte contre l’activité informelle serait propice à l’amélioration de l’efficience des dépenses sociales. Vu la prévalence de l’emploi informel, il faudrait effectuer davantage de dépenses sociales pour atteindre les personnes qui ne sont pas couvertes par les filets de sécurité du marché du travail formel ou par la sécurité sociale. Cependant, les données transversales indiquent que les dépenses sociales présentent une corrélation négative avec le taux d’emploi informel (Graphique d’annexe 1.A.1). Cela pour s’expliquer par des facteurs propres au pays, tels que l’efficacité des institutions d’État ou la solidité de la collecte de recettes. La collecte de recettes serait moins efficace dans les cas où l’incidence de l’emploi informel est élevée. Les dépenses sociales elles-mêmes pourraient être affectées par les niveaux de recettes fiscales. L’effet de la prévalence de l’emploi informel sur les dépenses sociales a été estimé à l’aide du modèle des doubles différences (DID, difference-in-difference). Les résultats de l’estimation laissent penser qu’un taux élevé d’emploi informel pourrait être associé à des dépenses sociales plus importantes, après exclusion des facteurs propres au pays (Tableau d’annexe 1.A.2)
Tableau d’annexe 1.A.2. Une incidence élevée d’emploi du secteur informel nécessiterait une hausse des dépenses sociales
Régression des dépenses sociales par rapport aux emplois du secteur informel, aux recettes fiscales, aux taux de chômage et au vieillissement
La variable dépendante est la différence de premier ordre du logarithme des prestations sociales, % du PIB |
|
---|---|
(1) |
|
Différence de premier ordre, logarithme du taux d’emploi informel |
0.310770 |
(0.0367) |
|
Différence de premier ordre, logarithme de la proportion des plus de 65 ans dans la population |
0.838567 |
(0.0108) |
|
Différence de premier ordre, logarithme des recettes fiscales, % du PIB |
0.922044 |
(0.0000) |
|
Différence de premier ordre, logarithme du taux de chômage |
0.235998 |
(0.0003) |
|
Observations |
161 |
R-carré ajusté |
0.547552 |
Note : ( ) indique la valeur p.
Source : Fonds monétaire international, Statistiques des finances publiques ; Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde ; base de données mondiale normalisée sur les inégalités de revenu (SWIID) ; Organisation internationale du Travail, ILOSTAT ; et calculs de l’OCDE.
Annexe 1.B. Estimation de l’âge effectif de la retraite
Entre autres paramètres, tels que l’espérance de vie, l’âge auquel une personne quitte le marché du travail de manière permanente fournit des informations importantes pour les besoins de la réforme des pensions. L’âge effectif moyen de la retraite dans certains pays d’Asie du Sud-Est, dont le Viet Nam, a été calculé aux fins de la présente Étude à l’aide de la méthode présentée dans (Scherer, 2002[115]).
L’âge effectif moyen de la retraite désigne l’âge moyen du retrait de la population active (pour ceux qui ont continué de faire partie de la population active jusqu’à ce moment), et il peut être estimé à l’aide du taux d’activité par groupe d’âge. La probabilité d’une sortie de la population active de chaque groupe d’âge est calculée en faisant le ratio des taux d’activité de deux groupes d’âge consécutifs (tranches de cinq ans). On suppose que personne ne part à la retraite entre 40 et 44 ans, et que tous ont quitté la population active dans la tranche des 80 à 84 ans. En raison de la disponibilité limitée des données, des estimations « statiques » ont été calculées en posant l’hypothèse que la structure de participation à la population active spécifique à l’âge ne change pas avec le temps.
Les résultats préliminaires indiquent que ceux qui font partie du marché du travail prennent leur retraite après l’âge légal. Ce résultat s’explique en partie par le fait que de nombreuses personnes ne sont pas couvertes par le système public de retraite et qu’elles sont susceptibles de continuer à travailler jusqu’à un âge plus avancé. De fait, parmi les quatre pays étudiés, l’Indonésie est le pays où la couverture des pensions est la plus faible mais aussi celui où l’âge effectif de la retraite est le plus élevé. L’âge effectif de la retraite est plus élevé pour les hommes que pour les femmes. Il faut noter que l’âge effectif de la retraite ne peut pas rendre compte de la situation de ceux qui ne sont pas entrés sur le marché du travail. Le faible taux d’activité des femmes en âge de travailler en Indonésie et aux Philippines laisse penser qu’il peut y avoir un important écart de revenu pour les femmes à la vieillesse.
Tableau d’annexe 1.B.1. En Asie du Sud-Est, les travailleurs quittent la population active après l’âge de la retraite
Indonésie |
Philippines |
Thaïlande |
Viet Nam |
||
---|---|---|---|---|---|
Âge effectif de la retraite, 2020 |
Hommes |
73.4 |
69.5 |
69.5 |
67.0 |
Femmes |
71.9 |
69.0 |
65.4 |
64.3 |
|
Âge de la retraite, 2021 ou dernières données disponibles |
Hommes |
57.0 |
65.0 |
60.0 |
60.3 |
Femmes |
57.0 |
65.0 |
60.0 |
55.3 |
Note : Dans le cas de l’Indonésie et des Philippines, on suppose que le taux de participation à la population active des femmes de 40 à 44 ans est égal à celui des femmes de 45 à 49 ans.
Source : OCDE (2018), Pensions at a Glance Asia/Pacific ; ILOSTAT, Taux de participation à la population active par sexe et par âge – estimations modélisées de l’OIT ; Organisation des Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, Division de la population (2019), World Population Prospects 2019 ; et calculs de l’OCDE.