La France joue un rôle de premier plan en matière de stabilité internationale. Elle soutient fortement l’adhésion, la promotion et la mise en œuvre de l’Accord de Paris depuis 2015, et accorde une priorité au financement climatique. Dans le domaine économique, la France a réalisé des progrès dans la lutte contre la corruption et les flux financiers illicites de capitaux. Elle a élaboré avec succès des mécanismes innovants de financement du développement et dispose aujourd’hui d’une large palette d’instruments pour appuyer sa coopération. Malgré des baisses successives de son aide publique au développement (APD) depuis le dernier examen, elle s’est engagée en 2017 sur une trajectoire ascendante afin que son APD atteigne 0.55% du revenu national brut (RNB) français d’ici à 2022.
Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : France 2018
Principales conclusions et recommandations du CAD
La France a renforcé son rôle moteur dans la promotion du développement durable et de la stabilité internationale. Elle bénéficie maintenant d’une loi d’orientation et de programmation sur le développement international.
Dans le contexte de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI) adoptée en juillet 2014 à la suite d’un débat sans précédent, la France a mis en œuvre les recommandations du dernier examen par les pairs. Ainsi,
la France a fortement consolidé son approche des contextes fragiles et dispose désormais d’un cadre stratégique complet et de priorités claires.
la France a rationalisé le dispositif central de sa coopération.
l’Agence française de développement (AFD) a consolidé et renforcé la gestion de ses ressources humaines.
La France montre le bon exemple en matière de développement durable et stabilité internationale.
La LOP-DSI stipule que le développement durable des pays en développement, fondé sur trois piliers (économique, social et environnemental), est la finalité de la politique française de développement. La vocation première de la Loi est de lutter contre la pauvreté et les inégalités. La France a marqué ces dernières années son soutien à une vision modernisée du financement du développement. Au Sommet de l’ONU en 2015, elle a entériné la convergence des agendas du développement et de protection de la planète en adoptant le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Dès le premier forum politique de haut niveau en juillet 2016, la France s’est soumise à une revue volontaire nationale sur sa mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD).
La France donne la priorité au financement pour le climat, à l’environnement et à la biodiversité. Ainsi, elle a renouvelé son engagement à consacrer 5 milliards EUR (euros) à la lutte contre le dérèglement climatique à l’horizon 2020, dont 1.5 milliard EUR en faveur de l’adaptation au changement climatique.
La France possède de bonnes politiques en matière de respect des normes internationales et de coopération dans le domaine de la finance, surtout pour l’échange d’informations. L’adoption en 2016 de la loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique (« Sapin 2 ») a relancé l’action de la France en créant l’Agence française anticorruption. En réaction à la catastrophe du Rana Plaza à Dacca, la France a adopté une loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre ; elle se conforme également aux Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.
Dans les contextes de conflit, la nécessité d’une cohérence entre sécurité et développement est partagée par les intervenants civils comme militaires. Cela devrait permettre à la France de mieux appréhender les crises dans leur globalité, tout en préservant les mandats des acteurs. La France figure parmi les cinq premiers contributeurs financiers aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies ; elle est le deuxième contributeur européen en personnel. Le continuum sécurité‑développement se consolide notamment dans les zones de crise dans lesquelles la France intervient. À titre d’exemple, la France est un fer de lance de la lutte contre le terrorisme et pour le maintien de la sécurité dans la région du Sahel.
La France a commencé à rationaliser le dispositif de l’APD et dispose d’une importante palette d’instruments pour répondre aux besoins des pays en développement.
La valeur ajoutée de la France réside dans ses liens historiques et linguistiques avec la plupart de ses pays prioritaires. Elle s’appuie également sur son expertise technique et son engagement sur la durée qui lui permettent de s’adapter à l’évolution du contexte économique et social et d’être à l’écoute des besoins exprimés par les contreparties nationales. La multiplicité d’instruments dont elle dispose – notamment les prêts souverains et non souverains, la coopération décentralisée et le montage de projets prêt-dons-assistance technique – constitue un atout.
La France a élaboré avec succès des mécanismes innovants de financement du développement, notamment la taxe sur les transactions financières et la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), qui ont conjointement rapporté plus d’1 milliard EUR pour financer l’APD en 2017. La France utilise également des instruments permettant de soutenir l’engagement et le développement du secteur privé, principalement à travers Proparco, filiale de l’AFD, dont les engagements devraient doubler d’ici à 2020. Proparco souhaite renforcer sa transparence et redevabilité et elle a prévu de renforcer son action en Afrique et dans les pays fragiles, ce qui constitue un élément positif.
La France a rationalisé son dispositif central de coopération en réponse aux recommandations de l’examen par les pairs de 2013. La loi prévoit plus de transparence, de concertation et de redevabilité auprès des parties prenantes, notamment grâce à la création du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI). La France vise une plus grande fréquence des réunions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). D’autre part, elle a commencé à rationaliser l’architecture de sa coopération technique grâce à la création en 2015 d’Expertise France, agence française de coopération technique internationale regroupant actuellement six opérateurs. La France assure une programmation stratégique des évaluations, ainsi qu’une meilleure coordination des évaluations entre le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), l’AFD et la Direction générale du Trésor.
La France peut bâtir sur ses acquis
L’engagement de la France d’augmenter son APD d’ici à 2022 est bienvenu après une période de baisses importantes, mais sa mise en œuvre nécessitera des actions immédiates.
Au cours de la période 2012-16, l’APD française a reculé de 0.45 % à 0.38 % du RNB, baissant en volume de 10.6 milliards USD (dollars des États-Unis) à 9.6 milliards USD. La France s’est engagée à consacrer 0.55 % de son RNB à l’APD d’ici à 2022 – soit une augmentation de près de 6 milliards EUR en volume par rapport à 2016. Les conclusions émises par le CICID en février 2018 présentent une trajectoire budgétaire d’ensemble (évolution annuelle du ratio APD/RNB entre 2018 et 2022), et la France s’est engagée à allouer les deux-tiers de la hausse cumulée des autorisations d’engagement d’APD à l’aide bilatérale d’ici à 2022. Selon les chiffres provisoires pour 2017, le rapport APD/RNB a atteint 0.43 % du RNB, ce qui constitue un pas dans la bonne direction. Pour atteindre ces cibles tout en assurant la cohérence des financements avec ses priorités géographiques et thématiques, la France devra augmenter sensiblement son aide bilatérale pilotable sous forme de dons.
Recommandation :
La France devrait définir une stratégie pour atteindre un ratio APD/RNB de 0.55 % en 2022 – et 0.7 % d’ici à 2030 – afin de répondre à ses engagements internationaux. D’ici à 2020 au plus tard, elle devra autoriser les engagements nécessaires pour atteindre cet objectif.
La France souhaite augmenter son engagement dans les pays moins avancés (PMA) et les contextes fragiles, mais pour cela elle devra adapter ses procédures pour améliorer sa réponse globale aux crises et assurer un soutien efficace et accru.
Lors de la quatrième Conférence nationale humanitaire de mars 2018, la France a adopté une nouvelle Stratégie humanitaire de la France 2018-2022. La Stratégie vise à adapter l’aide humanitaire de la France à son approche globale dans les contextes de crise, conformément aux engagements pris lors du Sommet humanitaire mondial et du « Grand Bargain », que la France a rejoint en 2017. Cette approche globale implique une interaction croissante entre les éléments militaires et civils, y compris les acteurs humanitaires. Afin de respecter les principes humanitaires auxquels elle est attachée, la France a mis en place depuis longtemps des lignes directrices pour les actions civilo‑militaires de ses forces armées.
Pour autant, le lien plus étroit entre paix, sécurité, développement et aide humanitaire inhérent à l’approche globale exige de respecter les mandats de chaque acteur, afin de préserver leur spécificité et leur crédibilité : aux éléments armés, leur rôle sécuritaire ; aux acteurs de développement, un rôle de lutte contre la pauvreté et les inégalités dans les ODD ; aux acteurs humanitaires, un rôle de réponse d’urgence, afin de préserver les vies et les moyens d’existence. Le retour à la sécurité est un des facteurs de lutte contre la pauvreté, mais la France doit veiller à ne pas subordonner l’aide au développement aux seules problématiques de sécurité, de politique intérieure ou de régulation des flux migratoires.
Compte tenu du souhait de la France d’augmenter son engagement dans les pays les moins avancés (PMA) et les contextes fragiles, l’AFD gagnerait à adapter ses procédures d’instruction et à déléguer davantage ses opérations sur le terrain. Si la France a fortement consolidé son approche des contextes fragiles depuis son dernier examen par les pairs, le circuit décisionnel n’est pas assez souple pour assurer un lien efficace entre l’aide d’urgence ou de stabilisation et le développement. Cela est d’autant plus vrai dans un contexte où le modeste Fonds de stabilisation du Centre de crise et de soutien reste le seul instrument permettant d’engager rapidement des fonds pour prévenir l’escalade des crises.
Recommandations :
La France devrait adopter une approche globale et équilibrée des crises, en préservant la lutte contre la pauvreté comme objectif principal de l’APD, ainsi que les principes de l’action humanitaire.
L’AFD doit continuer à adapter ses procédures pour les rendre plus efficaces. Elle doit notamment instaurer des circuits plus courts entre la période de montage d’un projet et le premier décaissement, aussi bien dans les PMA qu’aux fins de stabilisation et de prévention des crises dans les États fragiles.
La mise en œuvre de la nouvelle Stratégie genre et développement nécessitera d’augmenter les moyens financiers consacrés à l’égalité des genres.
Depuis le dernier examen de 2013, la France a réalisé des progrès du point de vue stratégique, et a mieux intégré l’approche du genre dans ses politiques, modalités d’intervention et instruments. La France a dévoilé sa nouvelle Stratégie genre et développement en mars 2018. La Stratégie tient compte des conclusions de l’évaluation de la stratégie précédente, ainsi que des recommandations de la société civile. Les agents du MEAE ainsi que les opérateurs sont nettement plus sensibilisés qu'auparavant à la thématique « genre et développement ». L’AFD a créé des « boîtes à outils genre » par secteur qui facilitent une perspective transversale et sont à la disposition des experts techniques et chefs de projet. En revanche, seulement 22 % des engagements de la France ciblaient l’égalité femmes-hommes, très en dessous de la moyenne du CAD (40 %). Cela semble contredire la priorité accordée par la France à l’égalité femmes-hommes, tout comme son influence en matière de promotion du genre et des droits humains dans différents forums mondiaux.
Recommandation :
Les moyens financiers visant à promouvoir l’égalité femmes-hommes dans la programmation de l’APD française doivent être renforcés pour affirmer sa volonté de mettre en œuvre cette politique.
La mise en œuvre de la nouvelle Stratégie multilatérale offre l’opportunité d’un dialogue plus stratégique avec les partenaires multilatéraux de la France.
La France a élaboré une Stratégie française pour l’aide multilatérale 2017-2021 en réponse à la recommandation de l’examen par les pairs de 2013. La Stratégie met en avant les dix priorités thématiques et géographiques que défend la France avec succès auprès des conseils d’administrations des institutions financières. Cela lui permet d’orienter ses financements en faveur des pays les plus pauvres et les plus fragiles, ou en faveur d’actions liées au climat. Cependant, la Stratégie n’énonce pas de critères d’affectation précis pour les futures allocations multilatérales. De fait, l’action multilatérale de la France ne s’inscrit pas systématiquement dans un engagement pluriannuel, ce qui nuit à la prévisibilité de ses financements. De même, les différents interlocuteurs français (c’est-à-dire l’AFD, le MEAE, le MINEFI, Expertise France et les ministères sectoriels) auprès des partenaires multilatéraux ne se coordonnent pas systématiquement entre eux et n’ont pas forcément les mêmes priorités ou objectifs.
Recommandation :
La France doit renforcer son dialogue stratégique avec ses partenaires multilatéraux tout en assurant la cohérence de ses politiques et l’efficacité de ses partenariats. Elle doit également améliorer sa coordination interne, fonder ses contributions sur des critères clairs et partager des cadres financiers indicatifs pluriannuels pour une meilleure prévisibilité de son aide multilatérale.
La France s’aligne sur les demandes des pays partenaires, mais pourrait concentrer davantage ses appuis sectoriels bilatéraux.
La répartition de l’aide française sur le terrain se fait largement selon la demande des pays, ce qui favorise l’appropriation et l’alignement de l’aide sur leurs priorités nationales. Cependant, la France a tendance à disperser son aide sur de trop nombreux secteurs, contrecarrant ainsi sa politique générale de coopération, qui préconise de concentrer l’aide sur trois secteurs prioritaires définis conjointement avec chacun de ses pays partenaire. De même, l’examen de ses dotations montre que la France répartit son modeste budget d’aide humanitaire sur un nombre important de crises, aboutissant également à une certaine dispersion. Cette fragmentation peut compliquer la tâche des ambassades et agences locales de l’AFD pour ce qui est de piloter l’aide et d’identifier l’expertise technique adéquate, n’ayant pas forcément les capacités nécessaires pour mener des projets dans tous les secteurs. La mise en place de la programmation conjointe européenne dans 12 de ses 17 pays prioritaires pourrait permettre à la France de mieux concentrer son aide.
Recommandation :
Conformément à ses engagements, la France devrait concentrer son aide dans un nombre limité de secteurs où elle dispose d’une valeur ajoutée pour ses pays partenaires.
Malgré les recommandations de la LOP-DSI, aucune instance ne garantit la cohérence des politiques au service du développement durable.
L’article 3 de la LOP-DSI de 2014 mentionne explicitement l’importance attachée par la France à la cohérence entre les objectifs de sa politique de développement et ses autres politiques publiques, même si la loi n’esquisse aucun mécanisme de suivi, d’analyse ni de redevabilité. Par exemple, dans le domaine de l’éducation, il demeure un manque de synergies, notamment, entre la stratégie dédiée à l’action extérieure de la France pour l’éducation, la formation professionnelle et l’insertion dans les pays en développement, et les activités de Campus France, qui accompagne les étudiants étrangers souhaitant étudier en France. Comme l’examen par les pairs l’avait déjà souligné en 2013, aucun dispositif ne permet de garantir la cohérence des politiques françaises au service du développement durable. En effet, le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) dispose de moyens limités pour élaborer et guider la politique de développement, qui ne lui permettent pas d’assurer la cohérence des politiques. Même si ce n’est pas le cas aujourd’hui, ce Comité pourrait assurer la cohérence et un suivi formel des politiques françaises et de leurs effets sur le développement de pays partenaires.
Recommandation :
La France doit se doter d’un dispositif de gouvernance pour promouvoir la cohérence de ses politiques. Elle doit s’assurer que ses efforts soutiennent, plutôt que freinent, le développement durable de ses pays partenaires, notamment les pays prioritaires.
La France doit relever certains défis
L’APD de la France n’est pas en phase avec les priorités et stratégies définies dans la LOP-DSI, ni avec les conclusions du CICID qui en découlent.
Face à son engagement de haut niveau en faveur d’une augmentation de l’APD, la France devra élaborer une stratégie de mise en œuvre alignée sur sa politique de développement et ses priorités affichées. La France a alloué seulement 14 % de son volume d’APD bilatérale aux 17 pays prioritaires en 2016. Par ailleurs, aucun de ces pays ne figurait parmi les dix principaux bénéficiaires de l’APD française, tous des pays à revenu intermédiaire. Toujours en 2016, l’aide aux PMA représentait seulement 19 % de l’APD bilatérale ventilable de la France en 2016 (contre 37 % pour l’ensemble des pays membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE [CAD]), soit 0.08 % du RNB de la France – bien en dessous de la cible de 0.15 %. D’autre part, le faible niveau d’aide humanitaire (153 millions USD en 2016, soit 1.3 % de l’APD, contre 11 % en moyenne pour l’ensemble du CAD) contredit les objectifs stratégiques de la France.
S’agissant d’allocation géographique, la France n’atteint plus depuis 2012 son objectif régional concernant l’effort financier pour la zone Afrique et Méditerranée. En outre, les indicateurs utilisés par la France pour déterminer ses allocations géographiques en faveur de ses régions et pays prioritaires sont souvent complexes. Ils sont difficilement compréhensibles et vérifiables par le public et le Parlement, et ne distinguent pas suffisamment les pays selon leur niveau de richesse. Par conséquent, ces indicateurs ne donnent pas toujours l’impulsion nécessaire pour atteindre les objectifs politiques de la France.
La France s’appuie largement sur l’instrument des prêts, qui représentaient en 2016 28 % de son APD brute totale (45 % de son APD brute bilatérale). En 2016, 64 % du portefeuille d’APD de l’AFD était composé de prêts. En 2012-2016, la libéralité de l’APD française est d’ailleurs restée tous les ans en dessous de la norme établie par le CAD. Elle s’est même dégradée sur la période, alors qu’elle avait déjà été identifiée comme une faiblesse de la coopération française lors du dernier examen par les pairs. Ce modèle, fondé davantage sur les prêts que les dons, incite l’AFD à investir dans les pays à revenu intermédiaire et dans des secteurs potentiellement profitables, ce qui peut expliquer l’écart entre les priorités affichées et les flux de l’APD française.
La France n’a pas adopté une approche globale pour cibler les personnes les plus démunies au sein des pays partenaires. En revanche, elle s’appuie sur son rôle « d’aiguillon » pour inciter les acteurs de la société civile à agir en amont lorsque l’État ne peut pas intervenir. Par conséquent, elle pourrait apporter un soutien plus important aux organisations non gouvernementales (ONG) pour qu’elles bénéficient davantage aux populations vulnérables, souvent situées dans des localités reculées et difficiles d’accès. Si la France a doublé son aide aux ONG et acheminée par les ONG depuis 2012, son niveau (3 % de l’APD bilatérale) reste très faible comparé à l’ensemble des pays membres du CAD (15 % de l’APD bilatérale).
Recommandation :
La France doit augmenter le volume de l’APD sous forme de dons vers les pays prioritaires (qui sont tous des PMA, y compris un bon nombre de pays fragiles). En même temps, la France doit veiller à ce que les indicateurs d’effort financier qu’elle utilise pour orienter ses allocations géographiques reflètent les priorités stratégiques de sa coopération, y compris en ce qui concerne les PMA, les pays fragiles et le Sahel.
La France doit augmenter la part de son aide bilatérale consacrée aux ONG internationales et locales ou acheminée par le biais de ces ONG.
La France doit continuer à rationaliser son architecture de coopération. Elle doit clarifier son pilotage, améliorer la coordination entre tous les acteurs et assurer une gestion axée sur les résultats.
Expertise France, dont seulement un quart des ressources proviennent de commandes publiques françaises, vise une situation d’autofinancement d’ici à 2020. Elle devrait par ailleurs être intégrée au Groupe AFD en 2019 selon la décision du CICID de 2018. La dispersion de ses activités dans de nombreux secteurs, ainsi que le manque de clarté de son modèle économique et de ses relations avec les autres acteurs de la coopération française à Paris et sur le terrain, exercent une forte pression économique et technique sur l’opérateur, créant ainsi certaines tensions avec le personnel.
En théorie, le MEAE et le Ministère de l’Économie et des Finances (MINEFI) assurent le pilotage stratégique de la coopération, tandis que les opérateurs (dont l’AFD) assurent sa mise en œuvre. En pratique, la frontière entre ces deux fonctions est floue. Les questions de direction et de division du travail – par exemple, entre le MEAE et l’AFD au siège, et entre le Service de coopération et d’action culturelle (SCAC) et l’AFD sur le terrain – ne sont pas toutes clarifiées et conduisent parfois à une duplication des efforts. D’autre part, les capacités de pilotage stratégique du MEAE sont fragilisées par une forte rotation du personnel technique au sein du ministère, alors que l’AFD a de son côté renforcé ses capacités stratégiques au cours des dernières années.
L’AFD dispose de cadres d’intervention ou de stratégies pour certains pays. Cependant, ceux-ci ne sont généralement pas dotées d’un budget indicatif communiqué aux contreparties, ni d’un cadre de performance qui recueillerait les données et les résultats des différents projets mis en œuvre. Par ailleurs, seules les grandes lignes des cadres d’intervention font l’objet d’une discussion avec les pays partenaires. La Direction générale du Trésor dispose également de quelques stratégies pays. Enfin, les ministères sectoriels et les instituts actifs dans la coopération possèdent parfois aussi leurs propres stratégies pays. En revanche, la France n’a pas mis en place des cadres de partenariat englobant l’ensemble des activités de coopération et susceptibles de faciliter le pilotage de la coopération par l’ambassade, soutenir le dialogue avec les autorités nationales et contribuer au suivi des résultats. En présentant des montants, des objectifs et des indicateurs pour toutes les activités, ces cadres contribueraient à une vision d’ensemble et permettraient d’effectuer un meilleur suivi de la coopération française.
Au-delà des 31 indicateurs agrégés (dont 17 concernent l’aide bilatérale) et de l’information recueillie au niveau projet, la France n’a pas identifié les résultats qu'elle souhaiterait atteindre aux niveaux pays, programmatiques ou thématiques. Cela complique d’autant une gestion axée sur les résultats et ne permet pas à la France de déterminer l’impact réel de son appui financier. La mise à jour des différents indicateurs de performance, ainsi que la révision de la loi de 2014, sont l’occasion d’améliorer la cohérence des différents indicateurs avec les ODD afin de les rendre plus pertinents, d’accroître leur utilisation et de développer une culture du résultat. D’autre part, le suivi et les résultats des projets et programmes sont perçus avant tout comme des mécanismes de contrôle et de redevabilité et non de pilotage à travers une gestion axée sur les résultats. Leur utilisation dans l’optique d’améliorer la mise en œuvre des projets et leur pilotage, la communication ou de rehausser l’apprentissage nécessitera de renforcer les ressources humaines et logistiques.
Recommandations :
Dans le cadre de l’intégration d’Expertise France au sein du Groupe AFD, la France devra préciser le modèle économique de l’opérateur et son positionnement dans le système de coopération français, à Paris comme sur le terrain.
La France doit améliorer le pilotage stratégique et la supervision de sa coopération, avec des mandats clairement délimités et assortis de moyens humains.
Pour faciliter le pilotage de sa coopération la France devrait élaborer avec tous ses pays prioritaires des stratégies pays englobant l’ensemble des activités de coopération, de préférence dans le cadre de la programmation conjointe européenne.
La France devrait développer et intégrer la gestion axée sur les résultats dans l’ensemble de ses programmes de coopération au développement, afin que les résultats obtenus (du niveau projet au niveau central) servent à améliorer la redevabilité, le pilotage, la communication et l’apprentissage.