Au cours de la période 2012-2016, l’APD française a reculé de 0.45 % à 0.38 % du RNB du pays, et son allocation géographique ne correspondait pas aux priorités annoncées vers les pays prioritaires de la coopération française. En outre, l’aide humanitaire de la France, son action dans les contextes fragiles, son soutien aux ONG et son aide à l’égalité hommes-femmes sont restés insuffisants par rapport aux ambitions affichées. En revanche, la France a concentré son APD multilatérale sur quelques agences à travers lesquelles elle met en avant ses priorités, elle a développé avec succès des mécanismes innovants de financement du développement et elle dispose aujourd’hui d’une large palette d’instruments catalytiques permettant de soutenir l’engagement et le développement du secteur privé. La France s’est engagée à consacrer 0.55 % de son RNB en 2022, et pour atteindre cette cible, tout en assurant la cohérence avec ses priorités géographiques et thématiques, elle a prévu de et devra augmenter de manière significative son aide bilatérale pilotable sous forme de dons.
Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : France 2018
Chapitre 3. Financement du développement
Abstract
Volume global de l’APD
Indicateur d’examen par les pairs : Le membre met tout en œuvre pour atteindre les objectifs d’APD fixés au niveau national et international
Au cours de la période 2012-16, l’APD française a reculé de 0.45% à 0.38% du revenu national brut (RNB), et son allocation ne correspondait pas aux priorités annoncées de la coopération française. La France s’est engagée à consacrer 0,55% de son RNB à l’APD d’ici 2022, soit une augmentation de près de 6 milliards EUR du volume de l’APD par rapport à 2016. Pour atteindre cette cible tout en assurant la cohérence avec ses priorités géographiques et thématiques, elle a prévu de et devra augmenter de manière significative son aide bilatérale pilotable sous forme de dons et émettre les autorisations d’engagements nécessaires d’ici à 2020 au plus tard.
Le volume et la répartition de l’APD française entre 2012 et 2016 ne correspondent pas à ses engagements
Durant la période sous examen, le volume et la répartition de l’APD ne correspondaient pas aux engagements et priorités de la France, notamment en ce qui concerne le volume total, les pays les moins avancés, les pays prioritaires et l’aide humanitaire. Comme le montre le Graphique 3.1, la diminution de l’APD totale de la France de 10.6 milliards USD (dollars des États-Unis) à 9.6 milliards USD sur la période 2012-16 s’explique principalement par la baisse des dons bilatéraux (OCDE, 2018c). Le rapport APD/RNB a également diminué, passant de 0.45 % à 0.38 % sur la même période, même s’il s’est redressé en 2016 par rapport à 2014 et 2015 (0.37 %, le plus bas niveau depuis 2001). En 2016, la France se situait à la 5e place du CAD en volume d’APD, et à 12e place en pourcentage APD/RNB (Graphique B.1).
La France s’appuie largement sur l’instrument des prêts, qui représentaient, en 2016, 28 % de son APD brute totale (et 45% de son APD brute bilatérale), contre 12 % de l’APD brute totale (et 16% de l’APD brute bilatérale) pour l’ensemble du CAD (annexe B, Tableau B.2). Au cours de la période 2012-16, l’élément de libéralité de prêts APD de la France octroyés aux PMA est d’ailleurs resté tous les ans en dessous du seuil de 90 % établie par le CAD et s’est même d’ailleurs dégradé au fur et à mesure, alors que ce problème avait déjà été identifié comme une faiblesse de la coopération française lors du dernier examen par les pairs (OCDE, 2014). Le modèle de croissance de l’AFD est fondé sur les prêts, et le portefeuille d’APD de l’agence était composé à 64% de prêts en 2016. Ce modèle l’incite sur la période considérée à investir dans les pays à revenu intermédiaire au détriment des pays moins avancés, et dans des secteurs potentiellement profitables, même s’ils appuient la croissance des pays bénéficiaires, au détriment des secteurs sociaux. Cela explique en partie la différence entre les priorités et les allocations réelles de l’APD française, et pour inverser cette tendance, l’AFD devra augmenter sensiblement la part des dons dans son portefeuille (section 3.2) (Assemblée nationale, 2017b ; Coordination SUD, 2017b).
La France s’engage à consacrer 0.55 % de son RNB à l’APD d’ici à 2022
En juillet 2017, le Président Emmanuel Macron s’est engagé à ce que la France consacre 0.55 % de son RNB à l’APD d’ici à 2022. Cela propulserait le niveau de l’APD française de 8.7 milliards EUR (0.38 % du RNB) en 2016 à environ 14.5 milliards EUR en 2022, représentant près de 6 milliards EUR supplémentaires (MEAE, 2018b ; Assemblée nationale, 2017a). Cet engagement a été réitéré lors de la réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018. Il constitue la première étape pour réaliser l’objectif visant à porter l’APD à 0.7 % du RNB d’ici à 2030 – objectif sur lequel la France s’est réengagée dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Pour atteindre la cible intermédiaire des 0.55 %, tout en assurant la cohérence avec ses priorités géographiques et thématiques, la France devra augmenter sensiblement son aide bilatérale pilotable1.
La France s’est fixé des objectifs clairs dans ce domaine : elle a notamment décrété à l’occasion du CICID de 2018 que les deux tiers de la hausse cumulée des autorisations d’engagements d’APD d’ici à 2022 seront alloués à l’aide bilatérale (MEAE, 2018a). L’augmentation de l’aide bilatérale pilotable aura pour corollaire de faire progresser la part des dons dans l’APD bilatérale. Si la France a présenté une trajectoire budgétaire globale (évolution annuelle du rapport APD/RNB entre 2018 et 2022) permettant d’atteindre ces objectifs, elle n’a publié une feuille de route détaillée par secteur, instrument, région ou pays. L’élaboration de la feuille de route française est d’autant plus compliquée qu’il est difficile de faire le lien entre les budgets votés et les montants qui sont finalement comptabilisés en APD (chapitre 5).
L’augmentation de l’APD a déjà pris forme depuis 2017 et le rapport APD/RNB devrait atteindre 0.43 % du RNB en 2017 (OCDE, 2018c), puis 0.44 % en 2018 (MEAE, 2018a). Le Graphique 3.2 illustre les efforts que la France devra entreprendre pour atteindre son objectif dans les prochaines années, comparables à ceux récemment consentis par l’Allemagne et le Royaume-Uni pour atteindre leurs objectifs ambitieux en matière d’APD.
L’Agence française de développement (AFD) étant maintenant en charge de la majorité de l’aide française, il est impératif d’émettre les autorisations d’engagement en 2019 et 2020 au plus tard pour que les décaissements correspondants permettent d’atteindre la cible (mesurée en versements) voulue en 2022. La réalisation de l’objectif pour 2022 sera difficile car cela signifie que les projets correspondants doivent commencer à être instruits très rapidement, dans des pays où la capacité d’absorption de l’aide est faible. La réalisation de cet objectif entraînera aussi un changement de méthode afin d’accélérer les décaissements, notamment en opérant des circuits plus courts et en ciblant directement les bénéficiaires. L’augmentation de l’aide transitant par les organisations non gouvernementales (ONG), de l’aide humanitaire et de l’aide transitant par les collectivités territoriales, ainsi qu’une plus grande utilisation des recettes de la taxe sur les transactions financières (TTF) en faveur du développement, sont autant de moyens pour atteindre l’objectif affiché.
En matière d’allocation géographique, la France s’est réengagée en 2011 à verser 0.15 % de son RNB en APD aux pays les moins avancés dans le cadre de la Déclaration d’Istanbul (Nations Unies, 2011). En 2016, l’APD de la France aux pays les moins avancés ne s’élevait qu’à 0.08 %, soit bien en deçà de la cible, et légèrement en dessous de la moyenne de l’ensemble des pays du Comité d’aide au développement de l’OCDE (CAD) (0.09 %)2.
La notification au CAD de l’APD de la France s’est améliorée
La notification au CAD de l’APD française s’est améliorée au cours des dernières années. La notification des données 2016 est complète, bien que la qualité de certaines informations (dates d’engagement, terme des prêts, type d’aide, descriptions des activités et canal d’acheminement de l’aide) pourrait encore être améliorée.
Répartition de l’aide bilatérale
Indicateur d’examen par les pairs : les apports d’aide sont répartis conformément à la déclaration d’intention et aux engagements internationaux
Lors de la période sous examen, l’allocation géographique de l’aide bilatérale française ne correspondait pas aux priorités annoncées, puisque les pays prioritaires de la France ne figuraient pas parmi les principaux bénéficiaires de son aide. La France a alloué une part importante de l’aide bilatérale aux infrastructures économiques, aux frais d’écolage et aux bourses dans l’enseignement supérieur en France. Elle a réalisé près de la moitié de ses activités en co-bénéfice climat. D’autre part, son aide humanitaire, son action dans les contextes fragiles, son soutien aux organisations non gouvernementales (ONG) et son aide à l’égalité hommes-femmes sont restées insuffisantes par rapport aux ambitions affichées. Dans les pays, l’aide de la France est dispersée sur plus de trois secteurs, allant à l’encontre des objectifs de la politique générale de la coopération française.
L’APD de la France n’est pas suffisamment consacrée à ses pays prioritaires
Lors de la période sous examen, l’allocation géographique de l’aide bilatérale française ne correspondait pas aux priorités annoncées (aide aux pays les moins avancés et pays prioritaires). La France n’a plus atteint depuis 2012 son objectif régional concernant l’effort financier3 pour la zone Afrique et Méditerranée (MEAE, 2018b et données provisoires 2016 fournies par le MEAE)4. En outre, cet objectif ne porte pas sur la totalité de la composante prêts de l’APD, et ne distingue pas les pays selon leur richesse et leurs besoins5. En fait, la majorité de l’APD française dirigée vers la zone Afrique et Méditerranée a été allouée à des pays à revenu intermédiaire, dont l’Afrique du Sud, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Égypte ou le Maroc, qui figuraient parmi les dix premiers bénéficiaires de l’aide française en 2015-16 (Tableau B.4).
En revanche, aucun des 17 pays prioritaires ne figurait parmi ses dix premiers bénéficiaires de l’aide bilatérale en 2016, et seul un d’entre eux figurait parmi les 20 premiers. En 2016, seulement 14 % de l’APD bilatérale française a été allouée aux 17 pays prioritaires, et même en analysant uniquement les dons, on observe que seulement 25 % de son APD bilatérale a été allouée à ces pays6 (OCDE, 2018c). Toujours en 2016, les pays les moins avancés ne représentaient que 19 % de l’APD bilatérale ventilable française, contre 37 % pour l’ensemble des pays membres du CAD. L’APD de la France aux pays les moins avancés a d’ailleurs reculé en volume pendant la période sous examen, passant de 1.26 milliards USD en 2012 à 1.05 milliards USD en 2016 (Graphique 3.3; annexe B, Tableau B.3).
L’augmentation considérable de son APD prévue par la France dans les cinq prochaines années lui donnera la possibilité d’augmenter sensiblement son engagement effectif dans les pays les plus pauvres, et en particulier dans ses pays prioritaires. La France définit ses priorités en fonction de la valeur ajoutée qu’elle peut apporter ; c’est une bonne pratique. Le CICID de février 2018 a ainsi réaffirmé les priorités géographiques de la France en faveur de 19 pays prioritaires (section 2.1), (MEAE, 2018a). Le Sahel est une région prioritaire, en raison de sa situation sécuritaire, des flux de migration et des liens historiques et linguistiques qui le lient à la France. La nouvelle doctrine d’engagement dans les contextes fragiles est mise à l’épreuve dans cette région.
L’APD bilatérale est trop fragmentée et insuffisamment orientée vers l’éducation de base, l’égalité hommes-femmes et les ONG
La LOP-DSI de 2014 définit les principaux secteurs d’intervention de la coopération française (chapitre 2). Si la part de l’aide affectée à l’éducation est relativement importante (16 % des engagements bilatéraux en 2015-16), elle est majoritairement consacrée aux frais d’écolage et bourses dans l’enseignement supérieur en France (70 % des engagements dans le secteur de l’éducation), alors qu’une part minime (5 %) est allouée à l’éducation de base dans les pays partenaires. La part de l’aide bilatérale affectée à la santé est faible (2 %), mais seulement parce que la France utilise le canal multilatéral pour soutenir ce secteur (section 3.3). Le secteur de la gouvernance a bénéficié de 4 % de l’APD bilatérale française. Quant à l’aide en faveur de la distribution d’eau et l’assainissement, elle est passée de 6 % à 10 % des engagements bilatéraux entre 2011-12 et 2015-16 (annexe B, Tableau B.5).
Le secteur des infrastructures économiques représente une grande partie de l’APD bilatérale de la France. C’est notamment le cas de l’énergie (14 %) et des transports (7 %), qui ont bénéficié de prêts accordés par l’AFD principalement dans les pays à revenu intermédiaire, par exemple au Maroc (annexe C). Le secteur de l’agriculture représente pour sa part 6 % de l’aide bilatérale. D’autre part, le faible niveau d’aide humanitaire (153 millions USD en 2016, soit 1 % de l’APD, contre 11 % pour l’ensemble du CAD) est en contradiction avec les objectifs stratégiques de la France. En 2016, le pays a engagé 2.0 milliards USD dans les contextes fragiles, soit 27% de son APD bilatérale, un pourcentage inférieur à celui de l’ensemble du CAD (33 %) (annexe B, Tableau B.3). Ainsi, la France met des moyens modestes au service de ses ambitions renouvelées dans les contextes fragiles.
L’aide pays programmable représente 66.4 % de l’APD totale de la France, au-dessus de de l’ensemble des pays du CAD (46.4 %). Pour ce qui est des priorités transversales, 45 % des engagements bilatéraux d’APD ciblaient l’atténuation et/ou l’adaptation au changement climatique et seulement 22 % des engagements7 ciblaient l’égalité hommes‑femmes (contre 40 % pour l’ensemble des pays du CAD) (OCDE, 2018a). Le rapport entre les dons et les prêts, et le manque de concentration sur les pays prioritaires expliquent l’écart entre les priorités affichées et les flux d’APD observés, à l’exception de la priorité climat, qui de fait est un secteur prioritaire dans les pays à revenu intermédiaire pour l’atténuation. Par ailleurs, la France a doublé depuis 2012 son aide aux ONG et acheminée par les ONG mais le niveau de cette aide (3% de l’APD bilatérale) reste très faible comparé à l’ensemble des pays membres du CAD (15 % de l’APD bilatérale) (OCDE, 2018c).
La répartition de l’aide sur le terrain s’opère largement selon la demande du pays, ce qui favorise l’alignement de l’aide sur les priorités nationales et son appropriation. Cependant, cela peut parfois conduire à une dispersion de l’aide sur de trop nombreux secteurs, allant ainsi à l’encontre des objectifs de la politique générale de la coopération française, qui préconise de choisir trois secteurs de concentration dans chaque pays (chapitre 2). Lors de ses visites sur le terrain, l’équipe d’examinateurs a noté que malgré ses priorités officielles, la France avait tendance à être active dans tous les secteurs. C’était particulièrement le cas au Niger, mais également, dans une moindre mesure, au Maroc (annexe C). Cette fragmentation peut aussi compliquer le pilotage de l’aide et l’identification de l’expertise technique adéquate par les ambassades et les agences locales de l’AFD, qui n’ont pas forcément les capacités pour mener des projets dans tous les secteurs.
Répartition de l’aide multilatérale
Indicateur d’examen par les pairs : le membre utilise efficacement le canal multilatéral d’acheminement de l’aide
L’APD multilatérale de la France est concentrée sur quelques agences, pour lesquelles elle est l’un des donateurs principaux et à travers lesquelles elle met en avant ses priorités géographiques et thématiques, mis à part l’égalité hommes-femmes. En particulier, la France utilise le canal multilatéral pour soutenir ses efforts dans le domaine de la santé. Les contributions de la France financent le budget général des agences bénéficiaires, renforçant ainsi le système multilatéral.
L’APD multilatérale de la France est concentrée sur quelques agences multilatérales, et répond aux priorités régionales et thématiques françaises
La part de l’aide multilatérale dans l’APD brute de la France a augmenté de 31 % à 37 % entre 2012 et 2016, principalement en raison de la baisse du volume de l’aide bilatérale. Le volume de l’aide multilatérale a légèrement augmenté et sa répartition est restée stable sur la période d’examen. La France concentre son aide sur quelques agences multilatérales prioritaires, qu’elle utilise pour mettre en avant ses priorités géographiques et thématiques. Les agences bénéficiaires sont les institutions de l’Union européenne (2.56 milliards USD, ou 57 % de l’APD multilatérale en 2016) ; la Banque mondiale (10 %) ; le Fonds mondial (8 %) ; et la Banque africaine de développement (4 %) (annexe B, Tableau B.2). En 2016, la France a notifié pour la première fois des contributions à la nouvelle Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, créée en 2014 par la Chine et dont la France est devenue membre en juin 2016 (chapitre 5, Encadré 5.1) ; ces contributions s’élevaient à 234 millions USD, soit 5 % de l’APD multilatérale française (OCDE, 2018c).
La France souhaite que ses financements multilatéraux soient complémentaires avec ses financements bilatéraux, et plaide auprès des banques multilatérales afin qu’elles prennent mieux en compte les questions climatiques dans leurs financements (chapitre 2). Du point de vue géographique, elle appuie prioritairement les institutions engagées en faveur des pays les moins avancés, des États fragiles et de l’Afrique subsaharienne, ce qui est bien le cas de l’Association internationale de développement de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement et du Fonds mondial, et dans une moindre mesure, de l’Union européenne (OCDE, 2018c). Dans leur très grande majorité, les contributions de la France sont destinées à financer le budget général des agences bénéficiaires, favorisant ainsi la durabilité financière et l’indépendance du système multilatéral (chapitre 2).
La France utilise très largement le canal multilatéral pour délivrer son aide à la santé : elle est le deuxième bailleur du Fonds mondial depuis sa création, auquel elle a contribué 300‑350 millions EUR par an entre 2012 et 2017. Elle contribue également à l’UNITAID (100 millions EUR en 2015, ce qui en fait le premier donateur) ; à la Facilité internationale pour le financement des vaccinations (avec un engagement de 1.4 milliards EUR jusqu’en 2026) ; et à l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI), dont elle est le quatrième bailleur souverain (MEAE, 2017). La France utilise également le canal multilatéral et les fonds thématiques (Fonds pour l’environnement mondial et Fonds vert) en complément de son action dans les domaines de l’environnement et la lutte contre le changement climatique. En outre, elle agit désormais dans le domaine de l’éducation, puisque le président Macron a annoncé une forte augmentation de la contribution de la France au Partenariat mondial pour l’éducation lors de la conférence de financement du Partenariat mondial pour l’éducation, qui s’est déroulée en février 2018 à Dakar. Cette contribution totalisera 200 millions EUR pour la période 2018-20 (MEAE, 2018a).
En revanche, la France utilise moins le canal multilatéral pour soutenir la thématique de l’égalité hommes-femmes et les agences interrogées par l’équipe de l’examen n’ont pas fait état d’un plaidoyer systématique de la France dans ce domaine. En outre, elle contribue modestement aux fonds et programmes dédiés des Nations Unies. Ces dernières années, sa marge de manœuvre pour augmenter et ajuster ses allocations était limitée, mais elle s’est engagée lors de la réunion du CICID en février 2018 à rehausser ses contributions aux Nations unies, notamment dans le domaine humanitaire et dans celui de la sécurité alimentaire. La France souhaite également continuer à influencer le système des Nations Unies dans les domaines de l’environnement (Pacte mondial pour l’environnement) et la lutte contre le changement climatique (Convention climat).
Financement du développement
Indicateur d’examen par les pairs : le membre promeut et catalyse des financements en faveur du développement qui sont additionnels à l’APD
La France a développé avec succès des mécanismes innovants de financement du développement, dont la taxe sur les transactions financières (TTF) ; la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) ; les facilités « 1 % eau », « 1 % déchet » et « 1 % énergie » ; et les contrats de désendettement et de développement (C2D). La poursuite du développement de ces mécanismes pourra aider à leur reproductibilité par d’autres donneurs et renforcer le rôle de la France comme fer de lance dans ce domaine. En outre, la France dispose d’une large palette d’instruments catalytiques permettant de soutenir l’engagement et le développement du secteur privé, et notifie au CAD une grande partie de ses apports hors APD.
La France a développé avec succès des mécanismes innovants de financement du développement
En 2015, la France a adopté le Programme d’action d’Addis-Abeba et le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Elle a également joué un rôle majeur dans l’Accord de Paris sur le climat lors de la réunion de la 21e Conférence annuelle des Parties (COP21), qu’elle a organisée. Ces trois programmes d’action comprennent des engagements très importants en matière de financement du développement. Ils reconnaissent le besoin de mobiliser les ressources intérieures publiques, les financements privés et les financements innovants en complément de l’APD afin d’atteindre les objectifs de développement durable des pays en développement.
D’autre part, la France a développé avec succès des mécanismes de financement innovants, la taxe sur les transactions financières (TTF) et la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), qui ont conjointement rapporté plus d’1 milliard EUR pour l’APD en 2017 et devraient représenter le même montant en 2018 (Encadré 3.1). Cependant, une part importante des recettes de la TTF a été utilisée à d’autres fins que le développement8 ; en outre, son plafonnement et sa substitution – plutôt que son addition ‑ ces dernières années aux crédits budgétaires d’APD pourraient nuire tant à sa crédibilité qu’à sa reproductibilité par d’autres pays. Des pistes ont été étudiées pour augmenter le taux de la TTF et en accroître la part des recettes affectées au développement (Coordination SUD, 2017a ; Assemblée Nationale, 2017b). Leur mise en œuvre pourrait aider la France à atteindre ses objectifs ambitieux en matière de volume d’APD dans les prochaines années.
Une large palette d’instruments pour le développement du secteur privé, adaptée aux besoins des pays en développement
La France dispose, principalement par le biais du Groupe AFD, d’une palette d’instruments (prêts, fonds de garantie, prises de participation et assistance technique) pour développer le secteur privé dans les pays en développement. L’assistance technique peut intervenir en appui aux maîtrises d’ouvrage dans la réalisation de construction d’infrastructures, intermédiation bancaire, microfinance, aide à la régulation du secteur privé, soutien à l’incubation des petites et moyennes entreprises, comme au Maroc et au Niger, où elle est très appréciée. En outre, la France accorde des prêts non souverains (comme par exemple au Maroc) pour soutenir certains projets jugés suffisamment rentables. En 2016, le montant de ces prêts non-souverains provenant de l’AFD s’élevait à 958.4 millions USD et un montant de 924.2 millions USD provenait de Proparco. En 2016, les montants de ces prêts non-souverains s’élevaient à 958.4 millions USD provenant de l’AFD et 924.2 millions USD provenant de Proparco9. Elle accorde ces prêts à des entreprises privées ou publiques, sans garantie de l’État (annexe C).
Dans les pays à revenu intermédiaire, la France se sert aussi de prêts pour mobiliser d’autres apports financiers, particulièrement en provenance des ressources nationales. Ils sont octroyés dans les secteurs des infrastructures, du développement urbain, de l’environnement et de l’appui au secteur productif, comme observé au Maroc dans les domaines de l’énergie renouvelable, de l’eau ou des transports (annexe C). Les prêts de l’AFD sont souvent assortis d’une assistance technique et complètent les contributions d’autres partenaires (Banque européenne d’investissement, Banque européenne de reconstruction et de développement, KfW, Banque mondiale, Banque africaine du développement) dotés de capacités de financement importantes, ainsi que les apports de l’État.
D’autre part, Proparco, filiale de l’AFD, soutient les acteurs du secteur privé sous forme de prêts et de participations. Son activité en forte croissance répond aux priorités de la France : sa stratégie 2017-21 a pour objectif de doubler ses engagements annuels de 1.05 milliard EUR en 2015 à 2 milliards EUR en 2020); et de faire passer ses prises de participation de 10 % à 25% de son activité afin de tripler ses impacts en faveur du développement durable dans les domaines de l’emploi, du climat, de l’innovation, de l’éducation, de la santé et des infrastructures énergétiques (Proparco, 2017). En outre, Proparco souhaite renforcer son action en Afrique et dans les pays fragiles. Afin de réaliser cet objectif positif, elle devra adapter ses procédures, en réduisant par exemple le « ticket d’entrée » aux prêts ou en faisant appel à des intermédiaires financiers locaux.
Parmi les initiatives visant à développer le secteur privé figurent le « Compact with Africa » du G20 pour la promotion de l’investissement privé (notamment dans les infrastructures), où la France a joué un rôle clef avec l’Allemagne; le concept de « cascade », qui vise la création de marchés et l’augmentation du financement privé, dont la France est un soutien important (Banque mondiale/FMI, 2017); et le futur Fonds commun STOA entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), dédié aux infrastructures, et dont la moitié (300 millions EUR sur sept ans) sera consacré à l’Afrique10. Par ailleurs, la France a élaboré des actions pour abaisser le coût des transferts de fonds des migrants vers leurs pays d’origine11 - transferts qui s’élevaient en 2016 à 12.5 milliards USD12, soit plus que l’APD totale de la France - ainsi qu’un programme permettant d’accompagner les membres des diasporas dans la création d’entreprises dans leur pays d’origine13.
La France notifie au CAD une grande partie de ses apports hors APD
La France notifie au CAD ses apports du secteur public autres que l’APD, notamment les prêts de Proparco. Elle a participé en outre à l’enquête réalisée par l’OCDE en 2016 sur les montants mobilisés par le secteur public en soutien au secteur privé, enquête qui a montré qu’elle a mobilisé 2.8 milliards USD sur la période 2012-15 (OCDE, 2018b). La France a de plus commencé à intégrer ces informations dans sa notification régulière au CAD, suivant ainsi les directives du Comité14. En revanche, elle ne notifie que partiellement au CAD les prises de participation de Proparco et ne notifie plus du tout les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public (provenant de la Coface)15.
Encadré 3.1. La France à la pointe des financements innovants
Sous l’impulsion de la France et du Brésil, la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) a été adoptée en septembre 2005 par cinq pays1 lors de la Conférence ministérielle de Paris sur les financements innovants du développement2. Cette taxe, dont les recettes sont entièrement consacrées au développement international, permet de lever environ 210 millions EUR par an depuis 2006.
La taxe sur les transactions financières (TTF) a été mise en place en France le 1er août 2012. Cette taxe s’applique aux transactions d’actions des entreprises françaises cotées en bourse et dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard EUR ; son taux initial était de 0.2 %, relevé à 0.3 % en 2017.3 La moitié des recettes de la TTF sont consacrées au développement, et la taxe ne s’applique pas aux transactions journalières4. Les recettes de la TTF consacrées à l’APD s’élevaient à 497 millions EUR en 2016 et 798 millions EUR en 2017 ; ce même montant est prévu pour 2018.
Au total, ces financements innovants représentent donc 1 008 millions EUR par an pour l’APD en 2017 et 2018. Un fonds dédié, le Fonds de solidarité pour le développement, a été établi pour percevoir les recettes de la TTF et la TSBA. Pour la première fois, la Loi de finances pour 2018 précise en annexe l’utilisation des recettes des financements innovants alloués au développement. En 2017-18, celles-ci sont principalement consacrées à la santé (Fonds mondial, IFFIm et Unitaid) ; au climat et à l’environnement (Fonds vert, projets bilatéraux de l’AFD, LDC Fund) ; et à la Facilité pour l’atténuation des vulnérabilités et la réponse aux crises de l’AFD. La France est Secrétaire permanent du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement. Lors de la réunion du CICID en février 2018, elle a réaffirmé son soutien à l’élargissement de la TTF aux autres pays de l’Union européenne.
La France a également élaboré d’autres moyens innovants de financement du développement :
Depuis 2015, les facilités « 1 % eau », « 1 % déchet » et « 1 % énergie » permettent aux collectivités locales françaises de financer des projets afférents dans les pays en développement.
les contrats de désendettement et de développement (C2D) qui prennent la forme d’un refinancement en dons de créances d’APD, réaffectés au financement de projets et programmes de lutte contre la pauvreté, ou à l’émission d’obligations « climat ». Depuis 2001, la France a signé 33 C2D avec 18 pays ; à la fin de 2014, près d’1.7 milliard EUR avaient déjà été refinancés sous forme de dons aux pays bénéficiaires.
1. Le Brésil, le Chili, la France, la Norvège et le Royaume-Uni.
2. Elle concerne tous les billets d’avions au départ du pays participant ; elle représente en France 1.13 EUR à 45.07 EUR par billet, selon le type et la classe du vol.
3. Elle comprend également deux autres dispositifs : une taxe sur les ordres annulés dans le cadre d’opérations à haute fréquence et une taxe sur les acquisitions de contrats d’échange sur défaut d’un État (credit default swaps).
4. Le Parlement avait voté en 2016 l’extension de la TTF aux transactions journalières (intraday) à partir du 1er janvier 2018, mais cette disposition a été annulée par le nouveau Parlement en 2017 (Coordination SUD, 2017).
Sources : AFD (2017), Revue de la politique du C2D, AFD, www.afd.fr/fr/revue-de-la-politique-du-contrat-de-desendettement-et-de-developpement-c2d (consulté le 27 février 2018) ; MEAE (2018b), « Document de Politique Transversale: Politique française en faveur du développement », www.performance‑publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/pap/pdf/DPT/DPT2018_politique_developpement.pdf ; MEAE (2017), « Mémorandum de la France sur ses politiques de coopération : Comité d’aide au développement, OCDE » ; MEAE (2016), Revue de la politique du contrat de désendettement et de développement, www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/13827_revue-de-la-politique-du-contrat-de-desendettement-et-de-developpement (consulté le 27 février 2018) ; Toustou, E. (2014), « Prendre les airs coûte plus cher », L’Express, https://votreargent.lexpress.fr/consommation/prendre-les-airs-coute-plus-cher_1583837.html (consulté le 13 mars 2018).
Références
AFD (2017), Revue de la politique du C2D, AFD, www.afd.fr/fr/revue-de-la-politique-du-contrat-de-desendettement-et-de-developpement-c2d (consulté le 27 février 2018).
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Assemblée nationale (2017b), « Rapport d’information déposé par la Commission des affaires étrangères en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 27 avril 2016 sur sur les acteurs bilatéraux et multilatéraux de l’aide au développement », www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i4524.pdf (consulté le 09 mars 2018).
Banque mondiale/FMI (2017), « Forward Look: a Vision for the World Bank Group in 2030 – Progress and Challenges », http://siteresources.worldbank.org/DEVCOMMINT/Documentation/23745169/DC2017-0002.pdf (consulté le 19 mars 2018).
Coordination SUD (2017a), « Premier test-clé du quniquennat pour la solidarité internationale », www.coordinationsud.org/wp-content/uploads/PLF-2018-Coordination-Sud-vf-web.pdf (consulté le 19 mars 2018).
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Lemmet, S. et P. Ducret (2017), Pour une stratégie française de la finance verte, www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2017/rapport_finance_verte10122017.pdf (consulté le 09 février 2018).
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Toustou, E. (2014), « Prendre les airs coûte plus cher », L’Express, https://votreargent.lexpress.fr/consommation/prendre-les-airs-coute-plus-cher_1583837.html (consulté le 13 mars 2018).
Notes
← 1. Par nature, ses prêts bilatéraux bénéficient principalement aux pays à revenu intermédiaire, qui ne font pas partie de ses pays prioritaires. De plus, une grande part des dons français sont consacrés aux frais d’écolage et bourses (11 % de l’APD bilatérale brute en 2016), ainsi qu’à l’accueil de réfugiés en France (6 %) (annexe B, tableau B.2) En outre, la France exerce un contrôle limité sur l’allocation de son aide multilatérale vers ses priorités.
← 2. Ces chiffres tiennent compte des apports bilatéraux et des apports multilatéraux imputés (annexe B, tableau B.7).
← 3. Subventions de la mission APD + coût-État des prêts d’APD de l’AFD et des prêts concessionnels du Trésor + coût des annulations de dette octroyées dans le cadre du Club de Paris (MEAE, 2018b, page 16).
← 4. L’effort financier de l’État et les cibles étaient les suivants :
← 5. Un rapport du Sénat sur le contrat d'objectifs et de moyens 2014-2016 de l’AFD souligne également le problème lorsqu’il s’agit de mesurer l’aide aux pays prioritaires (Sénat, 2014).
← 6. Données 2016 en proportion de l’APD bilatérale brute, excluant l’aide bilatérale non spécifiée.
← 7. Ce pourcentage est calculé uniquement sur les activités notées selon le marqueur genre (soit 82 % de ses activités pour la France) ; il diffère du pourcentage (19 %) figurant dans le tableau B.5 (annexe B), qui est calculé sur le total de l’aide bilatérale ventilable.
← 8. Si la TTF n’était pas initialement destinée totalement au financement du développement, de nombreux intervenants – y compris le président Macron, lors de son discours du 26 septembre 2017 à la Sorbonne (Macron, 2017) – ont appelé à utiliser une plus grande partie – ou même la totalité – de cette taxe en faveur du développement.
← 9. La quasi-totalité des prêts non-souverains octroyés par l’AFD sont de l’APD tandis que ceux octroyés par Proparco ne le sont pas.
← 10. Le Fonds STOA devra favoriser les investissements compatibles avec l’Accord de Paris et rechercher un effet de levier sur les fonds privés (Lemmet et Ducret, 2017).
← 11. Comprenant, par exemple, la mise en place d’un site comparatif des prix affichés par les services de transferts de fonds (www.envoidargent.fr).
← 12. Voir le site de la Banque mondiale : www.worldbank.org/en/topic/migrationremittancesdiasporaissues/brief/migration-remittances-data
← 13. Le programme franco-allemand « MEETAfrica » de Mobilisation européenne pour l’entreprenariat en Afrique (http://meetafrica.fr/).
← 14. La France a été moteur dans cette notification, notamment dans le cadre du Climate Change Expert Group et des financements privés mobilisés en faveur du climat et du développement.
← 15. D’autre part, la France notifie les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public provenant de Bpi-France international mais seulement dans cadre du Groupe Crédits Export.