Ce rapport d’examen par les pairs analyse les progrès accomplis depuis l’examen de 2016, souligne les réussites et les difficultés rencontrées et formule des recommandations pour l’avenir. Le rapport a été préparé avec le concours des examinateurs de la République tchèque et du Japon et a bénéficié du soutien du Secrétariat de l’OCDE.
L’Espagne, qui se classe au 13e rang des membres du Comité d'aide au développement (CAD) en termes de volume d’aide publique au développement (APD), a récemment engagé un vaste programme de réforme de sa coopération pour le développement, bénéficiant d’un important soutien public. Il est notamment prévu de réformer le cadre législatif et réglementaire, de définir de nouvelles priorités et de nouveaux objectifs pour la coopération espagnole, et d’accroître le budget de d’APD.
L’Espagne s’est engagée au plus haut niveau à mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le gouvernement espagnol a érigé la coopération internationale en politique nationale, centrale à son action extérieure, afin d’en faire un levier et un catalyseur pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) à l’échelle mondiale, et il s’est engagé à renforcer les mécanismes de cohérence des politiques. En reliant clairement ses cadres de coopération bilatérale (Marcos de Asociación País, MAP) aux ODD, l’Espagne aide également ses partenaires à faire progresser le Programme 2030 localement. Dans sa communication avec le public et le parlement, l’Espagne a renforcé la transparence et la redevabilité vis-à-vis de son soutien public total au développement durable (TOSSD) et de l’aglinement de sa coopération sur les ODD.
Dans les contextes fragiles, les activités en faveur du développement et de la paix sont étroitement liées, conformément à la Recommandation du CAD sur l’articulation entre action humanitaire, développement et recherche de la paix. L’Espagne mène une action de médiation dans les situations de conflit et de coopération culturelle afin d’instaurer un environnement propice à une paix durable et de faciliter la résolution des conflits, renforçant ainsi son engagement politique à long terme dans les processus de paix. Les ONG sont un atout important. Si elles mettent en œuvre 56 % de l’APD bilatérale espagnole, cette proportion atteint 86 % dans les contextes fragiles, ce qui permet à l’Espagne d’agir à un niveau très local, renforçant ainsi la confiance et la participation.
L’Espagne accorde une importance particulière à la collaboration avec les institutions de l’Union européenne (UE) et d’autres partenaires. Troisième pays assurant la mise en œuvre de la coopération déléguée de l’UE, l’Espagne s’efforce d’influencer la politique de développement de l’UE à Bruxelles de façon à mettre davantage l’accent sur l’inclusion. La coopération déléguée de l’UE et les investissements bilatéraux de l’Espagne sont complémentaires. L’Espagne travaille également avec des banques multilatérales de développement et des institutions de financement du développement de façon à combiner financements remboursables et non remboursables et à élargir la gamme des instruments dont elle dispose.
L’Espagne soutient activement les partenariats horizontaux et l’apprentissage mutuel. En mettant à profit l’expertise technique du secteur public, l’Espagne contribue à renforcer le partage des connaissances et à pérenniser des réseaux à l’appui de solutions régionales aux défis locaux et mondiaux. L’ensemble des parties prenantes apprécient le processus des MAP et le dialogue mené au niveau local. L’attention portée à l’appropriation, à la transparence, à l’inclusivité et aux engagements à long terme renforce la confiance, tandis que les dialogues entre pairs ont pour effet de faciliter l’engagement sur des questions difficiles et de mobiliser les pays à revenu intermédiaire autour des ODD.
La consultation et l’inclusion sont au cœur de l’approche de l’Espagne en matière de coopération pour le développement – une nécessité compte tenu de la diversité de son système. Sur le plan intérieur, l’Espagne a mis au point des approches impliquant l’ensemble de l’administration et de la société, et le pays peut désormais s’exprimer d’une seule voix sur des défis majeurs tels que les remises de dette ou la reprise post COVID‑19. Dans les pays partenaires, l’Espagne a réussi à conclure des accords de partenariat bilatéraux exhaustifs fondés sur un dialogue ouvert avec les parties prenantes des pays partenaires et l’ensemble des acteurs de la coopération, y compris la société civile et les autorités locales et régionales. Ce dialogue inclusif permet à certaines voix, habituellement peu perçues, de se faire entendre.
Si la diversité est une force de la coopération espagnole pour le développement, elle ne va pas sans difficultés. N’étant responsable que d’une part limitée du budget de l’APD, le Secrétariat d’État à la Coopération internationale (SECI) éprouve des difficultés à faire évoluer l’ensemble des acteurs en présence vers une stratégie intégrée et à tirer pleinement parti de leurs complémentarités. Ces défis pourraient être relevés lors de l’élaboration du prochain Plan directeur par le renforcement du poids politique du Secrétariat et une division du travail plus claire.
La diversité des partenariats peut rendre complexe la mise en œuvre de programmes ciblés et prévisibles dans les pays ou territoires. En tant que documents exhaustifs, les MAP sont parfois perçus comme comprenant de multiples priorités mais de petits projets. Les projets délégués de l’UE ou financés par le Fonds pour la promotion du développement (FONPRODE) ne sont en outre pas systématiquement intégrés aux MAP, ce qui limite la capacité de l’Espagne à relier sa coopération technique et sa coopération financière et à mobiliser son solide réseau de connaissances et de relations au niveau local. Bien que les bureaux de coopération technique déploient des efforts considérables pour renforcer la cohérence de l’ensemble du système de coopération pour le développement de l’Espagne au niveau local, cela exige d’importantes ressources en personnel.
Le partage des connaissances et l’apprentissage institutionnel sont des chantiers en cours. Malgré des efforts impressionnants pour rendre compte des résultats au niveau institutionnel et pour renouveler les cadres de résultats de sa programmation pays, l’Espagne ne dispose que d’une capacité limitée à collecter des résultats ou à appréhender pleinement les résultats de son assistance technique publique. Les efforts déployés pour améliorer l’apprentissage institutionnel se heurtent à l’absence de vision stratégique pérenne. Le partage des connaissances, la prise de décision et le pilotage pourraient être améliorés par une collecte de données plus systématique et le renforcement du suivi des résultats et de la circulation ascendante de l’information.
Il est fondamental de remédier aux difficultés en matière de ressources humaines. La division entre, d’une part, les généralistes à Madrid et, d’autre part, les experts à l’étranger n’ayant que peu de possibilités de travailler dans les services centraux engendre un système clivé. Le manque de possibilités d’évolution de carrière, les mauvaises conditions d’emploi, la complexité des dispositions contractuelles, ainsi que le recours limité au vivier de talents locaux sont autant d’éléments qui pèsent sur la capacité de l’Espagne à attirer et à retenir les talents, mais également à exploiter les connaissances internes. La réforme globale à venir est l’occasion de réévaluer les compétences qui seront nécessaires, et dans quels domaines, afin de matérialiser l’ambition de l’Espagne.
Un certain nombre de lois et de règlements entravent considérablement la flexibilité, la prévisibilité et l’efficience du programme de développement espagnol. Les difficultés à fournir des financements pluriannuels ainsi que la longueur des procédures d’approbation et de reporting axées sur les ressources et les réalisations plutôt que sur les résultats font peser une charge administrative sur toutes les parties prenantes et nuisent à l’efficience et à la qualité des partenariats. La réforme de ce cadre réglementaire sera essentielle pour que l’Espagne parvienne à mobiliser tous les instruments dont elle dispose.
En particulier, les dispositions institutionnelles actuelles de l’Espagne entravent la coopération financière. Le processus d’approbation des opérations du FONPRODE est extrêmement lourd et fastidieux, d’autant plus si l’on considère le faible volume des opérations concernées. Le modèle du FONPRODE ne lui confère qu’une capacité limitée à piloter et à diriger les opérations puisque les services bancaires et les conseils financiers sont fournis en dehors de l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID), l’agence de mise en œuvre. Le FONPRODE pourrait tirer davantage parti de son appartenance à l’AECID pour faire du développement durable un élément central de ses opérations, en s’appuyant sur l’architecture existante et en recherchant une plus grande complémentarité entre la coopération technique et la coopération financière.
La politique humanitaire de l’Espagne adopte une vision globale et affiche de nouvelles ambitions, mais les instruments mis au point sont de portée limitée. Le nouveau fonds humanitaire de relèvement précoce, par exemple, couvre l’assistance humanitaire initiale, plus six mois de financement. Toutefois, cela ne reflète bien souvent pas la réalité des contextes fragiles où la transition vers un développement précoce nécessite des approches plus souples et moins fragmentées, qui s’inscrivent dans un continuum plus vaste de la gestion de crise au développement.
L’Espagne n’a pas respecté l’engagement qu’elle avait pris au niveau national de consacrer 0.4 % de son RNB à l’APD à l’horizon 2020. Pourtant, des signes positifs montrent que la coopération espagnole pour le développement évolue dans le bon sens : fort d’un important soutien public en faveur de la coopération pour le développement, le budget 2022 prévoit la plus forte augmentation de l’APD depuis une décennie.